Vous êtes sur la page 1sur 594

:FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.176.

n
id e 12e éditio
m é m o ir e ide
mémoire
a g e m e n t
Man
mie
e t é co n o
re p r i s es
a g e m e n t
des e n t
a n

Management et économie des entreprises


M
ension de la

i e
compréh ncières

m
ciliter la s outra ntenu

o
pour fa

n
n ti e l c a ti o n

o
l’ess e fi
s simpli ouvrage. Son co illeurs

c
Aller à ses san

t é
entrepri t e
rs de ce analyses des m

e
d e s te u
vie a u lisant

s
uci des r les u ti

e
so u ie su , e n
le
ropose

s
a été pp
richi s’a

i
p ire,

r
t e n . Il voca la s
b u

p
e e rs
actualisé t étrang

e
e s , le

r
ça is
exem p le théo e ri

t
es fra n
émas et

n
spécialist et les

e
c h

33
6
x s e s ettent

des
u nis m

41
bre
de nom pts, les méca es perm

77
raphiqu

36
o g

43
c e b ib li
les con res

41
.
Des repè chaque chapitre

NUART 5
entaux. e mpte le
s
fondam ndir le contenu d p ris en co
p p ro fo n t é té iv e rs e s
d’a dition, o des d
e n o uvelle é e m a n a gement s d e s IA E

7--1
2
Dans ce
tt
ra m mes d le s cursu s

12
ro g te r, m e
xp t mas diplô

10
nouveau cence e que les essy

79
Gilles Br

16
e n li a in s i d u

7--1
n s e li té
formatio les de commerc es thèmes d’act risques,
ua

2447
Konkuyt
o

2--2
é c le . L d e s
et des omptab gestion

8--2
ces,
ertise c té développés : des compéten le, t i a n
78
de l’exp Ch r i s
97
é n b

ISBN 9
o n t st io d u ra
ment nt, ge ment
manage du changeme veloppe risation
de
d u it e is a ti o n nel, dé a umé .
, n
con o rg a n le D e lt
ssage modè té, etc
apprenti évolutionniste, -efficaci
p p ro ch e a ti o n fi scale, éco s notion
s de
a
e p ri se , optimis
r ra p id ement le
l’entr ssimile
rmet d’a ux. Il s’adresse :
rage pe pa
Cet ouv thèmes
p ri n ci
A,
e t le s
réparan
t : ence CC
base
ia n ts p e s ti o n , une Lic ll e, un
d -g e
• aux étu nce d’Économie nce professionn
- une Lic
e u n e L ice
e L ic e n ce AES ,
M aster CC
A ;
un
rt ia ire ou un BA
Master te ent du B
G o u u n DSCG
 ;
n e n m anagem
- un DC formatio e ;
- un mo
dule de commerc , etc.) ou un BT
S
d e s é c oles de C , G A C a ti q u e
ou MBA A, T D , Inform
U T te rt iaire (GE g e st io n, MUC e tc .) ;
- un D bilité e t
ME-PMI, 2223 

(Compta ion de P et aux
tertiaire , Assistant de gest n continue preuve
st io n rm a ti o ne é
de ge
s en fo ortant u
a
 u x p ersonne c o n c o u rs comp eprise ;
• s tr
ts à de mie d’en haitent
en
candida ement ou d’écono ri s e qui sou e su re
g d’entr e p m
de mana fur et à
a te u rs /-trices s fo n ct ions au
• aux cré
te
différen
dre ses ivité.
compren pement de l’act
e lo p
du dév
:FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.176.
et économie

ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.


Management

des entreprises
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
collection aide-mémoire
Droit administratif
A. Maurin

Droit des affaires


B. Hess-Fallon, A.-M. Simon

Droit civil
B. Hess-Fallon, A.-M. Simon, M. Vanbremeersch

Droit constitutionnel
E. Oliva, S. Giummarra

Droit de la famille
B. Hess-Fallon, A.-M. Simon

Droit fiscal
Ch. Aimé, M. Rochedy

Droit pénal. Procédure pénale


J. Borricand, A.-M. Simon

Droit du travail
B. Hess-Fallon, S. Maillard-Pinon, A.-M. Simon

Droit de l’Union européenne


R. Ghévontian

Économie
A. Beitone, E. Buisson-Fenet, C. Dollo, E. Le Masson

Finances publiques
E. Oliva

Institutions juridictionnelles
A. Maurin, M. Brusorio Aillaud, A. Héraud

Sciences sociales
C. Dollo, J. Gervasoni, J.-R. Lambert, S. Parayre
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Management
et économie
des entreprises
Gilles Bressy
Agrégé d’économie et gestion
Christian Konkuyt
Agrégé de techniques économiques et de gestion
Diplômé d’expertise-comptable

12e édition 2018


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.

Le pictogramme qui figure ci-dessus mérite une explication. Son


objet est d’alerter le lecteur sur la menace que représente pour
l’avenir de l’écrit, particulièrement dans le domaine de l’édition
technique et universitaire, le développement massif du photoco-
pillage.
Le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992 interdit en
effet expressément la photocopie à usage collectif sans autorisation des ayants droit. Or, cette
pratique s’est généralisée dans les établissements d’enseignement supérieur, provoquant une
baisse brutale d’achat de livres et de revues, au point que la possibilité même pour les auteurs
de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd’hui menacée.
Nous rappelons donc que toute reproduction, partielle ou totale, de la présente publication est
interdite sans autorisation de l’auteur, de son éditeur ou du Centre français d’exploitation du
droit de copie (CFC, 20 rue des Grands-Augustins, 75006 Paris).
Éditions DALLOZ
31-35 rue Froidevaux, 75685 Paris Cedex 14
Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes de l’article L. 122-5, 2° et 3° a),
d’une part, que les copies ou reproductions « strictement réservées à l’usage privé du copiste
et non destinées à une utilisation collective » et d’autre part, que les analyses et courtes cita-
tions dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale
ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou ses ayants droit ou ayants cause est illi-
cite » (art. L. 122-4).
Cette représentation ou reproduction, tout comme le fait de la stocker ou de la transmettre sur
quelque support que ce soit, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contre-
façon sanctionnée pénalement par les articles L.  335-2 et suivants du Code de la propriété
intellectuelle.
© Éditions DALLOZ – 2018
ISBN : 978-2-247-17912-1
978-2-247-18123-0
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
– Sommaire V

Sommaire
Sommaire........................................................................................................................... V
Liste des abréviations........................................................................................... XI

Chapitre 1
Qu’est-ce qu’une entreprise ?.................................................................... 1

Chapitre 2
La diversité des entreprises........................................................................... 17

Chapitre 3
L’entreprise et son environnement économique
et social................................................................................................................................ 48

Chapitre 4
La création et la disparition d’entreprise........................................ 67

Chapitre 5
La culture et l’identité de l’entreprise................................................ 80

Chapitre 6
Entreprendre et diriger....................................................................................... 96

Chapitre 7
L’information dans l’entreprise................................................................... 130
Chapitre 8
La communication et les réseaux d’information
de l’entreprise.............................................................................................................. 154
Chapitre 9
La stratégie : 1. La démarche stratégique..................................... 175
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
VI Management et économie des entreprises

Chapitre 10
La stratégie : 2. Diagnostic et choix stratégique
au niveau global (corporate strategy)............................................................ 202
Chapitre 11
La stratégie : 3. Diagnostic et choix stratégique
au niveau d’un produit ou d’un DAS......................................................... 245
Chapitre 12
L’organisation de l’entreprise...................................................................... 261
Chapitre 13
Les théories des organisations................................................................... 282
Chapitre 14
L’activité commerciale : 1. La démarche marketing............ 310
Chapitre 15
L’activité commerciale : 2. Le marchéage et la vente........ 330
Chapitre 16
La production : 1. La production de biens.................................... 353
Chapitre 17
La production : 2. La production de services............................. 386
Chapitre 18
La fonction logistique : approvisionnement, gestion
des flux et des stocks........................................................................................... 404
Chapitre 19
La gestion des ressources humaines (GRH) :
1. Le cadre et les contraintes....................................................................... 420
Chapitre 20
La gestion des ressources humaines (GRH) :
2. La mobilisation du personnel................................................................ 439
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Sommaire VII

Chapitre 21
La fonction financière........................................................................................... 477
Chapitre 22
La gestion des risques......................................................................................... 498
Chapitre 23
La conduite du changement......................................................................... 511
Chapitre 24
L’entreprise dans la société............................................................................ 523
Chapitre 25
L’entreprise et l’environnement naturel........................................... 540
Chapitre 26
L’entreprise et la fiscalité.................................................................................. 553

Index alphabétique................................................................................................. 565


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
– Liste des abréviations IX

Liste des abréviations


ACP Autorité de contrôle prudentiel
ADIE Association pour le droit à l’initiative économique
AFAQ Association française d’assurance qualité
AFB Association française de banque
AFE Agence France Entrepreneurs (succède à l’APCE
avec des missions élargies)
AFEDE Association française des économistes d’entreprise
AFEP Association française des entreprises privées
AFNOR Association française de normalisation
AFPA Association de formation permanente des adultes
AFQ Association française des qualiticiens
AGE Assemblée générale extraordinaire
AGEPHIP Association nationale pour la gestion du fonds
d’insertion professionnelle des personnes handicapées
AGO Assemblée générale ordinaire
AMF Autorité des marchés financiers
ANDCP Association nationale des directeurs et cadres
de la fonction personnel
ANVAR Ancienne Agence nationale pour la valorisation
de la recherche (devenue OSEO-Anvar puis BPI France)
APCE Agence pour la création d’entreprise (devenue AFE
en 2016)
AQUAO Assurance de qualité assistée par ordinateur
ASP Application service provider
BCG Boston consulting group
BDPME Banque de développement des PME
BFR Besoin en fonds de roulement
BGE Boutiques de gestion pour entreprendre
BIC Bénéfices industriels et commerciaux
BNC Bénéfices non commerciaux
BPIFrance Banque publique d’investissement (succède à OSEO-
ANVAR avec des missions élargies)
CA Conseil d’administration ou chiffre d’affaires
CAC Commissaire aux comptes
CAO Conception assistée par ordinateur
CCI Chambre de commerce et d’industrie
CDD Contrat à durée déterminée
CDI Contrat à durée indéterminée
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
X Management et économie des entreprises

CE Comité d’entreprise ou d’établissement


CECOD Centre d’étude de la commercialisation et de la
distribution des Chambres de commerce et d’industrie
CEE Communauté économique européenne
CEN Comité européen de normalisation
CEPME Crédit d’équipement des PME
CEREQ Centre d’études et de recherches sur les qualifications
CES Confédération européenne des syndicats
ou Contrat emploi-solidarité
CET Contribution économique territoriale
CFA Centre de formation des apprentis
CFAO Conception et fabrication assistée par ordinateur
CFCE Centre français du commerce extérieur
CFE Centre de formalités des entreprises
ou Cotisation foncière des entreprises
CFDT Confédération française du travail
CGI Code général des impôts
CGPME devenue la CPME
CGT Confédération générale du travail
CHSCT Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions
de travail
CIF Cost, Insurance and Freight (Coût assurance et frêt)
CIF Congé individuel de formation
ou Crédit d’impôt formation
CIM Computer integrated management
CIR Crédit d’impôt recherche
CJD Centre des jeunes dirigeants
CMCC Crédit de mobilisation des créances commerciales
CMUP Coût moyen unitaire pondéré
CNE Contrat « nouvelles embauches »
CNPF Conseil national du patronat français, devenu le MEDEF
COB Commission des opérations de bourse (désormais
remplacée par l’AMF)
COFACE Compagnie française d’assurance pour le commerce
extérieur
CPME Confédération des petites et moyennes entreprises
(ex-CGPME)
CRCI Chambre régionale de commerce et d’industrie
CRITT Centre régional d’innovation et de transfert
de technologie
CS Conseil de surveillance
CSE Comité social et économique (remplace les DP, CE
et CHSCT qui fusionnent à partir du 1/01/2020)
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Liste des abréviations XI

CUI Contrat unique d’insertion


CVAE Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises
DADS Déclaration annuelle des données sociales
DAS Domaine d’activités stratégiques
DCR Direction centrale du renseignement intérieur
DG Direction générale ou directeur général
DIRECCTE Direction des entreprises, de la concurrence,
de la consommation, du travail et de l’emploi
DIT Division internationale du travail
DP Délégué du personnel
DPE Direction par exception
DPO Direction par objectifs
DPPO Direction participative par objectifs
DRC Délai de récupération du capital investi (ou pay back)
DRIRE Direction régionale de l’industrie et de la recherche
DUE Déclaration unique d’embauche
EARL Entreprise agricole à responsabilité limitée
EDI Échange de données informatisées
EI Entreprise individuelle
EIRL Entreprise individuelle à responsabilité limitée
EIS Executive information system
ENA École nationale d’administration
EPIC Établissement public industriel et commercial
ERP Enterprise resource planning (ou PGI)
ETI Entreprise de taille intermédiaire
EURL Entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée
FAF Fonds d’assurance formation
FAO Fabrication assistée par ordinateur
FAS Free Alongside Ship (Franco le long du navire)
FCC Fichier central des chèques
FCP Fonds communs de placement
FCPI Fonds communs de placement-innovation
FCS Facteurs clés de succès
FM Facilities management (ou infogérance)
FMI Fonds monétaire international
FNE Fonds national pour l’emploi
FOB Free on board (Franco à bord)
FONGECIF Fonds de gestion paritaire des congés individuels
de formation
FRT Fonds de la recherche et de la technologie
FSE Fonds social européen
GATT General agreement on tarifs and trade remplacé
par l’OMC
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
XII Management et économie des entreprises

GED Gestion électronique de documents


GIE Groupement d’intérêt économique
GMAO Gestion de la maintenance assistée par ordinateur
GPAO Gestion de la production assistée par ordinateur
GPE Gestion prévisionnelle de l’emploi
GPEC Gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences
GPPE Gestion prévisionnelle et préventive de l’emploi
GRETA Groupement d’établissements (pour la formation)
GRH Gestion des ressources humaines
GSAO Gestion des stocks assistée par ordinateur
IAE Intégration des applications d’entreprise
IAS International Auditing standards (devenus IFRS)
IASC International Auditing standards committee
IDI Institut de développement industriel
IFRS International Financial Reporting Standards
INPI Institut national de la propriété industrielle
IRP Institut régional de participation
IS Impôt sur les sociétés
ISO International standard organisation
IT Information technology
IUT Institut universitaire de technologie
JAT Juste à temps (principe du)
JIT Just in time
LAN Local area network (réseau local)
LCR Lettre de change-relevé
LFSS Loi de financement de la Sécurité sociale
LMBO Leverage management buy out
MATIF Marché à terme international de France
MBR Market to book ratio
MEDEF Mouvement des entreprises de France
MERCOSUR Marché commun du cône sud (de l’Amérique latine)
MES Manufacturing execution systems
METI Mouvement des entreprises de taille intermédiaire
MIS Management information system
MOCI Montieur officiel du commerce international
MONEP Marché des options négociables de Paris
MRP Materials requirements planning ou Manufacturing
resources planning
NPI Nouveaux pays industriels
NTIC Nouvelles technologies de l’information
et de la communication
OBSA Obligation à bon de souscription d’action
OEB Office européen des brevets
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Liste des abréviations XIII

OMC Organisation mondiale du commerce


OPA Offre publique d’achat
OPCA Organisme(s) paritaire(s) collecteur(s) agréé(s)
OPCI
Organisme de placement collectif immobilier
OPCVM Organisme de placement collectif en valeurs mobilières
OPE
Offre publique d’échange
OPV Offre publique de vente
ORCI Obligation remboursable en certificat d’investissement
OSEO-Anvar
Ex-Établissement public de soutien financier à
l’innovation (aujourd’hui intégré dans BPIFrance)
OST Organisation scientifique du travail
PAO Planification assistée par ordinateur (ou Production
assistée par ordinateur)
PCE Prêt à la création d’entreprise
PCG Plan comptable général
PDG Président directeur général
PEE Plan d’épargne d’entreprise
PEG Plan d’épargne de groupe
PEI Plan d’épargne interentreprises
PERCO Plan d’épargne pour la retraite collectif
PERT Program evaluation review technic ou Program
evaluation research task
PGI Progiciel de gestion intégré (ou ERP)
PIO Production intégrée par ordinateur
PLV Promotion sur lieu de vente
PME Petite et moyenne entreprise
PMI Petite et moyenne industrie
PSE Plan de sauvegarde de l’emploi
R&D Recherche et développement
REMIC Résultat d’exploitation minoré de l’impôt corrigé
RES Reprise d’entreprise par les salariés
ROE Return on equity
ROME Répertoire opérationnel des métiers et des emplois
RRIT Réseau de recherche et d’innovation technologique
RSA Revenu de solidarité active
RSSI Responsables de la sécurité des systèmes informatiques
SA Société anonyme
SARL Société à responsabilité limitée
SAS Société par actions simplifiée
SAS Software as a service
SCI Société coopérative d’intérêt collectif
SCOP Société coopérative ouvrière de production
SCP Société civile professionnelle
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
XIV Management et économie des entreprises

SDGP
Système de gestion de la production
SDR
Société de développement régional
SEL
Société d’exercice libéral
SEM
Société d’économie mixte
SGDB
Système de gestion de base de données
SGI
Système de gestion de l’information
SIAD
Système informatique d’aide à la décision
SICAV
Société d’investissement à capital variable
SICOMI
Société immobilière pour le commerce et l’industrie
SIG
Système d’information pour la gestion
SIM
Système d’information pour le management
SMIC
Salaire minimum interprofessionnel de croissance
SNC
Société en nom collectif
SSCI
Société de services et de conseil en informatique
SSII
Société de services et d’ingénierie informatique
TAD
Travail à distance
TAEG
Taux annualisé effectif global
TEG
Taux effectif global
TGAP
Taxe générale sur les activités polluantes
TIC
Technologies de l’information et de la communication
TMS
Troubles musculo-squelettiques
TPE
Très petites entreprises
TRI
Taux de rentabilité interne
TVA
Taxe sur la valeur ajoutée
UBIFrance
EPIC chargé du soutien au développement international
des entreprises
UE Union européenne
UPA Union professionnelle artisanale
URSSAF Union pour le recouvrement des cotisations de Sécurité
sociale et d’allocations familiales
USH Unités stratégiques homogènes
VA Valeur ajoutée
VAN Valeur actuelle nette
VRP Voyageur représentant placier
WAN Wide area network (réseau ouvert)
ZAC Zone d’aménagement concerté
ZFU Zone de franchise urbaine
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
CHAPITRE 1 Chapitre 1 – Qu’est-ce qu’une entreprise ? 1

Qu’est-ce
qu’une entreprise ?

« L’entreprise est non pas une machine,


mais un organisme vivant. »
Octave Gélinier, fondateur de la Cegos1

Il existe aujourd’hui en France plus de 4 millions d’entreprises2 de


formes diverses et de toutes tailles, aux activités très variées. On recon-
naît à ces entreprises un rôle fondamental dans nos économies de mar-
ché, notamment celui de produire des biens et services, de distribuer les
revenus d’activité et de créer des emplois. De nouvelles exigences, par-
fois contradictoires, sont apparues au cours des dernières années,
notamment celle d’une « création de valeur actionnariale » accrue, en
provenance des actionnaires des grandes sociétés cotées (en particulier
des fonds de pension anglo-saxons), mais aussi celle d’un comporte-
ment éthique des entreprises et respectueux de l’environnement naturel,
en provenance de l’opinion publique et des consommateurs.

1. Auteur de plusieurs ouvrages dont Direction participative par objectifs et Développe-


ment durable : pour une entreprise compétitive et responsable, 2002.
2.  Le nombre d’entreprises s’établissait à 4,365 millions au 1er janvier 2016, hors agriculture
(source : Les entreprises en France, Insee Références, édition 2017).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
2 Management et économie des entreprises

I. Une unité de production


et de répartition
A. Définition de l’entreprise
L’entreprise est un centre de décision économique autonome (une entité), disposant de
ressources (humaines, matérielles, incorporelles et financières) qu’elle gère en vue de
produire et de vendre de manière rentable des biens et/ou des services.

Cette définition est assez explicite pour s’appliquer aussi bien à une
entreprise géante comme Nestlé ou Microsoft qu’à une très petite entre-
prise comme une boulangerie de quartier.
L’entreprise peut aussi bien n’appartenir à aucun groupe industriel ou
financier ou, au contraire, être un groupe de sociétés qui développe une
stratégie globale pour l’ensemble des unités qu’il contrôle.
Un décret de décembre 2008 en application de la loi de modernisation de
l’économie (LME) définit, quant à lui, l’entreprise comme « la plus petite
combinaison d’unités légales qui constitue une unité organisationnelle
de production de biens et de services jouissant d’une certaine autonomie
de décision, notamment pour l’affectation de ses ressources courantes ».
Mais l’Insee définit le plus souvent dans ses statistiques l’entreprise
comme une « unité légale exerçant une activité productive marchande »,
c’est-à-dire destinée à être vendue à une clientèle.

B. L’entreprise, unité économique


de la production
L’entreprise est habituellement présentée comme l’unité économique de
la production. Il s’agit d’un agent économique (secteur institutionnel des
comptables nationaux) dont la fonction principale est de produire des
biens et des services destinés à être vendus. Cette spécificité permet de
distinguer l’entreprise d’autres entités (centres de décision autonomes
disposant de ressources humaines et matérielles pour atteindre certains
objectifs en relation avec divers partenaires), comme les associations,
fondations, groupements, collectivités locales, etc.

a. L’entreprise et ses établissements


Pour remplir cette fonction, l’entreprise peut disposer de plusieurs éta-
blissements : usines, agences commerciales, entrepôts, laboratoires, etc.,
qui ne constituent pas à eux seuls des entreprises mais de simples unités
techniques de celle-ci. Ce n’est en effet que dans l’entreprise que réside
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 1 – Qu’est-ce qu’une entreprise ? 3

le pouvoir de décision économique qui s’appliquera à l’ensemble de ses


établissements.
DIFFÉRENTES CONFIGURATIONS D’ENTREPRISES

Entreprise Entreprise Société ayant Groupe de sociétés


sans forme enveloppée plusieurs
juridique dans la forme établissements
spécifique juridique d’une
(EI) société

b. L’entreprise et sa forme juridique


L’entreprise ne doit pas être confondue avec la forme juridique qu’elle
utilise pour exister. L’entreprise est une réalité économique qui peut
connaître au cours de sa vie plusieurs formes juridiques successives.
De même, certaines entreprises se développent-elles à travers plusieurs
formes juridiques qui se complètent (société financière dite « holding »,
sociétés filiales, société civile immobilière, GIE, etc.).
Il faut, de plus, signaler que l’entreprise n’a pas de définition unique en
droit français. En fait, pour notre droit, l’entreprise se confond souvent
avec la personne juridique de son propriétaire : entrepreneur individuel
ou société par exemple1.
Par ailleurs, sur le plan économique, le périmètre de l’entreprise peut
varier constamment (mouvements d’intégration ou d’externalisation) et
peut s’étendre au-delà du patrimoine de la personne juridique qui
« incarne » l’entité qu’est l’entreprise. Celle-ci peut en effet contrôler
financièrement d’autres sociétés et coordonner l’activité d’autres entre-
prises sur un plan économique.
EXEMPLE
L’entreprise Kronenbourg, fondée en 1664 à Strasbourg par la famille Hatt, perd son
autonomie lorsqu’elle est cédée en 1969 au groupe Danone dont elle devient une
filiale, revendue ensuite à Scottish et Newcastle puis au groupe Danois Carlsberg en
2008. L’entreprise est Carlsberg (centre de décision économique) dont la société
Kronenbourg n’est plus qu’une unité opérationnelle, sous la forme d’une filiale.

1.  Pour plus de précisions sur ce point, voir M. Pédamon et H. Kenfack, Droit commercial,
coll. Précis, Dalloz.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
4 Management et économie des entreprises

c. La production marchande et le besoin


de rentabilité
La production de l’entreprise est destinée à la vente. On dit qu’il s’agit
d’une production marchande ou production pour le marché. Cela per-
met de distinguer l’entreprise d’autres agents économiques produisant,
eux, des services non marchands : les administrations publiques (minis-
tères, collectivités locales) et privées (associations, syndicats).
Il existe cependant des personnes publiques (offices ou établissements
publics à caractère industriel ou commercial) qui sont des entreprises,
puisqu’elles produisent des biens ou des services vendus à une clien-
tèle, même si cette activité n’a pas toujours de but lucratif. Par ailleurs,
certaines associations commercialisent une partie de leurs prestations
devenant ainsi au moins partiellement des entreprises, même si elles
n’ont pas de but lucratif (c’est-à-dire qu’elles n’ont pas vocation à parta-
ger leur bénéfice entre des associés).

POUR PRODUIRE, L’ENTREPRISE A BESOIN


DE DIFFÉRENTS FACTEURS

Pour produire, l’entreprise a besoin de différents facteurs de produc-


tion : travail, matières premières, produits semi-finis, énergie, équipe-
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 1 – Qu’est-ce qu’une entreprise ? 5

ments productifs…, qu’elle va transformer en produits ou services des-


tinés à ses clients. Elle a également besoin d’informations, de brevets de
fabrication et de ressources financières. L’entreprise se procure tous ces
éléments sur les différents marchés des facteurs de production de l’éco-
nomie et à cette occasion, distribue des revenus.
C’est ainsi qu’en étant l’unité économique de production, l’entreprise est
aussi l’agent de la répartition primaire des revenus.
Remarquons que toute entreprise a besoin de préserver son équilibre
financier (voir chapitre 21), ne serait-ce que pour éviter la cessation de
paiements1 ! Cela explique que toute entreprise a besoin d’être rentable
pour assurer sa pérennité (y compris celles dont la finalité n’est pas
lucrative).

C. En produisant, l’entreprise crée de la valeur


ajoutée qu’elle répartit
a. La valeur ajoutée de l’entreprise
Lorsqu’elle vend sa production, l’entreprise réalise la valeur qu’elle a
créée par son activité en transformant différents produits semi-finis,
matières et énergie (ses consommations externes ou intermédiaires) en
produits et services finis. Cette valeur ajoutée par l’entreprise est égale à
la valeur de la production diminuée de la valeur des consommations
intermédiaires.

Quelques précisions de calcul

Il n’y a pas de stock dans le cas d’une production de service et la valeur de la


production correspond alors exactement au chiffre d’affaires (total des ventes) !
Dans le cas d’une production matérielle, la valeur de la production correspond au chiffre
d’affaires (ventes) corrigé de la variation des stocks de produits finis. On tient ainsi
compte du fait qu’une partie de la production réalisée pendant la période a pu être
stockée au lieu d’être vendue ou qu’inversement, une partie des ventes réalisées
correspond à une réduction des stocks, la production de la période s’étant avérée
insuffisante.
Un cas particulier est celui de l’entreprise commerciale (négoce, distribution).
Dans ce cas, la valeur ajoutée est la différence entre la marge commerciale et les
consommations intermédiaires. La marge commerciale est la différence entre le montant
des ventes de marchandises et le coût d’achat des marchandises vendues.

1.  La cessation de paiements est la situation dans laquelle l’entreprise ne parvient plus à
couvrir son passif exigible avec son actif disponible (caisse et banque).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
6 Management et économie des entreprises

b. La distribution de revenus1
Une très grande partie de la valeur ajoutée va être distribuée par l’entre-
prise aux autres agents économiques et constituera pour eux des reve-
nus.
Ce sont :
– les impôts versés à l’État et aux collectivités locales ;
– les cotisations versées à la Sécurité sociale et au système d’assu-
rance-chômage ;
– les rémunérations versées aux salariés ;
– les intérêts versés aux prêteurs de fonds, notamment les banques ;
– la part de bénéfice distribué au(x) propriétaire(s) de l’entreprise.
EXEMPLE
Dividendes des actionnaires dans le cas d’une société anonyme.

Finalement, de la valeur ajoutée, il ne reste dans l’entreprise que :


– la valeur qu’elle a dû mettre de côté pour compenser la dépréciation
des équipements usés dans la production (amortissements et provi-
sions pour dépréciation), cela afin de pouvoir les remplacer lorsqu’ils
ne seront plus utilisables ;
– éventuellement, une partie du bénéfice si celui-ci n’a pas été intégra-
lement distribué aux propriétaires. Avec les bénéfices non distribués
l’entreprise constitue des réserves qui peuvent être consacrées au
financement de nouveaux investissements (autofinancement net).

c. L’impératif de « création de valeur » pour les parties


prenantes de l’entreprise
• Le concept de « parties prenantes » (stakeholders) utilisé pour la pre-
mière fois par I. Ansoff peut être défini comme « ceux qui contribuent
volontairement ou non à la capacité de créer de la valeur et à l’activité
et qui sont ses bénéficiaires potentiels et/ou en supportent les
risques »2.
Edward Freeman a popularisé la théorie des parties prenantes en 1984.
Il expose que sans ces parties prenantes l’entreprise ne pourrait exister
et qu’elle doit donc négocier pour cela avec elles afin de trouver un com-
promis entre des intérêts parfois contradictoires, grâce à quoi elle pourra
réaliser un profit.

1.  Cette répartition des revenus est dite primaire car elle est ensuite corrigée par la redistri-
bution liée au jeu des prélèvements obligatoires et prestations sociales, censée réduire les
inégalités sociales.
2.  J.E. Post, L.E. Preston, S. Sachs, 2002.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 1 – Qu’est-ce qu’une entreprise ? 7

RÉPARTITION DE LA VALEUR AJOUTÉE DE L’ENTREPRISE


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
8 Management et économie des entreprises

L’entreprise dépend de nombreux acteurs de son environnement :


clients, personnel, actionnaires (shareholders), fournisseurs, banquiers,
etc. qui sont autant de parties-prenantes (les stakeholders) de cette entre-
prise.
On peut distinguer :
– les parties prenantes primaires qui ont une relation directe et forma-
lisée avec l’entreprise : associés ou actionnaires, clients, salariés, et
aussi les préteurs, les fournisseurs et l’État. Elles fournissent à l’entre-
prise des ressources et elles ont des attentes précises à l’égard de
celle-ci ;
– les parties prenantes secondaires qui sont sans lien juridique ou éco-
nomique avec l’entreprise mais qui peuvent en influencer le fonction-
nement par les pressions qu’elles peuvent exercer sur les parties pre-
nantes primaires (groupes de pression).
De façon générale, on peut dire que les différentes parties prenantes
attendent de l’entreprise une création de valeur en contrepartie de ce
qu’elles lui apportent.
Dans tous les cas, la création de valeur passe par une recherche de per-
formance. Cette recherche se traduit par un impératif d’efficacité et
d’efficience en vue d’une performance économique (qui détermine la
pérennité de l’entreprise), ou d’une performance sociale (qui peut mobi-
liser le personnel) et enfin d’une performance citoyenne ou sociétale
(qui garantit à l’entreprise une certaine compatibilité avec son environ-
nement naturel, humain et institutionnel).
L’efficacité consiste à atteindre ses objectifs et l’efficience consiste à être
efficace au moindre coût ce qui correspond à la notion d’optimisation.
• Cet impératif a concerné d’abord la création de « valeur actionnariale ».
Pour les actionnaires, cette création de valeur correspond à la distribu-
tion de bénéfice (revenu) mais aussi à l’augmentation de valeur sur le
marché des titres qu’ils détiennent (plus-value potentielle). On peut
remarquer la grande diversité des actionnaires : épargnants ; fonds de
pension ; actionnaires salariés ; actionnaires familiaux, qui ont chacun
des attentes différenciées.
• Cet impératif est renforcé dans le cas des entreprises cotées, par les
attentes des fonds de pension1 et autres organismes de placement
collectif de valeurs mobilières (OPCVM).
Économiquement, l’entreprise est plus facilement viable si elle se déve-
loppe, c’est-à-dire si elle accroît la valeur ajoutée créée et par voie de
conséquence, les moyens de financement dont elle peut disposer. Cela

1.  Fonds constitués de plans de retraite par capitalisation et qui constituent du fait de l’im-
portance des sommes collectées, des « investisseurs » financiers de premier plan. Ils sont
souvent anglo-saxons.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 1 – Qu’est-ce qu’une entreprise ? 9

se traduit d’ailleurs pour les sociétés cotées, par une appréciation de la


cotation de leurs actions. S’appuyant sur cette réalité, les actionnaires
(stockholders) des grandes entreprises et notamment les fonds de pen-
sion anglo-saxons, imposent aux entreprises auxquelles ils participent
par des placements, des objectifs plus ou moins implicites de création
de valeur, c’est-à-dire de rentabilité et de profit à court terme.
Dans ce cas le taux de profit (ou taux de rentabilité du capital1) qui est
souvent requis est de l’ordre de 15 % par an, ce qui représente un
accroissement sensible (de l’ordre de 5 %) par rapport aux performances
passées (celles réalisées en moyenne dans les années 1950-1970).
De façon très générale, la valeur créée s’exprime de la façon suivante :
Valeur créée = Résultat d’exploitation net d’impôt
– (Capitaux investis × Coût moyen pondéré du capital)

Et le taux de rentabilité du capital investi :


Résultat d’exploitation net d’impôt
Taux de rentabilité des capitaux investis =
Capitaux investis dans l’exploitation

• Cet impératif a conduit à une évolution des méthodes de gestion.


Les nouvelles règles du gouvernement d’entreprise (corporate gover-
nance)2 doivent garantir aux propriétaires, redevenus des acteurs-clés de
l’entreprise, que leurs intérêts seront respectés (voir le chapitre consacré
au pilotage).
Les entreprises concernées s’efforcent de rassurer les marchés,
– en respectant ces règles de gestion ;
– en atteignant les taux de création de valeur attendus ;
– et en pratiquant une communication financière (rendement du capital,
coût du capital, outils de gestion créateurs de valeur, système de rému-
nération) rassurante pour les actionnaires (parfois jusqu’à la trompe-
rie, comme dans le cas de l’entreprise américaine Enron qui a finale-
ment entraîné dans son naufrage en 2002, le cabinet d’audit Andersen,
lequel avait certifié des comptes inexacts).
Les stratégies évoluent ainsi que l’organisation interne.
Le choix du recentrage, souvent pratiqué depuis une vingtaine d’années
par les grands groupes, répond à la fois à une recherche de rentabilité et
à une exigence de lisibilité et de comparabilité pour faciliter leurs choix
de placements.
C’est ainsi que la pression des actionnaires a été suffisamment forte pour amener au
cours de l’année 2000, les groupes de sciences de la vie (ex. : Novartis, Aventis) à

1.  ROE (return on equity), fixé à 15 % par les mandataires des fonds de pension nord-amé-
ricains.
2.  Voir p. 114.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
10 Management et économie des entreprises

séparer leurs activités de pharmacie, très rentables, de leurs activités de santé végé-
tale (OGM) qui le sont beaucoup moins.

• La création de valeur intéresse pourtant également les autres parties


prenantes (stakeholders).
– Pour les clients : elle correspondrait à l’écart entre la qualité perçue et
le prix du produit ;
– Pour les salariés, il s’agit à la fois de rémunération, de stabilité d’em-
ploi et de conditions de travail ;
– Pour les parties prenantes secondaires : elle représente diverses
actions que l’entreprise peut mener (souvent sous la pression) pour
diminuer ses externalités négatives.
De plus, la pérennité de l’entreprise implique qu’elle soit intégrée dans
son environnement social général auquel elle doit également destiner
certains avantages (augmentation de l’impôt payé ; respect de l’environ-
nement ; actions de mécénat, etc.).
On voit que la théorie des parties prenantes en étendant la responsabilité
de la firme à tous les acteurs qui ont un intérêt dans celle-ci, induit une
responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE)1.

Pour les actionnaires

Pour les clients


Création de valeur
par l’entreprise

Pour le personnel

Pour la société en général

II. Un centre de décision


économique
A. Les décisions de l’entreprise
L’entreprise joue un rôle particulièrement important dans une économie
de marché, du fait qu’elle est le centre de décision économique en ce qui

1. Voir, à ce sujet, le chapitre 24, « L’entreprise dans la société ».


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 1 – Qu’est-ce qu’une entreprise ? 11

concerne la nature des produits et services, leur quantité, la combinai-


son productive (technique et facteurs de production), les prix,
salaires, etc. (v. chapitre 6 « Entreprendre et diriger »).
Ces décisions constituent des choix économiques de l’entreprise, c’est-
à-dire des choix dans l’utilisation de ses moyens limités pour atteindre
le plus efficacement possible ses objectifs.

B. Le calcul économique
Ces décisions s’appuient sur un calcul économique. Celui-ci est une com-
paraison entre avantage et coût qui passe par une collecte d’informations
et le recours à diverses techniques dites « d’aide à la décision » (v. cha-
pitre 6, p. 109). L’évaluation des avantages n’est pas toujours facile car
certains d’entre eux ne sont pas quantifiés sur le marché à travers un prix.
Il peut en être de même pour certains coûts lorsque l’entreprise entend
prendre en compte certains effets externes (déséconomies externes) de
son activité ou certains désavantages qui ne seront mesurables en coût
qu’à plus long terme (détérioration de l’image de l’entreprise).

C. L’autonomie de décision
Le pouvoir de décision de l’entreprise repose sur l’autonomie que lui
confère la libre disposition d’un patrimoine, c’est-à-dire sur le droit
dont disposent ses propriétaires sur les actifs productifs et financiers
nécessaires à son exploitation.
Il repose également sur le pouvoir de direction de l’employeur à l’égard
du personnel, pouvoir qui s’inscrit dans le droit du travail1.

III. Une cellule sociale


A. La fonction sociale de l’entreprise
L’entreprise, à partir du moment où elle emploie du personnel, qu’elle
rassemble et organise, devient l’une des « structures de socialisation »
repérées par les sociologues. Elle se voit investie d’une fonction sociale,
génératrice de normes, valeurs et pratiques sociales. Cette fonction
s’exerce également à travers la prise en compte plus ou moins efficace
d’un certain nombre de besoins éprouvés par les salariés à l’occasion

1.  E. Dockès et G. Auzero, Droit du travail, coll. Précis, Dalloz.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
12 Management et économie des entreprises

de leur emploi dans l’entreprise : stabilité de l’emploi, niveau de rému-


nération, promotion, formation, etc. Des conflits peuvent d’ailleurs sur-
venir entre des catégories de salariés ou entre l’ensemble des salariés et
leur entreprise concernant l’emploi, la rémunération et les autres condi-
tions de travail (v. chapitres 9 et 20 sur la gestion des ressources humaines).

B. L’entreprise est un microcosme


Le groupe social que représente l’entreprise constitue un ensemble hété-
rogène de sous-groupes et d’individus dont les qualifications, les
cultures et les finalités sont diverses. Mais, tous les membres de l’entre-
prise concourent, du fait de leur travail salarié, à la réalisation d’objec-
tifs communs, déterminés par la direction. Ce groupe présente une cer-
taine stabilité (pour les salariés en contrats à durée indéterminée) et une
organisation qui est choisie par l’entreprise (v. chapitre « L’organisation
de l’entreprise »).
Ce groupe développe et partage une certaine culture (v. chapitre 5 « La
culture et l’identité de l’entreprise »).

C. La place des êtres humains


dans  l’entreprise
L’entreprise qui souhaite être réactive et à l’écoute de sa clientèle doit
s’appuyer sur des salariés qui sont de véritables parties prenantes et non
plus de simples facteurs de production apporteurs d’une force de travail.
Voir le chapitre 19 « La gestion des ressources humaines ».

IV. Un modèle économique


(business model)
L’entreprise doit pour atteindre ses objectifs s’adapter à diverses
contraintes externes, en fonction de ses ressources (contraintes internes).
Cette adaptation se réalise par la mise en place d’un modèle d’affaire ou
schéma économique (le business model) qui permet de créer la valeur
ajoutée de l’entreprise. Cette mise en place est réalisée lors de la création
de l’entreprise et au cours de ses premières années d’existence. Le
modèle économique décrit finalement la façon dont l’entreprise gagne
de l’argent. Il est le résultat de la stratégie de l’entreprise et il va évoluer
avec les changements de celle-ci au cours de son développement.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 1 – Qu’est-ce qu’une entreprise ? 13

EXEMPLE
Le plan de transformation « Carrefour 2022 » annoncé par le groupe Carrefour en
janvier 2018 correspond à un changement de modèle économique de cette entreprise.

Selon R. Boyer et M. Freyssenet, le « modèle industriel » de l’entreprise


tient à la fois à sa structure, son organisation de la production, et son
rapport salarial, mais aussi à ses liens avec le marché et son accès au
financement.
D’une façon générale,
– les efforts d’efficacité dans la mise en œuvre du modèle économique
de l’entreprise permettent d’améliorer sa compétitivité et sa rentabilité
à court terme (démarche d’optimisation) ;
– les efforts de redéfinition et d’évolution du modèle lui-même s’ins-
crivent dans une démarche stratégique (v. chapitres 9, 10 et 11) qui
vise à lui garantir une rentabilité à long terme et une pérennité.
Ce modèle a une certaine stabilité et peut être amélioré progressivement
(recherche d’optimisation ou gestion tactique) ou changer brutalement
en cas de crise. Mais comme aujourd’hui des changements rapides sont
assez fréquents, la flexibilité de l’organisation générale de l’entreprise et
sa capacité d’apprentissage organisationnel deviennent aussi des quali-
tés nécessaires pour assurer sa pérennité.

V. Les approches théoriques


de l’entreprise1
Différentes interprétations de l’entreprise sont proposées par les théori-
ciens. Selon A.D. Chandler, une théorie de la firme doit prendre en
compte simultanément quatre caractéristiques de l’entreprise :
– c’est une personne juridique (legal entity), capable de passer des
contrats ;
– c’est une « entité administrative »2, qui permet à ses dirigeants son
pilotage ;
– c’est un ensemble de ressources humaines, physiques, financières,
savoir-faire ;
– elle est le plus souvent tournée vers le profit.

1.  Voir aussi l’évolution des théories des organisations (chapitre 8).


2.  Au sens d’un système d’information.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
14 Management et économie des entreprises

LES PRINCIPALES THÉORIES DE L’ENTREPRISE1

L’entreprise selon la micro-économie : une « boîte noire »


L’entreprise prend sa place dans l’analyse microéconomique traditionnelle. Elle réagit de façon
mécanique aux impulsions de son environnement (principalement le système de prix), afin de
maximiser son profit à partir d’un calcul économique rationnel, fondé sur un raisonnement
marginaliste (centré sur une comparaison du coût marginal et de la recette marginale).
Cette hypothèse de rationalité parfaite et de maximisation du profit conduit à négliger
l’importance du pilotage et de la fonction d’entrepreneur, ainsi que celle de l’organisation
de l’entreprise.
Principaux auteurs : Walras et Pareto.
L’entreprise selon l’école classique : une organisation rationnelle
L’entreprise est le résultat d’une organisation construite selon des principes rationnels.
L’organisation scientifique du travail de Taylor, la standardisation fordienne la théorie
administrative de H. Fayol et la bureaucratie de Max Weber visent à garantir l’efficacité
d’une organisation idéalisée.
Plus récemment, A. Sloan et P. Drucker, puis T. Peters et R. Waterman ont cherché à
prescrire de nouveaux principes, plus adaptés aux réalités contemporaines.
Principaux auteurs : F.W. Taylor, H. Fayol.
L’entreprise selon l’école des relations humaines : un « système social »
L’entreprise est une organisation composée d’êtres sociaux dont la psychologie influence
fortement l’efficacité. La direction de l’entreprise doit concilier les impératifs technico-
économiques et les besoins de son personnel (cf. la pyramide des besoins d’A. Maslow). La
gestion des relations humaines passe par la prise en compte de la dynamique des groupes
de travail ainsi que par l’enrichissement des tâches. Le management doit devenir
participatif (R. Lickert).
Principaux auteurs : E. Mayo, A. Maslow, D. Mc Grégor.
L’entreprise comme un système
Il s’agit d’une application à l’entreprise de la théorie des systèmes, initiée par le biologiste
L. Von Bertalanffy. L’entreprise est ainsi interprétée comme un système, c’est-à-dire un
ensemble d’éléments en interaction, coordonnés pour atteindre certains objectifs. Le système
entreprise est ouvert sur son environnement dans lequel il puise les ressources et informations
dont il a besoin et auquel il destine ses produits, ses déchets et des informations. Grace à sa
structure, ses processus et son pilotage, le système entreprise lutte contre l’entropie,
transforme des inputs en outputs et parvient à un équilibre dynamique qui doit permettre à
l’ensemble ainsi constitué « d’être plus que la somme des parties » (la valeur de l’entreprise
prospère est ainsi supérieure à la somme des valeurs des actifs de son bilan comptable).
Principaux auteurs : D. Katz et R.L. Kahn.
L’entreprise selon les béhavioristes : une « organisation »
L’entreprise est une organisation complexe, une coalition de groupes aux intérêts divers
qu’il faut rendre compatibles, dans laquelle les décisions, prises par des individus dont
la rationalité est limitée, sont le résultat d’arbitrage et de négociations.
Cette réalité crée un « relâchement organisationnel » et impose l’existence d’un « budget
discrétionnaire » afin de faire accepter aux salariés les objectifs de l’entreprise.
Principaux auteurs : H. Simon, M. Cyert et J. March, M. Crozier.
3

1.  Coriat (B.) et Weinstein (O.), Les nouvelles théories de l’entreprise.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 1 – Qu’est-ce qu’une entreprise ? 15

Selon la théorie des coûts de transaction : une alternative au marché


Pourquoi le marché ne suffit-il pas à organiser les activités économiques des individus ?
L’existence de l’entreprise se justifie par l’existence de coûts de transaction dans l’économie
de marché. Ces coûts sont notamment liés à l’imperfection des informations disponibles
aux nécessaires négociations et à la surveillance des prestations des co-contractants.
L’intégration de ces échanges au sein de l’entreprise permet d’échapper à ces coûts. Cette
« internalisation » est liée à une organisation hiérarchique des activités.
C’est surtout la spécificité des actifs échangés (matériels, savoir-faire, sites de production),
l’incertitude des comportements, la fréquence et l’importance des transactions qui
expliquent que, dans certains cas, les agents économiques préfèrent internaliser ces
transactions dans une structure unifiée : l’entreprise, qui est donc une forme de
coordination des activités, alternative au marché.
Principaux auteurs : R.H. Coase et Q.E. Williamson.
L’entreprise selon la théorie de l’agence : une « fiction légale »
L’entreprise est une « fiction légale » qui est constituée d’un ensemble particulier de
contrats (un nœud de contrats, une sorte de « marché privé »). La relation d’agence
s’établit entre un « principal » (mandant) et un « agent » (mandataire) qui agit au nom
du mandant et dans son intérêt. Le principal subit des « coûts d’agence » (dépenses
de surveillance et d’incitation, par exemple) dont il cherche à minimiser le coût.
L’analyse de l’entreprise est celle des contrats principaux qui la caractérisent (entre
l’entreprise et les apporteurs de facteurs : travail, capitaux…). Les « créanciers résiduels »
sont les agents qui ont un droit sur le revenu net de l’entreprise (les associés). Ils cherchent
à réduire le « risque résiduel » qui est la différence entre le revenu aléatoire de l’entreprise
et les revenus attendus par les apporteurs de ressources.
Les entreprises se différencient par la combinaison qu’elles mettent en œuvre entre
assomption des risques et pouvoir de gestion et de contrôle.
Il apparaît alors que dans les grandes entreprises, les informations spécifiques nécessaires
à la décision sont réparties entre différents agents et les coûts d’agence sont moins élevés
lorsque le pouvoir de décision (gestion et contrôle) est décentralisé.
L’analyse de la relation entre actionnaires (principal) et dirigeants (agent) conduit à l’analyse
des méthodes de gouvernance d’entreprise (corporate governance).
Principaux auteurs : E.F. Fama, M.C. Jensen et W.H. Meckling.
L’entreprise selon les évolutionnistes : « une compétence foncière »
L’entreprise est d’abord une « compétence foncière », c’est-à-dire un « ensemble de
compétences technologiques différenciées, d’actifs complémentaires et de routines qui
constituent la base des aptitudes concurrentielles d’une firme dans une activité donnée ».
Cette « compétence foncière » n’est pratiquement pas transférable et constitue donc la
spécificité de l’organisation.
Chaque entreprise est caractérisable par ses actifs spécifiques qui déterminent son
évolution, suivant un « sentier dépendant », en fonction des données de l’environnement
qui influencent la sélection entre les firmes.
L’environnement complexe et incertain des entreprises, les amène à rechercher
des « règles d’action » qui leur assurent la rentabilité nécessaire à leur survie.
L’entreprise constituée d’individus divers, doit pour être cohérente dans son
fonctionnement, mettre en œuvre un système de coordination : les « routines » (répertoires
de réponses à diverses situations). La mise en place de ces « routines » est le fruit
d’apprentissages de la part de l’organisation.
Principaux auteurs : R.R. Nelson et S.G. Winter.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
16 Management et économie des entreprises

POUR EN SAVOIR PLUS


Baudry (B.), Économie de la firme, La Découverte, 2007.
Baudry (B.), L’économie des relations interentreprises, La Découverte, 2005.
Bellon (P.), Chaize (J.), Torres (F.), Repenser l’entreprise, Le Cherche-Midi, 2008.
Cabin (P.) et alii, Les organisations, Éditions Sciences humaines, 2005.
Cahiers français (Les), Les nouvelles logiques de l’entreprise, no 309, La Documentation
française, 2002.
Capron (M.), Quairel-Lanoizelée (F.), La Responsabilité Sociale de l’Entreprise, La Décou-
verte, coll. « Repères », 2007.
Coriat (B.), Weinstein (O.), Les nouvelles théories de l’entreprise, Le livre de poche (Réfé-
rences), 1995.
Drancourt (M.), Leçon d’histoire sur l’entreprise de l’Antiquité à nos jours, PUF, 2002.
Filleau (M.G.), Marques-Ripoull (C.), Les théories de l’organisation et de l’entreprise,
Ellipses, 1999.
Gélinier (O.), Fonctions et tâches de direction générale, Éd. d’Organisation, 1991.
Insee, Tableaux de l’économie française, 2017 (https://www.insee.fr/fr/statistiques/
2587886).
Livian (Y.-F.), Organisation, Théories et pratiques, Dunod, 2005.
Malarewicz (J.-A.), Systémique et entreprise, Village Mondial, 2008.
Orlean (A.), L’économie des conventions, PUF, 1994.
Ploix (H.), La gouvernance d’entreprise, Village Mondial, 2006.
Rojot (J.), Théories des organisations, éd. Eska, 2005.
Sainsaulieu (R.) et autres, L’entreprise, une affaire de société, Presses de la Fondation
Nationale des Sciences Politiques, 1992.
Wirtz (P.), Les meilleures pratiques de gouvernance d’entreprise, La Découverte, coll.
« Repères », 2008.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
CHAPITRE 2 Chapitre 2 – La diversité des entreprises 17

La diversité
des entreprises

Les entreprises sont très nombreuses et très diverses. Les principaux


critères de cette diversité sont la nature de l’activité, le statut juridique
et la taille. Mais on peut ajouter le caractère familial, le type de clientèle,
le management, etc.
L’essentiel de l’activité des secteurs marchands est réalisé en France par
un petit nombre d’entreprises. Ainsi, en 2013, sur les 3,3 millions d’en-
treprises, 3 000 concentraient 52 % de la valeur ajoutée, 70 % des inves-
tissements et 83 % des exportations. 40 % de ces entreprises étaient
industrielles et réalisaient 57 % des exportations. Il s’agissait surtout de
grandes entreprises (240) et d’entreprises de taille intermédiaire (2 030)
mais aussi de quelques PME…1

I. La diversité des activités


Le classement des entreprises en secteurs d’activités découle de l’étude
des rythmes de gains de productivité liés à l’introduction du progrès
technique. Ce classement est surtout utile au niveau macro-économique
où l’Insee opère une distinction entre le secteur d’activité et la branche
d’activités. Le secteur est « un ensemble d’entreprises exerçant une
même activité principale », alors que la branche est « un ensemble d’en-
treprises ou d’éléments d’entreprises produisant le même type de bien ».
L’Insee propose des nomenclatures en 14 et 48 secteurs, même si on
distingue encore parfois traditionnellement trois secteurs d’activités :
– le secteur primaire regroupe toutes les entreprises dont l’activité prin-
cipale est en rapport avec la nature : agriculture, sylviculture, pêche,
industries extractives… ;

1.  Hervé Bacheré, 3 000 entreprises au cœur de l’économie française, Insee Focus, no 56,
mars 2016.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
18 Management et économie des entreprises

– le secteur secondaire comprend les entreprises de transformation :


industries, bâtiments et travaux publics… ;
– le secteur tertiaire est celui des services, c’est-à-dire des productions
immatérielles : banques, assurances, distribution, transport, enseigne-
ment… Il regroupe en fait tout ce qui n’est ni primaire ni secondaire.
C. Clark et J. Fourastié ont étudié le développement des sociétés
humaines et montré que la croissance du Revenu national sur une
longue période s’accompagnait d’un transfert de facteurs (capital, main-
d’œuvre) du secteur primaire vers le secteur secondaire puis tertiaire.
Certains auteurs distinguent également un secteur quaternaire pour
regrouper les entreprises de l’information et de la communication (infor-
matique, télématique…).
On s’accorde pour considérer aujourd’hui que ce découpage traditionnel
est trompeur. Selon certains, les normes et méthodes issues de l’indus-
trie se diffusant, on assisterait à une industrialisation de l’agriculture et
des services. D’autres remarquent à l’inverse que toutes les activités de
production matérielle se tertiarisent, en incluant en amont comme en
aval de plus en plus d’activités immatérielles devenues indispensables
à la réalisation de la production physique ou à sa commercialisation.
C’est le phénomène de tertiarisation des entreprises industrielles.

NOMBRE D’UNITÉS LÉGALES SELON L’ACTIVITÉ AU 1ER JANVIER 2015 (EN MILLIERS)

Secteur d’activité Total %


Industrie manufacturière, industries extractives et autres 277,4 6,55
Construction 576,6 13,60
Commerce, transports, hébergement et restauration 1 212,5 28,70
Information et communication 156 3,70
Activités financières et d’assurance 147,4 3,50
Activités immobilières 184,1 4,35
Activités spécialisées, scientifiques et techniques et activités 745,6 17,65
de services administratifs et de soutien
Enseignement, santé humaine et action sociale 576,8 13,65
Autres activités de service 350,2 8,30
Total 4 226,5 100

Champ : unités légales marchandes, hors agriculture (y compris micro-entrepreneurs


et sociétés holding).
Source : Insee, Sirene, REE (Répertoire des entreprises et des établissements).

On remarque que les entreprises produisant des services (hors construc-


tion), représentent environ 80 % du total. Le secteur tertiaire domine
ainsi largement, ce qui influence fortement l’organisation des activités
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 2 – La diversité des entreprises 19

de production, les méthodes de gestion et les priorités des entreprises


(v. chapitre 17 : La production de services)1.

II. La diversité des statuts juridiques


A. Les entreprises du secteur privé
« classique »
Le secteur privé regroupe les entreprises dont les capitaux nécessaires
sont apportés par des personnes privées. Ces dernières détiennent le
pouvoir et courent un risque plus ou moins important dans la poursuite
de leur activité.
On distingue deux catégories d’entreprises privées suivant le nombre de
personnes apportant les capitaux : une ou plusieurs. On distingue aussi
les entreprises selon que le risque pris par les propriétaires est limité ou
illimité.
PLUS DE LA MOITIÉ DES ENTREPRISES FRANÇAISES DISPOSENT DÉSORMAIS
D’UNE PERSONNALITÉ JURIDIQUE AUTONOME (AU 1ER JANVIER 2012)

Nombre d’entreprises
Personnes physiques Personnes morales Total
dont commerçants Total dont SARL dont SA Total
410 929 1 778 201 1 429 933 44 174 1 825 497 3 603 698
49,35 % 50,65 % 100 %
Entreprises selon la forme juridique (Données provisoires).
Champ : France ; activités marchandes hors agriculture.
Source : Insee, REE (Répertoire des Entreprises et des Établissements – Sirene).

a. Risque illimité
– L’Entreprise individuelle (EI) en « nom personnel » très simple, sans
formalisme (ni statuts ni capital social), mais avec une responsabilité
indéfinie sur les biens propres en cas d’échec, car il n’y a pas de sépa-
ration entre le patrimoine de l’entreprise et celui de l’entrepreneur.
Néanmoins depuis une loi protectrice de 2015, la résidence principale
de l’entrepreneur est insaisissable.
– Le régime de micro-entrepreneur qui succède à celui de l’auto-entre-
preneur facilite le démarrage d’une activité commerciale réduite (CA

1. Voir aussi la généralisation d’une orientation « servicielle » de l’industrie, in La société


hyper-industrielle de P. Veltz.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
20 Management et économie des entreprises

annuel inférieur à 82 800 € HT en 2017). Il s’agit d’une simplification


du régime de l’entreprise individuelle qui apporte une facilité de
calcul des déclarations sociales et fiscales. Les micro-entrepreneurs
doivent obligatoirement être immatriculés (auprès de la chambre de
commerce ou de la chambre des métiers ou encore de l’URSSAF pour
les travailleurs indépendants).
– La société en nom collectif (SNC) est une société de personnes fondée
sur l’intuitus personae et la responsabilité de chaque associé y est
indéfinie et solidaire. Les associés apportent un capital (pas de mini-
mum) divisé en parts sociales. C’est une société au formalisme limité
mais avec l’inconvénient majeur de la responsabilité illimitée et soli-
daire des associés en cas d’échec. Tous les associés sont commerçants
et sont soumis personnellement à l’impôt sur le revenu.
– Les sociétés civiles sont des sociétés qui par leur objet (immobilier, agri-
cole…) ou par leur forme relèvent du droit civil et non du droit commer-
cial (société civile immobilière, société civile professionnelle…). Elles
sont dirigées par un ou plusieurs gérants. Les associés sont indéfiniment
responsables des dettes de la société. Exemples : Les sociétés civiles
immobilières (SCI), les sociétés civiles professionnelles (SCP), etc.
– Les groupements d’intérêt économique (GIE) permettent la mise en
commun de moyens pour développer les activités de leurs membres.
Un GIE est une collaboration entre entreprises pour mener des activi-
tés en commun (recherches, commercialisation…). Il n’y a pas de capi-
tal minimum et la responsabilité est illimitée et solidaire entre les
membres à l’égard des tiers.

b. Risque limité
1. Pour un entrepreneur unique
• L’Entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL).
Il s’agit d’une entreprise individuelle, dont l’entrepreneur dresse lors de
la création, la liste des biens nécessaires à l’entreprise et qu’il apporte en
garantie à ses créanciers professionnels. Ainsi, comme en société, l’en-
trepreneur individuel qui a créé une EIRL sépare son patrimoine en
deux parties distinctes :
– un patrimoine privé, qui constitue une garantie pour ses créanciers
privés (notamment sa banque) ;
– un patrimoine professionnel (« patrimoine affecté »), connu des créan-
ciers de l’EIRL et leur servant de garantie.
Une EIRL a l’obligation d’établir et déposer ses comptes annuels ce qui
permet aux créanciers de suivre l’évolution du patrimoine profession-
nel. Par ailleurs, l’affectation de nouveaux actifs postérieurement à la
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 2 – La diversité des entreprises 21

création de l’EIRL fait l’objet d’une déclaration complémentaire. Le sys-


tème est donc assez peu commode.
• Les sociétés à un seul « associé »
– L’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) est une
variante de la SARL avec un « associé unique », personne physique ou
morale. Elle permet une distinction entre les patrimoines de l’entre-
prise et du propriétaire. La responsabilité est ainsi, théoriquement,
limitée à l’apport des capitaux, mais pratiquement les banques
demandent un engagement personnel du propriétaire si celui-ci veut
emprunter. Le montant du capital est librement fixé lors de la création.
– La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) est une
variante de la SAS avec un « associé unique » personne physique ou
morale. Le capital est librement fixé par les statuts. La responsabilité
de l’associé est limitée à ses apports, mais une caution personnelle est
souvent demandée à l’associé unique, souvent président, lors d’un
contrat de prêt par une banque. Le régime fiscal est celui de l’IS.

2. Pour plusieurs associés


• La société anonyme (SA) est le type même de la société de capitaux où
les associés se regroupent en fonction du capital à constituer et ne se
connaissent généralement pas.
Les conditions minima de fonctionnement sont : 7 actionnaires, un
capital social de 37 000 € sans appel public à l’épargne (225 000 €
dans le cas contraire). L’organisation et le fonctionnement sont relati-
vement lourds puisque le pouvoir est détenu par le conseil d’adminis-
tration (CA) qui en délègue l’exercice à son président et à un directeur
général (éventuellement assisté de directeurs généraux délégués) pour
les SA à conseil d’administration et par le directoire et son président
(ou un directeur général unique), contrôlé par le conseil de surveil-
lance pour les SA à directoire.
Ces sociétés sont soumises à l’impôt sur les sociétés (IS) et les diri-
geants peuvent avoir le statut fiscal et social de salarié.
La nomination d’un commissaire aux comptes par l’assemblée géné-
rale des actionnaires est obligatoire.
Ce type de société est réservé aux grandes entreprises du fait de sa
complexité et de son coût de fonctionnement important.
• La société à responsabilité limitée (SARL) est un type mixte entre la
société de personnes et la société de capitaux. Les associés, personnes
physiques ou morales, sont peu nombreux, entre 2 et 50, le montant
du capital est fixé par les statuts (d’où la formule de la « SARL au
capital de 1 € »). Les associés ne sont pas commerçants et leur respon-
sabilité est limitée à leur apport. Ce type de société, peu difficile à
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
22 Management et économie des entreprises

constituer et d’un coût de fonctionnement réduit, est une forme juri-


dique adaptée aux PME. On parle de « SARL de famille » lorsque la
société est constituée entre des associés qui sont parents en ligne
directe, frères et sœurs ou conjoints. Les SARL de famille peuvent
opter pour le régime fiscal des sociétés de personnes, contrairement à
la règle générale selon laquelle les SARL sont soumises à l’IS.

• La société en commandite par actions tombe en désuétude car elle a


un fonctionnement assez complexe. Il y a néanmoins quelques excep-
tions de taille : les entreprises Michelin, Lagardère et Eurodisney. C’est
une forme juridique particulière avec une séparation très nette des
responsabilités entre les commandités qui assurent la gestion et
prennent les risques (ou le commandité) et les commanditaires qui
apportent les capitaux sans participer à la gestion.

• La société d’exercice libéral (SEL) adaptée aux professions libérales


réglementées (loi du 31 décembre 1990). Elle peut prendre différentes
formes qui s’apparentent aux principaux types de sociétés de capi-
taux : SELARL, (Société d’exercice libéral à responsabilité limitée),
SELURL (société d’exercice libéral unipersonnelle à responsabilité
limitée), SELAFA (Société d’exercice libéral à forme anonyme), SELAS
(Société d’exercice libéral par actions simplifiée). SELCA (Société
d’exercice libéral en commandite par actions). Chaque associé répond
sur l’ensemble de son patrimoine des actes professionnels qu’il accom-
plit et la société est solidairement responsable avec lui.

CRÉATIONS DE SOCIÉTÉS SELON LA FORME JURIDIQUE


(EN POURCENTAGE DU NOMBRE D’UNITÉS LÉGALES)

1. Société à responsabilité limitée.


2. Société par actions simplifiée.
Champ : ensemble des activités marchandes non agricoles. Source : Insee, (REE) Sirene.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 2 – La diversité des entreprises 23

• La société par actions simplifiée (SAS) est une forme juridique très
souple qui connaît un succès croissant.
La formule juridique de la SAS offre une grande adaptabilité des statuts
qui peuvent accueillir des clauses diverses d’inaliénabilité des actions,
d’agrément ou d’exclusion ainsi que des pactes d’actionnaires, généra-
lement occultes.
Par le jeu de telles clauses, il est possible aux associés de stabiliser l’ac-
tionnariat de la société (en préservant son intuitus personæ), empêchant
ainsi toute arrivée d’un concurrent ou d’un « prédateur ».
Les droits pécuniaires des actionnaires sont les mêmes que dans la SA
(dividende, droit préférentiel de souscription, boni de liquidation).
– L’appel public à l’épargne est interdit (mais la SAS peut se transformer
à cet effet en SA, sans délai), le nombre des associés est indifférent. Il
n’existe pas de capital social minimum, la société peut donc être
constituée avec un capital social de 1 €.
– Une société par action simplifiée peut être créée par une (v. supra la
SASU) ou plusieurs personnes qui ne supportent les pertes qu’à concur-
rence de leur apport.
– La décision de transformer une société en SAS doit être prise à l’una-
nimité des associés.

B. Les entreprises de l’économie sociale1


Elles font partie des entreprises privées mais en sont une catégorie par-
ticulière du fait du choix de certaines orientations qui débouche sur un
mode d’entreprendre différent. En effet, l’économie sociale est consti-
tuée sur la base de projets économiques et sociaux reposant sur des
principes humanistes et des finalités autres que la seule recherche de
rentabilité. En effet, ces entreprises cherchent à concilier activité écono-
mique et utilité sociale.
L’« économie sociale et solidaire » regroupe différentes catégories d’en-
treprises : des coopératives, des associations, des mutuelles, des fonda-
tions et également certaines sociétés commerciales axées sur l’ESS.
Dans les 200 000 entreprises qui se réclament de l’économie sociale, il
n’y a pas de relations directes entre l’apport du capital et la prise de
décision (« un coopérateur = une voix »). Cela n’exclut jamais la
recherche d’un bénéfice, nécessaire à l’équilibre financier, mais la voca-
tion de celui-ci n’est pas d’être distribué aux actionnaires. Mutuelles,
coopératives, fondations emploient 13,8 % des salariés du secteur privé
en 2016 (soit 2,3 millions de salariés).

1. Elles sont regroupées dans les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire
(CRESS).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
24 Management et économie des entreprises

Selon une statistique du CRESS, 71 % du budget de ces entreprises pro-


vient de la vente de leur production tandis que le reste résulte du sou-
tien de personnes, de collectivités publiques ou de l’Union européenne.
L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE (ESS) EN FRANCE
RÉPARTITION DE L’EMPLOI DE L’ESS PAR CATÉGORIE JURIDIQUE
Mutuelles Fondations
3,1
5,6
Coopératives Associations
13,2 %

78,1 %

166 442 organisations et entreprises ; 222 869 établissements employeurs ;


2 327 175 salariés ; soit 10,3 % de l’emploi en France, et 13,8 % de l’emploi privé !
Source : Observatoire national de l’ESS-CNCRES, d’après Insee CLAP 2011.

a. Les sociétés coopératives


– Agricoles. Elles sont très développées dans le domaine agricole, vini-
cole… Elles se constituent pour regrouper les moyens nécessaires et
investir (coopérative de moyens) ou pour assurer la distribution des
produits de leurs sociétés (coopérative de négoce).
– De consommation. Ce sont des entreprises de distribution qui per-
mettent d’obtenir des conditions privilégiées pour leurs sociétaires.
– De production. Les sociétés coopératives ouvrières de production
(SCOP) réconcilient capital et travail. Elles se créent souvent à la suite
de la faillite d’une entreprise patronale dont les salariés veulent conti-
nuer l’exploitation. Elles ont une existence relativement éphémère par
manque de capitaux ou par manque de dirigeants compétents.
Il s’agit de sociétés à capital variable qui peuvent être constituées sous
forme de SARL ou de SA. Tous les salariés ne sont pas forcément action-
naires et tous les actionnaires ne sont pas forcément salariés, mais les
salariés doivent détenir au moins 51 % du capital. De plus lors des votes
en assemblée des associés, la règle spécifique des coopératives : « un
homme = une voix » vient modifier le fonctionnement des organes de
gestion.
Le statut de société coopérative européenne (SCE) a été défini par un
Règlement et une Directive européens du 22 juillet 2003.
La Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) est une « coopérative
de participation ». Elle a la forme de société anonyme ou de SARL mais
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 2 – La diversité des entreprises 25

associe autour d’un projet commun des acteurs salariés, des acteurs
bénéficiaires (clients, usagers, riverains, fournisseurs…) et des contribu-
teurs (associations, collectivités, bénévoles etc.) pour produire des biens
ou des services d’intérêt collectif au profit d’un territoire.

b. Les sociétés mutualistes


Les mutuelles sont des organismes ne poursuivant pas de but lucratif et
dont les membres s’assurent « mutuellement » contre certains risques (la
GMF, la MACIF). On y trouve également les sociétés de crédit mutuel.
– Les mutuelles de santé : (80 groupements mutualistes adhérents de la
Fédération des mutuelles de France). Elles portent des valeurs de soli-
darité entre adhérents et vis-à-vis du régime obligatoire de Sécurité
sociale et garantissent un accès à une complémentaire santé sans
exclusion (ex. : MGEN, Harmonie Mutuelle, MNT).
– Les mutuelles d’assurance : sociétés mutuelles d’assurances (SMA
fédérées au sein du GEMA) ou sociétés d’assurances mutuelles (SAM
fédérées au sein de la FFSA), elles sont soumises au Code des assu-
rances, mais à la différence des sociétés d’assurance classiques elles
sont sans but lucratif et n’ont pas à distribuer de dividendes. Leurs
assurés ont la qualité de sociétaires et peuvent se faire entendre en
assemblée générale. Dans le cadre de leur stratégie de diversification,
certaines mutuelles d’assurance ont ajouté à leurs activités d’assu-
rance auto, assurance habitation et responsabilité civile des contrats
d’assurance santé. Contrairement aux mutuelles de santé, elles restent
soumises au Code des assurances (ex. : MACIF, MAAF).
À NOTER
Le groupe Crédit Mutuel rassemble dans une confédération 18 fédérations régionales
qui regroupent de nombreuses caisses mutuelles locales ainsi que le Crédit mutuel
agricole et rural (CMAR). Cette banque mutualiste existe à travers les marques Crédit
mutuel et CIC et constitue l’une des grandes banques de détail en France. Elle s’est
diversifiée également dans des activités d’assurance.

c. Les associations
Les associations, constituées selon la loi de 1901, à but non lucratif, sont
répandues dans beaucoup de domaines (santé, culture, sport, charité…)
et gèrent parfois des sommes très importantes. Celles qui ont une « acti-
vité économique » (loi du 1er mars 1984) en produisant des biens ou des
services marchands, sont des entreprises. Elles peuvent parfois être sou-
mises à TVA en totalité ou partiellement (sectorisation de l’activité sou-
mise à la taxation).
Elles sont très nombreuses en France (1,3 Million) et elles emploient
1,8 million de personnes (dont la moitié dans le secteur sanitaire et
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
26 Management et économie des entreprises

social). Elles sont surtout financées par des subventions et des revenus
d’activité, le mécénat ne concernant que 9 % des associations (contrai-
rement à ce qu’il se passe dans les pays anglo-saxons).

d. Les fondations et fonds de dotation


– Les 2 229 fondations (2016) consistent en « l’affectation irrévocable de
biens, droits ou ressources à la réalisation d’une œuvre d’intérêt géné-
ral et à but non lucratif. ». Elles sont souvent créées par des personnes
physiques ou par des entreprises (pour 1/3) ; dans ce dernier cas, elles
en conservent généralement le nom (ex : Fondation Banque Populaire,
Fondation PSA, Fondation Total). Elles proposent du mécénat finan-
cier ou de compétences (v. p. 93), c’est-à-dire un soutien matériel ou
financier apporté sans contrepartie à des activités d’intérêt général et
sans but lucratif.
– Les 2 226 fonds de dotation (2016) sont des personnes morales utili-
sées, par un individu ou par un collectif, comme outil de financement
privé et désintéressé d’actions d’intérêt général. Les formalités de créa-
tion des fonds de dotation sont les mêmes que pour créer une associa-
tion loi 1901. Ils doivent adresser un rapport annuel d’activité et comp-
table et financier à la préfecture du département de leur siège social.
Ces organismes collectent des fonds d’origine privée pour financer des
opérations de mécénat (ex. : Fonds Marseille Patrimoine 2013-2020).
Les avantages fiscaux des financeurs des fondations et des fonds de
dotation sont ceux du mécénat, pour les entreprises comme pour les
particuliers.

e. Les sociétés commerciales de l’ESS


(« entreprenariat social »)
C’est en 2014 que certaines sociétés commerciales ont été intégrées dans
le champ de l’économie sociale et solidaire. Ce sont des sociétés qui
revendiquent des principes et des objectifs sociétaux en suivant néan-
moins une logique marchande. Pour faire partie de l’ESS, elles doivent
respecter certains critères :
– leur objet social doit s’inscrire dans l’ESS ;
– le caractère démocratique de leur mode de gouvernance ;
– le report à nouveau de leurs bénéfices ainsi que la création d’une
réserve obligatoire ;
– l’interdiction d’amortir ou de réduire leur capital.
En 2017, seules 236 sociétés commerciales (pour 60 % sous la forme de
SAS) avaient intégré l’ESS (soutien aux entreprises, industrie et
construction, commerce).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 2 – La diversité des entreprises 27

C. Les entreprises du secteur public


Diverses circonstances historiques ont amené, en France, dans le passé,
l’émergence d’un secteur public important :
– volonté d’assurer certains services au profit de la collectivité ;
– volonté de contrôler certains secteurs de l’économie pour pouvoir
mener efficacement une politique économique (nationalisations de
1945 et de 1982) ;
– sanction politique à l’égard des propriétaires français ayant contribué
à l’effort de guerre nazi durant la Seconde Guerre mondiale, Renault
(depuis privatisée) et les moteurs Gnome et Rhône à l’origine de la
SNECMA (également privatisée depuis).
En 2014, l’État français contrôlait directement 89 sociétés françaises et à
travers elles, leurs filiales, soit en tout : 1 632 sociétés françaises, qui
employaient 795 000 salariés, dont les 3/4 dans le secteur tertiaire.
L’intervention des pouvoirs publics se fait au travers du contrôle qu’ils
exercent sur les différentes sortes d’entreprises du secteur public, et
notamment grâce à la définition de leur statut.
ENTREPRISES PUBLIQUES SELON L’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE FIN 2014

Nombre Effectifs Principaux groupes


Activité économique
de sociétés salariés en présents dans
(nomenclature agrégée – NA 2008)
(p) milliers (p) le secteur
7 9,1 Office national
Agriculture
des forêts
Industrie 447 170,6
Fabrication de machines et 6 1,4 CEA
d’équipements électriques*
Fabrication de matériels de transport 6 14,9 DCNS
Fabrication d’autres produits 32 22,0 CEA, LFB
industriels
Ind. extractives, énergie, eau, gestion 403 132,3 EDF
des déchets et dépollution
Construction 66 2,4 EDF
Tertiaire 1 112 613,2
Commerce, réparation d’automobiles 29 2,2 UGAP
et motocycles
413 481,5 La Poste, SNCF, RATP,
Transports et entreposage
Aéroports de Paris
Hébergement et restauration 4 2,7 Adoma
Information et communication 73 22,2 France Télévision
3
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
28 Management et économie des entreprises

Nombre Effectifs Principaux groupes


Activité économique
de sociétés salariés en présents dans
(nomenclature agrégée – NA 2008)
(p) milliers (p) le secteur
Activités financières et d’assurance 171 22,7 Banque de France
Activités immobilières 122 2,6 SNCF
Act. spéc., scient. et tech. et act. 262 60,5 CEA, La Poste
de serv. adm. et de soutien
Adm. publique, enseignement, santé 18 10,8 Établissements
humaine et action sociale français du sang
Autres activités de services 20 8,1 Opéra de Paris, FDJ
Total 1 632 795,5
*  Y c. fabrication d’équipements électroniques et informatiques.
p : données provisoires. Source : Insee, Recme.

PRINCIPALES ENTREPRISES À PARTICIPATION PUBLIQUE


SELON LE CHIFFRE D’AFFAIRES EN 2014

Chiffre d’affaires(1) Résultat net(1) en Effectifs en équivalent-


en millions d’euros millions d’euros temps plein en milliers
GDF Suez(2) 74 686 2 440 150,6
EDF 72 874 3 701 148,0
Peugeot SA(3) 60 713 2 343 138,6
Airbus Group (3)
53 607 – 706 189,8
Orange 41 055 1 890 117,4
Renault(3) 39 445 925 151,6
SNCF(3) 27 243 605 245,8
Air France-KLM 24 912 – 198 94,7
La Poste 22 462 513 257,9
Safran 15 044 – 126 68,9
Thales 12 974 714 60,8
Areva(3) 8 354 – 4 834 41,8
RFF(3) 5 917 – 213 1,5
RATP(3) 5 257 298 58,0
DCNS 3 066 – 336 13,1
France Télévisions 3 018 – 38 10,7
Aéroports 2 791 402 9,0
de Paris
Française 1 549 – 8 1,7
des Jeux
3
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 2 – La diversité des entreprises 29

Chiffre d’affaires(1) Résultat net(1) en Effectifs en équivalent-


en millions d’euros millions d’euros temps plein en milliers
Nexter Systems- 1 238 76 4,2
Giat Industries
Radio France 645 – 2 4,2
(1)  Au 31 décembre.
(2)  Effectifs en moyenne annuelle.
(3)  Effectifs au 31 décembre. Source : Agence des participations de l’État.

a. Les entreprises semi-publiques


Une partie du capital est détenue par les pouvoirs publics, mais des
personnes privées participent au financement ou à la gestion. Le contrôle
ne s’exerce que sur les grandes options. Sans être exhaustif, on peut
distinguer :
– Les sociétés anonymes à capitaux partiellement publics représentent
70 % des sociétés de l’État actionnaire. Leur statut juridique a généra-
lement été modifié dans le cadre d’une privatisation ou de la mise en
concurrence dans l’espace européen. C’est le cas d’EDF, Engie, ADP, La
Poste, Renault, Orange, etc.
RÉPARTITION DU CAPITAL DE RENAULT EN NOVEMBRE 1994

GAP & GAA Salariés


5% 2,50 %
Volvo Public
11,40 % 28,10 %

État français
53 %

RÉPARTITION DU CAPITAL DE RENAULT EN AVRIL 2015


Autodétention Salariés
1,40 % 3,34 % Public
Nissan
15 % 57,80 %

État français
19,70 %

– Les sociétés d’économie mixte (SEM) sont des entreprises d’intérêt


général, dans lesquelles le financement est assuré conjointement par
l’État et par une (ou plusieurs) personne(s) privée(s).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
30 Management et économie des entreprises

Au niveau local, il existe un grand nombre de SEM, dont plus du quart


sont des SEM d’aménagement de terrains (ZAC, par exemple) qui
opèrent au niveau communal ou départemental.
– Les concessions sont des entreprises privées auxquelles une collecti-
vité publique a confié l’exploitation d’un service public dans certaines
conditions. (Transport collectif sur un réseau urbain ou fourniture
d’eau par exemple).
– Les régies intéressées sont des entreprises publiques dont on a confié
la gestion à un gérant intéressé aux résultats (Un centre des congrès,
par exemple).

b. Les entreprises purement publiques


Une collectivité publique détient l’intégralité du capital de ces entre-
prises. Elles ont un degré d’autonomie plus ou moins important lié au
degré de concurrence de leur marché. Le contexte de l’Union européenne
réduit progressivement le champ de ces « services publics à la française » :
– Les entreprises nationalisées étaient des firmes où l’intervention des
pouvoirs publics se faisait par un contrôle des grands choix straté-
giques et par la nomination des directeurs. Elles évoluaient dans un
environnement concurrentiel et se comportaient comme des entre-
prises privées. Elles obéissaient aux règles de la comptabilité privée et
devaient, en principe, réaliser des bénéfices. Elles ont été privatisées
au fil des ans.
– Les établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) ont une
situation particulière. Ils disposent d’une certaine autonomie mais
comme ils évoluent souvent en situation de monopole, ils doivent
obéir à certaines règles du secteur public. Ce sont : BPIGroupe, SNCF
Mobilités, RATP, SNCF Réseau, La Monnaie de Paris et Charbonnage
de France.
– Les autres établissements publics, comme : ADEME, Voies navigables
de France, CNES, CEA, Ifremer.
– Les régies directes qu’elles soient d’État (les arsenaux) ou municipales
(services de nettoiement, régies des eaux, piscines…) sont soumises
aux règles de la comptabilité publique et dépendent intégralement des
collectivités publiques.

III. La diversité des dimensions


Une autre façon de classer les entreprises est de les regrouper par taille.
Ce critère peut paraître quelque peu artificiel, en effet il semble difficile
d’agréger des entreprises n’exerçant pas la même activité et donc ne
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 2 – La diversité des entreprises 31

possédant pas les mêmes structures de production. Néanmoins ce clas-


sement est apparu nécessaire car il permet de dégager des caractéris-
tiques identiques dans le comportement des entreprises en fonction de
leur taille.
Mais quel indicateur de taille retenir ?
Différents critères sont utilisés pour répertorier les entreprises suivant
leur dimension. En fonction de l’objet analysé, le choix est différent :
– en fonction des facteurs de production mis en œuvre : nombre de sala-
riés, montant du capital investi ;
– en fonction de l’activité : chiffre d’affaires, chiffre d’affaires consolidé ;
– en fonction de la rentabilité : valeur ajoutée, bénéfice.
Le critère le plus souvent retenu est l’effectif employé car c’est celui
utilisé par le droit social. En effet, un grand nombre de lois sociales s’ap-
pliquent à partir d’un nombre déterminé de salariés (seuil d’applica-
tion).
En application de la loi sur la modernisation de l’économie du 4 août
2008 (dite LME), on distingue désormais :
– les microentreprises occupent moins de 10 personnes et ont un chiffre
d’affaires annuel ou un total de bilan n’excédant pas 2 millions d’euros ;
– les petites et moyennes entreprises (PME) occupent moins de 250 per-
sonnes et ont un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 50 millions
d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros. Dans
l’étude, on entend par PME les PME hors microentreprises, même si
ces dernières sont, par définition, des PME ;
– les entreprises de taille intermédiaire (ETI) n’appartiennent pas à la
catégorie des PME, et occupent moins de 5 000 personnes et ont un
chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 1,5 milliard d’euros ou un
total de bilan n’excédant pas 2 milliards d’euros ;
– les grandes entreprises sont les autres entreprises.
TABLEAU RÉCAPITULATIF

Micro-entreprises
0 < N ≤ 10 salariés et CA ou total du bilan ≤ 2 millions d’€
Petites et moyennes entreprises (PME)
N < 250 salariés et CA ≤ 50 millions d’€ ou un total de bilan ≤ 43 millions d’€
Entreprises de taille intermédiaire (ETI)
Entreprises remplissant 2 des 3 critères suivants :
250 ≤ N ≤ 4 999 salariés
50 millions d’€ < CA ≤ 1,5 milliard d’€
43 millions < Total de bilan < 2 milliards d’€
Grandes entreprises
Celles n’appartenant pas aux autres catégories
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
32 Management et économie des entreprises

RÉPARTITION DES ENTREPRISES EN FRANCE SELON LA TAILLE


ET EFFECTIF SALARIÉ EN 2013

Effectif
Nombre %
en millions*
Microentreprises 3 606 741 96,16 % 2,8
PME (hors microentreprises) 138 117 3,70 % 4,14
ETI 5 322 0,14 % 3,55
Grandes entreprises 274 0,00 % 4,3
Total 3 750 454 100 14,8
*  En équivalent-temps plein.
Lecture : dans ce tableau, l’entreprise désigne « le groupe y c. ses filiales financières »
ou « l’unité légale indépendante ».
Ce concept nouveau se rapproche de celui d’« acteur économique ».
Champ : secteurs marchands non agricoles.
Source : Insee Références, 2 mars 2017.

IV. Les petites et moyennes


entreprises (PME et PMI1)
a. Définition
Ce sont les entreprises qui emploient moins de 250 salariés et un chiffre
d’affaires inférieur ou égal à 50 millions d’euros ou un total de bilan
inférieur ou égal à 43 millions d’euros. Cette catégorie englobe les TPE
ou micro-entreprises qui en représentent une sous-catégorie.

b. Répartition des entreprises françaises par nombre


de salariés au 1er janvier 2015
MILLIERS D’UNITÉS LÉGALES SELON LE NOMBRE DE SALARIÉS EN 2015

1à9 10 à 49 50 à 99 100 à 249 250 s.


0 salarié Total
salarié(s) salariés salariés salariés et plus
3 038,0 985,9 167,7 18,1 10,6 6,1 4 226,5
71,9 % 23,3 % 3,9 % 0,4 % 0,3 % 0,2 % 100 %
Champ : unités légales marchandes hors agriculture (y c. auto-entrepreneurs et sociétés
holding) ; données au 1er janvier 2015.
Source : Insee, Sirene, REE (Répertoire des Entreprises et des Établissements).

1.  PMI pour petites et moyennes industries, désigne les petites et moyennes entreprises
industrielles.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 2 – La diversité des entreprises 33

c. Les « microentreprises »
Ce sont des entreprises dont le nombre de salariés est égal ou inférieur à
10. Mais 72 % d’entre elles n’ont aucun salarié et, pour celles qui ont un
seul salarié, il peut s’agir de l’entrepreneur. Lorsque le total de leur bilan
ou de leur chiffre d’affaires est inférieur ou égal à 2 millions d’euros, ce
sont des micro-entreprises. Toutefois, le terme de TPE reste largement
utilisé dans le langage courant. Les TPE ou micro-entreprises constituent
une sous-catégorie des PME. Elles représentent plus de 95 % du nombre
d’entreprises en France et 19 % de l’emploi. Elles sont parfois une solu-
tion pour les chômeurs qui ne trouvent pas d’emploi salarié et qui
décident de créer leur activité. Elles englobent les auto-entrepreneurs
dont certains sont dans une situation proche de la subordination à
l’égard d’une entreprise donneuse d’ordre et donc du salariat.
Pour toutes ces raisons les pouvoirs publics locaux et l’État sont attentifs
à la situation de ces entreprises qui constituent par ailleurs la base du
tissu économique local (avec un grand nombre d’artisans, de commer-
çants et de professionnels libéraux). Des programmes régionaux de
financement de BPIFrance existent pour faciliter la croissance des TPE.
À NOTER
86 % des TPE emploient entre 1 et 5 salariés mais n’ont pas les moyens d’une gestion
très sophistiquée. Les réformes portées par les ordonnances visant à simplifier le
Code du travail comme le plafonnement des indemnités prud’homales, et la possibi-
lité de négocier sans syndicat devraient bénéficier à ces entreprises, comme aux PME
plus grandes.

1. Une forme juridique souvent rudimentaire


Un grand nombre des microentreprises sont des entreprises indivi-
duelles avec la simplicité et les fragilités que cela représente. (v. p. 19).
L’entrepreneur individuel est imposé sur la totalité du bénéfice réalisé
par son exploitation, au titre de son impôt sur le revenu (comme les
associés des sociétés civiles ou ceux des sociétés de personnes). Il peut
cependant bénéficier d’avantages fiscaux (non-majoration de 25 % du
bénéfice imposable) lorsqu’il adhère à un centre de gestion agréé ou
lorsqu’il a recours à un expert-comptable. Lorsque l’activité est modeste,
le régime fiscal de la microentreprise s’applique (v. infra).

2. Des activités souvent typées


S’adressant essentiellement à un marché de proximité, les micro-entre-
prises sont :
– des entreprises artisanales qui se répartissent en plus de 200 métiers
et sont immatriculées à la Chambre des métiers et de l’artisanat de leur
département ;
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
34 Management et économie des entreprises

– des commerces (80 % des entreprises du commerce) qui sont immatri-


culés au Registre du commerce et des sociétés ;
– la plupart des entreprises de l’agriculture ;
– un grand nombre de professionnels libéraux qui n’ont pas créé de
société.

3. Un régime fiscal et social simplifié :


celui de la micro‑entreprise
Il s’applique aux entreprises qui respectent les conditions suivantes :
• Avoir réalisé au cours de l’année civile précédente (année N – 1) un
chiffre d’affaires inférieur aux limites suivantes :
– 82 200 € (ou 90 300 € si le chiffre d’affaires de l’année N – 2 n’a pas
excédé 82 200 €) pour les activités de vente de marchandises, vente à
consommer sur place ou fourniture de logement (hors location
meublée autre que meublé de tourisme, gîte rural et chambre d’hôte) ;
– 32 900 € (ou 34 900 € si le chiffre d’affaires de l’année N – 2 n’a pas
excédé 32 900 €) pour les autres activités de prestation de services,
qu’elles soient artisanales, commerciales ou libérales.
• Ne pas être redevable de la TVA, en exerçant une activité exonérée de
TVA ou en bénéficiant du régime de la franchise en base de TVA (ne
pas avoir opté pour le versement de la TVA).
• Par ailleurs le micro-entrepreneur peut s’acquitter de ses cotisations
sociales et de son impôt sur le revenu, égal à un pourcentage de son
chiffre d’affaires, directement auprès des organismes de sécurité
sociale.

d. Caractéristiques des PME


Il est important de ne pas les considérer comme des modèles réduits des
grandes entreprises. La gestion et l’organisation d’une PME sont diffé-
rentes en bien des points de celles d’une TPE et plus encore de celles
d’une grande entreprise (comme Danone, champion de l’agroalimentaire
avec 100 000 salariés et un chiffre d’affaires de 22 milliards d’euros et
qui vend dans la plupart des pays du monde).

1. Un rôle économique important


La plupart des entreprises françaises sont des PME, et un très grand
nombre de celles-ci sont des micro-entreprises. Selon le rapport PME de
BPI France, en 2015, les PME ont vu en moyenne leur chiffre d’affaires,
leur valeur ajoutée et leur rentabilité augmenter. Elles représentent un
peu moins de la moitié des emplois et de la valeur ajoutée du total des
entreprises. Dans l’industrie, les PME, moins capitalistiques que les
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 2 – La diversité des entreprises 35

grandes entreprises, sont désavantagées par rapport à celles-ci en ce qui


concerne le taux de marge (excédent brut d’exploitation/valeur ajoutée)
et la productivité apparente du travail (valeur produite par heure ou par
personne). De même, leur marge d’autofinancement est plus faible et
leur taux d’endettement plus élevé que dans les grandes entreprises
industrielles. Ces différences disparaissent ou s’estompent dans les acti-
vités de services.
Chaque année, plus du dixième de ces entreprises est renouvelé par le
jeu des créations et cessations, notamment les micro-entreprises. Il faut
noter que moins de la moitié des entreprises créées atteignent leur qua-
trième année.
Dans le secteur des services, le nombre des PME augmente beaucoup
plus vite que dans l’industrie.

2. Les spécificités du management des PME-PMI


Un mode de gouvernement aux logiques multiples
Les PME ne sont généralement pas, en France notamment, de grandes
entreprises en puissance (Le choix de ne pas « grandir » est assez fré-
quent) et elles ne correspondent pas non plus à des miniatures de grande
entreprise. De plus la petite taille ne signifie pas forcément qu’il existe
une simplicité dans le management. En fait la rationalité économique se
trouve combinée à d’autres impératifs, notamment familiaux, ce qui
complique la gestion (v. infra Les entreprises familiales).

Une organisation du travail souvent centralisée


La plupart des PMI sont organisées de façon centralisée : la supervision
directe garde un rôle important et la participation des opérateurs aux
circuits d’information est modeste.
Seules les plus grandes PMI (à partir de 100 salariés, environ) sont
proches des grandes entreprises dans ce domaine et notamment celles
qui ont recours à des technologies flexibles. Il s’agit le plus souvent de
filiales de groupes.

3. Une représentation professionnelle particulière


Les PME participent localement et régionalement aux Chambres de com-
merce et d’industrie (CCI) et aux Chambres des métiers et de l’artisanat.
Pour chaque secteur d’activité, elles sont organisées en fédérations ou en
syndicats professionnels, rassemblés au niveau national principalement
dans la CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises) et
dans une moindre mesure dans le MEDEF.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
36 Management et économie des entreprises

4. L’intégration croissante dans des groupes de sociétés


On remarque l’explosion du nombre des micro-groupes. Au cours des
25 dernières années, on a assisté à un développement rapide du nombre
des micro-groupes, c’est-à-dire de moins de 500 salariés, composés de
deux à trois sociétés moyennes, dont l’une détient la majorité des voix
dans les organes de gestion des autres. Ce mode d’organisation est un
moyen pour le dirigeant de réduire le poids de la fiscalité et d’assurer la
transmission de l’entreprise dans de meilleures conditions. L’essor des
microgroupes traduit aussi l’attrait des investisseurs étrangers pour les
petites ou moyennes entreprises françaises.
De plus, les PME sous contrôle sont de plus en plus nombreuses. Du fait
des restructurations industrielles, les groupes contrôlent de plus en plus
de PMI, notamment dans les industries de base. Un nombre croissant de
PME est ainsi contrôlé par d’autres sociétés, soit dans le cadre du déve-
loppement des micro-groupes, soit dans le cadre des opérations de filia-
lisation des grands groupes.

e. Les atouts et faiblesses des PME


1. Les atouts
• Leur flexibilité est grande, ces entreprises de dimension modeste ont
des structures suffisamment souples, grâce notamment à une grande
polyvalence du personnel, pour s’adapter aux changements de l’envi-
ronnement et « rebondir » rapidement, en trouvant la réponse appro-
priée (réactivité).

• Leur petite taille facilite la communication (« dimension humaine »)


et permet un mode de gestion rustique, souvent centralisé qui a au
moins l’avantage de la simplicité et de la cohérence.

2. Les faiblesses
• Leur financement est plus difficile (à la fois plus coûteux et plus
limité) du fait d’un pouvoir de négociation moins important vis-à-vis
des banques et des clients et fournisseurs, d’un manque d’accès aux
marchés financiers et d’une capacité d’autofinancement souvent plus
faible. De plus le souci de préserver l’autonomie de gestion dans les
entreprises familiales peut les amener à limiter l’ouverture et l’aug-
mentation du capital.

• Les méthodes de gestion, l’accès aux informations sur l’environne-


ment, sont plus modestes que dans les grandes entreprises, faute de
moyens et de disponibilité des dirigeants, parfois complètement acca-
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 2 – La diversité des entreprises 37

parés par le fonctionnement « au jour le jour » qui s’appuient souvent


sur leur intuition1.
REMARQUE
Ces difficultés disparaissent dans le cas de PME appartenant à des grands groupes.
Elles réunissent alors les avantages de la « taille humaine » et ceux qu’apporte la
grande dimension.

• Les performances en matière de gestion de ressources humaines


(GRH) sont moindres dans la plupart des PME ou PMI : la rémunéra-
tion du personnel est moins élevée dans les PME. En moyenne, le taux
de rotation du personnel est plus élevé que dans les grandes entre-
prises mais l’absentéisme est moindre.
• Les limites endogènes à la croissance des PME ou PMI familiales2 :
certaines caractéristiques des PME familiales3 créent des contraintes
susceptibles de freiner leur développement.

Le management peut freiner la croissance


À partir d’une certaine dimension, l’entreprise familiale de taille moyenne
arrêterait de se développer parce que son dirigeant ne saurait plus la gérer
efficacement ou parce qu’il manque de confiance dans l’avenir pour
prendre des décisions d’investissement irréversibles, ou encore parce
qu’il refuse de bouleverser la structure salariale, en recrutant les person-
nels hautement qualifiés qui seraient nécessaires au développement.
Certains ont désigné par « le syndrome de Peter Pan » les difficultés des
PME françaises à grandir pour devenir des ETI (80 % des entreprises
françaises ne connaissent pas de croissance selon P. Artus, économiste
chez Natixis).

Les finalités sont aussi patrimoniales


Dans une entreprise familiale, la croissance vient en concurrence avec le
souci de constituer et de préserver le patrimoine familial. Cette préoccupa-
tion souvent prioritaire incite à la prudence et à des placements (terrains,
bâtiments) plutôt qu’à des investissements industriels toujours risqués.
De plus, la volonté de transmettre l’entreprise à l’un des héritiers, afin
d’en préserver l’unité, incite à en limiter la valeur pour des raisons fis-
cales et pour que cette valeur ne pèse pas trop lourdement dans le patri-
moine total à transmettre (afin que l’un des héritiers puisse recevoir la
majorité des parts sociales).

1. Gaël Guegen, « PME et stratégie : quelles spécificités ? », Économie et management,


avril 2009.
2.  B. Girard, Pourquoi les PME restent PME ?, Les Annales des Mines, série « Gérer et com-
prendre », sept. 1997, publié dans Problèmes économique, no 2551, janvier 1998.
3.  Par PME-PMI familiales, on désigne ici celles qui ne sont pas contrôlées par des groupes.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
38 Management et économie des entreprises

f. Les axes stratégiques des PME


1. Sous-traitance, innovation et spécialisation
• Les PMI peuvent se développer en complétant la production de
grandes entreprises, dont elles deviennent les sous-traitantes1. Elles
sont alors dépendantes des ordres de celles-ci auxquelles elles
apportent une certaine flexibilité.
Dans l’industrie, notamment, on distingue :
– la sous-traitance de capacité : il s’agit de produire le même bien que
l’entreprise principale, afin de permettre à celle-ci de faire face à une
augmentation brusque de la demande ;
– la sous-traitance de spécialité : il s’agit de produire une pièce qui s’in-
tégrera dans le produit de l’entreprise principale. Celle-ci préférant
confier à d’autres les fabrications d’éléments qui sortent de son métier.
• Les PME innovent moins que les grandes entreprises. Les PME inno-
vatrices2 prennent des risques importants. Lorsqu’elles parviennent à
lancer des produits nouveaux avec succès, elles bénéficient d’une
situation de « monopole provisoire ». Cependant la croissance du mar-
ché nécessite bientôt des investissements importants et entraîne une
concentration (le plus souvent par intégration des PME dans des
groupes industriels ou de services).
EXEMPLE
Les concentrations dans le secteur de la micro-informatique ou des biotechnologies
depuis une vingtaine d’années.

• Les PME peuvent aussi prospérer sur des créneaux (ou « niches ») de
marché en se spécialisant dans la production d’un bien ou d’un service
adapté avec précision aux besoins d’un segment particulier de clientèle3.
REMARQUE
Lorsque la clientèle visée dispose d’un pouvoir d’achat élevé on parle d’« écrémage »
du marché.

2. Une internationalisation croissante


Un nombre croissant de PME exporte et s’implante à l’étranger, notam-
ment dans l’Union européenne (recherche de débouchés) et en Afrique
(baisse des coûts de main-d’œuvre). En raison de la modestie de leurs
ressources, à l’étranger les PME françaises privilégient les accords de
coopération et les co-entreprises (« joint-venture ») ainsi que les alliances
commerciales avec des entreprises locales bien installées sur place.

1.  Voir les accords entre les entreprises  ; chap. 10, p. 234.
2.  Voir les variables stratégiques  ; chap. 9, p. 185.
3.  Voir aussi la stratégie générique de concentration sur un créneau de M. Porter, p. 254.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 2 – La diversité des entreprises 39

Les PME françaises sont ainsi très peu implantées directement à l’étran-
ger en comparaison des PME du Royaume-Uni, d’Autriche ou d’Islande
par exemple (source : Observatoire européen des PME, 2004).

3. Un effort de recherche et développement


– Les PME investissent dans la recherche et développement, soit direc-
tement, soit en ayant recours à d’autres entreprises, à des laboratoires
publics ou encore au laboratoire du groupe industriel auquel elles
appartiennent. Elles peuvent avoir recours par ailleurs, aux centres
serveurs de résultats scientifiques et technologiques ou au Fonds de la
recherche et de la technologie (FRT). Elles peuvent bénéficier d’aides
financières : prêts de BPI France et crédit d’impôt-recherche.
– Cet effort est devenu une obligation pour les PMI, soit pour entretenir
les avantages de l’innovation (voir plus haut), soit pour maintenir le
niveau de leur processus de fabrication et atteindre le niveau de qua-
lité requis pour rester sous-traitante ou fournisseur de grandes entre-
prises. (Voir la gestion de la qualité et l’assurance-qualité, dans le
chapitre 16 « La production de biens ».)

V. Les entreprises de taille


intermédiaire (ETI)
a. Ce qu’elles sont
À la frontière entre grandes entreprises et PME, les ETI sont souvent
considérées en France comme les clés de la compétitivité nationale.
Elles seraient en effet assez grandes pour être compétitives, innovatrices,
exportatrices et investisseuses, et assez petites pour rester indépendantes
et éviter la logique purement financière de certains grands groupes.
Au contraire, leur caractère parfois familial leur conférerait une logique
de long terme favorable à leur développement industriel et à celui de
notre économie. Elles sont très majoritairement des filiales de groupes ;
seules 5 % des ETI sont indépendantes. Elles sont principalement pré-
sentes dans l’industrie et jouent de ce fait un rôle important dans le
commerce extérieur (1/3 des exportations)1.

b. Ce qu’elles représentent
En 2013, l’Insee a décompté 5 200 entreprises de taille intermédiaire (ETI)
localisées en France. Selon le METI, ces entreprises représentent 23 % de

1.  Chiffres clés des ETI françaises selon le METI, juin 2016.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
40 Management et économie des entreprises

l’emploi salarié et 34 % des exportations de la France et elles génèreraient


39 % du PIB si on considère, au-delà de leur création de valeur ajoutée,
leurs consommations intermédiaires et la sous-traitance. En moyenne, elles
emploient chacune près de 700 salariés et regroupent 10 unités légales.
Comme les grandes entreprises, les ETI sont internationalisées. Elles
représentent des implantations françaises de groupes étrangers (pour
37 %). Elles sont pour 58 % filiales de groupes français. Les grandes
coopératives agricoles sont généralement des ETI.
Les spécialistes de l’économie industrielle s’accordent à dire que la
France manque d’ETI par rapport à d’autres pays (comme l’Allemagne
où on en compte 180 000 en 2015). En 2016, les ETI jouent un rôle
moteur dans la croissance et l’amélioration de la productivité et 34 %
d’entre elles sont industrielles. Elles emploient 30 % des cadres du sec-
teur privé selon l’APEC1.

c. Leurs axes de développement


Les deux vecteurs de développements des ETI sont d’une part l’innova-
tion (technique, commerciale et sociale), le plus souvent en partenariat
et d’autre part l’internationalisation (Exportation, implantation et parte-
nariat) surtout dans le cadre de l’UE.
Le professeur Hermann Simon désigne, par l’appellation « champions
cachés », les ETI, peu visibles du grand public, qui sont leaders sur des
marchés de niche et qui sont nombreuses dans l’industrie allemande2.
Par ailleurs, 11 % des ETI possèdent au moins une filiale en Asie et 4 %
en Amérique latine3. Ce sont, pour 75 % d’entre elles, des entreprises
familiales ou patrimoniales, comme Bonduelle, Seb, Daher, etc.

VI. Les grandes entreprises


Cette notion de grande entreprise regroupe des firmes qui présentent des
traits communs mais qui peuvent aussi adopter des formes très diverses
telles que le groupe national ou multinational. Selon la loi de moderni-
sation de l’économie de 2008, elles ont au moins 5 000 salariés, plus de
1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires et plus de 2 milliards d’euros de
total de bilan.

1.  Panorama de l’emploi cadre dans les ETI, APEC, décembre 2013.


2.  H, Simon, R. Cœurderoy et S. Guinchard, « ETI françaises et “déficit d’internationalisa-
tion”, quels enseignements tirer du cas allemand des champions cachés ? », Revue française
de gestion 2014, no 244.
3.  Les ETI, levier de la croissance en France, étude KPMG & ASMEP ETI, 2013.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 2 – La diversité des entreprises 41

En France en 2013, les 274 grandes entreprises employaient 29 % du


total des salariés de l’économie marchande, hors agriculture et intérim.

a. Caractéristiques
Ces entreprises sont grandes par leur effectif salarié mais aussi par leur
surface financière. Ce sont, dans la plupart des cas, des sociétés. Elles
sont constituées par un grand nombre d’associés ce qui permet de mobi-
liser des moyens importants, tant au niveau du capital social que des
ressources financières externes, en faisant un appel public à l’épargne.
Du fait que ces entreprises comprennent un très grand nombre d’associés,
ceux-ci perdent parfois le pouvoir de prise de décision qui est transféré
au profit des managers (la « technostructure » selon la terminologie de
J.K. Galbraith). Ces managers se trouvent eux-mêmes placés de plus en
plus souvent sous le contrôle de quelques grands actionnaires que sont les
fonds de placement collectifs (fonds de pension ou investisseurs institu-
tionnels) (v. le thème de la gouvernance d’entreprise dans le chapitre 6).
Dans ce type d’entreprises, on met en œuvre tous les principes d’organisa-
tion et de gestion les plus élaborés. Néanmoins l’organisation très ration-
nelle du travail crée parfois des problèmes sociaux ou des déséconomies
d’échelle1 dues à l’effet de taille (absentéisme, démotivation, non-qua-
lité…) au point que l’on doit décentraliser le pouvoir et que l’on en vient
même à « éclater » l’entreprise en petites unités (small is beautiful).
Le développement de ces grandes entreprises se fait sur le marché mon-
dial où elles sont représentées par une diversité de sociétés filiales. Leur
puissance est donc très importante :
– sur l’environnement, par leur capacité de modifier ou de l’influencer
sur les plans économique et écologique ;
– d’un point de vue technique, par les moyens et la technologie mis en
œuvre ;
– d’un point de vue financier car elles peuvent facilement faire appel à
des capitaux conséquents.
Ainsi, l’Insee a relevé qu’en 2015, les grandes entreprises réalisaient
31,4 % du PIB français et 26,1 % de l’emploi salarié en France et 50,5 %
des exportations2.
Selon une étude de l’IFGE publiée en janvier 2012, le développement
des marchés financiers a permis une formidable concentration des entre-
prises françaises sur la période 1992-2010, dont une soixantaine ont vu

1.  Déséconomies d’échelle : il s’agit, à partir d’un certain seuil de production, de l’augmen-
tation du coût unitaire qui accompagne l’accroissement de la quantité produite (à l’inverse
des économies d’échelle), du fait d’une saturation du système productif et de l’organisation
de l’entreprise.
2.  Chiffres clés Insee 6/10/2017, Caractéristiques des entreprises en 2015.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
42 Management et économie des entreprises

leur chiffre d’affaires moyen doubler, et leur effectif moyen augmenter


de 68 %. La capitalisation boursière de ces entreprises géantes représen-
tait, en 2010, 80 % de la capitalisation boursière de Paris1.
En 2012, en France, 1 % du nombre de sociétés ayant investi, ont
concentré 75 % des investissements.

b. Le groupe
La diversification des produits entraîne souvent la constitution d’un
groupe qui est un ensemble de sociétés ayant des relations financières
et économiques et contrôlées soit par une société-mère, soit par une
société de portefeuille (holding). On parle de filiales quand le contrôle
est supérieur à 50 % et de prise de participation quand celui-ci est com-
pris entre 10 % et 50 %. La société-mère conserve une activité de pro-
duction contrairement à la holding qui se consacre exclusivement à la
gestion de ses actions et autres actifs financiers.
SCHÉMA D’UN GROUPE

REMARQUE
Il y a une participation croisée entre la société-mère et la filiale B dans cet exemple
(ex. : l’organisation du groupe ArcelorMittal).

c. La firme transnationale (ou multinationale)


La firme transnationale procède d’une logique différente. Généralement,
c’est une grande entreprise mais ce peut être une PME. Ce n’est pas le
critère de l’effectif mais celui de lieu de production qui compte ici. Une
firme transnationale est une entreprise qui possède des unités de pro-
duction implantées dans plusieurs pays et gérées selon une stratégie
mondiale (v. chapitre 10 p. 240).

1.  IFGE, « Le grand décrochage », cahier no 1, janv. 2012.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 2 – La diversité des entreprises 43

Cette délocalisation de la production obéit à plusieurs stratégies pos-


sibles :
– stratégie de réduction des coûts : main-d’œuvre moins chère, approvi-
sionnement plus facile… ;
– stratégie commerciale d’implantation à l’étranger pour s’ouvrir des
marchés en éliminant les barrières douanières, ou obligation faite par
le pays d’accueil de produire sur le territoire pour pouvoir vendre ;
– stratégie opportuniste pour profiter des différentes législations natio-
nales plus ou moins rigoureuses (droit du travail, normes de pollution,
rapatriement des profits réalisés…).
La plupart des 50 plus grandes entreprises mondiales sont nord-améri-
caines (premières capitalisation boursières), avec quelques entreprises
chinoises et européennes.
LES 30 PLUS GRANDES ENTREPRISES EUROPÉENNES PAR LA CAPITALISATION BOURSIÈRE

Capitalisation
Rang Nom Pays Secteur au 1er août 2013
(milliards €)
1 Nestlé Suisse Distribution 164,11
et consommation
2 HSBC Royaume-Uni Finance 160,64
3 Roche Suisse Santé 159,8
4 Royal Dutch Shell Pays-Bas Énergie 158,53
5 Novartis Suisse Santé 146,29
6 BHP Billiton Royaume-Uni Industrie 122,37
7 Anheuser-Busch Belgium Distribution 117,44
et consommation
8 Vodafone Royaume-Uni Informatique 110,22
et Télécoms
9 Sanofi France Santé 99,77
10 BP Royaume-Uni Énergie 98,39
11 Total France Énergie 95,89
12 Glaxosmithkline Royaume-Uni Santé 95,34
13 Unilever Pays-Bas Distribution 92,51
et consommation
14 Volkswagen Allemagne Automobile 81,55
15 British Am. Royaume-Uni Distribution 77,57
Tobacco et consommation
16 L’Oréal France Distribution 76,4
et consommation
3
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
44 Management et économie des entreprises

Capitalisation
Rang Nom Pays Secteur au 1er août 2013
(milliards €)
17 Siemens Allemagne Informatique 73,7
et Télécoms
18 Bayer Allemagne Santé 72,95
19 Novo Nordisk Danemark Santé 71,23
20 Gazprom Russie Énergie 70,51
21 LVMH France Distribution 70,36
et consommation
22 SAP Allemagne Informatique et 68,31
Télécoms
23 Rio Tinto Royaume-Uni Énergie 65,51
24 Inditex Espagne Distribution 63,08
et consommation
25 BASF Allemagne Industrie 61,8
26 ENI Italie Énergie 61,45
27 BNP Paribas France Finance 61,23
28 Sabmiller Royaume-Uni Distribution 59,76
et consommation
29 Lloyds Banking Royaume-Uni Finance 59,67
30 Diageo Royaume-Uni Distribution 59,42
et consommation
Source : PwC, oct. 2013.

L’EXEMPLE DU GROUPE RENAULT NISSAN MITSUBISHI (2017)

34 %
MITSUBISHI
MOTORS

Schéma construit à partir du site de NISSAN MOTORS CORPORATION.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 2 – La diversité des entreprises 45

VII. Les entreprises familiales


(ou « patrimoniales »)
• Elles sont nombreuses et jouent un rôle important dans l’économie
des territoires
Elles représentent 83 % des PME et des ETI. Ce sont des entreprises
connues dans leur secteur : Bonduelle, Eram (famille Biotteau), Arc
International (famille Durand), Lactalis (famille Besnier), Groupe Béné-
teau (famille Roux), Andros (famille Gervoson), Brioche Pasquier, etc.
Elles représentent un emploi sur deux en France, et leur taux de défail-
lance est deux fois plus faible que celui des autres entreprises. Selon le
Cabinet KPMG, c’est leur capacité à se placer dans le long terme qui leur
procure un avantage compétitif conséquent. Elles sont plus innovatrices
et plus flexibles. Elles investissent 40 % de plus que les autres dans la
formation du personnel ; 47 % d’entre elles ont créé une fondation afin
de développer le rôle sociétal de l’entreprise.

• La question de la transmission
Selon une étude du Cabinet Deloitte, Bien que la préparation de la trans-
mission de l’entreprise soit considérée comme essentielle pour les diri-
geants, ceux-ci concentrent leurs efforts sur le développement de nou-
veaux produits, l’augmentation du chiffre d’affaires et le développement
de nouveaux marchés ainsi que sur l’amélioration de la rentabilité. Le
manque de préparation de la transmission de ces entreprises est donc
un problème réel : 59 % des dirigeants ne disposent pas d’un plan de
succession. Cela s’explique en partie par les différents freins et obsta-
cles : le poids de la fiscalité (18 %), l’absence d’un successeur motivé ou
capable (16 %), des raisons intrafamiliales (16 %), des difficultés à sur-
monter les conflits au sein de la famille (11 %), ou encore la difficulté de
choisir un successeur au sein de la famille. Pourtant, plus de la moitié
des dirigeants (59 %) ont d’ores et déjà identifié un membre de la famille
comme successeur, et 67 % ont déjà pris des dispositions pour assurer
la continuité de l’entreprise.

• Le manque de soutien
Selon Cyril Chevrillon, dont la société (Groupe Chevrillon) soutient le
développement des entreprises familiales, celles-ci, doivent être mieux
soutenues dans leur développement « si l’on ne veut pas qu’elles se
vendent à des groupes étrangers ». En effet « Bpifrance a mille fois moins
de ressources que le fonds souverain de Singapour ». Le capitalisme
familial serait à la fois le moyen de préserver une activité industrielle et
des emplois dans les différentes régions françaises.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
46 Management et économie des entreprises

• Certaines très grandes entreprises gardent un caractère familial


C’est le contrôle familial du capital qui permet à certaines grandes entre-
prises de conserver certaines caractéristiques des entreprises familiales,
notamment des orientations stratégiques à plus long terme et le souci de
préserver l’indépendance de l’entreprise. Cela donne des entreprises
plus stables et plus pérennes sans pour autant freiner l’innovation ou le
développement (ex. : Michelin réputé pour ses innovations dans le
pneumatique).
Des exemples en France : Le groupe automobile Peugeot ; le Groupe
Auchan dans la distribution est contrôlé par la famille Mulliez ; le
groupe industriel Michelin est contrôlé par la famille Michelin à travers
la société en commandite par actions Michelin ; le groupe diversifié
Pinault est contrôlé par la famille Pinault ; un groupe familial contrôle
l’entreprise SEB ; la famille Bonduelle contrôle le groupe de conserverie
du même nom ; la famille Biotteau contrôle le groupe angevin Eram.
Des exemples de grandes entreprises familiales étrangères : Le groupe
congloméral industriel nord-américain KOSH ; le chaebol coréen Sam-
sung, contrôlé par la famille Lee ; la famille Botin en Espagne qui
contrôle la Santander Central Hipano ; la famille Bosh qui contrôle le
groupe industriel allemand du même nom ; Le groupe pharmaceutique
suisse Roche est contrôlé par la famille Hoffman-Oeri.
« Au nom du père, du fils et de l’entreprise », loi fondamentale selon M. Bauer
Selon Michel Bauer, Directeur de recherche au CNRS, on peut dégager quelques principes
de l’observation de nombreuses PME. Une triple logique anime, selon son étude, le patron
de PME :
– celle de la rationalité économique (recherche de rentabilité et de revenus) qui est
formalisée et affichée mais qui doit être relativisée car elle se combine avec les deux
logiques souterraines du pouvoir et de la famille ;
– celle de la rationalité politique (consolidation ou maintien du pouvoir détenu) explique
bien des difficultés de dirigeants à préparer leur transmission d’entreprise alors qu’ils ont
toujours cherché à préserver leur autorité (réticence à accepter un « dauphin » ou même
un recrutement de personnes de haut niveau de formation) et préfèrent diriger seuls, leur
pouvoir se confondant avec leur identité sociale ;
– celle de la rationalité familiale (aide aux enfants) qui est d’autant plus forte qu’il y a
imbrication entre patrimoine familial et entreprise. La structure de l’entreprise est souvent
influencée par la structure familiale (hiérarchie des générations, du degré de parenté, etc.).
Les dirigeants souhaitent généralement créer une véritable dynastie et léguer leur
patrimoine sous forme de parts à leurs enfants.
Le résultat de la combinaison de ces trois logiques est une gestion d’entreprise qui est faite
de contradictions apparentes ou d’inaction, difficilement compréhensibles au premier abord.

POUR EN SAVOIR PLUS


Agence des participations de l’État, https://www.economie.gouv.fr/agence-
participations-etat.
Bauer (M.), Les Patrons de PME entre le pouvoir, l’entreprise et la famille, InterÉditions,
1993.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 2 – La diversité des entreprises 47

Fourcade (C.), Marchesnay (M.), Gestion de la PME, PMI, Nathan, 1997.


Savajol (H.), Mieux connaître les petites et moyennes entreprises, Bulletin de la Banque
de France, no 165, sept. 2007.
Chevrillon (C.), Les 100 000 familles. Plaidoyer pour l’entreprise familiale, Grasset, 2015.
Chiffres clés du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire – https://www.m-eti.
fr/les-eti/chiffres-cles/.
Conseil national de la coopération, Rapport 2007, Le mouvement coopératif en France,
http://www.entreprises.coop.
Commission européenne, Entreprise et industrie, http://ec.europa.eu/enterprise/index_
fr.htm.
Baromètre. Les entreprises familiales et la transmission, étude OpinionWay, Deloitte
France.
Insee, Annuaire statistique de la France.
Lacroix (G.), Slitine (R.), L’économie sociale et solidaire, coll. « Que sais-je ? », PUF, 2016.
Le Cannu (P.), Droit des sociétés, Précis Domat, Montchrétien, 2003.
Mementos Social, Fiscal, Mémentos Francis Lefebvre (annuels).
Merle (P.), Droit commercial. Sociétés commerciales, Dalloz, coll. « Précis », 21e éd., 2017-
2018.
Ministère de l’Économie, Les chiffres clés des TPE-PME, http://www.pme.gouv.fr/.
Observatoire des PME européennes, http://europa.eu.int.
Papillon (J.-C.), « Le rôle de la taille de la firme : les spécificités des petites et moyennes
entreprises », Économie de l’entreprise, no 13 mai 2003, Économie et société.
Pariot (Y.), 50 outils de pilotage pour les PME, Eyrolles, 2009.
Site de la revue L’Expansion, http://www.lexpansion.com
Site de l’Insee, http://www.insee.fr
Sites du ministère de l’Agriculture et du Secrétariat d’État au Commerce, aux PME et à
l’Artisanat.
Tableaux de l’économie, Insee Références (annuel), https://www.insee.fr/fr/statistiques/
2587886.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
48
CHAPITRE 3
Management et économie des entreprises

L’entreprise
et son environnement
économique et social

« Tout être vivant essaie de construire


son monde. »
C. Castoriadis1

I. L’environnement de l’entreprise
L’environnement de l’entreprise est l’ensemble des éléments externes susceptibles
d’influencer son activité et son équilibre.

A. Les composantes de cet environnement


Il est commode de distinguer différentes composantes de cet environne-
ment afin de faciliter son étude et son interprétation.
LES COMPOSANTES DE L’ENVIRONNEMENT DE L’ENTREPRISE

Environnement
Environnement
institutionnel
socio-culturel
et juridique

Environnement Environnement
démographique L’entreprise technologique

Environnement Environnement
économique Environnement concurrentiel
général social

1.  Philosophe, sociologue et psychanalyste (1922-1997).


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 3 – L’entreprise et son environnement économique et social 49

Les composantes de l’environnement économique et social


Le cadre géographique et démographique détermine climat, qualité des sols, richesses
du sous-sol, etc., mais aussi les diverses infrastructures, les populations auxquelles
l’entreprise aura affaire comme main-d’œuvre et comme clientèle. Selon certains
économistes le ralentissement démographique européen serait une des causes des
difficultés de redémarrage des entreprises continentales.
L’environnement technologique joue un rôle d’autant plus important que son évolution
est rapide, comme c’est le cas aujourd’hui. L’évolution des techniques s’impose en effet
aux entreprises qui sont en situation de concurrence et qui ne peuvent de ce fait ignorer
aucune possibilité de produit nouveau ni aucune possibilité de technique de fabrication
plus efficace.
L’environnement économique général comporte d’abord un ensemble de
caractéristiques stables, comme celles du régime économique dans lequel s’insère
l’entreprise (exemple du « capitalisme rhénan »). C’est l’aspect structurel de cet
environnement. Mais la conjoncture économique (évolution à court terme) est également
importante (cf. l’impact des chocs pétroliers de 1974 et 1979 ou du ralentissement
européen lié à la crise de la dette depuis 2010 et au chômage de masse).
L’environnement concurrentiel. Il faut également distinguer les partenaires de l’entreprise
se situant « en amont » de celle-ci (du côté des fournisseurs) de ceux se situant « en aval »
(du côté des clients). On assiste à une forte internationalisation dans la plupart des secteurs.
Les premiers sont composés des marchés des différentes ressources productives. La
structure de ces marchés et l’évolution de leurs prix est très importante pour l’entreprise.
Ainsi les prix des matières premières fluctuent souvent du fait de la spéculation sur ces
marchés.
Les seconds sont composés des marchés(1) sur lesquels l’entreprise vend ses produits. Leur
structure, le poids des concurrents, le nombre et la nature des clients et consommateurs
sont déterminants (v. infra le schéma des 5 forces concurrentielles s’exerçant dans un
secteur donné, chap. 11, p. et aussi les diverses structures de marché dans l’Aide-mémoire
Économie, Sirey).
Les réseaux accessibles et contrôlés ou contrôlables par l’entreprise deviennent un
élément déterminant de sa rentabilité et son développement puisque comme le souligne
J. Rifkin nous sommes entrés, avec les technologies de l’information et de la
communication, dans l’âge de l’accès(2).
L’environnement institutionnel et juridique établit l’ensemble des règles du jeu que
l’entreprise devra respecter (réglementations fiscale, commerciale, sociale,
environnementale…). La politique économique menée par les pouvoirs publics modifie
les données du calcul économique de l’entreprise (taux d’impôts, taux d’intérêt, taux
de change…). Ce cadre est trop souvent instable ce qui perturbe le calcul économique
et la rentabilité des entreprises.
L’environnement social est le domaine des besoins et des attentes des travailleurs vis-à-vis
de l’entreprise. Les principaux acteurs de ce domaine sont les salariés et leurs délégués
dans l’entreprise, ainsi que les centrales syndicales qui les représentent dans les
négociations.
L’environnement socio-culturel comprend les modes de vie, les valeurs morales et
esthétiques, les courants de pensée de la société qui influencent les besoins économiques
de la clientèle. Ils sont de plus en plus porteurs d’une attente de développement durable
vis-à-vis des entreprises.
(1)  Le marché d’un produit est le lieu abstrait où se rencontrent l’offre (producteurs) et la
demande (clients) de ce produit. Le marché d’une entreprise est l’ensemble de sa clientèle
actuelle et potentielle.
(2)  V. J. Rifkin, L’âge de l’accès, La nouvelle culture du capitalisme, La Découverte, 2000.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
50 Management et économie des entreprises

B. La méthode PESTEL
Il s’agit d’un schéma d’analyse des composantes environnementales en
six grandes catégories : Politiques, Économiques, Sociologiques, Tech-
nologiques, Écologiques et Légales (PESTEL). Il s’agit donc d’apprécier
à partir de ce « pense-bête », les influences que peut exercer l’environ-
nement macroéconomique sur une entreprise donnée.
– Politique : les politiques publiques concernant l’activité, les technolo-
gies, l’investissement, etc.
– Économique : la situation économique générale en termes de crois-
sance, d’évolution de la demande, d’inflation, de taux de change, etc.
– Socio-culturel : évolution démographique, des modes de vie, du
niveau d’éducation, des courants sociaux et culturels, etc.
– Technologique : investissements en R&D concernant le secteur ; taux
d’obsolescence ; importance des transferts de technologie, modes de
protection de la propriété intellectuelle, etc.
– Écologique : règles de protection de l’environnement spécifiques au
secteur d’activité ; éventail des ressources énergétiques utilisables ;
possibilités de retraitement et recyclage des déchets, etc.
– Légal : règles du droit du travail ; droit fiscal ; règles de protection de la
concurrence et des consommateurs ; réglementation spécifique au sec-
teur, etc.

II. L’environnement, source


d’opportunités et de menaces
A. Contraintes, opportunités, menaces
Certains des éléments qui constituent l’environnement sont des données
qui s’imposent à l’entreprise : ce sont des contraintes d’environnement.
Les événements qui jalonnent l’évolution de l’environnement de l’entre-
prise peuvent constituer des opportunités (événements favorables) qu’il
faudrait saisir ou des menaces (événements contraires) qu’il conviendra
de surmonter.
Par exemple, les taux d’inflation et d’intérêt en vigueur sont des
contraintes pour la politique de financement de l’entreprise. À l’inverse,
celle-ci peut agir sur son environnement par sa politique commerciale,
de relations publiques, ses actions de lobbying, ses innovations, etc.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 3 – L’entreprise et son environnement économique et social 51

EXEMPLES
– Dans le secteur de la photo, des entreprises comme Kodak, Olympus ou Leica ont
eu des difficultés à prendre le virage du numérique contrairement à Sony ou Canon,
proactives dans ce domaine.
– La flambée des prix du pétrole et l’évolution de la règlementation anti-pollution
amènent inévitablement les entreprises automobiles à infléchir leurs stratégies de
produit vers des modèles hybrides ou électriques.

Selon A. Grove, qui a été l’un des dirigeants de Intel, l’évolution des
contraintes de l’environnement peut conduire à des « points d’inflexion
stratégiques ». Ainsi, dans la vente par correspondance, seules les entre-
prises qui ont su prendre le virage du e-commerce ont survécu dans les
années 2000. Le secteur automobile serait arrivé à cette étape comme le
montre l’incursion de Google, et bientôt d’Apple, sur le marché de
l’« automobile intelligente ».
Selon J. Rifkin, le capitalisme est passé de l’âge du marché à celui de
l’accès dans lequel vendeurs et acheteurs sont remplacés par prestataires
et usagers ce qui se traduit par un jeu croissant d’alliances et de coopé-
rations dans le but de créer et développer des réseaux plutôt qu’un capi-
tal. Il s’agit d’une inflexion stratégique dans un grand nombre de sec-
teurs d’activité qui aboutit à une véritable marchandisation de la vie
culturelle et sociale1.

B. L’incertitude caractérise l’environnement


de l’entreprise
L’entreprise, pour être « en phase » avec son environnement, doit sou-
vent anticiper l’évolution de celui-ci, et cela en raison des délais qui lui
sont nécessaires pour elle-même, évoluer.
Cette anticipation est toujours risquée puisqu’elle repose sur des prévi-
sions. C’est pour réduire ce risque (voir chapitre 22 « La gestion des
risques »), que les grandes entreprises, qui en ont les moyens, appuient
leurs décisions sur des calculs de probabilité et envisagent différents
scénarios d’évolution dans le cadre de la « théorie des jeux », avant de
faire leur choix. Selon certains auteurs, les entreprises françaises subi-
raient un supplément d’incertitude lié à l’instabilité chronique des régle-
mentations, fiscales et sociales, notamment.
Un Conseil de la simplification a proposé en avril 2014 un certain
nombre de mesures visant à faciliter la gestion des entreprises (parmi
lesquelles : garantir zéro charge nouvelle pour toute nouvelle mesure ;
un accès simplifié et gratuit à la réglementation sur le site Legifrance ; la

1. Voir p. 52, la logique du réseau de J. Rifkin.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
52 Management et économie des entreprises

non-rétroactivité fiscale ; la réduction du nombre de statuts des entre-


prises individuelles ; simplification de la création d’entreprise, etc.).
L’effort de prévision repose notamment sur la pratique de la veille com-
merciale, technologique et réglementaire (v. chapitre 7 p. 137).

C. Les impacts spécifiques de la « nouvelle


économie »
La « nouvelle économie » est celle qui est générée par Internet. Elle se
caractérise bien sûr par toutes les activités de gestion et de déploiement
des TIC (fourniture d’accès ; moteurs de recherche ; logiciels ; hardware ;
etc.) mais aussi par toutes les formes à travers lesquelles les activités
économiques classiques peuvent se redéployer à travers internet et les
réseaux.
L’accès direct au marché le plus vaste possible permet à de nombreuses
entreprises de naître et de se développer en contournant de nombreuses
barrières à l’entrée de leur secteur (liées en particulier aux circuits de
distribution traditionnels). Mais les entreprises déjà installées sur un
marché ont également pu profiter d’internet pour accéder elles aussi à de
nouveaux clients et pour se réorganiser en développant des coopéra-
tions à distance, internes à leurs unités ou avec d’autres entreprises et
entités. Sur le plan de la coordination, l’ajustement mutuel se trouve
démultiplié par le biais des réseaux et retrouve une place prépondérante
dans l’organisation, qui peut s’appuyer désormais beaucoup plus facile-
ment sur des groupes de travail, souvent « virtuels »1.
La logique du réseau (v. J. Rifkin) aboutit à faire évoluer l’offre des
entreprises en remplaçant progressivement une logique de consomma-
tion principalement patrimoniale (achat de biens et services) par une
logique de l’accès (location de biens et partage de services et de contenu
culturel).

D. Le rôle important des politiques publiques


Qu’elles soient locales, régionales, nationales ou européennes, les poli-
tiques publiques incitent fortement les entreprises à suivre certaines
voies par un jeu de sanctions-récompenses, s’appuyant sur la fiscalité et
la mise en place de dispositifs, de services et d’équipements adaptés
ainsi que des programmes d’investissement.

1.  C’est-à-dire dont la coopération des membres se réalise par voie télématique.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 3 – L’entreprise et son environnement économique et social 53

EXEMPLES
– Une loi d’orientation des transports doit en 2018 dessiner les perspectives et les
priorités en matière de transport en France pour les dix prochaines années, dans le
but notamment de décongestionner la circulation des biens et des personnes au sein
des agglomérations. Autant d’occasions de développer certaines activités dans le
secteur des transports (stationnement, tramways, vélos, bus, etc.), mais aussi de
pénaliser des systèmes devenus socialement indésirables (autoroute urbaines).
– Le programme européen Horizon 2020, doté de 79 Md€, doit financer des projets
de recherche et d’innovation dans l’Union européenne pour la période 2014-2020 en
favorisant les partenariats public-privé et en soutenant les PME innovantes.

III. Les relations avec les autres


entreprises
L’entreprise s’approvisionne et vend sur des marchés. S’instaurent donc
pour elle des relations de concurrence et de complémentarité avec
d’autres entreprises.

A. Les relations de concurrence


a. Les différents types de concurrence qui s’exercent
sur l’entreprise
Le marché est le lieu réel ou abstrait où se rencontrent l’offre et la
demande d’un produit (bien ou service). Les relations concurrentielles
entre entreprises dans un marché donné sont généralement considérées
comme un facteur de progrès économique (en termes de prix et qualité
des produits).
L’intensité de la concurrence s’exerçant sur un marché dépend fortement
de la structure concurrentielle de celui-ci1.
Une réglementation de « protection de la concurrence et des consomma-
teurs » fixe, au niveau européen comme au niveau national, les règles du
jeu concurrentiel. Il existe notamment une règle générale d’interdiction
de revendre en dessous du coût d’achat effectif pour un commerçant et
de pratiquer un prix abusivement bas par rapport au coût de production
pour un industriel (pratique dite de dumping ou de prix prédateur) ainsi
qu’une règle interdisant aux entreprises de s’entendre pour fausser le jeu
concurrentiel du marché.

1.  On distingue notamment le marché compétitif, le marché de concurrence imparfaite (ou


monopolistique), l’oligopole et le monopole.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
54 Management et économie des entreprises

EXEMPLES
Le 8 décembre 2010, la Commission européenne a infligé une amende de 5 millions €
à l’ordre national des pharmaciens français pour avoir imposé des prix minimums
sur le marché français des analyses de biologie médicale.

La concurrence entre les entreprises s’exerce d’abord sur le marché de


leur produit où les principales variables de concurrence sont le prix et
la qualité des produits. Mais elle se joue également sur les marchés en
amont où elles doivent se procurer les facteurs nécessaires (finance-
ment, travail, matières premières, produits semi finis, biens d’équipe-
ment, services, etc.) et sur les marchés en aval où elles doivent atteindre
leur clientèle (circuits de distribution des produits).

LES RELATIONS DE CONCURRENCE ENTRE LES ENTREPRISES

La concurrence directe : avec La concurrence indirecte : La concurrence sur les


les entreprises fabriquant le avec les entreprises autres marchés : avec
même produit et s’adressant fabriquant des produits toutes les autres entreprises
à la même clientèle substituables à ceux qui s’approvisionnent sur les
Ex. : la concurrence entre les de l’entreprise mêmes marchés « en
quelques constructeurs de Ex. : la concurrence entre amont » (travail, capitaux,
trains à grande vitesse sur le les sociétés ferroviaires et les consommations
marché mondial (Siemens, transports aériens de court intermédiaires,
Alstom, Japan Railway East, et moyen courrier en Europe. équipements…) et sur
Bombardier) les marchés « en aval ».

Richard D’Aveni utilise la notion d’hypercompétition pour désigner la


concurrence omniprésente et la fragilité des avantages concurrentiels que
les entreprises peuvent constituer aujourd’hui du fait de la grande insta-
bilité de leur environnement. La démarche stratégique changerait alors
d’optique puisque sa finalité ne serait plus de constituer des avantages
concurrentiels durables, comme le considère M. Porter, mais de court-cir-
cuiter les concurrents en les prenant de vitesse et en changeant toujours
de terrain de concurrence. Les entreprises doivent alors être proactives
pour survivre en suivant des stratégies de rupture qui se traduisent par
de nouveaux modèles économiques (business models). Certains auteurs
utilisent le terme d’innovation stratégique pour désigner le déploiement
de moyens « visant à revisiter de manière radicale les règles du jeu
concurrentiel en proposant une nouvelle valeur au client en vue de créer
ou d’étendre un marché à son avantage » (Lehmann-Ortega et Roy 2009).

b. La compétitivité de l’entreprise
La compétitivité d’une entreprise est sa capacité à affronter la concurrence.

Elle se mesure aux résultats commerciaux de l’entreprise et notamment


à l’évolution de sa part de marché.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 3 – L’entreprise et son environnement économique et social 55

Elle s’évalue également à partir des arguments compétitifs de l’entre-


prise et notamment ses variables d’action mercatique : qualité, prix,
distribution et publicité (v. chapitres 11 et 12 consacrés au marketing).
On remarque que la maîtrise des coûts et l’innovation sont des facteurs
de compétitivité essentiels dans un grand nombre d’activités.

c. Les moyens de réduire la concurrence


Pour réduire la pression concurrentielle et faciliter ainsi sa rentabilité,
l’entreprise va mettre en œuvre une stratégie (voir les trois chapitres
consacrés à la stratégie). Elle va très fréquemment s’appliquer à doter
son produit de caractéristiques distinctives afin de le différencier nette-
ment des produits ou services concurrents dans l’esprit des consomma-
teurs, et de fidéliser ceux-ci.
Un autre moyen de réduire la pression concurrentielle serait de s’en-
tendre avec ses concurrents. Cette dernière solution, l’entente, devient
illégale à chaque fois qu’elle fausse ou restreint la concurrence sur un
«  marché pertinent »1 et peut être l’objet de sanctions pénales. Les
ententes prohibées portent généralement sur un niveau de prix ou un
partage du marché entre les entreprises du secteur qui évitent ainsi de se
concurrencer (Voir le rapport annuel de l’Autorité de la concurrence2).
EXEMPLE
En septembre 2010, l’Autorité de la concurrence a sanctionné onze banques fran-
çaises pour avoir, de manière concertée, mis en place des commissions interbancaires
injustifiées sur le traitement des chèques qui étaient ensuite répercutées sur les
entreprises clientes.

Dans les autres cas l’entente est parfaitement légale et peut s’inscrire
dans une stratégie de coopération et d’alliance (v. infra et chapitre 10).
Un autre moyen encore est la croissance par regroupement avec des
concurrents. Cette pratique est réglementée et placée sous le contrôle de
l’Autorité de la concurrence2 et de la Commission européenne qui auto-
risent ou non les opérations de concentration d’entreprises afin d’éviter
une trop forte restriction de la concurrence. Néanmoins la concurrence
étant désormais internationalisée, c’est à l’échelle du marché mondial
qu’il faudrait envisager cette question.
De façon générale, lorsque la concurrence est réduite en raison de la
position dominante d’une entreprise par rapport aux autres, celle-ci
pourrait abuser de cette position dominante en pénalisant ses fournis-

1.  Ordonnance no 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concur-
rence et article 85 du traité de Rome instituant la CEE.
2.  L’Autorité de la concurrence est une autorité administrative indépendante chargée de
protéger la concurrence sur les différents marchés. Elle a remplacé le Conseil de la concur-
rence en août 2008.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
56 Management et économie des entreprises

seurs, ses clients ou ceux qui tentent de la concurrencer. Un tel abus de


position dominante est condamnable par l’Autorité de la concurrence
au niveau national et par la Commission européenne sur le marché de
l’Union européenne.
EXEMPLE
Le 6 mars 2013, la Commission européenne a condamné Microsoft à une amende de
561 M€ pour abus de position dominante concernant la vente liée du logiciel Internet
Explorer au système d’exploitation Windows.

B. Les relations de complémentarité


a. La complémentarité des entreprises
Les relations de clients à fournisseurs sont des relations de complémen-
tarité qui fondent une communauté d’intérêt entre les entreprises d’une
même filière d’activité. La croissance des entreprises clientes entraîne
celle des fournisseurs et l’amélioration des conditions de production et
de vente des fournisseurs favorise l’activité des entreprises clientes.

b. La coopération inter-entreprises : alliances


et partenariat
Les entreprises complémentaires (recourant à différentes formes d’im-
partition formalisées par des contrats de sous-traitance ou de distribu-
tion sélective) et parfois concurrentes (ex. : la création du couloir de fret
ferroviaire « Belifret » par les compagnies ferroviaires de Belgique,
France, Italie et Luxembourg) peuvent décider de coopérer à travers des
contrats de partenariat (contrat d’union, GIE, filiale commune, etc.) qui
créent entre elles des relations privilégiées, soit de façon épisodique
(partenariat tactique), soit de façon durable (partenariat stratégique).
J.H. Dyer et H. Singh considèrent que les coopérations et alliances per-
mettent d’améliorer les performances des entreprises en réduisant leurs
coûts et les risques stratégiques mais aussi en créant plus de valeur pour
leur clientèle. Des « avantages relationnels » qui constituent de réels
avantages concurrentiels sont ainsi créés par la coopération inter-entre-
prises.
(Voir sur ces points le paragraphe « Stratégies d’alliance et de coopéra-
tion » dans le chapitre 10 « La gestion stratégique ».)
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 3 – L’entreprise et son environnement économique et social 57

C. Les nouvelles formes de relation


inter‑entreprises
a. La coopétition de Brandenburger et Nalebuff
(1995)
Selon Adam Brandenburger et Barry Nalebuff, la vie des entreprises se
situe entre la guerre et la paix et des coopérations sélectives peuvent
apparaître entre des entreprises concurrentes. La notion de coopétition
correspondrait à cette situation où compétition et coopération se com-
binent (v. chapitre 10 p. 232 et s.).

SCHÉMA DE LA COOPÉTITION AU NIVEAU ORGANISATIONNEL

Direction Direction
générale de générale de
l’entreprise A l’entreprise B

Commerciaux A Commerciaux B
Alliance Alliance
manager A manager B
Domaine 1 Domaine 1

Services de Services de
marketing A marketing B

Alliance Alliance
manager A manager B
Domaine n Domaine n

(Structures de (Structures de (Structures de (Structures de


compétition de A) coopération de A) coopération de B) compétition de B)
Source : à partir de l’article d’Estelle Pellegrin-Boucher in Le management
de la « coopétition » à travers les regards croisés des alliance managers, XVe Conférence
Internationale de Management Stratégique, Annecy/Genève 13-16 juin 2006.

Le terme « coopétition » a été inventé par Ray Noorda, le fondateur de


l’entreprise Novell, afin de mieux décrire la réalité des marchés où com-
pétition et coopération se combinent dans la mesure où les entreprises
peuvent se concurrencer dans certains domaines tout en coopérant sur
d’autres. Selon une métaphore de Brandenburger et Nalebuff, créer un
plus gros gâteau relève de la coopération tandis que le partager relève de
la concurrence. Ces auteurs soulignent également la diversité des inter-
dépendances entre entreprises clientes et fournisseurs mais aussi entre
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
58 Management et économie des entreprises

entreprises substituts (alternatives à l’entreprise pour les clients ou les


fournisseurs) et entre entreprises complémentaires (auxquelles les
clients achètent des produits complémentaires ou dont les fournisseurs
vendent des ressources complémentaires).
Ils montrent ainsi que la valeur créée dépasse le cadre de la chaîne de
valeur de l’entreprise (M. Porter) et résulte d’interdépendances multi-
ples souvent liées à des choix de l’entreprise par rapport à son environ-
nement.
C’est ainsi que des entreprises concurrentes peuvent avoir intérêt à coo-
pérer sur un plan technique pour parvenir par exemple à la définition
d’un standard de produit commun dans l’industrie ou d’une charte
déontologique dans les services (ou sur un plan commercial, mais à
condition qu’une telle entente ne fausse pas les mécanismes du marché,
sous peine d’être prohibée et passible de sanctions pénales).
Cette coopétition a des implications organisationnelles puisque dans
l’entreprise vont coexister des structures de coopération et des struc-
tures de compétition.

b. La coopération dans les réseaux de J. Rifkin (2000)


Selon J. Rifkin la nouvelle économie a généré le développement des
échanges « gagnant-gagnant » au sein des réseaux qu’elle a mis en place.
Il se réfère au sociologue M. Castells qui distingue 5 principaux types de
réseaux : réseaux de prestataires (sous-traitance), de producteurs (mise
en commun de ressources), de clients (distribution), de coalition (autour
d’une norme technique commune dans la branche), de coopération tech-
nologique (effort partagé de recherche et développement).
Le raccourcissement croissant de la durée de vie des produits dû à l’ob-
solescence (Loi de Moore dans l’informatique) engendre une concur-
rence par le raccourcissement des délais. Selon les futurologues A. et
H. Tofler « les économies de temps remplacent désormais les économies
d’échelle ». Dans ces conditions, il vaut mieux réduire les immobilisa-
tions en partageant l’accès à des ressources productives à travers des
réseaux de location, de prestation, de coopération et de partage qui per-
mettent une plus grande flexibilité et une meilleure efficacité.

IV. Le milieu local et régional


L’entreprise doit choisir les lieux d’implantation de ses unités tech-
niques et de son siège social lors de leur création et peut être amenée à
réviser ses choix au cours de son existence. Ces décisions sont prises en
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 3 – L’entreprise et son environnement économique et social 59

fonction des différents avantages et des contraintes qu’elle rencontre


dans les diverses régions et localités.

a. La proximité des différents marchés


L’entreprise sera souvent obligée de privilégier certains marchés, car elle
trouvera rarement concentrés en un seul lieu, tous les marchés auxquels
elle s’adresse. L’entreprise de première transformation privilégiera l’ac-
cès aux matières premières tandis que l’entreprise de service se situera
à proximité de sa clientèle.

b. Les infrastructures de transport


Faute de pouvoir se rapprocher de tous ses marchés à la fois, l’entreprise
peut rechercher la proximité d’infrastructures de transport : axes rou-
tiers, voies ferrées, aérodromes, ports, fleuves et canaux. Celles-ci facili-
teront ses approvisionnements et l’expédition de ses produits à la clien-
tèle. Le type de produits à transporter déterminera souvent le moyen de
transport. Ainsi les produits pondéreux non périssables sont-ils en prio-
rité transportés par bateau, afin de réduire le coût du fret.
Le développement des marchés en ligne sur internet a imposé un
accroissement considérable de la fonction logistique dans un grand
nombre de secteur. Les distributeurs eux-mêmes ont évolué en investis-
sant dans des plateformes logistiques. La localisation joue alors un rôle
essentiel dans l’implantation des unités de stockage et d’expédition. La
proximité des voies routières d’accès est recherchée et les activités de
transport se sont multipliées, exigeant des régions et agglomérations de
nouveaux aménagement routiers et infrastructures de fret pour accueillir
et faciliter ce développement des activités logistiques.

c. Les pôles de développement économique


Certaines localisations particulièrement favorables (population, infrastruc-
tures, entreprises partenaires, banques, centres de recherche…) attirent
généralement les entreprises. On parle de pôle de développement1 écono-
mique pour désigner une concentration d’activités, suffisante pour exer-
cer des effets d’entraînement sur son environnement. Ces effets se tra-
duisent par un surcroît de développement, lié à des gains de synergie.

1.  Concepts aujourd’hui banalisés, empruntés à F. Perroux (Matériaux pour une analyse de
la croissance économique, publ. de l’ISEA, série D, no 8, avril 1955). La Silicon Valley, qui
est le meilleur exemple de pôle de développement, a aujourd’hui des concurrentes euro-
péennes et asiatiques avec la multiplication des technopôles.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
60 Management et économie des entreprises

Technopôle, cluster, district industriel


– La technopôle : consiste en une zone d’activités innovantes composée de laboratoires
de recherche, de PME innovatrices et de centres de formation travaillant de façon
complémentaire dans un même domaine technologique (« fertilisation croisée »).
– Le cluster (grappe), correspond à un groupe d’entités, d’activités homogènes qui
coopèrent dans un projet commun (ex : Cluster d’entreprises ou cluster de laboratoires).
– Le district industriel, est une zone rassemblant une communauté de personnes et
d’entreprises pour fabriquer le même produit ou coopérant dans des activités de
production spécifiques. Il ne concerne donc pas forcément des activités innovantes.

d. L’attitude des pouvoirs publics


Le ralentissement de la croissance économique, amène les collectivités
territoriales à redoubler d’efforts pour inciter les entreprises à venir
s’installer sur leur territoire (réductions fiscales, subventions et crédits
mais aussi aménagement d’infrastructures : zone industrielle ou d’acti-
vité, création de « pépinière » d’entreprise, etc.).
Le quartier de La Défense à Paris est ainsi classé quatrième quartier d’af-
faires mondial pour son attractivité sur la base de cinq critères princi-
paux pris en compte par l’étude (capacité à attirer des talents, qualité de
vie urbaine, proximité des marchés et des clients, influence locale et
mondiale, offre immobilière) par le cabinet d’audit EY (anciennement
Ernst & Young).
On doit remarquer ici la création, dans de nombreuses villes françaises
importantes, d’un technopôle. Par ailleurs, l’État français a défini de
façon volontariste des pôles de compétitivité (dont 15 majeurs) dans
plusieurs régions de France, afin d’en favoriser le développement. La
part moyenne du privé dans leur financement se situe depuis 2013 entre
40 % et 50 %. En complément de ces pôles on a mis en place des projets
structurants pour la compétitivité (PSPC), des plateformes mutualisées
d’innovation (PFMI), des instituts de recherche technologique (IRT) et
des instituts pour la transition énergétique (ITE) (cf. le rapport de la
Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation présidée
par J. Pisani-Ferry, janv. 2016).
On peut aussi noter l’existence en France depuis 1996 de zones franches
urbaines (ZFU) dans des secteurs géographiques en difficulté sur le plan
économique et social, dotées d’un régime d’exonérations fiscales et
sociales en faveur des entreprises pour une durée de cinq ans, afin d’at-
tirer celles-ci et de revitaliser ainsi les activités économiques de ces
zones. Ce dispositif est très efficace dans les premières années. Il est
reconductible. Néanmoins, près de la moitié des nouvelles implanta-
tions semble correspondre à des transferts d’activités déjà existantes. De
plus, l’impact en termes de créations d’emplois pour les populations des
quartiers concernés est réduit.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 3 – L’entreprise et son environnement économique et social 61

Par ailleurs, certains grands chantiers d’agglomération peuvent avoir un


impact dynamisant sur les entreprises locales (tramway…).
La politique industrielle qui peut être développée au niveau régional,
national ou européen est le moyen de soutenir des projets industriels à
long terme. En France, la Banque publique d’investissement (BPIFrance)
soutient l’innovation industrielle des entreprises1. Une stratégie de déve-
loppement des clusters a été mise en œuvre par l’Union européenne en
2008. Une nouvelle politique industrielle européenne est en train d’être
définie autour du concept d’« industrie 4.0 ».
La technopôle de Sophia-antipolis à Nice
Créée en 1969, la technopôle rassemble 1 500 entreprises sur 4 800 ha, associées à
80 centres de recherche ainsi qu’à l’Université et à plusieurs écoles (ESCAE, des Mines…).
Elle est principalement axée sur les TIC et accueille quelques laboratoires de très grandes
entreprises comme Orange, Intel et HP. Son succès et son étendue lui permettent
d’exercer un effet d’entraînement sur l’économie locale. C’est sans doute de ce fait que
l’on parle ici d’une technopole, par référence à une métropole (https://www.sophia-
antipolis.org/sophia-antipolis/la-technopole).
Le Pôle de compétitivité « Images et Réseaux » de la région Bretagne
Ce pôle permet de faciliter à ses adhérents PME-PMI, Universitaires et grands groupes,
l’accès aux financements publics de promotion de la recherche et de l’innovation dans les
domaines des réseaux fixes et mobiles et de distribution de contenus (885 entreprises et
15 000 emplois en R&D dans l’audiovisuel, les télécommunications et les technologies de
l’information).
La vallée aérospatiale (de Toulouse à Bordeaux)
Ce pôle de compétitivité structuré par une association Loi 1901 (Aerospace Valley)
regroupe 683 partenaires et développe 988 projets labellisés de coopération et R&D dans
l’aéronautique civile et le spatial pour 1,36 milliard d’€ auxquels il faut ajouter 56 projets
structurants d’un montant de 2 milliards d’€. Il concerne 1 600 établissements, 130 000
emplois industriels, 8 500 chercheurs et 180 000 étudiants (http://www.aerospace-valley.
com/les-projets).

On peut évoquer également la très célèbre technopole de la Silicon Val-


ley en Californie (États-Unis) ainsi que la Z-Park à Beijing (Pékin) en
Chine qui est vouée à informatique et l’électronique, et aux technologies
optiques et nouveaux matériaux.
Au Japon, le fameux METI soutient largement la recherche et exerce une
fonction de veille technologique et de conseil aux industriels, en met-
tant en œuvre une forme de planification quinquennale très souple. En
France, l’élaboration d’une démarche prospective pour la France déci-
dée en 2013 (« Quelle France dans 10 ans ? ») avait semblé indiquer un
retour à l’ardente obligation d’éclairer l’avenir de l’économie nationale
par un projet, réducteur d’incertitude pour les entreprises.

1.  La BPI remplace ainsi l’OSEO qui avait lui-même remplacé l’ANVAR, chargés de mis-
sions similaires.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
62 Management et économie des entreprises

L’exemple de la politique volontariste de Singapour


La ville-État de Singapour est devenue en 20 ans un pôle régional important en Asie,
en matière de recherche et développement, grâce à des programmations stratégiques
quinquennales pratiquées par les autorités publiques depuis 1991 et un effort équivalant
à 2,3 % de son PIB qui ont permis de constituer plusieurs pôles scientifiques et
technologiques. Des incitations fiscales ont permis de stimuler fortement le
développement de la recherche des entreprises privées (crédit d’impôt allant jusqu’à
400 %). Singapour a ainsi multiplié par 14 son nombre de brevets depuis 1997 et rassemble
désormais 30 000 chercheurs et ingénieurs de recherche. (Selon une Note économique
de l’Ambassade France à Singapour de juillet 2013).

e. La règlementation
L’entreprise se trouve confrontée à une règlementation plus ou moins
contraignante. Dans les pays développés, il existe un « état de droit »,
c’est-à-dire que le droit est respecté et les sanctions prononcées par les
tribunaux sont appliquées. Cela garantit aux entreprises une stabilité du
cadre des règles dans lesquelles se déroule leur activité et cela génère en
contrepartie un certain nombre d’obligations, notamment sur les plans
fiscal, social et commercial.
EXEMPLE
L’affaire des moteurs truqués de Volkswagen et d’autres constructeurs automobiles
(« Dieselgate ») : le groupe VW a été condamné aux États-Unis à payer une amende
fédérale de 2,8 Md$ et 750 M$ aux différents États, auxquels il faut ajouter les indem-
nités versées aux clients américains. Au total, le groupe VW aura ainsi déboursé
presque 25 Md$ aux États-Unis. En Europe, des actions judicaires sont en cours.

Selon les économistes libéraux, l’État doit se contenter d’assurer ses


fonctions régaliennes (police, justice, armée et monnaie) et la règlemen-
tation doit être aussi simple et légère que possible afin que les individus
règlent leurs relations par des contrats librement négociés. Ce « lais-
ser-faire » permettrait au marché de fonctionner pleinement et cela
conduirait à l’impôt minimum et au meilleur équilibre économique
général possible. Néanmoins, l’inégalité économique des personnes
empêche souvent la libre négociation entre contractants et cela a conduit
au développement de règlementations dans de nombreux domaines.
Par ailleurs, le marché fonctionne de façon cyclique et, en phase de
récession, ce sont les revenus de transfert sociaux qui permettent de
maintenir la cohésion sociale et la demande aux entreprises. L’État
prend aussi en charge certains investissements d’intérêt général
(recherche fondamentale, infrastructures, santé et éducation par ex.) et
certains programmes visant à orienter l’économie vers un développe-
ment souhaitable (technopoles par ex.).
Les grandes entreprises mettent en concurrence les États pour choisir
leurs implantations et la qualité et le poids de la règlementation sont un
de leurs critères de comparaison.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 3 – L’entreprise et son environnement économique et social 63

V. Les interactions entre entreprise


et environnement économique
A. Les contraintes de l’environnement
s’imposent à l’entreprise1
Ces contraintes s’exercent notamment au niveau du marché (v. aussi le
célèbre schéma de l’environnement concurrentiel de M. Porter dans le
chapitre 11 consacré à l’analyse stratégique) et au niveau des conditions
d’exploitation de l’entreprise.
• En amont
Les contraintes qui s’imposent à l’entreprise en amont correspondent
d’abord aux différentes conditions auxquelles l’entreprise peut s’appro-
visionner en facteurs de production. Cela concerne les consommations
intermédiaires de matières premières et produits semi-finis, mais égale-
ment les investissements en biens d’équipement (prix, délais, qualité,
SAV, etc.), mais aussi les conditions d’accès au facteur travail qui sont
définies par la règlementation et par la situation du marché du travail.
Parmi ces contraintes, il faut également donner une place notable à la
fiscalité qui peut encourager ou décourager l’activité des entreprises. Il
faut aussi prendre en compte le développement de la protection de l’en-
vironnement naturel2.
Par ailleurs, la rapidité du progrès technique, la dématérialisation crois-
sante des activités de production et le raccourcissement de la durée de
vie des produits et des délais opérationnels influencent profondément
l’organisation et le fonctionnement des entreprises.
• En aval
Ce sont les contraintes liées aux débouchés de la production.
La règlementation peut ici encore jouer un rôle décisif (sécurité des pro-
duits alimentaires ou autorisation de mise sur le marché des médica-
ments, par ex.).
Les contraintes du marché sont plus ou moins fortes selon la structure
concurrentielle de celui-ci. Elles influencent le niveau des prix de vente
et la qualité des produits, le rythme d’innovation.
Elles s’exercent aussi à travers le caractère cyclique de la conjoncture
dans de nombreux secteurs d’activité. On pense à la saisonnalité dans
l’habillement et le tourisme, ou au cycle des affaires qui joue dans la

1.  Les interactions avec l’environnement naturel sont traitées au chapitre 25.


2.  Les contraintes écologiques sont traitées dans le chapitre 25.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
64 Management et économie des entreprises

plupart des secteurs industriels à fort coefficient de capital, comme l’au-


tomobile, l’aéronautique ou la sidérurgie, et qui est lié notamment au
phénomène économique de l’accélérateur1. Il peut exister également un
« effet de fouet » (the bullwip effect)2 dans la chaîne de distribution des
produits.
L’évolution des prix relatifs en faveur des ressources naturelles et de
l’énergie va modifier à moyen terme, les modes de vie et la consomma-
tion des biens.
L’internationalisation de nombreux marchés impose à l’entreprise des
changements conséquents dans la commercialisation des produits, et
parfois dans l’organisation de l’entreprise toute entière.
La distribution par Internet impose un développement de la fonction
logistique et du traitement des « datas » liés au marketing.
Enfin le développement de l’« économie de l’accès » impose de plus en
plus aux entreprises de mettre en place et de développer des réseaux
d’accès à la clientèle. La concurrence s’exerce de façon croissante par les
réseaux et ceux qui les maîtrisent.

B. L’entreprise agit dans


et sur son environnement
a. L’adaptation à l’environnement
L’entreprise doit être « en phase » avec son environnement. Elle le fait
plus ou moins bien et plus ou moins rapidement à travers sa stratégie et
ses choix de gestion tactiques et opérationnels.
La flexibilité de l’entreprise est sa capacité d’adaptation aux variations
de son environnement.
– La réactivité de l’entreprise est sa vitesse de réaction aux changements
de son environnement. Une démarche d’anticipation permet de mieux
se préparer à ces changements.
– La proactivité de l’entreprise consiste pour elle à agir pour façonner
son environnement à son avantage, à travers une nouvelle stratégie par
exemple.

1.  Théorie selon laquelle une variation de la demande entraîne une variation amplifiée du
stock de capital par l’investissement et donc un accroissement amplifié de l’activité de
production. It = v∆Yt où v est le coefficient d’accélération de l’activité et le coefficient de
capital dans l’économie considérée. Ce phénomène a été mis pour la première fois en évi-
dence en 1913 par A. Aftalion.
2. Phénomène mis en évidence pour la première fois par Jay Forester, par lequel une
demande insatisfaite d’un produit se trouve progressivement amplifiée le long de la chaîne
logistique liée à sa distribution, ce qui génère une surproduction de ce produit.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 3 – L’entreprise et son environnement économique et social 65

Les dimensions de la flexibilité de l’entreprise

La flexibilité La flexibilité
des facteurs de production organisationnelle

Structure
Flexibilité Flexibilité Structure
divisionnelle
du travail technique organique
ou matricielle

b. Les actions sur l’environnement


Certaines sorties du « système-entreprise » modifient les données de son
environnement (action de relations publiques, publicité commerciale,
lobbying, opération de regroupement, action en justice, dépôt de brevet,
accroissement de la part de marché, réduction d’effectif, etc.).
Elles sont généralement prises en compte dans la comptabilité de l’en-
treprise et dans son calcul économique (comme produit ou comme
charge).
D’autres sorties du « système-entreprise » échappent à son calcul écono-
mique dans la mesure où elles n’ont pas de prix sur un marché. Ce sont
des externalités ou effets externes1. Certaines externalités sont positives
pour l’environnement (diffusion d’un savoir-faire, effets d’entraînement
sur l’économie locale…). On parle alors d’économies externes ou exter-
nalités positives. D’autres sont négatives car elles font supporter à l’en-
vironnement des coûts et des nuisances (pollution, risques industriels,
surcharge des infrastructures de transport, etc.). On parle alors de désé-
conomies externes ou externalités négatives.
POUR EN SAVOIR PLUS
Aubert-Krier (J.), Gestion de l’entreprise, t. 2, Thémis, PUF, 1996. (chap. 1, La localisation
des entreprises).
BPIFrance, Pour financer et accompagner les entreprises, http://www.bpifrance.fr/
Brandenburger (A.) et Nalebuff (B.), The right game : use game theory to shape strategy,
Harvard Business Review, 1995.
Chevallier (J.-M.), Économie industrielle des stratégies d’entreprise, Domat-Montchres-
tien, 1995.
Clerc (D.), Déchiffrer l’économie, La Découverte, 2011.

1.  C’est en 1946 que l’économiste anglais A. Pigou a introduit ce concept.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
66 Management et économie des entreprises

D’Aveni (R.), Hypercompetition : Managing the dynamics of strategic maneuvering, Free


Press, 1994. (traduction Vuibert 1995).
Grove (A.), Seuls les paranoïaques survivent, Village Mondial, 2004.
Gully (H.), « Trois ans de scandales dans l’empire Volkswagen », Les Échos, févr. 2018.
Le Boucher (E.), Économiquement incorrect, Grasset, 2005.
Levet (J.L.), Localisation des entreprises et rôle de l’État, Commissariat général au plan,
Cahiers du plan, mai 2005.
Problèmes économiques, hors-série, «  Comprendre l’économie française  », La Docu-
mentation française, sept. 2012.
Rifkin (J.), L’âge de l’accès, la nouvelle culture du capitalisme, La Découverte, 2000.
Site des technopôles et pôles de compétitivité en France, http://www.zonesactivites.net/
Toffler (A. et H.), Creating a new civilization : The politics of the Third Wave, The Progress
and Freedom Foundation, Washington DC, 1994.
Triolaire (G.) et alii, L’entreprise et son environnement économique, Sirey, 1988.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
CHAPITRE 4 Chapitre 4 – La création et la disparition d’entreprise 67

La création
et la disparition
d’entreprise

« L’art d’être tantôt très audacieux et tantôt


très prudent est l’art de réussir. »
Napoléon Ier

« Je vivrai ici pendant la saison des pluies, là


pendant la saison froide ; ailleurs pendant la
canicule ; ainsi l’insensé fait en son cœur des
projets sans s’assurer de ce qui peut les
contrarier. »
Bouddha, Le Dhammapada

I. Comment créer une entreprise


Elle part d’une idée et d’une motivation. L’important est de vérifier le
réalisme économique de son projet en s’appuyant sur le savoir-faire et
les conseils de ceux qui ont pour mission d’accompagner les créateurs
dans leur démarche (Boutiques de gestion, CCI, etc.).
De la même façon que le niveau de formation, on observe que l’expé-
rience professionnelle du dirigeant, antérieure à la création, est un atout
important pour la pérennité des entreprises.
En France, 554 028 nouvelles entreprises ont été recensées en 2016, dont
222 792 (40 %) sous le régime du micro-entrepreneur, selon l’Insee1.

1.  Le règime de la micro-entreprise a succédé à celui de l’auto-entrepreneur.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
68 Management et économie des entreprises

A. La démarche à suivre par un créateur


Voir le schéma de la page suivante.

B. Les principales étapes


Différents organismes proposent des guides sous la forme d’un cahier ou
d’un fichier électronique qu’il suffit de remplir étape par étape.
EXEMPLES
– le guide accessible en ligne BGE Pro du créateur d’entreprise du Réseau des bou-
tiques de gestion (BGE) ;
– le guide pratique en ligne Construire son projet de l’Agence France Entrepreneur
(AFE).

a. L’étude de la demande
Il s’agit d’abord de recenser les clients potentiels du produit ou du ser-
vice dont on a l’idée, dans la zone géographique considérée. On doit
alors repérer les produits et les entreprises concurrents, afin de position-
ner le produit de l’entreprise projetée. On en déduira la part de marché
que l’on peut atteindre (marché théorique de l’entreprise). Une fois pré-
cisés les moyens commerciaux qui seront effectivement mis en place
(locaux, matériel et personnel) et donc la quantité vendue visée, il est
possible de quantifier le chiffre d’affaires prévisionnel, en utilisant le
prix psychologique1 du produit. Elle peut être complétée par une pre-
mière prospection effective de clientèle dès que le créateur dispose des
informations nécessaires (produit, prix, conditions de vente).

b. L’étude économique
En partant du chiffre d’affaires prévu, on doit envisager les différents
moyens d’obtenir le bien ou le service en question : achat, sous-traitance
partielle ou fabrication complète et comparer le coût unitaire d’acquisi-
tion du produit dans chaque cas.
On peut alors retenir une solution et en déduire les investissements pro-
ductifs et commerciaux nécessaires. Compte tenu de la quantité vendue
estimée précédemment, on peut chiffrer les charges d’exploitation et
calculer la valeur ajoutée puis la marge nette (résultat) et évaluer ainsi la
rentabilité du projet. Un calcul du seuil de rentabilité indiquera le mon-
tant de chiffre d’affaires à partir duquel l’entreprise sera rentable.

1. Le prix psychologique est celui qui est accepté par le plus grand nombre de clients
potentiels.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 4 – La création et la disparition d’entreprise 69

c. L’étude financière
Il convient de chiffrer le besoin en fonds de roulement de l’entreprise
envisagée, en calculant les différents éléments qui pèsent sur la trésore-
rie (stocks, crédit-client…), puis ceux qui allègent celle-ci (crédit-four-
nisseur).

DÉMARCHE DE CRÉATION D’UNE ENTREPRISE

Source : Création d’entreprise, ANCE, Agence nationale pour la création d’entreprises,


désormais AFE (Agence France Entrepreneur).

Si l’on ajoute au besoin en fonds de roulement, le besoin de financement


lié aux investissements, on obtient le montant des capitaux permanents
nécessaires.
Il ne reste plus qu’à vérifier que l’on peut réunir ces fonds par emprunt
à long terme auprès des banques et par les apports des associés, subven-
tions et primes. On peut évoquer ici l’existence du prêt à la création
d’entreprise (PCE), accordé sans garantie ni caution personnelle sur
5 ans, par BPI, à un taux attractif, en complément d’un financement
bancaire classique à plus de deux ans, d’un montant au moins égal à
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
70 Management et économie des entreprises

deux fois celui du PCE, auquel il est obligatoirement couplé. Le PCE


peut financer les frais de démarrage et le besoin en fonds de roulement,
le prêt classique servant au financement des investissements matériels.
Le PCE est néanmoins réservé aux projets d’un montant inférieur à
45 000 €. On peut évoquer aussi les prêts d’honneur accordés par cer-
tains organismes comme le Réseau Initiatives, l’ADIE, le Réseau Entre-
prendre et France Active.
On peut aussi évoquer le financement participatif (crowdfunding) qui
s’est développé rapidement avec les réseaux sociaux. Il consiste en la
rencontre en ligne sur internet des épargnants et de l’entrepreneur sur
une plateforme de mise en relation qui permet de lever des fonds, soit
pour permettre la naissance d’une entreprise, soit pour financer le déve-
loppement de projets, ainsi que d’emprunter certaines sommes directe-
ment auprès du public (ex. du fonds Ulule). Le financement participatif
est règlementé depuis 2014. Il en existe plusieurs formules :
– le don avec ou sans contreparties en nature ou en cadeaux ;
– le prêt avec ou sans intérêts ;
– l’investissement en capital lorsque la somme fournie a pour contrepar-
tie des parts du capital social de l’entreprise financée (equity crowd-
funding).
Lorsque les sommes fournies sont de très faible montant, on peut parler
de micro-crédit.
Il existe certaines plates-formes spécialisées dans certains types de pro-
jets, comme par exemple les projets mettant en œuvre des énergies
renouvelables.
Diverses aides publiques existent :
– afin d’encourager l’implantation d’entreprises dans certaines zones
défavorisées et zones franches urbaines (ZFU) par exonération de coti-
sations sociales patronales et de l’impôt sur le bénéfice, dans le cadre
de l’IS ou de l’IR ;
– afin d’aider la réinsertion de demandeurs d’emploi par la création
d’entreprise sous la forme de l’Aide aux chômeurs à la création ou la
reprise d’une entreprise (Accre) qui consiste en une exonération des
cotisations sociales du créateur pendant un an qui peut être prolongée
24 mois. Le dispositif NACRE qui comprend un accompagnement et
un prêt à taux zéro facilite la création d’entreprise par les demandeurs
d’emploi afin d’aider au démarrage de toute entreprise nouvelle, par
des exonérations fiscales (exonération de l’impôt forfaitaire annuel
(IFA), réduction du taux d’IS, dispense des 4 premiers acomptes de
l’IS, exonération de cotisations sociales dans les zones de redynamisa-
tion urbaine)1.

1. Le dispositif NACRE est une compétence des régions depuis janvier 2017.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 4 – La création et la disparition d’entreprise 71

d. Le business plan (plan d’affaires)


C’est un document de présentation du projet de création d’entreprise (il
peut être aussi utilisé pour présenter tout projet de développement,
indépendamment d’une création d’entreprise), dont le but est de
convaincre d’éventuels partenaires et financeurs de la pertinence du
projet. Il peut être généré en ligne par un logiciel (comme le BGE Pro).
Il présente : le produit de l’entreprise, l’analyse du marché visé, les
objectifs commerciaux, l’organisation des moyens de production,
l’équipe et l’organisation mise en place, le budget prévisionnel (projec-
tions à 3 ou 5 ans selon différentes hypothèses) et les besoins de finan-
cement.

C. La mise en œuvre du projet


• Le choix d’une structure juridique pour l’entreprise (voir le chapitre :
La diversité des entreprises/diversité des statuts juridiques).
Il faut éviter le statut d’entrepreneur individuel1 qui, s’il présente
l’avantage de la simplicité (Comptabilité et gestion administrative sim-
plifiées et imposition à l’impôt sur le revenu des personnes physiques
(IR)), fait peser sur lui le risque maximum. En cas d’absence d’asso-
ciés, la solution de l’EURL (l’EARL dans l’agriculture), de la SAS (avec
un capital minimum de 1 € ou, à défaut, de l’EIRL semble s’imposer
(v. chapitre 2 p. 20).
• Le dossier de constitution est disponible auprès du centre de formali-
tés des entreprises (CFE) de la Chambre de commerce et d’industrie
(CCI) ou de la Chambre des métiers et de l’artisanat ou encore de la
Chambre d’agriculture selon la nature de l’activité. L’accès au CFE
peut se faire très facilement par Internet et les formalités sont alors
accomplies en ligne. Par exemple, le coût des formalités de création
d’une EURL (immatriculation au RCS et publication dans un journal
d’annonces légales) s’élevait à environ 200 € en mars 2017.
• L’ouverture du compte bancaire de l’entreprise.
• Le dossier de présentation aux apporteurs de capitaux (prêt bancaire,
Conseil régional…) et la déclaration à l’administration fiscale et à la
Direction de l’emploi (Direccte) qui accordent des allégements de
charges fiscales et sociales (ces dernières en cas de recrutement de
personnel).

1.  Ce statut concerne encore plus de la moitié des créations si on inclut les micro-entrepre-
neurs.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
72 Management et économie des entreprises

• La prospection de la clientèle est primordiale pour des raisons finan-


cières mais aussi parce qu’elle permet, à partir des réactions des clients
potentiels contactés, de mieux positionner l’entreprise par rapport à la
demande et par rapport à la concurrence. Elle s’appuie sur un
ensemble d’outils (papier à en-tête, plaquettes publicitaires, site Inter-
net, inscription dans divers annuaires professionnels, actions de rela-
tions publiques auprès des médias et autres prescripteurs du produit).
• La production se fera autant que possible à partir des commandes
fermes de la clientèle, le stockage étant à éviter au maximum.
• Le suivi du démarrage à travers un tableau de bord (où l’on compare
les réalisations aux prévisions) et un plan de trésorerie qui permettra
de suivre précisément la situation des paiements de l’entreprise.
QUELQUES STATISTIQUES
L’indice entrepreneurial français de l’AFE montre qu’en 2015, 21 % des Français de 18 ans
et plus souhaitaient créer ou reprendre une entreprise (environ 10 millions de personnes)
et que 7 % (porteurs de projets) ont engagé des démarches pour effectivement créer ou
reprendre une entreprise (3,5  millions de personnes). Les demandeurs d’emploi sont
moins nombreux que les salariés à avoir entamé une démarche de création d’entreprise
(2 % contre 10 %) ou à envisager de créer une entreprise (17 % contre 29 %).
Selon l’Insee, en 2016, dans l’ensemble des secteurs marchands non agricoles, 554 000 entre­
prises ont été créées. La part des entreprises industrielles créées en 2016 n’est que de
4,4 % tandis que celles de services liés à la santé et l’action sociale est de 7,6 %. Il n’y a,
en 2016, que 4 % des nouvelles entreprises qui emploient du personnel au moment de
leur création (Insee Première, no 1631, janv. 2017).

D. Le cas particulier d’une reprise d’entreprise


Le projet de reprise d’une entreprise doit a priori suivre la même
démarche générale que celui d’une création pure et simple. Cela permet-
tra au candidat-repreneur d’évaluer l’entreprise et d’envisager certaines
évolutions de celle-ci (changement de stratégie ou de modèle de gestion
ou de statut juridique).
Afin de compléter l’étude générale, des audits permettent de mieux éva-
luer l’existant (audits des fonctions de production et de commercialisa-
tion, mais aussi financier et de la gestion des ressources humaines).
Par ailleurs, la location-gérance préalable du fonds de commerce repré-
sentant l’entreprise, permet au repreneur de tester réellement l’entre-
prise qu’il souhaite reprendre et de « faire ses preuves » en tant que
gestionnaire, ce qui pourra ensuite faciliter la négociation du finance-
ment de la reprise vis-à-vis des banques.
Selon la forme juridique de l’entreprise faisant l’objet d’une reprise,
celle-ci se concrétisera par le rachat du fonds de commerce (entreprise
individuelle) ou l’achat des parts sociales (société).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 4 – La création et la disparition d’entreprise 73

L’ÉVOLUTION DU NOMBRE DES CRÉATIONS D’ENTREPRISES SELON LE STATUT JURIDIQUE


CHOISI PAR LE CRÉATEUR

Lecture : en 2016, le nombre de créations de sociétés s’élève à 188 800.


Champ : ensemble des activités marchandes non agricoles.
Source : extrait de Insee Première, no 1631, janvier 2017.

Parmi les entreprises créées sous la forme de sociétés, la part des SAS
continue d’augmenter pour s’établir à 56 %.

II. Les formes de disparition


d’entreprise
Une entreprise disparaît lorsqu’elle perd son patrimoine et que ses biens
(ses actifs) sont liquidés, soit par la volonté de ses propriétaires qui
entendent y mettre fin, soit à l’occasion d’un jugement du tribunal de
commerce ou du tribunal de grande instance (TGI) décidant la liquida-
tion judiciaire (ce que certains appellent encore à tort la « faillite »1). On
constate environ 60 000 défaillances/an.

A. La liquidation à l’initiative des propriétaires


a. Cas d’une entreprise sociétaire
Elle est rare dans le cas d’une société (y compris l’EURL) qui peut être
transmise facilement par simple cession des parts sociales à un repre-
neur. Néanmoins la dissolution d’une société qui entraîne la liquidation
de son patrimoine, peut être décidée par une assemblée générale extraor-
dinaire des associés.
On trouve quelques exemples célèbres comme celui de la liquidation de
Marceau Investissements, pratiquée en juin 1996 à l’initiative de son
fondateur.

1.  En réalité, la faillite est une sanction pénale prononcée à l’encontre d’un dirigeant qui
s’est rendu coupable d’un délit lors de sa gestion d’une entreprise mise en liquidation.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
74 Management et économie des entreprises

b. Cas d’une entreprise individuelle


La liquidation par le propriétaire est courante dans le cas d’une entre-
prise individuelle puisqu’il n’y a pas d’autonomie du patrimoine de
l’entreprise qui se trouve donc confondu avec celui de l’entrepreneur.
L’entrepreneur qui veut cesser son activité en récupérant au moins une
partie de la valeur de l’entreprise qu’il a créée, doit vendre ses actifs
professionnels, notamment son fonds de commerce, puis payer les dettes
de l’entreprise afin de disposer de la différence.

B. La liquidation judiciaire
SCHÉMA DE LA PROCÉDURE DE REDRESSEMENT OU DE LIQUIDATION JUDICIAIRE

Liquidation judiciaire
Cessation des Saisine du
Jugement Liquidation judiciaire
paiements tribunal

Redressement Plan de redressement

Plan de cession

La procédure de liquidation judiciaire vient mettre fin à l’activité de


l’entreprise, en cédant globalement ou séparément les biens qui com-
posent le patrimoine de l’entreprise. Le liquidateur administre l’entre-
prise (à la place du dirigeant) pendant la préparation et l’exécution du
plan de cession qu’il a établi.
La liquidation dans le cadre de la procédure judiciaire applicable
depuis le 1er janvier 2006
La liquidation judiciaire peut survenir :
• Après l’échec de la procédure de conciliation engagée à la demande du dirigeant
• Avant la cessation des paiements ou dans les 45 jours qui suivent celle-ci, le chef d’entreprise
peut prendre l’initiative de demander au tribunal (Tribunal de grande instance ou tribunal de
commerce selon la nature de l’activité) la mise en place d’une procédure de conciliation.
Un conciliateur est alors nommé (pour 5 mois au maximum) qui doit faciliter la conclusion
d’un accord amiable entre l’entreprise et ses principaux créanciers (remises et délais) afin
de mettre fin aux difficultés de l’entreprise. Aucune suspension provisoire des poursuites
n’est prononcée mais des délais de paiement peuvent être accordés par le juge.
En cas d’échec de la procédure de conciliation, si l’entreprise est en cessation de
paiements* et que le redressement est manifestement impossible, le tribunal
prononce la liquidation judiciaire.
• Après l’échec de la procédure de sauvegarde engagée à l’initiative du dirigeant
S’il n’apparaît pas de possibilité sérieuse de sauvegarde à l’issue de la période
d’observation de 6 mois (renouvelable une fois), ou du fait de l’échec du plan de
sauvegarde qui a été mis en place (sur une durée maximale de 10 ans), la liquidation
judiciaire peut être prononcée par le tribunal.
3
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 4 – La création et la disparition d’entreprise 75

• Au cours du plan de redressement judiciaire


Si au cours du plan de redressement, l’entreprise ne respecte pas les dispositions du plan
concernant le paiement des créanciers, la liquidation judiciaire est applicable d’office ou à
la demande d’un créancier.
• Le jugement de clôture de liquidation
La clôture de la liquidation est prononcée, soit pour extinction du passif de l’entreprise
(toutes les dettes ont été payées), soit pour insuffisance d’actif (tous les biens ont été
vendus). Dans ce dernier cas, les créanciers sont payés en fonction des garanties qu’ils ont
prises sur le patrimoine de l’entreprise (gages, hypothèques, warrants…). À la suite du
jugement de clôture, le passif est apuré sans avoir été entièrement payé et les
créanciers ne peuvent plus agir en justice contre le débiteur (qui est l’entreprise en difficulté).
*  La cessation de paiement est la situation dans laquelle l’entreprise ne dispose pas de l’actif
disponible (caisse, banque) pour payer les dettes immédiatement exigibles.

Une procédure de liquidation simplifiée, plus rapide, est applicable aux


petites entreprises qui peuvent le demander si elles n’emploient pas
plus de trois salariés ou qu’elles ont un chiffre d’affaires moyen HT qui
se situe entre 300 000 € et 750 000 € sur les 3 dernières années, ou
encore si elles ne possèdent aucun bien immobilier.
Par ailleurs si ces trois conditions sont vérifiées de façon cumulative, la
procédure simplifiée devient obligatoire pour les juges.
De plus, depuis 2014, tout entrepreneur individuel en situation de ces-
sation de paiements et dont le redressement est manifestement impos-
sible, qui n’est pas en liquidation judiciaire ni en procès prud’homal et
qui n’a employé aucun salarié au cours des 6 derniers mois et dont la
valeur des actifs est inférieure à 5 000 €, sans avoir cessé son activité
depuis plus d’un an, peut bénéficier d’une procédure de rétablissement
professionnel sans liquidation. La clôture de cette procédure entraîne
l’effacement des créances antérieures au jugement d’ouverture. Néan-
moins, les créances salariales et alimentaires ne sont pas effacées.
ÉVOLUTION DE L’INDICE DES DÉFAILLANCES D’ENTREPRISES
Indice de défaillance des entreprises

Cumul 12 derniers mois


100 = moyenne déc. 1991-juin 2017.
Source : Banque de France, Défaillances d’entreprises, juillet 2017.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
76 Management et économie des entreprises

À NOTER
À fin juin, le cumul sur 12 mois du nombre de défaillances s’élève à 55 717, soit une
baisse de 8,8 % par rapport juin 2016.

En règle générale, de la même façon que le niveau de formation, on


observe que l’expérience professionnelle du dirigeant, antérieure à la
création, est un atout important pour la pérennité des entreprises.

III. Quels moyens pour réduire


le nombre des disparitions
d’entreprises ?
Une disparition d’entreprise sur quatre s’explique par des retards de
paiement des débiteurs sans que les entreprises connaissent des difficul-
tés liées à l’activité elle-même. Un soutien financier temporaire peut
donc leur permettre de résister le temps de redresser la barre.

A. Le soutien financier
a. Le soutien bancaire
Une gestion bancaire pertinente devrait permettre de faire face à ces
problèmes dans la mesure où le banquier est capable de mesurer la per-
tinence du modèle économique de l’entreprise cliente et a intérêt à ce
que sa cliente perdure. Mais la frilosité des banques françaises, fragili-
sées par leurs mésaventures financières, les a conduites souvent à
oublier leur mission fondamentale de soutien à l’activité des entreprises
tout en faisant peser sur la collectivité nationale le poids de leur propre
sauvetage !

b. Les fonds de retournement


Ils peuvent prendre des formes diverses : OPCVM considérés par l’AMF
comme risqués, Fonds commun à risque (FCPR), sociétés financières
fermées (ex. du fonds BCP créé en 1991).
Leur rôle consiste à prendre le contrôle d’une entreprise qui connaît ou
va connaître des difficultés alors qu’un audit approfondi a mis en évi-
dence son potentiel à la fois concurrentiel et technologique. Le but de la
prise de contrôle est de retourner la situation de l’entreprise en la ren-
forçant sur le plan managérial et financier dans le cadre d’une nouvelle
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 4 – La création et la disparition d’entreprise 77

orientation stratégique. Une fois la confiance restaurée en interne et


vis-à-vis des partenaires principaux (clients, fournisseurs et banquiers),
le fonds revend sa participation afin de réaliser une plus-value du fait de
la meilleure valorisation des titres consécutive au redressement de l’en-
treprise.
Les entreprises concernées ne sont pas forcément « en difficulté » au
sens légal du terme (« cessation de paiements ») mais plutôt en dépha-
sage par rapport à leur environnement sectoriel, souvent à la suite de
leur intégration dans un groupe industriel dans lequel elles jouent un
rôle marginal ou décalé par rapport à la stratégie d’ensemble.

c. Les structures de financement public


Le Fonds de développement économique et social permet à l’État d’ac-
corder des prêts à des taux inférieurs à ceux du marché.
La Banque publique d’investissement (BPI France) a pour mission d’ap-
porter un soutien financier aux petites et moyennes entreprises, aux
entreprises de taille intermédiaire ainsi qu’aux entreprises de l’écono-
mie sociale et solidaire, afin de faciliter la réalisation de leurs projets de
développement et leur accès aux financements.
Le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) est un
département du Trésor est chargé d’aider les entreprises de plus de
400 salariés en difficulté.
De plus, des aides de l’État ou des collectivités territoriales sont mobili-
sables sous forme d’allègement fiscaux ou de délais de paiement des
dettes fiscales et sociales pour des entreprises ayant des difficultés tem-
poraires de trésorerie. Le dirigeant doit pour cela saisir par courrier la
commission départementale des chefs des services financiers et des
représentants des organismes de Sécurité sociale (CCSF).

B. Les structures d’accompagnement


entrepreneurial des TPE et PME
Les collectivités territoriales (conseils régionaux, conseils généraux et
communes) s’efforcent de soutenir la gestion et le développement des
TPE et PME de leur territoire en s’appuyant sur des acteurs de l’accom-
pagnement : CCI, réseaux BGE (Boutiques de gestion pour entreprendre),
cabinets d’expertise comptable, implantés localement et capables d’ap-
porter un soutien à l’exploitation de ces entreprises, à base de diagnos-
tic, de conseil et de formations.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
78 Management et économie des entreprises

IV. Le mouvement de concentration


au sein des secteurs d’activité
influence la création et la disparition
d’entreprises
A. La concentration industrielle
Dans de nombreux secteurs et en particulier dans les secteurs les plus
capitalistiques (c’est-à-dire dont le coefficient de capital1 est élevé), la
tendance est à la concentration du secteur. Il s’agit d’une évolution selon
laquelle un nombre donné d’entreprises réalise une part croissante de la
valeur ajoutée d’un secteur. Ce phénomène est mesuré par l’Insee pour
les « n » premières entreprises de chaque secteur industriel. Un indica-
teur simple est le poids des quatre premiers groupes d’un secteur dans
le total de la valeur ajoutée produite dans le secteur au cours d’une
année.
Ce mouvement s’explique par l’opportunité d’économies d’échelle2
lorsque la croissance du marché le permet, et lorsque les charges fixes
qui peuvent être réparties sont importantes. Il s’explique également par
la pression concurrentielle qui incite les entreprises à rechercher active-
ment ces économies d’échelle lorsque le secteur arrive à maturité.

B. Ses conséquences
La concentration est considérée comme un facteur de renforcement et de
dynamisation du secteur, car elle se traduit généralement par une ouver-
ture plus importante à l’international, et par une capacité de recherche
et d’innovation plus importante pour les entreprises en bénéficiant. Elle
se déroule grâce aux opérations de croissance externe3 des entreprises
(fusions, OPA, participations) ou grâce à l’effort supérieur de croissance
interne de certaines entreprises qui grandissent plus vite que l’ensemble
de leur secteur.

1.  Le coefficient de capital est le rapport du stock de capital technique à la production de


l’année. Il est en moyenne de 3,5 dans l’industrie, par exemple. Plus il est grand et plus le
capital technique joue un rôle important dans la production, ce qui n’est pas le cas des
industries dites « de main d’œuvre ».
2.  Voir la présentation de ce phénomène, p. 255.
3.  Voir la présentation de ce phénomène, p. 225.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 4 – La création et la disparition d’entreprise 79

Cette concentration sectorielle induit une dimension critique des entre-


prises d’un secteur donné : la taille critique (ou masse critique) en des-
sous de laquelle la rentabilité et la compétitivité d’une entreprise sont
compromises. Cette masse critique fait partie des barrières à l’entrée1 du
secteur.
On observe que les secteurs les plus concentrés sont les plus capitalis-
tiques, comme la sidérurgie, l’énergie, l’automobile, la chimie de base,
etc. On observe également que les plus grands groupes d’un secteur
concentré bénéficient d’une rente, pour peu que l’élasticité de la
demande par rapport au prix ne soit pas trop élevée2.
ILLUSTRATION
Un exemple notable de concentration existe dans le secteur bancaire européen où l’on
constate que le nombre d’établissements a diminué sensiblement depuis 20 ans sous
l’influence de plusieurs facteurs : concurrence des banques nord-américaines ; désinter-
médiation et dérèglementation bancaire et financière ; mise en place de l’euro ; augmen-
tation de la taille des entreprises clientes des banques ; déploiement des NTIC dans les
processus bancaires.
Le phénomène de concentration aboutit à des disparitions d’entreprises
qui ne peuvent pas garder une taille critique, et freine la création de
nouvelles entreprises dans les secteurs où la concentration est forte, du
fait des barrières à l’entrée ainsi constituées.
POUR EN SAVOIR PLUS
Agence France Entrepreneur (AFE), Comment créer son entreprise  ?, https://www.
afecreation.fr/pid216/etapes-de-la-creation.html
Bachéré (H.), 11 400 sociétés concentrent 75 % de l’investissement, Insee Focus, no 32,
juill. 2015.
Banque de France, http://www.banque-france.fr
Banques populaires, Cahier créateurs-entreprises.
CCI de France, Les aides pour entreprendre ou reprendre, http://www.cci.fr
Insee, site Internet, http://www.insee.fr/
Liaisons sociales, numéro spécial La création d’entreprise, déc. 2010.
Pédamon (M.) et Kenfack (H.), Droit commercial, commerçants et fonds de commerce.
Concurrence et contrats du commerce, Dalloz, coll. « Précis », 2015.
« La nouvelle loi de sauvegarde des entreprises », Revue fiduciaire conseil, févr. 2006,
no 172.
Verstraete (T.) et alii, Histoire d’entreprendre, Les réalités de l’entrepreneuriat, Manage-
ment et société, 2000.
Verstraete (T.), Entrepreneuriat : connaître l’entrepreneur, comprendre ses actes, L’Har-
mattan, 1999.

1.  Voir la présentation de ce phénomène, p. 223.


2.  Voir « Les deux visages de la concentration industrielle : efficacité et rente de situation »,
article de Michel Amar et Bruno Crépon in Économie et statistique, 1990.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
80
CHAPITRE 5
Management et économie des entreprises

La culture et l’identité
de l’entreprise

« Sans être confondue avec la société tout


entière, qu’elle dominait ou qui la façonnait,
l’entreprise contemporaine ne peut trouver la
voie de ses capacités d’autonomie stratégique
sans prendre sérieusement en considération
plus que la simple addition de ses ressources
humaines, toute la réalité de la structure
sociale interne et externe qui en dynamise le
véritable potentiel d’acteur. »
R. Sainsaulieu1, L’entreprise, une affaire de société, 1990

« La culture permet-elle à une entreprise de


durer ou au contraire réduit-elle ses perspec-
tives de pérennité en limitant ses possibilités
de changement ? »
Eric Godelier, Revue française de gestion, 2009

1.  Renaud Sainsaulieu (1935-2002), était professeur à l’IEP de Paris et directeur du Labora-
toire de sociologie du changement des institutions, au CNRS.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 5 – La culture et l’identité de l’entreprise 81

I. Qu’est-ce que la culture


de l’entreprise ?
A. Définition
Il s’agit d’un ensemble de connaissances, de valeurs et de comportements partagés de
façon implicite par les membres d’une entreprise.

Cette compréhension souvent intuitive de l’entreprise, qui englobe sa


réalité informelle, permet à chacun de ses membres de s’y repérer et de
défendre ses intérêts. Ce « savoir local » est fabriqué par les membres de
l’entreprise, à travers son histoire ; il n’évolue qu’avec lenteur. Il est le
ciment de l’organisation car il sert de repère et de norme à tous ses
membres.
– Selon E. Schein1, la culture d’un groupe est l’ensemble des hypothèses
principales qu’il a inventé, découvert ou construit en cherchant à
s’adapter à son environnement et à assurer sa cohésion interne.
– Selon E. Jacques2 « La culture de l’entreprise, c’est son mode de pen-
sée et d’action habituel et traditionnel, plus ou moins partagé par tous
ses membres, qui doit être appris et admis, au moins en partie, par les
nouveaux membres pour être acceptés dans l’entreprise. »
– Selon E. Enriquez3, il s’agit de l’« élaboration d’un système à la fois
culturel, symbolique et imaginaire » qui tend à se développer au fur et
à mesure que l’entreprise se transforme en institution.

B. Les déterminants de la culture d’entreprise


On peut parler d’une « contingence culturelle » de l’entreprise.

a. Les déterminants externes


La culture des régions et des pays dans lesquels l’entreprise est située
influence ses salariés comme ses dirigeants. On a pu notamment obser-
ver cette influence en constatant les fortes différences d’attitude et de
méthodes entre syndicats européens au sein des comités d’entreprise
européens des grands groupes. On l’observe également depuis la prise
de participation de Renault chez Nissan, en découvrant d’importantes
divergences dans la pratique du pilotage, qui sont l’expression de formes

1.  E. Schein, Organizational culture and leadership, Jossey Bass, 1985.


2.  Elliot Jacques, consultant canadien associé au Tavistock Institute de Londres en 1946.
3.  E. Enriquez, in L’entreprise, une affaire de société, sous la direction de R. Sainsaulieu,
1990.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
82 Management et économie des entreprises

de civilisation différentes (chez les Japonais : l’importance du détail ;


l’impossibilité de dire « non » ; l’impossibilité de la discussion ; la
recherche permanente de consensus ; etc.).
L’époque dans laquelle l’entreprise se développe est porteuse de cer-
taines conceptions des relations qui doivent prévaloir dans l’entreprise.
Selon E. Godelier1, au fil du temps, les dirigeants d’entreprise ont utilisé
plusieurs métaphores pour mettre en œuvre un esprit d’entreprise et
pour faciliter l’intégration des salariés. Au xixe siècle, on utilise l’image
de la famille dont le patron est le père, investi d’une autorité protectrice.
C’est l’époque du paternalisme, illustré en France à l’époque par Miche-
lin ou Peugeot. Dans l’entre-deux guerres, c’est l’« esprit maison » qui
est mis en avant pour mobiliser le personnel. Il faut attendre les années
1970 pour voir se développer une métaphore de l’équipe sportive dont
le capitaine est le dirigeant.
Néanmoins, cette interprétation historique commode ne doit pas nous
empêcher de percevoir de nouvelles formes de paternalisme, comme
celui de l’entreprise Google aujourd’hui dans son Googleplex en Califor-
nie.
Les cultures particulières à chaque groupe professionnel, à chaque eth-
nie, à chaque métier composant l’entreprise, participent aussi à la défi-
nition de sa propre culture.
EXEMPLE
Bouygues trouve ainsi un grand nombre d’éléments de sa culture d’entreprise dans
la culture particulière au secteur du bâtiment. Il s’efforce néanmoins de les estomper
afin de mieux intégrer ses nouveaux métiers de la communication (télévision, télé-
phonie, Internet).

b. Les déterminants internes


– L’histoire de l’entreprise joue un rôle important dans la constitution
de sa culture. Cette histoire est composée de ses expériences, ses suc-
cès et ses échecs. Ils serviront de références aux décideurs et au per-
sonnel de l’entreprise, pour apprécier une situation donnée. Des entre-
prises comme Saint Gobain ou Alcatel-Lucent ont fait appel à des
historiens pour relater leur histoire. Philips a créé un musée pour
évoquer son passé et relater son développement.
– Le système de valeurs de l’entreprise correspond à l’ensemble des
règles et des références qui sont acceptées de façon générale par les
membres de l’entreprise, qu’elles soient issues de la culture du milieu
environnant ou de l’histoire de l’entreprise.
– Les stratégies suivies par l’entreprise se traduisent par des structures
organisationnelles et des procédures de travail qui influencent sa

1.  Eric Godelier, Revue française de gestion, 2009/2, no 192.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 5 – La culture et l’identité de l’entreprise 83

culture. De plus les dirigeants peuvent choisir d’utiliser certaines de


ces valeurs pour faciliter le fonctionnement de l’entreprise et favoriser
la mise en œuvre de ses nouvelles stratégies. Cette idée a donné à la
notion de culture d’entreprise un succès managérial dans les
années 80.

II. Quelles sont les manifestations


de la culture de l’entreprise ?
Un certain nombre de signes et de pratiques constituent les manifesta-
tions concrètes de l’identité et de la culture de l’entreprise.

a. Les symboles
Ce sont certains signes distinctifs, comme le logo de l’entreprise (image
symbolique choisie par l’entreprise pour la représenter), le style vesti-
mentaire (uniforme ou façon de se vêtir selon un dress code), le style
architectural (type de bâtiments et d’aménagement), etc.
Ils incarnent à la fois les objectifs et les caractéristiques de l’organisation
et ont pour fonction de rallier les membres de l’organisation à celle-ci.

b. Les croyances
Ce sont des informations générales, des modes de raisonnement, des
valeurs qui sont acceptées comme des évidences et qui déterminent la
façon de penser et d’agir des membres de l’organisation. Elles influencent
fortement les relations de l’entreprise avec ses partenaires (clients, four-
nisseurs, concurrents…).
Poussées à l’extrême, de telles croyances peuvent prendre un caractère
idéologique. Le produit ou service de l’organisation devient alors un
bienfait pour l’humanité et il convient de le diffuser à travers le monde.
Certaines entreprises, et beaucoup d’organisations pseudo-religieuses et
militantes, se trouvent dans ce cas.

c. Les rites
Ce sont des pratiques systématiques et invariables qui peuvent concer-
ner les activités quotidiennes, à travers la façon de communiquer
(exemple du tutoiement), le langage utilisé (vocabulaire « maison »), etc.
Ces pratiques ont souvent un caractère plus exceptionnel : rites liés à
l’accueil d’un nouveau salarié, au départ en retraite, aux décès, célébra-
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
84 Management et économie des entreprises

tions d’anniversaires ou de succès de l’entreprise. Cet ensemble consti-


tue le rituel de l’entreprise. Sa fonction est de rassurer les individus et
de favoriser leur appartenance à l’institution. Le rituel permet égale-
ment de diffuser aux membres de l’entreprise les comportements et les
valeurs de référence qui facilitent leur cohésion.
Mais la culture d’entreprise ne se limite pas aux apparences. Au contraire,
selon Maurice Thévenet, elle s’exprime « dans ses façons de réagir aux
situations courantes, comme traiter un marché, définir son standard
d’efficacité ou traiter des problèmes de personnel ». Le rituel englobe
donc l’ensemble des « façons de faire » propres à chaque entreprise.
EXEMPLE
Rituel des « compagnons du minorange » de l’entreprise Bouygues (branche travaux
publics).

d. Les tabous
Il s’agit des sujets dont on ne doit pas parler et des actes que l’on ne doit
pas commettre. Ils permettent d’éviter certains désordres et certaines
tensions dans l’entreprise.
EXEMPLES
L’erreur de stratégie du dirigeant, le défaut de qualité qui a fait scandale, le lancement
d’un produit qui a échoué dont il faut éviter de parler, etc.

e. Les mythes
Ce sont des faits passés qui ont été amplifiés ou déformés. Leur but est
de transmettre et de renforcer certaines valeurs de l’entreprise. Les per-
sonnages des mythes sont les héros de l’organisation, c’est-à-dire des
modèles. Il peut s’agir de dirigeants qui ont été rendus légendaires par
leur charisme, leurs réalisations exceptionnelles, et qui personnalisent
les valeurs fondamentales de l’entreprise. Il peut s’agir aussi de salariés
méritants, que l’organisation donne en modèle aux autres.
EXEMPLES
Le mythe originel de l’entreprise Nestlé est qu’un bébé prématuré qui refusait le lait
de sa mère a survécu grâce à la farine lactée pour bébé Nestlé ; celui du grand magasin
parisien La Samaritaine est que son fondateur E. Cognacq a démarré son entreprise
en vendant des tissus dans un parapluie rouge sur le Pont Neuf à la fin du xixe siècle.

QUELQUES HÉROS DU MONDE DES ENTREPRISES


Les fondateurs, comme Antoine Riboult qui transforma le groupe verrier BSN pour en
faire le géant de l’alimentaire Danone ; Francis Bouygues, entrepreneur du bâtiment qui
fonda le groupe Bouygues ; Jean Mantelet, inventeur du moulin à légumes, fondateur
de Moulinex ; ou encore Bill Gates, pionnier de la micro-informatique, cofondateur de
Microsoft et Steve Jobs, pionnier de l’ordinateur individuel, du baladeur et de la tablette
tactile, co-fondateur d’Apple.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 5 – La culture et l’identité de l’entreprise 85

Les mythes contiennent un enseignement pour les membres de l’entre-


prise, d’autant plus facilement accepté qu’ils apparaissent sans source
identifiable et ont un caractère de stabilité qui rassure les membres de
l’organisation sur la pérennité de celle-ci.

III. Quel rôle la culture d’entreprise


peut-elle jouer dans la gestion ?
A. Un outil de la performance économique
de l’entreprise
Il apparaît aujourd’hui que, dans la plupart des secteurs, la valeur d’une
entreprise dépend d’éléments immatériels, dont la culture d’entreprise
fait partie.

a. Un facteur d’intégration du personnel


La culture d’entreprise contient la mémoire collective de l’entreprise,
qui donne aux individus qui la composent une certaine unité.
Une culture forte est celle dont les valeurs sont nombreuses et partagées
par le personnel. Elle est pour l’entreprise un important facteur d’inté-
gration du personnel dans l’organisation, en créant un sentiment d’ap-
partenance et de légitimation de l’organisation pour ceux qui la par-
tagent. Elle peut devenir un facteur de motivation.

b. Un code d’action
La culture de l’entreprise génère certains comportements professionnels
et en exclut d’autres. Elle constitue un code permettant aux membres de
l’entreprise d’interpréter l’environnement et d’agir pour préserver la
cohérence supposée de l’organisation. Elle influence fortement la per-
ception des membres de l’entreprise à l’égard de l’évolution de l’envi-
ronnement et des problèmes qui peuvent se poser. Elle indique dans
quel sens agir, notamment en cas de décision exceptionnelle, lorsque les
règles de gestion habituelles deviennent inopérantes.

c. Une contrainte pour les décideurs


La culture d’entreprise apparaît comme une contrainte pour les déci-
deurs puisque leurs choix doivent être compatibles avec les valeurs et
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
86 Management et économie des entreprises

les idées qu’elle représente. Elle peut donc limiter le champ d’action de
l’entreprise ou tout au moins compliquer certaines de ses politiques.
Certains échecs de rapprochements d’entreprises trouvent leur raison
d’être dans l’impossibilité de trouver un terrain d’entente et un modus
vivendi entre deux organisations de cultures trop différentes.
EXEMPLES
– L’échec de l’offensive de la BNP sur la Société générale en 1999 s’explique, en
partie, par une mobilisation des personnels qui a reposé sur une base culturelle.
– Aventis, née au début de l’année 2000 de la fusion de Hoechst et de Rhône-Poulenc,
s’est efforcée de créer une nouvelle culture d’entreprise, basée sur une organisation
transversale, afin de dépasser les différences entre les deux structures aujourd’hui
regroupées.

d. Un atout pour motiver et mobiliser le personnel


L’entreprise va chercher à contrôler sa propre culture, en minimisant
certains de ses éléments pour en renforcer d’autres, plus favorables à sa
stratégie et plus adaptés aux caractéristiques de l’environnement1.
La culture d’entreprise devient ainsi un outil de motivation qu’il
convient d’entretenir et de réactualiser en permanence, tout au moins
dans les grandes organisations en quête d’identité et d’unité.

e. Un impact relatif à l’intensité concurrentielle


du secteur
Selon une étude de deux professeurs de Harvard2, J. Kotter et J. Hesket,
il apparaît que l’effet de la culture d’entreprise sur la performance éco-
nomique d’une entreprise est d’autant plus important que les entreprises
sont confrontées à un niveau de concurrence élevé et où la différencia-
tion physique est faible (ex. : les secteurs des produits de base).
À l’inverse, dans un secteur en plein développement, peu compétitif,
son impact deviendrait négligeable.

B. Les moyens de faire évoluer la culture


d’entreprise
Selon Peters et Waterman, les dirigeants des entreprises doivent com-
prendre toute l’importance d’une « gestion culturelle de leur entre-
prise » et ils doivent même faire du développement du « système de

1.  Cette démarche est à rapprocher du concept de « marketing interne » qui a pour objectif
de fédérer le personnel autour de la politique générale de l’entreprise.
2.  Auteurs de Corporate culture and performance, 1992.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 5 – La culture et l’identité de l’entreprise 87

valeurs » de l’entreprise leur principale préoccupation. En fait le diri-


geant doit devenir selon eux un véritable « façonneur de valeurs » qu’il
s’appliquera ensuite à diffuser et à faire adopter par le personnel en
allant sur le terrain.
En effet, pour être un facteur de productivité, la culture d’entreprise doit
être à la fois « bonne et forte ».
Une « bonne culture » est selon ces auteurs, favorable à la performance,
c’est-à-dire à l’opposé de la culture bureaucratique.
Une « culture forte » est celle qui est partagée par le plus grand nombre.
Ainsi selon Deal et Kennedy, l’existence de sous-cultures peut générer
des conflits entre les services et la culture centrale doit être largement
dominante.
L’entreprise peut avoir recours aux politiques de communication interne
et de relations publiques (v. aussi p. 90).
Elle peut également faire évoluer sa culture en élaborant un projet d’en-
treprise.
Néanmoins de telles actions ne peuvent se concevoir qu’à long terme et
le « management par la culture » doit être pratiqué avec une grande
modestie d’objectifs.
MAI 1994 : BSN CHANGE DE NOM POUR DEVENIR DANONE
ET ADOPTE UN NOUVEAU LOGO
«  Le nouveau logo qui symbolisera désormais le groupe Danone  : dans un
cercle, un enfant lève la tête vers une étoile. C’est simple et compréhensible
dans tous les pays du monde. C’est aussi une image d’espoir, d’avenir et de
croissance. L’image que nous voulons donner à notre Groupe.  » Antoine
Riboud, PDG in Rapport annuel du groupe BSN, 1994.

IV. Projet d’entreprise et charte


d’entreprise, outils de gouvernance ?
La mode en gestion s’est orientée à partir du milieu des années 80 vers
la pratique du projet d’entreprise. Après avoir constaté les bienfaits de
l’organisation par objectif, ou par projet, à l’intérieur de l’entreprise, il a
semblé judicieux de généraliser une telle démarche à l’entreprise tout
entière. En donnant un sens à l’activité de l’entreprise on devait obtenir
la mobilisation de tous ses membres.
La charte d’entreprise, très utilisée dans les entreprises nord-améri-
caines, est plus stable. Elle se situe en arrière-plan des activités pour
inspirer les choix en s’appuyant sur les valeurs éthiques affirmées par
l’entreprise.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
88 Management et économie des entreprises

a. La notion de projet d’entreprise


C’est une méthode de management qui repose sur l’affirmation des priorités écono-
miques et sociales de l’entreprise, s’appuyant sur des valeurs partagées par ses
membres1, dans le but de mobiliser ceux-ci sur les objectifs fondamentaux de l’entre-
prise.

Selon Beullac et Malcor2, il doit être conciliable à la culture de l’entre-


prise, être mobilisateur pour le personnel et être légitime pour l’environ-
nement de l’entreprise.

1. Sa raison d’être
Son but est de créer dans l’entreprise une dynamique capable de mobi-
liser l’ensemble des sociétés, des établissements, des services et des
salariés de l’entreprise. Il apporte donc à la grande entreprise, souvent
dispersée géographiquement, une unité.
Il est avant tout un outil de changement organisationnel qui permet
notamment de faire évoluer la culture d’entreprise.

2. Sa mise en œuvre
La diffusion du projet est l’objet d’une action de communication interne
mais aussi d’une campagne de presse et de publicité institutionnelle qui
lui donnent la dimension d’un engagement de l’ensemble des membres
de l’entreprise. L’encadrement joue un rôle d’animation du projet dans
les services et des indicateurs permettent de mesurer sa réalisation et de
mettre à l’honneur ses meilleurs artisans.
Le projet, une fois lancé, il convient d’entretenir la dynamique créée,
avant qu’elle ne retombe. On pourra recourir à des concours interser-
vices afin de susciter une émulation, publier et faire connaître les succès
obtenus par les différentes unités (journal d’entreprise, film vidéo, réu-
nion de fin d’année, presse locale…).

3. Son histoire
Le projet d’entreprise est devenu au cours des années 80, la nouvelle
« recette » pour mobiliser le personnel et accroître les performances. Il
s’est orienté au début des années 90 vers l’intégration d’une éthique
d’entreprise (v. chapitre 24 « L’entreprise dans la société »).
On lui reproche son caractère manipulatoire et aussi parfois d’incarner
une nouvelle forme de paternalisme patronal.

1. Voir supra III.


2.  Un projet pour l’entreprise, revue Personnel, no 280, 1986.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 5 – La culture et l’identité de l’entreprise 89

b. La charte d’entreprise, une pratique d’inspiration


anglo-saxonne
La charte est plus « statique » que le projet. Elle se contente d’affirmer
les valeurs essentielles et fixe les règles éthiques, formalisant de façon
plus ou moins solennelle les principes qui fondent la culture de l’entre-
prise et que les nouveaux arrivants devront accepter.
EXEMPLES
Elle prend le nom de « code de conduite » chez Total. Pour L’Oréal « la charte éthique
aide les collaborateurs, les dirigeants et mandataires sociaux à incarner L’Esprit
L’Oréal dans le quotidien de leur pratique professionnelle » et chaque salarié en
reçoit un exemplaire lors de l’embauche.

Si elle est ressentie comme « plaquée » par la direction générale sur


l’ensemble du personnel, un rejet est probable.
Comme le projet d’entreprise, la charte doit s’inscrire dans le long terme
et s’installer progressivement dans la culture de l’entreprise.

c. Le risque lié à ces outils


La mise en avant de ces outils de gouvernance par une politique de com-
munication peut devenir risquée lorsque les valeurs, actions, projets
annoncés sont contredits par les faits et par ce que les salariés ou les clients
vivent dans leurs relations avec l’entreprise. Dans ce cas, en effet, c’est un
sentiment de tromperie et de rejet qui risque d’apparaitre, suscitant un
désengagement du personnel ou un discrédit de la marque de l’entreprise.
Parfois, la charte est utilisée par certaines entreprises pour sanctionner
les salariés récalcitrants, jusqu’au licenciement, dans certains cas. En
effet, sur un plan juridique, la charte peut être interprétée comme un
simple recueil de directives professionnelles édictées par l’employeur
afin de compléter le règlement intérieur.

V. L’identité et l’image de l’entreprise


A. La notion d’identité d’entreprise
a. Définition
L’identité de l’entreprise c’est l’ensemble des caractéristiques de celle-ci qui fondent sa
spécificité, dans son état comme dans ses actions (dénomination, statut juridique, acti-
vité(s), taille, organisation, culture, histoire, stratégie, etc.).

Selon certains auteurs, l’identité de l’entreprise serait ce qui permet aux


salariés de répondre à la question « que sommes-nous ? » (Balmer J.M.T.).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
90 Management et économie des entreprises

Selon d’autres, il s’agirait plutôt d’une fiction commode, utilisée par les
dirigeants pour désigner de façon pratique la complexité des éléments
souvent hétérogènes qui composent une entreprise. Cette fiction simpli-
ficatrice faciliterait l’exercice du pouvoir des dirigeants en sous-enten-
dant l’existence d’une unité de l’entreprise (Bazin L., et Selim M.).
Selon les auteurs de la théorie évolutionniste de la firme (v. chapitre 13,
p. 305 et s. « La théorie des organisations »), ce sont leurs savoir-faire et
leurs « compétences organisationnelles » qui différencient le mieux les
entreprises.
L’identité de l’entreprise se reflète dans l’image de l’entreprise qui est
perçue par son environnement et que l’entreprise peut influencer par ses
actions de communication et de relations publiques.

Le changement de la marque de l’entreprise


Le nom de l’entreprise est devenu le vecteur de son identité et les diri-
geants lui accordent de plus en plus d’importance comme le montrent
certains changements de nom de grands groupes : Danone (ex-BSN),
Novartis (ex-Ciba et Sandoz), Vivendi (ex-Générale des Eaux) sont parmi
les exemples les plus célèbres. La marque de l’entreprise apparaît de
plus en plus comme un capital immatériel qu’il faut gérer.
Le changement de nom peut s’expliquer par les opérations de croissance
externe et notamment la fusion qui conduit souvent à juxtaposer le nom
des deux entreprises afin de rallier leurs clientèles au nouvel ensemble
(Moët-Henessy, Pernod-Ricard, etc.) ou bien il s’explique par le souci de
faciliter la lisibilité commerciale du nom du nouveau groupe (BFCE et
Crédit commercial sont devenus Natexis à l’issue de leur fusion).
Indépendamment de tout regroupement, le changement peut survenir
pour des raisons commerciales : la CGE (Compagnie générale électrique)
est devenue ainsi Alcatel afin de profiter de la notoriété de ses produits
phares. Le changement de nom peut aussi marquer une rupture straté-
gique. Il s’explique généralement par une combinaison de tous ces fac-
teurs. Un changement efficace a un impact commercial évident et sou-
vent au niveau international (ex. : l’ancien groupe Besnier devenu
« Lactalis », premier groupe laitier européen, en 1998).
LE LOGO DE LA RATP (DÉCEMBRE 1991)
« Le cercle vert jade exprime la région Île-de-France. Il est ouvert car nous avons une
activité internationale très importante. La ligne bleue représente la Seine, mais aussi
un visage généreux qui regarde vers l’avenir… », Christian Blanc, PDG de la RATP.

LE CHANGEMENT DE LOGO DU CRÉDIT LYONNAIS (AOÛT 2005)


L’entreprise a investi 20  millions d’euros dans son nouveau sigle. «  LCL,
c’est le Crédit Lyonnais en plus court, plus moderne, plus dynamique, plus
efficace, plus rapide », Georges Pauget, Président de LCL, août 2005.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 5 – La culture et l’identité de l’entreprise 91

LE CHANGEMENT DE LOGO CHEZ PEUGEOT (2010)


Désormais métallisé et redressé comme en mouvement, le logo stylisé de Peu-
geot s’est modernisé et dynamisé.

LE CHANGEMENT DE LOGO DE YOUTUBE (AOÛT 2017)


Le nouveau logo a été présenté par Google au début de l’été 2017, il
permet de symboliser une application modernisée, adaptée à la visualisa-
tion sur mobile avec une vitesse de défilement modulable.

b. Les déterminants de l’identité de l’entreprise


– La taille de l’entreprise et son métier interviennent évidemment en
premier lieu.
– L’identité de l’entreprise est aussi déterminée par la personnalité de
son créateur qui organise et met en œuvre l’entreprise selon son pro-
jet. Puis, ses dirigeants successifs lui impriment chacun leur style et
leurs propres desseins.
– La stratégie de l’entreprise permet également de connaître et de com-
prendre sa spécificité.
– La structure de l’entreprise, en déterminant la répartition des tâches,
du pouvoir et le type de communication, influence fortement son
identité.
– La culture de l’entreprise partagée par ses membres, lui donne une
unité sans laquelle il serait difficile de parler d’identité.
– La politique de communication de l’entreprise est l’outil qu’elle utilise
pour tenter d’infléchir ou de forger son image dans un sens favorable
à sa stratégie.

B. L’image de l’entreprise
a. Définition
L’image de l’entreprise est la façon dont celle-ci est perçue par les acteurs de son envi-
ronnement.

L’EXEMPLE DU GROUPE TOYOTA


L’entreprise se trouve véritablement incarnée par son dirigeant, pour le pire et le meil-
leur, comme l’ont montré les mésaventures du groupe Toyota en février 2010.
Après le rappel de 437 000 Prius et autres modèles hybrides dans le monde en raison de
problèmes de freinage et de plus de sept millions d’autres modèles pour des défauts de
pédales d’accélérateur, le président du groupe, Akio Toyoda, petit-fils du fondateur a
présenté ses excuses aux clients du monde entier dans une conférence de presse, puis
a dû s’expliquer devant le Congrès des USA.

L’image de l’entreprise est souvent valorisée de façon importante parmi


ses actifs incorporels (en France à travers la valeur du fonds de com-
merce) du fait du rôle indispensable qu’elle joue sur le plan commercial.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
92 Management et économie des entreprises

Or elle est très fragile, ce qui explique qu’elle fasse l’objet d’une poli-
tique de communication externe et interne.
Elle est loin pour autant d’être complètement maîtrisée par l’entreprise.
IMAGE DE L’ENTREPRISE OU IMAGE DES MARQUES ?
Le problème se pose, par exemple, chez PSA et Volkswagen où l’on cherche tout à la
fois à pratiquer une politique industrielle de groupe, propre à générer effets de synergie
et économies d’échelle, tout en différenciant les marques afin d’éviter qu’elles ne se
cannibalisent.
Mais donner une image forte à chacune des marques pose la question de l’existence
d’une image d’entreprise, pour de tels groupes de sociétés à la fois alliées et concurrentes.
Une telle image doit pourtant elle aussi exister, aux yeux des actionnaires cette fois…

L’image de l’entreprise dépend de plus en plus de ses performances


sociétales, qu’il s’agisse de l’image qu’en ont les salariés, les clients, les
épargnants. Les projets et actions sociétaux de l’entreprise qui ont pour
objet de la faire percevoir comme « socialement correcte » sont des
moyens de différenciation efficaces.
Une enquête du CREDOC (2002) montre que 38 % des interrogés disent
tenir compte des « engagements de citoyenneté » des entreprises lors de
l’achat de produits, et un Français sur deux est prêt à payer 5 % de plus
pour des produits éthiques.
Encore faut-il connaître ces actions, c’est l’objet de mesures de commu-
nication externe « non commerciale » (information sur étiquette, publi-
cité institutionnelle), qui constituent la politique de relations publiques
de l’entreprise. Encore faut-il également que les proclamations soient
concrétisées dans des pratiques effectives, faute de quoi, elles n’engen-
dreraient que méfiance et déception au détriment de cette même image !

b. La politique de relations publiques


La politique de communication externe ou politique de relations
publiques se traduit par de nombreuses actions (campagnes de presse,
salons, conférences, publications et films, mécénat, etc.) qui visent à
établir des relations de séduction, de confiance et/ou de reconnaissance
avec plusieurs cibles spécifiques.
Les objectifs sont pluriels : notoriété, image positive, élargissement du
public ; renforcement du capital de sympathie et de confiance, motiva-
tion et implication du personnel, etc.
Les différentes actions engagées visent aussi à communiquer différemment
afin de surmonter la saturation des prospects en publicité-produit et afin
de constituer ainsi un levier pour les actions commerciales de la marque.
Les principaux outils de cette politique de l’entreprise sont la publicité
institutionnelle (corporate advertising), le mécénat et le parrainage.
• La communication institutionnelle passe généralement par des actions
de publicité qui mettent en valeur l’entreprise elle-même et non plus
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 5 – La culture et l’identité de l’entreprise 93

ses produits. Elle passe par un portail internet et des publications sur
les réseaux sociaux généralistes ou spécialisés, ou encore par la com-
munication d’informations par voie de presse, concernant la vie de l’en-
treprise, ou bien la production de supports de communication concer-
nant l’entreprise (vidéos, journal d’entreprise, rapports, plaquettes et
catalogues). Cette élaboration d’une image favorable de l’entreprise peut
aussi s’appuyer sur des événements socio-culturels auxquels l’entreprise
s’associe par la voie du partenariat ou du sponsoring (v. infra).
REMARQUE
On voit également certaines entreprises développer de nouvelles pratiques de com-
munication, improprement qualifiées de marketing d’embuscade (ambush marke-
ting) qui consistent à s’inviter dans un événement sans avoir participé à son finance-
ment (ex. : DIM-DIM girls dans les tribunes du match de la coupe du monde de rugby
France-Irlande en septembre 2007).
Cette communication peut également consister à associer l’événement à l’entreprise
en évoquant (en dehors de tout contrat) celui-ci sur le packaging de ses produits sans
que celle-ci ne participe à l’événement lui-même. Ces formes de « communication
pirate » sont souvent utilisées pour contrecarrer, à peu de frais, l’avantage d’image
obtenu par un concurrent devenu sponsor officiel, quitte à devoir payer une amende.

• Le mécénat consiste à financer une action d’intérêt social, dans un


domaine sans rapport avec son activité économique. Il se déroule sans
contrepartie directe de la part du bénéficiaire. Il est pratiqué par 47 %
des entreprises de plus de 250 salariés (Baromètre Admical-CSA, « Le
mécénat d’entreprise en France », mai 2016). Les domaines du mécé-
nat sont la culture, les causes humanitaires ou sociales, la santé et la
recherche médicale… Il s’agit en quelque sorte des « bonnes œuvres »
des entreprises. Le mécénat traditionnel consiste à financer une fonda-
tion1 ; il existe ainsi plus de 260 fondations d’entreprise aujourd’hui en
France (ex. : Vivendi, Cartier, PPR, etc.). Parallèlement, un mécénat de
compétences se développe. Le mécénat est encouragé par la législation
qui a doublé en 2003 les avantages fiscaux qui lui sont liés. En 2016,
14 % des entreprises françaises ont financé des actions principalement
sociales, culturelles, éducatives, sportives, de santé et de recherche, et
ces dépenses sont en progression. Ces actions ont représenté, en 2016,
3,5 Md€ et se situent à 81 % au niveau local ou régional (enquête
Admical/CSA, « baromètre du mécénat d’entreprise »).
Pour qu’une opération de mécénat soit réussie et contribue à développer
la notoriété « et le capital de sympathie et de confiance » de l’entreprise,
3 conditions doivent être réunies :
– le service rendu à la communauté doit être conforme à l’intérêt géné-
ral ;

1.  La fondation PSA a ainsi soutenu, depuis sa création, plus de 470 projets sociaux, édu-
catifs et culturels.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
94 Management et économie des entreprises

– il doit également être crédible par rapport à l’activité économique du


mécène ;
– il doit être déterminant, c’est-à-dire que sans lui, l’opération n’aurait
pas pu avoir lieu.
EXEMPLE
L’appel à projet de la fondation Eiffage « bien vivre ensemble sur tous les territoires »
de janvier 2018, qui s’adresse aux entités de l’économie sociale et solidaire.

• Le parrainage (ou sponsoring), se traduit par des contrats liés à des


activités précises (compétition sportive, exposition, concert…) et
impliquant pour l’entreprise certains droits à associer son nom ou ses
marques aux images ou reportages concernant ces activités. Il s’agit
davantage d’une opération de communication à visée commerciale
que de philanthropie. Le parrain impose une contrepartie à l’associa-
tion parrainée. Les entreprises ont augmenté régulièrement leurs
dépenses de sponsoring depuis 10 ans pour s’élever au niveau mon-
dial à 62,18 Md$ en 2017. C’est surtout le parrainage sportif qui est
pratiqué.
EXEMPLES
Coca-cola et Pepsi-cola s’affrontent sur le terrain du parrainage sportif. Coca cherche
à couvrir le maximum de manifestations sportives alors que Pepsi supporte quelques
équipes de champions, cherchant ainsi une sorte d’incarnation de la marque.

POUR EN SAVOIR PLUS


Admical, le portail du mécénat – http://admical.org/
Aubert (N.), Gruère (J.-P.), Jabes (J.), Laroche (H.), Michel (S.), Management ; aspects
humains et organisationnels, PUF, 1996.
Balmer (J.M.T.), «  Corporate identity, corporate branding and corporate marketing.
Seeing through the fog », European Journal of Marketing, 2001.
Baumert (H.), Les stratégies de croissance dans les entreprises, PUF, 1994.
Bazin (L.) et Selim (M.), Motifs économiques en anthropologie, Paris, L’Harmattan, 2001.
Boyer (L.) et Equilbey (N.), Le projet d’entreprise, Les Éditions d’Organisation, 1986.
Deal (T.E.) et Kennedy (A.A.), Corporate Culture : The Rites and Rituals of Corporate Life,
Addison-Wesley, 1982.
Deligny (J.-L.), L’administration du futur, culture et stratégie, Eyrolles, 1989.
Jacques (E.), The changing culture of factory, Routledge and Kegan, 1957 (Traduction
française : Intervention et changement dans l’entreprise, Dunod, 1972).
Le Bœuf (C.) et Mucchielli (A.), Le projet d’entreprise, PUF, 1994.
Ouchi (W.G.), Théorie Z. Faire face au défi japonais, InterÉditions, 1982.
Pascale (R.T.) et Athos (A.G.), Le Management est-il un art japonais ? Les Éditions d’Or-
ganisation, 1984.
Peters (T.J.) et Waterman (R.H.), Le Prix de l’excellence. Les secrets des meilleures entre-
prises, InterÉditions, 1983.
Piquet (S.) et Tobelem (J.-M.), La responsabilité sociale du mécénat d’entreprise, Revue
française du marketing, décembre 2005.
Reitter (R.) et autres, Cultures d’entreprise, Vuibert Gestion, 1992.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 5 – La culture et l’identité de l’entreprise 95

Sainsaulieu (R.), (sous la direction de), L’entreprise, une affaire de société, Presses de la
Fondation nationale des sciences politiques, 1990.
Thévenet (M.), Audit de la culture d’entreprise, Les Éditions d’Organisation, 1986.
Thévenet (M.), La culture d’entreprise, PUF, 2006.
Ouvrage collectif, Les organisations, État des savoirs, Éditions Sciences humaines, 1999.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
96
CHAPITRE 6
Management et économie des entreprises

Entreprendre et diriger

« Comme pour un chef d’orchestre ou un met-


teur en scène, il s’agit de faire travailler
ensemble un groupe de personnes, de coor-
donner leurs actions individuelles, à la pour-
suite d’un même résultat ».
M. Robelin, dirigeant de société

« Entreprendre n’est pas gérer ».


F. Dalle, ex-dirigeant de L’Oréal de 1957 à 1984

I. Qu’est-ce que l’esprit


entrepreneurial ?
Selon J. B. Say (1767-1832), l’entrepreneur n’est pas forcément un
apporteur de capitaux mais c’est un organisateur qui réunit et combine
les facteurs de production en prenant des risques dans un projet écono-
mique.
La notion d’entreprenariat et l’idée d’entreprendre ne se limitent donc
pas à la création d’entreprise mais peuvent au contraire s’appliquer à
toutes les situations où l’entreprise se montre « proactive », c’est-à-dire
s’emploie à modifier son environnement à son avantage.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 6 – Entreprendre et diriger 97

A. Présentation générale
On célèbre aujourd’hui le retour des entrepreneurs dans les grandes
entreprises. Créatifs et motivants, ils doivent préparer l’avenir de leur
entreprise. Pour cela, ils cherchent à la rendre apte aux évolutions indis-
pensables à son développement et au renouvellement de son offre.
L’entrepreneur existe depuis longtemps dans la théorie économique.
C’est un individu (entrepreneur individuel, actionnaire principal, asso-
cié d’EURL) ou bien, mais de façon plus abstraite, un groupe d’associés
qui délèguent leur pouvoir à une ou plusieurs personnes physiques
(gérant(s), PDG, ou directoire).
Il apparaît comme le responsable de l’organisation de la production et
de la stratégie retenue. À ce titre, et contrairement au manager qui peut
n’être qu’un simple mandataire des propriétaires, il assume le risque de
l’entreprise et exerce une autorité sur celle-ci.
Il joue donc un rôle déterminant pour la survie et le développement de
l’entreprise. Le profit réalisé par celle-ci est le critère principal de l’ef-
ficacité de l’entrepreneur. Une telle conception du dirigeant d’entre-
prise a semblé devoir disparaître avec l’apparition de la grande entre-
prise bureaucratique gérée par un manager et depuis qu’un « capitalisme
managérial » a succédé au « capitalisme patrimonial » longtemps domi-
nant. Mais la fin du xxe siècle et le début du xxie montrent au contraire
que les entrepreneurs ont toujours un rôle à jouer en créant de nouvelles
entreprises, souvent des PME mais aussi de grands groupes (F. Pinault,
V. Bolloré en France, B. Gates aux États-Unis, par exemple).
Les situations entrepreneuriales peuvent être présentées selon quatre
axes (T. Verstraete et A. Fayolle) :
– dans l’innovation comme l’affirmait J. Schumpeter dès les années 30 ;
– dans la mise en place d’organisations, lors de la création d’entreprise
et au cours de son développement ;
– dans l’exploitation de nouvelles opportunités, dans le cadre d’une
démarche stratégique ou marketing ;
– dans la création de « valeur nouvelle », pour les différentes parties
prenantes de l’entreprise concernée.

B. Les approches théoriques de la notion


d’entrepreneur
• Pour J. B. Say (1767-1832) au xixe siècle, l’entrepreneur est un être
exceptionnel dont la fonction consiste à gérer, organiser, créer des
richesses, en supportant le plus souvent personnellement le risque de
cessation de paiements (ce qui correspond à la situation juridique de
l’entrepreneur individuel).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
98 Management et économie des entreprises

• J. Schumpeter1 (1883-1950), considère l’entrepreneur comme un inno-


vateur, joueur et calculateur qui saisit les opportunités en pratiquant
de « nouvelles combinaisons de moyens de productions ».
• Selon L. von Mises (1881-1973), l’entrepreneur efficace est celui qui
anticipe le mieux la demande des consommateurs.
• J.K. Galbraith2 (1908-2006) interprète plus récemment l’entrepreneu-
riat comme une fonction qui est remplie par un ensemble de managers
qu’il désigne comme la « technostructure ». Il s’agit de l’ensemble des
cadres et techniciens qui participent à la prise de décision dans l’en-
treprise et dont les objectifs apparaissent comme différents de ceux
des propriétaires. De fait, la fonction de gestion n’est plus réservée à
une personne mais est au contraire assumée par un ensemble de res-
ponsables (les « managers ») voire par l’ensemble du personnel (cas de
décentralisation du pouvoir).
• P. Drucker3 (1909-2005) présente l’entrepreneur contemporain comme
un « révolutionnaire de l’économie » qui façonne le marché grâce aux
changements qu’il impulse afin de développer son entreprise, mais
aussi comme celui qui choisit une « logique d’entreprise » adaptée à
son environnement, qui fait coïncider les opportunités de l’environne-
ment avec les points forts et les savoir-faire de l’entreprise.
ANTOINE RIBOUD, FONDATEUR DU GROUPE DANONE :
UN BON EXEMPLE D’ENTREPRENEUR FRANÇAIS
Président de la petite entreprise verrière Souchon Neuvesel en 1965, il la fusionne en
1996 avec Boussois pour créer la société verrière BSN. Il lance ensuite la première OPE
française sur son concurrent et leader du marché Saint Gobin. L’OPE échoue et
A. Riboud décide de changer d’activité en s’orientant vers les contenus alimentaires et
en abandonnant les emballages verriers. Il s’engage alors dans une série d’acquisitions
dans la bière et l’eau minérale, l’alimentation infantile (Blédina). Il fusionne BSN avec
Gervais Danone pour devenir le premier producteur de produits laitiers en Europe. Il
s’engage dans de nouvelles acquisitions comme Amora, La Pie qui Chante, Liebig, et
Volvic. Il devient, ainsi le 3e groupe alimentaire européen. Puis, le groupe s’oriente vers
une croissance plus internationale vers l’Europe de l’Est et la Russie, puis vers l’Asie et
l’Amérique Latine. En 1994, Antoine Riboud simplifie le nom du groupe et BSN Gervais
Danone devient Danone, marque déjà connue dans 46 pays. En 1996, il cède la direction
du groupe à son fils Franck. Cet entrepreneur exemplaire a appuyé le développement
de son groupe sur la croissance externe, la diversification et l’internationalisation.

C. Les dirigeants doivent être à la fois


entrepreneurs et managers de leur entreprise
On oppose parfois la fonction de manager (alors limitée à l’optimisation
à court terme) à celle d’entrepreneur (prise de risque dans le long terme).

1. In Capitalisme, socialisme et démocratie, J. Schumpeter, 1942.


2.  Le nouvel état industriel, essai sur le système économique américain, Gallimard, 1967.
3.  Les entrepreneurs, Pluriel, 1985.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 6 – Entreprendre et diriger 99

Néanmoins, si le dirigeant d’une entreprise doit en assumer la responsa-


bilité managériale, c’est-à-dire celle de la gestion du présent et de la
recherche d’un équilibre des paiements, il doit aussi assumer la fonction
entrepreneuriale pour permettre à l’organisation de changer afin que
l’entreprise puisse innover et se développer (voir la conduite du change-
ment dans le chapitre 23). On peut d’ailleurs remarquer que cet entre-
preneur-manager qu’est le dirigeant, s’appuie souvent aujourd’hui sur
l’informatique en réseau qui lui fournit les moyens d’une maîtrise pré-
cise et instantanée de l’ensemble des ressources engagées dans l’entre-
prise, même lorsque celle-ci est très dispersée géographiquement.
L’ÉTUDE IFOP « PORTRAIT DU PATRON DE TPE FRANÇAISE »
À moyen terme (projection à horizon 5 ans), les dirigeants ont une vision majoritaire-
ment positive de l’avenir de leur entreprise  : 91  % croient en sa viabilité. Les diri-
geants de TPE sont particulièrement satisfaits de leurs relations avec leurs salariés : 96 %
d’entre eux se jugent proches ou très proches de leurs salariés et 99 % considèrent que
l’ambiance dans l’entreprise est très ou assez bonne. Ils éprouvent des difficultés à
concilier vie professionnelle/vie personnelle : 67 % des dirigeants de TPE trouvent cela
difficile et 4  % impossible avec une durée moyenne hebdomadaire de 59  heures. Le
stress touche 56 % des dirigeants de TPE, le manque de sommeil 49 % d’entre eux.
47 % des dirigeants de TPE gagnent moins de 2 900 €/mois et 16 % moins de 1 250 €.
Le désir de mieux gagner leur vie en dirigeant une entreprise n’a été la motivation que
de 20 % d’entre eux, loin derrière le désir d’indépendance (62 %), le challenge (34 %)
ou le désir de se réaliser au travers de leur activité (29  %). La plupart d’entre eux
déclarent que leur entreprise leur apporte une grande satisfaction personnelle (une
fierté pour 87 % d’entre eux et un sentiment d’accomplissement pour 80 %). Pour 58 %
de ces dirigeants, la priorité pour atteindre leurs objectifs dans leur activité est la satis-
faction de leur clientèle.
Source : IFOP, enquête réalisée en 2015 auprès de 900 patrons de TPE
de 0 à 9 salarié(s) pour l’Observatoire CNP Assurances/CGPME.

D. Qui sont les intrapreneurs ?


On constate aujourd’hui que les grandes entreprises et certaines PME
emploient des cadres polyvalents comme chefs de projet chargés de
mettre en œuvre une idée d’innovation depuis la recherche développe-
ment jusqu’à la commercialisation en passant par la production, mettant
ainsi en pratique un management par projet. Ces responsables de projet
doivent gérer seuls l’ensemble des aspects du projet : organisation, logis-
tique, GRH et financement. Lorsqu’un projet est couronné de succès, le
chef de projet devient progressivement manager d’une unité autonome,
consacrée à l’activité nouvelle. Il se comporte donc comme un entrepre-
neur au sein même de l’entreprise, d’où le terme d’intrapreneur (entre-
preneur interne) inventé dans les années 80.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
100 Management et économie des entreprises

II. Qu’est-ce que la logique


managériale ?
Le terme management est directement tiré de l’anglais. Il correspond à
l’idée de gestion et de pilotage. Le management d’une entreprise
recouvre donc les différents types de pilotage afin d’optimiser les res-
sources de l’entreprise.
Certains auteurs réservent ce terme pour désigner la gestion d’une
équipe de travail. Le manager est alors le pilote, le leader ou l’animateur
de l’équipe, selon le mode de gestion des relations de travail pratiqué
dans l’entreprise.

a. Le management et la fonction de direction


Lorsque le management s’exerce à un haut niveau de responsabilité, on
peut l’assimiler à la fonction de direction.
Celle-ci recouvre une responsabilité stratégique. Le manager est alors
celui qui fixe une stratégie (axes de développement) et doit ensuite
mobiliser les ressources et les énergies pour la mener à bien (leader-ani-
mateur).
Mais le management recouvre aussi une responsabilité de gestion, c’est-
à-dire pour tirer le meilleur parti des moyens dont l’entreprise dispose
(démarche tacticienne et gestion opérationnelle globales). On peut citer
O. Gelimir1 pour lequel « Diriger c’est obtenir un résultat par d’autres
que soi et c’est aussi être responsable de ce que d’autres ont fait ».

b. Le pilotage de l’entreprise
Manager (ou piloter) une entreprise ou l’un de ses sous-ensembles, c’est
à la fois :
– fixer les objectifs ;
– choisir et mettre en œuvre les moyens nécessaires pour les atteindre
(financement, équipement, personnel…) ;
– contrôler le fonctionnement et les résultats à l’aide notamment d’un
« tableau de bord de gestion » ;
– opérer des régulations, c’est-à-dire des corrections afin d’atteindre les
objectifs.
Ce terme introduit une comparaison commode avec la conduite d’un
véhicule, d’un avion ou d’un navire. Comme le navigateur, le pilote

1. Auteur de Fonctions et tâches de directions générale (1963), président d’honneur de la


CEGOS.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 6 – Entreprendre et diriger 101

(manager de l’entreprise) fixe un objectif (destination) à son entreprise


(navire), dont il va devoir réguler les différentes variables d’action
(vitesse, cap/production, investissement, choix des produits, etc.), pour
s’adapter aux contraintes de l’environnement (vent, mer/conjoncture,
concurrence, réglementation, etc.). Il doit disposer pour cela d’instru-
ments de contrôle et d’un système d’information (v. schéma p. 111).
Le management s’appuie sur l’ensemble des décisions qui sont prises
dans l’entreprise par tous les responsables et par les exécutants, dans
l’ensemble des services. Toutes ces décisions n’ont pas la même portée,
du fait de différences dans le champ de leur application comme dans
leur horizon temporel. Il est devenu classique de distinguer avec
I. Ansoff dans Stratégie du développement de l’entreprise (1965), trois
grands niveaux de décisions : stratégique, tactique et opérationnel.
– le pilotage stratégique (ou gestion stratégique) tourné vers le long
terme afin de doter l’entreprise d’un potentiel durable de perfor-
mances ;
– le pilotage tactique (ou gestion tactique) qui doit optimiser l’emploi
des ressources pour mettre en application la stratégie, dans le cadre de
l’année ;
– le pilotage d’exploitation (ou gestion courante) tourné vers l’emploi
quotidien efficace des personnes, équipements et outillages.
COMPARAISON ENTRE LES TROIS NIVEAUX DE DÉCISION

Niveau de décision

Caractéristiques Stratégique Tactique Opérationnel

Contenu de Définition des axes Mise en place des Exploitation


la décision de développement moyens Optimisation des moyens

Ensemble de Une ou plusieurs Une unité opératoire


Champ
l’entreprise fonctions (domaines (service, atelier, poste
d’application
de gestion) de travail)

Horizon Long terme Moyen et court terme Très court terme


temporel

Direction générale Direction Responsable


Niveau
d’une division de l’unité d’exécution
hiérarchique
ou d’un département

Degré Très grand Modéré Plus faible


d’incertitude
Possibilité Impossible Difficile Plus facile
de correction
de la décision
3
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
102 Management et économie des entreprises

Niveau de décision

Caractéristiques Stratégique Tactique Opérationnel

– Choix des produits – Programme – Organisation des


– Choix des marchés de production ordonnancements
– Organisation – Plan de – Gestion des stocks
Exemples générale de recrutement – Planning
l’entreprise – Choix de matériel des congés
productif – Tournée des
représentants

b. Les auteurs du management


• H. Fayol (1841-1925)
La notion classique d’administration chez H. Fayol (la fonction adminis-
trative) reste l’aspect essentiel de la notion contemporaine de manage-
ment.
« Administrer, c’est prévoir, organiser, commander et contrôler.
Prévoir, c’est-à-dire sentir l’avenir, dresser le programme d’action.
Organiser, c’est-à-dire constituer le double organisme matériel et social
de l’entreprise.
Commander, c’est-à-dire faire fonctionner le personnel.
Coordonner, c’est-à-dire relier, unir, harmoniser tous les actes et tous les
efforts.
Contrôler, c’est-à-dire veiller à ce que tout se passe conformément aux
règles établies et aux ordres donnés ».
(Source : H. Fayol, Administration industrielle générale, 1916).
• P. Drucker (1909-2005)
Cet auteur contemporain actualise la pensée de H. Fayol puisque le
management (fonction administrative de H. Fayol) est toujours selon lui,
« la fonction essentielle ». Mais il a une dimension humaine importante
puisque le manager doit fixer les objectifs, mais aussi analyser et organi-
ser les activités, motiver et communiquer, contrôler, former le personnel.
• E. Mayo (1880-1949)
Selon cet auteur, le management doit notamment permettre de concilier
l’organisation humaine et l’organisation technique.
• H. Mintzberg1
Le manager exerce une fonction qui intègre différents rôles complémen-
taires :
– un rôle interpersonnel ou relationnel (symbole, leader, agent de liai-
son) ;

1.  H. Mintzberg, Le management, Les éditions d’Organisation, 1998.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 6 – Entreprendre et diriger 103

– un rôle informationnel (centre du système d’information, collecteur


d’informations, diffuseur d’informations, porte-parole de l’entre-
prise)1 ;
– un rôle décisionnel (adaptation à l’environnement, initiation de pro-
jets, supervision de projets, régulation, répartition des ressources,
négociation).

III. Quelles sont les diverses finalités


des entreprises ?
A. Les finalités sont particulières
à chaque entreprise
Le philosophe latin Sénèque remarquait : « il n’est pas de vent favo-
rable pour celui qui ne sait pas où il va. » L’organisation d’une entre-
prise est finalisée et son fonctionnement ne se comprend que par rapport
au système d’objectifs qu’elle se donne. Ainsi chaque entreprise, du fait
notamment des finalités qu’elle a retenues, affirme son individualité. Le
choix des finalités revient à ses dirigeants et tient pour une part impor-
tante à leur personnalité et leurs aspirations. Ainsi, le système de valeurs
sous-jacent à l’entreprise joue-t-il un rôle important, de même que le
besoin d’équilibre financier. Ces finalités seront ensuite concrétisées en
objectifs. Ces finalités doivent également intégrer les attentes des parties
prenantes de l’entreprise et de la société en général, car celles-ci déter-
minent un environnement plus ou moins favorable aux activités de
l’entreprise.

a. Le système de valeurs
Les dirigeants sont porteurs d’un système de valeurs, c’est-à-dire d’un
ensemble de croyances et d’attitudes, de principes qui vont condition-
ner les finalités et les objectifs de l’entreprise.
De sorte que ces finalités peuvent être très différentes d’une entreprise à
l’autre.
On peut relever notamment :
– la volonté de puissance qui engendre une recherche de croissance et
situe l’entreprise dans une perspective de long terme ;

1.  Jack Welch, patron de General Electric de 1981 à 2001 déclarait consacrer 75 à 80 % de
son temps à « parler avec les gens en interne ».
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
104 Management et économie des entreprises

– la recherche de rentabilité immédiate de celui qui ne conçoit l’entre-


prise que comme un placement financier ou qui se trouve soumis à la
pression de ses actionnaires, notamment de fonds de pension anglo-
saxons qui exigent des dirigeants de maximiser le profit et les divi-
dendes de l’entreprise (corporate governance) ;
– la recherche de la pérennité de l’entreprise familiale que l’on veut
transmettre à ses héritiers (cela peut conduire souvent à éviter la prise
de risque) ;
– la recherche de l’indépendance financière, afin de préserver le pou-
voir des dirigeants, qui peut entraîner une réticence envers la crois-
sance externe (c’est-à-dire à des regroupements avec d’autres entre-
prises) ;
– la recherche d’un équilibre entre la rentabilité nécessaire à la survie
de l’entreprise et les conditions de travail et de rémunération des
travailleurs-coopérateurs dans le cas d’une société coopérative
ouvrière de production (SCOP) ;
– le souci du service des adhérents ou sociétaires dans le cas de coopé-
rative d’utilisateurs, d’association, de société mutualiste ;
– la qualité du service public dont l’État, a confié la mission à certaines
entreprises publiques1.

b. Le besoin de rentabilité financière s’impose


Cependant, dans la plupart des cas, ces finalités diverses imposent une
rentabilité2. Celle-ci apparaît donc comme un dénominateur commun
aux entreprises, même si le montant de bénéfice souhaité peut diverger
fortement de l’une à l’autre. Elle est la manifestation de l’équilibre éco-
nomique du système-entreprise. C’est pourquoi la théorie économique
résume-t-elle souvent, par commodité, la finalité de l’entreprise à la
recherche du profit maximum, ce qui est caricatural (v. aussi chapitre 1
p. 6, l’impératif de « création de valeur »).

B. Les objectifs de l’entreprise


Les objectifs de l’entreprise sont les résultats chiffrés qu’elle veut
atteindre. Ils sont la traduction opérationnelle des finalités. Chaque
objectif est un état souhaité d’un élément du système-entreprise. Il est
établi à l’aide d’une variable essentielle (critère). Par exemple, pour une

1.  Voir M. Pedamon et H. Kenfack, Droit commercial, coll. Précis, Dalloz  ; C. Champaud, Le
droit des affaires, coll. Que sais-je ? PUF.
2.  Elle est mesurée par le bénéfice et par un taux de rentabilité (bénéfice/chiffre d’affaires
ou bénéfice/capitaux propres).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 6 – Entreprendre et diriger 105

finalité d’adaptation du personnel aux nouvelles technologies, il est


possible de retenir comme variable essentielle le taux de qualification
technique à un niveau « bac + 2 » et comme objectif un taux de 75 % des
effectifs à ce niveau.
Les objectifs se répartissent entre les différents domaines de gestion de
l’entreprise (ou fonctions, ou sous-systèmes) : objectifs de production,
de vente, financiers, humains, de recherche, etc.
Les objectifs généraux se subdivisent en objectifs partiels, suivant la
ligne hiérarchique et la structure opératoire de l’entreprise. L’ensemble
des objectifs des différents départements, divisions et services est ainsi
cohérent. Il constitue le système d’objectifs de l’entreprise.

C. La responsabilité sociétiale de l’entreprise


(RSE) (v. aussi chapitre 24 « L’entreprise dans la société »)
Selon Ian Davis, directeur général du groupe Mc Kinsey & Company1, il
existe un contrat implicite entre l’entreprise et la société. Les grandes
entreprises doivent, selon lui, accorder dans leur démarche stratégique
une place importante aux questions de société et à la satisfaction de
leurs parties-prenantes.
Les valeurs et les attentes de la société se traduisent par des pressions
sociales sur les entreprises que celles-ci ne peuvent pas ignorer (attentes
en matière de santé ou de respect de l’écologie par exemple) et qui
exercent, à long terme, un effet déterminant sur leur performance éco-
nomique. S’en tenir à un objectif exclusif de création de valeur action-
nariale (et à l’axiome simpliste de Milton Friedman : « business of
business is business ») finit par empêcher l’entreprise de maximiser
celle-ci dans le temps.
Par ailleurs, le principe d’une responsabilité sociale (ou sociétale) de
l’entreprise pourrait apparaître, selon Ian Davis, trop défensif et trop
étranger à l’entreprise. Celui-ci propose donc une nouvelle approche
selon laquelle l’entreprise aurait des droits et des devoirs envers la
société dans le cadre d’un contrat implicite. Les dirigeants devraient
s’attacher à la reformulation du but ultime de l’entreprise comme la
fourniture dans des conditions satisfaisantes de biens et services dont la
société a besoin, plutôt que comme la création d’un maximum de profit.
Les dirigeants des grandes firmes devraient également peser sur le débat
social en s’exprimant sur les problèmes susceptibles de modifier l’envi-

1.  D’après un article de Ian Davis in The Economist, intitulé « The Biggest Contract » du
28 mai-3 juin 2005.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
106 Management et économie des entreprises

ronnement de leur entreprise et se prononcer sur les éléments d’un


contrat tacite entre leur entreprise et la société.

IV. Comment sont prises


les décisions dans l’entreprise ?
A. Le processus de décision
a. Le modèle néo-classique
La conception néo-classique du processus de décision rationnelle a été
décrite par H.A. Simon1 dans son célèbre modèle IMC (intelligency,
modelisation, choice), selon trois étapes :
– une étape de compréhension et d’identification du problème (intelli-
gency) qui aboutit à un diagnostic ;
– une étape d’analyse exhaustive des solutions praticables (modelisa-
tion) qui suppose une parfaite connaissance de celles-ci et de leurs
conséquences ;
– une étape finale du choix de la solution retenue, en fonction des
moyens disponibles et des objectifs fixés (choice).
Le choix devrait ainsi correspondre à un optimum, ce qui est loin d’être
le cas général dans le quotidien des entreprises !

b. La théorie de la rationalité limitée


Le choix devrait théoriquement correspondre à un optimum, mais
H.A. Simon a montré que la plupart des gestionnaires se contentent de
choix qu’ils jugent satisfaisants à partir de critères minima, n’ayant pas
les moyens de prétendre à une décision parfaite.
Les décideurs se heurtent en effet :
– à l’information imparfaite et à l’incertitude qui pèse sur les consé-
quences des décisions ;
– à leurs propres limites en ce qui concerne la capacité de calcul néces-
saire à une comparaison exhaustive des différents choix possibles ;
– aux interdépendances existant entre les entreprises en situation de
concurrence oligopolistique. Celles-ci rendent difficiles à cerner les
conséquences des choix de l’entreprise, dans la mesure où ceux-ci
modifieront à leur tour les choix des concurrents et donc les données
du problème !

1.  Prix Nobel d’économie en 1978.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 6 – Entreprendre et diriger 107

La théorie se rapproche ainsi de la réalité de la prise de décision, sou-


vent exercée dans l’urgence des situations.

c. Le contexte social de la prise de décision


Le processus de décision s’insère dans le contexte social de l’entreprise,
c’est-à-dire dans une organisation composée d’unités ayant chacune
leurs propres règles et objectifs et considérant les objectifs de l’entre-
prise comme des contraintes (Cyert et March). Plus encore, l’entreprise
apparaît comme composée d’acteurs ayant chacun leurs propres finalités
et utilisant pour les servir les ressources dont ils disposent (informa-
tions, compétences, etc.). Les décisions prises deviennent le résultat
d’un jeu de pouvoir, c’est-à-dire d’un compromis (M. Crozier).

B. Les types de décision


Avec H.A. Simon, on distingue selon la démarche décisionnelle :

a. Les décisions programmées


Ce sont celles pour lesquelles il est possible de définir une procédure
type, conduisant à la décision. Cette procédure correspond au pro-
gramme selon lequel le problème est traité et ce programme peut, s’il est
informatisé, aboutir à un traitement automatique de la décision.
EXEMPLES
Détermination de réduction accordée à la clientèle, détermination des congés des
membres du personnel…

b. Les décisions non programmées


Elles ne peuvent pas faire l’objet d’une procédure définie à l’avance et
chaque décision de ce type apparaît comme unique en son genre ou
insuffisamment répétitive pour qu’un effort de standardisation soit
entrepris. Cependant, il faut encore distinguer parmi ces décisions non
programmables :
– les décisions structurées pour lesquelles le décideur peut faire appel
à un certain nombre de structures de raisonnement et de méthodes de
résolution ;
– les décisions non structurées dans lesquelles le nombre de critères à
prendre en compte est trop important et la façon d’aborder le problème
trop incertaine, pour qu’une quelconque modélisation soit possible.
Dans ce cas, le décideur doit surtout s’appuyer sur son expérience, son
intuition, sa créativité.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
108 Management et économie des entreprises

Les décisions non programmées peuvent être facilitées par :


– l’élaboration d’informations adéquates par le système d’information
dont on dispose ;
– le recours aux outils utilisables dans le cas des décisions structurées
qui pourront éclairer partiellement le problème à traiter ;
– le recours à des systèmes experts, c’est-à-dire de logiciels informa-
tiques « simulateurs d’intelligence », intégrant les démarches des meil-
leurs spécialistes d’un domaine de compétence ou de connaissance.
EXEMPLE
Le système ERASME (Entretien routier assisté par système multi-expert).

c. Les décisions selon le degré d’incertitude


• Les décisions en avenir certain
Le décideur connaît sans ambiguïté les actions envisageables et le résul-
tat de chacune d’elles. Il peut s’appuyer sur un certain nombre d’outils,
de techniques d’aide à la décision : graphes (réseau PERT, méthode des
potentiels), programmation linéaire, modèle de choix des investisse-
ments, etc.
• Les décisions en avenir incertain
Le résultat de la décision dépend de la réalisation de certains événe-
ments et il y a autant de résultats possibles que d’événements réali-
sables, mais on ne peut pas évaluer les chances d’apparition de chaque
événement. Le choix dépend du degré d’optimisme du décideur. On
peut avoir recours à différentes méthodes de comparaison (cas des
méthodes MAXIMIN, MAXIMAX et MINIMAX).

EXEMPLE D’UTILISATION DE LA MÉTHODE DU MAXIMIN

États possibles
demande demande demande
du futur
= 5 000 U = 10 000 U = 14 000 U
Choix possibles

Achat d’une machine « A » + 40 + 100 + 100


Achat d’une machine « B » – 300 + 50 + 300

1. Construction du tableau des résultats évalués pour les choix possibles, dans les différents
cas d’évolution de l’environnement envisageables (en milliers d’euros).
2. Relevé des résultats minimums de chaque choix (pessimisme). Ici : + 40 pour « A » et – 300
pour « B ». Relevé des résultats maximums de chaque choix (optimisme). Ici : + 100 pour « A »
et + 300 pour « B ».
3. Sélection du meilleur de ces minimums : Par le MAXIMIN (par prudence on retient ainsi la
décision qui, dans le pire des cas, donne le moins mauvais résultat), ici + 40, c’est-à-dire
l’achat d’une machine « A ». Par le MAXIMAX (par optimisme on recherche l’éventualité
de gain maximum), ici + 300, c’est-à-dire l’achat de « B ».
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 6 – Entreprendre et diriger 109

• Les décisions en avenir aléatoire


Ce sont des décisions en avenir incertain, dont les différents événements
réalisables peuvent être affectés d’une probabilité de réalisation. Dans ce
cas, une solution consiste à retenir la décision pour laquelle l’espérance
mathématique de gain est la plus grande.
EXEMPLE
Si les probabilités de réalisation des états possibles du futur étaient : 0,25, 0,25 et
0,50. L’espérance mathématique de gain du choix de « A » est E{A} = 85 contre
E{B}= 87,5 pour le choix de B. On retiendrait donc B avec de telles probabilités.

C. Les outils d’aide à la décision


a. Les traitements statistiques
– Les méthodes des statistiques descriptives facilitent et précisent l’in-
formation (tableaux, graphiques, valeurs caractéristiques).
– Les méthodes d’échantillonnage et d’estimation permettent d’induire
de l’étude d’échantillons statistiques, des informations relatives à une
population totale étudiée.
– Les méthodes probabilistes permettent de mesurer les chances de réa-
lisation d’événements aléatoires.
– Les méthodes des statistiques explicatives (régression, prévision de
courte période) apportent un éclairage sur l’avenir, par extrapolation
des évolutions observées.

b. Les modèles de calcul économique


– L’analyse marginaliste permet la détermination d’un optimum écono-
mique avec ou sans contrainte pesant sur la fonction à optimiser.
– La programmation linéaire permet l’optimisation d’une fonction
linéaire sous contraintes linéaires limites.
– Les méthodes de calcul de rentabilité d’un investissement et les
modèles de choix d’investissement, éclairent la décision d’investir.
– Les modèles de la théorie des jeux apportent une aide à la décision qui
devrait s’appliquer à un cadre conflictuel, lorsque l’environnement est
incertain, les résultats d’un joueur dépendent des décisions des autres.
Le jeu à somme nulle est la situation dans laquelle ce qui est gagné par
un joueur est perdu par les autres1.
– Les techniques d’ordonnancement permettent de déterminer l’ordre
dans lequel les différentes étapes d’un projet doivent être réalisées

1.  Théorie des jeux et du comportement économique, John von Neumann et Oskar Morgens-
tern, 1944.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
110 Management et économie des entreprises

pour parvenir à l’exécution globale du projet la plus rapide ou la


moins coûteuse (réseau PERT et méthode des potentiels).
– L’analyse multicritère permet la prise en considération simultanée de
plusieurs critères de choix qui sont chacun affectés d’une pondération.

c. Les logiciels d’aide à la décision (business


intelligence ou executive information system – EIS)
L’« informatique décisionnelle » permet de traiter un très grand nombre
de données stockées dans des bases de données afin d’en construire une
synthèse sous forme de tableaux de bord de gestion.
Elle passe d’abord par le recours à des outils spécifiques (ETL1) permet-
tant la constitution d’un entrepôt de données (data warehouse) auquel
on appliquera divers outils logiciels d’analyse. Ces logiciels facilitent
une interprétation des données et le recours à des tests permet de déce-
ler certaines informations cruciales dès qu’elles deviennent disponibles
ou qu’elles ont changé (data mining).
L’informatique décisionnelle repose de façon générale sur des logiciels
d’analyse, d’interprétation et et de simulation.

Analyse des
Fichiers données (business
clients intelligence, analyse
prédicitve, etc.)
ex. : SAP
Facturation
Outils d’ETL
(extraction, Data mining
Progiciels
transformation Data (extraction
de gestion
et chargement Warehouse d’informations
intégrée
– load) (ex. : Oracle, significatives)
(PGI ou ERP)
Teradata) ex. : Rapid Miner

Tous autres Reporting (rapports


fichiers et bilans d’activité
par fonction)
Exploitation
Données Traitement
des informations

1.  Extraction, transformation and load.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 6 – Entreprendre et diriger 111

V. Comment contrôler l’entreprise ?


A. Le contrôle des performances
et la régulation (aspects techniques)
a. Les domaines du contrôle
• Contrôle global
Contrôler une entreprise signifie que l’on maîtrise son fonctionnement
global et que celui-ci permet d’atteindre ses objectifs (efficacité) au meil-
leur coût (efficience). Le contrôle s’exerce à la fois sur les résultats de
l’activité et sur l’activité elle-même (le fonctionnement de l’organisa-
tion). Il convient de s’interroger également sur le bien-fondé des
consignes et procédures suivies.
• Contrôle par domaine de gestion et par niveau
Le contrôle n’est pas seulement global mais s’effectue dans les différents
domaines de gestion de l’entreprise et aussi au niveau de chaque unité
opérationnelle et de chaque poste. De plus, de la même façon que l’on a
pu définir trois niveaux de management, on peut distinguer les trois
niveaux de contrôle correspondants. Le contrôle n’a de sens que par la
régulation qu’il permet.

b. Les différents modes de régulation


LE SCHÉMA DU PILOTAGE

Évolution de
Finalités
l’environnement

Prévision
d’évolution

anticipation rétroaction

alerte Contrôle du Contrôle


Régulation
fonctionnement des résultats

Mise en œuvre
Objectifs Résultats
des moyens
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
112 Management et économie des entreprises

• La régulation par rétroaction


Appelée aussi régulation par erreur, elle consiste justement à entre-
prendre des actions correctives à partir des écarts constatés entre résul-
tats et objectifs. Ces écarts constituent des informations-clés pour le
système où elles vont être prises en compte comme flux entrant (ou
entrée, ou input).
Une boucle de rétroaction est ainsi formée (feed-back), voir le schéma
ci-dessus.
• La régulation par anticipation
Elle consiste à modifier le fonctionnement du système à partir de prévi-
sions d’évolution de l’environnement. Cette anticipation permet au sys-
tème d’éviter de mauvais résultats découlant d’une inadaptation à l’en-
vironnement. Une telle régulation est particulièrement utile pour
permettre au système-entreprise d’éviter de subir des délais d’adapta-
tion, souvent inévitables lorsque l’on attend les mauvais résultats pour
réagir.
• La régulation par alerte
Elle consiste à corriger le processus à partir d’informations sur le sys-
tème lui-même en utilisant certaines variables d’état. Elle permet de
réagir plus rapidement à une perturbation venant de l’environnement
que lors d’une régulation par l’erreur, dans le cas où l’anticipation
s’avère difficile (forte incertitude). Elle permet aussi de réduire les per-
turbations en provenance du système lui-même.
EXEMPLES
Dysfonctionnement d’un service, panne d’une machine, rupture de stock.

Ces différents modes se complètent pour donner de la réactivité à l’en-


treprise.

c. Les différentes formes de contrôle


• Le contrôle organisationnel
Il comprend tous les éléments permettant d’orienter les conduites vers
les objectifs de l’entreprise. (Définition des postes et procédures de tra-
vail, direction par objectifs, gestion des rémunérations…).
• Le contrôle interne
Il a plusieurs objets :
– Contrôler la valeur du patrimoine contre les risques d’erreur ou de
fraude (recherche et correction des dysfonctionnements du système
d’information et protection matérielle des actifs de l’entreprise :
stocks, caisse, fichiers, etc.).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 6 – Entreprendre et diriger 113

– Contrôler les performances (résultats) et contrôler la mise en œuvre


des consignes et instructions (fonctionnement). Pour atteindre un tel
objectif, il faut exercer un contrôle des transactions, c’est-à-dire s’assu-
rer que toutes les transactions sont enregistrées de façon exacte et
qu’elles sont autorisées.
Le contrôle interne repose sur le contrôle de gestion et sur l’audit.
• Le contrôle de gestion
Il doit produire des informations de contrôle, à savoir :
– un chiffrage des objectifs (à partir de prévisions) ;
– une comparaison résultats/objectifs (conformité) ;
– une évaluation de la mise en œuvre des moyens (efficience, producti-
vité).
Il utilise différents outils.
– les plans d’activité ;
– la comptabilité analytique permet un contrôle des coûts ;
– la gestion budgétaire permet de comparer les prévisions de budget des
différentes unités aux budgets réels ;
– les tableaux de bord (batteries d’indicateurs) permettent de suivre le
fonctionnement technique, commercial, social et financier de l’entre-
prise.
• L’audit (interne ou externe) ou expertise
Il vérifie que les procédures existent et qu’elles sont appliquées. Il
contrôle l’efficacité du contrôle interne…

B. La gouvernance devrait permettre d’arbitrer


entre les attentes des parties prenantes
de l’entreprise (v. aussi chapitre 1 p. 6 à 8)
La « bonne gouvernance » est souvent présentée comme celle qui per-
met de répondre aux attentes des différentes parties-prenantes (stakehol-
ders), primaires et même secondaires définies par R.E. Freeman. Si des
arbitrages sont souvent nécessaires, ils sont facilités par une création de
valeur ajoutée suffisante pour donner à l’entreprise une marge de
manœuvre. La compétitivité et la rentabilité sont donc toujours indis-
pensables.
La priorité souvent accordée aux intérêts des actionnaires est de plus en
plus contestée.
Selon certains il faudrait désormais instaurer un « bicamérisme écono-
mique » afin que la « rationalité instrumentale » de l’entreprise soit
aussi au service des salariés ce qui passerait par une direction bicéphale
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
114 Management et économie des entreprises

dans laquelle les salariés (« investisseurs en travail ») siégeraient à côté


des apporteurs de capitaux.
Cette conception de la direction est à rapprocher de celle de Mary Par-
ker Follet selon laquelle « Le pouvoir authentique n’est pas un contrôle
coercitif, mais un pouvoir partagé ». (M.-P. Follet, in Creative expe-
rience). L’organisation devrait ainsi faire en sorte que s’exerce une
influence interactive entre ses membres, considérés comme des co-ma-
nagers.
On peut également évoquer le système de cogestion pratiqué par les
entreprises allemandes qui favorise une sorte de négociation perma-
nente entre les « partenaires sociaux » que sont les représentants des
propriétaires et les représentants des salariés.
SCHÉMA DE LA RECHERCHE DE PERFORMANCE

Performance Performance financière


productive mesurée par le résultat
et économique d’exploitation net d’impôt
mesurée par la moins le coût des capitaux
productivité : engagés dans l’entreprise

}
Valeur ajoutée Rentabilité
Coût des facteurs financière

Performance sociale
mesurée par les

}
Croissance
indicateurs du bilan social durable de
et les coûts de l’entreprise
dysfonctionnement évités
Rentabilité
sociétale
Performance
environnementale
mesurée
par les coûts évités
et l’atout de différenciation

C. Le contrôle de la gestion
des dirigeants dans l’intérêt des propriétaires
(corporate governance) s’est développé
dans les entreprises cotées
La direction générale de l’entreprise doit elle aussi être contrôlée. C’est
en principe la tâche des associés, notamment lors de l’assemblée géné-
rale ordinaire annuelle. Cependant quelques actionnaires principaux
peuvent exercer une influence déterminante, comme c’est le cas pour les
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 6 – Entreprendre et diriger 115

« fonds de pension » nord-américains. Par ailleurs, certains managers


ont pu faire des choix peu conformes aux intérêts des actionnaires, en
s’appuyant sur la complexité des opérations de gestion et un contrôle
des informations transmises. La question de la gouvernance de l’entre-
prise est donc posée (corporate governance).
EXEMPLE
Les affaires Enron aux États-Unis en 2002, Parmalat en Italie en 2004.

a. Le contrôle interne des associés


Les associés détiennent des parts sociales qui leur donnent droit à une
part du bénéfice mais aussi à exercer un certain contrôle sur la gestion.

1. Le rôle des assemblées générales d’actionnaires


L’assemblée générale ordinaire des associés (AGO) doit approuver ou
non par un vote le rapport et les comptes qui lui sont présentés. Elle
nomme et révoque les dirigeants de l’entreprise (gérants ou administra-
teurs). Elle décide de l’affectation du bénéfice de l’année. Une assemblée
extraordinaire (AGE) doit être convoquée pour décider de toute modifi-
cation des statuts qui serait envisagée par les dirigeants : augmentation
ou réduction du capital social, fusion ou scission de la société, change-
ment de forme sociale, etc.
EXEMPLE
Les décisions prises en AGO requièrent une majorité simple (la moitié plus une voix
des voix présentes et représentées). Le quorum est atteint lorsque le quart des actions
est présent ou représenté, sur première convocation. Aucun quorum n’est imposé
lors de la seconde.

2. Le rôle du conseil d’administration ou de surveillance


des sociétés anonymes
– Le conseil d’administration désigne, contrôle et peut révoquer son
PDG, et ses directeurs généraux qui représentent et engagent la société
vis-à-vis des tiers.
– Le conseil de surveillance contrôle le directoire des rares sociétés
ayant opté pour ce mode de gestion et peut proposer sa révocation à
l’assemblée des actionnaires.
On constate une évolution importante des conseils d’administration en
France depuis une vingtaine d’années, liée à l’évolution du droit (Lois
NRE de 2001 et sur la sécurité financière de 2003). Un « code des bonnes
pratiques » a été formalisé à travers les rapports Vienot-Bouton en 1997
et 2002 (voir plus loin). On a vu ainsi les conseils des grandes entre-
prises du CAC 40 se doter d’un comité d’audit, d’un comité de rémuné-
ration et d’un comité des nominations. De plus, la proportion d’« admi-
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
116 Management et économie des entreprises

nistrateurs indépendants » (c’est-à-dire qui ne sont pas liés au président


du conseil d’administration) a fortement augmenté.
Aux États-Unis, à la suite de plusieurs scandales retentissants (Enron et
Worldcom), l’évolution des règles d’administration des entreprises a été
imposée par la loi (Loi Sarbanes-Oxley de 2002).

3. Le contrôle des associés minoritaires


Dans beaucoup d’entreprises, ces associés peuvent jouer un rôle impor-
tant (à noter en France, l’activisme de l’Association de défense des
actionnaires minoritaires ADAM).
Lorsqu’ils détiennent 1/3 des voix, les associés peuvent s’opposer à toute
décision de l’assemblée générale extraordinaire. Ils disposent donc d’une
minorité de blocage qui peut empêcher toute évolution stratégique.
Des associés représentant 1/10e du capital social peuvent demander la
désignation d’un expert chargé de présenter un rapport sur une opéra-
tion de gestion qu’ils estiment contestable.
Dans certaines grandes sociétés, on a pu observer qu’avec un pourcen-
tage minime des actions et des droits de vote qui y sont attachés, certains
actionnaires très minoritaires (à partir de 10 % du capital social environ)
pouvaient prendre le pouvoir de gérer l’entreprise, lorsque le reste de
l’actionnariat de celle-ci est très dispersé.

b. Le contrôle externe par les commissaires


aux comptes
La loi française impose de désigner des commissaires aux comptes aux
entreprises les plus importantes. Ces commissaires aux comptes doivent
essentiellement contrôler la régularité et la sincérité des comptes de
l’entreprise et certifier que ceux-ci traduisent fidèlement la situation
financière de l’entreprise. Les entreprises concernées sont : toutes les
SA ; les autres sociétés à partir de certains seuils de dimension : bilan
d’au moins 1,55 million e ; chiffre d’affaires HT d’au moins 3,1 mil-
lions e, effectif salarié d’au moins 50 personnes. L’obligation naît à partir
du dépassement de deux des trois seuils.

c. Un code mondial de « gouvernement transparent »


Les actionnaires des grandes entreprises, représentés notamment par les
fonds de pension internationaux, ont progressivement imposé des règles
de transparence et de sécurité à leur avantage. Ces règles de gouvernance
d’entreprise (corporate governance) ont été formalisées par le rapport
Cadburry en 1992. Elles ont en fait pour rôle de permettre aux action-
naires de contrôler la création par l’entreprise d’une « valeur actionna-
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 6 – Entreprendre et diriger 117

riale » suffisante. (V. aussi « L’impératif de création de valeur » dans le


chapitre 1 « Qu’est-ce que l’entreprise ? ».)

1. Les recommandations de différents rapports : Cadburry en


Angleterre (code of best practice), et Viennot 1 et 2 en France
Elles visent à imposer un réel contrôle des actionnaires sur la gestion.
Le rapport Cadburry prescrit :
– une division des responsabilités à la tête de la société, afin qu’une
seule personne n’exerce pas tous les pouvoirs ;
– le conseil de direction de la société doit comprendre des dirigeants
opérationnels et d’autres extérieurs à la société. Il doit se réunir régu-
lièrement et exercer un contrôle effectif.
– les dirigeants extérieurs à la société doivent formuler un jugement
indépendant sur la gestion de la société. Ils doivent travailler pour cela
en comités spécialisés ;
– les dirigeants opérationnels doivent être nommés par les actionnaires
et leur contrat ne peut excéder 3 ans. Le détail de leur rémunération
doit être publié ;
– des auditeurs indépendants doivent exercer un contrôle de la gestion
de l’entreprise. Ils sont sélectionnés par le comité d’audit et non par
les dirigeants opérationnels.
Ces prescriptions sont à rapprocher de la théorie de l’agence (A. Alchian,
H. Demsetz, M.C. Jensen, W.H. Meckling) dans laquelle la préoccupation
centrale du « principal » (actionnaires) est de s’assurer que son « agent »
(dirigeant) agit bien dans le sens de ses intérêts de « principal ».
Les pratiques des grandes entreprises françaises dans la perspective de ce rapport
– La structure de gestion par directoire et conseil de surveillance reste très peu pratiquée.
– La législation concernant l’organisation des sociétés (Loi NRE du 15 mai 2001) ouvre la
possibilité aux sociétés anonymes de désigner un président du conseil d’administration et un
directeur général (dirigeant opérationnel) placé sous son contrôle. Mais il reste possible d’élire
un président-directeur général (PDG) cumulant les deux fonctions, ce qui éloigne alors le
fonctionnement de l’entreprise du « code de bonne conduite » défini par le rapport Cadbury.
– De plus, le PDG français est en droit le simple mandataire du conseil alors qu’en fait il
dispose généralement d’une large autonomie, puisque le conseil ne se réunit que de façon
épisodique et n’exerce que peu d’influence sur la définition de la stratégie et sur le
contrôle des dirigeants opérationnels.
– Les grandes entreprises françaises ont dû évoluer pour obtenir les financements des
fonds de pension internationaux (voir aussi « L’impératif de création de valeur » dans le
chapitre 1). Elles alignent leur pratique de l’information financière sur les standards
internationaux, en termes d’indicateurs, de fréquence et de sérieux.
Selon un règlement communautaire de juillet 2002, les sociétés cotées en bourse ont dû
depuis juillet 2005, établir leur bilan annuel selon les standards comptables internationaux
IFRS* (anciens IAS) publiés par l’IASC (international auditing standards committee).
3
*  Les normes IFRS 9 et IFRS 15 sont désormais applicables au sein de l’Union européenne.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
118 Management et économie des entreprises

Code MEDEF-AEP de gouvernance des sociétés cotées


Il s’agit d’« un ensemble de recommandations qui permet à ces sociétés d’améliorer
leur fonctionnement et leur gestion dans une grande transparence et de répondre
ainsi aux attentes des investisseurs et du public ». Ces recommandations traduisent de
manière opérationnelle les principes posés par les rapports Viennot.

2. Les entreprises qui refusent « la pression


des marchés financiers »
Certaines grandes entreprises refusent d’être cotées (Ikéa, Lactalis, Virgin,
Banque Rothschild par exemple) afin de conserver leur liberté de ges-
tion, notamment sur un plan stratégique et organisationnel.
De nombreuses entreprises moyennes, après avoir tenté l’expérience de
la cotation en bourse, s’en retirent aujourd’hui. En effet, si le fait d’être
cotée apporte à une pme une notoriété enviable et des ressources finan-
cières, il se trouve que les titres de ces sociétés sont souvent sous-éva-
lués et que les informations financières diffusées informent, de façon
précise, les concurrents, sur la stratégie suivie. Sans compter la pesante
obligation de communiquer en permanence sur ce que fait la société.
Ainsi des entreprises comme Brioche Pasquier, Legris Industries ou
encore AES Laboratoire ont-elles décidé de quitter la bourse.
Néanmoins, les besoins financiers peuvent finir par devenir trop impor-
tants pour permettre de préserver une telle indépendance à l’égard des
marchés financiers.

VI. Comment s’exerce le pouvoir


dans l’entreprise ?
A. Qu’est-ce que le pouvoir et sur quoi
repose-t-il ?
a. La notion de pouvoir
– Selon Max Weber1, le pouvoir d’un individu est sa capacité à
contraindre d’autres individus à lui obéir alors que l’autorité est la
capacité à faire obéir volontairement les individus du fait de la recon-
naissance d’une légitimité morale.

1.  Sociologue allemand (1864-1920), v. Économie et société, 1922.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 6 – Entreprendre et diriger 119

– Pour M. Crozier1, le pouvoir est une relation d’échange. Une négocia-


tion implicite s’établit en permanence entre le supérieur hiérarchique
et son subordonné. Ce dernier exerce d’ailleurs un contre-pouvoir,
plus ou moins important, lié au rôle qu’il joue dans le service ou la
division et aux informations auxquelles il a accès.
Le subordonné accepte de jouer son rôle et de rester « à sa place », tant
qu’il juge que les gratifications qu’il reçoit sont suffisantes. En effet selon
M. Crozier, chaque salarié suit dans l’entreprise sa propre stratégie.
– Selon Mary Parker Follet2 le pouvoir ne peut être qu’un « pouvoir
avec ». « Le pouvoir authentique n’est pas un contrôle coercitif, mais
un pouvoir partagé » (in « Creative experience »).
– Pour H. Mintzberg, le pouvoir repose dans l’entreprise, sur quatre élé-
ments : des acteurs (dirigeants, actionnaires, salariés, syndicats,
clients, banques…) qui sont poussés par des intérêts différents et qui
utilisent des sources de pouvoir (ressources, savoir-faire, informations,
droit de propriété…) pour mettre en œuvre des moyens d’influence
(réglementer, manifester, négocier, ester en justice…) afin de modifier
les résultats de l’entreprise en leur faveur.

b. Les fondements du pouvoir


1. La légitimité, source de pouvoir
• Les fondements juridiques : le droit de propriété s’exerçant sur l’entre-
prise est précisé par le droit des sociétés et le droit du travail.
– Le pouvoir de décision et de commandement dans l’entreprise revient
selon le droit, à ceux qui sont propriétaires de celle-ci (entrepreneur
individuel ou « associé unique » d’une EURL) ou qui ont été désignés
par les propriétaires pour gérer l’entreprise en leur nom (gérant,
conseil d’administration et PDG).
– Le droit du travail reconnaît à l’employeur ou son représentant un
pouvoir de direction sur le personnel qui est lié à l’entreprise par un
contrat de travail. Ce contrat de travail établit un lien de subordination
juridique du salarié vis-à-vis de son employeur.
• Le charisme repose sur les qualités personnelles particulières et
éminentes du dirigeant : capacité à influencer, convaincre, motiver,
guider… (leadership).
EXEMPLES
Henri Ford ou André Citroën et, plus récemment Carlos Ghosn, Bill Gates.

• L’expertise consiste en des qualités professionnelles reconnues (com-


pétences techniques, expérience, connaissances…).

1. Sociologue français des organisations (1922-2013), CNRS.


2.  Initiatrice de l’étude du management des organisations à partir de 1924.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
120 Management et économie des entreprises

• Le partage du pouvoir (« pouvoir avec » de M. P Follet) existe lorsque


l’organisation permet la pratique d’une influence interactive entre ses
membres, véritables co-managers.

2. L’opportunité, source de pouvoir


Certains pouvoirs « de fait » s’expliquent par des opportunités qui ont
été saisies pour contrôler certaines sources de pouvoir dans l’entreprise.
EXEMPLES
Position privilégiée dans le circuit d’information, exclusivité de la maintenance de
certaines machines, relations extra-professionnelles avec un dirigeant, etc.

c. Les moyens d’exercice du pouvoir


1. Les moyens formels
French et Raven ont distingué :
– le contrôle des ressources productives et financières de l’organisation ;
– l’autorité formelle reposant sur la position hiérarchique ;
– la coercition s’appuyant sur la menace de sanctions ;
– la récompense, monétaire ou symbolique ;
– l’information.

2. Les moyens informels


– L’exercice d’un pouvoir de référence par ceux qui jouissent d’un pres-
tige particulier vis-à-vis de leurs collègues.
– La maîtrise d’une « zone d’incertitude » (au sens de M. Crozier), c’est-
à-dire d’une faille dans le règlement ou l’organisation de l’entreprise.
– L’exercice d’une « fonction critique » (H. Mintzberg) ou stratégique,
c’est-à-dire dont dépend le fonctionnement de l’entreprise tout entière.

3. Le management toxique
L’exercice du pouvoir peut s’exercer de façon viciée à l’intérieur de
l’entreprise. Le harcèlement sexuel ou le harcèlement moral en sont des
symptômes bien connus. Mais indépendamment de ces pratiques péna-
lement sanctionnées, le management pratiqué peut parfois de façon plus
insidieuse mettre en péril la santé des salariés ou de certains d’entre eux.
L’expression « management toxique » ou « déviant » est utilisée depuis
quelques années en France pour désigner ces situations. Elle est née
lorsque quelques grandes entreprises se sont vues mises à l’index du fait
de suicides de salariés liés au management qu’elles pratiquaient de
façon délibérée à l’égard de leur personnel.
EXEMPLE
Une trentaine de suicides de salariés au cours des années 2006-2008 ont en particu-
lier entaché l’image de France Télécom, devenue Orange depuis.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 6 – Entreprendre et diriger 121

Ce mode de management se caractérise par la maltraitance des salariés


qui subissent une forme de harcèlement, diffuse et souvent difficile à
établir, de la part de leur encadrement. L’encadrement est souvent mis
lui-même sous tension pour pousser à la démission ou licencier « au fil
de l’eau » du personnel jugé peu performant.
Cela se concrétise par des décisions arbitraires communiquées brutale-
ment aux salariés intéressés alors que celles-ci ont des conséquences
importantes sur leur poste, leur localisation et/ou le contenu de leur tra-
vail. Cela se manifeste par une instabilité des conditions de travail et une
perte de sens du travail lui-même qui génère un sentiment de précarité, de
disqualification, et d’inutilité du salarié lui-même. Cela peut correspondre
également à la fixation d’objectifs impossibles à atteindre, sans tenir
compte des données de l’environnement économique et concurrentiel.
Il peut s’agir, comme chez France Télécom de pousser à la démission des
salariés devenus trop nombreux, sans considération pour les dégâts
humains pour ceux qui partent comme pour ceux qui restent.
Il s’agit parfois également de pratiquer un classement du personnel
(ranking) en plusieurs catégories : très performant (10 à 20 %), performant
(60 à 80 %) à ou insuffisamment performant (10 % à 20 %). La méthode
consiste ensuite à priver de prime ou à licencier les 10 % les plus mal clas-
sés, ce qui génère une menace permanente pour le reste du personnel qui
est censé s’efforcer de se conformer aux attentes de la direction en matière
de productivité et de comportement. La tension ainsi générée favorise l’in-
dividualisme et le conformisme ce qui va gêner la coopération, la créati-
vité et la réactivité et finalement la productivité globale de l’entreprise.
Un rapport a été publié par l’INVS1 en 2010 sur ce sujet.
La règlementation cherche d’ailleurs à éviter ces pratiques. L’article
L. 4121-1 du Code du travail énonce que « l’employeur prend les
mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé phy-
sique et mentale des travailleurs ». L’employeur est tenu à l’égard de ses
salariés d’une obligation de sécurité « de résultat » ; De ce fait il doit
assurer une protection effective de leur sécurité et cette protection s’ap-
plique également aux risques psychiques. Cela lui impose évidemment
de ne pas mettre en place une organisation et un mode de management
pouvant compromettre la santé du personnel.
Un arrêt de la cour de cassation du 6 décembre 2017 a ainsi confirmé la
condamnation d’un employeur du fait que « de très nombreux salariés
de l’entreprise avaient été confrontés à des situations de souffrance au
travail et à une grave dégradation de leurs conditions de travail induites
par un mode de management par la peur »2.

1.  INVS, institut national de veille sanitaire.


2. Voir l’article « Comment gérer un management toxique ? », G. Chatelain, Le cercle des
Échos, nov. 2016.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
122 Management et économie des entreprises

B. Quel style adopter pour commander


dans l’entreprise ?
a. Selon R. Lickert (1967)
On peut distinguer quatre modes de gouvernement : despotique, bien-
veillant, consultatif et participatif.
– despotique : caractérisé par une forte centralisation, une communica-
tion hiérarchique, et dans lequel les sanctions jouent un rôle impor-
tant ;
– bienveillant : dans lequel le pouvoir est paternaliste, protecteur et
recourt plus aux récompenses qu’aux sanctions ; (style Michelin) ;
– consultatif : qui garde l’autorité mais accorde aux subordonnés la pos-
sibilité d’exprimer leur avis, sans que celui-ci joue un rôle effectif dans
les décisions. Le travail en équipe et la communication sont favorisés ;
– participatif : qui repose sur une véritable participation du groupe de
travail à la prise de décision, à la définition des objectifs et à la résolu-
tion des conflits. Il y a une forte communication et une coopération
entre les membres du groupe.
Il conclut à la supériorité de ce dernier modèle, tant en ce qui concerne les
résultats économiques qu’en ce qui concerne la satisfaction des hommes.

b. Selon B. Tanenbaum et W.H. Schmidt (1958-1973)


Ces auteurs proposent une palette plus nuancée de styles de direction,
selon le schéma suivant :

Source : in Harward Business Review, 1958.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 6 – Entreprendre et diriger 123

c. Selon W. Bennis (1985)


– Les dirigeants « gestionnaires » sont ceux qui savent « ce qu’ils
doivent faire » et s’appliquent à gérer en pratiquant le compromis.
– Les dirigeants « leaders » savent « ce qu’il faut faire » et cherchent à
guider l’entreprise en s’appuyant sur leur projet et leur charisme. Ce
leadership serait la source de la réussite de l’entreprise car il conduit
les salariés à se mobiliser pour atteindre leurs objectifs.

d. Selon J. Stora1
Il y a lieu de distinguer quatre types de dirigeants selon une approche
relationnelle : le narcissique, le séducteur, le possessif et le bienveillant.
– Le narcissique, créateur d’entreprise, qui se place « au centre du
monde ». « Il se sent, de plus, immortel, il triomphe ainsi du temps et
de l’espace ».
– Le séducteur, qui fascine son entourage par son verbe. Il devient
l’idole de ses partisans auxquels il donne l’impression d’une connais-
sance et d’un pouvoir supérieurs.
– Le possessif, qui ne considère ses subordonnés que comme des objets
interchangeables et manipulables et qui doivent se soumettre à la
vision du monde de leur dirigeant…
– Le bienveillant, « dominant sa vie pulsionnelle, ce type de leader uti-
lise pour le bien de la communauté… la quasi-totalité de son énergie
psychique : bienveillant, sévère et juste ».

e. Les compléments de divers autres auteurs


– Pour F.E. Fiedler (1972) le leadership du dirigeant doit être adapté à la
situation de l’entreprise et on ne peut pas établir la supériorité d’un
style de gouvernement.
– Selon R. Blake et J.-S. Mouton, chaque dirigeant dispose d’un style de
gouvernement dominant mais aussi d’un style de rechange en cas
d’impossibilité de pratiquer le premier, notamment dans un contexte
de crise.
– M. Crozier (1987) parle de « management panique » pour désigner le
réflexe régressif des entreprises françaises qui consiste à rétablir un
gouvernement centralisé en cas de déséquilibre. Cela a souvent pour
conséquence de freiner l’innovation et la réactivité pourtant indispen-
sables dans de nombreux secteurs.

1.  J. Stora, Identité psychique et style de leadership : approche psychanalytique. Cahiers de


recherche du centre HEC-ISA, 1987.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
124 Management et économie des entreprises

C. Comment choisir les dirigeants ?


L’efficacité du pilotage dépend des qualités de manager des dirigeants et
donc des critères et des méthodes utilisées pour choisir ces dirigeants.
Il ressort d’une ancienne étude du CNRS1 qu’il existe un certain nombre
de caractéristiques communes aux dirigeants européens, notamment :
« l’absence » de dirigeant de sexe féminin, le faible nombre de
non-nationaux, la large majorité de diplômés de l’enseignement supé-
rieur, l’existence de viviers (les héritiers, les fondateurs, les mobiles, les
« maisons »), l’âge moyen…
On est loin cependant d’un modèle européen de grands dirigeants car les
différences sont elles aussi très importantes.
Les auteurs de l’étude ont pu ainsi distinguer des modèles nationaux de
formation des dirigeants2. On peut distinguer ici les modèles français et
allemand.
• Le modèle français
Il est traditionnellement organisé autour de trois types de viviers : celui
des grands corps de l’État (via les « grandes écoles ») qui joue le premier
rôle, celui des proches des familles possédantes (1/3 des dirigeants) et
celui des logiques d’entreprise (1/4). Cela se traduit par un fort taux de
diplômés initiaux, une faible connaissance initiale de l’entreprise (un
diplôme vaut davantage que l’expérience professionnelle dans l’entre-
prise). En dehors du droit de propriété, le diplôme initial apparaît
comme le seul moyen de légitimer le pouvoir d’un dirigeant qui va sou-
vent décider seul de la stratégie de l’entreprise.
• Le modèle allemand
Il privilégie la formation des dirigeants par l’entreprise elle-même, grâce
à la promotion professionnelle qui y est largement pratiquée. En effet,
les logiques d’entreprise dominent largement (2/3 des patrons), ce qui
valorise l’expérience professionnelle et la connaissance du secteur et de
l’entreprise. La proximité des familles possédante vient en seconde
place (1/4).
Ces différences ont un impact fort sur le mode de management et la
cohésion des membres de l’entreprise. C’est pour cela que le modèle
allemand a été pris comme référence dans la plupart des entreprises
européennes. Elles ont souvent cherché à l’adopter afin d’obtenir une

1.  Étude publiée en février 1996 conjointement par le CNRS et le cabinet Boyden Global
Executive Search concernant les dirigeants des 200 plus grandes entreprises en Allemagne,
en Grande-Bretagne et en France.
2.  B. Bertin-Mourot, M. Bauer, CNRS – Boyden Global Executive Search, « Vers un modèle
européen de dirigeants ? » février 1996 – cité dans Problèmes économiques No 2482,
août 1996.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 6 – Entreprendre et diriger 125

gouvernance débouchant sur une véritable communauté d’intérêts. Mais


sans doute que d’autres paramètres jouent un rôle non négligeable pour
obtenir cette cohésion, comme notamment la cogestion de l’entreprise.
DES ATTITUDES DIFFÉRENCIÉES
Selon une étude Mori de 2005, auprès de 200 directeurs généraux britanniques, alle-
mands et français, menée pour la société DDI, (citée par le Financial Times britannique),
le patron français est un « autocrate » (seuls 3 patrons français sur 10 apprécient que
leurs décisions soient discutées contre 9 sur 10 patrons anglais), le patron allemand un
« démocrate » (très concerné par les conséquences de ses décisions pour le personnel)
et le patron anglais un « méritocrate ».

D. Faut-il centraliser ou décentraliser


le pouvoir ?
Le degré de centralisation des décisions dans l’entreprise tient à la fois
à sa structure d’organisation et aux choix qui sont faits en matière de
participation du personnel.

a. La centralisation des décisions


On parle de décision centralisée lorsque le pouvoir de décision est
concentré au sommet hiérarchique.
• Ses avantages
Les avantages de cette pratique sont (en principe) la garantie d’une cer-
taine cohérence des choix qui sont faits, ainsi que la simplicité et la
clarté de l’organisation hiérarchique qui en découle.
• Ses limites
Cette situation n’est praticable que dans des entreprises de petite dimen-
sion. En effet, dès qu’une certaine taille est atteinte, la centralisation
présente plus d’inconvénients que d’avantages :
– la circulation centralisée des informations qui en résulte, introduit une
lenteur de réaction de l’entreprise (rigidité) ;
– la variété croissante des décisions, liée au développement de l’organi-
sation, aboutit à une saturation du centre unique de décision, autant
du fait du nombre trop important des décisions à prendre, que du fait
de leur complexité grandissante ;
– l’éloignement entre le décideur et le niveau d’exécution grandit au
détriment de la communication et de la compréhension réciproque des
problèmes et des solutions retenues.
On aboutit alors à une baisse de la qualité des décisions et de la motiva-
tion des exécutants, qui est préjudiciable à l’entreprise.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
126 Management et économie des entreprises

b. La délégation du pouvoir de décision


La solution consiste à déléguer le pouvoir du sommet hiérarchique à des
responsables, spécialisés chacun dans une activité fonctionnelle ou opé-
rationnelle. Eux-mêmes peuvent déléguer une partie de leur pouvoir à
des subordonnés.
Ainsi apparaît une ligne hiérarchique, composée des cadres de l’entre-
prise (encadrement). Cette démultiplication du pouvoir de décision en
facilite l’exercice en même temps qu’elle permet une meilleure qualité
des choix, effectués à chaque niveau par des spécialistes.
La séparation entre le niveau des décisions et celui de leur exécution
peut rester néanmoins importante, avec le risque d’une incompréhen-
sion des décisions et d’une faible motivation dans leur exécution.

c. La décentralisation des décisions


A.P. Sloan1, fut dès les années 20 l’un des plus ardents promoteurs de la
décentralisation.
• Le principe de la décentralisation
L’hypothèse selon laquelle les décisions seront d’autant plus efficaces
qu’elles seront prises le plus près possible des exécutants, voire par les
exécutants eux-mêmes, conduit à systématiser la solution précédente
dans l’ensemble des activités de l’entreprise.
Cette délégation généralisée du pouvoir de décider, constitue la décen-
tralisation des décisions dans l’entreprise.
• Les avantages
– La réduction des besoins en circulation d’information, qui facilite la
rapidité de la décision ;
– la grande proximité des décideurs, des problèmes à résoudre, qui
implique une connaissance plus approfondie des données s’y rappor-
tant ;
– la plus grande motivation des exécutants qui, ayant été associés à la
décision sont plus à même de la comprendre.
• Les inconvénients
– Elle nécessite la mise en place d’un système de fixation d’objectifs et
de contrôle des résultats afin de préserver l’unité de l’entreprise et la
cohérence des décisions prises.
– Elle implique un effort important de formation du personnel, auquel
on confie des responsabilités nouvelles. Cet effort peut constituer un
coût supplémentaire, trop lourd à supporter par l’entreprise, s’il n’est

1.  Sloan (A.P.) dirigea General Motors aux USA entre 1923 et 1956.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 6 – Entreprendre et diriger 127

pas justifié également pour d’autres raisons (comme l’adaptation aux


techniques nouvelles).
• Les formes concrètes de décentralisation
La décentralisation est mise en œuvre par un découpage de l’entreprise
en unités ou modules dotés d’objectifs et de moyens autonomes :
groupes de projet, groupes semi-autonomes, direction par objectifs
(DPO) et direction participative par objectifs (DPPO), etc. (v. les concep-
tions du rôle des travailleurs dans l’entreprise et leurs applications au
chapitre 19 « La gestion des ressources humaines (GRH) : 1. Le cadre et
les contraintes »). Elle implique le développement de la responsabilisa-
tion du personnel (empowerment).
L’entreprise libérée
Au-delà de la décentralisation, certaines entreprises ont depuis les années 1980 mis en
œuvre le concept d’entreprise libérée, c’est-à-dire d’entreprise sans hiérarchie.
L’encadrement disparaît pour céder la place à des équipes auto-organisées. La
responsabilité des activités incombe donc à l’ensemble de l’équipe de travail. Le principe
du « pouvoir-avec » de M.P. Follet et la dynamique de groupe de K. Lewin se trouvent
ici mis pleinement en application.
Les salariés ont alors le pouvoir de décider et d’agir. On parle parfois de « capacitation »
ou encore « d’autonomisation » du personnel.
Isaac Getz et Brian M. Carney* ont illustré ce type de management par de nombreux
exemples. Ils ont opposé les entreprises « comment », qui indiquent à chacun ce qu’il doit
faire, souvent contre-performantes, aux entreprises libérées reposant sur une vision et des
objectifs communs et qui donnent à chacun une liberté d’action pour réaliser les activités.
*  Co-auteurs de Liberté & Cie. Quand la liberté des salariés fait le bonheur des entreprises,
Fayard, 2012.

E. La rémunération des dirigeants


À la suite d’un certain nombre de pratiques considérées comme anor-
males, extravagantes, voire amorales par le public et les actionnaires, la
rémunération des dirigeants des sociétés cotées a été mieux encadrée par
le droit, en France comme dans d’autres pays européens.
Le code de gouvernance AFEP-MEDEF1 a également énoncé des recom-
mandations en matière de rémunération des dirigeants.
Selon l’article R. 225-29-1 du Code de commerce, les éléments compo-
sant la rémunération totale et les avantages de toute nature des diri-
geants et des membres des conseils de surveillance des sociétés ano-
nymes cotées, sont :
– « 1° Les jetons de présence ;

1.  Code établi par l’association française des entreprises privées (AFEP) et le MEDEF syn-
dicat patronal français multisectoriel.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
128 Management et économie des entreprises

– 2° La rémunération fixe annuelle ;


– 3° La rémunération variable annuelle ;
– 4° La rémunération variable pluriannuelle ;
– 5° Les attributions d’options de souscription ou d’achat d’actions ;
– 6° Les attributions gratuites d’actions ;
– 7° Les rémunérations exceptionnelles ;
– 8° Les rémunérations, indemnités ou avantages dus ou susceptibles
d’être dus à raison de la prise de fonction ;
– 9° Les engagements mentionnés aux premier et sixième alinéas de
l’article L. 225-42-1 ;
– 10° Les éléments de rémunération et des avantages de toute nature dus
au titre de conventions conclues, directement ou par personne inter-
posée, en raison de son mandat, avec la société dans laquelle le man-
dat est exercé, toute société contrôlée par elle, toute société qui la
contrôle, ou encore toute société placée sous le même contrôle qu’elle
– 11° Tout autre élément de rémunération attribuable en raison du man-
dat ;
– 12° Les avantages de toute nature. »

RÉMUNÉRATION ANNUELLE MOYENNE DES DIRIGEANTS DE SOCIÉTÉS COTÉES (EN KE)

Source : ATH 2015. © www.partageduprofit.com

On voit sur ce schéma que la rémunération fixe a représenté en moyenne,


en 2014, 56 % du total de la rémunération des dirigeants.
Depuis la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à
la modernisation de la vie économique, du 10 décembre 2016, dite « loi
Sapin II », les sociétés dont les titres sont cotés devront faire valider
annuellement, par l’assemblée générale de leurs actionnaires (say on pay),
les rémunérations individuelles de leurs dirigeants mandataires sociaux :
président du conseil d’administration ou du conseil de surveillance,
directeur général, président du directoire ou directeur général unique,
directeurs généraux délégués ou aux autres membres du directoire.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 6 – Entreprendre et diriger 129

POUR EN SAVOIR PLUS


AFEP-MEDEF, Code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées, http://www.
afep.com, novembre 2016.
Ansoff (H.I.), Stratégie du développement de l’entreprise, Hommes et techniques, 1968.
CNP Assurances et CPME, Observatoire des PME et TPE, Portrait du patron de TPE
française, IFOP, 2015.
Coriat (B.), Weinstein (O.), Les nouvelles théories de l’entreprise, Le livre de poche, 1995.
Crozier (M.), La crise de l’intelligence, Le Seuil, 1995.
Crozier (M.), Friedberg (E.), L’acteur et le système, Le Seuil, 1987.
Cyert (R.M.), March (J.G.), Processus de décision dans l’entreprise, Dunod, 1970.
Drucker (P.), Au-delà du capitalisme, Dunod, 1993.
Drucker (P.), Structures et changements, Village Mondial, 1996.
Fayolle (A.) et Tounes (A.), « L’odyssée d’un concept et les multiples figures de l’entre-
preneur », La revue des sciences de gestion, no 220-221, juillet-octobre 2006.
Freeman (R.E.) et Harrison (J.S.) et Wicks (A.C.) et alii, Stakeholder Theory : The State of
the Art, Cambridge, 2013.
Helfer (J.P.), Kalika (M.), Orsoni (J.), Management, Stratégie et organisation, Vuibert,
2010.
Le Moigne (J.-L.), Les systèmes de décision dans les organisations, PUF, 1973.
Mintzberg (H.), Structure et dynamique des organisations, Les Éditions d’Organisation,
1984.
Mintzberg (H.), Le management, Les Éditions d’Organisation, 1998.
Nicolas (B.), Le contrôle de gestion, coll. « Que sais-je ? », PUF, 2014.
Peyroux (C.), Panorama de l’entrepreneuriat, Économie et management, avril 2008.
Schumpeter (J.), Capitalisme, socialisme et démocratie, 1942, disponible en ligne. http://
classiques.uqac.ca/classiques/Schumpeter_joseph/capitalisme_socialisme_demo/
capitalisme.html
Schumpeter (J.), Théorie de l’évolution économique, 1926, disponible en ligne. http://
classiques.uqac.ca/classiques/Schumpeter_joseph/theorie_evolution/theorie_evolu-
tion.html
Thietart (R.-A.), Le management, coll. Que sais-je ?, PUF, 2017.
Verstraete (T.) et Fayolle (A.), « Paradigmes et entrepreneuriat », Revue de l’entrepreneu-
riat, 2005, vol. 4.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
130
CHAPITRE 7
Management et économie des entreprises

L’information
dans l’entreprise

« Celui qui connaît son ennemi et qui se


connaît lui-même, mènera cent combats sans
risque. »
Sun Zu, L’art de la guerre

I. La nature et les formes


de l’information
A. Qu’est-ce que l’information ?
a. Définition
« Est information pour un être vivant (ou un automate) tout signal, tout message, toute
perception qui produit un effet sur son comportement ou son état cognitif »1.

b. Qu’est-ce qu’une information utile ?


Une information est utile (efficace) lorsqu’elle est fiable (exacte), perti-
nente (adaptée aux besoins) et disponible (au bon moment). Il faut par-
fois ajouter la qualité de confidentialité (informations stratégiques
notamment).

c. Les trois parties d’une information


On retrouve dans toute information, trois aspects indissociables, définis
par le linguiste F. de Saussure et évoqués par J.-L. Peaucelle : auteur de
« Informatique pour les gestionnaires » (Vuibert).

1.  J. Mélese, Approches systémiques des organisations.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 7 – L’information dans l’entreprise 131

– la partie matérielle (le signifiant), qui est la partie visible et transmis-


sible de l’information (mots, codes, symboles par lesquels elle est
représentée) ; elle intéresse surtout les gestionnaires de l’information
et les informaticiens ;
– la partie conceptuelle (le signifié) qui est ce que l’on comprend (sens,
idée) ; elle intéresse les utilisateurs (décideurs, opérateurs, clients…) ;
– la partie extérieure (la référence) qui est la réalité que l’on évoque (les
faits, les choses).
EXEMPLE
Cet Aide-mémoire est matériellement constitué de caractères imprimés sur du papier,
organisés en mots et en phrases selon les règles de la langue française (alors qu’il aurait
pu être enregistré en vidéo, exposé par un présentateur, pour toucher un autre public) ;
la partie conceptuelle devrait être la même pour le lecteur et le rédacteur, si l’exposé
est suffisamment explicite et si le lecteur fournit l’effort nécessaire ; la partie extérieure
est ici l’entreprise, c’est-à-dire l’ensemble des entreprises, mais bien souvent l’écono-
mie d’entreprise privilégie implicitement les grandes entreprises : on voit ainsi l’im-
portance de l’interprétation du réel qui est faite par celui qui signifie l’information !

B. Quelles sont les différentes formes


d’information dans l’entreprise ?
• Selon leur support : les informations orales, écrites ou visuelles.
• Selon leur origine : les informations externes, en provenance de l’ex-
térieur de l’entreprise (presse, organismes officiels ou professionnels,
banques de données, réseaux d’informateurs, cabinets de consultants,
entreprises de « veille technologique »…), et les informations internes,
produites par l’entreprise elle-même (informations comptables,
fichiers, statistiques, comptes-rendus et rapports des différents ser-
vices, directives et instructions).
• Selon leur rôle dans le pilotage : les informations de contrôle (infor-
mations d’écart, d’anticipation, ou concernant le fonctionnement
interne) et les informations de commande (ordres).
• Selon leur niveau d’élaboration : les informations de base (données
brutes) et les informations élaborées (résultats de traitements).
• Selon la façon dont elles sont générées dans l’entreprise : les informa-
tions issues des quatre flux qui transitent dans l’entreprise (biens et
services, monnaie, personnel, équipements), les informations pro-
duites pour servir les différents modèles de gestion utilisés fréquem-
ment par l’entreprise,
EXEMPLES
Détermination de la VAN, détermination du stock d’alerte.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
132 Management et économie des entreprises

les informations prises en compte de façon apparemment aléatoire,


selon les circonstances1.
EXEMPLE
Évolution de la conjoncture, évolution réglementaire ou technologique.

II. Qu’appelle-t-on un système


d’information et à quoi sert-il ?
A. Présentation du système d’information
a. Définition
Le système d’information est un « ensemble d’éléments (personnel, matériel, logiciels…)
permettant d’acquérir, traiter, mémoriser, communiquer des informations »2.

Selon, R. Reix3, il présente trois dimensions, puisqu’à côté de la dimen-


sion informationnelle (qui permet de produire des représentations du
réel conformes aux besoins des utilisateurs), on trouve une dimension
technologique liée à l’utilisation des outils numériques (matériels et
logiciels) et une dimension organisationnelle puisque les moyens infor-
mationnels sont à la fois des ressources et des contraintes sur le plan
organisationnel. Ce système est à la fois un instrument de gestion et le
résultat d’efforts de gestion puisqu’il doit être construit et administré
pour être efficient.

b. Le rôle déterminant de ce système


On dit souvent avec raison que le système d’information de l’entreprise
constitue son « système nerveux ». Cette métaphore met en évidence
l’importance capitale de ce système pour l’entreprise.
Il assure en fait l’intelligence économique4 de l’entreprise, c’est-à-dire
l’ensemble des activités de renseignement : collecte, traitement et com-
munication de l’information nécessaire aux membres de l’entreprise.

1.  J.-L. Le Moigne, Les systèmes d’information dans les organisations.


2.  R. Reix, RFG novembre-décembre 1983.
3. R. Reix, Système d’information : de l’outil à la stratégie, Économie et management,
juin 2005.
4. Selon le rapport Martre (Commissariat général au Plan, février 1994), « L’intelligence
économique peut être définie comme l’ensemble des actions coordonnées de recherche, de
traitement et de distribution en vue de son exploitation, de l’information utile aux acteurs
économiques. »
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 7 – L’information dans l’entreprise 133

Spontané dans les entreprises de dimension réduite et placées dans un


environnement stable, le système d’information est devenu aujourd’hui
un sujet de réflexion pour tous les observateurs et praticiens de l’entre-
prise du fait de l’accroissement considérable de ses moyens, lié à l’outil
informatique. Il serait néanmoins erroné de le ramener au seul système
informatique qui n’en est qu’un sous-ensemble.

B. Les finalités du système d’information


a. Le système d’information a une double finalité
technique
• Le système d’information, en tant que fournisseur d’informations
fiables et adaptées aux besoins des utilisateurs (opérationnels et ges-
tionnaires)
– Il s’agit des informations nécessaires aux opérations (informations
techniques ou commerciales liées à la mise en œuvre des différents
processus de l’entreprise).
– On doit distinguer deux grands types de relations entre le système de
travail de l’entreprise et le système informationnel. Dans le premier, le
système d’information fournit des représentations de la réalité qui
vont faciliter l’action (ex. : la consultation du niveau du stock d’un
article). Dans le second, le système d’information est complètement
intégré au déroulement de l’activité (ex. : le traitement d’une com-
mande assisté par ordinateur).
– Il s’agit des informations nécessaires aux gestionnaires (informations
de contrôle et informations de commande), afin de décider en connais-
sance de cause (pertinence, délai, forme des informations). L’informa-
tique décisionnelle est actuellement en plein développement.
• Le système d’information, en tant qu’outil de communication
Également en plein développement, il permet la coordination des activi-
tés des différents individus, services et domaines de gestion de l’entre-
prise. Il permet également la communication entre l’entreprise et ses
partenaires (clients, fournisseurs, banques, pouvoirs publics, etc.).

b. Le système d’information a une finalité sociale


La finalité sociale du système d’information est importante. Elle s’insère
dans la politique des relations humaines de l’entreprise.
– Il s’agit de favoriser la connaissance de l’entreprise et la compréhen-
sion des choix stratégiques par l’ensemble du personnel.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
134 Management et économie des entreprises

Cette démarche s’inscrit dans un « marketing interne » dont l’objectif


est de fédérer le personnel autour de la politique générale de l’entre-
prise.
– Il s’agit encore de développer un « esprit d’entreprise » chez les sala-
riés en facilitant par la diffusion de l’information, une vie sociale et
une culture d’entreprise (v. chapitre 5, « La culture et l’identité de
l’entreprise »).

C. Le système d’information, outil de gestion


Le management de l’entreprise nécessite de nombreuses informations
qui doivent être collectées, produites et communiquées aux décideurs.

a. La production d’informations internes est à la base


du contrôle de gestion
• Le contrôle du fonctionnement des différentes unités, départements et
services de l’entreprise suppose que l’on dispose d’informations régu-
lières qui sont produites dans le cadre de tableaux de bord de gestion
afin de permettre une régulation par alerte. (V. le chapitre 6 « Entre-
prendre et diriger »).
EXEMPLE
Le contrôle de l’activité de production sera possible par le calcul périodique d’indi-
cateurs :
– taux de rebut établi par échantillonnage lors de la réception des pièces en prove-
nance des fournisseurs et taux de rebut établi par échantillonnage concernant la
qualité des produits réalisés par chaque unité de l’entreprise ;
– taux d’utilisation des équipements productifs ;
– consommation de matières et d’énergie.

• Le contrôle des résultats n’est possible que si sont produites les infor-
mations comptables permettant le calcul de coûts et l’établissement de
budgets ainsi que l’établissement du compte de résultat et du bilan. À
partir de ces informations sera mise en œuvre la régulation par rétroac-
tion. (v. le chapitre 6 « Entreprendre et diriger »).
Les normes comptables IFRS (international financial reporting stan-
dards) sont destinées à faciliter les comparaisons entre entreprises au
niveau international. Elles ne s’appliquent effectivement en France
qu’aux grandes sociétés cotées en bourse depuis le 1er janvier 2005, mais
ces normes sont appelées à être intégrées progressivement dans le plan
comptable général français. Néanmoins, des assouplissements ayant été
introduits en faveur des PME, il semble que l’on s’oriente en fait vers
une diversification des règles comptables applicables selon le type d’en-
treprise.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 7 – L’information dans l’entreprise 135

Le service comptabilité de l’entreprise apparaît comme un sous-ensemble


du système d’information de l’entreprise

Il doit remplir plusieurs rôles :


– Respecter l’obligation légale de « tenue d’une comptabilité régulière » et celle de
production de comptes annuels destinés aux associés de l’entreprise et à ses autres
partenaires (banques, administration fiscale, salariés, etc.), contrôlés et certifiés par un
commissaire aux comptes dans les plus grandes sociétés.
– Satisfaire le besoin d’informations de gestion des managers (comptabilité analytique
et par flux de trésorerie). L’adoption des normes comptables internationales IFRS par les
grandes entreprises françaises va justement dans ce sens en abandonnant la pratique des
coûts historiques (fondée sur le principe de prudence) pour retenir l’obligation d’ajuster en
permanence la valeur des actifs et passifs de l’entreprise (selon le principe de la « juste
valeur »). Mais diverses critiques font valoir que le principe de la « fair value » laisse trop
de place à la subjectivité des responsables de la comptabilité.

b. L’entreprise a besoin d’informations stratégiques


et d’informations de gestion opérationnelle

On peut distinguer entre les informations nécessaires aux décisions


d’exploitation (qui consistent surtout en des informations de contrôle et
de commande) et celles nécessaires aux décisions stratégiques (surtout
liées à une démarche de veille et d’anticipation des évolutions de l’en-
vironnement technologique, concurrentiel et réglementaire de l’entre-
prise).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
136 Management et économie des entreprises

c. Le développement des progiciels de gestion intégrés


(PGI soit en anglais ERP, enterprise resource planning)
Un PGI est un logiciel qui a pour but de coordonner l’ensemble des activités d’une
entreprise, autour d’une base de données unique.

Ce type de logiciel (Fournisseurs : SAP ou Oracle par exemple) apparaît


comme un supra logiciel qui englobe les applications classiques de l’en-
treprise, comme autant de modules d’un système d’information global
et cohérent. Les PGI s’appuient sur la même logique conceptuelle que
celle qui prévalait dans les systèmes MRP (material requirement plan-
ning) des années 70.
Le PGI permet à tous les acteurs de l’entreprise de développer leurs acti-
vités en utilisant « un langage commun », grâce à une véritable intégration
informationnelle (standardisation des données et des modes opératoires,
mode unique d’administration du système) qui donne en temps réel une
cohérence interactive à l’ensemble des informations échangées entre les
différents services de l’entreprise. Cette cohérence facilite le contrôle du
fonctionnement de l’entreprise et la pratique de la simulation.
Néanmoins la mise en place d’un PGI dans une entreprise présente des
risques non négligeables liés aux changements organisationnels induits
(risques de rejet et de conflits ; risques liés à des actions d’accompagne-
ment et de formation inadaptées ; risque financier lié au coût d’un projet
et aux délais de mise en place d’un PGI).
Des PGI « libres » (« open source ») permettent de réduire fortement le coût
de ces systèmes par rapport aux outils commercialisés sur le marché.
(Exemples de la solution Linux « Compiere » ou de Odoo). De plus une offre
de PGI « en ligne » (Exemple de SAP business bydesign) permet de bénéficier
d’un tel outil sans avoir à supporter le délai de mise en place (8 à 10 mois !).
ORGANISATION D’UN PGI (PROGICIEL DE GESTION INTÉGRÉ)

Production

Finances
Applications Base unique de données
du Progiciel (données structurées
de gestion et non structurées)
intégré (PGI)
Commercial

Gestion
du personnel
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 7 – L’information dans l’entreprise 137

D. Le rôle concurrentiel du système


d’information
a. La veille des évolutions de l’environnement
L’activité de veille consiste à scruter de façon permanente et systématique l’environ-
nement afin d’en anticiper les évolutions. Elle est principalement technologique et
concurrentielle, mais peut être également juridique, ou financière.

1. Les raisons de la veille


L’entreprise pour être réactive, doit souvent anticiper les évolutions de
l’environnement, notamment dans le cadre d’une démarche stratégique.
Cela n’est possible que si elle suit en permanence les changements de
celui-ci afin d’en percevoir les tendances.
Pour cela, l’entreprise doit disposer de nombreuses informations
externes, notamment dans les domaines technique, commercial et juri-
dique. Mais la veille s’étend aussi à d’autres aspects de l’environnement
(veille écologique, veille financière).

2. Les moyens de la veille


Ce sont les sources d’informations externes.

Situées à l’extérieur de l’entreprise


Les organismes officiels ou professionnels (Insee, CREDOC, INRA, INSERM,
INED, Conseil économique social et environnemental, universités, minis-
tères, banques, chambres de commerces, syndicats professionnels, etc.).
Les agences de renseignement privées (entreprises spécialisées dans la
veille technologique ou concurrentielle auxquelles l’entreprise peut
s’adresser) ou publiques (DGSI et DGSE qui peuvent alerter les grandes
entreprises lorsque certaines menaces sont détectées).
La presse spécialisée nationale et étrangère, économique ou scientifique
(ex. : Le moniteur des travaux publics, L’Usine nouvelle, Financial times,
Nature, Chemical reviews, The Lancet, etc.).
Les banques de données qui sont des bases de données rassemblant les
informations relatives à un domaine particulier de connaissance. Elles
sont constituées par des organismes spécialisés, pour être consultées en
ligne par une clientèle.

Situées à l’intérieur de l’entreprise


Les bases de données ou les fichiers de l’entreprise permettent de suivre
l’évolution de la demande et des caractéristiques de la clientèle. Divers
logiciels permettent d’extraire les renseignements utiles, de les croiser et
retraiter pour aider à la compréhension des données et des évolutions.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
138 Management et économie des entreprises

Les rapports des représentants renseignent sur les réactions de la clien-


tèle aux produits et actions mercatiques de l’entreprise, mais aussi à
ceux de la concurrence.

b. L’intelligence économique, une arme


concurrentielle
Cette expression désigne souvent l’effort d’observation et d’information
concernant les concurrents de l’entreprise. Elle peut aller du « rensei-
gnement d’affaires » à l’espionnage industriel. Diverses sociétés spécia-
lisées (créées par des anciens de services de renseignement d’État)
offrent leurs services de renseignement industriel et/ou commercial aux
grandes entreprises pour les aider à connaître, à court-circuiter, voire à
déstabiliser les concurrents.
Les moyens déployés sont divers (contacts internes, stagiaires, écoutes,
échanges avec les services publics de renseignement, etc.).
Les entreprises nord-américaines ont particulièrement développé cette
forme d’« intelligence compétitive » en s’appuyant sur une imbrication
poussée des services privés de renseignement avec les agences d’État.
Cela a permis à des entreprises américaines ou canadiennes de prendre
le contrôle de diverses sociétés, comme Gemplus, Pechiney, Lafarge, la
branche énergie d’Alstom, etc.
Par ailleurs, les entreprises chinoises sont désormais renommées pour
leur avidité en matière d’information technologique qu’elles expriment
souvent à l’occasion d’un marché ou d’un appel d’offres auprès d’entre-
prises étrangères de haute technologie (ex. du train à grande vitesse
chinois conçu sur la base des informations technologiques recueillies
auprès d’entreprises européennes mises en concurrence dans deux
appels d’offres successifs).
Une politique claire de maîtrise et de protection des informations sen-
sibles de l’entreprise est donc nécessaire.

III. Le système d’information


est l’un des trois sous-systèmes
de base de toute organisation
A. L’analyse modulaire
Chaque fonction, unité opérationnelle (division) ou fonctionnelle
(département) peut être interprétée comme un système, du fait de l’au-
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 7 – L’information dans l’entreprise 139

tonomie dont elle dispose (finalités, moyens). Ce découpage systémique


de l’entreprise peut être poussé jusqu’au plus petit sous-système déce-
lable : le module (repérable par les objectifs qui lui sont assignés).

B. Les trois sous-systèmes de base


L’entreprise comme chacun de ses sous-systèmes, fût-il un module, est
décomposable en trois sous-systèmes de base qui sont en interaction : le
système technique ou opérant, le système d’information et le système de
pilotage ou de gestion.
– Le système technique ou opérant est à la base de toute organisation.
C’est lui qui effectue les opérations permettant d’atteindre les objec-
tifs. Il correspond aux activités de production de chaque module,
département ou entreprise étudiés.
– Le système de pilotage (ou de gestion, de commande, de management
ou de décision) est chargé de la fixation des objectifs, du contrôle et de
la régulation du système opérant.
– Le système d’information est à l’interface des deux autres. Il leur four-
nit les informations indispensables pour produire d’une part et piloter
d’autre part. Il permet la communication des deux autres systèmes
entre eux et avec l’environnement.
À NOTER
Le schéma ci-dessous correspond aussi bien à un module (ou un sous-système) opé-
rationnel (acheter, produire, vendre) qu’à un module fonctionnel (financement, ges-
tion du personnel, organisation…). Dans les deux cas, on a un système opérant qui
réalise les activités permettant d’atteindre les finalités du module.

LES TROIS SOUS-SYSTÈMES DE BASE


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
140 Management et économie des entreprises

IV. Comment gérer l’information


dans l’entreprise ?
A. Le besoin d’une gestion de l’information
L’entreprise dispose de différents domaines de gestion (fonctions tech-
nique, administrative, financière, etc.). Chacun est doté de finalités et
d’un système opérant pour atteindre ces finalités.

Le système opérant de chaque domaine de gestion est complété d’un


système de pilotage et d’un système d’information qui les relie entre eux
et aux autres domaines de gestion. Ainsi coexistent dans l’entreprise
autant de systèmes d’information qu’il a de domaines de gestion.
Ces systèmes d’information doivent échanger en permanence des informa-
tions et une cohérence s’impose dans leur organisation et leur fonctionne-
ment. Pour assurer cette cohérence, une gestion d’ensemble est nécessaire,
c’est là un domaine de gestion à part entière : le domaine de la gestion de
l’information dont la finalité est d’assurer de façon économiquement opti-
male la satisfaction des besoins d’information de l’entreprise.

B. Le domaine de la gestion de l’information


a. Les différentes étapes de la gestion
de l’information
Elles consistent :
– d’une part en une définition et une organisation des systèmes d’infor-
mation, conformément à l’organisation de l’entreprise ;
– d’autre part en des activités opérationnelles liées à l’emploi de l’outil
informatique, à savoir : développer, exploiter et maintenir les applica-
tions des systèmes d’information. Ces activités sont de plus en plus
externalisées de sorte que les entreprises n’ont plus à s’équiper et
louent les services d’équipements distants (clouding) ;
– enfin en la mise en œuvre des opérations de base de l’activité informa-
tionnelle (v. ci-après).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 7 – L’information dans l’entreprise 141

Cette gestion implique la pratique d’un contrôle du système et des acti-


vités afin d’améliorer la productivité informationnelle de l’entreprise.

b. La gestion de l’information implique également


la recherche de la sécurité informationnelle
La « sécurité logique » ou la sécurité « informationnelle » de l’entreprise
sont devenues un sujet de préoccupation.
– La protection de l’information peut être obtenue par le droit : la pro-
priété industrielle (brevets, marques, dessins et modèles), le droit d’au-
teur (logiciels), l’action en concurrence déloyale, en sont les moyens.
– Elle peut aussi être obtenue par le secret qui suppose dans le système
d’information, la mise en place de moyens techniques de sécurité
(contrôle d’accès et d’identification, cryptage autorisé) et le dévelop-
pement d’une culture de vigilance dont les bases sont souvent définies
dans les grandes entreprises en collaboration avec les services publics
spécialistes de ce domaine (en France DCRI, HRIE).
Néanmoins le risque de piratage informatique existe pour la plupart des
systèmes reliés à Internet.
De plus l’espionnage industriel et plus largement économique est toujours
une menace pour les entreprises notamment innovatrices. Les grandes
entreprises mettent en place un service spécialisé piloté par un RSSI (res-
ponsable de la sécurité des informations) qui développe des moyens de
contrôler les flux informationnels afin que le développement nécessaire du
travail collaboratif ne devienne pas un facteur de déperdition des informa-
tions vers la concurrence (Exemple de la stagiaire chinoise de Li-Li Valeo).
Les opérations de base du système d’information
La production du système d’information repose sur plusieurs opérations ou fonctions de base :
• La collecte et la saisie des données qui consistent en un regroupement sur un
document de base (collecte), des informations qui doivent être saisies en mode groupé
et en un enregistrement des données sur un support (saisie).
• La mémorisation est la conservation de l’information dans le temps. Elle se fait par
un rangement des informations sur des supports (papier, microfilm, bande magnétique,
disque magnétique, disquette, mémoire…).
Les données sont mémorisées de façon cohérente sous forme de fichiers ou de base
de données.
• Le traitement qui est une transformation d’une ou plusieurs informations initiales en
une information-résultat. Les opérations de traitement sont la lecture et l’écriture, le calcul
arithmétique ou logique.
Dans le traitement informatique, ces opérations sont organisées selon un algorithme
(programme). Les traitements peuvent être effectués par lot (en temps réel ou différé)
ou à l’unité (en temps réel).
• L’édition et la diffusion permettent la communication des informations. Le transport
des informations peut se faire en déplaçant leur support (poste, messagerie) ou en ayant
recours à un support circulant (ondes). La diffusion des informations se fait selon un réseau,
qui relie les émetteurs d’information aux récepteurs (destinataires de l’information).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
142 Management et économie des entreprises

C. Le respect de la règlementation
de protection des informations personnelles
a. Une réglementation européenne (Règlement
général pour la protection des données, RGPD)
Elle a été publiée le 4 mai 2016 au JO de l’UE sous la forme d’un règle-
ment et est entrée en vigueur le 25 mai 2018. Elle vise à renforcer la
protection des données personnelles en imposant un cadre harmonisé
de protection des données tenant compte des récentes évolutions tech-
nologiques (notamment le développement du Big data). Depuis
juin 2018, la CNIL peut infliger des sanctions pécuniaires de 150 000 €
(et de 300 000 € en cas de récidive dans les 5 ans). Des sanctions pénales
de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende sont également
applicables en cas de manquement.

b. La protection des droits des personnes


Les personnes physiques voient leurs droits renforcés : consolidation
des obligations d’information ; recueil de consentement ; droit à la porta-
bilité des données ; droit à l’effacement.
Toute personne physique a le droit de s’opposer, pour des motifs légi-
times, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent
l’objet d’un traitement, sauf si le traitement correspond à une obligation
légale (ex. : fiscalité). Elle a également ce droit, sans frais, concernant
une utilisation de ses données personnelles dans un but de prospection,
notamment commerciale.
Toute personne physique peut exiger du responsable d’un traitement
que soient, selon les cas, rectifiées, complétées, mises à jour, verrouillées
ou effacées les données à caractère personnel la concernant, qui sont
inexactes, incomplètes, équivoques, périmées, ou dont la collecte, l’uti-
lisation, la communication ou la conservation est interdite.

c. Les conséquences pour les entreprises


Chaque entreprise doit élaborer une politique de protection des données
visant à protéger les personnes et leur vie privée puisque la loi concerne
toute information relative à une personne physique identifiée ou qui
peut être identifiée.
Toutes les opérations de traitement de ces données personnelles sont
concernées quel que soit le procédé utilisé, et notamment la collecte,
l’enregistrement, l’organisation, la conservation, l’adaptation ou la
modification, l’extraction, la consultation, l’utilisation, la communica-
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 7 – L’information dans l’entreprise 143

tion par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposi-


tion, le rapprochement ou l’interconnexion, ainsi que le verrouillage,
l’effacement ou la destruction.
Chaque entreprise concernée a donc intérêt à :
– nommer un « responsable du traitement des données », référent pour
la mise en œuvre des différentes mesures ;
– mettre en place un dispositif contractuel concernant le recueil du
consentement des personnes et les garanties de confidentialité ;
– mettre en place un dispositif de sécurité des données personnelles
adapté ;
– réaliser des études d’efficacité visant à établir la réalité de la protec-
tion des données.

V. Qu’est-ce que la gestion


des connaissances ?
(knowledge management)
La question du partage et de la transmission des connaissances au sein
de l’entreprise ne s’est jamais posée lorsque l’emploi était stable. Le
développement des stratégies de flexibilité quantitative du travail et de
création de valeur actionnariale basée sur des réductions d’effectif, a
posé le problème de la préservation des connaissances que ceux qui
sont « externalisés » emportent avec eux ! Cette question voit son actua-
lité renforcée par le départ en retraite des générations du baby-boom qui
va entraîner un renouvellement massif des effectifs.

A. Informations et connaissances
Les informations sont extérieures aux personnes. Elles sont stockées sur
des supports ou produites par des traitements.
Tandis que les connaissances sont stockées dans les cerveaux des êtres
humains. Ce sont des informations qu’ils se sont appropriées, soit parce
qu’ils les ont assimilées, soit parce qu’ils les ont créées à partir de leur expé-
rience ou de leur réflexion. Néanmoins, divers logiciels proposent de col-
lecter, traiter, partager les connaissances et les savoir-faire des salariés, ce
qui semble tout à fait inapproprié. Finalement, une grande part des infor-
mations (toutes celles qui ne sont pas impliquées dans des processus auto-
matisés) ne devient utile que quand elle se transforme en connaissances.
L’entreprise doit donc aujourd’hui gérer informations et connaissances.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
144 Management et économie des entreprises

B. Comment gérer les connaissances


a. Connaître les besoins et les ressources
de l’entreprise
L’entreprise doit développer une carte des connaissances dont elle peut
avoir besoin, ce qui revient à gérer un fichier des personnes disposant de
ces connaissances (avec un système d’entrées par personne et par
domaine de connaissance). Des outils logiciels existent, comme Gingo
édité par TriVium, qui aident à dresser la cartographie des connaissances
d’une organisation, à les développer et à optimiser les réseaux de com-
munication de ces connaissances.
REMARQUE
Gingo a été utilisé notamment par EDF et PSA.

b. Organiser l’acquisition et la diffusion


des connaissances dans l’entreprise
L’entreprise doit également faciliter le partage de certaines connais-
sances à travers des réunions, stages de formation, services de documen-
tation, bases de données. Il s’agit de permettre dans l’entreprise l’acqui-
sition des connaissances utiles, d’en organiser l’utilisation et la diffusion
en fonction des besoins. Ces connaissances utiles sont plus des méthodes
pour aborder des problèmes nouveaux que des recettes à « plaquer ».
EXEMPLE
Le « coffre-fort » virtuel Galaxy de Cap Gemini qui reçoit toutes les informations
produites par les collaborateurs concernant les clients et les produits et qui est un
outil de travail quotidien pour la plupart des salariés.

Un intranet sera souvent l’outil privilégié de cette mémorisation et mise


à disposition des connaissances. Celles-ci doivent être actualisées en
permanence.
Selon I. Nonaka et H. Takeuchi, la création des connaissances constitue
une source de compétitivité. Cette création repose sur divers processus de
conversion qui permettent de combiner savoir tacite (« enraciné » dans
l’action et les procédures de travail) et savoir explicite (formalisé et codi-
fié et donc aisément transmissible par un système de documentation).

c. Mobiliser les connaissances


Finalement, il apparaît que la gestion des connaissances est un aspect de
plus en plus important de la GRH. En effet, ce sont les individus seuls
qui peuvent décider de mobiliser et de partager leurs connaissances au
service des objectifs de l’entreprise. Le volontariat et la motivation de
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 7 – L’information dans l’entreprise 145

tous sont nécessaires et primordiaux. Le recours aux technologies de


l’information les plus efficaces pour collecter, stocker, classer et restituer
les connaissances sous forme d’informations, ne joue finalement qu’un
rôle secondaire dans ce domaine.

VI. Le déploiement de l’informatique


dans le système d’information
A. L’organisation informatique
Les choix d’organisation d’une entreprise sont reflétés par ses choix
informatiques. Le degré de centralisation du pouvoir de décision déter-
mine notamment la forme de réseau informatique qui est retenue.
• Le système centralisé
C’est celui dans lequel les utilisateurs n’ont pas accès au matériel et sont
dépendants du service informatique qui les pourvoit en informations, ce
qui est devenu un cas d’école, très rare en pratique.
• Le système décentralisé
Il est pratiqué du fait de la grande souplesse d’utilisation qu’il permet et
parce que le pouvoir de décision est lui-même de plus en plus décentralisé
dans les grandes organisations. On peut alors définir plusieurs solutions :
– l’informatique distribuée, qui associe à un ordinateur central à grande
capacité, des terminaux disponibles dans les différents services. L’ac-
cès aux informations est ainsi décentralisé ;
– l’informatique personnelle, qui dote chaque poste de travail de maté-
riel informatique autonome, associé ou non à d’autres matériels.
Les postes sont souvent reliés les uns aux autres sous la forme de réseaux et
dans la réalité, on trouve souvent une combinaison des différents modèles.
• Le cloud computing (virtualisation des équipements)
Équipements, applications, bases de données sont de plus en plus sou-
vent disponibles en ligne, par le biais d’internet grâce à la location d’un
service de prestataires (SSCI, hébergeurs, fournisseurs, etc.).

B. L’infogérance (outsourcing)
Il s’agit pour une entreprise d’accorder la sous-traitance totale ou partielle de son
informatique à une société spécialisée (SSCI, opérateur télécom ou constructeur de
matériel informatique), afin d’en réduire le coût. L’infogérance se combine généralement
à du cloud computing, au moins partiellement.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
146 Management et économie des entreprises

a. Présentation
Dans le cas d’une sous-traitance globale et pour une durée illimitée (out-
sourcing), le contrat prévoit généralement un transfert de personnel de
l’entreprise cliente vers son sous-traitant.
EXEMPLE
Ainsi, depuis 2006, General Motors confie la gestion globale de ses moyens informa-
tiques dans le monde à la société Cap Gemini, spécialiste des services informatiques.

Certaines entreprises montrent cependant des réticences à externaliser


ainsi le traitement d’informations plus ou moins stratégiques et en tout
cas confidentielles. La confidentialité mais aussi la sécurité des informa-
tions sont en jeu dans ce type de « solution informatique ».
En fait certains domaines semblent difficilement externalisables, comme la
veille technologique ou les informations relatives aux nouveaux produits,
c’est donc plutôt vers une sous-traitance partielle qu’il faudrait s’orienter.

b. Les formes utilisables


– Une première solution est celle consistant à contracter avec une
société de service informatique qui prend en charge la gestion de cer-
taines applications informatiques de l’entreprise à partir du matériel,
des logiciels et des supports qui lui sont confiés par celle-ci.
– Une autre formule est celle du cloud computing. Cela permet à l’entre-
prise de se décharger complètement de tout investissement informatique.
EXEMPLE
Un hébergeur met à disposition d’un fournisseur ASP1 son infrastructure informa-
tique pour stocker les logiciels et les données, en en garantissant la sécurité. Le
fournisseur ASP qui dispose des licences d’utilisation des logiciels, assure l’assis-
tance technique et gère la relation commerciale avec l’entreprise cliente, utilisatrice
de ses services informatiques

c. Le cloud computing (évolution technique


de l’infogérance)
Le cloud computing est la possibilité d’acquérir à distance par le biais
d’un portail internet ou d’un accès en ligne directe des ressources infor-
matiques logicielles ou matérielles sans que celles-ci soient physique-
ment présentes dans l’entreprise et sans que l’entreprise ait à investir (en
partie ou en totalité) dans ces ressources.
• Les avantages de ce système
Cette pratique permet de variabiliser au moins partiellement les charges
du service informatique (SI) de l’entreprise. Il offre également une élas-

1. « Application service provider » (fournisseur d’applications hébergées).


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 7 – L’information dans l’entreprise 147

ticité plus ou moins effective des ressources informatiques que l’on peut
faire varier en fonction des besoins de l’exploitation, sans autre augmen-
tation que celle des charges variables liées à l’augmentation du volume
de service informatique consommé auprès d’un prestataire (SSI).
• La diversité de ses formes
Le cloud computing public est celui dans lequel l’offre (harware et sof-
tware) est partagée par différents clients car elle est accessible à tous via
Internet. Les services peuvent être gratuits ou facturés à l’utilisation.
L’accessibilité du cloud public peut générer des problèmes de sécurité
(ex. : Google Cloud ou Windows Azure).
Le cloud computing privé est celui dans lequel l’offre est réservée aux
services d’une même entreprise cliente.
Généralement, les deux formes se combinent.
On distingue plusieurs types de services : le cloud d’infrastructures
(IaaS ou Infrastructure as a service) qui est le plus courant, où le fournis-
seur met à disposition à distance du matériel de traitement, des supports
de stockage et des réseaux ; le cloud applicatif (PaaS ou Platform as a
service) où le fournisseur met à disposition des outils logiciels de déve-
loppement ou de design ainsi que de gestion de données et enfin le
logiciel à la demande (SaaS ou Software as a service). Dans le cloud IaaS
l’entreprise cliente acquiert une capacité de traitement informatique
mais continue de gérer ses applications informatiques. Dans le cloud
SaaS, l’externalisation est totale.
• Les difficultés pouvant survenir
L’adaptation du système d’information de l’entreprise à l’ensemble des
prestations cloud ne se fait pas instantanément et certaines difficultés
peuvent apparaître du côté des changements de procédures et du confort
d’utilisation. Il est souvent nécessaire de standardiser les procédures de
travail internes pour s’adapter à l’offre logicielle du prestataire. Cela
peut correspondre finalement à un appauvrissement informationnel. Les
évolutions logicielles du prestataire peuvent être subies par le personnel
de l’entreprise utilisatrice, sans contre-partie perçue.

C. Les principaux domaines d’application


de l’informatique, dans l’entreprise
a. L’informatique de gestion
Elle recouvre l’exploitation informatique des données et l’utilisation des résultats pour
les décisions opérationnelles, tactiques et stratégiques.

Les différents niveaux de décision de l’entreprise utilisent l’informa-


tique de gestion. On a pu parler à ce propos de système d’information
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
148 Management et économie des entreprises

pour la gestion (SIG) ou système d’information pour le management


(SIM).
Le SIG peut lui-même être décomposé en trois sous-systèmes :
– opérationnel, qui recouvre les traitements liés à la réalisation des opé-
rations physiques ou administratives de l’entreprise (facturation, paie,
comptabilité, etc.) ;
– de reportage ; dont les traitements fournissent des rapports sur l’acti-
vité et le fonctionnement des divers systèmes opérants ;
– d’aide à la décision, qui applique de façon automatique certains
modèles et techniques d’aide à la décision, pour faciliter le travail
d’analyse des décideurs.
L’ERP (Enterprise Ressource Planning) ou PGI (progiciel de gestion inté-
grée) est une forme élaborée de SIG dont la vocation est de prendre en
charge la gestion de l’ensemble des fonctions de l’entreprise, en assurant
une homogénéité du système d’information qui doit apporter des gains
de productivité et une réactivité accrue.

b. L’informatique décisionnelle (business intelligence)


Elle fait partie de l’informatique de gestion au sens large et désigne les
différents outils informatiques qui aident leur utilisateur à prendre une
décision. Ces outils sont très variés : tableaux de bord, systèmes informa-
tiques d’aide à la décision (SIAD) et s’appliquent à tous les domaines de
gestion de l’entreprise (R&D, production, commercialisation, finance-
ment, etc.)1.

c. La bureautique
La bureautique recouvre l’ensemble des équipements électroniques de
bureau. Ils utilisent de plus en plus les technologies de l’informatique.
• Traitement de texte et gestion de bases de données
Le micro-ordinateur est devenu l’outil de base pour réaliser les opéra-
tions administratives traditionnelles (traitement de texte, tableaux, ges-
tion de bases de données).
Des périphériques : imprimante, scanner, enceintes, etc. et des équipe-
ments autonomes : électrocopieur, télécopieur (fax), matériel audio, pho-
tographique ou vidéo, complètent le micro-ordinateur.
Le smartphone sécurisé est devenu un outil indispensable des cadres
d’entreprise. Synchronisé avec l’ordinateur de bureau, il permet de
consulter ou de transmettre des documents bureautiques, mais égale-
ment de lire ou créer des fichiers multimédias et de se connecter aux

1.  V. aussi le chapitre 6 « Entreprendre et diriger ».


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 7 – L’information dans l’entreprise 149

divers réseaux de l’entreprise ou de ses partenaires (exemple du fameux


Boeing Black qui fonctionne avec le système d’exploitation Android).
• La gestion électronique de documents (GED)
Elle est aujourd’hui en plein développement avec la généralisation pro-
gressive de l’échange de données informatisées (EDI). Elle permet un
accès rapide à l’information et une meilleure circulation des documents
grâce à un logiciel de gestion des flux de documents (workflow) qui aug-
mente sensiblement la productivité du travail administratif et rend
presque accessible le « zéro papier ». Malgré l’absence de normalisation,
on met en place des plates-formes et services EDI (échange de données
informatisé) au sein des réseaux d’entreprises.
• La bureautique en ligne
Elle se développe rapidement aujourd’hui avec l’usage des tablettes,
notebooks et smartphones. Elle ne nécessite aucune installation sur le
poste de travail. Les logiciels sont compatibles avec la plupart des for-
mats standards (RTF, PDF, MS Office, etc.) et les fournisseurs proposent
des fonctions de partage et de collaboration à distance. Certains com-
mentateurs prédisent une disparition des applications bureautiques tra-
ditionnelles (v. infra le clouding).

d. La relation commerciale
L’exploitation des bases de données commerciales internes ou externes
à l’entreprise (Big data), la présence sur Internet à travers un site vitrine
et des comptes sur les réseaux sociaux, les logiciels de gestion commer-
ciale (de la tenue des fichiers clients, au planning des activités commer-
ciales, en passant par la prise de commande et la facturation, etc.), les
messages publicitaires par abonnement aux services de différents pres-
tataires internet sont basés sur l’IT (v. aussi les chapitres 14 et 15).

e. La productique (computer integrated


manufacturing – CIM)
Elle recouvre les diverses applications informatiques de la production
industrielle : CAO, PAO, CFAO, etc. (v. la fin du chapitre 16 « La pro-
duction de biens »).

f. L’informatique scientifique
Les applications scientifiques de l’informatique concernent les labora-
toires de recherche et développement (R&D) des entreprises. Elles
consistent à automatiser l’utilisation des mathématiques et permettent
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
150 Management et économie des entreprises

de modéliser, simuler et analyser divers phénomènes liés aux pro-


grammes de recherche menés dans l’entreprise.

g. L’informatique liée aux télécommunications


et aux réseaux
L’informatique est devenue incontournable dans la gestion de la trans-
mission d’information dans l’entreprise ou avec l’extérieur de celle-ci.
Elle s’exerce à travers les réseaux informatiques, la téléphonie mobile ou
fixe ou la télévision numérique. Ces différentes technologies se com-
plètent et sont de plus en plus liées à Internet.

D. La prévention des sinistres informatiques


a. La normalisation du contrôle de la sécurité
informationnelle
Dans un très grand nombre d’entreprises, l’activité est directement dépen-
dante du système informatique. Les fichiers informatiques contiennent
des informations opérationnelles indispensables et également des dos-
siers personnels et des informations commerciales ou stratégiques sen-
sibles. Le sinistre informatique devient une menace redoutable et les
entreprises mettent en place un plan de continuité d’activité (PCA). Des
normes internationales ont été développées à ce sujet (série des normes
ISO 27001 à 27008) qui permettent de juger de l’efficacité réelle du mana-
gement de la sécurité de l’information pratiqué dans l’entreprise.

b. La stratégie de sécurité informatique


La stratégie consiste à réduire l’impact des risques que l’on a diagnosti-
qués en mettant d’abord au point une solution pour faire face à chacun
d’eux. De plus, le cahier des charges sur lequel est négocié le service de
sécurité informatique (reprise d’activité et continuité d’activité) avec un
prestataire doit comporter une partie gestion de crise, une partie plan de
repli et une partie « plan de secours informatique et continuité-métier ».
Si un plan de continuité d’activité (PCA) existe dans l’entreprise, un
système de gestion de crise ainsi qu’une procédure de reprise d’activité
et de fonctionnement limité sont prévus (v. aussi chapitre 22).
La télésauvegarde est de plus en plus pratiquée. Elle peut être combinée
à la sauvegarde de données en continu et la copie instantanée. De plus,
certains prestataires proposent des outils de redémarrage qui s’appuient
sur la virtualisation des systèmes. Dans ces conditions, un redémarrage
assez rapide de l’activité est envisageable. Il est souvent indispensable à
la survie de l’entreprise.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 7 – L’information dans l’entreprise 151

VII. Vers « la transformation


numérique » des entreprises
Au-delà de l’informatique conçue comme un outil privilégié de gestion
de l’information les entreprises apprennent aujourd’hui à numériser leur
fonctionnement interne ainsi que leurs relations avec leurs différents
partenaires. C’est ainsi que le Medef a mis en place un Comité de trans-
formation numérique1 visant à promouvoir la transformation numérique
des entreprises afin d’améliorer leur productivité et d’enrichir leur offre
à la clientèle. Les produits, la relation-client, les systèmes internes de
l’entreprise se trouvent simplifiés et valorisés par la numérisation.
La numérisation d’une entreprise ne se limite donc pas à son site web ou
au commerce en ligne. Elle concerne aussi l’activité (informations liées
aux échanges de produits et aux consommations de ressources), l’inté-
gration des services, la gestion, la logistique et les communications, bref,
l’ensemble des fonctions d’une entreprise.
La numérisation permet de mettre en cohérence l’ensemble des informa-
tions de l’entreprise grâce au développement d’interfaces interapplica-
tives (formats pivots) qui permettent une gestion intégrée des communi-
cations, des courriels, des transactions, des bases de données etc.
La réussite éclatante de nombreuses entreprises purement digitales dans
différents secteurs d’activité pousse les entreprises traditionnelles à aller
plus loin dans leur numérisation en s’engageant dans une démarche de
« transformation digitale ».

A. Elle s’exerce au sein même de l’entreprise


D’une façon générale, elle débouche sur un développement du travail
collaboratif et des échanges d’informations et permet une réelle décen-
tralisation du pouvoir et des initiatives. L’ordinateur portable, l’ordina-
teur de bureau, la tablette et le smartphone en sont les outils individuels2.
Dans la R&D et le développement de produits nouveaux, la collabora-
tion autour d’un projet se trouve largement facilitée entre des partici-
pants géographiquement distants. Ils pourront coopérer sur une plateforme
en ligne leur permettant des échanges et contributions liées au projet.
La numérisation permet également de différencier et de valoriser les
produits auxquels elle sera désormais intégrée (ex. du fabricant d’équi-

1.  Une mission gouvernementale sur la transformation numérique de la société a été créée
en janvier 2014.
2. Concernant le risque d’hyperconnection et de blurring, v. p. 421.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
152 Management et économie des entreprises

pements électrique Legrand qui a élargi son offre à des équipements


domotiques, intégrant des fonctions logicielles et interconnectées).
Dans la formation, le e-learning facilite les actions de formation du per-
sonnel.
Dans la fabrication, elle débouche également sur une meilleure produc-
tivité et une plus grande réactivité des ateliers et lignes de fabrication
et postes de travail en rendant l’information plus rapide, plus fiable et
pertinente pour les opérationnels. La réalité virtuelle et augmentée vient
faciliter les opérations d’apprentissage des opérateurs et de contrôle des
activités.

B. Elle s’exerce dans les relations


de l’entreprise avec son environnement
Dans le domaine logistique la numérisation permet de rendre compa-
tibles les systèmes d’informations opérationnelles des divers partenaires
de la chaîne logistique globale. Celle-ci gagne en réactivité et en juste-à-
temps.
En matière commerciale, la numérisation permet d’accéder aux avan-
tages du Big data. En effet, l’entreprise peut collecter aujourd’hui très
rapidement un très grand nombre de données hétérogènes qu’il faut
structurer par de nouveaux modèles de gestion des données, de stockage
et de data mining. D’où la terminologie de Big data.
Cela permet de chercher à anticiper des tendances du marché et à élabo-
rer des profils de clientèle de façon beaucoup plus réactive. Au-delà du
marketing, la numérisation permet une plus grande réactivité dans les
opérations liées à la commercialisation des produits.
L’essor du Web 2.0 qui a généré de nombreux « réseaux sociaux » offre
un nouveau champ de la relation-client avec de nouveaux moyens de
diffuser les informations commerciales destinées aux prospects.
Le développement du e-commerce concerne de nombreuses entreprises.
La création d’entreprises s’appuie de plus en plus sur ce mode de com-
mercialisation largement facilité par des applications spécialisées et
adaptées aux smartphones comme Google Play ou Applestore.
En matière environnementale, la numérisation, en combinant la techno-
logie informatique avec celles de l’électronique et des télécoms, permet-
trait des réductions d’émissions de gaz à effet de serre de 7 % des émis-
sions totales de la France en 20201.

1. Selon l’étude menée par Alliance TICS (équipementiers télécoms et informatique), la


Fédération française des télécoms (télécoms) et la FIEEC (Industries électriques, électro-
niques et de communication), févr. 2010.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 7 – L’information dans l’entreprise 153

C. Elle impose parfois la mise en œuvre


d’un processus de transformation digitale
adapté aux particularités de l’entreprise
L’informatisation des services puis le site internet vitrine étaient une
première étape de l’intégration de l’IT dans l’organisation de l’entre-
prise. La transformation peut nécessiter une modification de la stratégie
et des bussiness models en imposant la prise en compte de la digitalisa-
tion sur le plan commercial et logistique ainsi que dans les relations
avec les fournisseurs et sous-traitants. Ce processus est devenu un mar-
ché pour des sociétés de conseil.
L’organisation de l’entreprise peut finalement en être transformée pour
s’orienter vers une structure moins hierarchique et plus transversale,
orientée processus et clients (v. le chapitre 12 « L’organisation de l’entre-
prise »).
POUR EN SAVOIR PLUS
Caillerez (P.), Pillou (J.-F.), Tout sur les systèmes d’information, Dunod, 2016.
Delamotte (B.), Les coulisses de l’intelligence économique, Nouveau monde, 2009.
Drucker (P.), Structures et changement, Village Mondial, 1996.
Fayon (D.), Tartar (M.), Transformation digitale  : 5 leviers pour l’entreprise, Pearson
France, 2014.
Kapferer (J.-N.), Rumeurs, le plus vieux média du monde, Le Seuil, 1990.
La Baume (R. de), Bertolus (J.-J.), La révolution sans visage, Belfond, 1997.
Le Moigne (J.-L.), Les systèmes d’information dans les organisations, PUF, 1973.
Lequeux (J.-L.), Manager avec les ERP, Progiciels de gestion intégrés et Internet, Les
Éditions d’Organisation, 1999.
Martinet (B.), Marti (Y.-M.), L’intelligence économique, Les yeux et les oreilles de l’entre-
prise, Les Éditions d’Organisation, 1996.
Lippa (M.), Reyre (I.), E-management, comment la révolution numérique transforme le
management, Dunod, 2015.
Nonaka (I.), Takeuchi (H.), The Knowledge-Creating Company, Oxford University Press,
1995.
Peaucelle (J.-L.), Systèmes d’information, Economica, 2002.
Reix (R.), Systèmes d’information et management des organisations, Vuibert Gestion, 2004.
le site des normes ISO 27000, http://www.iso27001security.com/html/27000.html
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
154
CHAPITRE 8
Management et économie des entreprises

La communication
et les réseaux
d’information
de l’entreprise

« Au bout des réseaux, il y a des hommes, des


sociétés, des cultures, des langues, des civili-
sations. »
D. Wolton, Il faut sauver la communication, 2004

I. En quoi consiste
la communication ?
Communiquer c’est échanger des informations. Cet échange se fait entre
les différentes composantes de l’entreprise et entre l’entreprise et son envi-
ronnement. La communication est grandement facilitée par l’usage des
NTIC (nouveaux outils d’information et de communication). Elle peut être
selon les cas, de nature interpersonnelle ou de groupe ou encore de masse.

A. Les éléments de la communication


(modèle de Shannon et Weaver)
– L’échange d’information se fait par l’intermédiaire d’un message,
construit selon un code. Il a un coût, comporte un délai et subit cer-
taines contraintes à la fois techniques et humaines.
– Le canal de transmission est le moyen matériel utilisé pour « transpor-
ter » l’information. Il existe des canaux internes à l’entreprise (réseau
informatique interne, réseau pneumatique, interphone…) et d’autres
qui la relient à son environnement (téléphone, télécopieur, connexion
à un réseau informatique externe…). De nombreux canaux ne relient
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 8 – La communication et les réseaux d’information de l’entreprise 155

pas directement l’émetteur à tous les destinataires, mais passent par


des intermédiaires (relais).
– Des « bruits » (distorsions, perturbations, détournements de l’informa-
tion) peuvent gêner la communication.
CANAL DE TRANSMISSION

Ce schéma descriptif et technique est réputé simpliste, car il laisse de côté


les éléments psychologiques et sociologiques de l’échange et ne prend
pas en compte d’éventuelles boucles de rétroaction (effets de feed-back).
– Lorsque le destinataire devient à son tour émetteur en réponse au mes-
sage qu’il a reçu, les rôles s’inversent et l’on peut parler de rétroaction
si on assimile cette réponse à une action en retour.
D’autres théories de la communication ont donc été développées (v. infra).

B. Les types de communication


a. Communication interne et communication externe
– La communication interne à l’entreprise, formelle ou non, permet à
celle-ci de fonctionner efficacement. Elle doit permettre à l’entreprise
de réduire fortement le volume d’informations nécessairement échan-
gées pour ses activités, par rapport à ce que serait la coordination des
mêmes activités par le marché, tout en instaurant une confiance réci-
proque entre les membres de l’entreprise. Elle apporte donc une éco-
nomie de « coûts de transaction »1.
– La communication externe tournée vers l’extérieur de l’entreprise peut
s’inscrire dans une démarche mercatique ou dans le cadre d’une poli-
tique des relations publiques, (publicité « institutionnelle »), mais elle
joue également un rôle important dans les politiques d’alliance et de
coopération industrielle (v. le chapitre 10 « La stratégie 2 ») et, bien
sûr, dans le cas extrême de l’entreprise-réseau (v. p. 237).

b. Communication verticale et communication


horizontale
La communication interne peut être verticale, c’est-à-dire « selon la voie
hiérarchique », à double sens (consultation) ou uniquement descendante
(ordres et instructions).

1.  Elle s’intègre à un « marketing interne » dont le but est de faire évoluer les attitudes et
comportements du personnel.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
156 Management et économie des entreprises

Elle peut être aussi horizontale ou transversale, c’est-à-dire consister en


des échanges réciproques d’information entre des unités et postes divers,
situés au même niveau hiérarchique. La coordination par ajustement
mutuel s’en trouve facilitée (v. Les mécanismes de coordination de
H. Mintzberg p. 271 et aussi le modèle J de M. Aoki p. 304).

c. Les communications formelles et informelles


– Les communications formelles sont organisées par l’entreprise pour
permettre le bon fonctionnement de ses services et présentent un
caractère obligatoire. Elles comprennent les communications hiérar-
chiques (ascendantes et descendantes) et les communications fonc-
tionnelles (liées à l’activité de conseil des services fonctionnels vis-à-
vis des opérationnels).
– (V. la structure hiérarchico-fonctionnelle p. 270).
– L’entreprise ne peut cependant pas tout prévoir et les communications
formelles sont insuffisantes pour la faire fonctionner efficacement1.
Elles doivent être complétées de communications informelles.
– Les communications informelles surviennent spontanément entre les
services et les employés de l’entreprise à la fois pour permettre le
fonctionnement de l’entreprise et pour satisfaire un besoin social.
Elles permettent l’ajustement mutuel indispensable au fonctionnement
de toute organisation. « La vie est tout simplement trop complexe pour
être complètement régulée »2.
Les entreprises facilitant la communication informelle et l’ajustement
mutuel gagneront donc en réactivité et en flexibilité.

Communication et mode de coordination

L’organisation taylorienne (ou mécaniste, ou bureaucratique) organise l’activité en dehors


des individus qui doivent appliquer les règles prédéfinies.
L’organisation flexible d’activités de plus en plus variables (projets, « sur mesure de
masse ») à base d’un travail de plus en plus intellectuel, impose une structure plus
organique et décentralisée à base d’ajustement mutuel et de communication horizontale
intense. Selon J.-Y. Capul* « On voit émerger peu à peu une nouvelle forme de rationalité
dans les organisations, rationalité qui vise à concilier l’autonomie requise de chacun et la
nécessaire coordination de l’activité de tous… Dans ce cadre, les échanges entre les
individus et la circulation des informations jouent un rôle déterminant. La communication
n’apparaît-elle pas alors comme une composante essentielle de cette nouvelle
rationalité ? ».

*  J.-Y. Capul, « Les communications dans les organisations », Cahiers français, no 258.

1.  V. M. Crozier, Le phénomène bureaucratique.


2.  Henry Mintzberg, Structure et dynamique des organisations.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 8 – La communication et les réseaux d’information de l’entreprise 157

d. Qu’appelle-t-on « communication de masse » ?


Alors que la communication interpersonnelle consiste en un échange
d’informations entre deux personnes, la communication de masse se
déroule entre un émetteur et un nombre important de récepteurs, grâce
à une technologie adaptée (ex. : la presse, la télévision ou Internet).
Cette communication de masse peut s’inscrire dans une démarche de
communication interne (comme avec le journal d’entreprise) ou externe
(comme dans le cas de la publicité commerciale ou de la publicité d’en-
treprise).

C. Les réseaux de communication au sein


de l’entreprise
a. Définition
Un réseau (ou circuit) regroupe l’ensemble des canaux utilisés par une entreprise. Il
permet la coordination de ses différents services.

b. Les formes de réseaux


Il existe de nombreuses études sur les formes de réseaux. Citons notam-
ment les travaux de Bavelas et Leavitt.
– On rencontre des réseaux centralisés, comme celui en forme de croix
qui est un réseau hiérarchisé dans lequel le chef apparaît à l’intersec-
tion de différents segments de subordonnés.

– Il existe aussi des réseaux décentralisés, comme celui en forme d’étoile


où les échanges sont complètement libres entre les différents interve-
nants.

Les réseaux décentralisés communiquent davantage d’information, ce


qui est présenté par certains comme une source d’erreurs et de gaspil-
lage, tandis que d’autres retiennent les avantages de souplesse et de
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
158 Management et économie des entreprises

rapidité qu’ils comportent. Tout dépend finalement de la taille de l’en-


treprise, de son activité et des besoins en communication qui en
découlent.

D. Les deux aspects de la communication


interne
a. L’aspect technique
Dans cette optique la communication s’exerce à travers de nombreux
outils (téléphone, talkies-walkies, fax, messagerie électronique, courrier
papier, forum, plate-forme collaborative, réunions, visioconférence, etc.)
afin de faciliter les activités opérationnelles et fonctionnelles en accom-
pagnant les flux de travail et en permettant le transfert des informations
de contrôle et de commande sans lesquelles la gestion des activités ne
serait pas possible.

b. L’aspect social
La communication est également nécessaire à la motivation et au mana-
gement des équipes afin d’informer et d’échanger sur les objectifs, la
stratégie, les problèmes rencontrés et la recherche de qualité. Elle per-
met de satisfaire le besoin d’échange des êtres sociaux que nous sommes.
Elle permet également un certain marketing interne visant à mobiliser
les équipes, notamment la force de vente ou les prestataires de service
en contact direct avec la clientèle.
Les réunions et stages ainsi que l’intranet de l’entreprise sont les outils
les plus utilisés.

E. Les difficultés de la communication interne


Elles dépendent de différents facteurs :
– La structure des réseaux de communication peut favoriser la produc-
tion de bruits (par exemple du fait de l’existence de courts-circuits1 ou
de la déperdition d’information du fait de trop longs canaux). Il
convient alors de réorganiser le réseau.
– Les émetteurs et récepteurs, peuvent manquer de formation ou de
motivation nécessaires à une bonne communication. Des actions de
formation et de sensibilisation sont envisageables.

1.  Un court-circuit est une déviation ou un détournement de la circulation d’information,


au détriment d’une personne qui se trouve ainsi marginalisée.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 8 – La communication et les réseaux d’information de l’entreprise 159

– Le trop grand nombre de messages transmis peut entraîner la satura-


tion des récepteurs1. Aucune réponse adaptée n’est alors obtenue. Il
convient dans ce cas de mettre en place un filtrage des flux d’informa-
tion : les récepteurs ne recevront alors que les informations qui leur
sont précisément destinées.
– La circulation de rumeurs vient compliquer le fonctionnement de
l’entreprise. Ces rumeurs sont un moyen d’exprimer les inquiétudes
liées à l’avenir et les tensions liées au rythme de travail. Elles peuvent
aussi servir d’exutoire aux rancœurs à la jalousie et à l’agressivité, au
même titre que le pitching-ball à l’effigie du patron utilisé dans cer-
taines entreprises japonaises. Elles sont également une forme de
contre-pouvoir.
EXEMPLE
La diffusion anticipée, souvent déformée, du contenu d’un plan stratégique dont
l’efficacité dépend du secret jusqu’au jour « J », neutralise celui-ci en le rendant
inutilisable.

Une production insuffisante ou inadaptée d’information générale (v. la


finalité sociale p. 133) favorise la production de ces rumeurs. Selon
J.N. Kapferer2, la rumeur est le média principal, à égalité avec la com-
munication interne officielle.
– La mise en concurrence des individus dans l’entreprise aboutit au
développement de stratégies individuelles ou collectives. L’affronte-
ment entre les personnes, les cliques, les catégories se déroule aussi
sur le terrain de l’information, par la pratique de la rétention ou du
détournement d’information, la propagande et la désinformation dans
un but de manipulation et de pouvoir.

F. La diversité des formes de communication


externe
– La communication commerciale, tournée vers la commercialisation
des produits (v. p. 341).
– La communication institutionnelle qui vise à promouvoir l’image et la
crédibilité de l’entreprise. Elle s’appuie sur des actions de relations
publiques, du mécénat et du parrainage ou sponsoring (v. p. 346).
– La communication financière est devenue très importante pour les
entreprises cotées en bourse (v. le développement des principes de la
gouvernance d’entreprise p. 10). Les entreprises concernées utilisent

1.  Selon le cabinet Pitney Bowes, un employé français reçoit en moyenne 165 messages/
jour (emails, télécopies, appels téléphoniques, courriers, etc.).
2.  Sociologue français, professeur à HEC.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
160 Management et économie des entreprises

les canaux traditionnels dans le cadre de leurs obligations légales de


communication aux actionnaires mais également de plus en plus la
communication sur Internet.
– La communication de crise doit permettre de faire face à des événe-
ments à caractère catastrophique pour l’entreprise. Dans un tel
contexte, informer est souvent le meilleur moyen de rassurer. Encore
faut-il que les informations communiquées soient crédibles et qu’elles
soient diffusées au bon moment, en utilisant des canaux adaptés. Le
recours à une agence de communication qui mettra en œuvre une stra-
tégie pertinente semble donc souhaitable (exemple des sociétés de
conseil en communication « Image sept » et « Wellcom »).

II. Quelles sont les principales


théories de la communication ?
A. Le modèle linéaire de Shannon et Weaver
(1949) (v. infra p. 154)
Selon Shannon et Weaver « Le meilleur transmetteur est […] celui qui
code le message de sorte que le signal ait précisément les caractéris-
tiques statistiques optimales qui soient le mieux adaptées au canal à
utiliser, ce qui en fait maximalise l’entropie du signal (ou du canal pour-
rait-on dire) et rend ce dernier égal à la capacité du canal ».

B. Le modèle de la communication de masse


de H. D. Lasswell (années 1930)
Selon H. D. Lasswell, on peut décrire « convenablement une action de
communication en répondant aux questions suivantes » : Qui, dit quoi,
par quel canal, à qui et avec quel effet ?
Cet auteur s’intéresse à la communication de masse et conçoit la com-
munication comme un processus d’influence et de persuasion à carac-
tère autoritaire. La question des finalités et des effets de la communica-
tion est posée. Toute forme de rétroaction est exclue et le contexte
sociologique et psychologique de l’échange des informations n’est pas
pris en compte.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 8 – La communication et les réseaux d’information de l’entreprise 161

C. Le modèle cybernétique de N. Wiener


Norbert Wiener est l’un des fondateurs de la cybernétique, c’est-à-dire la
« science de la communication et de la régulation chez l’être vivant ou
la machine » (voir le paragraphe des théories des organisations consacré
à l’approche systémique). Selon lui, la communication joue désormais
un rôle essentiel car « La société peut être comprise seulement à travers
une étude des messages et des “facilités” de communication dont elle
dispose ».
« Dans cette nouvelle optique, une société c’est une communauté
d’hommes créée et soutenue par un ensemble d’habitudes de communi-
cations, dont une culture et un langage communs constituent les élé-
ments essentiels ».
L’information ne doit pas seulement être transmise, mais échangée : un
feed-back (rétroaction) est donc nécessaire à la communication. Il cor-
respond à la réaction du récepteur au message émis et à son retour vers
l’émetteur.
SCHÉMA DE LA COMMUNICATION SELON N. WIENER
Entrées Supports Sorties

Émetteur Canal de transmission Récepteur

(Codage) (Décodage)

Bruits

Rétroaction
(feed-back)

Cette boucle de rétroaction est une boucle circulaire d’information qui


peut soit amplifier les tendances (rétroactions positives) soit les limiter
(rétroactions négatives).

D. Le modèle de l’échange langagier


de R. Jakobson
Roman Jakobson, linguiste, développe un modèle du message dans la
communication verbale, basé sur le modèle de Shannon. Ce modèle est
composé de 6 facteurs : le destinateur (émetteur) ; le message (codifié) ;
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
162 Management et économie des entreprises

le destinataire ; le contexte (conditions sociales) ; le code ; le contact


(liaison physique et psychologique entre l’émetteur et le récepteur) aux-
quels correspondent 6 fonctions.

a. Les 3 premières concernent la relation


– La fonction expressive : « elle vise à une expression directe de l’atti-
tude du sujet à l’égard de ce dont il parle ». Elle consiste à informer sur
l’état d’esprit de celui qui transmet le message et sa volonté d’exprimer
des pensées ou des émotions (« Ce n’est pas possible ! » ; « On y
croit ! »).
– La fonction conative : permet à l’émetteur d’agir sur le destinataire
(inciter à écouter, à agir, à émouvoir), comme dans le cas d’une com-
munication publicitaire (« Vous devez réagir ! » ; « Croyez-moi ! » ;
« Arrêtez ça ! »).
– La fonction phatique : cette fonction vise à provoquer et maintenir le
contact en cours de communication (« Allô ? » ; « Tu vois ? » ; « Com-
prends-tu ? »).

b. Les 3 suivantes concernent le contenu


de la communication
– La fonction métalinguistique : Cette « fonction de traduction » consiste
à expliciter le code lui-même. Elle vise à expliquer ou faire expliquer
le langage servant dans le message « Qu’entendez-vous par arbi-
traire ? » « Vous savez ce qu’est un VRP ? ».

SCHÉMA DE L’ÉCHANGE LANGAGIER DE R. JAKOBSON

Message

(Fonctions Information sur la personnalité de l’émetteur


concernant
la relation) Incitation à recevoir le message

Émetteur Établissement du contact avant la transmission


Destinataire
(destinateur)

Information concernant le langage du message


(Fonctions
concernant Information concernant le contexte du message
le contenu)
Contenu poétique du message
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 8 – La communication et les réseaux d’information de l’entreprise 163

– La fonction référentielle : Cet aspect du message est relatif au contexte,


au cadre du message, à ce dont on parle (évènementiel, scientifique,
culturel, sentimental, etc). (« La musique s’est arrêtée » ; « La tornade
venait de passer »).
– La fonction poétique : Il s’agit de la forme du message dans la mesure
où elle a une valeur esthétique particulière liée au choix des mots, au
raffinement ou à la fantaisie du vocabulaire. (« Le silence éternel de
ces espaces infinis m’effraie »1 ; « Soyez réaliste, demandez l’impos-
sible ! »2).
On a reproché à R. Jakobson de ne pas prendre en compte les interac-
tions entre les personnes qui communiquent, contrairement à l’école de
Paolo Alto.

E. L’école de Palo Alto


a. Les apports de cette école
Cette école a été formée par des chercheurs américains dans les
années 50 à Palo Alto en Californie, à l’initiative de l’anthropologue
Grégory Bateson. Leur démarche a consisté à appliquer la démarche
systémique et la cybernétique aux relations humaines et à la psychologie
et la psychiatrie.
Cette école postule que le système de relations prime sur les individus
qui le composent.
Elle pose de nouveaux axiomes :
– Au cœur d’un système on trouve un réseau de communication dont
tous les nœuds sont en interaction les uns avec les autres, de sorte que
l’« on ne peut pas ne pas communiquer » (selon la formule de
P. Watzlawick).
– Les interactions au sein d’un système tendent globalement à maintenir
l’équilibre général du système (homéostasie) ou contribuent au désé-
quilibre de celui-ci. Toute interaction produit des effets de rétroaction
(feed-back), soit négative qui tend à réduire certains écarts, soit posi-
tive qui amplifie ces écarts.
– Chaque message a un double sens car, tout en exprimant un contenu
informationnel, il donne une indication sur la relation entre les deux
communiquants et chaque message peut utiliser soit un langage digi-
tal (par l’explication rationnelle et analytique) soit un langage analo-
gique (métaphorique et illustratif), soit combiner les deux (P. Watzlawick).

1.  « Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie », Pensées, Blaise Pascal, 1670.
2.  Slogan créé et utilisé en mai 1968.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
164 Management et économie des entreprises

– Une fonction essentielle de la communication est de permettre à cha-


cun de présenter aux autres une image positive de lui-même (faire
« bonne figure ») en jouant un rôle dans le « théâtre » social auquel il
appartient. Celle-ci implique un engagement qui dépasse la parole en
utilisant la gestuelle et le corps tout entier (posture, comportement)
(E. Goffman).
– Toute situation de communication correspond à un cadre, un point de
vue particulier ; si deux cadres se chevauchent, ne correspondent pas,
il y a ce que l’on appelle des paradoxes ou des contradictions pouvant
générer des effets de double contrainte (double-bind) que la thérapie
ou la vie quotidienne peuvent éliminer en recadrant les réalités diver-
gentes (G. Bateson).
Les applications pratiques de l’école de Palo Alto vont de la communi-
cation à la méthodologie du changement en passant par de nouvelles
pratiques thérapeutiques (thérapie brève et thérapie familiale, ges-
talt-thérapie, analyse transactionnelle, par ex.).

b. L’analyse transactionnelle (AT)


Elle a été fondée par le psychiatre américain, Éric Berne, entre 1950
et 1970. Elle décrit la personnalité en termes d’« états du Moi ». Un état
du Moi est un « système cohérent de pensées, d’émotions, et de compor-
tements associés ». Trois types d’états du Moi sont possibles : parent,
adulte, enfant. L’AT propose des grilles de lecture pour comprendre des
problèmes relationnels et permet de repérer les « jeux psychologiques ».
Les échanges verbaux et comportementaux entre les personnes sont « les
transactions », au cours desquelles se manifestent les états du Moi. Les
transactions simples ne mettent en jeu qu’un seul état du Moi alors que
d’autres appelées « transactions doubles » mettent en jeu un état du Moi
sous-jacent ou caché qui peut être la cause d’un défaut de la communi-
cation.
Chaque échange (aller-retour) est une transaction qui met en relation
certains états du Moi des personnes qui communiquent. Il existe deux
types de transactions simples, c’est-à-dire dans lesquelles chaque inter-
venant est dans l’État du Moi attendu : les parallèles et les croisées.
– Lors d’une transaction parallèle, l’aller et le retour se font par le même
chenal, la même voie. Il n’y a pas dans la réponse, une intervention
d’autres états du Moi.
– Il existe 3 × 3 = 9 transactions parallèles possibles.
– Lors d’une transaction croisée, un autre état du Moi (EM) que celui
visé par le premier interlocuteur intervient. De plus, ce dernier touche
en réponse, un autre EM que celui d’où est partie la transaction.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 8 – La communication et les réseaux d’information de l’entreprise 165

De même, il existe deux types de transactions doubles : les cachées et les


angulaires.
Les transactions parallèles représentent théoriquement la communica-
tion la plus satisfaisante pour les deux intervenants. De plus, la
conscience des états du Moi en activité pendant une communication
permet de maîtriser cette communication et d’en éviter les pièges (tran-
saction angulaire).
Chaque individu recherche des signes de reconnaissance qui peuvent
être conditionnels ou inconditionnels, positifs ou négatifs. E. Berne
développe une analyse de l’économie des signes de reconnaissance.
Selon cette approche, la connaissance de nos propres comportements et
de leurs sources peut nous aider à corriger les comportements doulou-
reux. De nombreuses applications de psychothérapie ont ainsi été déve-
loppées, notamment aux États-Unis.

SCHÉMA D’UNE TRANSACTION PARALLÈLE

P
PARENT
P
PARENT

A
ADULTE
A
ADULTE

E
ENFANT
E
ENFANT

F. La microsociologie de l’école de Chicago


Pour le sociologue américain Erving Goffman (1922-1982), qui eut une
influence considérable sur la sociologie américaine puis européenne, la
vie sociale est une sorte de théâtre. Les individus endossent des rôles
différents selon qu’ils sont au travail, dans une soirée ou dans leur vie
familiale. La communication est interprétée comme un ensemble de
« rituels d’interaction », de gestes, de mimiques et d’expressions ver-
bales.
Pour Goffman, l’image de chaque « interactant » est exposée à l’autre :
– pour défendre son propre territoire (face négative) ;
– pour proposer une image de soi valorisante (face positive).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
166 Management et économie des entreprises

L’effort du communicant (interactant) doit viser en permanence à éviter


les Actes menaçant la face de l’autre (AMF). La communication ne peut
exister que grâce à de nombreux rituels auxquels se livrent les partici-
pants pour contourner les AMF. La politesse devient la « matrice
sociale » de la communication.
Quel que soit le rituel, chacun essaie de préserver sa face et celle de ses
partenaires en utilisant des stratégies diverses : les « figurations » (pré-
ventives, de protection ou de réparation).

III. Les « nouvelles » technologies de


l’information et de la communication
(NTIC ou TIC) font émerger
le concept de réseau
Les TIC permettent de supprimer les délais et d’abolir les distances. Une
communication instantanée est désormais possible entre des personnes
se situant à très grande distance les unes des autres. Cela n’est pas sans
conséquence sur l’organisation des activités d’entreprise.

a. La télématique et ses applications


Grâce à l’adjonction d’une carte modem, un ordinateur devient aussi un
outil de télécommunication polyvalent facilement connectable à Inter-
net. Travail et production de services à distance, échanges de documents
informatisés (EDI), d’informations détaillées sous forme d’écrits, de
plans, d’images ou de sons, prospection de clientèle au niveau interna-
tional… les perspectives de développement de ces nouveaux procédés
sont très importantes.
• Les échanges électroniques professionnels
Depuis la fin des années 80, on a assisté au développement des EDI entre
entreprises partenaires. Tarifs, devis, commandes, factures, ordres de
fabrication et ordres de virement sont concernés. Certains standards se
sont imposés comme l’EDIFACT (electronic data interchange for admi-
nistration commerce and transport) ou XML. Ces échanges de messages
structurés suivant des formats prédéfinis sont très avantageux dans le
cas de messages répétitifs entre des partenaires industriels et commer-
ciaux qui coopèrent durablement. À côté des échanges de données infor-
matisées, les appels d’offres électroniques, la pratique de la signature
électronique, ou encore la facture électronique se sont développés. Ces
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 8 – La communication et les réseaux d’information de l’entreprise 167

échanges électroniques permettent de réduire les coûts administratifs et


de diminuer les risques d’erreurs.
• La visioconférence ou visioréunion
Elle consiste à réunir de façon virtuelle des interlocuteurs distants, par
le biais d’un réseau informatique de communication (Intranet ou Extra-
net). Elle est en plein développement, y compris dans les entreprises de
moyenne ou petite dimension. Grâce à l’évolution technique, elle
devient de plus en plus une application de l’informatique et est acces-
sible à la demande sur internet auprès de sociétés spécialisées. Des
solutions en 3D sont même proposées par différents éditeurs de logiciels
(technologie hologramme).

b. Les réseaux informationnels


1. L’étendue du réseau
• Le réseau local (LAN : Local Area Network)
Il peut relier de nombreux postes au sein d’un même bâtiment ou groupe
de bâtiments d’entreprise. Il peut s’agir d’un réseau cablé (protocole
Ethernet) ou d’un réseau WIFI (WLAN). Un concentrateur (hub) ou un
commutateur (switch) permet d’orchestrer les échanges sur le réseau. Au
sein d’une même agglomération urbaine, plusieurs LAN peuvent être
reliés par l’intermédiaire de lignes téléphoniques pour aboutir à un
MAN (Metropolitan Area Network).
• Le réseau étendu (WAN : Wide Area Network)
Des ordinateurs et des réseaux locaux peuvent avoir à se connecter à
l’échelle d’un pays ou d’un continent en recourant à des règles de com-
munication (protocoles) spécifiques (comme SONET ou IP/MPLS). Les
entreprises qui utilisent ce type de réseau relient les réseaux locaux par
des lignes privées afin de constituer un réseau privé (propriétaire).
Lorsque le réseau s’étend à l’échelle mondiale, on parle de GAN (Global
Area Network). Le réseau Internet en est évidemment un exemple mais
des réseaux privés existent également à cette échelle.
• Le réseau VPN (Virtual Private Network)
Il est également possible de recourir à un réseau de communication
virtuel qui utilise le plus souvent comme support le réseau physique
global Internet qui est disponible gratuitement (contrairement à un
réseau physique privé). Le réseau VPN recourt à un tunnel pour trans-
mettre les informations qui sont cryptées entre lui et son client.

2. Réseau propriétaire ou réseau ouvert ?


• Le réseau propriétaire : c’est un réseau interne de transmission de
données qui relie différents sites. Il est constitué de réseaux locaux
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
168 Management et économie des entreprises

reliés entre eux en utilisant des lignes téléphoniques dédiées ou un


réseau de type IP. Il peut prendre la forme d’un réseau Intranet.
EXEMPLE
Le réseau propriétaire SWIFT permet aux différents acteurs des marchés financiers
de sécuriser leurs échanges de données tout en garantissant la rapidité nécessaire.

• Le réseau ouvert correspond aujourd’hui au réseau Internet. Son avan-


tage principal est le coût très réduit de la mise en place d’un site sur
ce réseau ou de l’installation d’un Intranet hébergé sur le réseau. En
contrepartie la sécurité du réseau Intranet « hébergé » sur Internet est
moindre que dans le cas d’un réseau propriétaire, puisque sa protec-
tion ne peut être que logicielle. Néanmoins, la technologie SSL permet
la création d’un tunnel numérique d’échange de données qui exclut
toute intrusion. La technologie du cryptage est également utilisable.
LA RECHERCHE D’UN CONTRÔLE GÉNÉRAL
DES SYSTÈMES INFORMATIONNELS DE L’ENTREPRISE

• Le réseau dématérialisé (cloud computing) correspond à l’accès, grâce


à différents outils d’entrée (smartphones, micro-ordinateurs, tablettes,
serveurs, etc.) au « nuage » des ressources informatiques disponibles
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 8 – La communication et les réseaux d’information de l’entreprise 169

en ligne sans que l’entreprise en soit propriétaire ni gestionnaire. Ces


ressources peuvent être partagées ou dédiées, extensibles ou non selon
les contrats passés avec la société prestataire informatique (ex. : OVH).
Le réseau ainsi que les différentes ressources auxquelles il donne accès
se trouve ainsi à l’extérieur de l’entreprise (dans le… nuage) autant sur
le plan juridique que sur le plan matériel, mais celle-ci peut l’utiliser
avec une efficacité garantie. Le réseau devient virtuel et appartient au
cloud computing.
Les clouds publics sont des infrastructures et applications gérées par les
fournisseurs de solutions auxquels les entreprises clientes achètent
divers « services » (ex. : Google Apps) sans se mêler de la gestion de ces
clouds.
Tandis que les clouds privés sont mis en place par des entreprises qui
ont choisi cette solution en ayant recours à un hébergeur pour gérer à
distance certaines données et applications, selon leurs prescriptions.
Une solution intermédiaire est celle des clouds communautaires. Ils sont
mis en place par plusieurs entreprises qui ont les mêmes besoins et
veulent réduire les charge d’un cloud (ex. : cloud partagé entre les socié-
tés d’un groupe industriel ou financier). Il peut d’ailleurs s’agir d’un
cloud lié au métier des entreprises utilisatrices (ex. : cloud partagé par
les entreprises d’un même secteur, lié à des coopérations de R&D ou de
commercialisation).

L’exemple de la coopération Amadeus entre les aéroports et les compagnies


aériennes du monde entier.
Amadeus est l’un des premiers fournisseurs mondiaux de solutions technologiques de
pointe pour l’industrie du voyage et du tourisme. Les clients d’Amadeus sont des
fournisseurs de voyages (compagnies aériennes, hôtels, compagnies ferroviaires et de
ferries, etc.), des vendeurs de voyages (agences de voyages et sites internet) et des
acheteurs de voyages (les entreprises et voyageurs).
Amadeus s’oriente aujourd’hui vers la mise en place de plateformes communautaires de
nouvelle génération pour les aéroports et les compagnies aériennes, basées sur le cloud
computing communautaire afin de réduire les coûts de matériel informatique et de réaliser
des économies d’espace et des économies d’échelle qui permettront aux aéroports et aux
compagnies aériennes d’améliorer la qualité de leurs services et leur rentabilité.

Chaque entreprise peut combiner ces trois solutions selon ses besoins
spécifiques.

3. Un réseau intranet
C’est un réseau interne de transmission d’informations, en principe inaccessible de
l’extérieur, qui relie les différents sites de l’entreprise, utilisant les protocoles d’internet.
Cette dernière caractéristique permet à l’entreprise de recourir à des modes standards
de transmission des données et à des logiciels d’accès (dits butineurs ou browsers),
standardisés et peu coûteux.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
170 Management et économie des entreprises

• L’intranet repose sur une architecture « client-serveur », c’est-à-dire fai-


sant dialoguer deux programmes, l’un pour gérer la présentation et l’autre
réalisant le traitement demandé. Un serveur Intranet sert d’intermédiaire
entre le butineur de l’utilisateur et les données requises (qu’il stocke et
extrait en fonction des demandes). Le réseau assure la circulation des
messages entre serveur et utilisateurs. La page web est le standard univer-
sel, ce qui facilite l’apprentissage des utilisateurs. Tous les types d’ordi-
nateurs, de systèmes d’exploitation (Windows, Linux…) conviennent.

ORGANISATION GÉNÉRALE D’UN RÉSEAU INTRANET-EXTRANET

Bases de données
de l’entreprise

Forums
Groupware Fournisseurs
Visioconférences Serveur Serveur Banques
Réseau Intranet-Extranet
Courrier électronique Intranet Extranet Transporteurs
Télétravail Entreprises clientes
Agendas électroniques Serveur
web

Logiciels anti-intrusion (firewalls)

Site Internet, messagerie, accès Internet

• L’intranet permet l’échange de données informatisées, le partage de


documents et le travail en coopération sur des projets, l’accès à des
bases de données et des tableaux de bord, les réunions virtuelles
(visioconférences), la messagerie électronique, etc.
Il favorise la transparence et facilite la communication interne et le tra-
vail en équipe, à distance (logiciel groupwares).
Le réseau étant a priori fermé (réseau propriétaire), assure une bonne
sécurité (filtrage sélectif des accès, pénétration interdite depuis l’exté-
rieur du réseau).
La sécurité doit être renforcée si le réseau utilise Internet comme sup-
port. La question de la sécurité peut aussi se compliquer lorsque l’on
ouvre des passerelles d’accès vers l’extérieur du réseau (vers les fournis-
seurs, clients, banquiers, etc.), créant ainsi un extranet.
L’EXEMPLE DE L’INTRANET DE PSA PEUGEOT CITROËN
Selon Bénédicte Alzati, responsable e-communication chez PSA, citée par le site journal-
dunet.com en novembre 2003, l’intranet est un véritable outil stratégique de communi-
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 8 – La communication et les réseaux d’information de l’entreprise 171

cation interne pour le groupe. Cet outil repose sur un portail personnalisable qui fédère
plus de 300 sites internes.
En mars 2013, PSA a mis également en place un intranet spécialisé : « Mon Service RH »,
permettant un accès à la fois aux salariés, managers et opérationnels RH et mettant à
leur disposition plus de 200 articles sur les thèmes suscitant le plus de questions (FAQ)
relatives à la paie et à la gestion administrative de leur dossier.

4. Un réseau extranet
L’extranet est un accès sécurisé à des ressources informationnelles,
accordé par l’entreprise, à certains de ses partenaires (« l’entreprise
étendue »).
Cela facilite la gestion « juste à temps », la gestion en temps réel de
réseaux de partenaires autour de projets communs, le suivi des presta-
tions inter-entreprises (business to business) et le supply chain manage-
ment.
Il requiert l’emploi d’un serveur extranet et implique généralement l’uti-
lisation du réseau Internet. Les questions de sécurité du réseau sont
donc plus complexes.
EXEMPLE
Le portail B2B de PSA permettant un accès sécurisé aux entreprises fournisseuses et
sous-traitantes.

EXEMPLE DE STRUCTURE D’UN INTRANET-EXTRANET

Banques
Relation avec les partenaires
Fournisseurs et sous-traitants

Fabrication
Les produits
Page d’accueil Distributeurs, entreprises clientes
Intranet-Extranet
Les forums internes

Offres d’emploi, promotions,


Relations avec le personnel
formation, administration...

c. Les outils de la communication en réseau


1. Les collecticiels (groupwares)
Ce sont des logiciels de communication informatique utilisés sur les
réseaux internes. Ils permettent de communiquer, de coopérer (partage
d’informations et documents) et de coordonner le travail en groupe (pro-
jet, réunion, agenda commun, etc.). Ils réduisent fortement le coût de la
communication ainsi que la consommation de papier et de téléphone et
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
172 Management et économie des entreprises

les délais des échanges d’information. Le risque est que l’on en vienne à
réduire trop fortement la communication directe entre les membres de
l’entreprise. Logiciels : notes, groupwise, exchange.

2. Architecture « client-serveur » ou « peer to peer » (p2p) ?


• Les réseaux d’entreprise fonctionnent de façon habituelle selon le prin-
cipe « client-serveur » : les utilisateurs (clients) font appel aux serveurs
qui gèrent les ressources communes (bases de données et logiciels).
– L’architecture client/serveur est particulièrement recommandée pour
garantir un grand niveau de fiabilité.
– Les ressources sont communes ce qui évite les problèmes de redon-
dance et de contradiction.
– La sécurité est meilleure car le nombre de points d’accès aux données
est réduit.
– L’administration des ressources se fait au niveau du serveur.
– Il est possible de supprimer ou rajouter des clients sans perturber le
fonctionnement du réseau lui-même.
L’architecture client/serveur a tout de même quelques inconvénients : un
coût élevé dû à la technicité du serveur et la vulnérabilité du réseau qui
est architecturé autour du serveur et dépend donc entièrement de lui.
• Le modèle p2p (échange direct d’ordinateur à ordinateur) met tous les
ordinateurs connectés à égalité, chacun jouant tantôt le rôle de client et
tantôt le rôle de serveur. Cela facilite les échanges entre les postes et cela
réduit les coûts puisque les serveurs disparaissent ! En fait, il semblerait
que le p2p vienne plutôt compléter l’architecture client-serveur pour un
certain nombre d’applications. Car actuellement, sa généralisation se
heurterait à la volonté des entreprises de garder la maîtrise de leurs
réseaux de communication, en limitant l’autonomie des utilisateurs.
– Le p2p assisté est celui dans lequel la requête d’un utilisateur passe
d’abord par un serveur central, même si celui-ci n’intervient pas dans
le transfert de fichier.
– Le p2p décentralisé repose quant à lui directement sur les ordinateurs
du réseau, chacun d’entre eux mettant ses ressources à disposition des
autres.

3. Plateforme logicielle « collaborative »


La mise en place de plateformes logicielles de travail collaboratif facilite
la pratique de l’ingénierie concourante. Elles permettent de faire travail-
ler plusieurs personnes sur une base de données commune de façon
coordonnée et à distance. Elles prennent généralement la forme d’un
portail web, réunissant tous les outils de communication et de partage
nécessaires au travail collaboratif dans le but de faciliter la coordination
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 8 – La communication et les réseaux d’information de l’entreprise 173

des projets collaboratifs et de réduire leurs coûts. Des hébergeurs pro-


posent un abonnement mensuel pour ce service.

4. Workflow (documentation d’une procédure de travail assisté


par ordinateur)
Le workflow précise les interfaces nécessaires à chaque activité et pro-
gramme les tables d’adressage permettant de router automatiquement les
messages à l’issue d’une tâche. Le délai de réalisation des différentes
tâches est surveillé par un « timer » qui prévient l’utilisateur en cas de
dépassement, ou qui réoriente le message vers un autre utilisateur.

IV. L’intégration des NTIC


dans l’entreprise
a. L’impact organisationnel
– Le développement du travail en réseau, en développant la transpa-
rence informationnelle, peut remettre en question la structure hiérar-
chique de l’entreprise, basée en partie sur le contrôle de l’information.
Une adaptation de la structure doit donc être progressivement réalisée.
– Le développement du télétravail abolit la frontière entre vie profession-
nelle et vie privée. Il réduit parfois les besoins en locaux de l’entreprise
en multipliant les employés nomades reliés à l’entité par leur ordina-
teur portable, combiné à un modem. Cela pose le problème social et
psychologique du maintien du sentiment d’appartenance à l’entreprise
et peut déboucher sur une « hyperconnexion » néfaste pour la santé1.
– Le risque d’embouteillage informationnel existe dans la structure
décentralisée que constitue le réseau et impose la mise en place par le
biais du serveur d’un système de limitation des destinataires et des
accès (codes d’accès et listes de diffusion).
– Le contrôle des activités est facilité par la mise en place d’un système
de comptage des messages échangés et de supervision directe du tra-
vail en ligne.

b. L’adaptation aux besoins de l’entreprise


Elle suppose que le projet Intranet soit construit en fonction des besoins
de l’organisation et non pas « plaqué » sur l’entreprise par des informa-
ticiens, surtout préoccupés par la résolution des problèmes techniques.

1. Voir p. 421.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
174 Management et économie des entreprises

L’association des utilisateurs au projet et l’évaluation précise de leurs


besoins est donc nécessaire, afin que l’Intranet constitue un véritable
outil de travail.

c. La sécurité du réseau
Si la sécurité d’un Intranet semble a priori assurée grâce à une bonne
gestion des droits d’accès, les risques d’intrusion existent lorsque l’en-
treprise met en place un extranet et de façon générale, lorsque son réseau
est relié à Internet.
Les sociétés de service et d’ingénierie informatique (SSII) offrent un
service de restauration de systèmes (backup service) aux entreprises qui
subissent un sinistre informatique.
Des responsables de la sécurité des systèmes d’information (RSSI) sont
recrutés afin de mettre en place les moyens de protection des systèmes
informatiques et des réseaux. La pratique des tests d’intrusion (généra-
lement coûteux) permet de repérer les points vulnérables d’un système.
La mise en place de barrages filtrants à l’entrée (firewalls) permet d’évi-
ter un grand nombre d’accès non autorisés.
Selon le Medef, les principaux risques sont : le vol d’informations,
l’usurpation d’identité, les intrusions et utilisations de ressources sys-
tèmes, la mise hors service des systèmes informatiques.
POUR EN SAVOIR PLUS
Drucker (P.), Structures et changement, Village Mondial, 1996.
Goffman (E.), La mise en scène de la vie quotidienne, Les relations en public, tome 2, Les
Éditions de Minuit, 1973.
Heinderyckx (F.), Une introduction aux fondements théoriques de l’étude des médias,
Liège, Cefal-Sup, 2002.
Kapferer (J.-N.), Rumeurs, le plus vieux média du monde, Le Seuil, 1990.
La Baume (R. de), Bertolus (J.-J.), La révolution sans visage, Belfond, 1997.
Mattelart (A.& M.), Histoire des théories de la communication, La Découverte, Collection
Repères, 2004.
Wiener (N.), Cybernétique et société, Les Éditions des Deux-Rives, 1962.
Wolton (D.), Penser la communication, Flammarion, 2008.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
CHAPITRE 9 Chapitre 9 – La démarche stratégique 175

La stratégie :
1. La démarche
stratégique

« Tracer des trajectoires d’évolution, suffisam-


ment fermes et longues, autour desquelles
pourraient s’ordonner les décisions et actions
ponctuelles de l’entreprise. »
A.C. Martinet, Stratégie

I. La notion de stratégie
A. Définition
La stratégie d’une entreprise consiste en la combinaison des objectifs qu’elle s’est don-
nés et des moyens qu’elle a choisis pour les atteindre à partir d’une analyse de son
environnement. Elle correspond donc aux axes de développement de cette entreprise.
Elle instaure une «  logique d’entreprise  » et un modèle économique propre à cette
entreprise.

Elle ne doit pas être confondue avec la recherche d’efficacité opération-


nelle que privilégient certaines entreprises à travers la gestion à flux
tendus ou le management de la qualité, par exemple. Elle n’est pas défi-
nie une fois pour toutes mais peut évoluer dans le temps.
LE CHANGEMENT DE MODÈLE ÉCONOMIQUE DE CARREFOUR
Dénommé « Plan de transformation Carrefour 2022 », c’est un tournant stratégique pour
l’entreprise. Celui-ci consiste en une simplification de l’organisation, orientée vers la
participation du personnel et le développement des partenariats (producteurs bio et
producteurs locaux) ; un recentrage sur un nombre de magasins inférieur et de surface
moins grande (supermarchés et proximité) mais bien situés ; un développement du
e-commerce alimentaire et non-alimentaire ; un développement des services (drive ;
livraison express) et des concepts porteurs (bio ; gourmet ; traiteur).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
176 Management et économie des entreprises

Elle peut se formuler à deux niveaux complémentaires :


– celui de l’ensemble de l’entreprise (corporate strategy) auquel
s’adaptent bien les modèles de portefeuille (v. chapitre 10),
– celui de chacun des domaines d’activités (DAS), dans le cas d’une
entreprise se développant à travers plusieurs métiers ; on parle alors de
stratégie de domaine d’activité ou d’affaire (business strategy), à
laquelle s’applique très bien l’analyse de M.E. Porter (v. chapitre 11).
L’entreprise cherche, par sa stratégie, à se positionner de telle sorte
qu’elle puisse obtenir, de façon durable, des résultats satisfaisants pour
ses dirigeants et ses partenaires (actionnaires, personnel, banque…).
Selon A.-C. Martinet, la stratégie retenue est finalement un compromis
entre ce que l’entreprise veut faire, ce qu’elle a les moyens de faire, ce
qu’elle devrait faire et ce qu’elle est autorisée à faire :

Valeurs, buts, aspirations, objectifs des dirigeants


(ce que l’entreprise veut faire)

Compétences, ressources, Opportunités et menaces


forces et faiblesses de l’environnement technique,
de l’entreprise STRATÉGIE économique et social
(ce que l’entreprise (ce que l’entreprise
a la capacité de faire) devrait faire)

Obligations et pressions sociales


(ce que l’entreprise est autorisée à faire)

B. Caractéristiques de la stratégie
– Elle positionne l’entreprise par rapport à son environnement, à partir
d’une analyse de celui-ci et en fonction de ses potentialités. La straté-
gie repose sur une « intelligence des contraintes ». P. Drucker désigne
cette interprétation de l’environnement par l’appellation « logique
d’entreprise1 ».
– Elle engage l’entreprise à long terme puisqu’elle consiste en des déci-
sions qui nécessitent une durée importante pour aboutir, dans la
mesure où elles concernent les activités et les structures mêmes de
l’entreprise.
– Elle engage l’entreprise tout entière, contrairement aux décisions tac-
tiques (modalités d’exécution de la stratégie) et dépend de la direction
générale.

1.  P. Drucker, Structures et changements, Village Mondial, 1996.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 9 – La démarche stratégique 177

EXEMPLE
Ainsi, la direction de Renault-Nissan-Mitsubishi, a fait plusieurs choix stratégiques
majeurs pour le groupe :
– l’axe « Alliance 2022 » du développement du véhicule électrique, dont l’un des
prolongements est la création en 2017 d’une coentreprise eGT avec le constructeur
chinois Dongfeng Motor chargée de construire et commercialiser de petits véhicules
électriques en Chine.
– le partenariat avec le russe AvtoVAz, entamé en 2008 en développant notamment
la marque LADA et en redressant l’entreprise AvtoVAZ à partir de 2017.
– l’alliance avec Daimler AG depuis 2010. Qui a débouché sur de nombreux projets
communs
– la prise de participation de NISSAN dans le capital de MITSUBISHI en 2016 qui a
donné au groupe la taille de l’un des leaders du secteur automobile mondial

C. Intérêt de la stratégie d’entreprise


Elle oblige l’entreprise à étudier et prévoir les principales évolutions de
son environnement, à s’adapter à ses évolutions et à agir sur lui.
La gestion stratégique permet à l’entreprise d’établir, de façon raisonnée,
ses axes de développement. Elle facilite sa gestion courante, en donnant
un cadre de référence et des finalités cohérentes, à toutes les décisions
d’exploitation.

D. Stratégie globale et stratégie d’activité


La stratégie globale de l’entreprise (corporate strategy) consiste princi-
palement à choisir les domaines d’activité dans lesquels celle-ci va se
développer et ceux dont elle souhaite éventuellement se retirer. Elle
implique souvent la recherche de complémentarité entre les activités,
donnant ainsi naissance à une logique de gestion de « portefeuille d’ac-
tivités ». De plus l’entreprise peut également se développer à travers
plusieurs métiers regroupant chacun plusieurs domaines d’activités.
La stratégie d’activité (business strategy) consiste à choisir les objectifs
et moyens à mettre en œuvre pour chacun des domaines d’activité stra-
tégique (DAS) de l’entreprise. Elle repose sur une analyse spécifique à
l’activité considérée mais intègre également des choix liés aux relations
de complémentarité qui peuvent s’établir entre les DAS de l’entreprise
au sein d’un même métier.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
178 Management et économie des entreprises

II. Historique de l’analyse stratégique


1965 : le modèle de la politique générale – LCAG
La présentation, devenue classique en France (analyse de l’environnement et analyse de
l’entreprise > prise en compte des valeurs et objectifs généraux des dirigeants
> formulation d’une stratégie) est conforme à l’approche des auteurs du modèle LCAG (dit
de politique générale) né du travail des pionniers de l’analyse stratégique : Learned E.P.,
Christensen C.R., Andrews K.R., Guth W.Q. de l’université Harvard (États-Unis). Cette
démarche va permettre une adéquation stratégique de l’entreprise (v. le schéma ci-après).
1970-1980 : la vogue de la planification stratégique
La planification stratégique se développe à partir des années 70 sous l’impulsion d’Igor
Ansoff et de différents cabinets de conseil en stratégie américains. Mais la crise
économique va mettre un frein à cet engouement et l’on reproche bientôt à la planification
de bloquer les initiatives et de nuire à l’adaptabilité des entreprises. La planification
stratégique s’assouplit et l’essentiel de son intérêt semble résider de plus en plus dans
la démarche et l’attitude qu’elle suscite à l’égard de l’environnement.
Années 1990-2000 : la recherche d’une vision stratégique
Les modèles s’appuyant sur le passé de l’entreprise sont de plus en plus critiqués, car les
activités de demain s’adresseront à des marchés qui n’existent pas encore aujourd’hui.
Il faudrait donc oublier son passé, éviter la planification stratégique contraignante, rechercher
une vision du développement de l’entreprise s’appuyant sur ses ressources et compétences-
clés. Dans un environnement concurrentiel en évolution permanente et difficilement prévisible,
il faut développer les ressources et les compétences technologiques et commerciales de
l’entreprise afin qu’elle puisse miser sur la réactivité par la flexibilité et l’innovation.
Hamel et Prahalad* mettent alors en avant l’importance de l’intention stratégique plutôt
que celle de l’adéquation stratégique (stratégies d’adaptation). Cette intention stratégique
doit conduire une entreprise à rechercher une modification des règles du jeu concurrentiel
qui l’avantage. L’entreprise doit devenir proactive et rule breaker plutôt que rule taker.
Le renouveau de l’approche stratégique
Dans les années 2000, Mickael Porter s’est insurgé contre la tendance à confondre
stratégie et optimisation. Critiquant ceux qui comme H. Mintzberg considèrent que la
construction d’une stratégie conduit à la rigidité et l’autisme, M. Porter rappelle que la
construction d’avantages économiques durables résulte de la stratégie de l’entreprise et
que l’optimisation, quant à elle, ne permet qu’un alignement sur les pratiques standards
(TQM, JAT, benchmarking, etc.). Un tel alignement n’aboutit d’ailleurs, selon lui, qu’à
renforcer finalement la concurrence par les prix, au détriment des entreprises.
D’autres auteurs souhaitent éviter eux aussi le piège de l’optimisation, mais en privilégiant
une approche qui dépasse le positionnement stratégique hérité de M. Porter. C’est celle de
l’« innovation stratégique » ou d’une « stratégie du nouveau jeu » préconisée par Lehmann-
Ortega et Roy. L’idée est que dans un secteur mature, la seule façon de s’imposer pour une
entreprise est de changer les règles du jeu concurrentiel du secteur, suivant en cela
l’exemple des japonais qui se sont imposés sur de nombreux marchés dans les années 1970.
L’« innovation stratégique » consiste à proposer une nouvelle valeur aux clients pour
développer un marché nouveau sur lequel prospérer. C’est ce que prescrivent notamment
Kim et Mauborgne avec leur stratégie « Océan bleu » (v. p. 254). On parle aussi de stratégie
de rupture ou disruptive pour désigner cette démarche.
*  Hamel et Prahalad, La Conquête du futur, 1994.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 9 – La démarche stratégique 179

III. L’analyse stratégique


et ses modèles principaux
A. L’analyse stratégique
Elle consiste à étudier les conditions de l’environnement et à repérer les capacités de
l’entreprise par rapport à ces conditions et par rapport à ses finalités. Elle permet ensuite
de définir et d’évaluer les différentes stratégies possibles et de faciliter ainsi le choix
d’une stratégie pour l’entreprise.

Analyse de l’environnement Analyse du potentiel Finalités


(opportunités de l’entreprise de l’entreprise
et contraintes) (forces et faiblesses)

Choix d’une stratégie (objectifs et moyens)

Plans d’action: mercatique, technique, financier, social,etc.

Cette présentation, devenue classique, est conforme à l’approche des auteurs du modèle
LCAG (dit de politique générale), simplifiée dans le modèle SWOT.

B. Le modèle SWOT (ou FFOM,


forces‑faiblesses, opportunités-menaces)
L’analyse Strengths (forces) – Weaknesses (faiblesses) – Opportunities
(opportunités) – Threats (Menaces) est la version simplifiée du modèle
LCAG. Elle consiste à analyser dans un premier temps les opportunités
et menaces (diagnostic externe) ce qui permet de diagnostiquer les fac-
teurs-clés de succès (FCS) dans un secteur ou une activité donnés.
Puis dans un deuxième temps les forces et les faiblesses de l’entreprise
par rapport à celles-ci (diagnostic interne).
Cette méthode d’analyse est utilisable aussi bien au niveau global qu’au
niveau de chacun des DAS.
Elle est d’ailleurs appliquée au-delà de l’analyse stratégique, devenant
ainsi un outil générique de l’analyse de tout problème de gestion.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
180 Management et économie des entreprises

SCHÉMA DU MODÈLE LCAG

1) Diagnostic externe 2) Diagnostic interne (à partir


(à partir d’une analyse de d’une analyse de l’entreprise
l’environnement général et permettant d’identifier ses
concurrentiel visant à préciser forces et ses faiblesses et de
les menaces et les cerner ses compétences
opportunités) distinctives)

4) Prise en compte 3) Synthèse interactive


des valeurs passant par un examen des 5) Prise en compte
sociétales du fait différentes possibilités des valeurs
d’une « responsabilité d’action (évaluées en termes internes : Valeurs des
sociétale de de coûts/avantages et dirigeants et de la
l’entreprise » (RSE) de risques. culture de l’entreprise

6) Élaboration d’une stratégie : Choix


des objectifs et des moyens définissant les
axes de développement de l’entreprise.

Le modèle SWOT en est une simplification (ici en tramé).


Source : d’après Learned, Christensen, Andrews et Guth, Havard Business School, 1965.

C. L’analyse « Ressources-Compétences »
Elle est présentée de façon détaillée au chapitre 10.
Cette analyse est applicable à la stratégie globale de l’entreprise (corpo-
rate strategy) comme à la stratégie au niveau d’un métier (DAS) (business
strategy). Wernerfelt (1984), Barney (1991) et quelques autres auteurs
ont développé cette approche.
Ils proposent de considérer que l’avantage concurrentiel auquel une
entreprise peut prétendre dépend des spécificités de celle-ci et plus pré-
cisément de la combinaison unique de ses ressources et ses compé-
tences.
Selon Amit et Shoemaker (1993), « Les actifs stratégiques sont l’en-
semble des ressources et capacités de l’entreprise qui sont difficiles à
vendre et à imiter, appropriables et spécialisées » (Cette conception s’ap-
parente à la thèse évolutionniste, v. p. 305, et à la théorie des compé-
tences centrales de Hamel et Prahalad, v. p. 209).
La maîtrise de ces ressources et compétences peut constituer un facteur
clé de succès (v. infra p. 184).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 9 – La démarche stratégique 181

D. L’approche relationnelle de Dyer et Singh


(1998)
L’approche relationnelle proposée par Dyer et Singh est considérée
comme une extension de l’approche ressources/compétences.
Elle s’appuie sur de nombreuses recherches concernant le partenariat et
la coopération inter-entreprises et considère que les alliances et coopé-
rations peuvent permettre d’accroître les performances des entreprises
impliquées à la fois en réduisant les coûts et les risques stratégiques et
aussi en créant plus de valeur pour la clientèle. La capacité d’être en
relation permet à une entreprise d’accéder plus facilement à des infor-
mations et des ressources. De véritables « avantages relationnels »,
source d’un avantage concurrentiel peuvent donc être constitués indé-
pendamment des actifs détenus par une entreprise1.
Concrètement, les relations de collaboration inter-entreprises facilitent
la résolution collective de problèmes ainsi que le partage des connais-
sances et permettent donc de créer plus facilement de nouvelles compé-
tences. Sans oublier que la coopération à long terme permet de réduire
les incertitudes qui sont habituellement liées à une relation d’affaire
ponctuelle. De plus cette collaboration suivie permet d’instaurer des
programmes de travail (routines) spécifiques qui réduisent les coûts de
transaction (coûts liés à la recherche et sélection d’un partenaire com-
mercial et au suivi du déroulement du contrat).

IV. Les concepts de base de l’analyse


stratégique
• La segmentation stratégique (DAS)
Elle consiste en un découpage des activités de l’entreprise en ensembles de produits
partageant certaines ressources productives ou commerciales, affrontant les mêmes
concurrents et pouvant ainsi faire l’objet d’une stratégie unique.

Il s’agit donc d’un outil de simplification. Les ensembles obtenus sont


des segments stratégiques ou domaines d’activités stratégiques (DAS). À
chacun d’eux correspond un métier différent dans l’entreprise. Certains
parlent d’unités stratégiques homogènes (USH).

1. Pour P. Veltz, « L’industrie connectée en réseau ne fonctionnera que si la qualité relation-


nelle s’ajoute à la rigueur transactionnelle », La société hyper-industrielle, Le Seuil, 2017.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
182 Management et économie des entreprises

• L’effet d’expérience
C’est le fait que le coût unitaire d’un produit diminue d’un pourcentage constant à chaque
doublement de l’expérience de l’entreprise. L’expérience est mesurée par la production
cumulée du produit considéré. Ce phénomène est observable dans l’industrie.

Cet effet s’explique par la réalisation d’économies d’échelle de court et


long terme et par un effet d’apprentissage (baisse des coûts de main-
d’œuvre du fait du développement du savoir-faire technique et d’une
meilleure organisation). Il a été défini par le Boston Consulting Group
(BCG), cabinet de conseil en organisation américain.
Sur le plan concurrentiel, il en résulte une grande importance de la part
de marché détenue par l’entreprise. C’est ainsi que l’on observe un mou-
vement de concentration industrielle dans le secteur de l’automobile
avec des rapprochements, des coopérations et des rachats d’entreprises.
EXEMPLE
Le rachat d’Opel-Vauxhall par PSA en mars 2017, grâce auquel le groupe pense « réa-
liser d’importantes économies d’échelle et dégager des synergies dans les domaines
des achats, de la production et de la R&D ». PSA devient le deuxième constructeur
en Europe (3 millions de véhicules vendus en 2016) et l’un des premiers mondiaux
avec 4,3 millions de véhicules.

COURBE D’EXPÉRIENCE (COORDONNÉES ARITHMÉTIQUES)


Coût unitaire
15

10

5
Production cumulée
0
0 2 4 6 8 10 12 14 16
Commentaire : Le coût unitaire diminue à chaque doublement de la production cumulée,
mesurée en quantité ou en volume1.

• Le système d’objectifs
Il est obtenu en décomposant les objectifs généraux de l’entreprise. En
effet, pour être suivie d’effets, la fixation d’un objectif doit déboucher
sur le choix de moyens d’action. Ces moyens d’action vont eux-mêmes
constituer des objectifs pour des subordonnés. De sorte que le système
d’objectifs apparaît comme une chaîne de couples « fins-moyens » qui
permet à l’entreprise de décider à tous les niveaux de façon cohérente,
conformément à sa stratégie.
Un objectif est relatif à une période de temps donnée ou à un niveau de
responsabilité donné. Il se ramène à un moyen d’atteindre une fin plus

1. La production exprimée en valeur à prix constants est dite mesurée en volume, c’est à
dire corrigée des augmentations de prix des modèles.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 9 – La démarche stratégique 183

vaste, lorsque l’on élargit l’horizon temporel ou que l’on s’élève dans le
niveau de pouvoir.

Objectif général :
expansion internationale

Moyens :
augmentation des exportations vers les autres pays de l’UE,
implantation par croissance externe sur le marché nord-américain

Objectifs de la direction des ventes : Objectifs de la direction financière :


croissance de 20 % du chiffre d’affaires prises de participation suffisantes
à l’exportation vers l’UE. pour obtenir un contrôle effectif
de l’un des « poids moyens »
américains du secteur.

Moyens : Moyens :
baisse de 5 % du prix et campagnes achats d’actions au jour le jour en bourse
de publicité et promotion. et achats de gré à gré.

objectifs pour les services objectifs pour les services

relations
promotion relations
ventes publicité financières
des ventes bancaires
internationales

La production exprimée en valeur à prix constants est dite mesurée « en volume », c’est‑à‑dire
corrigée des augmentations de prix des modèles.

• Le portefeuille d’activités
C’est l’ensemble des domaines d’activité de l’entreprise. L’idée de consi-
dérer les différents DAS comme les éléments d’un portefeuille implique
l’idée d’une gestion de cette diversité et d’une recherche de cohérence et
de complémentarité entre les DAS de l’entreprise, en considérant leurs
cycles de vie et les flux financiers générés, le risque supporté.
• Le métier
C’est l’ensemble des compétences nécessaires pour développer efficace-
ment un domaine d’activité donné. Son identification passe donc par un
inventaire des facteurs de compétence (ou compétences de base ou cœur
de compétences), c’est-à-dire des savoir-faire techniques, commerciaux,
financiers et managériaux qui sont nécessaires à la compétitivité de l’en-
treprise. Une branche industrielle recouvre le plus souvent plusieurs
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
184 Management et économie des entreprises

métiers (l’industrie chimique comprend les métiers des fibres, des colo-
rants, de la peinture, etc.).
Des activités de même nature peuvent correspondre à des métiers diffé-
rents comme le montre l’exemple des fabricants de stylo à bille Bic et
Waterman. L’un a un métier lié à ses produits jetables, tandis que l’autre
est tourné vers les produits durables.
• La mission
La mission de l’entreprise est sa raison d’être, définie par ses diri-
geants. Elle permet de préciser le métier et la stratégie retenus ainsi que
l’état que l’entreprise souhaite atteindre dans l’avenir.
Elle sert à l’intérieur de l’entreprise de référence lors de la prise de cer-
taines décisions tactiques ou opérationnelles. Elle propose des orienta-
tions générales auxquelles le personnel peut se rallier. Elle sert à l’exté-
rieur comme outil de relations publiques. Elle apparaît dans ce but sur
des documents externes.
ILLUSTRATIONS
– La mission du groupe de distribution Carrefour : « Devenir le leader mondial de la
transition alimentaire pour tous ».
– La mission du groupe équipementier automobile Faurecia : « Notre mission est de
créer et de fournir des produits, des solutions techniques et des services innovants et de
grande qualité, qui contribuent à renforcer la compétitivité de nos clients et créent de la
valeur pour nos collaborateurs et nos actionnaires. Nous nous engageons à respecter
l’environnement et à assumer nos responsabilités vis-à-vis de la société. », extrait de la
Charte du groupe Faurecia, février 2006.

• Les facteurs clés de succès (FCS)


Le concept de facteur clé de succès serait né dans le cabinet de conseil
américain ADL (Arthur.D. Little) dans les années 60. Ces facteurs peu
nombreux, permettent à une entreprise de fonder des avantages concur-
rentiels. Ils ont parfois été maladroitement confondus avec des indica-
teurs de performance.
– Les FCS au niveau du secteur : pour Koenig (1990) les FCS sont « des
éléments constitutifs de la réussite dans un secteur, pendant une
période de son histoire ». Le collectif Strategor (1993) les définit
comme « les éléments sur lesquels se fondent en priorité la concur-
rence, correspondant aux compétences qu’il est nécessaire de maîtri-
ser pour être performant » dans un secteur donné. La notion de FCS
qui est relative à un secteur d’activité évolue dans le temps et varie
selon le cadre géographique. Cette relativité pose la question de l’iden-
tification des facteurs clés de succès (v. à ce sujet chapitre 10, p. 208).
– Les FCS au niveau d’une stratégie : le concept peut également être
utilisé dans le cadre de la mise en œuvre d’une stratégie. Il se définit
alors comme une combinaison de ressources et de compétences qui
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 9 – La démarche stratégique 185

vont permettre à l’entreprise de mettre en œuvre sa stratégie de façon


efficace, c’est-à-dire en créant un avantage compétitif durable.

V. Les variables d’action stratégique


L’entreprise doit mobiliser un certain nombre de moyens ou leviers
stratégiques pour mettre en œuvre une stratégie. Ce sont les plus impor-
tants de ces moyens qui sont ici désignés comme les variables d’action
stratégique de l’entreprise.

A. Les segments stratégiques (DAS) et les


couple(s) « produit-marché » de l’entreprise
(V. aussi les chapitres 14 et 15 consacrés à « L’activité commerciale »).
Dès qu’elle déploie son activité à travers plusieurs produits, l’entreprise
peut choisir des segments stratégiques auxquels correspondront des stra-
tégies spécifiques (business strategies).
Chaque segment ou Domaine d’Activité Stratégique (DAS) représente un
terrain d’actions concurrentielles particulier dans lequel l’entreprise
déploie des compétences à travers des activités. Chaque DAS se caracté-
rise par des couples « produit-marché » qui résultent de la segmentation
marketing.

B. L’innovation
L’innovation est devenue une variable majeure dans le cadre des straté-
gies de différenciation ou de focalisation, ou des stratégies combinées
(« océan bleu » ou encore « meilleur produit » dans le modèle Delta).
Elle est la source principale d’avantage concurrentiel pour les entre-
prises des pays développés et le seul moyen de résister à la concurrence
des entreprises des pays émergents.

a. Présentation de la notion
L’innovation est l’application économique d’une invention ou d’une idée nouvelle.

1. Les formes de l’innovation


Elle prend la forme de produits nouveaux ou bien de procédés de pro-
duction, de distribution ou d’organisation nouveaux.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
186 Management et économie des entreprises

EXEMPLE
75 % des produits du groupe SIEMENS ont moins de 5 ans.

Selon J. Schumpeter1, il s’agit de « l’exécution de nouvelles combinai-


sons » qui constitue un processus de « destruction créatrice » qui est
« l’impulsion fondamentale qui met et maintient en mouvement la
machine capitaliste ». Elle se manifeste par « les nouveaux objets de
consommation, les nouvelles méthodes de production et de transport,
les nouveaux marchés, les nouveaux types d’organisation industrielle ».
J. Schumpeter englobe dans l’innovation cinq situations :
« 1o Fabrication d’un bien nouveau, c’est-à-dire encore non familier au
cercle des consommateurs, ou d’une qualité nouvelle d’un bien.
2o Introduction d’une méthode de production nouvelle, c’est-à-dire pra-
tiquement inconnue de la branche intéressée de l’industrie ; il n’est nul-
lement nécessaire qu’elle repose sur une découverte scientifiquement
nouvelle et elle peut aussi résider dans de nouveaux procédés commer-
ciaux pour une marchandise.
3o Ouverture d’un débouché nouveau, c’est-à-dire d’un marché où
jusqu’à présent la branche intéressée de l’industrie du pays intéressé n’a
pas encore été introduite, que ce marché ait existé avant ou non.
4o Conquête d’une source nouvelle de matières premières ou de produits
semi-ouvrés ; à nouveau, peu importe qu’il faille créer cette source ou
qu’elle ait existé antérieurement, qu’on ne l’ait pas prise en considéra-
tion ou qu’elle ait été tenue pour inaccessible.
5o Réalisation d’une nouvelle organisation, comme la création d’une
situation de monopole (par exemple la trustification) ou l’apparition
brusque d’un monopole ».
(Extrait de J. Schumpeter, Théorie de l’évolution économique, 1911.)

2. Le développement des innovations « inverses » (ou inversées)


Avec la mondialisation apparaissent de plus en plus d’innovations de
produits répondant à des besoins des consommateurs des pays émer-
gents qui viennent ensuite parfois sur les marchés des pays riches. Le
cycle de ces innovations est ainsi inversé par rapport au schéma tradi-
tionnel de l’innovation de produit qui nait dans un pays industriel pour
ensuite être rentabilisée aussi sur les marchés des pays en voie de déve-
loppement.
Ce phénomène est d’autant plus intéressant que les offres de ces pro-
duits correspondent à une demande croissante de simplification, d’éco-
nomie d’énergie et de produits à bon marché, en provenance des
consommateurs des pays riches, confrontés à la fois à la crise écono-
mique et la crise écologique.

1.  In J. Schumpeter, Capitalisme, socialisme et démocratie, chap. 7.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 9 – La démarche stratégique 187

Cette nouvelle forme d’innovations qualifiée parfois d’innovations fru-


gales est celle à partir de laquelle se développent de nouveaux marchés
dans les pays émergents qui représentent comme on le sait l’essentiel des
marchés de demain. Les grands groupes internationaux s’impliquent donc
dans ce type d’innovation afin de ne pas laisser les marchés nouveaux aux
seuls groupes montants de ces pays (Tata, Lenovo, Xiaomi, etc.).
EXEMPLES
Les équipements de radiographie mobile de General Electric, conçus pour les villages
de Chine et utilisés aujourd’hui dans le monde entier ;
Les innovations frugales (jugaad) indiennes de Sam Pitroda dans les technologies
d’échangeurs téléphoniques numériques à bas coût, adaptés aux villages indiens.
Le shampooing Elsève Total Repair 5 de L’Oréal, développé au Brésil en 2009 avant
d’être déployé mondialement.

3. Le degré d’innovation
Les innovations sont d’importance inégale.
– Il peut s’agir d’une véritable création (la notion d’«  innovation de
rupture » est utilisée dans certains cas, par exemple : les fibres synthé-
tiques, les lampes à incandescence, le micro-ordinateur, etc.) ;
– ou seulement d’une modification d’un produit ou d’un procédé.
Elle peut être le résultat d’une conception entièrement nouvelle, ou une
transposition d’un concept déjà appliqué dans un autre secteur.
EXEMPLE
Le système de freinage de la navette spatiale européenne a été adapté dans l’automo-
bile (freins ABS). De même les systèmes de contrôle de stabilité de la trajectoire
(Electronic Stability Program) ont été empruntés par le secteur automobile au secteur
aéronautique.
L’ingénierie des systèmes complexes mise au point dans l’aéronautique est adoptée
aujourd’hui dans l’automobile.

b. Les conséquences de l’innovation


1. Des avantages considérables pour l’innovateur
– Elle procure à l’entreprise un monopole1 provisoire, jusqu’à ce qu’un
concurrent ait, à son tour, mis au point un produit sur le même mar-
ché. Mais il s’avère que cet avantage n’est pas toujours aussi grand
qu’on le penserait, en particulier lorsque la clientèle n’est pas au ren-
dez-vous car elle ne perçoit pas l’avantage de l’innovation (cf. les
débuts difficiles des cartes à puces dans les années 70-80). L’innova-
tion doit pouvoir rencontrer un besoin effectif pour connaître le suc-
cès.

1.  La situation de monopole est celle dans laquelle un seul vendeur offre son produit à un
grand nombre d’acheteurs (cf. Aide-mémoire Économie, Sirey).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
188 Management et économie des entreprises

– Elle est pour l’entreprise le moyen de faire évoluer ses produits et son
métier, afin de les adapter à la demande et de s’imposer face à la
concurrence. En particulier, l’innovation peut relancer un produit
voire un métier qui arrivent à leur phase de maturité.
EXEMPLE
Le groupe Microsoft : tous les deux ans est mise sur le marché une nouvelle version
du système d’exploitation Windows.

– Elle permet d’assurer la différenciation des produits de la firme et de


son image, ce qui permet à l’entreprise d’éviter une concurrence par
les prix trop directe.
Pionnier ou suiveur, à qui va l’avantage ?
La prime du « pionnier » sur le nouveau marché qu’il a créé peut être assez faible en
comparaison de l’avantage que peut récolter le « suiveur » qui arrive plus tard mais va
profiter de ce marché pour mettre au point un produit plus abouti, conçu pour satisfaire un
besoin mieux cerné d’une clientèle en croissance. ex : L’entrée tardive de Microsoft ou de
Sony sur le marché des consoles.

2. L’innovation, « processus de destruction créatrice »


On sait que l’innovation a un effet déstabilisant sur l’économie et l’em-
ploi dans la mesure où elle remet en cause certains produits, voire l’ac-
tivité de certaines entreprises, certains procédés de production et parfois
les métiers qui y sont liés. J. Schumpeter considérait ce « processus de
destruction créatrice » comme nécessaire à la croissance économique.
En effet, l’innovation crée de nouvelles activités, de nouveaux métiers et
de nouveaux emplois, en permettant un essor économique autour des
produits nouveaux.
Selon une étude du cabinet américain Mc Kinsey l’innovation est globalement créa-
trice nette d’emploi aux États-Unis. Cela rejoint la thèse de Jean Fourastié selon
laquelle le progrès technique est la source de la croissance économique et donc créa-
teur d’emplois et de richesses (in Le grand espoir du xxe siècle, 1963).

D’autres économistes insistent sur le fait que les innovations de rupture


sont aujourd’hui moins nombreuses que les innovations de remplace-
ment ou de rationalisation, ce qui expliquerait que l’emploi ne soit plus
généré de façon suffisante par la croissance économique (v. David
Encaoua, professeur émérite à l’Université de Paris I)1.

3. Les perturbations subies par l’entreprise


L’entreprise est elle aussi bouleversée par l’innovation qu’elle crée.

1.  David Encaoua, « Nature of the European technology gap : creative destruction or indus-
trial policy? », The New Economics of Technology Policy, ed. D. Foray, Edward Elgar, 2009,
pp. 281-314.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 9 – La démarche stratégique 189

Ses efforts d’innovation débouchent sur un raccourcissement de la


durée de vie des produits et une multiplication de leur nombre. Cela
complexifie la production au sein d’une entreprise et réduit l’effet d’ex-
périence (économies d’échelle et effet d’apprentissage).
L’exigence de flexibilité technique apparaît aussi comme une consé-
quence du développement de l’innovation des produits. D’une façon
générale, la pratique de l’innovation suppose une capacité d’adaptation
importante (flexibilité de l’organisation et des moyens). Elle engendre
le changement dans et de l’entreprise.

c. Les conditions de l’innovation


1. Les moyens d’innover
Ils reposent le plus souvent sur un effort de recherche et développement
(R&D). La R&D comprend la recherche fondamentale (nouvelles connais-
sances théoriques), la recherche appliquée (application nouvelle de
connaissances théoriques), et enfin le développement (définition et pro-
totypage de produits).
ILLUSTRATION
– En 2017, les dépenses de recherche et développement de Thales ont représenté
environ 20 % de son chiffre d’affaires.
– Chez Michelin, 6 600 personnes travaillent dans le domaine de la recherche, du déve-
loppement et de l’industrialisation (RDI). Les équipes sont réparties sur trois continents
(Europe, Amérique, Asie). Le centre de technologie de Ladoux accueille à lui seul
3 300 personnes auxquelles s’ajoutent les 1 600 postes nouvellement créés (2018). De
nombreux partenariats externes avec des universitaires, des entreprises innovantes et
des fournisseurs visent à diversifier les sources d’innovation. L’entreprise investit chaque
année 700 M€ en R&D (source : site michelin.com).

L’innovation implique certaines capacités de l’entreprise, notamment la


flexibilité de ses structures et de ses moyens productifs, l’efficacité de
ses systèmes d’information et de décision.
Elle impose de plus en plus une coopération en recherche et développe-
ment afin de partager des charges qui ne sont pas toujours rentabilisées
à moyen terme !
Certaines grandes entreprises collaborent avec les laboratoires de
recherche publics (Alcatel-Lucent, Total, France-Télécom…). D’une
façon générale, les alliances interentreprises sont devenues courantes
en matière de R&D, que ce soit avec des partenaires « verticaux »
(clients-fournisseurs) ou avec des concurrents dans certains domaines.

2. Les obstacles
• Le premier obstacle est le coût souvent élevé de l’innovation, qui pose
le problème de son financement. Des politiques de soutien financier
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
190 Management et économie des entreprises

de l’innovation existent depuis de nombreuses années. Depuis 2008, le


crédit d’impôt-recherche est, en France, le principal dispositif de sou-
tien à la R&D. Il repose sur un taux de 30 % des dépenses dans la limite
de 100 M€, puis 5 % au-delà. Il a représenté un montant global de
5,5 milliards en 2013. Il vise à stimuler l’effort privé de R&D. Mais la
R&D n’est pas le seul investissement qui doit être financé pour innover…
Sur la période 2014-2020, le programme européen Horizon 2020 cherche
à favoriser les partenariats privé/public et à soutenir les PME innovantes.
Divers acteurs peuvent néanmoins faciliter le financement de l’inno-
vation :
– Le groupe BPIFrance a, entre autres, la mission de soutenir l’innova-
tion et le transfert de technologies : financement et accompagnement
des projets de PME innovantes. BPIFrance s’est substitué dans ce rôle
à OSÉO en 2013, L’action de BPIFfance est tournée vers les PME : sou-
tien à l’innovation, amorçage, déploiement commercial, introduction
en bourse, etc.
– Les fonds de capital risque (venture-capital) comme les fonds com-
muns de placement-innovation, FCPI, peuvent aussi financer l’innova-
tion. La plupart des sociétés de capital risque prennent des participa-
tions au capital apportant ainsi les fonds nécessaires au lancement des
projets (Banexi, Atlas, 3i France, etc.). Les régions développent elles
aussi leur dispositif de capital risque (Sofimac en Auvergne, Pays de
la Loire développement, etc.).
À NOTER
Des sociétés d’amorçage (business angels), trop rares en France, accompagnent l’in-
novateur pour lui permettre financièrement d’attendre les participations d’investis-
seurs professionnels, tout en conseillant sa gestion.

• Le risque élevé d’échec de l’innovation peut être lui aussi découra-


geant.
10 Md€ pour financer l’innovation de rupture
Le constat est que la dépense de recherche et développement de la France reste
insuffisante avec 2,2 % du PIB, nettement inférieure à l’objectif européen de 3 %.
En janvier 2018, le ministre de l’Économie a décidé que BPIFrance serait dotée d’un fonds
spécial de 10 Md€ dont le revenu financier annuel estimé entre 200 et 300 M€ servira au
soutien des innovations de rupture.

• Une autre difficulté peut résider dans la résistance au changement du


personnel et de la clientèle potentielle. L’innovation implique, de ce
fait, un effort de communication important.
EXEMPLE
L’échec subi par Coca-Cola lors du lancement du New Coke, en avril 1985, s’explique
par l’attachement de la clientèle à un produit à fort contenu culturel : le Coke Classic,
remis en vente sur le marché au bout de trois mois.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 9 – La démarche stratégique 191

d. La protection de l’innovation
• En France, le dépôt d’un brevet auprès de l’Institut National de la
Propriété Industrielle (INPI) est en principe le moyen de protéger son
innovation contre la contrefaçon pendant une vingtaine d’années.
Pourtant les entreprises françaises déposent assez peu de brevets com-
parativement à leurs concurrentes européennes et japonaises.
EXEMPLE
Aujourd’hui, le groupe Michelin gère un portefeuille de 11 700 brevets qui protègent
3 400 inventions.

• En France 28 % des firmes qui pratiquent la R&D, ne se protègent pas,


par manque d’information et de pratique, mais aussi en raison du coût
du dépôt de brevet et aussi de l’information que la procédure de dépôt
met automatiquement à la disposition des concurrents. Un nombre
important de managers français, par manque de formation juridique,
ne comprennent pas l’importance du brevet et se font copier par des
concurrents souvent étrangers qui eux, déposent un brevet ! La pro-
priété industrielle est systématiquement enseignée aux managers aux
États-Unis et au Japon mais pas en France.

LES SOCIÉTÉS INNOVANTES ENTRE 2012 ET 2014 EN FRANCE

Information et communication
Industrie manufacturière, industries extractives et autres
Activités spécialisées, scientifiques et techniques
Activités financières et d’assurance*
Activités immobilières
Hébergement et restauration
Commerce de gros, de détail,
réparation d’automobiles et de motocycles Tous types d’innovation
Transports et entreposage
Construction Innovation en produits
nouveaux pour le marché
Activités de services administratifs et de soutien

250 salariés ou plus
De 50 à 249 salariés
De 10 à 49 salariés

Ensemble

en % du nombre total de sociétés


* Y compris les holding financières.
Lecture : 48 % de l’ensemble des sociétés ont innové entre 2012 et 2014.
12 % des sociétés ont développé des produits nouveaux sur le marché.
Champ : sociétés actives de 10 salariés ou plus implantées en France, divisions 05 à 81
de la NAF rév. 2 sauf 75.
Source : Insee, enquête Innovation (CIS) 2014.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
192 Management et économie des entreprises

EXEMPLE
La technique de production des écrans plats mise au point en France dans les années
1980 a donné lieu à des dépôts de brevets d’application japonais et coréens, au béné-
fice des entreprises de ces pays qui dominent aujourd’hui le marché.

• La pratique de la veille technologique et le développement des cabi-


nets de conseil en propriété industrielle devraient aboutir à un déve-
loppement des dépôts de brevet par les entreprises françaises.
• L’Office européen des brevets (OEB), qui a son siège à Munich, permet,
quant à lui, de suivre une seule procédure pour obtenir une protection
dans 38 pays à la fois.
• Le développement des brevets triadiques c’est-à-dire déposés à la fois
en Europe auprès de l’OEB, au Japon auprès du Japan Patent Office
(JPO) et aux États-Unis auprès du United States Patent and Trademark
Office (USPTO) est observable et accompagne la mondialisation des
marchés. Mais cette pratique est moins importante en Europe qu’aux
USA ou au Japon en raison d’un effort d’investissement en R&D infé-
rieur dans les pays européens.

C. L’investissement
a. Une démarche aux formes multiples
L’investissement est l’immobilisation de ressources afin de procurer à l’entreprise un
avantage économique durable. Cette dépense n’est donc pas une charge d’exploitation
mais est consentie pour générer des recettes futures.

L’investissement apparaît comme le moyen principal dont dispose l’en-


treprise pour mettre en œuvre sa stratégie.
Les catégories d’investissement
• Investissement matériel (immobilisation corporelle), qui consiste à acquérir des
machines, véhicules, bâtiments et installations techniques et commerciales. Il faut
distinguer dans cette catégorie :
– les investissements de remplacement qui ont pour but de renouveler le matériel usé
ou dévalorisé par l’évolution technique (obsolescence) ;
– les investissements de capacité (ou d’expansion), dont l’objet est d’augmenter la
capacité de production de l’entreprise en augmentant le nombre de ses équipements ;
– les investissements de rationalisation (ou de modernisation) qui visent à améliorer
la productivité de l’entreprise ;
– les investissements d’innovation, liés à la mise en place de nouvelles activités
de l’entreprise.
• Investissement immatériel ou incorporel, qui comprend notamment :
– les dépenses de recherche (recherche appliquée et recherche et développement) ;
– les dépenses de formation du personnel ;
3
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 9 – La démarche stratégique 193

– les investissements commerciaux (études de marché et publicité) ;


– les achats de brevets et de logiciels.
• Investissement financier qui recouvre les acquisitions de titres et valeurs mobilières,
c’est-à-dire les prises de participations minoritaires et les prises de contrôle dans d’autres
entreprises, ainsi que les prêts à long terme et achats de produits financiers (placements
de trésorerie). L’investissement financier s’est fortement développé depuis les années 70,
avec l’accélération de l’internationalisation des entreprises et avec le développement
des marchés financiers et des nouveaux produits financiers.

Selon le plan comptable, les investissements immatériels correspondent


aux immobilisations incorporelles c’est-à-dire « autres que corporelles
ou financières ».
Les investissements immatériels représentent environ le tiers de l’inves-
tissement total des entreprises et leur part ne cesse de s’accroître. Ils
permettent de constituer le capital immatériel de l’entreprise. Celui-ci
joue un rôle de plus en plus important dans la valeur d’une entreprise,
ce qui pose des problèmes d’évaluation (voir l’analyse du potentiel de
l’entreprise).
Selon Maurice Lévy et Jean-Pierre Jouyet dans leur Rapport sur l’éco-
nomie de l’immatériel (2006), « Aujourd’hui, la véritable richesse n’est
pas concrète, elle est abstraite. Elle n’est pas matérielle, elle est immaté-
rielle. C’est désormais la capacité à innover, à créer des concepts et à
produire des idées qui est devenue l’avantage compétitif essentiel. Au
capital matériel a succédé, dans les critères essentiels de dynamisme
économique, le capital immatériel ou, pour le dire autrement, le capital
des talents, de la connaissance, du savoir. »

b. La question du choix des investissements


productifs (matériels ou immatériels)
Un certain nombre de critères financiers sont généralement utilisés, en
particulier :

1. Le délai de récupération du capital investi (DRC) ou pay back


On pratique le cumul des recettes nettes annuelles actualisées attendues,
jusqu’à ce que le montant total de dépense engagé pour l’investissement
soit atteint (I0) déterminant par la même occasion le délai de récupéra-
tion. Ainsi, le cumul pour n années correspond à :
RN1 RN2 RN t RN n -1 RN n
+ + ... + + ... + +
(1 + i) (1 + i)2 (1 + i)t (1 + i)n -1 (1 + i)n

où RN est la rentrée nette de trésorerie de l’année t.


RNt = Rt – Dt
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
194 Management et économie des entreprises

Rt étant la recette attendue au cours de l’année t, de l’équipement acquis


par l’investissement I0 ;
Dt correspond à la dépense liée au fonctionnement de l’équipement ;
i est le taux d’actualisation des valeurs futures, ou taux actuariel, éva-
lué par le taux d’intérêt du marché financier.
Les projets ayant les délais de récupération les plus courts sont alors
retenus, au détriment d’investissements parfois plus importants pour
l’avenir de l’entreprise.
2. La valeur actuelle nette (VAN)
On calcule pour un projet d’investissement la somme des n valeurs
actualisées des recettes nettes annuelles attendues (recettes moins
dépenses, liées à l’utilisation de l’équipement au cours d’une année),
dont on retranche la valeur I0 de l’investissement initial. Les projets dont
la VAN est négative sont rejetés. Pour effectuer des comparaisons entre
des projets d’échelles différentes, on rapporte la VAN de chacun au
montant correspondant de l’investissement.
n
RN
VAN = Â (1 + it)t - I0
t =1

où t varie de ¡ à n années (durée de l’équipement).


3. Le taux de rentabilité interne (TRI)
C’est le taux d’actualisation qui égalise l’investissement initial I0 et la
valeur actuelle de la recette nette totale attendue :
n
RN
I0 = Â (1 + it)t
t =1

C’est-à-dire le taux i pour lequel la VAN = 0.


On peut classer les projets suivant leur TRI. Celui dont le TRI est le plus
élevé est préféré.
Il convient de remarquer que dans tous les cas, une incertitude pèse sur
les prévisions de recettes et de dépenses qui sont faites. Le choix d’un
investissement est donc toujours un pari. Investir est toujours prendre
un risque.
EXEMPLE
L’investissement envisagé I = 1 000 (en milliers d’e) ; le taux d’actualisation retenu est
i = 10 % (soit : 0,1). Les recettes nettes attendues à la fin des différentes années t sont :
t1 = 200 ; t2 = 250 ; t3 = 350 ; t4 = 350 ; t5 = 400
Les recettes nettes actualisées sont :
200/1,1 = 181,8 ; 250/1,12 = 206,6 ; 350/1,13 = 262,9 ; 350/1,14 = 239 ; 400/1,15 = 248,3
DRC = 4 ans 5 mois et 9 jours
VAN = 1 138,6 – 1 000 = 138,6
TRI = 14,7 %
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 9 – La démarche stratégique 195

c. Le financement des investissements productifs


Les investissements impliqués par la stratégie choisie peuvent nécessiter
un élargissement du financement (v. chapitre 21 sur « La fonction finan-
cière »).

D. La mobilisation des ressources humaines


La mobilisation du personnel est nécessaire à la mise en œuvre et la
réussite d’une stratégie.
Elle peut être recherchée notamment dans le cadre de la gestion des
ressources humaines (GRH) par la politique de rémunération et la poli-
tique de promotion (voir sur ces deux points les chapitres 19 et 20 « La
gestion des ressources humaines »).
Le développement de la participation (cf. la GRH), la recherche de la
qualité totale (v. chapitres 16 et 17), la mise en place d’un projet d’entre-
prise (v. chapitre 5, p. 88) et la reconfiguration de l’entreprise sont éga-
lement des facteurs de motivation et de mobilisation du personnel.

E. L’organisation de l’entreprise
La mise en œuvre d’une stratégie se reflète directement dans sa structure
(v. A. Chandler, Strategy and structure). L’évolution stratégique de l’en-
treprise, rendue nécessaire par les évolutions de son environnement, lui
impose donc des changements organisationnels de plus en plus fré-
quents. Cette aptitude au changement doit être cultivée. C’est le thème
de la gestion du changement.

a. Les changements nécessaires


La croissance impose à l’entreprise de nombreux changements dans la
composition de son patrimoine (actifs matériels et immatériels) mais
aussi dans son organisation et dans la nature de ses activités. Les procé-
dures (« routines ») de l’entreprise qui fondent son efficacité, doivent
sans cesse évoluer. Ce changement doit lui-même être géré, c’est-à-dire
à la fois favorisé et maîtrisé.
C’est dans ce but que les entreprises s’orientent de plus en plus vers une
gestion des innovations, une gestion des connaissances et un dévelop-
pement de l’apprentissage organisationnel, en même temps qu’elles
font évoluer leurs outils de contrôle de gestion vers une meilleure
mesure des conditions du déroulement des processus. Néanmoins ce
changement ne saurait être selon M. Porter, une course permanente à
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
196 Management et économie des entreprises

l’efficacité opérationnelle, basée sur la pratique du « benchmarking ».


Au contraire, selon lui, ce changement doit s’inscrire dans une conti-
nuité stratégique, seule capable de procurer à l’entreprise un avantage
concurrentiel durable.

b. Les moyens du changement (v. aussi chapitre 23)


• Sur le plan des structures d’organisation
L’organisation de l’entreprise vise surtout à réduire l’incertitude et
l’instabilité qui pourraient perturber son fonctionnement. Cependant
l’entreprise a besoin d’évoluer avec son environnement et a, en parti-
culier, besoin d’innover. Un conflit apparaît donc entre ces deux com-
portements de l’entreprise. Certaines formes d’organisation semblent
néanmoins plus propices au changement. Elles sont construites sur
le principe de la décentralisation et selon une structure division-
nelle, et suivent souvent le modèle de l’adhocratie de H. Mintzberg.
Elles s’apparentent souvent concrètement à des organisations « par
projets ».

• Sur le plan de l’apprentissage organisationnel


Chrys Argyris insiste sur la nécessité d’un « apprentissage organisation-
nel », c’est-à-dire à travers l’adaptation des programmes et règles qui
font fonctionner l’organisation.
Il désigne l’apprentissage « en simple boucle » comme correspondant à
la capacité de mettre en œuvre à partir d’un contrôle des résultats, des
mesures correctives permettant de faire évoluer le fonctionnement. L’ap-
prentissage « en simple boucle » s’applique donc à modifier les moyens
mis en œuvre.
Il définit par ailleurs l’apprentissage « en double boucle » comme celui
remettant aussi en cause, au-delà des moyens, les valeurs et orientations
de l’entreprise. Une telle démarche débouche alors sur une modification
des règles de décision et de gestion. Elle doit surmonter inévitablement
des attitudes défensives qui permettent aux membres de l’entreprise
d’éviter la remise en question de leurs habitudes de fonctionnement.
L’« entreprise apprenante » est selon cet auteur celle qui peut pratiquer
durablement un apprentissage en double boucle.

c. La reconfiguration ou reengineering
C’est une remise en cause et une redéfinition des processus opérationnels, aboutissant
à une organisation transversale de l’entreprise. Il s’agit donc d’une reconstruction totale
ou partielle de l’organisation de l’entreprise. (Voir aussi la gestion par processus dans le
chapitre 12 « L’organisation de l’entreprise »).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 9 – La démarche stratégique 197

M. Hammer1 et J. Champy2 ont proposé en 1993 le concept de reenginee-


ring c’est-à-dire : « une remise en cause fondamentale et une redéfinition
radicale des processus opérationnels pour obtenir des gains spectacu-
laires dans les performances critiques que constituent aujourd’hui les
coûts, la qualité, le service et la rapidité. » Cette reconfiguration trans-
versale de l’entreprise autour de ses processus opérationnels, remet en
cause son organisation traditionnelle, en s’appuyant sur les possibilités
ouvertes par les nouvelles technologies de l’information (simplifications
des processus opérationnels et réduction de leur fragmentation).
EXEMPLES
Le processus de traitement des commandes qui met traditionnellement en jeu des
services de différents départements : service de facturation, magasin, livraison… sera
placé sous l’autorité d’un responsable de processus afin de favoriser la coopération
de ces services, intégrés dans ce processus opérationnel avant d’appartenir à des
départements différents ; le processus de développement des nouveaux produits
intégrera un ingénieur, un gestionnaire de la production, un acheteur, un spécialiste
du marketing, un vendeur, un financier… tous placés sous la responsabilité d’un
administrateur de processus.

1. Méthode
Ce concept à la mode apparaît comme une synthèse des nouvelles
méthodes de gestion appliquées dans les entreprises industrielles depuis
quelques années, de façon plus ou moins générale. La reconfiguration
prônée est un recentrage sur les processus principaux. Elle est généra-
lement précédée d’un étalonnage (benchmarking) et s’accompagne d’un
plan de communication interne à contenu explicatif.
Les nouveaux processus sont définis… « en partant des clients et de
leurs besoins ; en développant la production en équipe et par projet ; en
intégrant la prise de décision au travail ; en choisissant la réalisation
simultanée des activités complémentaires, plutôt que successivement ;
en rejetant la standardisation des processus afin de les rendre adaptables
à des contraintes variables ; en responsabilisant le personnel et en déve-
loppant son pouvoir de décision ; en transformant les cadres en anima-
teurs et les dirigeants en leaders ; en développant la rémunération selon
les résultats de chacun »3.

2. Conséquences
La reconfiguration doit, selon ses promoteurs, entraîner une diminution
des procédures administratives, des coûts, des délais de mise au point et
de lancement de nouveaux produits. Une fois la reformulation effectuée,

1.  Ex-professeur au MIT, PDG de la société de conseil Hammer and Company.


2.  PDG de la société de conseil CSC Index, spécialiste du reengineering.
3.  Extrait de Le reengineering, M. Hammer et J. Champy, Dunod, 1993.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
198 Management et économie des entreprises

un nouvel organigramme prend forme, souvent après disparition de


certains services et un aplatissement de la hiérarchie… Elle se traduit
par une généralisation de la gestion par projet (et par objectif) et par une
diminution des effectifs, notamment ceux des services fonctionnels,
devenus inutiles. En contrepartie, elle aboutit à un « enrichissement »
(augmentation) important du travail des opérationnels !
Elle instaure enfin une logique matricielle à l’organisation (v. cha-
pitre 12).

LA STRUCTURE MATRICIELLE MISE EN PLACE PAR LE REENGINEERING

Direction générale

Fonction Fonction Fonction


commerciale technique administrative

Responsable du processus A La chaîne des intervenants dans le processus A

Responsable du processus B La chaîne des intervenants dans le processus B

Responsable du processus N La chaîne des intervenants dans le processus N

VI. La planification stratégique


La planification stratégique est parfois décriée mais elle est souvent uti-
lisée même si sa formalisation s’est assouplie.

A. Le concept de planification stratégique


C’est une formalisation de la stratégie (plans, programmes et budgets) dans le but de
mettre celle-ci en application. Elle peut se concrétiser par un « business plan ».

a. Avantages
Un plan sert de référence commune à ceux qui ont pour mission de
l’exécuter. Il apporte ainsi une cohérence à l’ensemble des décisions
prises dans ce but et facilite le contrôle de la gestion.
Tout le problème est de savoir si le jeu (la planification) « en vaut la
chandelle » (une meilleure application de la stratégie), dans la mesure
où l’environnement des entreprises est souvent instable et où le plan est
à réviser en permanence, souvent avec un temps de retard sur l’évolu-
tion de cet environnement.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 9 – La démarche stratégique 199

b. Limites
La mise en place d’une planification présente un coût important et peut
alourdir le fonctionnement de l’entreprise jusqu’à la rendre incapable de
saisir les opportunités qui se présentent. L’outil peut devenir une fin en
soi et l’entreprise « autiste » sombre alors dans le travers bureaucratique.

c. Modalités
Le plan stratégique est traduit en plans opérationnels à moyen terme
(3 ans) et à court terme (< 1 an). Les budgets traduisent financièrement
les programmes définis dans les plans annuels.

Stratégie de l’entreprise

Plan stratégique (programme de mise en œuvre de la stratégie se déroulant sur N années)

Plan opérationnel d’une année « t »

Programmes d’actions Budgets annuels correspondant


de l’année « t » à ces programmes

Le processus de planification stratégique va répartir dans le temps, dif-


férents systèmes d’objectifs (voir chapitre 6 « Entreprendre et diriger »)
qui correspondent aux étapes de la planification pour les différentes
divisions et départements de l’entreprise.

B. Plans, programmes, budgets


• Le plan stratégique
C’est un guide général qui définit les objectifs essentiels de l’entreprise
et les politiques adoptées pour atteindre ces objectifs. Il fixe donc les
axes de développement de l’entreprise (métier(s), portefeuilles d’activi-
tés, modes de croissance, structures organisationnelles, etc.).

• Le plan opérationnel
Il porte sur une période d’une à trois années. Il établit la façon dont les
actions à entreprendre sont articulées et échelonnées dans le temps et il
fixe les objectifs annuels à atteindre pour appliquer la stratégie. Le plan
opérationnel peut être révisé pour tenir compte de la conjoncture.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
200 Management et économie des entreprises

• Les programmes
Le plan opérationnel doit fixer avec précision la part qui sera appliquée
dans l’année à venir. Des programmes donnent le calendrier précis des
actions à mener. Ces opérations ont un coût qui doit être budgété.
• Les budgets
Le budget global de l’entreprise est souvent ventilé en budgets partiels
répartis par domaines de gestion ou par unités opérationnelles qui tra-
duisent les programmes en termes monétaires.
De même le budget annuel est parfois décomposé en budgets trimes-
triels ou mensuels.
Ainsi chaque service pourra-t-il être doté d’un budget établissant ses
produits et ses charges pour l’année à venir (« budget prévisionnel »).
Aux 2/3 de l’année il est possible d’établir un budget estimé (ou estima-
tif) qui prend en compte l’exécution effective du budget pendant les
deux premiers tiers de l’année. À partir de cette estimation pourra être
conçu le budget prévisionnel de l’année à venir. Une fois l’année en
cours terminée, il est possible de dresser le budget réel de celle-ci et
d’analyser les écarts avec les prévisions et les estimations effectuées
auparavant.
ÉTABLISSEMENT DES BUDGETS AU COURS DE L’ANNÉE T

Le contrôle budgétaire a pour but d’expliquer les écarts (sur prix, sur
quantités) afin de mettre en œuvre des actions de redressement (v. cha-
pitre 6 p. 111-113, le contrôle et la régulation).
POUR EN SAVOIR PLUS
Allouche (J.), Schmidt (G.), Les outils de la décision stratégique, coll. Repères, La Décou-
verte, 2004.
Ansoff (H.I.), Stratégie de développement de l’entreprise, Hommes et techniques, 1968.
Drucker (P.), Structures et changements, Village Mondial, 1996.
Garrette (B.), Dussauge (P.), Strategor, Dunod, 2016.
Govindarajan (V.), Trimble (C.), Innovation : Create far from home, win everywhere, Har-
vard Business Review Press, 2012.
Hamel (G.), Prahalad (C.-K.), La conquête du futur, Dunod, 1999.
Helfer (J.-P.), Kalika (M.), Orsoni (J.), Management, stratégie et organisation, Vuibert
Gestion, 2006.
Jacobiak (F.), Pratique de la veille technologique, Les Éditions d’Organisation, 1992.
Koenig (G), Management Stratégique, Dunod, 2005.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 9 – La démarche stratégique 201

Lehmann-Ortega (L.), Roy (P.), « Les stratégies de rupture : synthèse et perspectives »,


Revue française de gestion, vol. 7, no 197, 2009.
Levy (M.), Jouyet (J.-P.), Rapport au ministre de l’Économie de la Commission sur l’éco-
nomie de l’immatériel : L’économie de l’immatériel, la croissance de demain, La Docu-
mentation française, 2006.
Martinet (A.-C.), Stratégie, Vuibert Gestion, 1993.
Martinet (A.-C.), Reynaud (E.), Stratégie d’entreprise et écologie, Economica, 2004.
Martinet (A.-C.), Thiétard (R.A.), Tannery (F.), Stratégies, Vuibert, 2001.
Noel (E.), Veille et nouveaux outils d’information, http://www.enssib.fr/bibliotheque-
numerique/notice-1688, 2008.
OSEO, Dix ans de création d’entreprises innovantes en France, BPIFrance, janvier 2012,
http://www.bpifrance.fr
Porter (M.E.), L’avantage concurrentiel, InterÉditions, 1988.
Porter (M.E.), Choix stratégiques et concurrence, Economica, 1994.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
202
CHAPITRE 10
Management et économie des entreprises

La stratégie :
2. Diagnostic et choix
stratégique au niveau
global (corporate strategy)

« L’idéal consiste à déterminer une stratégie


contre laquelle les concurrents […] sont inca-
pables de réagir. »
M. Porter, Choix stratégiques et concurrence

I. Les outils du diagnostic


concernant l’entreprise tout entière
Conformément à la logique du modèle SWOT1 (FFOM), le diagnostic
externe, déjà présenté dans le chapitre 9, s’applique aux différentes com-
posantes de l’environnement de l’entreprise (v. p. 49) tandis que le dia-
gnostic interne va s’appliquer à cerner ses potentialités tout en repérant
ses faiblesses. La réalisation du diagnostic externe devient vite un pro-
cessus continu qui doit être actualisé en permanence afin de tenir
compte des évolutions rapides voire chaotiques de l’environnement.
L’activité de veille informationnelle joue donc un rôle important pour
l’entreprise. Elle s’exerce principalement en matière concurrentielle,
technologique et juridique. Elle peut être confiée à des sociétés spéciali-
sées.
REMARQUE : LE DIAGNOSTIC INTERNE (ANALYSE DU POTENTIEL DE L’ENTREPRISE)
Par analyse du potentiel, il faut entendre l’analyse des ressources et des atouts de
l’entreprise, autant que l’analyse de ses structures d’organisation. L’entreprise doit en
effet adopter une stratégie qui soit conforme à ses capacités.

1.  SWOT : Strengths (forces) – Weaknesses (faiblesses) – Opportunities (opportunités) –


Threats (Menaces) dont FFOM est la version française.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 10 – Diagnostic et choix stratégique au niveau global 203

A. Les ressources et leur organisation


a. L’évaluation des fonctions de l’entreprise
Il s’agit d’un travail d’audit qui doit permettre à l’entreprise de choisir
une stratégie conforme à ses capacités et moyens. Il convient de procé-
der à une évaluation des différents domaines de gestion de l’entité :
– commercial (marketing, communication commerciale, distribution,
force de vente) ;
– technique (localisation, niveau technique des unités de production,
flexi-bilité) ;
– financier (capacité d’autofinancement, endettement, structure finan-
cière) ;
– de la Recherche & Développement (budget, équipes, équipement, pro-
ductivité, etc.) ;
– de la GRH (GPE, qualification, flexibilité du travail, motivation et pro-
ductivité, etc.) ;
– de l’organisation et du pilotage (cohérence, simplicité, système de
contrôle, communications).
Il faut aussi prendre en compte la culture de l’entité (valeurs partagées,
système d’animation, etc.) et son capital immatériel.

L’évaluation du capital immatériel de l’entreprise

Le capital immatériel se compose du capital humain et du capital structurel.


– Le capital humain est le savoir-faire accumulé par le personnel de l’entreprise.
L’entreprise n’en est pas propriétaire et doit cependant s’employer à l’entretenir et le
développer (formation), tout en mettant en place des moyens de fidélisation (prime
d’ancienneté, PEE, stocks-options, etc.).
– Le capital structurel comprend les immobilisations incorporelles de l’entreprise
(brevets, fonds de commerce, logiciels, etc.), mais aussi son efficacité organisationnelle. Il
est la propriété de l’organisation et est donc cessible.
Ce capital immatériel explique, au moins en partie, la différence entre la valeur marchande
d’une entreprise et sa valeur comptable. On observe aisément sur les marchés boursiers la
survalorisation des entreprises de haute technologie.
Pourtant la comptabilité de l’entreprise n’est pas toujours adaptée pour mesurer la
valeur d’un tel capital. Ainsi un certain nombre d’investissements immatériels sont-ils
comptabilisés comme de simples charges d’exploitation au lieu d’immobilisations
(dépenses de formation, une partie des frais de recherche, de veille technologique…).

Le diagnostic peut être conduit dans l’absolu, ou de plus en plus sou-


vent mené de manière comparative, par référence à une entreprise du
secteur ou d’un autre secteur, particulièrement performante dans le
domaine considéré (démarche d’étalonnage ou benchmarking).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
204 Management et économie des entreprises

EXEMPLE DE L’ÉVALUATION DU POTENTIEL FINANCIER

Possibilités d’augmenter
les capitaux propres
(différentes selon
Capacité d’autofinancement Potentiel
le statut juridique,
liée à la rentabiblité financier
la rentabilité financière,
de l’entreprise de l’entreprise
la notoriété, l’accès
aux marchés
financiers...)

Possibilités d’endettement
(structure du bilan
et ratio d’endettement actuel,
pouvoir de négociation
vis-à-vis des banques,
accès aux marchés
financiers)

b. L’analyse technologique
1. La technologie et son évolution
La technologie d’une entreprise est l’ensemble des connaissances et des techniques
qu’elle utilise pour concevoir et fabriquer ses produits. Elle est le savoir-faire technique
de l’entreprise.
Chaque entreprise dispose ainsi d’un patrimoine technologique qu’elle
acquiert au fil du temps dans ses différentes fabrications.
Sur un plan général, la technologie est l’ensemble des techniques, des outils
et des procédés scientifiques et empiriques employés dans l’industrie.
L’évolution technologique connaît une forte accélération depuis la première
révolution industrielle qui a commencé à la fin du xviiie siècle en Angleterre.
Elle se développe de façon irrégulière, par grappes d’innovations tech-
niques (les révolutions technologiques). Elle modifie non seulement l’envi-
ronnement de l’entreprise mais aussi les conditions de son fonctionnement.

2. Les conséquences de l’évolution technologique


Le progrès technique se traduit souvent pour les entreprises par une
réduction des coûts de production qui peut même se traduire par une
rupture de pente de la courbe d’expérience du domaine d’activité consi-
déré (du fait de l’accélération de la baisse des coûts).
La qualité du produit peut être améliorée par le progrès technique (ex. :
incorporation d’électronique dans l’électroménager et le matériel photo-
graphique). Cette amélioration fruit d’une analyse de la valeur est un
facteur de différenciation du produit.
L’activité d’un secteur tout entier peut se trouver relancée (téléviseurs
avec le développement de la couleur, puis des écrans plats ; la micro-in-
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 10 – Diagnostic et choix stratégique au niveau global 205

formatique et la vidéo avec le développement de la microélectronique et


de l’optronique) ou au contraire compromise.
De nouvelles activités apparaissent, issues des nouvelles techniques. Ce
sont des opportunités pour certaines entreprises et certains secteurs
(ex. : le développement de la télématique pour les activités bancaires et
financières), mais des menaces pour d’autres (ex. : les calculatrices élec-
troniques pour les fabricants de règles à calcul dans les années 70 ; le
développement du cybercommerce pour les distributeurs traditionnels).
Le progrès technique peut modifier la définition des groupes straté-
giques d’un secteur et sa structure concurrentielle, remettant le cas
échéant en cause certaines stratégies d’entreprise. Il favorise souvent la
concentration industrielle du fait du coût des investissements qu’il exige.
Les catégories de technologies
La société Arthur D. Little distingue :
– les technologies de base, qui dominent dans la mise en œuvre d’une activité mais dont
l’impact concurrentiel est aujourd’hui secondaire (ex. : technologie du moteur à explosion,
dans le secteur automobile ; les technologies des réseaux de télécommunication à haut
débit, « autoroute de l’information » pour les entreprises du secteur des
télécommunications, fabricants et gestionnaires de réseaux) ;
– les technologies-clés, dont l’impact concurrentiel est décisif et dont la maîtrise est l’une
des compétences distinctives nécessaires dans l’activité considérée (ex. : les
biotechnologies pour les industriels de la pharmacie ; les technologies de la motorisation
hybride et/ou électrique dans l’automobile) ;
– les technologies de pointe, aux applications encore limitées et qui offrent un fort
potentiel de différenciation (ex. : technologie des alliages à mémoire de forme dans
l’aéronautique, les nanotechnologies, technologie du « béton vert » dans le BTP) ;
– les technologies émergentes, qui en sont à l’étape de la mise au point, aux applications
encore incertaines mais dont l’influence potentielle semble importante (ex. : applications
du graphène ; Les méthodes de biosimulation dans la pharmacie (tests in silico),
technologie des matériaux autoréparants ou encore de la photosynthèse artificielle).

3. L’impact concurrentiel d’une technologie


De la même façon que les produits, les technologies évoluent selon un
cycle de vie. Elles se développent selon une courbe logistique (en forme
de S). Lorsqu’une technologie a atteint son efficacité maximum, elle
risque d’être menacée de plus en plus fortement par des technologies
nouvelles. La détermination du stade de développement de chaque tech-
nologie participe donc d’un effort de prévision technologique.
ILLUSTRATION
En 2002, la technologie du GSM arrive à maturité et tend donc à se banaliser. Ainsi,
Ericsson et Motorola décident de licencier leur technologie dans ce domaine à d’autres
entreprises situées en Asie.

L’évolution technologique peut conduire à des regroupements (techno-


logie commune) ou au contraire à l’éclatement des segments stratégiques
de l’entreprise (différenciation des technologies jusque-là communes).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
206 Management et économie des entreprises

EXEMPLE
La technologie particulière du crayon plastique Conté qui a conduit à un éclatement
du segment stratégique des crayons à dessin.

De la même façon, la maîtrise de nouvelles technologies vient modifier


le métier de l’entreprise.
EXEMPLE
L’entrée de l’électronique dans l’électroménager, l’automobile, l’aéronautique, etc.

4. La stratégie technologique
Elle consiste à la fois à déterminer quelles sont les technologies à déve-
lopper et quels sont les moyens utilisables pour y parvenir.

Les moyens de prévoir : la veille technologique


Un effort de prévision technologique facilite le choix des stratégies à
développer. Il passe souvent par le recours aux services d’une entreprise
spécialisée dans la veille technologique.
La veille technologique consiste à scruter de façon permanente et systématique l’envi-
ronnement technologique afin d’anticiper l’apparition de techniques nouvelles.

Elle s’appuie sur un travail documentaire (revues, salons, analyse des


brevets déposés…) et de collecte d’information (auprès des fournisseurs,
clients, centres de recherche, experts…).

Les moyens d’obtenir les technologies nouvelles sont


la production et l’acquisition1
La production
Elle consiste en un investissement en recherche et développement qui
peut déboucher sur une invention. Celle-ci peut être protégée par le
dépôt d’un brevet d’invention (en France auprès de l’INPI). L’innovation
est le prolongement économique de l’invention (v. p. 189).
On assiste au développement de « réseaux de recherche et d’innovation
technologique » (RRIT) associant des entités publiques de recherche et
des entreprises industrielles, notamment des PMI et ayant pour vocation
de transférer des technologies nouvelles vers les entreprises.
On constate aussi une multiplication des coopérations inter-entreprises
dans le domaine de la recherche et développement.
EXEMPLE
Renault et PSA collaborent à la réalisation d’une boîte de vitesse automatique pro-
duite par une filiale commune, la STA (80 % Renault – 20 % PSA).

1.  Des aides peuvent être obtenues de BPI France.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 10 – Diagnostic et choix stratégique au niveau global 207

L’acquisition est possible de deux façons


• Elle peut d’abord se faire par transfert d’une technologie (l’ensemble
d’un savoir-faire) déjà produite. Achat d’un procédé ou d’un produit
encore au stade de la mise au point (transfert innovant) ou achat
d’une technologie déjà opérationnelle (transfert à l’identique).
EXEMPLE
Nokia pratique systématiquement l’acquisition de technologies tant pour réduire le
coût de développement que pour gagner du temps sur la concurrence. C’est ainsi que
la technologie du GSM a été partiellement acquise par Nokia auprès de Matra dans
les années 90.

De tels transferts peuvent impliquer l’achat de brevets ou de licence mais


aussi l’acquisition d’un savoir-faire et d’installations productives. Ils sont
un bon moyen de disposer rapidement d’un nouveau procédé ou d’un pro-
duit sans en avoir supporté les frais de recherche et développement.
EXEMPLE
Sanofi-Synthélabo a passé en 2002 avec la société de biotechnologie IDM un accord
lui permettant de choisir sur une période de 10 ans, 20 médicaments anti-cancéreux
dans le portefeuille de nouveaux produits de cette société.

Le transfert de technologie, source nécessaire de rentabilité


Les entreprises doivent rentabiliser rapidement leurs innovations techniques, du fait du
raccourcissement de la durée de vie des technologies. Une diffusion rapide à l’échelon
national et international est souvent nécessaire.
Le transfert de technologie est le moyen de cette diffusion. En concédant son savoir-faire
l’entreprise peut rentabiliser ses frais de recherche et entraîner des ventes de
composants et accessoires dont elle garde l’exclusivité. Il comporte néanmoins le risque
de favoriser l’émergence de nouveaux concurrents !
Le transfert de technologie permet parfois d’éviter les barrières douanières et d’accéder
au marché d’un pays en développement, en s’associant à une entreprise locale
bénéficiaire du transfert.

• Elle est aussi réalisable par croissance externe en achetant ou en pre-


nant le contrôle de l’entreprise possédant la technologie convoitée.
EXEMPLE
Essilor a acquis ainsi, la société américaine Gentex, premier producteur mondial de
verres en polycarbonate, en février 1995 afin d’obtenir son savoir-faire en même
temps que d’accéder au marché américain.

c. L’évaluation de la structure d’organisation


de l’entreprise
A. Chandler dans Stratégie et structure (1966), a montré l’importance de
la relation structure-stratégie. Selon lui toute évolution de la stratégie
implique un changement dans les structures de l’entreprise. À chacune
des stratégies de base qu’il distingue, correspond un type d’organisation.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
208 Management et économie des entreprises

Ainsi, à la stratégie d’expansion en volume, correspond l’organisation


centralisée et la stratégie de diversification des produits correspond une
structure multidivisionnelle. Cette conception est à rapprocher de celle
de P. Drucker dans Structures et changements (1996) où la structure
organisationnelle reflète la « logique d’entreprise » : les postulats rete-
nus, concernant le marché et la technologie.
Partant de là, l’évaluation de la structure organisationnelle va surtout
consister à vérifier que celle-ci est bien compatible avec la stratégie choi-
sie et sinon à envisager les évolutions nécessaires et les coûts qui en
découlent. (voir les différentes formes de structures dans le chapitre 12
consacré à l’organisation de l’entreprise).

d. Le repérage des facteurs clés de succès


et des compétences de base
Cette démarche de repérage s’apparente au modèle des Ressources-Com-
pétences de Wernerfelt (1984) et Barney (1991).

1. L’évaluation des facteurs-clés de succès (v. aussi p. 184)


L’idée est que le succès de l’entreprise va reposer sur une stratégie dont
les axes sont peu nombreux. Il convient donc de s’intéresser aux compé-
tences requises pour suivre ces axes stratégiques : ce sont les facteurs
clés de succès.
Ceux-ci diffèrent selon le secteur industriel et la stratégie retenue.
Cette identification résulte d’une analyse de l’environnement concurren-
tiel et technologique de l’entreprise : opportunités et menaces, cycle de
vie du secteur, courbe d’expérience, structure du secteur, schéma de
l’environnement concurrentiel, etc.
Ils peuvent être considérés comme la maîtrise indispensable de cer-
taines compétences et ressources pour garder sa compétitivité dans un
secteur donné.
Au niveau d’une entreprise donnée, les FCS qui sont pris en compte
sont de fait ceux qui sont identifiés comme tels par les dirigeants et
fondent leur stratégie. Ces différences d’une entreprise à l’autre dans
l’appréciation des FCS expliqueraient les divergences des stratégies sui-
vies dans un même secteur.
EXEMPLES
– Bière : réseau de distribution
– Pétrole : accès aux sources d’approvisionnement et outil de production (économies
d’échelle).

Selon Joffre et Koenig (1992), les facteurs de compétitivité font l’objet au


sein de l’entreprise d’« un consensus qui résulte d’un processus collectif
d’apprentissage ».
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 10 – Diagnostic et choix stratégique au niveau global 209

2. L’évaluation des compétences de base


Pour Hamel et Prahalad (90) : « les compétences centrales sont l’ap-
prentissage collectif d’une organisation et particulièrement comment
coordonner les diverses compétences techniques et intégrer les multi-
ples courants technologiques ».
Selon ces auteurs ces compétences, racines de la compétitivité sont
déterminantes pour l’entreprise car elles lui permettent de bénéficier
d’une rentabilité supplémentaire mais également de s’engager dans une
diversification cohérente de ses activités.
La compétence de base de l’entreprise est comparable à la racine d’un
arbre dont le tronc et les branches sont les produits de base, tandis que
le feuillage et les fruits sont les produits vendus à la clientèle.
Une compétence est fondamentale lorsque :
– elle représente une valeur pour la clientèle ;
– sa maîtrise par l’entreprise n’est pas contestée ;
– elle fait preuve d’une certaine généralité, c’est-à-dire qu’elle peut s’ap-
pliquer à d’autres produits.
Ces compétences de base, ou fondamentales, ou cœurs de compétence
sont composées de quatre éléments : les savoirs, les systèmes tech-
niques, les systèmes de management, les valeurs et normes.
Elles reposent sur un apprentissage collectif. Chacune se traduit par un
facteur-clé de succès.
Il convient donc d’examiner les compétences de base de l’entreprise, les
mesurer et envisager les moyens de les améliorer et d’en acquérir de
nouvelles (par développement interne ou par acquisition).

3. L’analyse fondée sur les ressources et les compétences


(competence-based management ou CBM)
Les entreprises doivent être finalement analysées comme des porte-
feuilles de ressources et compétences plutôt que de les considérer
comme des portefeuilles d’activités.
Les ressources correspondent au capital matériel et immatériel que l’en-
treprise a constitué tandis que les compétences correspondent à la capa-
cité de l’entreprise à utiliser et à combiner efficacement ses ressources.
Selon J.B. Barney, l’existence d’un avantage concurrentiel durable
dépend de 4 conditions concernant les ressources et compétences :
– Premièrement, celles-ci doivent être de valeur pour l’entreprise, c’est-
à-dire lui permettre de saisir des opportunités ou d’échapper à une
menace de l’environnement.
– Deuxièmement, elles doivent être rares, c’est-à-dire inaccessibles à la
plupart des entreprises voire uniques.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
210 Management et économie des entreprises

– Troisièmement, les ressources ou les compétences doivent être diffici-


lement imitables afin que les concurrents ne soient pas capables de
copier la stratégie de l’entreprise. La difficulté de repérer les res-
sources et compétences à la base de l’avantage concurrentiel peut
jouer un rôle à ce sujet.
– Quatrièmement, les ressources ne doivent pas être aisément rempla-
çables (absence de substituts).
– Enfin, il est aussi nécessaire que l’entreprise organise ses ressources et
ses compétences à travers des processus de travail et une structure
adaptés à leur mise en œuvre afin d’obtenir l’avantage concurrentiel
durable qui est visé.
Selon R. Sanchez et A. Heene, la construction de compétences offre à
l’entreprise des options nouvelles. Celle-ci peut également exploiter ses
compétences en les déployant dans de nouvelles conditions et les inten-
sifier en les adaptant et les améliorant. Il convient également de les
défendre en les protégeant, notamment par la propriété industrielle (bre-
vets, dessins et modèles).

B. L’application des modèles de portefeuille


Ces outils n’intéressent que les entreprises aux activités diversifiées
puisqu’ils visent à faciliter la gestion d’un éventail d’activités (ou de
DAS) en tenant compte des complémentarités pouvant apparaître sur les
plans financier, concurrentiel, conjoncturel, etc. On s’inscrit alors, dans
le cadre d’une entreprise multi-métiers, dans une approche stratégique
globale (« corporate strategy »).
Ne sont présentés ici que les modèles du Boston Consulting Group dont
le premier est le plus connu. D’autres cabinets de conseil avaient à la
même époque développé leur propre modèle (Mc Kinsey et Arthur
D. Little notamment).

a. Le premier modèle du Boston Consulting Group


(BCG) – 1970
1. Présentation
Le cabinet de conseil Boston Consulting Group a proposé un modèle qui
évalue la compétitivité d’une activité à partir de deux critères : la part de
marché relative détenue par l’entreprise et le taux de croissance du mar-
ché.
– Les vedettes sont des produits à forte croissance pour lesquels l’entre-
prise détient un avantage concurrentiel (forte part de marché). Ils sont
bénéficiaires mais ne produisent pas toujours toutes les liquidités
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 10 – Diagnostic et choix stratégique au niveau global 211

nécessaires pour financer les investissements liés à leur développe-


ment. Quand la croissance ralentit, les besoins d’investissement dimi-
nuent et ces produits deviennent alors des sources de liquidités,
jusqu’à devenir à leur tour des vaches à lait.

PREMIER MODÈLE DU BCG

– Les vaches à lait sont des produits pour lesquels l’entreprise détient
un avantage concurrentiel important alors que le faible taux de crois-
sance du marché réduit fortement les besoins d’investissement. Des
flux importants de liquidités sont donc générés par ces produits. Leurs
perspectives d’avenir sont limitées mais ces produits permettent le
financement de nouvelles activités.
– Les dilemmes sont situés dans des secteurs en forte croissance qui
requièrent donc des investissements importants, mais la faible posi-
tion de l’entreprise sur ce marché ne lui permet pas de générer des
liquidités importantes. Il faudrait donc choisir entre tenter d’acquérir
une forte part de marché ou abandonner ce produit.
– Les poids morts peuvent dégager un faible bénéfice comptable mais
leur cash-flow doit être réinvesti pour maintenir le produit sur le mar-
ché. Ces activités condamnées n’apportent donc rien à l’entreprise.
EXEMPLE
Owen-Jones PDG de L’Oréal de 1988 à 2006, appliquait ce qu’il appelait la stratégie
« de la vache et du veau » qui s’apparente au modèle du BCG.

Il est commode d’utiliser une représentation graphique de ce modèle,


sous la forme d’une matrice divisée en quadrants. Sur l’axe vertical, on
mesure le taux de croissance de la demande du domaine d’activité
considéré. Sur l’axe horizontal, on mesure la part de marché relative,
détenue par l’entreprise. Pour chacun de ces deux critères, sont retenues
deux modalités : fort ou faible. Chacun des quadrants peut alors être
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
212 Management et économie des entreprises

caractérisé par une situation financière typique d’où les surnoms


expressifs de « vedettes » (stars), « dilemmes », « vaches à lait », « poids
morts ».

UTILISATION DU PREMIER MODÈLE DU BCG :


VISUALISATION DU PORTEFEUILLE D’ACTIVITÉ

Chaque domaine d’activité est représenté par un cercle dont la surface est proportionnelle
au chiffre d’affaires.

2. Utilisation
Ce modèle permet d’évaluer la situation de chaque produit de l’entre-
prise ainsi que l’équilibre de son portefeuille d’activités. Il permet aussi
d’orienter les décisions stratégiques, en s’appuyant sur l’idée que chaque
produit est appelé à devenir vache à lait ou poids mort.
L’entreprise doit rentabiliser ses vaches à lait, afin d’avoir les moyens de
maintenir sa position en ce qui concerne les vedettes et d’investir mas-
sivement, pour développer la part de marché des produits dilemmes
qu’elle a décidé de conserver.

b. Le second modèle du BCG – 1980


Le BCG a réaménagé son outil d’analyse, car l’instabilité de l’environne-
ment économique mondial et la concurrence exacerbée qui l’accom-
pagne rendent difficile, dans les années 80, l’installation d’une entre-
prise dans un domaine d’activité.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 10 – Diagnostic et choix stratégique au niveau global 213

1. La nouvelle matrice du BCG


Elle prend en compte la diversité des environnements concurrentiels.
Les quatre cases de la matrice correspondent à quatre types d’environne-
ment, définis selon l’importance de l’avantage détenu sur la concurrence
et le nombre de procédés permettant d’obtenir cet avantage.
Avantage
concurrentiel
Possibilités faible élevé
de différenciation
concurrentielle
nombreuses Situation fragmentée Stratégie de spécialisation
Situation d’impasse Stratégie de domination
limitées
par les coûts

2. La stratégie la mieux adaptée


Elle dépend des relations qui s’établissent entre le taux de rendement de
l’investissement (TRI) et la part de marché (PM) (voir le schéma ci-après).
– Lorsqu’il existe un grand nombre de façons d’obtenir un avantage
compétitif, mais toujours de faible importance, la situation est frag-
mentée et il n’y a pas de relation entre la part de marché détenue et la
rentabilité. Le marché de la restauration correspond à ce cas et
l’exemple de la restauration rapide montre que l’on peut réussir une
entrée sur un tel marché.
LES RELATIONS ENTRE LE TRI ET LA PART DE MARCHÉ
DANS LE DEUXIÈME MODÈLE DU BCG
beaucoup

Fragmentation Spécialisation
TRI TRI
Nombre d’approches

PM PM

Impasse Volume
TRI TRI
peu

PM PM
faible grande
Importance de l’avantage
Schéma de A.C. Hax et N.S. Majluf Harvard, l’Expansion, 1984.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
214 Management et économie des entreprises

– Lorsque l’environnement offre aux entreprises de nombreuses façons


de se constituer un avantage concurrentiel, la spécialisation va de
soi, mais la croissance de la part de marché détenue n’a pas toujours
un effet positif sur la rentabilité car elle implique alors que l’on
empiète sur les segments des concurrents, sur lesquels la spécialisa-
tion retenue est moins adaptée.
– Lorsqu’il n’existe qu’un petit nombre de voies permettant d’obtenir un
avantage concurrentiel et lorsque l’avantage détenu est important, les
stratégies de domination par les coûts (par développement du volume
de production), présentent un intérêt.
– Lorsqu’aucun concurrent n’est en mesure de se constituer une position
avantageuse, du fait que les conditions à remplir pour entrer sur le
marché sont facilement accessibles, la part de marché détenue est sans
influence sur la rentabilité. L’entreprise est dans une impasse sur le
plan stratégique.

C. Les combinaisons d’activités (économies


de champ et effets de synergie)
L’entreprise doit chercher quelles sont les compétences dont elle dispose
qui peuvent être mieux valorisées en élargissant l’éventail de ses activi-
tés reposant sur ces compétences. Elle peut ainsi accéder à des écono-
mies de champ.
Celles-ci apparaissent lorsqu’il est moins coûteux de combiner plu-
sieurs activités dans la même entreprise, plutôt que de les réaliser
séparément. Ces économies correspondent aux effets de synergie définis
par Harry Igor Ansoff (Stratégie et développement de l’entreprise, 1968,
Hommes et techniques) réalisables en ajoutant aux activités de l’entre-
prise, certains produits qui utilisent les mêmes compétences ou les
mêmes outils.

II. Les choix stratégiques concernant


l’entreprise tout entière
A. Un choix stratégique fondamental :
spécialisation ou diversification
Toute entreprise doit choisir entre un renforcement de sa spécialisation
dans le métier qu’elle a retenu (métier d’origine comme Dassault ou le
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 10 – Diagnostic et choix stratégique au niveau global 215

Club-Méditerranée, ou métier nouveau pour BSN devenue Danone) et la


diversification, qui impose, elle, l’acquisition de nouvelles compétences
(Vivendi ou Bouygues dans les métiers de la communication). En réalité
l’entreprise se déplace au cours de son histoire sur un curseur qui se
situe entre les deux extrêmes.

a. La spécialisation
La spécialisation (« pure player ») consiste pour l’entreprise à se développer à travers un
seul métier, parfois un seul produit ou un seul marché.

1. Diversité des formes


La spécialisation est une ligne de conduite qui peut se manifester de
façon plus ou moins étroite. Certaines entreprises vont se spécialiser
dans un métier à travers une diversité de produits dont la production
repose sur les mêmes savoir-faire, tandis que d’autres le feront à travers
une gamme de produits similaires afin de couvrir l’ensemble des seg-
ments d’un marché. Enfin, pour utiliser la notion de « marché perti-
nent », dans un secteur donné il sera souvent nécessaire de diversifier
géographiquement les clientèles visées afin de couvrir l’ensemble du
marché sur lequel se joue la concurrence du produit ou de la catégorie
de produits dans lesquels on s’est spécialisé. Ce sera de plus en plus
souvent le marché européen ou même le marché mondial. Enfin, cer-
taines autres entreprises se spécialisent sur un seul segment du marché
d’un secteur, poussant ainsi la spécialisation à l’extrême.
EXEMPLE
L’Oréal est spécialisée dans le métier des cosmétiques tandis qu’elle a diversifié ses
gammes de produits pour s’adapter aux principaux segments de marché : Luxe,
Grand public, Professionnels et Dermatologie.

2. Avantages
Elle présente tous les avantages qui résultent d’une concentration des
efforts de l’entreprise dans un même domaine : meilleure connaissance
de l’environnement concurrentiel, simplification de la gestion, dévelop-
pement d’une image unique – plus forte – auprès de l’environnement,
niveau d’« expérience » plus élevé qui apporte un avantage concurrentiel.
EXEMPLES
– Michelin, dans le métier du pneumatique.
– Valeo dans l’équipement pour l’automobile ou le poids lourd.

Remarquons que la plupart des 200 premières capitalisations mondiales


(classement de la revue Business Week) correspondent à des entreprises
qui n’exercent qu’un seul métier (ex. : Shell, Coca-Cola, Air-France,
Club-Méditerranée).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
216 Management et économie des entreprises

3. Inconvénients
Ils tiennent d’abord au risque pris par l’entreprise en liant son sort à
celui d’un seul métier. Toute modification rapide de celui-ci (à la suite
d’une évolution technologique par exemple) risque de déséquilibrer l’en-
treprise. C’est notamment lors des dernières phases du cycle de vie du
métier que ces risques d’évolutions défavorables sont les plus nombreux.
De plus la spécialisation peut aussi engendrer des rigidités au niveau de
l’organisation, qui affaiblissent la capacité d’adaptation de l’entreprise.

b. La diversification
1. Présentation de la notion
La diversification consiste pour l’entreprise à se développer à travers plusieurs produits,
parfois plusieurs marchés, voire plusieurs métiers.

Selon H.I. Ansoff, professeur de management à l’Université Carnegie


Mellon de Pittsburg, la diversification correspond à l’exercice de nou-
velles activités, impliquant à la fois de nouveaux produits et de nou-
veaux marchés (ex. : l’entreprise Orange avec la banque en ligne ; l’entre-
prise Bic avec la fabrication de planches à voile ; le groupe Toyota avec
sa branche « manutention » dans le cadre de Toyota Material Handing
Group ; le leader français du jouet Smoby a orienté sa filiale de plastur-
gie MOB vers l’emballage de cosmétiques et pour l’agro-alimentaire ;
BMW est sortie de son créneau en se développant aussi à travers les
marques Mini et Rolls-Royce).
LA MATRICE D’ANSOFF (LES DIFFÉRENTES STRATÉGIES DE CROISSANCE PRATICABLES
SELON I. ANSOFF)

Produit
existant nouveau
Marché
existant Pénétration du marché Développement du produit
nouveau Développement du marché Diversification

2. Les formes de la diversification


– Verticale ou intégration, par laquelle l’entreprise complète son activité
par des productions complémentaires qui se situent en amont ou en
aval dans la même filière technologique, afin de bénéficier notamment
d’une plus grande sécurité.
– Concentrique (ou liée), dans laquelle les activités nouvelles ont avec
les anciennes des liens de complémentarité sur le plan technologique
(par exemple pour l’entreprise de tissage de la soie Brochier qui a
appliqué son savoir-faire aux fibres artificielles ou pour Microsoft qui
a valorisé son savoir-faire en matière logicielle dans sa console de jeu
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 10 – Diagnostic et choix stratégique au niveau global 217

X-box en 2002) ou sur le plan commercial (même réseau de distribu-


tion ; par exemple pour les rasoirs, briquets et stylos jetables de Bic ou
pour la maroquinerie, les stylos et briquets de Dupont).
– Conglomérale, dans des activités sans lien avec les produits actuels de
l’entreprise, ce qui implique pour elle la maîtrise de nouveaux métiers.
Ainsi, Virgin en Angleterre, General Electric aux États-Unis et surtout le
célèbre chaebol coréen Samsung qui se développe à la fois dans l’élec-
tronique, le textile et la chimie, l’immobilier et les loisirs, l’ingénierie et
les industries lourdes, la construction et même les services financiers.
La diversification conglomérale peut répondre à un besoin de reconver-
sion dans un métier neuf (ex. : Philip Morris, numéro un mondial du
tabac a acquis en juin 2000 le groupe alimentaire Nabisco).
Mais le plus souvent, elle est le résultat d’une gestion purement finan-
cière du portefeuille d’activités de l’entreprise. Celle-ci a alors la forme
d’une société de holding, dont les actifs ne sont constitués que de parts
d’autres sociétés et qui fait évoluer son portefeuille d’activités par achat
et vente de participations dans des entreprises.
Les faiblesses des conglomérats sont devenues évidentes au cours des
années 1980, et pour M.E. Porter, « le conglomérat dans son ensemble a
moins de valeur que la somme des parties dont il est formé ». C’est ce
phénomène dit de « réduction des conglomérats » qui donnerait tout son
intérêt à la pratique du raid boursier.

3. Avantages et inconvénients de la diversification


Avantages
Elle permet notamment de répartir les risques sur plusieurs activités.
Elle évite de lier le sort de l’entreprise à l’avenir d’un seul produit ou
métier, surtout lorsque ceux-ci arrivent à la fin de leur cycle de vie. Elle
offre la possibilité de constituer un portefeuille d’activités équilibré, en
s’appuyant par exemple sur l’un des modèles de portefeuille, utilisables
en analyse stratégique. (ex. : Mac, iPod et iPhone d’Apple).
Elle peut également permettre à l’entreprise d’améliorer sa rentabilité
globale, en s’appuyant sur les complémentarités qui peuvent exister
entre les activités. Il s’agit alors de gain de synergie, ou effet de synergie
positif qui a été défini par H.I. Ansoff. Il y a gain de synergie lorsque le
résultat obtenu en mettant en œuvre simultanément plusieurs activités,
est supérieur à la somme des résultats qui seraient obtenus si ces activi-
tés étaient réalisées séparément (« 2 + 2 = 5 »).

Inconvénients
Elle peut conduire à une dispersion des efforts d’investissement de l’en-
treprise, qui nuira à leur efficacité qu’il s’agisse d’investissements maté-
riels ou de recherche et développement et de formation.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
218 Management et économie des entreprises

Elle aboutit à rendre le management plus complexe, et l’unité de l’en-


semble est plus difficile à trouver.

4. Les stratégies de diversification


J.-P. Detrie et B. Ramanantsoa, professeurs au Centre HEC-ISA, pro-
posent une typologie fondée sur deux critères : la position concurren-
tielle de l’entreprise dans son métier de départ et l’attrait que présente
ce métier.
Les quatre stratégies se distinguent surtout par la différence de finalités
des décideurs et aussi par le degré d’urgence des choix.
– La diversification de placement correspond à une recherche de renta-
bilité dans de nouveaux métiers qui doivent présenter une forte renta-
bilité.
– La diversification de redéploiement correspond à une recherche d’ac-
tivité à perspectives de forte croissance afin de permettre une recon-
version de l’entreprise, et cela dans un secteur lui offrant des possibi-
lités de synergie avec son métier actuel.
– La diversification de confortement a pour finalité d’adjoindre à l’acti-
vité de l’entreprise une activité complémentaire lui permettant de
renforcer sa position et d’améliorer sa rentabilité.
– La diversification de survie a pour objet d’apporter à l’entreprise une
activité nouvelle, seul moyen pour elle de ne pas disparaître.

POSITION CONCURRENTIELLE SUR LE SECTEUR DE DÉPART

Source : J.-P. Detrie et B. Ramanantsoa, Stratégie de l’entreprise et diversification, Nathan.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 10 – Diagnostic et choix stratégique au niveau global 219

c. L’entreprise évolue entre diversification


et spécialisation
Au fil du temps et selon l’évolution de ses métiers, l’entreprise s’oriente
plutôt vers l’une ou l’autre de ces stratégies.

1. Le degré de diversification ou de spécialisation


En 1970, Wrigley définit 4 situations d’entreprise en fonction du degré
de diversification ou de spécialisation, mesuré par un coefficient de
spécialisation (% du chiffre d’affaires réalisé dans l’activité principale) :
– les entreprises qui se spécialisent dans une activité unique avec un
coefficient > 95 % ;
– celles qui ont une activité dominante qui représente entre 70 % et
95 % du chiffre d’affaires total tout en développant d’autres activités ;
– celles qui réalisent plus de 30 % de leur chiffre d’affaires en dehors de
leur activité principale mais dans des activités liées sur un plan com-
mercial ou technologique à cette activité principale ou entre elles ;
– celles qui réalisent plus de 30 % de leur chiffre d’affaires dans des
activités hétérogènes.

2. La stratégie de recentrage
L’expérience des vingt dernières années montre que les entreprises les
plus rentables sont souvent celles qui ont choisi de se recentrer sur leurs
métiers de base ou d’excellence.
EXEMPLE
Usinor a cédé en 1998 sa branche aciers spéciaux, afin de se recentrer sur les aciers
plats et inoxydables. Nokia a cédé en 1992 toutes ses activités, sauf les télécommuni-
cations, pour se consacrer au téléphone mobile. Le chimiste BASF a abandonné sa
branche pharmacie en 2000 pour concentrer ses investissements sur la chimie.

La démarche consiste à concentrer ses ressources dans ses métiers prin-


cipaux qui sont développés à l’échelle la plus large (l’échelle mondiale
pour les grands groupes comme IBM ou Philips), afin de faciliter l’inno-
vation et la productivité.
Un tel choix de spécialisation implique le plus souvent une politique
d’alliance et de partenariat pour externaliser des activités nécessaires
mais qui sortent du métier retenu.
EXEMPLES
Toyota, Nissan ou Nike, Reebok, Benetton. Ce dernier distribue chaque année plus de
150 millions d’articles dans 120 pays par un réseau externalisé de 6 000 points de
vente.

L’externalisation d’activités et de fonctions de support s’est donc forte-


ment développée dans de nombreuses grandes entreprises.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
220 Management et économie des entreprises

B. Les choix relatifs à l’externalisation


d’activités et de fonctions
a. L’externalisation d’activité
L’externalisation d’activité consiste à « faire-faire » plutôt que « faire soi-même », c’est-
à-dire à confier à des partenaires certaines étapes de la chaîne de valeur de l’entreprise.

Cette pratique concerne aujourd’hui un grand nombre d’entreprises qui


souhaitent se recentrer sur leur métier principal, dans l’industrie (auto-
mobile, informatique, aéronautique) comme dans les services (banque,
assurances, transports).

Intégration ou externalisation ?
Après une vague d’externalisation des activités, il semble qu’aujourd’hui certaines
entreprises reviennent en arrière (quand il en est encore temps) après avoir subi les
inconvénients d’une externalisation trop poussée et parfois irréfléchie.
Les avantages de l’externalisation :
– Le recentrage de l’entreprise, source d’efficacité ;
Afin de concentrer ses moyens sur son métier, l’entreprise abandonne à des partenaires
extérieurs, spécialistes, toutes les activités annexes (nettoyage, gardiennage, restauration
collective, veille et documentation…). La division du travail est plus poussée ce qui est une
source de gains de productivité.
Elle réduit ainsi ses charges et consacre ses ressources à l’essentiel.
– La réduction des charges ;
l’entreprise sélectionne ses partenaires pour leur rapport qualité/prix, en les mettant en
concurrence. Cela lui permet donc de réduire ses coûts dans tous les domaines
externalisés*.
Ses inconvénients :
– La dilution de l’entreprise ;
si l’on pousse trop loin cette logique en l’étendant à des fonctions vitales (système
d’information, recherche et développement, production) l’entreprise finit par devenir
« virtuelle » en se réduisant à combiner de multiples fonctions assurées par des entreprises
extérieures aux modes de fonctionnement et aux statuts des personnels très disparates.
– Sa fragilisation et sa dépendance :
la maîtrise de l’activité et partant de là, la qualité du processus productif et du produit sont
fragilisés ainsi que la maîtrise et la confidentialité de la technologie.
L’entreprise devient poreuse, floue pour sa clientèle et son personnel, vulnérable vis-à-vis
de ses nombreux partenaires extérieurs. Sous-traitants et prestataires de services finissent
par détenir un pouvoir de négociation considérable (ex. : les sociétés d’infogérance ou
certains sous-traitants chargés de produire des pièces indispensables).
– Les coûts de l’externalisation ;
l’externalisation crée un besoin de coordination et de contrôle des prestataires qui
constitue une véritable activité de gestion nouvelle. Elle implique également le maintien
d’un savoir-faire au sein de l’entreprise afin de pouvoir le cas échéant reprendre en charge
certaines fonctions. Ces coûts sont souvent minimisés lors des calculs de rentabilité
prévisionnelle d’un projet d’externalisation.
*  Les salariés consacrés à l’activité externalisée se trouvent eux-mêmes transférés au sous-
traitant.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 10 – Diagnostic et choix stratégique au niveau global 221

EXEMPLE
SEB internalise la fabrication de 72 % de sa production (à base d’innovations) et
externalise des produits à faible valeur ajoutée qui sont banalisés sur le plan techno-
logique pour 28 %.

b. Les modalités juridiques de l’externalisation


Selon le cas, on peut envisager de procéder à une opération de scission,
ou bien de procéder à un apport partiel d’actif ou encore à une cession
pure et simple d’une société ou d’un fonds de commerce, ou tout sim-
plement de passer un contrat de sous-traitance avec une entreprise
sélectionnée (v. aussi p. 226).

c. Les implications opérationnelles


Deux logiques s’opposent : celle de l’intégration ou internalisation (ver-
ticale et horizontale), source d’économies d’échelle et de gains de syner-
gie et celle de l’externalisation qui transforme des charges fixes en coûts
variables directs (coûts d’approvisionnement).
EXEMPLES
Dans le secteur informatique, IBM et Hewlett-Packard intègrent tous les stades de la
fabrication de leurs ordinateurs, tandis que Compaq et Microsoft se limitent à
quelques éléments de la filière de fabrication de leurs produits.

Selon les tenants de la théorie des coûts de transaction (Williamson et


Coase), plus les activités sont spécifiques (coûts de transaction élevés),
plus l’intégration est rentable, alors que l’externalisation est justifiée
pour toutes les activités standardisées (coûts de transaction faibles).
Mais les coûts de transaction (négociation, contrôle des fournisseurs)
sont aujourd’hui réduits par les nouveaux moyens de communication (le
donneur d’ordre peut suivre chaque jour par télématique l’état d’avance-
ment de sa commande chez son sous-traitant) et le développement de la
logistique et de la normalisation ISO.

d. Les implications stratégiques


L’efficacité opérationnelle ne suffit pas à donner un avantage compétitif
durable et le caractère stratégique du choix d’externaliser est évident.
D’un côté, l’externalisation permet à l’entreprise de se consacrer à son
métier (son « cœur d’activité ») en développant ses compétences-clés, ce
qui peut lui apporter un avantage concurrentiel conséquent.
Néanmoins, l’intégration, en apportant une maîtrise de la chaîne de
valeur, reste source de sécurité et les opportunités de redéploiement
sont souvent trouvées dans le développement d’activités secondaires
(théorie évolutionniste), qui tendent à disparaître en cas d’externalisa-
tion trop poussée.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
222 Management et économie des entreprises

Les progrès de l’externalisation s’expliquent surtout par le fait que cer-


tains donneurs d’ordre sont capables de conserver la maîtrise des acti-
vités externalisées, sur un plan contractuel (licences de fabrication,
cahier des charges, clauses de retour, pénalités), sur un plan technique
(contrôle télématique, inspecteurs, normes de qualité des processus) et
sur un plan commercial (pouvoir de négociation, accès au marché). On
voit ainsi émerger des « entreprises-réseaux » (ou entreprises « transac-
tionnelles »).
EXEMPLE
Dans l’habillement, Benetton à une étape de son développement destinait ses pro-
duits à 50 millions de clients dans le monde, en ne réalisant directement que 20 %
des opérations de production (dans 13 usines) et en s’appuyant sur 200 stylistes
indépendants, 450 sous-traitants et 7 000 boutiques franchisées.

Le choix d’externaliser n’est pas indépendant de celui relatif aux


alliances et à la coopération car l’externalisation nécessite ensuite une
coopération afin de conserver un certain contrôle des activités externa-
lisées mais qui restent indispensables à l’entreprise.

C. Les choix relatifs à la croissance


sont également déterminants
La croissance de l’entreprise consiste en l’augmentation de son chiffre
d’affaires et de sa valeur ajoutée, de l’effectif de ses salariés, du nombre
de ses implantations, etc.
On peut se référer à la matrice de H.I. Ansoff pour percevoir la diversité
des moyens de croissance dont dispose une entreprise (v. p. 216).
EXEMPLE
Une entreprise comme L’Oréal, créée en 1909, a pu devenir l’un des leaders mon-
diaux du secteur des cosmétiques grâce à un développement de ses marchés basé sur
l’innovation, le marketing et l’internationalisation. Pourtant de très nombreuses
entreprises choisissent de ne pas grandir.

On peut également se référer aux trois horizons de croissance du cabi-


net McKinsey. Dans l’horizon 1, l’entreprise trouve sa croissance dans le
développement de ses activités principales dans lesquelles elle va opti-
miser la création de valeur. Dans l’horizon 2, l’entreprise va développer
par l’investissement des activités émergentes, qui ne seront rentables
qu’à moyen terme, en s’appuyant autant que possible sur les ressources
et le modèle économique de ses activités principales (diversification
concentrique). Dans l’horizon 3, l’entreprise cherche à se développer
dans des activités complètement nouvelles pour l’entreprise et des inno-
vations qui ne pourront être rentables qu’à long terme.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 10 – Diagnostic et choix stratégique au niveau global 223

SCHÉMA DES TROIS HORIZONS DE CROISSANCE DU CABINET DE CONSEIL MCKINSEY

Schéma établi à partir de Enduring Ideas : The three horizons of growth, McKinsey Quarterly,
2009.

a. Les avantages liés à la croissance


La croissance apporte à l’entreprise un grand nombre d’avantages :
• Elle lui permet de tirer parti de l’effet d’expérience, défini par le BCG
(à partir des économies d’échelle et de l’effet d’apprentissage).
• Elle accroît le pouvoir de négociation de l’entreprise vis-à-vis de ses
principaux interlocuteurs (partenaires industriels et commerciaux,
banques, pouvoirs publics).
EXEMPLE
Pouvoir de négociation des industriels de l’agroalimentaire vis-à-vis des centrales
d’achat de la grande distribution.

• Elle permet à l’entreprise de suivre l’évolution de la masse critique


de son secteur d’activité. La masse critique d’un secteur est la taille
minimale qu’il faut atteindre pour s’installer ou se maintenir dans
ce secteur, avec une rentabilité positive. Cette taille minimale tient à
des barrières à l’entrée du secteur. Celles-ci sont des obstacles objec-
tifs ou délibérément mis en place par les entreprises du secteur
(investissements commerciaux nécessaires, niveau des équipements
de production, dimension des marchés à négocier pour son approvi-
sionnement, investissement en recherche et développement, surface
financière, niveau des ventes, niveau des prix…) que l’on ne peut
franchir qu’à partir d’un certain volume d’activité.
EXEMPLE
Dans l’industrie pharmaceutique, le coût croissant de la recherche incite à une
concentration des moyens et explique donc un grand nombre de regroupements
d’entreprises du secteur.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
224 Management et économie des entreprises

• Elle procure à l’entreprise les moyens de développer une stratégie en


lui donnant accès à des ressources et des débouchés croissants.
Par tous ces atouts, la croissance réduit la pression de la concurrence
subie par l’entreprise, en lui apportant un avantage concurrentiel qui
peut satisfaire le besoin de sécurité existant dans toute organisation.
Elle offre ainsi à l’entreprise une meilleure compétitivité-prix ou une
meilleure rentabilité (ou une combinaison des deux).
Elle est donc souvent recherchée par l’entreprise dans le cadre de son
choix stratégique de base (spécialisation ou diversification) et selon le
degré de maturité de son ou de ses métiers.
EXEMPLE
On peut citer François Dalle, ex-dirigeant du groupe L’Oréal de 1957 à 1984 : « Telle
fut l’aventure L’Oréal, une suite d’initiatives novatrices, souvent risquées, toujours
exigeantes, et toutes génératrices d’un surcroît de valeur humaine. Il n’y a pas de
limite à la création de valeur ».

Néanmoins les économies d’échelle sont très variables selon les sec-
teurs. De plus, à partir d’une certaine taille, des déséconomies d’échelle
peuvent apparaître liées à la saturation de certains équipements et à des
problèmes de gestion et d’organisation.
Surtout, d’autres priorités du dirigeant d’entreprise (cas des TPE et PME)
vont interférer avec des choix purement économiques et peuvent conduire
l’entreprise à ne pas grandir. Il s’agit aussi d’un choix stratégique fonda-
mental, souvent basé sur des considérations fiscales et sociales.

• L’objectif de maintien sur le marché est pourtant celui de nombreuses


entreprises. Ce peut être le seul objectif du dirigeant, en raison de la
modicité des ressources financières qu’il entend engager dans l’entre-
prise (v. chapitre 21) et de son refus d’élargir le capital ou de changer
de statut juridique par crainte de perdre le pouvoir dans « son » entre-
prise ou du fait de la crainte qu’il peut avoir à franchir certains seuils
sociaux qui vont amener de nouvelles charges et de nouvelles obliga-
tions et surtout un contre-pouvoir salarial (seuil du premier puis du
11e, puis du 50e salarié par exemple). Cette stratégie est celle de nom-
breuses PME françaises (v. aussi les spécificités du management des
PME françaises, p. 35).

b. La croissance peut être interne


C’est une croissance qui se déroule à l’intérieur de l’entreprise par des investissements
productifs et commerciaux.

Elle est qualifiée parfois de « croissance organique ». Elle peut aussi


bien être financée par emprunt que par autofinancement.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 10 – Diagnostic et choix stratégique au niveau global 225

1. Les avantages spécifiques


La croissance interne satisfait le souci d’indépendance qui peut exister
chez les dirigeants de l’entreprise, en évitant toute immixtion de nou-
veaux associés dans la gestion de celle-ci, comme cela serait le cas à
l’occasion d’association ou de regroupement. La volonté de préserver
son indépendance est particulièrement forte dans le cas d’entreprises
familiales ce qui pénalise parfois leur croissance.
Elle évite les problèmes de réorganisation et d’assimilation qui peuvent se
poser lors de certaines formes de croissance externe (fusion ou absorption).

2. Les modalités
Elle peut se réaliser dans le métier actuel de l’entreprise ou prendre la
forme d’une diversification (ex. : le groupe de fonderies d’aluminium
Aluthea s’est lancé dans des produits nouveaux pour l’automobile,
l’électricité, la téléphonie, le bâtiment). Dans certains secteurs dont les
activités opérationnelles sont très évolutives (disque, édition, habille-
ment…), la grande entreprise peut développer, en son sein, des unités
relativement autonomes (divisions) consacrées chacune à un projet à
risque (« venture »). Les responsables de ces projets (« intrapreneurs »)
doivent manifester un véritable « esprit d’entreprise » au sein même de
la firme (« intrapreneurship »).

3. Les limites de la croissance interne


– Le coût plus élevé de ce mode de croissance et sa lenteur.
– Les ressources financières nécessaires pour réaliser les investisse-
ments risquent d’être insuffisantes, du fait des capacités ou des moti-
vations insuffisantes des associés et des limites du recours à l’em-
prunt.
– La diversification menée selon ce mode de croissance, nécessite le
franchissement de tous les obstacles rencontrés par une entreprise
naissante dans le nouveau métier choisi. Elle est donc généralement
difficile et lente.

c. La croissance peut être externe


C’est une croissance par regroupement, partiel ou total, de l’entreprise avec une ou
plusieurs autres firmes.

Le groupe français SEB, spécialisé dans le petit électroménager, a appuyé


sa stratégie de conquête et d’adaptation aux marchés du monde entier
sur une croissance externe (Tefal, Calor, Rowenta, Arno, Samouraï,
Volmo, Moulinex/Krups, All-Clad, Lagostina, Panex, Mirro WearEver,
Supor, Imusa, Key Ingredient, Maharaja Witheline, Emsa) qui a été com-
plétée par la création de filiales (croissance interne).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
226 Management et économie des entreprises

1. Les avantages spécifiques


Ce mode de croissance, très pratiqué aujourd’hui, présente l’avantage de
la rapidité. Il est souvent le seul moyen de s’implanter sur un nouveau
marché ou dans un autre métier.
Il peut être le moyen d’éliminer un concurrent, afin d’accroître la renta-
bilité de l’entreprise, qui pourra restructurer l’ensemble des unités tech-
niques prises sous son contrôle.
EXEMPLE
La croissance externe du groupe BIC s’est déroulée depuis 30 ans avec les acquisi-
tions de Conté, Wite-Out, Tipp-Ex, Sheaffer, PIMACO, Atchison Products Inc., Anta-
lis Promotional Products et Norwood Promotional products.

2. Les modalités juridiques


Les transferts d’actifs ou regroupements de patrimoines
• La fusion est l’opération par laquelle plusieurs sociétés mettent en
commun leur patrimoine, n’en formant plus ainsi qu’une seule.
EXEMPLES
Les fusions récentes de ThyssenKrupp et Tata Steel en Europe (2017), de Sanofi et
Aventis (2004) ; Gaz de France et Suez (2007) ; HP et Compaq (2001)…Une fusion
célèbre a eu lieu en juin 1987, entre Louis Vuitton et Moët-Henessy qui ont fusionné
dans LVMH qui deviendra le leader mondial de l’industrie du luxe.

La fusion égalitaire est assez rare, la fusion absorption est plus courante.

Les deux sociétés disparaissent, donnant naissance à une troisième.


La société absorbante subsiste et reçoit la totalité de l’actif de la seconde
qui disparaît.
• La scission est la disparition d’une société qui répartit le total de son
actif entre deux ou plusieurs sociétés préexistantes (fusion-scission)
ou non (scission simple). La fusion-scission est utilisable lors de la
restructuration de groupes (ex. : en 2000, scission de Hewlett-Packard
entre une société consacrée à l’informatique et une société consacrée à
la mesure ; scission de Bayer fin 2001, en deux sociétés, l’une spécia-
lisée dans la chimie et l’autre dans la pharmacie).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 10 – Diagnostic et choix stratégique au niveau global 227

LA FUSION SCISSION

• L’apport partiel d’actifs est l’apport par une société, d’une partie de
son actif, à une autre, contre des parts sociales de celle-ci.

L’apport partiel d’actif implique qu’une branche d’activité soit transmise


(avec son actif et son passif).

La prise de participation

La filiale commune est un moyen de réaliser ensemble certaines activi-


tés. Elle consiste en l’acquisition par l’entreprise de parts sociales d’une
société. Elle peut s’interpréter comme un placement financier ou débou-
cher sur une prise de contrôle. Lorsque le capital de la société visée est
dispersé, un contrôle est possible avec une fraction minoritaire du capi-
tal social (« contrôle de fait »). Lorsque le contrôle est majoritaire
(n > 50 %), la société contrôlée devient une filiale de l’autre
EXEMPLE
En 2015, Alcatel Lucent est devenue une filiale de Nokia dans le secteur des télécoms.

La prise de participation conjointe de plusieurs entreprises dans la


même société, est une façon de joindre leurs efforts (joint-venture)1 dans
un domaine d’intérêt commun (recherche, commercialisation…). On
parle dans ce cas, de filiale commune.

1.  Le terme de joint-venture désigne un contrat qui implique des investissements réalisés
en coopération par plusieurs entreprises.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
228 Management et économie des entreprises

EXEMPLE
En 2007, Axa Investment Managers (Axa IM) et Axa Asia Pacific Holdings (Axa
APH), filiales de l’assureur français Axa, ont créé en Inde une société filiale com-
mune de gestion d’actifs avec le groupe indien Bharti : Bharti AXA General Insurance
qui a pour mission de se développer sur le marché indien.
En 2014, l’État français et l’entreprise chinoise Dongfeng ont pris 14 % du capital du
groupe Peugeot, à la suite d’une augmentation de capital de 3 milliards d’euros.

Le Leveraged Buy Out (LBO) consiste à acheter des actions d’une


société par une très large part d’endettement. Pour cela une société de
holding est constituée, qui s’endette pour racheter la société cible. Le
pari est que la holding paiera les intérêts de sa dette et remboursera
celle-ci grâce aux dividendes de la société rachetée.
EXEMPLE
Les prises de contrôle réalisées par P. Drahi pour constituer le groupe Numéricable
ont été réalisées par LBO.

Le terme d’essaimage ou de foisonnement est utilisé lorsque la prise de


participation ne vise qu’à appuyer le développement d’entreprises satel-
lites, créées souvent par un ancien salarié, pour exploiter des sous-pro-
duits ou des retombées des activités principales de la firme. La pratique
de l’essaimage s’est répandue dans les grandes entreprises en cours de
restructuration et de reconversion, en permettant une séparation posi-
tive entre celles-ci et un certain nombre de leurs salariés, candidats à la
création d’entreprise. Les résultats de ces expériences sont très inégaux.
Lorsque la prise de participation a lieu dans une entreprise de pointe, à
risque économique élevé, pour se donner un accès à une technologie
émergente, on parle d’une opération de capital-risque.
La prise de participation peut être simple ou croisée (ex. : participations
croisées de Fiat et General Motors en mars 2000 afin de développer une
coopération dans l’équipement et les moteurs), mais elle peut aussi se faire
en cascade (ex. : la participation de Arnaud et associés dans Au bon mar-
ché par l’intermédiaire de Financière Agache) ou de façon circulaire.
LES FORMES DE PRISE DE PARTICIPATION
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 10 – Diagnostic et choix stratégique au niveau global 229

LES TECHNIQUES FINANCIÈRES DE PRISE DE CONTRÔLE

La négociation d’un bloc de contrôle


Achat de gré à gré d’actions auprès d’un ou plusieurs gros actionnaires de la société visée,
parfois par l’intermédiaire d’un cabinet de rapprochement d’entreprise ou d’une grande
banque.
Le ramassage en bourse
Est praticable lorsque la société visée est cotée et que son capital est très dispersé ou
lorsque l’on veut établir avec discrétion une participation minoritaire. Cependant celle-ci
devra être déclarée à l’AMF dès qu’elle atteindra l’un des seuils suivants :
5 %, 10 %, 20 %, 1/3, 1/2, 2/3 du capital. Les sociétés peuvent se protéger contre les prises
de contrôle rampantes par diverses clauses statutaires (ex. : les droits de vote doubles
accordées à certaines actions nominatives ou encore autorisant le rachat par la société de
ses propres actions).
L’offre publique d’achat (OPA)
Elle consiste à formuler publiquement une offre aux actionnaires d’une société cotée en
bourse d’acheter leurs actions à un cours avantageux pendant une période donnée. Le
dépassement du tiers du capital ou encore l’augmentation de sa participation de plus de
2 % en 12 mois (ou jusqu’à détenir la majorité absolue) alors que l’on détient déjà entre
33 % et 50 % du capital d’une société, oblige a déclencher une OPA sur 100 % du capital
de celle-ci. Des offres publiques concurrentes peuvent toujours avoir lieu (« contre-OPA »).
L’offre publique d’échange (OPE)
Elle est similaire à l’OPA mais l’offreur propose ses propres titres contre ceux de
l’entreprise visée.
L’offre publique de vente (OPV)
Il est possible de prendre une participation dans le capital d’une société qui fait une OPV
de ses titres (privatisation, élargissement de l’actionnariat, introduction en bourse, etc.).

EXEMPLES
Dans la sidérurgie, OPA hostile réussie de Mittal Steel sur Arcelor en mai 2006. Dans
la pharmacie, OPA de plus de 20 milliards de dollars de Sanofi-Aventis sur Genzyme
en avril 2011. Dans la chimie, OPA de l’entreprise belge Solvay sur l’entreprise fran-
çaise Rhodia en 2011.

d. Les limites de la croissance externe


Tenant à la gestion
Dans de nombreux cas, la croissance externe se prolonge par des restruc-
turations, une nouvelle organisation (ex. : les difficultés que le groupe
PSA a eu pour intégrer l’entreprise Talbot dans la société Automobile
Peugeot), de nouvelles méthodes de travail et souvent des réductions
d’effectifs qui expliquent les craintes, voire l’hostilité du personnel (ex. :
les difficultés rencontrées par Schneider pour prendre le contrôle de
Télémécanique ou encore, l’exemple des départs de différents spécia-
listes de Paribas, à la suite de l’OPA de la BNP).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
230 Management et économie des entreprises

Un nouvel ensemble résulte généralement des opérations de croissance


externe. Cet ensemble de moyens matériels, de savoir-faire, de per-
sonnes, n’est pas toujours immédiatement cohérent sur le plan de la
gestion. Même s’il l’était, se poserait encore le problème de l’unité et de
l’identité de l’entreprise ainsi constituée.
Des difficultés apparaissent ainsi dans la gestion des très grands groupes.
La solution généralement retenue est celle d’une stratégie commune, com-
binée à une grande décentralisation de la gestion au niveau des sociétés
du groupe. Chaque filiale et sous-filiale, se voient assigner des objectifs
globaux, pour la réalisation desquels sa direction a toute liberté de ges-
tion. Le groupe est alors géré comme une « fédération de PME ». Une telle
pratique permet aux grands groupes de concilier les avantages de la
grande dimension et ceux des PME (souplesse et dimension humaine).

Tenant à la législation
La croissance externe aboutit à la concentration des entreprises (proces-
sus par lequel, dans un secteur d’activité donné, quelques entreprises
détiennent une part de plus en plus importante du marché)1 et à établir
une structure d’oligopole sur le marché d’un secteur. Même si elle pré-
sente certains avantages2, une telle situation aboutit le plus souvent à un
affaiblissement de la concurrence et à la pratique d’ententes, au détri-
ment des consommateurs.
Il existe une législation nationale (ord. du 1er décembre 1986 concernant
les ententes, abus de position dominante, abus de situation de dépen-
dance économique) et une législation européenne de protection de la
concurrence. L’Autorité de la concurrence est, en France, l’institution
administrative chargée du contrôle des opérations de concentration3.
C’est la Commission européenne qui remplit ce rôle au niveau européen.
EXEMPLE
En mars 2000, la Commission a interdit le rachat de Scania par Volvo afin de préser-
ver la concurrence dans les pays scandinaves. Elle s’est opposée en juillet 2001 à la
fusion entre General Electric et Honeywell, pourtant validée par les autorités des
États-Unis.

Dans la réalité du développement d’une entreprise, croissances interne


et externe se combinent et se complètent le plus souvent.
ILLUSTRATION
C’est le cas de l’entreprise Eolane, née en 1975 sous le nom de Selco qui a ensuite
investi dans la création d’un bureau d’études puis d’une société holding, complétée par
des opérations de croissance externe avec les rachats de sociétés Eurintel et Selem en

1.  Voir Tableaux de l’économie française (TEF), Insee.


2.  Voir J. Schumpeter, Capitalisme, socialisme et démocratie, chap. 8, Pratiques monopo-
listiques.
3.  Voir l’Aide-mémoire de Droit des affaires, Sirey.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 10 – Diagnostic et choix stratégique au niveau global 231

1998. La marque Eolane est créée en 2000 et des opérations de croissance internationale
suivent avec la création d’Eolane Maroc et d’Alane International en Chine. De nouvelles
opérations de croissance externe ont lieu ensuite avec les rachats de Martec puis Cyber-
sis et NCF en France. Puis, enfin, des implantations en Estonie et en Allemagne avec des
rachats de sociétés en 2012. En 2017, Eolane est un groupe international axé sur les
technologies de l’électronique les objets connectés et les biotechnologies.

D. Les stratégies d’alliance et de coopération


(croissance conjointe)
a. Présentation générale
Elle doit permettre à plusieurs entreprises partenaires de se développer
ensemble sur la base de leur coopération.
Il s’agit d’un choix de coopération entre diverses entreprises indépen-
dantes qui engagent ainsi dans un projet commun certaines ressources,
afin de ne pas en supporter seules le poids, sans pour autant perdre leur
autonomie dans une opération d’intégration. La collaboration peut être
ponctuelle et temporaire (alliance tactique) ou durable (alliance straté-
gique).
Ces relations de collaboration sont parfois égalitaires et parfois très hié-
rarchisées du fait de l’inégalité des forces économiques en présence.
Certains engagements lient si fortement les entreprises concernées sur le
plan économique que l’on peut parler de quasi-intégration. De même,
les diverses formes d’alliance à long terme sont souvent qualifiées de
partenariat.
EXEMPLE
Air France a ainsi passé quatre grandes alliances internationales avec : Delta Airlines
et Continental Airlines en Amérique, Alitalia en Europe et Air India en Asie. Ces
accords portent généralement sur des échanges d’accès aux plates-formes de corres-
pondance (hubs) de chaque compagnie dans le monde et sur des coopérations en
matière de commercialisation et de fret.

Les raisons de leur développement


Les accords entre les entreprises sont de plus en plus nombreux. Ils viennent compléter
la croissance interne et la croissance externe. Les stratégies de recentrage impliquent
l’externalisation de nombreuses activités qu’il faut néanmoins contrôler. La coopération
est souvent la solution retenue.
Le manque de ressources incite les entreprises à s’allier pour partager certains coûts, dans
des activités à risque par exemple. La coopération peut servir également à organiser le
secteur en définissant des normes communes pour les produits.
Les alliances présentent le double avantage de la flexibilité de l’organisation
des échanges et de la rapidité de manœuvre.
Selon Williamson O.E., le développement des alliances est un moyen pour les entreprises
de réduire les « coûts de transaction » qu’elles subissent sans être contraintes pour autant
de les internaliser en intégrant les activités en cause au sein de l’entreprise.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
232 Management et économie des entreprises

b. La diversité des logiques de coopération1


1. Les alliances entre entreprises non concurrentes
• Dans le cadre d’une internationalisation (alliance avec un partenaire
local pour vendre sur un marché étranger, en particulier sur des mar-
chés « fermés » comme les marchés indien, russe, japonais ou chinois
ou pour développer ou fabriquer des produits en commun).
EXEMPLE :
Le partenariat entre PSA et Dongfeng à travers deux plate-formes de production com-
munes : La Common Modular Platform (CMP) pour les véhicules thermiques depuis
2015 et la e-CMP pour les véhicules électriques à partir de 2019.

Ce type d’alliance est devenu très important pour les entreprises occi-
dentales du fait du transfert important de nombreuses activités indus-
trielles vers l’« hémisphère sud ».
• Dans le cadre d’une complémentarité « client-fournisseur » (partena-
riat vertical sur la conception, le contrôle de qualité, etc.).
EXEMPLE
Le développement de l’Origami (entre le PC et le baladeur) en partenariat entre
Microsoft, Intel et Samsung.

• Dans le cadre d’une alliance intersectorielle : pour créer une activité


nouvelle, compléter son savoir-faire, se diversifier, etc. (ex. : Renault
et Matra pour le développement de systèmes de transport urbain léger
en site propre).

2. Les alliances entre entreprises concurrentes


• Autour d’un projet concernant l’amont de leur activité
EXEMPLES
– l’association des constructeurs européens dans le projet European Network
Exchange (ENX) qui a permis de mettre au point l’extranet ENX Rapides (Réseau
automobile pilote d’échanges sécurisés) à haut débit et crypté, infrastructure indis-
pensable à de futures coopérations ;
– la mise en place d’Alliance ameublement, syndicat professionnel permettant à
10 entreprises de meuble du Sud-Ouest de la France de négocier et d’acheter
ensemble pour réduire leurs coûts.

• Autour d’un projet de produit commun


L’objectif est de réaliser des économies d’échelle en partageant les coûts
fixes et réunissant les marchés des partenaires. Pour éviter le risque de
transfert de savoir-faire aux concurrents-partenaires, un partage des acti-
vités entre les firmes est organisé (ex. : le consortium Airbus Industrie

1. Voir Garette B. et Dussauge P., Les stratégies d’alliance, Les Éditions d’Organisation,
1995.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 10 – Diagnostic et choix stratégique au niveau global 233

pendant de nombreuses années ; PSA et Toyota en créant une usine


commune en République Tchèque afin de produire un modèle adapté au
marché local).
• Autour d’une recherche de complémentarité
Les concurrents apportent chacun leur point fort dans un projet com-
mun. Le risque de transmission de savoir-faire est alors important (ex. :
l’alliance entre constructeurs automobiles japonais et américains au
bénéfice évident des Japonais dans les années 80).

c. Les modalités juridiques


1. La participation au capital
Les grandes entreprises peuvent souhaiter participer au capital de leurs
sous-traitants ou distributeurs afin de les associer plus étroitement à leur
chaîne de valeur. Il en est de même pour des participations dans le capi-
tal de start-up qui prennent des risques dans les innovations d’un nou-
veau secteur. La grande entreprise délègue ainsi une partie de sa fonc-
tion innovation à des petites sociétés.

2. La création d’une structure juridique spécifique


– Le syndicat professionnel : Il offre une structure très souple de coopé-
ration entre entreprises exerçant la même profession ou des métiers
similaires et qui ont des intérêts communs à défendre à travers des
négociations vis-à-vis de fournisseurs et prestataires de services, par
exemple. Il est généralement une première étape, avant la création
d’un GIE.
– La filiale commune : Elle ne remet pas en question l’autonomie des
partenaires mais offre un cadre de coopération permettant de dévelop-
per des relations très étroites. Divers cas de figure sont possibles (ges-
tion en commun de certains services ou d’une activité accessoire ou
première étape devant déboucher sur une fusion). Le plus souvent
c’est la forme de la société par actions simplifiée (SAS) qui sera retenu.
(ex. : La Société de véhicules électriques (SVE) filiale commune au
groupe Dassault et à la société Heuliez pour produire des véhicules
100 % électriques).
– Le groupement d’intérêt économique (GIE) : Il s’agit d’une structure
juridique souple permettant à des entreprises de mettre en commun
certains moyens « tendant à faciliter, à développer, à améliorer ou
accroître l’activité économique de ses membres » (art. 1, ordonnance
de 1967). Un GIE peut donc être créé à chaque fois que des entreprises
souhaitant demeurer autonomes, veulent créer des services communs
pour réduire certaines charges : études de marché, recherche et déve-
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
234 Management et économie des entreprises

loppement, commercialisation d’un produit commun (ex. : PMV, Carte


bancaire). Un statut de GIE européen (GIEE) existe depuis juillet 1989.
– La société par actions simplifiée (SAS) : Elle peut être constituée entre
différentes entreprises, quelle que soit leur forme sociétaire. Il s’agit
d’une forme de société qui permet une grande stabilité des action-
naires (diverses clauses d’inaliénabilité des actions, d’agrément ou
d’exclusion permettent de garantir une cohésion entre les action-
naires-partenaires) et une grande liberté contractuelle (pour en organi-
ser la gestion et la direction).
– La société en participation : Sans immatriculation ni personnalité
juridique, cette solution offre l’avantage de pouvoir rester occulte, le
gérant agissant alors en son propre nom.

3. La coopération au sein d’un contrat


Ces diverses formes d’union contractuelle offrent l’avantage d’une
grande liberté contractuelle, aucune d’elles n’étant codifiée par le droit.
• Les accords de coopération ou « joint-ventures ». Un accord lie plu-
sieurs entreprises pour entreprendre conjointement certaines opérations.
Un tel contrat implique des engagements réciproques de ressources. Le
champ d’application est vaste : recherche, fabrication, commercialisa-
tion, finance (ex. : l’accord entre General Electric et Airbus Industrie
pour développer et lancer l’A340-600).
• Les groupements temporaires d’entreprises permettent d’établir des
collaborations temporaires, nécessaires à la réalisation d’un projet,
notamment dans le bâtiment et les travaux publics. L’une des entre-
prises a mandat pour représenter les autres vis-à-vis du client.
• Les accords de production
– Divers accords de transferts de technologie : Ils prennent la forme
d’un contrat-cadre pouvant contenir lui-même plusieurs types d’ac-
cords contractuels : La concession de licence (l’exploitation d’une
marque ou d’un brevet est accordée à un partenaire industriel) ; la
communication d’un savoir-faire (« know how », non breveté et pro-
tégé par le secret) ; la fourniture d’équipements et installations : éven-
tuellement en complément de la concession de licence ou de la com-
munication d’un savoir-faire. De tels transferts de technologie
s’inscrivent souvent dans une stratégie d’internationalisation (v. infra).
– La fabrication en commun de pièces ou composants.
– Les contrats de sous-traitance jouent un rôle important tant au niveau
national qu’international :
Par un tel contrat une entreprise impartitrice ou donneur d’ordres, confie à une autre
entreprise (sous-traitante) la production de pièces, voire de son produit lui-même, à
exécuter selon des plans et spécifications contenus dans un cahier des charges. Le bien
sous-traité n’est donc pas au catalogue du sous-traitant.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 10 – Diagnostic et choix stratégique au niveau global 235

On distingue souvent la sous-traitance de capacité qui vient compléter


la production de l’entreprise principale et la sous-traitance de spécialité
qui permet un approvisionnement en composants, à meilleur prix que si
l’entreprise principale les avait produits elle-même.
On parle parfois de sous-traitance interne lorsque l’entreprise utilisa-
trice demande sur son propre site l’intervention d’un sous-traitant.
Sans être soumis à l’exclusivité de la clientèle du donneur d’ordre, le
sous-traitant peut subir un assujettissement économique du fait de l’im-
portance du marché passé avec le donneur d’ordre, qui précise le niveau
et le rythme de la production.
Certains auteurs parlent de co-traitance pour souligner une évolution
des relations entre sous-traitants et donneurs d’ordre. Ces derniers
doivent en effet choisir leurs sous-traitants pour une longue période,
afin de pouvoir collaborer étroitement sur le plan technique (concep-
tion, gestion de la production) et informationnel (traitement et transmis-
sion des informations). De plus certains sous-traitants sont de taille
respectable ce qui équilibre le rapport des forces en présence (ex : Bosh,
Valéo ou Faurecia dans l’automobile).
EXEMPLE
La production de l’A350 d’Airbus est pour une part importante sous-traitée à des
partenaires français, chinois et russes.

• Les accords de recherche en commun


Certains contrats organisent le financement et la gestion d’un laboratoire
commun à plusieurs entreprises appartenant généralement à des sec-
teurs voisins et dont les activités s’inscrivent dans le même champ tech-
nologique.

• Les accords de distribution sélective (contrats de distribution sélective)


Ils permettent à un fournisseur de maîtriser plus ou moins étroitement
les conditions de distribution de son produit, en sélectionnant ses dis-
tributeurs.
Une grande diversité de contrats est observable.

Les principaux contrats de distribution sélective


– La convention d’enseigne commune :
c’est un regroupement de distributeurs indépendants sous une même enseigne (souvent
celle d’un fournisseur commun). Ces distributeurs s’engagent à fournir certaines
prestations commerciales à la clientèle et obtiennent des avantages tarifaires de leur
fournisseur commun.
– Le contrat de fourniture exclusive :
c’est un contrat-cadre organisant les conditions de vente exclusive des produits d’une
marque, au bénéfice d’un distributeur, sur un territoire donné, sans que ce dernier se voit
3
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
236 Management et économie des entreprises

interdire quant à lui de s’adresser à un autre fournisseur, en exclusivité ou non. Le


distributeur peut cependant vendre les produits en dehors de son secteur géographique.
– Le contrat de concession (biens durables) :
le concédant accorde au concessionnaire le droit de commercialiser sa marque sur un
secteur géographique donné, tandis que celui-ci s’engage contractuellement à distribuer
cette marque. Il faut noter que sous l’effet de la jurisprudence européenne, la concession
ne repose plus sur une exclusivité réciproque.
– D’une part, plusieurs concessionnaires du même réseau peuvent se concurrencer ;
– d’autre part, le concessionnaire peut négocier des contrats de concession avec d’autres
marques, à condition de disposer de locaux distincts pour chaque enseigne.
– Le contrat de franchise (biens et services) :
La franchise commerciale est un contrat par lequel une entreprise (franchiseur) accorde à
d’autres entreprises (franchisés), contre une redevance (droit d’entrée et pourcentage du
chiffre d’affaires), le droit d’utiliser sa marque, son enseigne et son savoir-faire productif et
(ou) commercial.
Le contrat de franchise peut autoriser le franchisé à ouvrir plusieurs points de vente (multi-
franchisé) ou encore à créer son propre réseau de franchise sur un territoire déterminé,
notamment à l’étranger (master-franchisé) (ex. : les contrats de master-franchise
« Comtesse da Barry »).

• Quelques chiffres concernant la franchise


L’Europe domine le marché de la franchise avec plus de 14 000 enseignes,
et la France se situe à la première place en Europe par le nombre de
réseaux de franchise, 1 900, soit 71 508 franchisés, 618 845 emplois
directs et indirects et un CA de 55,10 Md€ (ex. : Carrefour Market, Phil-
dar, Shopi, Yves Rocher, Mc Donald’s, Jean-Louis David, Alain Afflelou,
Avis). Les secteurs dominants sont par ordre décroissant l’équipement
de la personne, les autres services aux personnes, et la restauration
rapide. 35 % des enseignes françaises ont des points de vente à l’étran-
ger.
(Données 2016 de la Fédération française de la franchise, FFF).
Publicité nationale ou internationale

Marque, enseigne, savoir-faire

Franchiseur Franchisé
[créateur [adhérent
Approvisionnement éventuel au réseau]
de réseau]

Redevance [droit d’entrée + royalties]

La franchise est pour le franchiseur un moyen très rentable


de développer son marché et de rentabiliser son savoir-faire
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 10 – Diagnostic et choix stratégique au niveau global 237

d. L’entreprise « étendue » ou « élargie »


1. L’entreprise étendue
Accords et alliances permettent de mettre en place une organisation
capable de maîtriser dans la filière industrielle, les activités se situant en
amont et en aval de celles de l’entreprise.
Dans une optique de gestion plus opérationnelle, l’effort de management
de la « supply chain » (chaîne des activités allant de la production des
consommations externes jusqu’à la distribution) s’inscrit dans une ges-
tion à flux tendus et est rendu possible par les NTIC (Extranet pour
faciliter la coopération client-fournisseur ; GPS pour suivre en temps réel
les flux de marchandises).
On parle alors volontiers d’entreprise étendue pour désigner cet élargis-
sement de l’activité de gestion à l’extérieur du périmètre de l’entité, que
ce soit sur le plan stratégique ou sur le plan opérationnel.
La mise en place de plateformes logicielles de travail collaboratif faci-
lite la pratique de l’ingénierie concourante. Ces plates-formes logicielles
permettent de travailler ensemble sur une base de données commune de
façon coordonnée et à distance.

2. L’entreprise-réseau
Si on généralise cette logique de la coopération à l’ensemble des activi-
tés nécessaires à l’élaboration et la commercialisation du produit indé-
pendamment de toute contrainte géographique, on débouche sur le phé-
nomène de l’entreprise-réseau.
Depuis quelques années se sont développées des entreprises-réseau (pra-
tique du maillage), souvent à l’échelle internationale, dans différents
secteurs industriels (automobile, habillement, chaussure, jouet, informa-
tique…). Ce phénomène est lié aux stratégies de recentrage. Il est facilité
par le formidable développement des moyens de télécommunication et
de télétraitement. Il pose le problème de la logistique et de la coordina-
tion des opérations interentreprises (management du réseau).
Une entreprise-réseau est un ensemble d’entreprises, spécialisée cha-
cune dans un domaine particulier (fournitures, conception, fabrication,
commercialisation) et rassemblées par contrat autour d’un projet (pro-
duit et marché), à l’initiative de l’une d’elles qui coordonne le réseau
(firme-pivot).
Nike, Reebok, Benetton sont de bons exemples d’entreprises-réseaux à
l’échelle internationale.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
238 Management et économie des entreprises

E. L’internationalisation
La stratégie d’internationalisation est souvent le pendant d’une stratégie
de croissance.
EXEMPLES
Ainsi, Renault détient des participations dans le capital de Nissan et Lada et est
majoritaire au capital de Renault Samsung Motors et de Dacia.
Carrefour s’est, au fur et à mesure de sa croissance, implanté dans 30 pays avec plus
de 10 000 magasins. Valéo a des collaborateurs de 70 nationalités répartis dans
28 pays. Xerox vend ses produits dans 160 pays.

Le phénomène aboutit à modifier entièrement la stratégie de l’entreprise


pour laquelle deviennent désormais accessibles de nombreuses oppor-
tunités (commerciales, fiscales, économiques, etc.) en même temps
qu’elle est confrontée à des contraintes nouvelles (transports, taux de
change, risques politiques, etc.). L’optique de l’entreprise s’en trouve
transformée.
C’est ce qu’exprime avec une certaine candeur Franck Riboud, le diri-
geant de Danone, en affirmant « la nationalité de Danone, c’est
Danone ! ».

a. Les facteurs de l’internationalisation


1. La recherche de débouchés
L’insuffisance du marché (cas de la Suisse pour Nestlé ou des entre-
prises des nouveaux pays industriels) ou la saturation du marché d’ori-
gine (cas de Danone, Club-Méditerranée, Toyota…) incite l’entreprise à
rechercher une extension géographique de son marché, à l’extérieur des
frontières des pays d’origine1.
EXEMPLE
Ainsi Apple a signé un accord de distribution de son Iphone avec China Mobile en
décembre 2013, après ses accords avec China Telecom (2012) et China Unicom
(2009).

Les limites légales (réglementation de la concurrence) qui peuvent entra-


ver la croissance à l’intérieur du pays d’origine, sont aussi des facteurs
d’internationalisation.
La volonté de réduire le « risque de conjoncture » qui menace l’entre-
prise limitée à un seul marché, conduit à l’internationalisation.
La priorité de la recherche de débouchés a longtemps conduit les entre-
prises multinationales à investir principalement dans les pays développés.

1. La zone du Mercosur constitue un marché prioritaire pour le groupe PSA qui y a
implanté deux usines, en raison des perspectives de développement important du taux de
motorisation de cette zone.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 10 – Diagnostic et choix stratégique au niveau global 239

À NOTER
En 2003, les pays développés avaient accueilli 65 % des investissements directs à
l’étranger réalisés dans le monde. En 2009, pour la première fois, les pays en déve-
loppement et en transition ont absorbé la moitié des flux (Rapport mondial de la
CNUCED 2003 et 2010).

L’élargissement de la concurrence à l’échelle mondiale, exige des entre-


prises qu’elles soient présentes sur tous les marchés susceptibles de
profiter aux concurrents.
Le raccourcissement de la durée de vie des technologies impose aux
entreprises de produire et vendre sur le plus grand nombre de marchés
possibles afin de rentabiliser rapidement les investissements en
recherche et développement.

2. La recherche d’avantages concurrentiels


La sécurité des approvisionnements en matières premières et la
recherche d’une maîtrise des coûts de celles-ci, explique certaines
implantations à l’étranger (ex. : Total).
La présence d’un réservoir abondant de main-d’œuvre à bon marché
souvent peu protégée incite certaines installations dans les pays du tiers-
monde. On parle de délocalisation lorsqu’il s’agit d’un transfert d’uni-
té(s) de production de biens mais aussi maintenant de services à dis-
tance.
L’existence de foyers de recherche et d’innovation du secteur dans des
pays étranger, peut imposer aux entreprises du secteur d’aller s’y instal-
ler (ex. : la Silicon Valley attire les entreprises du secteur de la micro-in-
formatique depuis les années 1980).
Les avantages fiscaux et financiers accordés par les États, dans le cadre
de leur politique du commerce extérieur, de leur politique de dévelop-
pement ou d’aménagement du territoire sont également un facteur d’in-
ternationalisation
EXEMPLE
L’implantation des sièges sociaux de nouvelles sociétés européennes aux Pays-Bas
afin de profiter d’une fiscalité avantageuse et de bénéficier des dispositifs néerlan-
dais de protection du capital vis-à-vis du risque d’OPEA.

b. Le processus d’internationalisation
1. L’exportation
Elle est généralement la première étape accomplie par l’entreprise qui
peut bénéficier d’aides de l’État (Ubifrance). Elle lui apporte de nou-
veaux débouchés et l’expérience d’un marché étranger (« effet d’expé-
rience internationale »).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
240 Management et économie des entreprises

Cette exportation directe est assez difficile car l’entreprise doit surmon-
ter les obstacles liés à la méconnaissance des contraintes culturelles et
réglementaires locales.
Une solution plus simple mais moins riche en apprentissage consiste à
passer par l’intermédiaire d’un courtier local qui va prospecter lui-même
les réseaux de distribution et prendre en charge toutes les formalités de
dédouanement.
Une autre solution est de la compléter par une implantation commer-
ciale qui peut prendre la forme de simple représentation à l’étranger ou
d’installation d’entrepôts, ou encore d’une implantation d’une filiale
commerciale.
Une implantation facilite la vente à l’étranger en donnant à l’entreprise
une « fenêtre » sur son nouveau marché, lui permettant de mieux adap-
ter son produit aux spécificités de la demande étrangère et aussi un
approvisionnement plus régulier de celle-ci.
Au-delà des obstacles culturels, l’exportation se heurte cependant très
souvent à des barrières douanières et surtout à des obstacles administra-
tifs (normes, procédures de dédouanement, contingentements).

2. Les contrats
Ce sont la concession de licence à l’étranger et la franchise internatio-
nale (ex. : Coca-Cola).
Ils permettent le développement d’un marché international du produit
et de la marque de l’entreprise, sans investissement de sa part, tout en
lui procurant d’appréciables recettes « hors exploitation » (voir aussi les
stratégies d’alliance et coopération, plus haut).
Cependant, à travers le contrat, existe un risque de dissipation du
savoir-faire de la firme auprès de ses collaborateurs étrangers qui peuvent
alors se transformer en concurrents.

3. La multinationalisation, facteur de délocalisation des activités


Une entreprise transnationale (ou multinationale) est un groupe de sociétés (filiales)
réparties dans différents pays pour y produire sous le contrôle d’une société-mère ou
d’une holding qui assure le pilotage du groupe à partir d’une stratégie définie à l’échelle
internationale (et de plus en plus souvent mondiale).

EXEMPLES
Alcatel-Lucent, Indosuez, Danone, Schneider, Air Liquide, Essilor, Carrefour, Bolloré,
Seb, PSA, L’Oréal ont choisi de s’implanter en Chine, accédant ainsi à un marché
prometteur.

C’est l’implantation progressive d’activités de production qui aboutit à


l’émergence de firmes multinationales ou transnationales. Cette transna-
tionalité ou multinationalisation des entreprises consiste en une plura-
lité d’implantations productives dans le but de combiner les différentes
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 10 – Diagnostic et choix stratégique au niveau global 241

opportunités productives, commerciales ou fiscales qui se présentent


dans les différentes économies nationales de la planète.
Dans l’industrie, il faut distinguer deux degrés de multinationalisation :
– celui de l’implantation de filiales de montage ou d’assemblage, qui
s’inscrit dans le prolongement de l’exportation, dans la mesure où il
n’est souvent qu’un moyen d’échapper aux mesures protectionnistes
des pays d’implantation ;
– celui de l’implantation industrielle complète, souvent combinée à une
politique de partenariat industriel international. Ayant acquis une
expérience suffisante de la gestion internationale, l’entreprise va en
effet réaliser les diverses étapes de sa production là où elle estimera
que cela est le plus rentable, en fonction des avantages locaux
(recherche et développement, extraction, transformations successives,
assemblage et montage, distribution). C’est dans cette logique que
s’inscrivent de nombreuses délocalisations.
L’implantation dans un pays industrialisé se fait souvent par l’acquisi-
tion d’une entreprise locale, plutôt que par création d’une société.
EXEMPLE
Danone a acquis plusieurs sociétés en Argentine et au Brésil, accédant ainsi au Mer-
cosur.

L’implantation dans un pays en développement implique souvent la mise


en place d’une unité de fabrication. Elle peut consister en un investisse-
ment direct dans une nouvelle usine ou bien dans le rachat d’une entre-
prise locale du même secteur. L’implantation internationale est générale-
ment facilitée par une alliance avec une entreprise locale. Ces implantations
se traduisent par des investissements directs à l’étranger (IDE).
Certaines entreprises préfèrent se contenter de sous-traiter les activités
de production réalisées à l’étranger (ex. : la sous-traitance dans l’indus-
trie électronique qui concerne 20 % de la production mondiale). On
parle alors de offshoring. Le développement de la sous-traitance interna-
tionale aboutit à une délocalisation importante de la fabrication. Dans
de nombreux cas et quelles que soient ses modalités, la production à
l’étranger est une condition d’accès à de nouveaux marchés
En 2015, les firmes multinationales d’origine française1 contrôlaient
37 000 filiales à l’étranger. Elles y réalisaient 54 % de leur chiffre d’af-
faires consolidé et y employaient 58 % de leurs salariés, soit 5,5 millions
de personnes (Insee Focus, no 104, déc. 2017).

4. La mondialisation
Certaines entreprises qualifiées de mondiales, sont celles dont les mar-
chés, autant que les opérations de production, se répartissent à l’échelle

1.  Hors secteur bancaire.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
242 Management et économie des entreprises

planétaire. L’internationalisation correspond souvent dans ce cas à une


fragmentation des activités le long d’une chaîne de valeur qui se trouve
déployée sur le plan international et qu’une entreprise principale entend
contrôler. La chaîne de valeur associe des unités de l’entreprise et des
partenaires industriels, commerciaux et financiers. Les risques de l’ac-
tivité sont ainsi partagés par un grand nombre d’entités économiques de
nationalités différentes.
C’est le cadre planétaire de la stratégie d’une entreprise qui fait que
cette entreprise devient mondiale. L’organisation de l’entreprise mon-
diale repose sur un contrôle centralisé des flux réels et monétaires sou-
vent combiné à une structure en réseaux flexibles. L’entreprise mondiale
est souvent structurée par continent.

c. Le phénomène de délocalisation
La délocalisation consiste à déplacer une activité de production dans
un autre pays. Les délocalisations sont souvent liées à la pénétration de
marchés étrangers. Dans certaines branches, comme l’habillement, où le
coût salarial représente une part élevée des charges (jusqu’à 30 %), la
délocalisation peut aussi s’expliquer par la recherche d’une plus grande
compétitivité ou rentabilité.
Les délocalisations (fabrications déplacées) peuvent se réaliser par des
investissements directs sur les lieux des nouvelles implantations (IDE)
ou par l’externalisation qui consiste dans ce cas à confier à une entre-
prise partenaire située à l’étranger une partie de la chaîne de valeur du
produit (offshoring).
Contrairement à une idée reçue, la sous-traitance se réalise principale-
ment en Europe et aux États-Unis. Au niveau européen, on a pu consta-
ter ces stratégies de délocalisation à destination de l’Irlande dans les
années 1990 et vers la Pologne et les autres pays d’Europe de l’Est depuis
leur entrée dans l’Union européenne en 2004. Néanmoins, la pression
des marchés financiers et des grands distributeurs sur les fabricants les
pousse à délocaliser également en Asie ou en Afrique, dans des pays à
bas salaires. C’est la logique du nouveau capitalisme productif que
P. Veltz décrit dans son ouvrage La société hyper-industrielle.

d. Les axes de l’internationalisation


Les entreprises peuvent certes se contenter d’une exportation de ce
qu’elles ont produit dans leur pays d’origine (Airbus). Mais de nom-
breuses entreprises vont produire à l’étranger.
De plus les entreprises industrielles peuvent être tentées par une globa-
lisation de leur marché international qui leur offre des perspectives de
production de masse et de rentabilité basée sur d’importantes économies
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 10 – Diagnostic et choix stratégique au niveau global 243

d’échelle. Certaines y parviennent lorsque le besoin des clients est


homogène et peut être satisfait par un produit ou un service standard
(bouteille de Pepsi-Cola ou carte bancaire Visa).
Mais dans la plupart des cas, la demande s’exerce de façon différenciée
sur les différents marchés géographiques des entreprises et elles doivent
adapter leur produit aux particularismes locaux. Elles combinent alors
les avantages de la production en grande série pour les modules de base
de leur produit à une démarche de différenciation adaptée à la demande
dans une approche multidomestique.

L’approche multidomestique La transnationalité

Les voies de l’internationalisation

L’exportation La globalisation

POUR EN SAVOIR PLUS


Allouche (J.), Schmidt (G.), Les outils de la décision stratégique, T. 1 et 2, coll. Repères,
La Découverte, 2004.
Ansoff (H.I.), Stratégie de développement de l’entreprise, Hommes et techniques, 1968.
Calmé (I.), Polge (M.), 11 cas de stratégie, Études de cas d’entreprises, Dunod, 2015.
Collectif HEC, Strategor, Politique générale de l’entreprise, 7e ed., Dunod, 2016.
Demil (B.), Lecocq (X.), Warnier (V.), Stratégie et business models, Pearson, 2013.
Drucker (P.), Structures et changements, Village Mondial, 1996.
Everaere (C.), Management de la flexibilité, Economica, 1997.
Gabszewicz (J.J.), La différenciation des produits, La Découverte, 2007.
Hamel (G.), Prahalad (C.-K.), La conquête du futur, Dunod, 1999.
Helfer (J.-P.), Kalika (M.), Orsoni (J.), Management, stratégie et organisation, Vuibert
Gestion, 2006.
Les Dossiers d’Alternatives économiques, 25 histoires d’entreprises, Alternatives écono-
miques, 2016.
Martinet (A.-C.), Stratégie, Vuibert Gestion, 1983.
Martinet (A.-C.), Reynaud (E.), Stratégie d’entreprise et écologie, Economica, 2004.
Martinet (A.-C.), Thiétard (R.A.), Tannery (F.), Stratégies, Vuibert, 2001.
Porter (M.E.), L’avantage concurrentiel, InterÉditions, 1988.
Porter (M.E.), Choix stratégiques et concurrence, Economica, 1994.
Puthod (D.) et Thévenard (C.), La théorie de l’avantage concurrentiel fondé sur les res-
sources : une illustration avec le groupe Salomon, IREG, Université de Savoie, 1998.
Rouach (D.), La veille technologique et l’intelligence économique, coll. Que sais-je  ?,
PUF, 2017.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
244 Management et économie des entreprises

Sanchez (R.), Heene (A.) et Thomas (H.), Towards the theory and practice of competence
based competition, Dynamics of Competence-Based Competition, Pergamon,
Oxford, 1996.
Tarondeau (J.-C.), Stratégie industrielle, Vuibert Gestion, 1996.
Veltz (P.), La société hyper-industrielle, Le Seuil, 2017.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
CHAPITRE 11
Chapitre 11 – Diagnostic et choix stratégique au niveau d’un produit ou d’un DAS 245

La stratégie :
3. Diagnostic et choix
stratégique au niveau
d’un produit ou d’un DAS

« Une stratégie, face à la concurrence, sup-


pose l’adoption d’actions offensives et défen-
sives pour mettre la firme dans une situation
tenable au sein du secteur, pour lui permettre
de faire face avec succès aux cinq forces de la
concurrence et, par là, lui assurer un meilleur
rendement de son investissement. »
M. Porter, Choix stratégiques et concurrence

I. Les outils du diagnostic


concernant un domaine d’activité
stratégique (DAS)
A. L’application des modèles généraux
d’analyse au domaine considéré (v. p. 179)
Le modèle SWOT et le modèle des Ressources-Compétences sont appli-
cables à chaque produit (« couple produit-marché ») ou à chaque
domaine d’activité stratégique à chaque fois qu’une analyse spécifique
est nécessaire.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
246 Management et économie des entreprises

B. La méthode PIMS (Profit Impact


of Marketing Strategy)
Cette méthode a été initialement mise au point dans les années 1960,
lors d’une coopération entre l’entreprise américaine General Electric et
la Harvard Business School dans le but de comprendre les causes de
succès ou d’échec des produits de cette entreprise. La base de données
qui a été initiée à cette époque a, depuis, été prise en charge par le
Strategic Planning Institute et complétée par les informations en prove-
nance de plus de 3 000 entreprises et plus de 4 000 DAS. L’objectif est de
déterminer une relation entre les choix stratégiques qui sont faits pour
un produit ou un DAS et les performances économiques obtenues.
Les entreprises qui participent au programme bénéficient d’un bench-
marking de leur situation par rapport à des entreprises comparables.
Elles peuvent également effectuer des simulations de choix stratégiques
afin d’en évaluer les impacts probables. Ces travaux ont permis égale-
ment de confirmer certaines analyses théoriques indiquant une relation
positive forte entre la part de marché et la rentabilité d’une activité ou
entre rentabilité et intensité capitalistique, ou encore entre rentabilité et
qualité du produit. Il apparaît également qu’il faut un délai de 4 à 6 ans
pour rentabiliser une activité nouvelle. On a parfois reproché à cette
méthode d’être basée sur des données historiques, c’est-à-dire sur des
données du passé.

C. L’analyse concurrentielle
L’analyse concurrentielle permet pour chaque DAS, de situer l’entre-
prise par rapport à ses concurrents, mais aussi par rapport à la clien-
tèle, la structure du marché, les entrants potentiels et les menaces de
produits substituables.
L’analyse de M.E. Porter se place au niveau du secteur d’activité.

a. L’analyse d’un domaine d’activité


Cette analyse ne concerne qu’un type de produit et prépare une
« business strategy ». Pour un grand nombre d’entreprises spécialisées
dans une seule activité, cette stratégie d’activité se confond avec la stra-
tégie de l’entreprise elle-même (« corporate strategy »).

1. La concurrence
La concurrence est la règle du jeu habituelle d’une économie de marché.
Son intensité dépend du secteur d’activité dont le cycle de vie est plus
ou moins avancé et la concentration plus ou moins forte.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 11 – Diagnostic et choix stratégique au niveau d’un produit ou d’un DAS 247

2. L’âge du secteur
Ventes

Temps
Introduction Croissance Maturité Déclin
ou lancement

Le volume des ventes d’un secteur évolue en suivant plusieurs étapes :


La compétition change de nature au fur et à mesure de l’évolution du
cycle de vie du secteur. On rencontre généralement l’évolution suivante :
– en phase d’introduction, il n’y a que quelques firmes, souvent une
seule, les prix sont élevés mais les profits modestes car le volume des
ventes reste limité ;
EXEMPLES
Les microprocesseurs neuromorphiques, l’ordinateur quantique, etc.

– en phase de croissance, les concurrents deviennent plus nombreux,


les risques sont couverts par la croissance rapide des ventes. Les prix
et les profits sont élevés pour tous les acteurs. Les parts de marché
sont instables ;
EXEMPLES
Le marché des drones, le marché des eaux en bouteille au niveau mondial du fait de
la pollution croissante des nappes phréatiques, le marché des imprimantes 3D, le
marché des chatbots, etc.

Il faut remarquer qu’en phase de croissance du marché il est possible à


tous les concurrents de se développer sans avoir à conquérir des parts de
marché. L’intensité concurrentielle est moins grande que dans les phases
suivantes.

C B
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
248 Management et économie des entreprises

EXEMPLE
Les 3 concurrents A, B et C peuvent se développer chacun avec la même part de
marché, grâce à la croissance du marché total représenté ici par la surface du cercle.
La concurrence entre les entreprises du secteur est donc modérée. On peut même
envisager facilement certaines coopérations, par exemple pour mettre en place un
standard commun, une déontologie ou un GIE axé sur l’exportation en commun
(situation de coopétition envisagée au chapitre 3).

– en phase de maturité, la concurrence très forte se fait par les prix qui
baissent en valeur réelle ainsi que la rentabilité. Les parts de marché
sont à peu près stabilisées ;
EXEMPLES
L’électronique grand public, les micro-ordinateurs, l’automobile.

– en phase de déclin, les concurrents deviennent de moins en moins


nombreux et la concentration est souvent forte. Les prix sont en baisse
et la rentabilité est faible. Les parts de marché évoluent par des regrou-
pements d’entreprises.
EXEMPLES
La sidérurgie d’Europe de l’Ouest.

3. La structure concurrentielle
Elle dépend fortement du degré de concentration des entreprises du
secteur.
On peut distinguer notamment :
– la situation de concurrence (grand nombre d’entreprises de puissance
équivalente) qui correspond le plus souvent au modèle théorique de la
concurrence monopolistique (ou différenciation) ;
– l’oligopole (quelques entreprises se partagent le marché) qui se traduit
soit par l’entente, soit par la guerre des prix ;
– le monopole (une seule entreprise propose le produit à la clientèle) qui
reste assez exceptionnel et souvent provisoire (phase d’introduction).
Il existe également des situations de duopole, monopsone, oligopsone, etc.1

4. La compétitivité de l’activité
C’est l’aptitude de l’entreprise à affronter ses concurrents pour l’activité considérée. Elle
est mesurable à ses résultats (part de marché de l’entreprise) et aux moyens engagés
dans la compétition avec les autres entreprises.

L’ampleur et la combinaison de ces moyens dépendent de la stratégie glo-


bale de l’entreprise. Les paramètres retenus par l’enquête annuelle de
l’Institut européen d’administration des affaires (Insead) sont au nombre
de treize : mission et vision de l’avenir de l’entreprise, culture d’entre-
prise, système d’information, gestion technique, gestion mercatique, inter-

1.  Voir à ce sujet l’aide-mémoire Économie, Sirey, 2016.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 11 – Diagnostic et choix stratégique au niveau d’un produit ou d’un DAS 249

nationalisation, performance, stratégie marketing, innovation, ressources


humaines, organisation et systèmes, orientation client, usage de l’Internet.

b. L’analyse de Michael Porter


Michael E. Porter, professeur à Harvard Business School, considère que
la stratégie de l’entreprise doit lui permettre de s’assurer un avantage
concurrentiel durable, dans chacun des secteurs où elle travaille. Il pro-
pose pour cela certaines « techniques d’analyse des secteurs de la
concurrence dans l’industrie » dans son ouvrage Choix stratégiques et
concurrence (1980).
M. Porter a cherché à déterminer comment, dans un secteur donné, une
entreprise pouvait obtenir un avantage concurrentiel durable et bénéfi-
cier ainsi de profits comparables à ceux d’une situation de monopole.
Cet avantage concurrentiel est surtout le résultat du pouvoir de négocia-
tion que l’entreprise développe par rapport à ses fournisseurs et ses
clients et aussi des barrières à l’entrée qui protègent les entreprises du
secteur de l’arrivée de nouveaux concurrents.

1. L’analyse structurelle des secteurs intéressant l’entreprise


Les secteurs considérés sont ceux dans lesquels l’entreprise est présente.
– Une étude interne au secteur permet de préciser la maturité de celui-ci
(son avenir), sa topographie concurrentielle (concurrents et produits),
les barrières à la mobilité (au sein du secteur).
– Une étude externe au secteur vient compléter la précédente en évaluant
notamment les risques de nouveaux concurrents, de produits substi-
tuables ainsi que le pouvoir de négociation des clients et des fournisseurs.
Ces deux études permettent un repérage des forces principales qui déter-
minent la concurrence dans le secteur : l’entrée sur le marché de nou-
veaux concurrents, la menace de produits de remplacement, le pouvoir
de négociation des clients, le pouvoir de négociation des fournisseurs, la
rivalité entre les concurrents existants.
LES FORCES QUI DÉTERMINENT LA CONCURRENCE AU SEIN D’UN SECTEUR

Schéma de M.E. Porter, Choix stratégiques et concurrence, p. 4, Écomomica, 1982.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
250 Management et économie des entreprises

Certains auteurs évoquent le modèle des « 5 + 1 forces » de M. Porter en


ajoutant une sixième force qui influence les conditions du jeu concur-
rentiel, notamment en Europe : les pouvoirs publics. On prend ainsi en
compte à la fois l’impact des politiques et des réglementations dévelop-
pées par les différentes collectivités publiques ainsi que par les institu-
tions européennes.
2. L’analyse des groupes stratégiques
À l’intérieur de chaque secteur, M.E. Porter distingue des groupes stra-
tégiques, c’est-à-dire des groupes d’entreprises qui suivent la même
stratégie de base. L’entreprise peut alors se situer par rapport à ces
groupes, choisir de s’intégrer à l’un d’eux ou en constituer un nouveau.

D. L’analyse technologique
La technologie d’un DAS peut être parfois suffisamment spécifique pour
justifier une analyse particulière. Dans ce cas, les étapes à suivre sont
alors similaires à celles que nous avons envisagées en ce qui concerne le
diagnostic stratégique au niveau global (v. p. 204).

E. Le diagnostic par la chaîne de valeur


de M. Porter
a. Présentation de la chaîne de valeur
M. Porter a présenté, dans son ouvrage L’avantage concurrentiel, un ins-
trument d’analyse interne à l’entreprise des sources de son avantage
concurrentiel : la chaîne de valeur.
Toute entreprise est analysable comme un ensemble d’activités qui se
complètent autour de son produit. La méthode de la chaîne de valeur
permet de classer et d’apprécier les activités de l’entreprise à partir de
la valeur ajoutée qu’elles créent et des coûts qu’elles génèrent.
Chaque catégorie d’activités nécessite la mise en œuvre de certaines
compétences qui sont autant de ressources pour l’entreprise. Ce sont
principalement des compétences économiques (technologie, fabrication,
marketing, etc.) et des compétences de gestion (trésorerie, financement,
GRH, organisation, contrôle de gestion, etc.).
On distingue ainsi 9 catégories d’activités :
– des activités principales (5) : logistique interne, production, logistique
externe, commercialisation, services accompagnant le produit ;
– des activités de soutien (4) : infrastructure (direction générale et admi-
nistrative), GRH, développement technologique, approvisionnement
(activités d’achat).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 11 – Diagnostic et choix stratégique au niveau d’un produit ou d’un DAS 251

Infrastructure de l’entreprise
Activités
de Gestion des ressources humaines

M
soutien

AR
Développement de la technologie

G
ES
Approvisionnement

Logistique Opérations Logistique Marketing Services

ES
G
interne externe et

AR
M
ventes

Activités prioritaires
Source : d’après M. Porter, L’Avantage concurrentiel, Dunod, 2003.

b. Utilisation de la chaîne de valeur


1. Le repérage des sources de l’avantage concurrentiel
L’analyse de la chaîne de valeur d’une entreprise permet aussi de dis-
tinguer les activités qui créent le plus de valeur et celles pour lesquelles
l’entreprise dispose d’un avantage compétitif grâce à des compétences
particulières (compétences distinctives).
Pour chaque maillon de la chaîne on doit rechercher la compétitivité
optimale, en fonction des contraintes concurrentielles et technologiques
qui lui sont spécifiques. On entre ainsi dans une logique de stratégie
fonctionnelle (exemples de la stratégie technologique ou de la stratégie
marketing). La recherche d’un optimum dans tous les domaines semble
souvent impossible et l’entreprise va plutôt rechercher un avantage
concurrentiel déterminant sur un ou plusieurs maillons de la chaîne.
Ce choix va se porter sur les fonctions (maillons) les plus importantes et
qui permettent à l’entreprise de constituer un avantage compétitif
durable et décisif. L’entreprise peut ainsi repérer les compétences clés,
dont dépend l’efficience de la fonction qui est la source principale de
l’avantage concurrentiel.
La chaîne de valeur permet aussi de repérer les facteurs d’évolution des
coûts qui pèsent sur chaque activité.

M. Porter retient dix facteurs susceptibles de jouer


Économies ou déséconomies d’échelle, apprentissage, taux d’utilisation des capacités
disponibles, liaisons avec d’autres activités (interactions avec les activités de partenaires
extérieurs), partage de ressources et de savoir-faire entre activités (économies de champ
ou gains de synergie), intégration, calendrier, mesures discrétionnaires sur les coûts
(pouvoir d’influencer le niveau de coût), localisation, facteurs institutionnels (rentes issues
de la réglementation).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
252 Management et économie des entreprises

2. L’amélioration de la coordination des activités


La chaîne de valeur permet également d’analyser les relations qui s’éta-
blissent entre les catégories d’activités (flux réels, monétaires et d’infor-
mations) et de chercher à les rendre plus efficaces.
– L’outil permet également de comparer la chaîne de valeur de l’entre-
prise à celles des concurrents et de détecter ainsi ses points forts et ses
points faibles. Cette démarche d’étalonnage (benchmarking) n’est
cependant pas sans limites.
– L’analyse peut finalement déboucher sur un remodelage de la chaîne
de valeur (externalisation de certaines activités, recherche de flexibi-
lité, recherche d’intégration…) et une action sur les coûts (recherche
de dimensions, recherche de productivité).

II. Les grands choix stratégiques


concernant un domaine d’activité
stratégique (DAS)
L’objectif annoncé est l’obtention d’un avantage concurrentiel. Il s’agit
selon M. Porter de desserrer l’étreinte des 5 forces concurrentielles qui
s’exercent sur l’entreprise dans le secteur considéré. Selon certains, l’ob-
jectif stratégique serait finalement l’obtention d’une rente. On peut alors
distinguer entre rente monopolistique (liée à une position de monopole
qui peut ou non s’expliquer par l’innovation1) et rente ricardienne2
(rente différentielle liée à la détention d’une ressource rare procurant
une productivité supérieure à celle des concurrents).
D’autres auteurs proposent de définir une stratégie en priorité par rap-
port aux attentes de la clientèle plutôt que par rapport à la concurrence.

A. Les trois stratégies de base de M. Porter


Dans Choix stratégiques et concurrence (Economica, 1982), M.E. Porter
définit trois stratégies de base (parfois qualifiées de génériques) face à la
concurrence, dans un secteur donné :

1.  Par référence à la théorie de Joseph Schumpeter selon lequel l’innovation à travers de
nouveaux produits ou de nouvelles combinaisons de facteur procure à l’entrepreneur une
rente ou un surprofit liés à une situation de monopole provisoire.
2.  Par référence à la théorie de la rente foncière de David Ricardo.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 11 – Diagnostic et choix stratégique au niveau d’un produit ou d’un DAS 253

AVANTAGE STRATÉGIQUE

D’après M.E. Porter, Choix stratégiques et concurrence, p. 42 (op. cit.).

a. La domination globale au niveau des coûts


La stratégie de domination globale au niveau des coûts consiste à propo-
ser un bien ou un service à la clientèle en le produisant à un coût infé-
rieur à celui des concurrents. L’entreprise va utiliser différents axes de
réduction des charges : une meilleure organisation, une conception des
produits facilitant leur fabrication, une optimisation des approvisionne-
ments (en composants, énergie et matières premières), et bien sûr les
économies d’échelle et l’effet d’apprentissage. Pour cela elle correspond
généralement à une recherche de dimension à travers la croissance de
l’entreprise (voir les stratégies de croissance). L’effet d’expérience du
Boston Consulting Group (v. p. 182) se place dans cette démarche.
Néanmoins une telle stratégie n’est pertinente que dans des secteurs
fortement capitalistiques, industriels le plus souvent, dans lesquels de
fortes économies d’échelle sont réalisables.
Elle s’inscrit le plus souvent dans une recherche de compétitivité-prix
qui peut déboucher sur une guerre des prix au niveau du secteur. Les
entreprises sacrifient alors la rentabilité à la conquête du marché d’un
produit standard.

b. La différenciation
La différenciation consiste à doter les produits de l’entreprise de caractéris-
tiques distinctive afin d’obtenir un « effet de loyauté » de la part de la
clientèle ainsi « fidélisée », mais aussi de la part des actionnaires et des
salariés, rassurés par cette différence avantageuse par rapport aux concur-
rents. La différenciation peut prendre des formes diverses (conception du
produit, image de marque, technologie, commercialisation…). Elle repose
sur la perception par le client du surcroît de valeur correspondant à la
différence offerte. Elle permet à l’entreprise d’échapper (relativement) à une
concurrence par le prix de vente du produit tout en s’adressant à l’ensemble
du marché, à travers différents modèles porteurs de la même différence.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
254 Management et économie des entreprises

c. La focalisation
La focalisation (ou concentration de l’activité) consiste à se consacrer à
un segment du marché, généralement trop étroit ou trop particulier pour
intéresser les grandes entreprises. On parle alors souvent de stratégie de
créneau ou de niche. L’offre de l’entreprise est très spécialisée, vouée à
la satisfaction d’un segment de clientèle particulier ce qui crée une cer-
taine fragilité, liée à l’avenir de ce seul segment
EXEMPLES
– Novo Nordisk a choisi d’être dans la pharmacie, « le » laboratoire du diabète à
l’échelle mondiale.
– L’avionneur canadien Bombardier et son concurrent le brésilien Embraer ont
choisi le créneau des avions régionaux.

Le choix de l’une de ces stratégies de base dépend finalement


des caractéristiques du secteur
– Dans les secteurs à forte intensité capitalistique (le rapport entre la valeur du capital
productif et celle de la production annuelle est supérieur à 4) la stratégie de domination
au niveau des coûts s’impose souvent.
– Dans les secteurs à faible intensité capitalistique (de services ou d’industrie légère),
les avantages de la différenciation sont souvent importants (ex. : l’habillement) et peuvent
être combinés à ceux de la focalisation.
Dans les secteurs industriels de haute technologie, il est possible de combiner la
stratégie de volume à celle de différenciation. La stratégie combinée évoquée par
M. Porter est envisageable lorsque l’entreprise veut échapper à un affrontement stérile par
les prix et souhaite profiter de ses efforts de réduction de coût afin d’améliorer sa
rentabilité plutôt que de réduire son prix de vente. Elle peut le faire grâce à une
différenciation de son produit qui vient compléter la domination par les coûts. Cette
stratégie combinée est présentée par d’autres auteurs comme la stratégie « Océan bleu »,
concept qui a fait l’objet d’une véritable démarche promotionnelle. On peut la retrouver
aussi dans la stratégie du meilleur produit du modèle Delta (voir plus loin).

B. Les stratégies de rupture


Les stratégies de rupture ou disruptives, innovations stratégiques ou
encore « révolutions stratégiques » ont été préconisées par divers auteurs
issus du courant de l’intention stratégique, initié par Hamel et Prahalad
à la fin des années 1990 (v. aussi p. 209). Pour échapper à une concur-
rence exacerbée, il convient de changer les règles du jeu concurrentiel
en imposant une « rupture ».

a. L’exemple de la stratégie « Océan bleu »


La stratégie « Océan bleu » en est la forme la plus aboutie. Elle a été
présentée en 2005 par deux professeurs de l’INSEAD1, W. Chan Kim et

1.  INSEAD : Institut européen d’administration des affaires, créé en France en 1957.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 11 – Diagnostic et choix stratégique au niveau d’un produit ou d’un DAS 255

R. Mauborgne comme la création d’un « nouvel espace stratégique »,


c’est-à-dire permettant d’échapper à la concurrence du secteur en s’ap-
puyant à la fois sur une domination par les coûts et sur la différenciation
du produit, grâce à l’innovation.
L’idée centrale est qu’en développant des activités qui ne sont pas
encore offertes, l’entreprise va échapper à la concurrence (monopole
provisoire de l’innovation) et accéder ainsi à « l’océan bleu » en quittant
les marchés concurrentiels (« océan rouge ») et en profitant seule de la
croissance du marché nouveau qu’elle a généré.
Le fil conducteur est la recherche d’une création de valeur pour le client
par l’innovation (« innovation-valeur »).
Les deux auteurs proposent pour cela de :
– s’appuyer sur un certain nombre de méthodes de détermination de la
stratégie nouvelle (transposition de solutions appliquées dans d’autres
secteurs, redéfinition de la clientèle à partir des non-consommateurs
relatifs, recherche de produits ou services complémentaires, etc.), en
sortant des paramètres habituels du secteur d’activité ;
– d’utiliser différents leviers de valeur-client (productivité-client, com-
modité, respect de l’environnement, etc.).
L’entreprise doit donc lancer des innovations génératrices de valeur
(value innovations) pour le client (plus grande valeur d’usage) et pour
l’entreprise grâce à une diminution du coût par rapport à un produit
standard du secteur.
Une stratégie « Océan bleu » est donc très exigeante pour une entreprise
puisqu’elle implique une forte remise en cause de ses routines produc-
tives et commerciales. De plus, elle est à remettre en question régulière-
ment car, au fil du temps, les concurrents vont apparaître et progressive-
ment transformer le marché de l’entreprise en « océan rouge ».

b. L’exemple des stratégies low cost


Le low cost s’est développé dans de nombreux secteurs (du transport
aérien à la grande distribution alimentaire) avec l’ambition de conquérir
une nouvelle clientèle en s’appuyant sur une différenciation reposant
sur un rapport qualité-prix en rupture avec les critères habituels du sec-
teur.
Cette stratégie de rupture a été le moyen pour certaines entreprises nou-
velles de s’installer dans un secteur ou pour des entreprises du secteur
de dédoubler leur offre afin de toucher les non-consommateurs relatifs
de leur marché (en créant une marque distincte de la marque premium
comme Logan pour Renault, Transavia pour Air France ou F1 pour
Accor). Elle repose sur une domination par les coûts mais ne peut pas
se limiter à proposer des produits à bas prix, faute de quoi les entre-
prises concernées s’enfermeraient dans une concurrence par les prix.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
256 Management et économie des entreprises

Les produits doivent correspondre à un concept de qualité basique qui


est compris et accepté par les consommateurs. C’est une promesse de
simplicité et de frugalité qui s’inscrit dans la culture du refus du gaspil-
lage. L’offre est simplifiée sans que la qualité perçue soit pour autant
dégradée. Cela suppose une autre conception du produit ou du service,
de la chaîne de valeur, pour proposer un produit qui répond au besoin
essentiel de la clientèle.
Cette posture stratégique est très adaptée à des secteurs matures dans
lesquels les entreprises ont pratiqué des renouvellements de produits
basés sur des pseudo-innovations s’inscrivant souvent dans une poli-
tique d’obsolescence programmée subie par la clientèle (automobile,
micro-informatique, électroménager par exemple).1

C. Le modèle « Delta » (Data, Enterprise,


Leadership, Targets and Analysts)
Ce modèle a été développé dans le cadre de la MIT Sloan School, notam-
ment par A.C. Hax et D.L. Wilde (2001). Il définit une stratégie par rap-
port aux clients plutôt que par rapport aux concurrents.
Les trois stratégies de base du modèle sont représentées par un triangle.

Verrouillage

Intermédiaire Standard
dominant propriétaire

Distribution
exclusive

Faible coût
Élargissement
de l’offre client

Solutions Redéfinition Intégration Différenciation Meilleur


« tournées de la relation-client client produit
clients »

1.  Selon une enquête de l’Observatoire Cetelem 2010 « Automobile, la low cost attitude »,
le low cost correspond à l’élimination de l’inutile pour 69 % des consommateurs européens
interrogés, et comme une solution intelligente pour 65 % d’entre eux. 29 % des européens
sont prêts à acheter une voiture low cost (observatoirecetelem.com).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 11 – Diagnostic et choix stratégique au niveau d’un produit ou d’un DAS 257

Trois options stratégiques sont proposées : le meilleur produit, le ver-


rouillage, et les solutions globales pour clients.
– Le meilleur produit est soit le moins cher du marché (« low cost »),
soit celui qui se différencie des produits concurrents par d’autres
caractéristiques. On retrouve ici deux des stratégies de base de M. Por-
ter. Le risque d’une stratégie combinée serait qu’elle peut finir par
banaliser le produit, les efforts de différenciation n’ayant plus d’im-
pact sur la clientèle. Un risque lié à la différenciation marquée du
produit est de cantonner progressivement l’entreprise à une partie du
marché pour aboutir à une simple focalisation sur un segment de mar-
ché, ce qui va bloquer le développement.
– Le verrouillage consiste à dominer le « réseau de valeur du produit »
(chaîne de valeur) afin d’obtenir une rente. On peut pour cela, recourir
à des standards propriétaires brevetés, s’imposant de façon plus ou
moins exclusive au consommateur et procurant une rente de mono-
pole (ex : Microsoft avec Windows). On peut aussi développer un
réseau de distribution exclusive ou encore prendre une position domi-
nante dans les échanges en devenant un intermédiaire incontournable
entre les participants à l’échange (ex : leboncoin, Amazon). Cette stra-
tégie est souvent choisie par de grandes entreprises qui tentent ainsi
de capter la clientèle en excluant la concurrence.
– Les solutions globales pour les clients se focalisent sur ce que le client
veut. Il peut s’agir de redéfinir la relation client sur la base d’une seg-
mentation très fine. Cela peut aussi passer par la définition d’une offre
complète et cohérente de produits et services s’adaptant aux besoins
de chaque client (Offre « en bouquet » selon le principe du « tout en
un ») en s’alliant pour cela à divers partenaires. Cela peut enfin abou-
tir à une intégration du client qui consiste à remplacer avantageuse-
ment certaines activités des clients. L’idée est de déboucher sur une
« intimité client » qui rend l’entreprise irremplaçable en s’appuyant
sur une relation affective et personnalisée qui apporte une forte valeur
ajoutée au client grâce à une adaptation poussée du produit ou service
à ses besoins spécifiques. L’offreur peut pour cela développer des par-
tenariats avec des entreprises complémentaires.

III. L’élaboration d’un business model


La mise en œuvre d’une stratégie de produit ou de DAS suppose qu’elle
s’appuie sur une traduction opérationnelle. C’est ce à quoi sert le
business model(1) (ou « modèle d’affaire ») qui est donc un modèle d’ac-
tion.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
258 Management et économie des entreprises

En suivant la présentation de D. Gauchy,1 on peut distinguer sept étapes :


1. La proposition de valeur aux clients : elle est formulée pour une unité
d’activité (DAS ou produit) et correspond à un engagement de l’entre-
prise vis-à-vis d’une clientèle. Cet engagement débouche sur un posi-
tionnement vis-à-vis des clients et des concurrents. Il s’impose égale-
ment aux collaborateurs de l’entreprise qui doivent le porter et l’incarner.
Pour s’inscrire dans la durée, le business model doit se référer à une
« unité de finalité » à dimension sociétale (produits solidaires, dévelop-
pement durable, green business).
2. Le modèle de revenu : il s’agit de la capacité à transformer la propo-
sition de valeur en recettes pour l’entreprise. Ce modèle va dépendre du
nombre des clients, de la quantité consommée par client et du prix de
vente. Il est influencé par les modes de distribution des produits. Il subit
l’influence des différentes forces concurrentielles repérées par M. Porter.
Diverses combinaisons sont à élaborer pour tenir compte de la configu-
ration des clients, partenaires, réseaux à travers lesquels les recettes
peuvent être perçues par l’entreprise. Un modèle de création de valeur
est à construire qui détermine qui paye, comment et sur quelle base de
produit ou de service (exemples : modèle à double face du « gratuit » ;
modèle des réseaux sociaux ; modèle produit et consommables, etc.).
3. L’alignement opérationnel : il s’agit de mettre en place un modèle
opérationnel qui génère de la valeur concrètement et de façon quoti-
dienne à partir des ressources et des capacités de l’entreprise qui doivent
être utilisées avec l’« agilité » nécessaire à l’évolution et à l’innovation.
Un choix entre « faire et externaliser » doit être effectué, de même que
celui des diverses implantations géographiques. Le choix combiné des
différents canaux de distribution trouve ici sa place pour servir la rela-
tion-client de l’entreprise.
4. L’équation économique : on peut valider la pertinence économique
du business model en se référant à la rentabilité des capitaux employés
mesurée par le ROCE (return on capital employed) qui doit être au moins
égal au coût moyen pondéré du capital utilisé (profitabilité). On peut
également repérer les leviers de la performance économique en calcu-
lant un résultat opérationnel (EBE) rapporté au chiffre d’affaires (marge
opérationnelle) et d’autre part un taux de rotation du capital utilisé qui
nous indique combien de chiffre d’affaires peut être obtenu pour chaque
euro investi (selon que l’activité est plus ou moins capitalistique). On
doit, enfin, analyser les coûts opérationnels et le besoin en fonds de
roulement (BFR).

1.  V. D. Gauchy, 7 étapes pour un business model solide, Dunod, 2010.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 11 – Diagnostic et choix stratégique au niveau d’un produit ou d’un DAS 259

5. Le modèle de croissance : l’intérêt d’un business model est aussi sa


capacité à générer de la croissance rentable. On considérera ici les vec-
teurs de croissance en termes de marché (actuels, nouveaux et adjacents).
On prendra en considération également les ressources nécessaires à
cette croissance, en repérant celles qui sont les vrais moteurs de crois-
sance et celles qui peuvent constituer des goulets d’étranglement (res-
sources financières, capacité technologique, image de marque, person-
nel). La question du rythme de croissance se pose souvent dans la
mesure où certaines contraintes s’imposent à l’entreprise (obsolescence
rapide ; cycle de vie du produit).
6. L’animation de la mise en œuvre : trois axes complémentaires sont
proposés :
– le visionning consiste à construire collectivement une représentation
mobilisatrice (une vision) du futur souhaité à travers le business
model. Cette élaboration collective joue un rôle mobilisateur impor-
tant.
– Une construction managériale est également nécessaire. Elle passe par
une évolution de l’organisation et du système de coordination en res-
ponsabilisant les acteurs. Elle aboutit à une visualisation globale et
synthétique qui peut s’exprimer à travers un tableau de bord récapitu-
lant les indicateurs de performance.
– Une alchimie humaine doit permettre cette mise en œuvre. Elle est
basée sur la culture d’entreprise et ses acteurs clefs qui vont incarner
la logique du business model.
7. Le modèle d’entreprise : le business model doit trouver sa place dans
la gestion du portefeuille d’activités de l’entreprise en permettant de
dégager un surplus de valeur. Celui-ci est lié au respect de certains
« fondamentaux » de l’entreprise (identité, métier, mission, culture) au
choix d’un mode de gouvernance compatible et à la mise en commun ou
la complémentarité des ressources mobilisées et des « bonnes pra-
tiques » mises en œuvre (effets de synergie positive).
POUR EN SAVOIR PLUS
Allouche (J.), Schmidt (G.), Les outils de la décision stratégique, coll. Repères, La Décou-
verte, 2004.
Ansoff (H.I.), Stratégie de développement de l’entreprise, Hommes et techniques, 1968.
Collectif HEC, Strategor, Politique générale de l’entreprise, 7e éd., Dunod, 2016.
Demil (B.), Lecocq (X.), Warnier (V.), Stratégie et business models, Pearson, 2013.
Drucker (P.), Structures et changements, Village Mondial, 1996.
Everaere (C.), Management de la flexibilité, Economica, 1997.
Garrette (B.), Dussauge (P.), Strategor, Dunod, 2016.
Gauchy (D.), 7 étapes pour un business model solide, Dunod, 2010.
Hamel (G.), Prahalad (C.-K.), La conquête du futur, Dunod, 1999.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
260 Management et économie des entreprises

Hax (A.) et Wilde (L.), The Delta Projet  : Discovering New Sources of Profitability in a
Networked Economy, Palgrave, New York, 2001.
Helfer (J.-P.), Kalika (M.), Orsoni (J.), Management, stratégie et organisation, Vuibert
Gestion, 2006.
Kim (W. Chan.), Mauborgne (R.), Stratégie Océan Bleu : Comment créer de nouveaux
espaces stratégiques, Pearson, 2015.
Lehmann-Ortega (L.), Roy (P.), « Les stratégies de rupture : synthèse et perspectives »,
Revue française de gestion, vol. 7, no 197, 2009.
Martinet (A.-C.), Reynaud (E.), Stratégie d’entreprise et écologie, Economica, 2004.
Martinet (A.-C.), Thiétard (R.A.), Tannery (F.), Stratégies, Vuibert, 2001.
Porter (M.E.), L’avantage concurrentiel, InterÉditions, 1988.
Porter (M.E.), Choix stratégiques et concurrence, Economica, 1994.
Rouach (D.), La veille technologique et l’intelligence économique, coll. Que sais-je  ?,
PUF, 2017.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
CHAPITRE 12 Chapitre 12 – L’organisation de l’entreprise 261

L’organisation
de l’entreprise

« L’organisation moderne est déstabilisatrice


car il lui faut tout faire pour permettre l’inno-
vation ».
Peter Drucker, Structures et changements

« Pour comprendre comment les organisa-


tions se structurent, il faut d’abord savoir
comment elles fonctionnent : connaitre les
parties dont elles sont faites, les fonctions
qu’elles remplissent, et la façon dont ces fonc-
tions sont reliées les unes aux autres ; de
façon précise, il faut savoir comment les flux
de travail, d’autorité, d’information et de
décisions irriguent les organisations. »
Henry Mintzberg, Structure et dynamique
des organisations

I. Les éléments de base


de l’organisation
Une entité (entreprise, association, administration…) doit s’organiser
pour atteindre la plus grande efficacité possible. Elle va donc se struc-
turer, c’est-à-dire définir le rôle et la place des différents services et
ateliers ainsi que de chacun de ses membres dans l’activité.
Il va également mettre en place des procédures de travail (routines)
susceptibles d’évolutions et de contrôle. L’organisation correspond
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
262 Management et économie des entreprises

donc à cet ensemble constitué par les structures et les procédures mises
en place par l’entreprise.
Selon H. Liebenstein, les différences d’efficience que l’on observe entre
des firmes dotées des mêmes ressources et facteurs de production s’ex-
pliquent par des différences dans la qualité de l’organisation interne
(Notion d’« efficience X », ou facteur organisationnel qui vient complé-
ter les facteurs de production).
Néanmoins cette organisation n’est pas figée mais doit au contraire
s’adapter sans cesse pour suivre l’évolution de l’entreprise.
A. Chandler a montré dans Stratégies et structures de l’entreprise, qu’à
une évolution stratégique doit correspondre une évolution de la struc-
ture de l’entreprise. Ce changement peut être progressif ou au contraire
brutal, générant alors de grands bouleversements pour le personnel.
L’écueil en matière organisationnelle est de ne pas réformer véritable-
ment l’organisation mais d’empiler de nouvelles structures sur les
anciennes alourdissant ainsi le fonctionnement et les charges de l’entre-
prise à chaque changement stratégique.

A. La structure d’une organisation


La structure est l’ossature de l’organisation, c’est la manière dont les tâches et les res-
ponsabilités sont réparties : « la structure d’une organisation peut être définie sim-
plement comme la somme totale des moyens employés pour diviser le travail entre
tâches distinctes et pour ensuite assurer la coordination nécessaire entre ces
tâches. » H. Mintzberg1.

Selon H. Mintzberg, l’organisation de l’entreprise a deux exigences :


l’une de division du travail et l’autre de coordination des tâches à
accomplir.
Elle peut s’appréhender suivant deux aspects différents :
– d’un point de vue statique, organiser c’est établir un état, une hiérar-
chisation des différentes personnes composant l’entreprise et la néces-
saire coordination de leur travail ;
– d’un point de vue dynamique, organiser c’est étudier le fonctionne-
ment d’une entreprise, analyser comment elle met en œuvre les diffé-
rents moyens dont elle dispose pour atteindre les objectifs qu’elle s’est
fixée.
On peut ajouter que la structure se caractérise également par un degré de
formalisation, c’est-à-dire un niveau de précision plus ou moins grand
dans la définition des liaisons et des fonctions.

1.  H. Mintzberg, Structure et dynamique des organisations, Les Éditions d’Organisation,


1982.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 12 – L’organisation de l’entreprise 263

B. Décomposition horizontale
Les tâches à accomplir pour gérer l’entreprise sont multiples et
demandent des capacités différentes, c’est pourquoi les organes et les
individus sont spécialisés. Cette division du travail correspond à la
décomposition horizontale de l’organisation.
On peut retenir deux critères de spécialisation qui permettent de struc-
turer l’entreprise par rapport à l’homogénéité et à la complexité des tra-
vaux à effectuer.
– Dans le cas où les produits vendus et les marchés sont relativement
semblables, on divise le travail par rapport aux grandes fonctions à
remplir (production, vente…) et ensuite à l’intérieur de celles-ci on
peut réaliser un découpage par produits/marchés.
– Dans le cas où on considère que les produits ou les marchés sont trop
hétérogènes pour être traités ensemble, on pratique d’abord une divi-
sion par produits/marchés et ensuite à l’intérieur de ces divisions ou
départements on opère un découpage par fonctions.
Les principales fonctions à retenir sont (liste non exhaustive) :
– F1 : la fonction technique chargée de produire les biens ou les ser-
vices.
– F2 : la fonction vente chargée des tâches produits/marchés.
– F3 : la fonction administration chargée de gouverner, gérer.
– F4 : la fonction logistique chargée des tâches complémentaires à la
production.
– F5 : la fonction financière chargée de gérer les flux de capitaux.
– F6 : la fonction sociale chargée de gérer les ressources humaines.

C. Décomposition verticale
La coordination des tâches et la hiérarchisation des différentes per-
sonnes correspondent à la décomposition verticale de l’entreprise et
représentent le système de commande de l’organisation. Cette décompo-
sition se réalise en fonction des types de décisions qui sont prises aux
divers niveaux de la pyramide hiérarchique.
On peut distinguer quatre niveaux en fonction de l’ampleur de la déci-
sion et de l’horizon qu’elle implique :
– N1 : le niveau stratégique où sont prises les décisions qui engagent
l’entreprise à long terme telles que le choix des produits à fabriquer,
des techniques à utiliser ou des marchés à conquérir et les objectifs à
atteindre.
– N2 : le niveau tactique où à moyen terme on prend les décisions d’op-
timisation qui définissent le chemin à suivre pour atteindre les objec-
tifs fixés précédemment (one best way).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
264 Management et économie des entreprises

– N3 : le niveau opérationnel où dans le court terme on opère des régu-


lations pour ne pas dévier du chemin défini au niveau supérieur.
– N4 : le niveau d’exécution est celui où on réalise les opérations impli-
quées par le chemin défini.

D. La représentation de l’organisation
(ou organigramme) et ses limites
a. L’autorité formelle est décrite par l’organigramme
La structure de l’entreprise se représente à partir de deux axes, l’un hori-
zontal correspond à la division du travail et l’autre vertical à la coordi-
nation hiérarchique des tâches, selon le schéma suivant :

L’organigramme donne une image exacte de la division du travail et


indique du premier coup d’œil :
1. quels postes existent dans l’organisation,
2. comment ils sont groupés en unités et
3. comment l’autorité formelle circule entre eux1.
C’est un document qui révèle les principes de l’organisation et ses ano-
malies, qui fait apparaître la localisation et l’étendue des responsabilités,
qui met en évidence les doubles emplois (doublons) et les conflits d’au-
torité mais il est incapable de traduire la complexité des relations
internes.
Différents modèles de représentation sont possibles, chaque entreprise
aimant bien avoir la sienne propre. L’AFNOR (Association française de
normalisation) a proposé une normalisation, assez peu utilisée (NF
Z12.001).

1.  H. Mintzberg, op. cit.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 12 – L’organisation de l’entreprise 265

b. Pouvoir et relations informelles


L’organigramme est une carte de l’organisation mais il ne représente pas
les relations informelles qui circulent dans des réseaux non officiels. Il
est donc important de découvrir la structure informelle qui permet de
comprendre le fonctionnement réel de l’entreprise : l’organigramme
n’est pas l’organisation.
Les relations informelles peuvent avoir des causes diverses :
– existence de leaders (nœuds de communications) ;
– affinités personnelles (contact direct entre pairs) ;
– volonté de simplifier les circuits et d’obtenir rapidement des informa-
tions (court-circuit).
L’organisation peut même être considérée comme un système de constel-
lations de travaux, dans le sens où des individus se regroupent à un
même niveau hiérarchique (de façon horizontale) pour travailler de
manière quasi indépendante sur des problèmes touchant leurs domaines
respectifs. L’organisation devient alors une agrégation de réseaux de
communication distincts situés à des niveaux différents de la hiérarchie.

E. La structure organisationnelle
de H. Mintzberg

Henry Mintzberg a aussi schématisé une structure qui sert de fondement


à toute son étude sur les organisations. Cette représentation fait appel à
cinq éléments de base : le centre opérationnel [1] relié au sommet stra-
tégique [2] par une ligne hiérarchique [3] auxquels il faut adjoindre une
technostructure [4] et des fonctions de support logistique [5].
• Le centre opérationnel [1]
« Le centre opérationnel est composé de membres de l’organisation (les
opérateurs) dont le travail est directement lié à la production de biens
et services. » Celui-ci se charge des tâches au contact direct du produit
telles que l’approvisionnement, la fabrication, la distribution et le sup-
port logistique de la production.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
266 Management et économie des entreprises

• Le sommet stratégique [2]


« La fonction du sommet stratégique est de faire en sorte que l’organisa-
tion remplisse sa mission de façon efficace, et qu’elle serve les besoins
de ceux qui contrôlent l’organisation ou qui ont sur elle du pouvoir. » Le
premier de ses devoirs qui tient à sa place en haut de la hiérarchie est la
supervision directe, c’est-à-dire que le sommet doit prendre les déci-
sions importantes, résoudre les conflits, allouer les ressources et contrô-
ler. Une autre de ses tâches importante est la communication externe au
profit de l’organisation. Enfin, il lui faut définir et développer la straté-
gie de l’entreprise car c’est à cet endroit de la structure que l’on a la
vision la plus large des problèmes à traiter.
• La ligne hiérarchique [3]
Cette ligne va joindre le sommet stratégique au centre opérationnel. Elle
est généralement unique et va de haut en bas depuis les cadres situés
sous la direction générale jusqu’à l’encadrement de premier niveau (la
maîtrise).
• La technostructure [4]
Cet ensemble regroupe les experts qui vont aider à standardiser l’orga-
nisation et agir ainsi sur le travail des autres pour le rendre plus efficace.
La technostructure conçoit, planifie, contrôle le travail mais n’est pas en
relation directe avec celui-ci.
• Les fonctions de support logistique [5]
Ce sont des « unités spécialisées qui, en dehors du flux de travail, ont
vis-à-vis de ce dernier une fonction de support ». Ces unités sont relati-
vement autonomes et regroupent des activités secondaires ou complé-
mentaires qui pourraient être réalisées à l’extérieur de l’organisation
mais que l’on garde dans les limites de celle-ci pour mieux les contrô-
ler. Cela va du service juridique au restaurant d’entreprise en passant
par les relations publiques.

II. Le choix d’une structure


La structure représente le squelette de l’organisation, en effet elle décrit
la façon dont les tâches sont réparties, comment le pouvoir est exercé
mais aussi quelles sont les relations entre les divers responsables.
L’étude de la structure se fait au travers d’organigrammes1 relativement
simples qui permettent de caractériser les différents types rencontrés.
Cette caractérisation est réalisée suivant le type de division des tâches

1.  Organigramme : représentation schématique de l’organisation.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 12 – L’organisation de l’entreprise 267

au niveau global. Dans la réalité les structures sont rarement aussi


simples et elles peuvent présenter des déformations.

A. La répartition des tâches


(organisation horizontale)
a. La structure fonctionnelle

C’est le type premier de toute organisation où le découpage horizontal


du travail est réalisé par rapport aux grandes fonctions à remplir dans
l’organisation (achats, production, ventes…). Ce type de structure s’ap-
plique plus particulièrement aux entreprises monoproductrices à l’acti-
vité routinière.

b. La structure divisionnelle
La répartition des tâches se fait par rapport aux produits ou aux
familles de produits qui présentent un plus grand caractère d’homogé-
néité que les fonctions. Chaque division ou branche est relativement
autonome et peut posséder une structure propre (fonctionnelle ou autre),
en outre le contrôle exercé par la direction n’est souvent réalisé qu’a
posteriori.
C’est le type de structure adopté par la majorité des grandes entreprises
car il permet une grande flexibilité, en effet on peut ajouter ou retran-
cher une division sans perturber l’ensemble de l’organisation.

Le découpage peut aussi être réalisé par zones géographiques. Au lieu


de départementaliser en fonction des produits, une distinction est prati-
quée en fonction des marchés qui présentent un plus grand caractère
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
268 Management et économie des entreprises

d’homogénéité. C’est le cas notamment des firmes multinationales qui


peuvent ainsi s’adapter de façon plus précise à leur environnement.

c. La structure matricielle
Ce type de structure correspond à une répartition des tâches réalisée
suivant deux critères différents : fonctionnel et divisionnel. Cette struc-
ture allie deux compétences (et deux autorités), celle du chef de projet
ou de produit (critère divisionnel) et celle du spécialiste de la fonction
(critère fonctionnel). Ceci permet de maintenir les départements par
fonctions durables dans le temps et de former des groupes ad hoc char-
gés du travail proprement dit variables dans le temps.
C’est une structure très souple puisque l’on peut ajouter ou supprimer
facilement un produit ou un projet, elle peut néanmoins poser des pro-
blèmes pour les individus qui se trouvent soumis à deux hiérarchies
pouvant parfois se contrarier et qui doivent également s’intégrer réguliè-
rement à de nouvelles équipes de travail. Le savoir-être joue un rôle non
négligeable. Cette structure s’applique tout particulièrement aux entre-
prises de recherche, de grands travaux, de publicité…

Les membres de l’organisation sont repérés par leurs coordonnées, ainsi


l’individu X appartient au département Ventes (abscisse) et consacre
actuellement ses activités au Produit A (ordonnée).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 12 – L’organisation de l’entreprise 269

B. L’exercice du pouvoir (organisation


verticale)
Expliquer la manière dont le pouvoir est exercé tient dans la réponse à
deux questions qui commande qui ? et comment l’autorité s’applique ?
L’autorité est le droit, le pouvoir de commander, de prendre des déci-
sions, de se faire obéir.
Le responsable est celui qui doit répondre de ses actes ou de ceux des
personnes dont il a la charge.
L’exercice efficace du pouvoir dans toute organisation nécessite la conju-
gaison de ces deux notions et bien souvent l’autorité est recherchée et
désirée alors que la responsabilité est fuie.

a. La hiérarchie linéaire
L’autorité est exercée sur des personnes et légitimée par la position hiérar-
chique. L’étendue du pouvoir est totale dans un secteur bien déterminé.
Ce type de structure présente l’avantage de définir parfaitement les res-
ponsabilités, elle permet la discipline, le contrôle et respecte l’unité de
commandement définie par H. Fayol « un subordonné n’a qu’un seul
chef ». En revanche, elle entraîne une mauvaise circulation des infor-
mations et une surcharge de travail pour les cadres supérieurs lorsque
l’entreprise grandit.

  communication entre X et Z
  sphère de compétence, d’étendue du pouvoir

b. La hiérarchie fonctionnelle
F.W. Taylor a proposé de fonder le pouvoir hiérarchique sur la spécia-
lisation, source de compétence.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
270 Management et économie des entreprises

L’autorité est exercée sur des tâches spécialisées et la source du pouvoir


réside dans la spécialité fonctionnelle.

ST : Service Technique spécialisé (paie, ordonnancement, méthodes, entretien, réglages…).

Ce type de structure présente l’énorme inconvénient de ne pas respecter


le principe d’unité de commandement car le subordonné a plusieurs
chefs. En effet l’opérateur X doit faire la synthèse des divers ordres reçus
des services techniques spécialisés.
Situation qui occasionne des risques de conflits et une dilution des res-
ponsabilités, c’est pourquoi elle est difficilement applicable.

c. La structure hiérarchico-fonctionnelle (le staff and line)


Elle combine les avantages des deux systèmes précédents, l’unité de
commandement (services opérationnels) et la spécialisation (services
fonctionnels). On obtient deux catégories de cadres :
– ceux qui commandent, qui agissent, qui sont on line (ligne hiérar-
chique) disposant d’une autorité générale. Ce sont les cadres qui
contrôlent les services opérationnels (voués à la production et à la
vente) ;
– ceux qui conseillent mais ne décident pas, qui sont au staff (l’état-ma-
jor) disposant d’une autorité dans leur seule spécialité. Ce sont aussi
les cadres qui dirigent les services fonctionnels (de conseil et de sou-
tien des opérationnels).
Direction générale

État major

Unités
Administration Finances GRH Système d’information fonctionnelles
(Staff)

Unités
Division Produit A Division Produit B opérationnelles
(Line)
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 12 – L’organisation de l’entreprise 271

Cette structure permet d’éviter les deux inconvénients des systèmes


précédents à savoir la lourdeur et l’incompétence qui résultent de l’au-
torité générale de la hiérarchie linéaire et la dilution des responsabilités
qui résulte de la multiplication des autorités spécialisées de la hiérarchie
fonctionnelle.

C. La coordination
Ce terme recouvre outre la coordination à proprement parler, diverses
notions telles que communication et contrôle. Selon H. Mintzberg,
celle-ci peut être assurée par cinq mécanismes :
– l’ajustement mutuel réalise la coordination par simple communication
informelle. Ce procédé est essentiel dans les petites structures mais il
joue aussi un rôle important dans les structures décentralisées basées
sur la coopération d’un personnel hautement qualifié. On retrouve
également cette importance dans le modèle J de M. Aoki ;
– la supervision directe consiste à avoir la responsabilité du travail des
autres. Le responsable donne les instructions, délègue et contrôle ;
– la standardisation des procédés spécifie ou programme le contenu du
travail. La coordination est en quelque sorte assurée avant même que
le travail ait commencé ;
– la standardisation des résultats se fait en spécifiant les objectifs à
atteindre, ce qui permet d’accorder une auto-organisation du travail,
plus motivante ;
– la standardisation des qualifications repose sur la formation com-
mune de ceux qui accomplissent le travail.
À mesure que la structure gagne en complexité et que le travail d’organi-
sation s’intensifie, les moyens de coordination employés évoluent de la
manière suivante :
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
272 Management et économie des entreprises

III. L’évolution des structures


A. Les configurations structurelles
de H. Mintzberg
La plupart des organisations sont soumises aux forces divergentes des
cinq éléments de base : centre opérationnel, sommet stratégique, ligne
hiérarchique, technostructure et fonctions de support logistique. Ceux-ci
vont tirer l’organisation dans des directions différentes suivant qu’ils
prennent plus ou moins d’importance.

a. La personnalisation (organisation
« entrepreneuriale »)
C’est la structure la plus simple, dans laquelle la part prépondérante est
prise par le sommet stratégique. En effet le dirigeant joue le rôle princi-
pal, il coordonne en supervisant directement, les relations personnelles
sont privilégiées, il n’y a pas ou peu de formalisation. Elle ne possède ni
technostructure, ni fonctions de support logistique.

Elle s’applique aux entreprises de petite taille, de technique simple, aux


entreprises qui démarrent ou qui ont un environnement hostile incitant
à la centralisation. Son défaut est qu’elle repose sur la santé et la volonté
d’un seul individu.
EXEMPLE
La petite boulangerie du quartier.

b. La bureaucratie mécaniste
On retrouve ce type de structure dans les organisations où les tâches
sont routinières et très spécialisées ce qui implique des procédures très
formalisées. L’élément prépondérant est donc la technostructure.
Elle convient aux entreprises de grande taille où le regroupement des
tâches est réalisé sur la base des fonctions et où la centralisation est
importante (structure fonctionnelle centralisée).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 12 – L’organisation de l’entreprise 273

On y insiste plus particulièrement sur la division du travail et la diffé-


renciation entre unités : opérationnels-fonctionnels, niveaux hiérar-
chiques, fonctions-statuts. Le risque de cette structure est de déboucher
sur un conflit entre efficacité du travail et satisfaction des individus ou
encore de sombrer dans la sclérose.
EXEMPLE
Une grande entreprise mono-productrice.

c. La bureaucratie professionnelle
Cette structure décentralisée est basée sur le recrutement de spécialistes
dûment formés. Le centre opérationnel est ainsi constitué de profession-
nels hautement qualifiés à qui on laisse une très grande latitude dans le
contrôle de leur propre travail. Elle s’appuie sur la standardisation des
qualifications et la partie-clé en est le centre opérationnel.

C’est une structure très décentralisée aussi bien horizontalement que


verticalement et qui correspond à un environnement complexe et stable.
Elle peut poser des problèmes de contrôle du travail.
EXEMPLES
Les cabinets d’experts-comptables, d’architectes ou d’avocats ; les structures hospita-
lières ; les universités.

d. La structure divisionnalisée (« organisation


divisionnelle »)
C’est une structure divisée sur la base des marchés (ou des produits ou
des régions) dans laquelle chaque division est organisée comme une
bureaucratie mécaniste avec ses propres départements fonctionnels.
L’élément prépondérant est la standardisation des résultats qui permet
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
274 Management et économie des entreprises

un contrôle des performances de chaque division avec une délégation


de pouvoir aux responsables de division.

Elle encourage une allocation efficace du capital et accroît la capacité de


réponse stratégique de la grande entreprise diversifiée.
EXEMPLE
Un groupe industriel aux activités diversifiées comme Samsung et ses 59 sociétés.

e. L’adhocratie1 (« organisation innovatrice »)


Du latin ad hoc (conçu pour), ce type de structure très organique reprend
le type matriciel avec une spécialisation horizontale poussée, basée sur
la formation et fonctionnant en groupes de projet pluridisciplinaires
dans un environnement complexe et dynamique. Le principe d’unité de
commandement est peu respecté. L’ajustement mutuel et les différents
mécanismes de liaison jouent un grand rôle. Les fonctions de support
représentent la partie-clé de l’organisation puisque celle-ci y puise les
experts dont les groupes de projet ont besoin.
C’est une structure tournée vers l’innovation qui doit « se placer en
rupture avec les routines établies. L’organisation innovatrice ne peut
donc s’appuyer sur aucune forme de standardisation pour coordonner
ses activités. »2

1.  Adhocratie : terme popularisé par A. Tofler dans Le choc du futur, signifiant une forme
de gouvernement adaptée en fonction de l’environnement, du projet à réaliser, donc une
structure ad hoc.
2.  H. Mintzberg, op. cit., p. 377.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 12 – L’organisation de l’entreprise 275

f. L’organisation missionnaire1
Cette sixième configuration a été proposée ultérieurement par H. Mintz-
berg à partir de l’observation des entreprises japonaises dans lesquelles
normes et croyances viennent remplacer les standards et les procé-
dures et où la culture (ou l’idéologie) est « si forte que l’organisation se
construit autour d’elle » débouchant sur l’organisation missionnaire.
Une mission est clairement définie par un leader pour l’organisation
(comme le lancement d’un produit ou service présenté comme révo-
lutionnaire). Cette organisation est coordonnée par une standardisa-
tion des normes, renforcée par la sélection, la socialisation et l’endoc-
trinement des membres, rassemblés autour du leader. Les membres de
l’organisation sont soudés par des valeurs partagées. C’est la standar-
disation des normes qui en découle qui est le mécanisme de coordi-
nation.
EXEMPLES
L’entreprise japonaise de type J (M. Aoki) ou de type Z (W.G. Ouchi) ; le Kibboutz
israélien ; l’organisation religieuse ou sectaire.

Organisation décentralisée qui repose sur le partage de valeurs com-


munes qui remplacent tous les autres mécanismes de coordination.
Chaque membre de l’organisation se conforme aux croyances. Il existe
donc peu de technostructure et de hiérarchie. Le leader est là pour célé-
brer et garantir la permanence de la mission commune. La structure est
donc ramassée et les membres sont polyvalents pour assurer les diffé-
rentes fonctions organisationnelles. Selon H. Mintzberg de nombreuses
organisations d’entreprises cherchent à développer en leur sein une
« certaine ferveur idéologique » qui soude les salariés à leur entreprise,
comme dans le cas des entreprises japonaises.

1.  H. Mintzberg, in Le management, voyage au centre des organisations, p. 319.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
276 Management et économie des entreprises

B. Facteurs déterminants dans l’évolution


d’une structure
a. La taille
Une entreprise au cours de son développement passe par différentes
structures plus ou moins bien adaptées à sa taille. Généralement l’évo-
lution des organisations commence par une structure personnalisée
quand l’entrepreneur peut s’occuper de tout, ensuite avec le développe-
ment des activités l’organisation évolue vers une structure fonctionnelle
centralisée. Avec la diversification des produits, on adopte une structure
divisionnelle et enfin pour retrouver une certaine flexibilité, on peut
mettre en place une structure matricielle.
Les correspondances ne sont pas aussi nettes, néanmoins on peut noter
une assez bonne corrélation entre la taille de l’entreprise et son évolu-
tion structurelle.

b. Le système technologique
Les travaux de J. Woodward en Angleterre ont montré qu’il existait une
relation entre la technologie utilisée et la structure adoptée suivant que
la production était à l’unité, de masse ou en continu. Elle a remarqué
que plus la complexité technologique augmentait, plus la structure
administrative était élaborée et plus les cadres avaient un nombre res-
treint de subordonnés.

c. La stratégie
A. Chandler, dans son ouvrage Stratégie et structure, a montré que la
structure d’une organisation découlait de la décision stratégique qu’elle
avait prise et donc que le changement de stratégie induisait le change-
ment de structure. On passe ainsi d’une structure fonctionnelle centra-
lisée à une structure divisionnelle par produits quand l’entreprise choi-
sit de diversifier ses activités.

d. L’environnement
P.R. Lawrence et J.W. Lorsch ont montré que plus l’environnement est
stable, plus les entreprises ont tendance à évoluer avec une structure
formalisée. Par contre si l’environnement est dynamique et complexe,
elles adoptent des structures plus souples. H. Mintzberg a présenté de
façon synthétique les diverses situations dans le tableau suivant :
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 12 – L’organisation de l’entreprise 277

STRUCTURE DE L’ORGANISATION EN FONCTION DES CARACTÉRISTIQUES


DE L’ENVIRONNEMENT

Environnement stable dynamique

Structure décentralisée Structure décentralisée Organique


complexe Bureaucratique (Standardisation (Ajustement mutuel)
des qualifications)

Structure centralisée Structure centralisée Organique


simple Bureaucratique (Standardisation (Supervision directe)
des procédés de travail)

C. Le modèle de gestion organisationnelle


des 7 S de Mc Kinsey
Le Cadre des 7 S du cabinet de conseil Mc Kinsey est un modèle qui
présente 7 facteurs en interdépendance afin d’organiser efficacement
une entreprise. Ses initiateurs sont Richard Pascale, Anthony Athos,
Tom Peters et Robert Waterman1.
Ces facteurs sont autant de leviers de changement.
On trouve d’abord les variables « dures » qui peuvent être modifiées à
relativement court terme : La stratégie, la structure, les systèmes (procé-
dures opérationnelles et de gestion). On rencontre aussi des variables
« molles » qui ne peuvent évoluer qu’à plus long terme : le style de
management, le savoir-faire (skills), les ressources humaines (staff), les
valeurs partagées (shared values) sur lesquelles repose l’organisation et
qui sont au cœur de sa culture.
La cohérence de l’ensemble donne toute son efficacité à l’organisation
d’une entreprise car ces différents éléments se renforcent alors les uns
les autres. Toute incohérence d’une des variables par rapport aux autres
est donc problématique pour l’entreprise car génératrice de dysfonction-
nements. Mais l’harmonie des 7 S ne suffit pas à garantir la performance
de l’entreprise qui doit aussi avoir choisi un positionnement adapté à
son environnement, notamment concurrentiel.
On peut se baser sur ce modèle pour établir un diagnostic de l’organisa-
tion ou pour envisager les moyens de son évolution. Voir le schéma
ci-après :

1.  Auteurs du célèbre essai « Le prix de l’excellence », InterEditions, 1983.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
278 Management et économie des entreprises

LES 7 S DE MC KINSEY

Structure

Strategy Systems

Shared values

Skills Style

Staff

D. Les principales tendances des évolutions


structurelles
a. La décentralisation (v. p. 125)
Celle-ci se traduit par un découpage de l’entreprise en divisions, dépar-
tements et services plus ou moins autonomes dans leur gestion (cf. la
décentralisation coordonnée de A. Sloan), afin qu’ils soient plus réactifs
et que la coordination des activités soit facilitée en appliquant une ges-
tion par les objectifs.
Elle s’accompagne souvent d’une traduction juridique en sociétés filiales
et sous-filiales (v. p. 42)1.
Elle suppose la mise en place d’un système coordonné d’objectifs et par
conséquent d’un contrôle de gestion. Elle peut se concrétiser par la
direction par objectifs de P. Drucker.
Elle peut conduire à une autonomie de décision très poussée des opéra-
tionnels, d’autonomisation du personnel, en suivant le modèle de mana-
gement de l’entreprise libérée d’Isaac Getz et Brian M. Carney et du
« pouvoir avec » de M.P. Follet.

b. La flexibilité
La flexibilité organisationnelle est devenue nécessaire pour suivre les
évolutions stratégiques et pour faire face aux perturbations que son envi-
ronnement impose à l’entreprise.

1. Une sous filiale est une filiale de filiale.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 12 – L’organisation de l’entreprise 279

– Sur le plan des structures une structure divisionnalisée (ou division-


nelle) permet d’ajouter ou de supprimer certaines activités (divisions)
sans bouleverser l’ensemble de l’organisation.
– Sur le plan des processus (fonctionnement) des équipements tech-
niques polyvalents (flexibilité technique), des moyens informationnels
décentralisés et une flexibilité du travail (fonctionnelle et quantitative)
favorisent la flexibilité de l’organisation. Celle-ci sera facilitée égale-
ment par des procédés de coordination adaptés : décentralisation du
pouvoir, ajustement mutuel et coordination horizontale.
Les organisations flexibles sont souvent dites organiques1, assimilées
implicitement à des organismes vivants, capables de s’adapter plus effi-
cacement et rapidement.

c. La transversalité
Elle consiste à mettre en place dans l’entreprise des unités opération-
nelles qui sont constituées de personnes déléguées par différentes fonc-
tions de l’entreprise dans une logique pluridisciplinaire, reposant sur la
coopération et facilitant l’apprentissage collectif.
Ce sont les structures par projet ou les structures par processus qui
traversent l’entreprise en lui donnant la souplesse et le dynamisme
nécessaires à l’innovation ou à la compétitivité.
Un processus est défini par Ph. Lorino comme : « un ensemble d’activi-
tés reliées entre elles par des échanges de produits, de services ou d’in-
formations et contribuant à la fourniture d’une prestation à un client
interne ou externe à l’entreprise ».
Cette prestation qui peut consister en un bien ou un service peut avoir
un caractère opérationnel (production/vente destinée à la clientèle de
l’entreprise) ou fonctionnel (activité de support destinée à des utilisa-
teurs internes à l’entreprise).

d. La multidimension
Elle correspond à la construction de l’organisation selon deux (organisa-
tion matricielle) ou trois critères afin de mieux coller à la complexité du
développement de la grande entreprise, en prenant en compte notam-
ment, sa dimension internationale.

1. Par opposition aux organisations mécanistes.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
280 Management et économie des entreprises

SCHÉMA D’UN EXEMPLE DE STRUCTURE MULTIDIMENSIONNELLE


(Dimension fonctionnelle)

Direction générale

F1 F2 ... Fn
(Dimension
opérationnelle ;
Ici par
processus) Pr1

Pr2

Prm
Asie

Amérique
Europe

Afrique
(Dimension
géographique)
Selon cet organigramme, on retrouve sur chaque grand continent une organisation matricielle
avec un découpage horizontal par grandes fonctions et un découpage vertical par unités
opérationnelles (ici par processus mais qui pourrait être par usines ou par clientèles).

POUR EN SAVOIR PLUS


Ouvrages de présentation
Aubert (N.), Gruère (J.-P.), Jabes (J.), Laroche (H.), Michel (S.), Management, aspects
humains et organisationnels, PUF, 1996.
Coriat (B.) et Weinstein (O.), Les nouvelles théories de l’entreprise, coll. Références, Le
livre de poche, 1995.
Lévian (Y.-F.), Organisation, Théories et pratiques, Dunod, 2005.
Lorino (Ph.), Méthodes et pratiques de la performance, Les Éditions d’Organisation,
2003.
Auteurs de renommée internationale
Chandler (A.D.), Stratégie et structure de l’entreprise, Les Éditions d’Organisation, 1989.
Coase (R.H.), The nature of the firm, 1937, Economica, 2007.
Cyert (R.M.) et March (J.G.), Processus de décision dans l’entreprise, Dunod, 1970.
Fayol (H.), Administration générale et industrielle, 1916, réimp., Dunod, 1979.
Friedmann (G.), Le travail en miettes, Gallimard, 1964.
Lawrence (P.R.) et Lorsch (J.W.), Adapter les structures de l’entreprise, Les Éditions d’Or-
ganisation, 1973.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 12 – L’organisation de l’entreprise 281

Liebenstein (H.), Allocative Efficiency vs. «  X-Efficiency  », The American Economic


Review, juin 1966.
Likert (R.), Le gouvernement participatif de l’entreprise, Gauthier-Villars, 1974.
Lussato (B.), Introduction critique aux théories d’organisation, Dunod, 1972.
March (J.G.), Simon (H.A.), Les organisations, Dunod, 1969.
Mintzberg (H.), Structure et dynamique des organisations, Les Éditions d’Organisation,
1982.
Mintzberg (H.), Le management, Voyage au centre des organisations, Les Éditions d’Or-
ganisation, 2004.
Orléan (A.), L’économie des conventions, PUF, 1994.
Taylor (F.W.), Principles of Scientific Management, New York and London Harper & bro-
ther, 1911.
Williamson (O.E.) et Winter (S.G.), The nature of the firm : origins, evolution and deve-
lopment, Oxford University Press, 1991.
Woodward (J.), Industrial Organisation  : theory and practice, Oxford University Press,
1965.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
282
CHAPITRE 13
Management et économie des entreprises

Les théories
des organisations

L’étude de l’organisation ne s’est pas développée de manière linéaire.


Elle s’est construite par une succession de théories et d’écoles qui ont
repris les travaux précédents pour les compléter ou les contredire. Géné-
ralement une nouvelle école se développe en réaction aux conclusions
précédentes.

I. L’école classique
A. La théorie administrative de H. Fayol
(1841‑1925)1
• H. Fayol distingue 6 fonctions au sein d’une entreprise. L’une d’elle, la
fonction administrative joue un rôle crucial.
1. Fonction technique (production, fabrication, transformation)
2. Fonction commerciale (achats, ventes, échanges)
3. Fonction financière (recherche et gérance des capitaux)
4. Fonction de sécurité (protection des biens et des personnes)
5. Fonction de comptabilité (inventaire, bilan, prix de revient, statis-
tiques, etc.)
6. Fonction administrative (prévoyance, organisation, commandement,
coordination et contrôle)
• La notion classique d’administration correspond au management
« Administrer, c’est prévoir, organiser, commander, coordonner et
contrôler. »

1.  H. Fayol, Administration industrielle et générale, 1916.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 13 – Les théories des organisations 283

« Prévoir, c’est-à-dire sentir l’avenir, dresser le programme d’action.


Organiser, c’est-à-dire constituer le double organisme matériel et social
de l’entreprise.
Commander, c’est-à-dire faire fonctionner le personnel.
Coordonner, c’est-à-dire relier, unir, harmoniser tous les actes et tous les
efforts.
Contrôler, c’est-à-dire veiller à ce que tout se passe conformément aux
règles établies et aux ordres donnés ».
• Les conditions d’une bonne administration de l’entreprise
H Fayol propose des principes d’organisation, universels mais adap-
tables aux situations concrètes. (« Toute règle, tout moyen administratif
qui fortifie le corps social »). Il en distingue 14, sans prétendre à l’ex-
haustivité ni à l’immuabilité : division du travail, autorité, discipline,
unité de commandement, unité de direction, subordination des intérêts
particuliers à l’intérêt général, rémunération, centralisation, hiérarchie,
ordre, équité, stabilité du personnel, initiative, union du personnel.
Le rôle du chef est essentiel. Il dispose d’un pouvoir qui est lui-même
lié à son autorité (autorité statutaire, personnelle).
La structuration de l’entreprise doit respecter deux principes :
– la voie hiérarchique qui assure la transmission des ordres ;
– l’unité de commandement, qui fait qu’une même personne ne peut
recevoir d’ordres que d’un seul chef.
Des passerelles vont faciliter la communication.
H. Fayol distingue deux modalités de structuration de l’entreprise :
– militaire qui débouche sur une hiérarchie numérique (découpage ver-
tical sur un organigramme) ;
– économique qui débouche sur une hiérarchie opérationnelle (décou-
page horizontal sur un organigramme).

B. Taylor (1856-1915) et la gestion


« scientifique » du travail
a. L’organisation scientifique du travail (OST)
A. Smith, en 1776 dans La richesse des Nations fut un des premiers à
parler de la division du travail en décrivant la façon dont les tâches
étaient organisées dans une manufacture d’épingles.
Néanmoins le plus connu est F.W. Taylor dont l’œuvre coïncide avec la
mise en place d’une nouvelle forme de production. Ingénieur nord-amé-
ricain, il étudie les relations existant entre production et prospérité de
l’entreprise ; pour lui l’efficacité du travail passe par la spécialisation. Il
s’est surtout préoccupé de l’organisation des postes de travail.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
284 Management et économie des entreprises

L. Gilbreth, C. Babbage et H. Gantt ont poursuivi les travaux de Taylor


sur la décomposition du travail pour aboutir à l’OST (Organisation
Scientifique du Travail) qui est la séparation très nette entre la concep-
tion du travail et sa réalisation fondée sur :
– l’étude systématique des tâches et la réduction des temps consacrés
aux tâches élémentaires,
– la standardisation des opérations de travail et leur simplification,
– la mise en place de stimulants financiers et une surveillance étroite
des travailleurs.
H. Ford a systématisé cette méthode en la combinant à la standardisa-
tion des produits, et débouchant ainsi sur une implantation des postes
de travail le long d’une chaîne en continu, ce qui a fait l’admiration et
l’envie d’autres industriels de l’époque, comme A. Citroën et L. Renault
(qui ne disposaient pas quant à eux d’un marché aussi vaste).
L’organisation taylorienne du travail (le « travail en miettes » selon la
dénomination de G. Friedmann, stigmatisé par C. Chaplin dans Les
temps modernes) très critiquée était néanmoins adaptée aux conditions
de production du début du xxe siècle particulièrement dans le cas des
États-Unis. C’était, en effet, une économie de production s’adressant à
un marché immense où la pénurie dominait, avec un environnement
stable et une main-d’œuvre non qualifiée qui provenait de l’exode rural.

b. L’organisation fonctionnelle du commandement


Taylor critique l’organisation du commandement de la hiérarchie
linéaire qui confère à chaque chef des attributions trop nombreuses qu’il
ne peut correctement assumer.
Il propose une spécialisation des fonctions des chefs et instaure la hié-
rarchie fonctionnelle. Huit chefs opérationnels vont s’interposer entre
l’exécutant et la direction : discipline, temps, instructions, ordonnance-
ment, entretien, qualité, allure, approvisionnements.
En fait les organisations de Taylor et de Fayol ne sont pas inconciliables.
Une synthèse en est réalisée dans la structure « staff and line » (ou
hiérarchico-fonctionnelle, v. p. 270).

C. L’organisation bureaucratique
de Max Weber (1864-1920)
M. Weber sociologue allemand, a distingué :
– les organisations charismatiques (fondées sur les qualités person-
nelles du leader qui est « un être extraordinaire » (charismatique) et le
dévouement des membres de l’entreprise envers le dirigeant (ex. :
H. Ford, A. Citroën, L. Renault…) ;
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 13 – Les théories des organisations 285

– les organisations traditionnelles (fondées sur l’habitude : les usages et


la tradition qui se plient aux règles coutumières d’une communauté) ;
– l’organisation bureaucratique (ou rationnelle-légale) qu’il préconise,
permet de réduire l’incertitude grâce à des règles de procédure
(découvertes par la raison), capables de prévoir tous les cas pos-
sibles ! On peut rapprocher sa pensée de l’idée moderne de programme
de traitement et en particulier des programmes de gestion intégrée
(PGI) ou ERP (entreprise ressources planning).
Les limites de l’école classique résident dans le caractère normatif
immuable des principes d’organisation qui doivent être respectés. La
vision mécaniste du travail oublie délibérément le facteur humain alors
que l’observation nous montre l’importance de l’influence des salariés
sur leur entreprise. L’entreprise est présentée comme un système qua-
si-fermé sur lui-même sans interactions avec son environnement alors
que la réalité nous démontre l’impact de l’environnement sur l’entre-
prise.
Néanmoins ces théories restent les bases incontournables des démarches
théoriques d’organisation des entreprises.

II. Le mouvement des relations


humaines
A. Les salariés sont des êtres sociaux
dont la motivation est influencée
par des facteurs psychologiques
Certains auteurs ont pensé que Mary Parker Follet (v. infra dans l’école
néo-classique) était précurseure du mouvement des « relations
humaines » en mettant en évidence l’intérêt du travail de groupe qu’elle
considère comme plus efficace que le travail individuel.
E. Mayo quant à lui s’attacha à démontrer, par ses expériences à la Wes-
tern Electric d’Hawthorne entre 1924 et 1932, que les individus n’étaient
pas mus uniquement par des aspects financiers mais aussi par des consi-
dérations psychosociologiques (prise en compte de la notion de groupe
de travail). Il en déduisit qu’il existait des facteurs psychologiques de la
motivation au travail (si le moral était bon, la productivité le serait éga-
lement).
A. Maslow définit la pyramide des besoins humains (1954). Selon lui,
les besoins apparaissent progressivement, au fur et à mesure de la satis-
faction des besoins de niveau inférieur.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
286 Management et économie des entreprises

Au premier niveau, on trouve les besoins physiologiques (manger, dor-


mir, se vêtir, etc.).
Au second niveau, les besoins de sécurité et de protection contre les
menaces (stabilité du revenu, assurance maladie, sécurité au travail,
etc.).
Au troisième niveau, le besoin d’intégration dans une collectivité de
travail (communication et acceptation par les autres, estime des autres
et reconnaissance de ses qualités par les autres).
Au quatrième niveau, le besoin d’estime de soi (activité valorisante,
projets, objectifs).
Au cinquième niveau, le besoin de réalisation de soi (accomplissement
et affirmation de son individualité, croyances et valeurs).

PYRAMIDE DES BESOINS HUMAINS SELON ABRAHAM MASLOW (1954)

Besoin
de réalisation
de soi
Besoin d’estime
de soi

Besoin d’intégration

Besoin de sécurité et de protection

Besoin physiologiques (se nourrir, vêtir, loger)

F. Herzberg (1959) complète ces travaux en distinguant les facteurs


d’ambiance (éventuellement des facteurs de mécontentement), des fac-
teurs valorisants (éventuellement des facteurs de motivation).
Selon D. Mc Gregor la théorie Y (qui s’oppose à la théorie X représentant
les postulats de l’école classique) permet de réconcilier l’entreprise avec
ses salariés.
W. Ouchi a défendu dans sa théorie Z (1982) l’importance d’une partici-
pation volontaire du personnel qui s’appuie sur la prise en compte des
aspirations sociales des travailleurs et qui débouche sur un « contrôle
clanique » reposant sur une forte adhésion à la culture de l’entreprise.
W. Ouchi propose de recourir à ce mode de contôle de façon alternative
aux formes classiques de « contrôle bureaucratique » (contrôle des
comportements ou des résultats) à chaque fois que le processus de trans-
formation est mal défini et que la capacité de l’entreprise à mesurer les
résultats est limitée.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 13 – Les théories des organisations 287

TYPES DE CONTRÔLE ET CONDITIONS PRÉALABLES (OUCHI 1979)

Connaissance
du processus de
transformation parfaite imparfaite
Capacité
à mesurer les résultats
Contrôle des résultats Contrôle des résultats
élevée
ou des comportements
Contrôle des Contrôle clanique
faible
comportements

B. Le style de direction est déterminant


pour l’efficacité de l’entreprise
• K. Lewin s’est intéressé aux rapports entre le chef et le groupe, à partir
de l’observation de groupes d’enfants. Il distingue ainsi trois styles de
commandement : le démocratique (participation directe aux activités,
suggestions et encouragements du chef), l’autocratique (ordres et dis-
tance du chef) et le permissif (« laisser-faire » par retrait du chef qui
se contente de communiquer ses connaissances) et conclut à la supé-
riorité du style démocratique quant à la performance et la satisfaction
dans le travail. Il met également en évidence l’existence de groupes
informels et l’existence d’une dynamique de groupe, c’est-à-dire d’un
ensemble d’interactions entre les membres d’un groupe qui génère,
dans un groupe à forte cohésion, un gain d’efficacité individuelle et
globale. En effet, le fait d’appartenir à un tel groupe favorise chez ses
membres certains apprentissages et l’acceptation de certaines valeurs
et comportements.
• R. Likert distingue, quant à lui, quatre modes de management :
– autoritaire : centralisation, communication hiérarchique, sanctions ;
– paternaliste : style protecteur ; récompenses et sanctions ;
– consultatif : travail en équipe et communication mais participation
factice ;
– participatif : participation du groupe de travail à la prise de décision,
la définition des objectifs et la résolution des conflits. Forte communi-
cation et forte coopération entre les membres du groupe.
Il conclut à la supériorité de ce dernier modèle, tant en ce qui concerne
les résultats économiques qu’en ce qui concerne la satisfaction des
hommes. Selon lui, une direction participative est plus motivante car
« dans une organisation autocratique, les subordonnés s’agenouillent
devant les supérieurs et combattent entre eux pour la puissance et les
fonctions ».
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
288 Management et économie des entreprises

Ce courant a mis en évidence l’importance du facteur psychologique


dans le fonctionnement des organisations. Ces théories ont cependant
subi de nombreuses critiques portant notamment sur la généralisation
de conclusions d’expériences particulières quand l’influence de fac-
teurs externes au groupe de travail est le plus souvent négligée. Elles
ont néanmoins connu un grand succès auprès des employeurs auxquels
elles proposent une gamme de moyens de motivation non monétaires et
auprès des salariés auxquels elles confèrent un rôle crucial dans la per-
formance de l’entreprise.

III. L’école socio-technique


Cette école est née dans les années 50 avec les travaux de Trist et Emery
notamment dans les charbonnages en Angleterre dans le cadre du Tavis-
tok Institute.
L’intérêt d’une nouvelle organisation du travail industriel apparaît,
lorsque l’on prend conscience que le système technique qui organise le
contenu technique du travail n’est pas dissociable du système des rela-
tions sociales qui se développe dans le travail.
Plusieurs innovations dans l’organisation du travail ont été mises en
œuvre avec en particulier la pratique des groupes semi-autonomes :
Chaque équipe décide de l’organisation de son travail et les primes de
rendement sont allouées aux équipes (puis réparties égalitairement) et non
plus individuellement. Chaque équipe doit donc renforcer sa cohésion
pour atteindre ses objectifs ce qui aboutit à une meilleure productivité.
Dans cette approche, on exclut la prétention d’une meilleure façon d’or-
ganiser le travail (contrairement au one best way de Taylor). Chaque
situation concrète mérite une analyse spécifique qui débouchera sur des
propositions prenant en compte les deux dimensions technique et
sociale en ayant recours à une palette de dispositifs : la rotation des
postes, l’élargissement et/ou l’enrichissement des tâches ainsi que la
mise en place d’équipes semi-autonomes.
Ces auteurs prônent une implication des salariés dans une démarche de
« recherche-action » associant le personnel à la résolution des problèmes
techniques et organisationnels.
Cette démarche s’inscrit dans un courant d’auto-organisation qui est à
rapprocher des pratiques d’« entreprise libérée ».
Des expériences industrielles, essentiellement européennes ont été
menées1, s’appuyant sur une volonté commune au patronat et aux syn-

1.  On se réfère habituellement aux expériences menées chez Volvo en Suède et Renault en
France.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 13 – Les théories des organisations 289

dicats de trouver de nouvelles formes d’organisation du travail à la fois


plus productives et qui améliorent les conditions de travail des ouvriers.
Les expériences menées, par exemple chez Volvo dans les années 80 et
90, ne sont pas toutes un succès, mais l’idée qu’il faut trouver un com-
promis entre les contraintes techniques et les contraintes sociales d’une
entreprise s’impose. Selon les tenants de cette école, le groupe semi-au-
tonome qui est une structure participative, est justement la formule qui
permet souvent de trouver cet équilibre.

IV. L’école néo-classique


Ses auteurs ont en commun de proposer des méthodes de gestion en
suivant une démarche à la fois normative et pragmatique, issue de leur
expérience, afin de tenter de répondre à la question centrale : « comment
administrer efficacement l’entreprise ? ».

A. Les apports d’un auteur précurseur :


M.-P. Follet (1868-1933)
Partisane de l’expérimentation participative, M.-P. Follet est difficile-
ment classable dans une école car elle est très en avance sur son temps.
Néanmoins, son approche est tellement tournée vers l’action et l’expéri-
mentation, qu’il semble judicieux de l’inscrire dans l’école pragmatique
des néo-classiques.
S’appuyant sur un idéal démocratique très affirmé, très progressiste dans
ses idées, elle a longtemps été mise à l’écart par les auteurs du manage-
ment. Elle est aujourd’hui redécouverte après avoir été reconnue par des
auteurs comme P. Drucker et H. Mintzberg.
• Sa démarche :
Elle a prôné l’observation par l’expérimentation, en associant les
acteurs-participants.
Elle a prôné une approche pluridisciplinaire du management et de l’or-
ganisation des activités au sein d’une entité. Elle a été précurseur dans
de très nombreux domaines du management contemporain : approche
systémique de l’organisation, leadership, le rôle des groupes au sein de
l’organisation, la coordination, etc.
• Ses principes :
Elle a également énoncé certains principes fondamentaux :
– Le principe de réponse circulaire (réciproque) ou de globalité de l’ob-
servation des phénomènes qui sont en interaction au sein des proces-
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
290 Management et économie des entreprises

sus de l’organisation ; un résultat observé d’un processus n’est ainsi


qu’un temps observable de l’évolution des interactions qui s’exercent
de façon permanente entre le sujet et l’objet ou entre la cause et l’effet.
– Le principe de conflit constructif (par intégration) consiste à rechercher pour
résoudre un conflit une solution qui englobe les deux points de vue origi-
nellement inconciliables des deux parties, en suivant une démarche créative ;
cela permet aux parties d’éviter de résoudre le conflit par la contrainte
exercée par le dominant sur le dominé ou par le compromis souvent
instable qui résulte d’une négociation et de concessions réciproques.
Le conflit apparaît donc comme un moyen d’évoluer et de progresser.
• Sa conception du management, du pouvoir et de la direction de l’en-
treprise :
– Le manager de l’entreprise est principalement conçu comme un ani-
mateur qui aide et qui relie ses collaborateurs (conception assez
proche de celle développée depuis par H. Minzberg).
– Le « pouvoir avec » doit, selon M.-P. Follet, être développé au détri-
ment du « pouvoir contre ». « Le pouvoir authentique n’est pas un
contrôle coercitif, mais un pouvoir partagé » (M.-P. Follet, Creative
experience). Ce « pouvoir avec » existe lorsque l’organisation permet
que s’exerce une influence interactive entre ses membres, considérés
comme des co-managers.
– La direction est une fonction complexe car « La sensibilité pour repé-
rer des chemins possibles, le courage de les emprunter, le jugement
pour en mesurer les résultats voilà les trois caractéristiques du diri-
geant » affirme-t-elle.
La direction de l’entreprise est un métier que l’on doit apprendre. C’est
aussi une fonction qui est répartie au sein de l’organisation.
Le dirigeant d’entreprise est un professionnel du management qui a
appris à diriger en exerçant certaines capacités :
– Il est capable de prendre du recul et d’avoir une vision synthétique des
situations ;
– Il a une aptitude à déceler les tendances d’évolution et à anticiper. Il
est capable de « créer la prochaine situation » (à rapprocher de la
proactivité préconisée par plusieurs auteurs contemporains) ;
– Il sait être un « pionnier qui défriche de nouvelles voies » à suivre pour son
entreprise (à rapprocher de l’entrepreneur innovateur de J. Schumpeter) ;
– Il sait mobiliser les énergies des membres de son entreprise pour en
faire un ensemble intégré (à rapprocher du rôle interpersonnel de
manager de H. Mintzberg) ;
– Il aide ses collaborateurs à devenir des co-managers qui vont dévelop-
per leur propre pouvoir en prenant des responsabilités et des déci-
sions (à rapprocher de la décentralisation préconisée par A.P. Sloan
puis P. Drucker).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 13 – Les théories des organisations 291

B. La décentralisation coordonnée
d’Alfred Pritchard Sloan (1875-1966)
A. Sloan ancien dirigeant de General Motors (où il est resté 30 ans), pré-
conise la pratique de la décentralisation coordonnée, en s’appuyant sur
4 principes :
– Les divisions doivent être autonomes et jugées selon leur rentabilité.
– Les fonctions non opérationnelles doivent rester centralisées ce qui
permet de partager leur charge entre les diverses activités (achats, tré-
sorerie, comptabilité, design, publicité, etc.).
– La direction générale doit se consacrer à la politique générale (straté-
gie) et non à la gestion d’exploitation.
– L’organigramme doit prévoir dans chaque division une représentation
des autres divisions (coordination permanente représentée en pointil-
lés sur le schéma ci-après).
On considère que la mise en place de cette organisation marque la nais-
sance du contrôle de gestion, dans la mesure où la coordination de cette
structure décentralisée impose la fixation d’objectifs et le contrôle de
leur réalisation.
A.P. Sloan développa chez GM une standardisation des méthodes de
gestion et de prévision de la demande, d’établissement des budgets et de
calcul des coûts de revient et de rentabilité des investissements. Ainsi,
les divisions et la DG parlent un langage commun.

LE MODÈLE M. (MULTIDIVISIONNEL) DE A.P. SLOAN


(v. aussi le modèle staff and line, p. 270)

Direction générale (Stratégie)

(Fonctions non
Trésorerie Publicité Design Comptabilité Achats opérationnelles
centralisées)

(Divisions
Produit 1 Produit 2 Produit 3 Produit 4 opérationnelles
autonomes)

C. Le management, fonction essentielle


selon Peter Ferdinand Drucker (1909-2005)
Selon P. Drucker, les tâches principales du management sont :
– fixer la mission de l’entreprise (dont découlent ensuite tous ses objec-
tifs), car on ne peut être efficace si on ne connaît pas le but à atteindre ;
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
292 Management et économie des entreprises

– mettre en place un travail productif et apportant une satisfaction pour


chaque membre de l’entreprise ;
– assumer les responsabilités sociales de l’entreprise vis-à-vis de la
communauté dans laquelle elle évolue.
La principale préoccupation de l’entreprise doit être de créer sa clien-
tèle, en s’appuyant pour cela sur le marketing et l’innovation. Le profit
est le résultat de l’efficacité de l’entreprise dans le marketing, l’innova-
tion et la productivité. L’objectif de l’entreprise n’est pas tant, selon lui,
de maximiser le profit que d’obtenir un profit suffisant pour couvrir les
risques de l’activité économique.

D. La gestion par les objectifs


P. Drucker considère que le manager doit fixer les objectifs de l’entre-
prise. Ceux-ci lui permettent de répartir le travail, déterminant ainsi la
structure de l’entreprise.
Le manager peut s’appuyer sur la pratique de la direction par les objec-
tifs (DPO) qui consiste à fixer des objectifs pour chaque responsable
d’unité en lui laissant une liberté de gestion des moyens qui lui sont
alloués. Un contrôle des résultats permet en fin d’exercice de récompen-
ser ou de sanctionner le responsable (rémunération, promotion, licencie-
ment).
O. Gélinier propose en 1968 de mettre en place une Direction participa-
tive par les objectifs (DPPO) basée sur la communication et les groupes
de travail.

V. Le mouvement des systèmes


sociaux (ou école béhavioriste)
A. La rationalité limitée de H. Simon1
H. Simon propose une théorie radicalement nouvelle des comporte-
ments économiques.
À la thèse de la rationalité parfaite des économistes marginalistes
(modèle IMC), il oppose une théorie descriptive de la prise de décision.
Il conclut que les décisions sont prises en fonction d’une rationalité
limitée pour trois raisons essentielles : l’incertitude et le caractère impar-
fait de l’information ; les limites des possibilités de calcul des décideurs

1.  H. Simon, Administrative behavior, New York Macmillan, 1943.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 13 – Les théories des organisations 293

empêchant de recenser toutes les solutions praticables ; les difficultés


particulières aux situations d’interdépendance économique des entre-
prises en situation d’oligopole.
H. Simon oppose ainsi à la rationalité absolue, la rationalité « procédu-
rale » (ou limitée) qui consiste en une succession de décisions itératives
(par approximations successives), permettant d’obtenir une solution
acceptable.

B. L’entreprise est pour Cyert et March


une organisation complexe où les décisions
sont le fruit de négociations et l’objet
d’un apprentissage collectif
Le fonctionnement de l’entreprise résulte des stratégies individuelles
des acteurs et des coalitions d’acteurs qui la composent. Divers groupes
d’employés (les « commerciaux », les « financiers », les « industriels »,
etc.) ont leurs propres objectifs à atteindre (intérêts spécifiques, renfor-
cement de leur pouvoir, etc.).
L’entreprise devient alors une coalition interactive de groupes d’indivi-
dus dont les objectifs sont conflictuels.
Dans ces conditions, le processus de décision ne peut que résulter d’une
série de compromis et négociations. Celui-ci introduit ainsi un « biais
managérial » qui entraîne une certaine perte d’efficience de l’entreprise.
L’objectif de l’entreprise est de ce fait moins la maximisation du profit
que l’expression d’un compromis entre les objectifs des individus et des
groupes qui la constituent.
Le maintien de la cohésion des groupes qui constituent l’entreprise exi-
gera souvent l’existence d’un « budget discrétionnaire » utilisé pour
faire accepter (contre des dédommagements et des récompenses), les
objectifs globaux choisis pour l’entreprise.
La théorie comportementale (« béhavioriste ») de la firme repose finale-
ment sur 4 concepts fondamentaux :
– La recherche de la résolution des conflits entre les objectifs divergents
de coalitions d’intérêts au sein de l’entreprise.
– La recherche permanente de l’élimination de l’incertitude qui caracté-
rise la vie de toute entreprise.
– La recherche d’une problématique réaliste pour interpréter les difficul-
tés de l’entreprise.
– La pratique d’un apprentissage collectif qui permet à l’entreprise
d’adapter ses procédures de travail et de décision (« routines »).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
294 Management et économie des entreprises

C. Le « modèle de la poubelle »
de M.D. Cohen, J.G. March et J.P. Olsen
C’est en étudiant l’organisation et le fonctionnement des universités
américaines que M.D. Cohen, J.-G. March et J.P. Olsen ont proposé dans
les années 1970, le « modèle décisionnel de la poubelle » (ou du fourre-
tout). Dans le fourre-tout se trouve un ensemble de solutions prédéfinies
(« toutes-faites ») liées aux théories managériales du moment et qui sont
« en attente de problème à résoudre ». Lorsqu’un problème se pose, par
facilité on puise dans le fourre-tout une solution qui pourrait convenir.
Ce « modèle » provocateur nous éloigne radicalement du schéma de la
rationalité parfaite de la prise de décision. Il montre également que l’on
peut dans certaines organisations aboutir à ce que problèmes et solu-
tions appartiennent à deux flux indépendants l’un de l’autre et que ce
soit le décideur qui relie ponctuellement les deux en piochant un pro-
blème pour lui appliquer une solution (ou inversement). Il invite à se
méfier des solutions toutes faites.
À NOTER
Cette analyse se situait dans ce que ces auteurs ont qualifié d’« anarchie organisée »
et qui correspondait à la Carnegie School de l’époque, caractérisée par une absence
d’objectifs cohérents et partagés, par un manque d’intérêt pour la prise des décisions
nécessaires à l’organisation et par un manque de contrôle des activités.

D. Michel Crozier, et la sociologie


des organisations
Dans le courant des années 60 et 70, M. Crozier et E. Friedberg1 consi-
dèrent l’organisation comme un phénomène autonome et s’appuient sur
une conception de l’individu acteur, capable de décision.
Selon l’analyse, dite « stratégique » de M. Crozier (1922-2013), on doit
comprendre le fonctionnement d’une organisation comme le résultat des
stratégies individuelles de ses membres.
En effet :
– les individus sont des acteurs de leur organisation, ayant chacun leur
propre but ;
– ils disposent d’une certaine marge d’autonomie afin d’interpréter et de
transformer leur rôle au sein de l’organisation ;
– leur rationalité est limitée au sens de H.A. Simon.
De sorte que vont se développer des interactions entre les différents
acteurs au sein de l’entreprise.

1.  M. Crozier et E. Friedberg, L’acteur et le système, 1977.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 13 – Les théories des organisations 295

Comme des zones d’incertitude caractérisent toute organisation, elles


offrent divers moyens d’autonomie et de pression de la part des indivi-
dus. Ainsi le pouvoir qui s’exerce au sein de l’entreprise a quatre
sources, correspondant chacune à la maîtrise d’une compétence spéci-
fique : possession d’une compétence fonctionnelle irremplaçable ; rela-
tions privilégiées avec certains acteurs de l’environnement ; maîtrise de
certaines informations ; connaissance et maîtrise des règles du jeu orga-
nisationnel. Il faut donc partir des individus et de leur comportement
pour comprendre le fonctionnement d’une organisation.

VI. L’analyse systémique


La notion de système a été définie par Ludwig von Bertalanffy comme
un ensemble « d’éléments en interaction » et a été vulgarisée en France
par Joël de Rosnay dans les années 70.

A. La notion de système
Un système est un ensemble d’éléments en interaction qui est organisé
en fonction d’un but.
Un système ouvert est en relation permanente avec son environnement
dans lequel il puise les ressources dont il a besoin (énergie, matières,
informations, etc.) et auquel il destine les résultats de son activité (pro-
duits, déchets, informations) ainsi que l’entropie qu’il a créé.
La démarche systémique repose sur une vision globale des phénomènes
complexes dont elle refuse donc a priori la décomposition, par opposi-
tion à la démarche analytique traditionnelle qui considère que « le tout
est la somme des parties ». La théorie des systèmes est holistique car elle
se refuse à réduire le comportement d’un système à la simple analyse
des parties qui le composent. La totalité est plus (ou moins) que la
somme des parties (principe de globalité). Les boucles de rétroaction
(positives et négatives) permettent la régulation du système (principe de
circularité). Le système réagit aux perturbations de son environnement
afin de préserver son équilibre. Il est auto-régulé (principe d’homéosta-
sie) ce qui lui procure une certaine durabilité.
L’approche analytique ramène le système à ses éléments constitutifs les
plus simples, en réalise une étude détaillée pour expliquer les interac-
tions existant entre eux. Elle étudie le système en isolant, en modifiant
uniquement une variable à la fois et à partir de là en déduit des lois
générales.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
296 Management et économie des entreprises

L’approche systémique considère le système dans sa totalité organisée,


dans sa complexité et sa dynamique. Au lieu d’isoler, elle réunit et
simule le fonctionnement d’un modèle pour observer les effets des dif-
férents types d’interaction entre les éléments. Elle attache donc peu
d’importance aux détails pour s’intéresser à la connaissance et à la défi-
nition des buts. Pour comprendre un système, il faut s’intéresser aux
interactions entre ses éléments plus qu’à ces éléments eux-mêmes. Il ne
faut pas chercher à comprendre le système par des évènements passés
mais par son fonctionnement actuel (le « comment »). C’est le principe
d’équifinalité.

B. Le fonctionnement du système
Un système possède une limite qui le sépare de l’extérieur. Il est com-
posé d’éléments qui sont reliés entre eux pour permettre les échanges
d’énergie, de matière ou d’information et des réservoirs où ces dernières
sont stockées.
L’organisation temporelle fait apparaître les notions de flux, de vannes
et de délais.
Les flux d’énergie, de matière ou d’information s’écoulent entre les
réservoirs dans les réseaux de communication, les vannes contrôlent les
débits des divers flux et les délais tiennent aux différentes vitesses de
circulation et aux durées de stockage. Enfin, les boucles de rétroaction
(ou boucles de retour d’information) combinent les effets des flux, des
vannes et des délais.
Le fonctionnement de tout système est dépendant de deux variables :
– les variables de flux (action sur les vannes) qui permettent de réguler
le débit ;
– les variables d’état ou de niveaux (analyse des réservoirs) qui
mesurent l’accumulation réalisée.

Exemple Exemple de l’activité Exemple du Exemple des ventes


du stock de l’atelier stock de produit régulées par le
de matière régulée par semi fini B marketing et l’action
première A les commandes en sortie d’atelier commerciale

Variable Variable de flux Variable Variable de flux


d'état A (régulée par une vanne) d’état B (régulée par une vanne)
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 13 – Les théories des organisations 297

C. L’entreprise interprétée comme un système


L’entreprise serait un système ouvert en interaction avec son environne-
ment.
Son organisation est comprise comme un ensemble de sous-systèmes en
interaction, intégrés dans un seul système plus vaste. Elle accorde une
place prépondérante à la prise de décision, définie comme une syn-
thèse progressive, en considérant l’entreprise dans sa totalité.
SCHÉMA D’UN SYSTÈME

Buts du système,
traduits en objectifs
(O)

Processus ou structure

Sorties
S6
Entrées S2 ou Objectifs
S1 résultats atteints
S5 (R) ?

S4 S3

Si les résultats
ne sont pas conformes
aux objectifs
Ajustements

Boucle de rétroaction

a. Les variables et la structure


– En entrées, on peut retenir non seulement les facteurs traditionnels de
production mais encore tout ce qui est nécessaire au fonctionnement
du système. On trouvera ainsi les matières premières (ressources natu-
relles), la capacité de travail et le savoir-faire (facteur travail), les
moyens techniques et financiers (le facteur capital), les informations
techniques, administratives et socioculturelles (l’environnement).
– Le processus de transformation dépend de certaines règles et procé-
dures comme les lois physico-chimiques de fabrication, le droit du
travail ou la réglementation fiscale, l’enregistrement des informations
comptables. La transformation est réalisée à l’intérieur du système
entreprise par un découpage de celui-ci en sous-systèmes (concrétisés
par des divisions, départements et services) ayant chacun leur finalité
propre au sein d’une finalité globale. Cette structuration peut être de
la forme approvisionnement-production-distribution ou de la forme
pilotage-exécution ou encore recherche et développement-fabrica-
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
298 Management et économie des entreprises

tion-contrôle (v. chapitre sur l’organisation). Ces découpages et cette


organisation des éléments déterminent les interactions constituant le
processus du système.
– En sorties, on obtient les divers résultats qui permettent de vérifier si
les objectifs fixés ont été atteints ou non, tels que le chiffre d’affaires,
le taux de rentabilité des capitaux investis, le niveau d’emploi ou le
service rendu à la clientèle.

b. Le pilotage du système entreprise repose sur


la fixation d’objectifs et le contrôle des réalisations
La fixation des objectifs se fait à deux niveaux. On définit tout d’abord
des objectifs de politique générale et de stratégie à long terme (5 ans et
plus). De ceux-ci on déduit les objectifs à plus court terme (de 1 mois à
1 an).
EXEMPLE D’OBJECTIFS À LONG TERME
L’étude de nouveaux produits ou la conquête de nouveaux marchés.

EXEMPLE D’OBJECTIFS À COURT TERME


Une gestion de la production mieux maîtrisée ou une augmentation des ventes.

Le contrôle des réalisations s’effectue par une comparaison entre les


objectifs et les résultats obtenus. Cette comparaison fournit des écarts
qui sont analysés pour définir les responsabilités et décider des mesures
correctives (qui viendront modifier le processus du système ou du
sous-système).
Les boucles de rétroaction permettent au système d’évoluer dans la sta-
bilité vers un but défini au préalable et ceci au sein d’un environnement
hostile (concurrence, menaces, incertitude).

D. Les apports de l’approche systémique


à l’entreprise
Interpréter l’entreprise comme un système permet sa modélisation puis la
simulation de son fonctionnement, après programmation informatique.
La construction d’un modèle suit différentes phases. Tout d’abord, on
découpe chaque système en sous-système dont on détermine l’aspect
structural complexe (limite, éléments, liaisons hiérarchiques, interac-
tions et réservoirs) et l’aspect fonctionnel (flux, vannes, délais et boucles
de rétroaction). Puis chaque boucle de rétroaction est étudiée séparé-
ment et en fonction de son influence sur les autres. Enfin, quand tous
ces aspects ont été analysés, on s’attache à observer les diverses interac-
tions existant entre les sous-systèmes du modèle.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 13 – Les théories des organisations 299

Une fois le modèle établi, on peut simuler son fonctionnement, c’est-à-


dire faire varier simultanément plusieurs variables grâce à l’informa-
tique. À partir de l’observation du comportement du système, on dégage
des tendances concernant son évolution probable. Les informations
ainsi obtenues permettent d’effectuer des choix sur des futurs possibles.
L’approche systémique permet donc d’appréhender un système par
l’étude du fonctionnement de son modèle. Grâce à la simulation, elle
facilite l’émergence des idées nouvelles et la mise en évidence des
notions de délai et de décalage temporel.
La simulation de divers sous-ensembles de l’entreprise permet égale-
ment diverses applications fonctionnelles, comme en recherche et déve-
loppement, études et méthodes (simulation du fonctionnement des pro-
duits, des machines et ateliers), ou en formation (apprentissage du
pilotage des TGV ou des Airbus).

VII. L’analyse managériale


de l’entreprise
L’organisation est fortement dépendante de la façon dont le pouvoir est
exercé. Dans le cas où le propriétaire détient le pouvoir, c’est la concep-
tion traditionnelle de l’entreprise qui s’applique.
L’entrepreneur est celui qui engage des fonds et son pouvoir tient à la pro-
priété du capital qu’il risque (c’est la justification du profit selon Turgot).
Selon J. Schumpeter, l’entrepreneur est celui qui prend le risque d’inves-
tir en innovant.
Mais, de plus en plus, le propriétaire perd le pouvoir au profit de la
fonction managériale, les travaux de A.A. Berle et G.R. Means démontrent
qu’en 1932 plus de 45 % des entreprises de leur étude ont des dirigeants
salariés, relativement indépendants d’un actionnariat dispersé.
J.K. Galbraith définit le concept de technostructure qui correspond au
développement du pouvoir collectif des cadres, au détriment des inté-
rêts des propriétaires et de la société tout entière (mauvaise allocation
des ressources). L’existence d’un pouvoir managérial permet de distin-
guer la fonction de propriété (prise de risque) de celle de direction (ges-
tion et contrôle).
Néanmoins H. Manne remarquait dès 1965 que la plupart des sociétés de
type managérial sont cotées en bourse et leurs dirigeants sont en perma-
nence sous le contrôle des actionnaires par le biais des mécanismes
boursiers et la menace de baisse des cours.
De plus, à partir des années 1990, on a assisté à un regain important du
pouvoir des actionnaires avec le développement des fonds de pension
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
300 Management et économie des entreprises

nord-américains. La technostructure a donc de plus en plus fréquem-


ment été soumise aux nouveaux principes du gouvernement d’entre-
prise (corporate governance) en vue de garantir une création de valeur
suffisante pour les actionnaires.
L’importance du management est également prise en compte de façon
résolument humoristique par deux auteurs qui mettent en garde contre
certains dysfonctionnements apparaissant lors du développement des
organisations :
– C. N. Parkinson affirme que, dans toute organisation, « tout travail
tend à se dilater pour remplir tout le temps disponible » et, pour faire
face à une tâche, « tout responsable souhaite multiplier ses subordon-
nés, non ses rivaux » afin de conforter sa position au sein de l’entre-
prise. De plus, « les responsables se donnent mutuellement du tra-
vail » par le jeu des notes et rapports qu’ils se transmettent. Par
ailleurs, selon lui, tout organisme dont l’effectif atteint ou dépasse un
certain effectif (qu’il évalue à mille personnes) n’a pas besoin d’autre
travail que de gérer ses effectifs pour être occupé à temps plein.
C.N. Parkinson a également proposé une loi de futilité (dite aussi
« d’insignifiance ») selon laquelle le temps passé sur une question est
inversement proportionnelle à son importance. En effet, lors d’une
réunion, les participants ont tendance à passer plus de temps sur des
questions futiles (plus faciles à comprendre et sur lesquelles chacun à
son mot à dire) que sur les questions cruciales (complexes et nécessi-
tant un travail préalable important de compréhension et d’analyse).
– L.  Peter, quant à lui, affirme que « dans une hiérarchie, chaque
employé tend à s’élever jusqu’à son niveau d’incompétence ». Ce qui
conduit, si l’organisation ne réagit pas, à ce qu’avec le temps, chaque
poste finisse par être occupé par un incompétent. L’observation de
L. Peter repose sur le fait que chacun, au cours de sa vie profession-
nelle, est promu, en fonction de son efficacité, pour s’élever de poste
en poste le long de la ligne hiérarchique jusqu’à s’avérer incompétent
sur son nouveau poste et y rester bloqué1.
– Ces apports sont connus sous les appellations de lois de Parkinson et
principe de Peter.

VIII. L’entreprise contingente


Alors que la théorie classique considérait qu’il existe un one best way, et
que toutes les entreprises devaient adopter la même structure organisa-
tionnelle, dans les années 60, une approche dite contingente (ou relati-

1.  Une gestion par les objectifs permet de résoudre ce genre de problème.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 13 – Les théories des organisations 301

viste) est développée par divers auteurs, Burns et Stalker, Woodward,


Lawrence et Lorsch, Thompson.
Ils considèrent qu’il existe une contingence structurelle. C’est-à-dire
que la structure des entreprises dépend d’un certain nombre de fac-
teurs déterminants, notamment : la technologie, la taille, la stratégie ou
l’environnement.
L’entreprise apparaît comme une réponse aux contraintes de l’environ-
nement. Selon A. Chandler, la structure de l’entreprise évolue pour
suivre sa stratégie.
Pour J. Woodward la structure de l’entreprise est fonction de la techno-
logie utilisée et de son degré de complexité.
Selon Burns et Stalker, deux types d’organisation émergent de cette
contingence structurelle :
– Le modèle mécaniste, qui est adapté à un environnement stable, est
tourné vers la répétition, fondé sur les principes de Fayol et Taylor.
– Le modèle organique, qui est adapté à un environnement changeant,
est tourné vers l’innovation, basé sur la communication, l’ajustement
mutuel et la décentralisation.
Pfeffer et Salancik montrent la dépendance de l’entreprise vis-à-vis de
son environnement pour disposer des ressources nécessaires. L’organi-
sation est finalement le résultat de la coalition de concours et de com-
portements dont l’entreprise a besoin et qu’elle doit négocier. La res-
source monétaire joue un rôle particulièrement important en raison de
son caractère universel. Une interdépendance et des rapports de force
s’établissent entre l’entreprise et les fournisseurs des ressources qui lui
sont nécessaires. L’entreprise s’appuie, pour négocier, sur la perception
qu’elle a de son environnement et elle suit une stratégie capable de lui
garantir l’accès aux ressources dont elle a besoin. Elle pourra, dans ce
but, élargir ses propres frontières (diversification ou croissance externe)
et développer des alliances (coopérations et joint-ventures par ex.). Elle
peut également chercher à modifier les rapports de force en exerçant une
action de lobbying.
H. Mintzberg a présenté, à travers une synthèse de ce courant, l’organi-
sation à partir de cinq éléments de base (sommet stratégique, centre
opérationnel, ligne hiérarchique, technostructure et fonctions de sup-
port logistique) intégrés à l’intérieur du système entreprise. Entre ceux-ci
s’écoulent des flux de matières, d’informations, d’autorité qui concourent
à la prise de décision. H. Mintzberg propose ainsi cinq configurations de
base adaptées chacune à un type d’environnement (v. les schémas dans
le chapitre 12).
Il n’existe donc pas de structure idéale. L’efficacité en matière d’organi-
sation est la résultante d’une cohérence entre des paramètres de
conception (spécialisation du travail, formation, formalisation, système
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
302 Management et économie des entreprises

de planification et de contrôle, décentralisation, etc.) influencés par des


facteurs de contingence (âge, taille, système technique, stratégie, envi-
ronnement).

IX. Les analyses contractuelles


de l’entreprise
L’idée d’une négociation permanente entre l’entreprise et l’extérieur et
au sein de l’entreprise s’est petit à petit installée au cours des années
1970. L’analyse se centre sur la relation d’échange au cœur de l’organi-
sation et entre elle et son environnement externe.
La théorie des contrats elle-même, analyse les situations dans lesquelles
deux partenaires souhaitent tirer avantage d’un échange contractuel.
Cet avantage dépend pour chacun d’eux de l’accès à certaines informa-
tions et du comportement de l’autre partie. C’est ainsi que G. Akerlof
explique la décote de prix importante des voitures au bout d’un an sur
le marché de l’occasion, par l’asymétrie d’information à l’avantage des
vendeurs.
Les participants à l’échange contractuel ont, de façon générale, besoin de
garanties et d’informations pour consentir à contracter. On peut appli-
quer cette analyse à l’entreprise elle-même de plusieurs façons.

A. La théorie des coûts de transaction


Selon R.H. Coase (prix Nobel d’économie 1972), l’entreprise est un
mode alternatif d’allocation des ressources qui s’impose parce que plus
efficace que le marché dans certains cas et que le contrôle des activités
y est plus grand.
En effet, au sein de l’entreprise, il n’est pas nécessaire de préciser le prix
lors de chaque échange, le contrôle des activités est plus grand (moindre
incertitude, maîtrise des délais, etc.), le coût de cette coordination
interne est donc souvent moins élevé. C’est ce qui explique l’internali-
sation des activités que l’entreprise a choisie.
Selon O.E. Williamson, il faut nécessairement prendre en compte les
coûts de transaction : liés à toute négociation entre deux agents écono-
miques du fait des démarches d’élaboration de la transaction (recherche
du partenaire, établissement du contrat…), de suivi et de contrôle de son
exécution. Une entreprise internalise une transaction si cela lui pro-
cure une économie supérieure au surcoût bureaucratique (ou coût de
coordination interne) qui en découle.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 13 – Les théories des organisations 303

En définitive, on doit comparer Cp + Cci et Ca + Ct, où Cp (coût de pro-


duction) est similaire à Ca (coût d’achat), car la technologie est supposée
maîtrisée de façon équivalente par les entreprises du secteur. La compa-
raison se limite donc à Cci (coût de coordination interne) et Ct (coût de
transaction sur le marché). On voit que l’on raisonne donc indépendam-
ment des questions de technologie et de stratégie industrielle, pour se
focaliser à court terme sur la question des transactions.
O.E. Williamson propose, à partir de cette analyse, une grille de lecture
qui explique certains choix d’entreprises.
LE CONTRÔLE DES TRANSACTIONS

Caractéristique
de l’actif
non très spécifique
transféré moyennement spécifique
spécifique (idiosyncratique)
Fréquence
de l’échange
Structure Structures d’échange reposant sur des contrats avec
faible
de marché mécanismes d’adaptation et recours à l’arbitrage
(contrats
Structures bilatérales (contrats Structure unifiée
de vente
de coopération et sous- (Internalisation
forte classiques)
traitance/ Contrats de la production)
personnalisés)

En particulier, on voit ici que les structures bilatérales de partenariat


d’entreprise sont expliquées par une forte fréquence des échanges
concernant des biens moyennement spécifiques. Par contre, lorsque les
biens sont très spécifiques, les coûts de transaction sont tels que l’entre-
prise a intérêt à produire elle-même en internalisant la production. Pour
les biens standardisés (non spécifiques), l’achat sur le marché s’impose
car le coût de transaction est faible.

B. La théorie de l’agence (ou des incitations)


D’autres auteurs définissent l’entreprise comme un « nœud de
contrats » : employeur-salariés, client-fournisseurs… Les organisations
sont des « fictions légales qui servent de “support” pour un ensemble de
relations contractuelles entre les individus. » Jensen et Meckling (1976).
On observe une relation d’agence lorsqu’un « principal » cherche, alors
qu’il subit une situation d’asymétrie d’information, à obtenir d’un
« agent » qu’il maximise sa satisfaction. Ce problème se résout grâce à
une contractualisation qui va encadrer la relation d’agence.
L’entreprise est alors définie au travers de cette relation d’agence qui est
« un contrat par lequel une ou plusieurs personnes (le principal) confie(nt)
à une autre personne (l’agent) la réalisation d’une tâche en leur nom ».
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
304 Management et économie des entreprises

Des coûts d’agence en résultent. Ce sont des coûts de surveillance et de


dédouanement (contrôle, information et assurance) visant à rassurer le
principal. Il s’agit aussi du manque à gagner résultant de l’écart entre le
résultat de l’activité de l’agent et celui qu’aurait obtenu le principal lui-
même.
La théorie de l’agence place l’information et son partage entre contrac-
tants au centre de son analyse de l’entreprise. Elle aboutit également à
une recherche de structures relationnelles actionnaires-dirigeants qui
soient optimales pour l’organisation. Elle s’applique aussi à la relation
employeur-salariés pour montrer que l’employeur peut utiliser certains
procédés pour réduire les difficultés de contrôle du comportement des
salariés, en les incitant, par exemple, à accroître leur productivité par un
système de rémunération lié aux performances.

X. Le modèle J de M. Aoki
Masahiko Aoki a entrepris dans la fin des années 1980, l’élaboration
d’un modèle décrivant le fonctionnement des entreprises industrielles
japonaises afin d’expliquer leur supériorité en matière de productivité et
leur efficience.

A. Un système de coordination
et de stimulation spécifique
– La coordination des activités est horizontale. Elle se réalise par la
concertation et la négociation entre égaux sur la base de plans de
charge indicatifs et adaptables. Elle est facilitée par la proximité géo-
graphique des différents services qui sont concentrés dans l’usine
ainsi que par la rotation obligatoire du personnel. Cette dernière favo-
rise à la fois le partage des qualifications, la communication et la coor-
dination non hiérarchique des activités. Elle s’exerce dans le cadre
d’une décentralisation des responsabilités qui donne à l’entreprise une
bonne réactivité (tant que l’évolution de l’environnement reste modé-
rée).
– La stimulation des individus se fait à travers la hiérarchie des grades
qui est gérée par un service du personnel présent en permanence au
milieu des ateliers afin d’organiser la rotation des postes de travail et
d’exercer un contrôle continu de l’efficacité de chacun qui peut débou-
cher sur une promotion. Chaque salarié est moralement tenu de pro-
gresser au cours de sa carrière (un licenciement serait possible sinon),
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 13 – Les théories des organisations 305

en contrepartie d’une stabilité de son emploi. Un tel dispositif est


censé permettre à l’entreprise d’éviter la flânerie ainsi qu’une sélection
adverse en cas de recrutement.

B. Un double contrôle du management


– Ce contrôle est exercé de l’extérieur de l’entreprise, par les banques.
En effet une grande banque japonaise détenait traditionnellement une
participation majoritaire dans les grandes entreprises industrielles, et
accompagnait financièrement les investissements de développement
nécessaires. Chaque banque se tient néanmoins à l’écart de la gestion
de l’entreprise tant que celle-ci fonctionne efficacement. Par contre, en
cas de difficulté un sauvetage financier n’est accordé qu’en contrepar-
tie d’une reprise en main directe du management de l’entreprise par la
banque.
– Ce contrôle est exercé à l’intérieur de l’entreprise par les salariés.
Ceux-ci constituent en effet un actif spécifique de l’entreprise et jouent
un rôle indispensable à une bonne coordination horizontale. Ils sont
un grand intérêt à l’efficacité économique de l’entreprise à travers le
système de rémunération dans la mesure où une part importante du
salaire est constituée d’une part du résultat financier. Les salariés
pourraient, s’ils estimaient qu’ils n’étaient pas traités loyalement (en
termes de rémunération de stabilité d’emploi et de promotions), cesser
leur coopération et la coordination horizontale.
Ce double contrôle impose à l’entreprise industrielle une forte crois-
sance et l’incite également à faire supporter les fluctuations conjonctu-
relles aux sous-traitants.
Ce modèle de management des entreprises industrielles a assez vite
appartenu au passé puisqu’il a été fortement ébranlé par la crise écono-
mique du début des années 1990 qui a frappé la plupart des entreprises
japonaises en fermant le crédit bancaire facile et en obligeant les diri-
geants à restructurer les activités et à infléchir leur mode de gestion.
Néanmoins le mode de coordination du travail et des services a inspiré
de nombreuses entreprises industrielles, dans le secteur automobile et
au-delà.

XI. La thèse évolutionniste


Pour Nelson et Winter (1982), les entreprises ne changent que dans des
circonstances exceptionnelles et l’évolution de la structure des firmes
reflète cette adaptation.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
306 Management et économie des entreprises

A. L’apprentissage collectif
(ou organisationnel)
Une firme ne peut se développer que si elle dispose de « routines »
(répertoires de réponses), qui résultent d’un apprentissage, et qui sont
nécessaires à une adaptation aux changements de l’environnement.
Chaque firme se distingue des autres par les apprentissages qu’elle a su
mettre en œuvre. Cet apprentissage collectif est « un processus par
lequel la répétition et l’expérimentation font que, au cours du temps,
des tâches sont effectuées plus vite, et que de nouvelles opportunités
dans les modes opératoires sont sans cesse expérimentées ».

B. La théorie de la firme
Selon ces auteurs, une théorie de la firme doit expliquer la cohérence de
l’entreprise alors que chacune a un portefeuille de produits différent.
Il convient donc de dégager les critères permettant en même temps de :
– distinguer une entreprise d’une autre ;
– d’expliquer pourquoi chaque entreprise dispose d’un portefeuille d’ac-
tivités non aléatoires et selon une cohérence propre ;
– de comprendre comment les entreprises évoluent c’est-à-dire changent
de portefeuille ou d’activité principale.
La thèse évolutionniste est que chaque firme se distingue des autres par
les apprentissages qu’elle a su mettre en œuvre (qualités et routines
incluses dans leur patrimoine irréductible). Ces routines sont « tacites »
et donc non transférables. Elles sont un actif spécifique à chaque entre-
prise et permettent de les différencier les une des autres et d’expliquer
les différences de performances entre elles. Ce sont donc des « savoir-
faire » et des compétences organisationnelles qui permettent de distin-
guer fondamentalement une entreprise d’une autre. C’est cette compé-
tence foncière qui fait que l’entreprise ne peut être reconstituée par la
simple addition des actifs qui la composent.

C. L’évolution de l’entreprise
De plus, l’évolution de l’entreprise se déroule suivant un sentier déter-
miné par la nature des compétences qu’elle a accumulées.
C’est par le biais de ses actifs considérés comme secondaires (complé-
mentaires de son activité principale) que l’entreprise peut changer de
trajectoire (ex. : INTEL qui est passée des mémoires aux microproces-
seurs). Lorsque d’importants débouchés apparaissent aux limites de ses
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 13 – Les théories des organisations 307

compétences de base, l’entreprise peut ainsi être conduite à développer


certaines de ses compétences secondaires, dans certains cas de façon si
importante que ces compétences au départ secondaires deviennent prin-
cipales. Les changements de trajectoire d’une entreprise sont donc
essentiellement déterminés par des opportunités technologiques qui
surviennent dans son environnement immédiat.

XII. La théorie des conventions


Il s’agit d’une approche dite « hétérodoxe » qui a été développée au
cours des années 1990, à la fois sociologique et économique, de la ques-
tion de la prise de décision dans les organisations, dans un contexte
d’incertitude. Ses auteurs sont français, gestionnaires ou sociologues
(P.-Y. Gomez, L. Thévenot, H. Isaac).

A. La notion de convention
Une convention peut être définie ici1 comme un ensemble de repères
qui va permettre aux membres de l’entreprise de choisir un comporte-
ment en situation d’incertitude. Ces repères sont généralement impli-
cites et ils tirent leur existence d’être adoptés et partagés par un nombre
important d’individus (« comportement moutonnier »). On peut donc
rapprocher ce concept de la notion de coutume de Max Weber.
La convention est un « cadre interprétatif » qui permet de décider, de
coordonner et d’organiser et qui apparaît comme une règle spontanée et
effective, perçue comme allant de soi au sein de l’organisation, dont la
force repose sur son adoption par un grand nombre de personnes.

B. Les conditions d’existence


d’une convention
Selon D.K. Lewis, cinq conditions doivent être remplies pour que l’on
puisse conclure à l’existence d’une convention :
1. chacun se conforme à la convention ;
2. chacun suppose que les autres le font également ;

1.  À ne pas confondre avec la notion juridique de convention qui est l’accord des volontés
permettant de créer, de modifier ou de mettre fin à des obligations pour au moins l’une des
parties à l’accord.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
308 Management et économie des entreprises

3. chacun préfère une conformité générale à une conformité partielle ce


qui réduit l’incertitude des comportements et ce qui aboutit à margina-
liser les comportements déviants ;
4. il existe au moins une règle alternative à la convention ;
5. chacun est censé connaître et accepter les quatre conditions précé-
dentes et considère qu’elles sont connues et admises par tous.

C. Le rôle joué par les conventions


dans l’entreprise
Le besoin de se référer à des conventions pour décider tient au fait que
les règles explicites de l’organisation s’appliquent mal voire deviennent
inopérantes, du fait de la situation d’incertitude.
Les décideurs qui s’appuient sur la convention se réfèrent à « des valeurs
partagées » ce qui leur permet de faire des économies d’informations, de
prendre leurs décisions plus vite et évite à l’organisation tout comporte-
ment opportuniste de la part de ses membres.
Chaque organisation repose sur une pluralité de conventions qui se
combinent, évoluent et se remplacent en fonction de leur pertinence au
regard des problèmes décisionnels rencontrés.
Certains remarquent que de « mauvaises conventions » peuvent s’instal-
ler dans une organisation donnée (absentéisme, harcèlement, corrup-
tion, etc.) ce qui peut compromettre son fonctionnement.
P.Y. Gomez présente quant à lui l’entreprise comme « une convention
d’effort ». En effet, Les objectifs de l’entreprise sont communs à ses dif-
férents membres ; les comportements de ceux-ci sont coordonnés par un
ensemble de normes qui sont admises et partagées ; les actions sont éva-
luées dans le cadre d’un système de contrôle qui est lui-même admis par
tous (indicateurs des tableaux de bord). La réalité et l’efficacité de l’en-
treprise repose finalement sur l’adhésion de ses acteurs à cet ensemble
de normes. Finalement, la convention fonde l’entreprise en orientant,
gouvernant et mesurant l’effort.
POUR EN SAVOIR PLUS
Ouvrages de présentation
Aubert (N.), Gruère (J.-P.), Jabes (J.), Management, aspects humains et organisationnels,
PUF, 2010.
Coriat (B.) et Weinstein (O.), Les nouvelles théories de l’entreprise, coll. Références, Le
livre de poche, 1995.
Fiol (M.), Les grands auteurs du contrôle de gestion. Mary P. Follett : le contrôle pour
penser, http://www.hec.edu, 2004.
Héon (F.) et Davis (A.), L’Essentielle Mary Parker Follett, Amazon Self Publishing, 2015.
Lévian (Y.F.), Organisation, théories et pratiques, Dunod, 2005.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 13 – Les théories des organisations 309

Auteurs de renommée internationale


Aoki (M.), Le management japonais  : le modèle J de Aoki, Problèmes économiques,
no 2225, mai 1991.
Chandler (A.D.), Stratégie et structure, Les Éditions d’Organisation, 1989.
Coase (R.H.), The nature of the firm, 1937, Economica, 2007.
Crozier (M.) et Friedberg (E.), L’acteur et le système, Le Seuil, 1977.
Cyert (R.M.) et March (J.G.), Processus de décision dans l’entreprise, Dunod, 1970.
Fayol (H.), Administration générale et industrielle, Bulletin de la société de l’industrie
minérale, 1916, (réimp. Dunod en 1979 et 1999).
Follet (M.P.), The New State : Group Organisation, The Solution for Popular Government,
New york, Longmans, Green, 1918 (http://sunsite.tuk.edu/FINS/Mary_Parker_Follett).
Follet (M.P.), Creative Experience, New York, Longmans, Green, 1924 (http://www.folett-
foundation.org/advisors.htm).
Friedmann (G.), Le travail en miettes, Gallimard, 1964.
Gomez (P. Y), Le gouvernement de l’entreprise : modèles économiques et pratiques de
gestion, Interéditions, 1996.
Lawrence (P.R.) et Lorsch (J.W.), Adapter les structures de l’entreprise, Les Éditions d’Or-
ganisation, 1973.
Likert (R.), Le gouvernement participatif de l’entreprise, Gauthier-Villars, 1974.
Lussato (B.), Introduction critique aux théories d’organisation, Dunod, 1972.
March (J.G.), Simon (H.A.), Les organisations, Dunod, 1969.
Mintzberg (H.), Structure et dynamique des organisations, Les Éditions d’Organisation,
1982.
Nelson (R.R.) et Winter (S.G.), An evolutionnary theory of economic change, Harvard
University Press, 1982.
Orléan (A.), L’économie des conventions, PUF, 1994.
Parkinson (C.N.), Les Lois de Parkinson, Robert Laffont, 1983.
Peter (L.-J.) et Hull (R.), Principe de Peter, Le livre de poche, 2011.
Taylor (F.W.), Principles of Scientific Management, New York and London, Harper & bro-
ther, 1911.
Williamson (O.E.) et Winter (S.G.), The economic institutions of capitalism, The Free
Press, 1985.
Williamson (O.E.) et Winter (S.G.), The nature of the firm : origins, evolution and deve-
lopment, Oxford University Press, 1991.
Woodward (J.), Industrial Organization  : theory and practice, Oxford University Press,
1965.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
310
CHAPITRE 14
Management et économie des entreprises

L’activité commerciale :
1. La démarche
marketing

« La raison d’être d’une entreprise est de créer


et de garder une clientèle. »
Peter Drucker

I. La fonction commerciale
de l’entreprise
L’activité commerciale est une activité primordiale de l’entreprise. La
division commerciale représente un « sous-système », intégré dans
le système global de la firme. En tant que tel, il possède des finalités et
un fonctionnement propres relativement indépendants du système
entreprise.
– Le but commercial repose traditionnellement sur la conquête du mar-
ché, c’est-à-dire qu’il faut découvrir, gagner et développer une clien-
tèle, ceci devant se traduire en objectifs réalistes. Il convient de noter
la nécessité d’une compatibilité entre le but commercial et le but glo-
bal de l’entreprise. Les objectifs commerciaux ne sont que des sous-­
objectifs au niveau de l’entreprise et il y a une hiérarchie des buts à
établir et à respecter. Par exemple une firme peut vouloir « faire une
pause » (pour des raisons financières) après une période de forte crois-
sance, alors que les commerciaux souhaitent poursuivre le développe-
ment. Il faut remarquer que son environnement commercial et par
conséquent sa politique commerciale seront très différents selon
qu’elle s’adresse à un marché de consommateurs (business to consu-
mers, « b2c ») ou à un marché d’entreprises (business to business,
« b2b »).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 14 – La démarche marketing 311

– Le marché est traditionnellement défini comme le lieu de rencontre


entre l’offre et la demande d’un produit. Néanmoins, dans l’entreprise,
on désigne souvent par marché le montant des ventes d’un produit ou
de la marque de cette entreprise pendant une période donnée, généra-
lement l’année.
– La fonction commerciale d’une entreprise part tantôt de son offre
(« marketing de l’offre ») lorsqu’il s’agit de vendre un produit entière-
ment nouveau ou sur un marché peu concurrentiel (situation de mono-
pole). Mais elle part plus souvent de sa demande lorsque les attentes
des clients jouent un rôle fondamental dans la commercialisation
(marché concurrentiel).
– La démarche marketing classique correspond à une forme de pilotage
de l’entreprise guidé par le marché (market-driven management). Elle
est parfois qualifiée de démarche mercatique1.
– Le « marketing management » englobe à la fois le marketing straté-
gique (axé sur le choix d’une cible de clientèle) et le marketing opéra-
tionnel (axé sur le marketing-mix ou marchéage).
– Le but commercial dans la « nouvelle économie » portée par Internet
devient d’accéder à un réseau d’utilisateurs et de le fidéliser, voire le
contrôler. L’approche marketing s’infléchit aujourd’hui vers une
démarche de coopération avec les demandeurs (marketing collaboratif
ou participatif), qui se définit comme un ensemble de méthodes visant
à associer les consommateurs à la définition de l’offre de l’entreprise.
Cette approche est souvent centrée sur des services et des informations
qui complètent l’offre de biens.

II. Le marketing (ou mercatique)


Selon Philip Kotler, spécialiste américain du marketing, « le vrai marke-
ting n’est pas l’art de vendre ce que vous fabriquez mais de savoir ce
qu’il faut fabriquer […] c’est l’art d’identifier et de comprendre les
besoins des clients puis d’imaginer les solutions qui satisfont leurs
besoins tout en étant profitables pour l’entreprise et ses actionnaires ».
Selon J. Lendrevie, J. Lévy et A. de Baynast2, « L’attitude marketing se
caractérise par le souci de connaître le public pour mieux s’y adapter et
pour agir sur lui plus efficacement ».

1.  Le terme « mercatique » a été proposé par l’Académie française pour remplacer « marke-
ting » tiré de l’anglais.
2.  J. Lendrevie, J. Levy, A. de Baynast, in Mercator, 2017.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
312 Management et économie des entreprises

A. Émergence et évolution de la notion


de marketing
L’évolution de l’économie capitaliste, depuis le marché de pénurie du
début du xixe siècle, jusqu’au marché de concurrence internationale du
début du xxie siècle, a fortement influencé l’organisation interne de l’en-
treprise. La fonction commerciale y a pris une place de plus en plus
importante. Généralement, on distingue quatre phases dans cette évolu-
tion :

a. La phase production
Elle s’étend jusqu’à la seconde guerre mondiale. La priorité est donnée
à la fonction production.
Cet état d’esprit s’exprime dans la célèbre loi des débouchés de J.-B. Say
« l’offre crée sa propre demande ». On observe la filière suivante :
Production Vente

b. La phase vente
Elle dure jusqu’au début des années 1960. L’entreprise prend conscience
de la spécificité des problèmes du marché et des souhaits du consomma-
teur. Elle s’oriente vers une connaissance de ses besoins au moyen de
diverses techniques d’enquêtes et de sondages. Grâce à cet acquis, elle
améliore ses ventes par une meilleure adaptation au marché : elle moder-
nise ses circuits de distribution, la publicité remplace la réclame… Le
développement de la concurrence et les travaux de J.-M. Keynes mettent
en évidence l’importance du rôle de la demande.
On assiste à une légère modification de la filière :
Production Connaissances des besoins Marché

Actions
commerciales

c. La phase mercatique
Elle commence lorsque, à partir des années 1960, les économies
s’ouvrent au marché international et l’avenir devient aléatoire, fonc-
tion de probabilités. Le but de la firme est de se développer, générale-
ment par croissance externe (fusions, rachats) pour assurer sa pérennité.
L’organisation évolue vers la décentralisation et la participation.
Il faut donc « vendre pour produire », (« vendre la peau de l’ours, avant
de l’avoir tué »). Il s’agit d’abord d’un marketing de masse qui a évolué
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 14 – La démarche marketing 313

avec le développement économique vers un marketing segmenté dans


les années 1980.
La filière générale est alors la suivante :
Production Marché

Coordination des
outils commerciaux

d. L’orientation marché (market-driven management)


et le marketing individualisé
Depuis les années 2000 de nombreuses entreprises cherchent à réinven-
ter leur fonction marketing. Il s’agit pour elles de renforcer fondamenta-
lement leur orientation-marché. Cette orientation les amène à élargir
leur conception du marché aux différents acteurs qui influencent la
décision d’achat : les distributeurs, les prescripteurs, les concurrents et
les différents facteurs d’environnement que sont les domaines technolo-
gique, social, juridique, écologique, etc. qui influencent le marché du
produit.
Cette orientation-marché dépasse largement le domaine de la commer-
cialisation pour aboutir à une réorganisation de l’entreprise par proces-
sus (reengineering), impliquant des équipes pluri-fonctionnelles sur le
principe de l’ECR (efficient consumer response) qui se traduit souvent
par une gestion juste-à-temps de la production et une gestion globale de
la chaîne logistique de l’entreprise s’étendant au-delà de ses frontières,
vers les fournisseurs et sous-traitants.
À cette évolution, il faut ajouter le développement d’un marketing indi-
vidualisé (« one to one »), facilité par les nouvelles technologies de
l’information et qui vient s’ajouter aux marketings de masse et seg-
menté qui subsistent dans un grand nombre de marchés.

e. Le marketing collaboratif
La notion de service devient parfois dominante dans les échanges sur le
marché. De ce fait l’important devient la co-création de valeur (v. aussi
la production de services, chap. 17) et l’étendue des réseaux à travers
lesquels aura lieu la commercialisation. Le marketing devient collabo-
ratif en s’appuyant sur le développement de l’IT et les échanges avec la
clientèle. Des modes de consommation coopératifs apparaissent dans
une recherche d’émancipation et de pouvoir des consommateurs qui
souhaitent s’affranchir de la pression marketing traditionnelle.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
314 Management et économie des entreprises

B. Rôle de la fonction marketing


a. La notion de marketing
Le marketing est l’ensemble des moyens utilisés par l’entreprise pour connaître, entre-
tenir et même susciter les besoins des consommateurs d’une part, et pour adapter
l’appareil productif et commercial de l’entreprise à ces besoins, d’autre part.

Le marketing présente deux dimensions :


– Une dimension stratégique d’analyse des besoins et de choix d’une
offre de produits et d’un dispositif commercial adapté à ces besoins
(cela correspond assez bien au terme français de marchéage). (Selon
P. Drucker : « Le but du marketing est de connaître et de comprendre
le client jusqu’à ce que le produit lui convienne et se vende tout
seul ».)
– Une dimension opérationnelle tournée vers la commercialisation à
travers des actions concernant le produit, le prix, la distribution et la
communication (cela correspond plutôt au terme de mercatique).
Les termes de « mercatique » et de « marchéage » sont des francisations
du mot anglais marketing, beaucoup plus utilisé dans la pratique.
Le consommateur est « roi », mais c’est un roi binaire, c’est-à-dire qu’il
se contente d’acheter ou de ne pas acheter sans exprimer ses motiva-
tions. L’organisation évolue autour de la fonction mercatique qui devient
la fonction-clé de la firme. Pour découvrir les besoins du consomma-
teur, tout un ensemble de techniques sont mises en œuvre. Pour assurer
l’efficacité maximale de l’échange, l’entreprise va combiner différentes
variables qui sont désignées sous le terme de « 4P » : Product, Price,
Place et Promotion (produit, prix, distribution et communication). Le
dosage et le mélange de ces quatre paramètres constituent le marchéage
ou marketing mix (du verbe anglais to mix : mélanger)1.
La conquête du marché reste la finalité de l’entreprise mais celle-ci
passe obligatoirement par la satisfaction des clients qui seule permet de
développer les ventes.

b. Les limites de l’approche mercatique


– La filière inversée. J.-K. Galbraith a montré que la puissance des
entreprises et leur capacité à convaincre le consommateur par le biais
de la publicité avaient remplacé la filière précédente par une autre,
plus proche de la phase vente. Cette filière inversée redonne la pré­
éminence à l’entreprise et non plus au consommateur. Le taux d’échec
important du lancement de nouveaux produits par les entreprises
(40 % en moyenne) vient néanmoins nuancer cette conception.

1.  Voir le schéma p. 325.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 14 – La démarche marketing 315

Production Connaissances des besoins Marché

Actions sur le
consommateur

– L’émergence du consumérisme. Les consommateurs se sont regroupés


au sein d’associations et ne subissent plus passivement la politique
des entreprises. R. Nader a lancé le mouvement du consumerism1 aux
États-Unis dans les années 60. En France, celui-ci s’est développé à
partir de 1970 avec la création de deux organismes : l’un public, l’INC2
et sa revue 60 millions de consommateurs, l’autre privé, l’UFC3 et sa
revue Que choisir ? Ce mouvement a incité les entreprises à réagir et à
créer un service chargé d’exprimer les revendications des consomma-
teurs : le service consommateur.
– Les préoccupations écologiques et sociales. La prise de conscience des
problèmes écologiques, du coût social de la consommation et de son
impact sur l’environnement impose aux entreprises de réviser la
conception de leurs produits. On voit ainsi émerger des produits entiè-
rement recyclables et des produits simplifiés à prix économiques qui
viennent bouleverser les données de certains marchés. Une « écono-
mie circulaire » apparaît, à base de recyclage des déchets.
– La priorité donnée aux attentes de la clientèle. Elle conduit, selon
certaines critiques, à privilégier ce qui existe déjà au détriment des
innovations poussées par l’évolution technologique et porteuses de
nouveaux marchés. On développerait plutôt des « innovations d’amé-
lioration » au détriment d’« innovations de rupture » beaucoup plus
risquées, mais sources de croissance économique.
– La logique de la nouvelle économie aboutit à « marchandiser » pro-
gressivement tout notre temps libre, dans ce que J. Rifkin appelle l’âge
de l’accès. L’impératif de vente qui a longtemps dominé le marketing
cède la place à l’obsession de la construction d’un réseau à travers
lequel on va commercialiser l’accès continu à des services, prestations,
expériences par abonnement, adhésion au réseau, facturation au
temps, au détriment de la vente traditionnelle. La fidélisation des
membres du réseau donne accès aux « parts de clients » qui viennent
remplacer les parts de marché du marketing traditionnel. On aboutit
au marketing one to one.
– La part croissante des services dans les échanges marchands vient
remettre en question le schéma des 4P du marketing mix. Selon cer-
tains, il faut lui substituer les 4P du « marketing management » : Per-
sonnes, processus, programme d’accès, performance (v. chapitre 15).

1.  Consumerisme, du mot anglais consumer : consommateur.


2.  INC : Institut National de la Consommation.
3.  UFC : Union Fédérale des Consommateurs.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
316 Management et économie des entreprises

III. L’analyse du marché


L’analyse du marché passe par la connaissance de la dimension merca-
tique de l’entreprise. Il convient de répondre aux différentes questions :
quel besoin l’entreprise cherche-t-elle à satisfaire ? Que vend l’entreprise
pour cela ? Où le vend-elle ? Quel est l’état de la concurrence ? À qui
vend-elle ? Ces réponses permettent à l’entreprise de connaître son mar-
ché et de pouvoir agir en conséquence.
Pour trouver ces réponses, la firme fait appel à divers moyens tech-
niques et scientifiques d’étude et de traitement de l’information.

LA DIMENSION MERCATIQUE DE L’ENTREPRISE

A. Les besoins des clients


On peut distinguer avec L. Abbott les besoins génériques (qui sont fon-
damentaux, comme le besoin de se déplacer par exemple) et les besoins
dérivés qui se focalisent sur la façon dont un besoin générique peut être
concrètement satisfait à un moment donné dans une économie (comme
le voyage en TGV par exemple). Un besoin générique s’exprime ainsi à
travers différents besoins dérivés successifs et parfois concurrents qui
sont saturés au fur et à mesure de l’évolution du cycle de vie des pro-
duits qui permettent de les satisfaire.
Les biens se succèdent en fonction des technologies et de l’évolution du
mode de vie de leur clientèle afin de satisfaire les besoins génériques.
Chaque type de bien ainsi créé génère un besoin dérivé qui s’exprime
par une demande sur le marché de ce bien.
– Pour P. Kotler le besoin est « un sentiment de manque éprouvé à
l’égard d’une satisfaction générale liée à la condition humaine » (ce
qui correspond à la notion de besoin générique), tandis que le désir
serait un moyen particulier d’expression d’un besoin (qui peut corres-
pondre au besoin dérivé). Le désir crée ainsi une demande potentielle
lorsqu’il est accompagné d’un pouvoir d’achat. Selon cet auteur, le
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 14 – La démarche marketing 317

marketing montre aux consommateurs comment un bien peut contri-


buer à satisfaire un besoin.
– Selon d’autres auteurs, le marketing ne se limite pas à susciter et sti-
muler les besoins dérivés, mais exacerbe tous les besoins, y compris
génériques et engendre, notamment en raison du caractère limité du
revenu disponible, de la frustration.
– Selon Hamel et Prahalad le marketing stratégique doit chercher à
satisfaire les besoins de la clientèle que ceux-ci soient articulés (énon-
cés par les clients, non énoncés, ou imaginaires) ou non articulés
(vrais besoins et besoins inconscients).
– Les théoriciens de la motivation montrent que les besoins reposent sur
une combinaison de motivations. Ce caractère multidimensionnel des
besoins, qui était déjà exprimé par A. Maslow dans sa fameuse pyra-
mide des besoins humains (v. p. 286), va se refléter dans les produits.
Le produit lui-même peut être interprété comme une combinaison de
valeurs pour le client (ex. : l’automobile, qui à côté de sa fonction uti-
litaire, présente une fonction sociale, symbolique, esthétique, etc.).

B. Les composantes du marché


• L’entreprise doit définir son marché proprement dit
Quelle est sa limite géographique, régionale, nationale ou internatio-
nale ? Cette limite n’est pas fixée par l’entreprise, elle s’impose à elle.
Il lui faut structurer son marché, c’est-à-dire distinguer son propre mar-
ché de celui de ses concurrents et les potentialités qu’il peut receler.

LA STRUCTURE D’UN MARCHÉ

(1) Les non-consommateurs sont les individus qui ne consomment pas le produit


actuellement (parce qu’ils n’en ont pas connaissance, pas besoin ou ne peuvent pas), mais qui
pourraient le consommer (non-consommateurs relatifs) ou qui ne le consommeront jamais
(non-consommateurs absolus).

• Le produit vendu ou le projet que l’on en a et ses caractéristiques sont


des éléments qui vont influencer l’analyse du marché
Est-il un bien de consommation finale qui s’adresse aux ménages, un
bien intermédiaire de production vendu à d’autres entreprises, un ser-
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
318 Management et économie des entreprises

vice ? Est-ce un produit exportable et dans ce cas faut-il l’adapter aux


habitudes de consommation du pays importateur ?
La durée de vie du produit (bien durable, semi-durable ou non durable)
conditionne la mise en œuvre d’une politique de renouvellement.
• L’analyse des principaux acteurs du marché auquel on veut s’adres-
ser, s’impose
Il convient de repérer à côté des clients, les distributeurs, les prescrip-
teurs et les données de l’environnement « macromarketing »1 et bien sûr
la concurrence qui est primordiale : qui sont les concurrents ? Combien
sont-ils ? Quelles sont leurs actions ?
Les produits concurrents représentent une autre dimension de cette
analyse : sont-ils identiques ou similaires ? Et y a-t-il des produits subs-
tituables (produits remplissant le même usage mais différents) ?
La prise en compte de la diversité des acteurs d’un marché permet à la
firme d’orienter sa gestion et son organisation vers les clients, mais aussi
vers d’autres acteurs comme les distributeurs, concurrents, prescripteurs
et groupes d’influence dans une logique de « pilotage orienté marché »
(market-driven management).

Concurrents

Influenceurs Clientèle

Distributeurs

Menaces et opportunités de l’environnement macromarketing

• Les facteurs de complexification du marché doivent être pris en compte


Ils sont plus ou moins nombreux selon les produits. L’internationalisa-
tion a permis l’apparition d’une segmentation supranationale de certains
marchés. Les nouvelles technologies de l’information et la communica-
tion (NTIC) ont permis l’émergence et le développement du commerce
électronique qui a élargi les frontières géographiques des marchés. Ces
nouvelles technologies de communication ont entraîné le développe-
ment d’une communication de plus en plus interactive avec les pros-
pects ainsi que de nouvelles offres de bouquets de produits et services.
Les nouvelles exigences des citoyens consommateurs orientent la com-
mercialisation vers le respect des valeurs émergentes d’éco-efficacité et
de développement durable.

1. Cette notion est proposée par Lambin (J.-J.), Chumpitaz (R.), De Moerloose (C.) dans
Marketing stratégique et opérationnel, Dunod, 2005.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 14 – La démarche marketing 319

• L’étude du consommateur permet à l’entreprise de savoir à qui elle vend


Quelles sont les motivations, les comportements des acheteurs ? Com-
ment se réalise le processus d’achat ? Y a-t-il des prescripteurs ? Des
leaders d’opinion ? Quelle peut-être l’évolution de la consommation ?
Autant de questions auxquelles l’entreprise obtient plus précisément
des réponses aujourd’hui.

C. Les moyens de connaître le marché


a. La documentation
– Sources internes. Il s’agit des propres statistiques de l’entreprise, des
fichiers clients, des fichiers et des rapports de vente. C’est la première
des informations disponibles de faible coût, récente et spécialisée.
– L’entreprise peut collecter directement des informations pertinentes
sur internet auprès des clients et des prospects qu’elle peut recueillir
à partir de son portail internet ou par E-mailing (Newsletter par
exemple).
– Sources externes. L’entreprise recueille ses informations sur le mar-
ché, sur l’environnement en faisant appel à des organismes externes
de collecte et de traitement de l’information.
– Organismes publics : Insee, ministère des Finances, Banque de France,
CERC…
– Organismes privés : Chambres de Commerce et d’Industrie (CCI),
Chambres syndicales, ADETEM (Association nationale pour le DEve-
loppement des TEchniques de Marketing), IREP (Institut de Recherches
et d’Études Publicitaires).
– Revues professionnelles.
Ces informations coûtent peu mais, souvent trop générales, elles néces-
sitent d’être retraitées pour une utilisation efficace.

b. Les études de marché


La plupart des grandes entreprises confient leurs études de marché à des
sociétés spécialisées (Nielsen ou Ipsos par exemple). Mais des entre-
prises disposant de moins de moyens peuvent avantageusement confier
de telles études à des étudiants en marketing ou en commercialisation.

1. Les études quantitatives


Les sondages
Ils sont fondés sur les méthodes probabilistes d’échantillonnage. Il est
très difficile, voire impossible de réaliser une enquête exhaustive, on
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
320 Management et économie des entreprises

« prélève » donc dans la population un échantillon représentatif de cette


population, on l’étudie et on en tire des conséquences supposées
valables pour l’ensemble de la population à un moment donné.
Pour que ces conclusions soient valables, il convient de constituer
l’échantillon de façon très rigoureuse :
– par une méthode probabiliste (tirage au sort et application de la loi
normale) ;
– par la méthode des quotas (constitution d’un échantillon aux caracté-
ristiques socio-démographiques identiques à celles de la population :
un microcosme en quelque sorte).

Les panels
Ils représentent des méthodes d’observation permanentes du marché.
Ils sont réalisés par des organismes privés qui gèrent un échantillon
stable. On distingue :
– les panels de consommateurs qui permettent d’étudier le comporte-
ment des consommateurs, exemple : IRI-Sécodip (Société d’études de
la consommation, de la distribution et de la publicité). On obtient
ainsi des informations très précieuses sur la structure d’un marché, la
fréquence d’achat, la saisonnalité… ;
– les panels de distributeurs regroupent des détaillants. Le plus célèbre
est Nielsen. Ils effectuent des enquêtes permanentes concernant les
ventes, les achats et les stocks des détaillants de l’échantillon ;
– les panels d’audience permettent quant à eux de connaître l’efficacité
des différents médias. (exemple de Médiamétrie qui mesure l’audience
tv, radio, cinéma, et l’audience des sites marchands français de e-com-
merce).
Ces informations permettent de connaître les parts de marché, les prix
pratiqués, l’impact d’une campagne de publicité mais elles coûtent très
cher.

c. Les études qualitatives


– Les études de motivation cherchent à déterminer les causes du déclen-
chement de l’achat. Leur difficulté de réalisation tient au fait que les
motivations d’achat sont parfois inconscientes et dans ce cas ignorées
des consommateurs eux-mêmes. On emploie des méthodes d’enquête
plus subjectives telles que les entretiens (interviews) ou les observa-
tions réalisées directement au moment de l’achat.
– Les études de comportement visent à définir les attitudes des consom-
mateurs. Ces attitudes sont beaucoup plus stables qu’une simple moti-
vation et elles induisent un comportement vis-à-vis d’un bien. Une
fois repéré un comportement spécifique, l’entreprise tentera de le faire
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 14 – La démarche marketing 321

évoluer par le biais de la publicité, ou adaptera son produit en consé-


quence.
– Le neuromarketing qui est l’application des neurosciences cognitives
au marketing, trouve sa place dans cette démarche d’analyse qualita-
tive en cherchant à identifier les mécanismes cérébraux qui inter-
viennent lors d’un achat ou face à une publicité. Ces nouvelles tech-
niques permettent ainsi une meilleure compréhension des réactions
des prospects aux messages publicitaires. On apprend par exemple
que la publicité sur journal est plus efficace que la publicité TV. Des
méthodes de neuro-imagerie (IRM fonctionnelle) permettent de préci-
ser les mécanismes cérébraux d’évaluation d’un produit ou d’une
marque par les consommateurs.
– La coopération-client se développe aujourd’hui. C’est notamment le
cas dans la commercialisation des services où la production implique
souvent la participation active des clients qui deviennent coproduc-
teurs. Elle se développe également dans la mesure où les clients
prennent la parole à travers les réseaux sociaux et y proposent même
de nouveaux concepts de service visant l’ensemble du marché (pro-
ducteurs et prospects).

d. Les tests
Les tests sont des méthodes d’observations ponctuelles du marché. On
teste les différentes variables du marketing-mix (les 4P) : on modifie un
paramètre à la fois et on observe les réactions engendrées sur le proces-
sus d’achat.
On peut aussi vérifier la cohérence d’une politique marketing, en l’expé-
rimentant sur un échantillon représentatif du marché facilement iso-
lable.
Les tests sont utiles dans le sens où ils permettent de vérifier certaines
hypothèses avant le lancement ou la modification d’un produit ou d’une
campagne, mais ils sont coûteux et peu discrets vis-à-vis de la concur-
rence.
On distingue habituellement : test de notoriété et d’image, test pré et
post com, test de site internet, test d’identité.

e. La prévision de la demande
Après avoir défini son marché, l’entreprise essaye d’en saisir l’évolution.
Peu de firmes, sauf les entreprises à forte intensité capitalistique, se
risquent à faire des prévisions à long terme.
L’horizon courant des diverses prospections est :
– soit le court terme (inférieur à 1 an), pour mettre en œuvre des actions
commerciales adaptées ;
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
322 Management et économie des entreprises

– soit le moyen terme (entre 1 et 5 ans), pour envisager de nouveaux


marchés ou de nouveaux produits.
Suivant l’horizon projeté, les méthodes de prévision seront différentes.
– À court terme, en supposant que l’environnement ne changera pas, on
extrapole une tendance observée précédemment (méthode des
moindres carrés). On peut corriger cette tendance des variations cycli-
ques (saisonnières ou calendaires). On peut aussi corréler les ventes
avec un facteur explicatif causal, utiliser des modèles de simulation,
réaliser des études de marché.
– À moyen terme, l’hypothèse d’une stabilité de l’environnement est
difficilement acceptable et une étude globale prévisionnelle de l’envi-
ronnement doit être faite. Ce type d’étude dépasse largement le cadre
du marketing.

f. Internet comme moyen d’étude


Internet est devenu un moyen d’étude qui offre de nombreuses possibi-
lités (tests de produits, études de satisfaction ou d’opinion) sur panels
ou non. Ces études peu coûteuses permettent d’obtenir rapidement des
informations mais des problèmes d’échantillonnage se posent, car seuls
les internautes sont questionnés, ce qui génère un biais statistique, de
moins en moins important il est vrai avec le développement du nombre
d’internautes.

D. Les informations utiles concernant le marché


a. Les caractéristiques de la clientèle visée
– Le nombre des clients, le rythme de consommation, le pouvoir d’achat ;
– La répartition des clients selon divers critères utiles par rapport à la
consommation du produit (âge, sexe, géographie, catégorie socio-pro-
fessionnelle, etc.).

b. Les comportements de consommation


La motivation est un état de tension psychologique qui génère un com-
portement visant à réduire cette tension.
On peut distinguer 3 grands types de motivation : les motivations à
caractère hédoniste, à caractère utilitaire et à caractère éthique.

c. Les styles de vie


On peut aussi identifier des styles de vie et des courants socioculturels.
On en distingue habituellement 5 principaux : créatifs culturels ; alter-­
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 14 – La démarche marketing 323

créatifs ; protectionnistes inquiets ; conservateurs modernes ; détachés


sceptiques. Mais la Cofremca distingue aujourd’hui une cinquantaine de
courants socioculturels.
Une socio-map permet de placer les différents socio-styles sur deux sys-
tèmes d’axes afin de les situer les uns par rapport aux autres en fonction
de certaines variables explicatives (âge, revenu, études, habitat, etc.).

IV. La stratégie mercatique


(ou stratégie marketing)
Une fois l’étude de son marché réalisée, la firme adopte une stratégie
pour tenter de le conquérir. Le marché est généralement trop vaste pour
être attaqué de front, il est nécessaire de le segmenter pour définir une
stratégie appropriée. Sachant qu’elle ne peut toucher tous les acteurs
potentiels, elle se positionne sur un segment bien précis, en fonction
duquel elle établit son plan d’action.

A. La délimitation du marché :
la segmentation
Une fois le marché global correctement défini, les responsables commer-
ciaux regroupent les consommateurs en catégories homogènes, c’est-à-
dire composées de personnes ayant des caractéristiques communes (même
comportement, mêmes besoins, même motivation, même revenu…). La
segmentation réalisée, on cible le segment de clientèle auquel on s’adres-
sera en priorité.
La segmentation a pour but d’acquérir une position de monopole sur
une partie du marché et de fidéliser les clients visés.
Les critères de segmentation sont définis en fonction du produit et du
marché étudié, ils sont d’ordre divers :
– démographique : âge, sexe ;
– géographique : zone d’habitation (Paris, ville, campagne) ;
– socio-économique : catégorie socio-professionnelle ;
– psycho-sociologique : opinion, comportement.
La segmentation et le ciblage permettent de caractériser le marché-type
du produit, d’identifier le meilleur couple produit-marché. On sait à qui
vendre et de quelle manière on devra le vendre. On obtient ainsi une
rentabilité maximum en concentrant l’action mercatique.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
324 Management et économie des entreprises

B. Le choix d’une stratégie mercatique


Il dépend de la démarche stratégique globale de l’entreprise. Les straté-
gies mercatiques sont cependant assez caractéristiques pour être définies
dans ce chapitre.

a. Les différentes stratégies mercatiques


– La stratégie indifférenciée (ou marketing de masse) s’adresse au mar-
ché global en proposant des produits standards sans réaliser de seg-
mentation. Elle permet de minimiser les coûts de production, de dis-
tribution et de communication mais elle risque d’entraîner des pertes
de parts de marché par manque d’efficacité au profit d’entreprises plus
spécialisées. Elle est plutôt adaptée à des marchés de produits banali-
sés ou encore à ceux où la concurrence est faible.
– La stratégie différenciée vise plusieurs segments. Les produits bien
déterminés répondent aux besoins des cibles en fonction de leur
caractère propre. Elle satisfait mieux les souhaits des clients par une
meilleure adéquation, mais elle accroît les coûts produits/marchés.
– La stratégie concentrée (focalisation) s’attache à répondre aux attentes
d’une seule cible. Toutes les actions sont concentrées pour aboutir à la
satisfaction optimale du segment visé. Elle occupe une place privilé-
giée par une meilleure connaissance du groupe ciblé. Si elle est plus
efficace, elle est aussi plus coûteuse et n’offre aucune position de repli
si le marché régresse ou si la concurrence s’intéresse au segment.
– La stratégie individualisée consiste à partir des particularités de
chaque client pour lui proposer une solution « sur mesure ». Elle
s’inscrit parfaitement dans un marketing « b2b » mais elle peut égale-
ment influencer le marketing « b2c » par le jeu d’options et d’adapta-
bilité de produits modulaires ou « à différenciation retardée » (v. la
gestion de la production des biens p. 370).
– On peut aussi distinguer la stratégie défensive (amélioration du pro-
duit, renforcement du réseau de distribution), la stratégie de pénétra-
tion (action de conquête des non-consommateurs relatifs, action de
fidélisation des clients occasionnels), la stratégie de développement du
marché (extension de la distribution à de nouveaux réseaux et de nou-
veaux territoires y compris à l’international), la stratégie d’extension
de gamme (nouveaux modèles, nouvelles marques, nouvelles gammes).

b. Le positionnement
Une fois le type de stratégie défini (différenciée ou concentrée), il
convient de se positionner, c’est-à-dire trouver le segment de marché le
plus approprié aux objectifs et aux moyens de l’entreprise.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 14 – La démarche marketing 325

Le positionnement est une démarche volontariste consistant à choisir et à


occuper une place sur un marché, pour les clients et par rapport aux concur-
rents. Ce concept qui est né dans le monde de la publicité, vise à faire occu-
per par l’offre d’un produit une place privilégiée dans l’esprit de la clientèle.
Le positionnement ne peut intervenir qu’après une étude approfondie
du marché et la segmentation de celui-ci. Il se pratique au lancement
d’un produit, le « repositionnement » étant relativement difficile à effec-
tuer. Il implique de prendre des décisions vis-à-vis de la concurrence,
donc de connaître sa capacité de réaction ou d’imitation par rapport au
nouveau produit.
La mise en position effective du produit réclame une très grande cohé-
rence entre la date de lancement, les décisions commerciales (le marke-
ting mix) avant et après, ainsi que les réajustements consécutifs à l’intro-
duction sur le marché (réactions de la clientèle).

c. Le plan de marchéage traditionnel


Du positionnement choisi, découle le « marketing-mix », c’est-à-dire la
combinaison des 4 principales variables d’action marketing que sont : le
produit, le prix, la distribution et la communication commerciale.
EXEMPLES
Le positionnement de « conformité à la tradition » de la confiture « Bonne Maman »
et du positionnement de « durabilité supérieure » des piles Duracel.

LA DÉMARCHE MERCATIQUE
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
326 Management et économie des entreprises

C. Les nouvelles stratégies mercatiques


a. Marketing personnalisé (one to one)
et technologies relationnelles
Le marketing de masse s’appuie sur le comportement d’un « client
moyen » (supposé standard) dont le profil et les habitudes peuvent être
souvent éloignés de la diversité des clients réels. Les nouvelles possibi-
lités offertes par les NTIC et en particulier la gestion automatisée des
bases de données « clients », permettent à l’entreprise d’engager un
dialogue commercial interactif avec chaque prospect (client potentiel).
L’argumentation mais aussi l’offre qui est faite au client peuvent alors
être définis « sur mesure ». La saisie des informations sur le comporte-
ment de la clientèle est largement facilitée par les NTIC. Ainsi, le scan-
ning (codes barre) combiné à des cartes de paiement (dites « privatives »,
comme la carte « Pass » de Carrefour) ou encore le suivi de la navigation
sur Internet (cookies) facilitent le profilage de chaque prospect ciblé. La
formulation d’offres « personnalisées » peut elle aussi s’appuyer sur la
messagerie électronique, la diffusion de « bandeaux publicitaires » sur
les pages des sites fréquentés par les prospects, le « phoning » (prospec-
tion téléphonique) ou le traditionnel « mailing » (publipostage).
Le marketing one to one peut même déboucher sur la production « sur
mesure » (customization) à condition que le coût ne soit pas très éloigné
de celui du produit standard.
EXEMPLE
Ainsi Dell Computer a construit son succès sur l’assemblage de chaque micro-ordi-
nateur en fonction des attentes précises du client, questionné à distance avec la pré-
cision nécessaire. Levis fabrique aux USA des jeans sur mesure pour femmes à partir
des mensurations communiquées dans l’un des magasins de la marque.

Dans la « nouvelle économie » le sens du marketing évolue. Il s’agit


d’instaurer une relation à long terme avec une clientèle fidélisée à tra-
vers un réseau afin de vendre à chaque client le plus grand nombre de
produits possible dans la durée. L’actif principal de l’entreprise devient
son réseau de clients et le temps de vie humaine devient transformable
en marchandise à travers diverses prestations.
On va ainsi calculer la lifetime value (LTV) de chacun des consomma-
teurs du réseau en chiffrant la commercialisation que l’on pourra réali-
ser auprès de lui. à travers différents produits et services que l’on est
capable de lui offrir. Le coût du réseau est celui de la gestion d’une
relation à long terme avec une clientèle que l’on entend fidéliser. Plus
les clients sont jeunes et plus leur LTV est grande et les entreprises riva-
lisent pour intégrer dans leur réseau des jeunes adultes (ex. : des comptes
et livrets « jeunes » proposés par les banques françaises).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 14 – La démarche marketing 327

Les technologies relationnelles (ou technologies R) sont censées faciliter la


gestion des informations-client afin de favoriser la fidélisation et le contrôle
des consommateurs du réseau de l’entreprise. Le réseau peut même deve-
nir une « communauté de clientèle » lorsque l’entreprise met en relation
les membres de son réseau à travers des événements et des activités qui
sont censés générer des liens afin de renforcer la durabilité du réseau.
L’entreprise engagée dans cette logique devient progressivement de
moins en moins entreprise de production et de plus en plus entreprise
de gestion marketing d’un réseau de clientèle auquel elle va proposer un
bouquet diversifié de produits et services adapté à ses besoins.
Le réseau de clientèle devient un véritable capital immatériel de l’en-
treprise que l’on va apprendre à gérer à long terme.

b. Le marketing « distributeurs »
On a assisté au cours des trente dernières années à une évolution du
rapport de force entre producteurs et distributeurs, en faveur de la
« grande distribution ». Pour vendre aujourd’hui, il faut d’abord vendre
aux grands distributeurs, ce qui suppose une adaptation du plan de
marchéage aux contraintes de chaque distributeur et non plus seulement
aux besoins des clients finals.
EXEMPLE
Ventes promotionnelles en accompagnement de « l’anniversaire » du distributeur.

c. Le marketing « international »
La mondialisation conduit les entreprises à rechercher des économies
d’échelle sur des marchés géographiquement élargis. Certains produits
standardisés ont ainsi pu conquérir les consommateurs de la planète
entière (« Coca-Cola »). Néanmoins, rares sont en définitive les produits
qui peuvent ainsi satisfaire de la même façon, dans différents continents
et pays, des besoins marchands, dont la composante socioculturelle
n’est plus à démontrer.
Les entreprises « mondiales » sont ainsi confrontées à la double néces-
sité d’homogénéiser leurs produits afin de réaliser des économies
d’échelle nécessaires à leur compétitivité, et d’adapter ces mêmes pro-
duits aux particularismes locaux, pour les vendre !
C’est cette double exigence qui a conduit les entreprises industrielles à
s’orienter vers les stratégies de production dites de « sur-mesure de
masse » (mass-customization), s’appuyant sur la modularité et la diffé-
renciation retardée des produits (v. p. 370).
Elles doivent aussi adapter leurs marques de produit afin que celles-ci
soient acceptables et mémorisables par la clientèle étrangère visée
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
328 Management et économie des entreprises

(Hewlett-Packard met en avant « HP » tandis que BSN a changé de nom


pour devenir Danone).
Les argumentaires de vente et les méthodes de négociation commerciale
doivent eux aussi être adaptés aux marchés visés pour tenir compte des
valeurs culturelles locales (ex. : l’âge du négociateur et son embonpoint
sont des facteurs de crédibilité importants en Asie).

d. Le marketing « b to b » (ou « b2b »)


Le marketing client, initié par les entreprises du « b to b » (« business to
business », commerce interentreprises par opposition aux ventes grand
public dites « b to c » « business to consumers »), connaît un essor
considérable, facilité par l’utilisation de l’IT. C’est le marketing des
entreprises vendant des biens et services à d’autres entreprises. Sa carac-
téristique majeure, notamment au regard du marketing « b to c » est qu’il
porte sur un nombre restreint de clients et de prospects bien identifiés,
souvent compris entre une dizaine et une centaine. Les entreprises
engagées sur le « b to b » ont été les premières à comprendre la nécessité
qu’il y a à fidéliser les clients en individualisant leur offre et leur mode
de relation. La relation client est ainsi devenue un axe majeur de struc-
turation et de pilotage de l’entreprise. Le concept d’« entreprise orientée
client » se traduit souvent par des changements organisationnels
majeurs comme la multiplication des points de collaboration entre le
client et le fournisseur et le passage à des organisations structurées par
clients plus que par produits.
Grâce à l’utilisation de l’IT, le marketing « b to b » améliore ses presta-
tions en terme de qualité, de débouchés commerciaux et de réduction
des coûts.

e. Le marketing collaboratif
Le marketing se déploie de plus en plus fréquemment avec les consom-
mateurs (« market with ») qui participent ainsi à la création de valeur
marchande lors du processus qui les réunit à l’entreprise de services.
Remettant en cause la pertinence des « 4P » traditionnels, Philip Kotler,
Kevin Keller et Delphine Manceau proposent un marketing mix s’ap-
puyant sur 4 nouvelles variables :
– Personnes : il s’agit d’orienter l’organisation et toutes les personnes de
l’entreprise vers la commercialisation ;
– Processus : les processus organisationnels louent un rôle essentiel
dans la relation-client ;
– Programmes d’action : toutes les activités orientées vers la vente s’ins-
crivent dans des programmes cohérents ;
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 14 – La démarche marketing 329

– Performance : un pilotage global assure une efficacité du marketing


qui intègre les valeurs sociétales et environnementales.
D’autres auteurs comme Minter Dial1 proposent de compléter les 4P du
marketing-mix. Ce dernier propose de le faire par 5E (essence des
valeurs, émotion suscitée, engagement de la marque, expérience du pro-
duit ou service, échange dans le cadre de la relation-client) qui expri-
ment l’engagement d’une entreprise dans une relation client plus trans-
parente et coopérative.
POUR EN SAVOIR PLUS
Cova (C.), Louyot-Gallicher (M.), Bonnemaison (A.), Marketing critique : le consommateur
collaborateur en question, Tech et Doc, Lavoisier, 2010.
Dayan (A.), Le marketing, coll. Que sais-je ?, PUF, 2010.
Divard (R.), Le marketing participatif, Dunod, 2011.
Kotler (Ph.), Dubois (B.), Manceau (D.), Marketing management, Pearson Éducation,
2017.
Lambin (J.-J.), Chumpitaz (R.), De Moerloose (C.), Marketing stratégique et opérationnel,
Dunod, 2008.
« L’entreprise et son environnement », Les Cahiers Français, no 233.
Lendrevie (J.), Lévy (J.), Lindon (D.), Mercator, Dunod, 2009.
Lindon (D.), Jallat (F.), Le marketing, Dunod, 2010.
Nuss (E.), Le cybermarketing, mode d’emploi, Les Éditions d’Organisation, 2000.
Pasco-Berho (C.), Marketing international, Dunod, 2008.
Roderer (C.), Marketing et consommation expérientiels, Management et société, 2012.
Prime (N.), Usunier (J.-C.), Marketing international. Développement des marchés et
management multiculturel, Vuibert, 2004.

1.  Minter Dial est un ancien responsable du département « développement professionnel


international » de L’Oréal, créateur de l’entreprise de conseil Myndset Company, spécialiste
de la marque et de la transformation digitale de l’entreprise.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
330
CHAPITRE 15
Management et économie des entreprises

L’activité commerciale :
2. Le marchéage
et la vente

« Le rôle du marketing est de créer de la


valeur perçue par les clients ».
J. Lendrevie, J. Levy, A. de Baynast, Mercator, 2017

La stratégie mercatique1 (marketing management) ne se limite pas au


choix d’un positionnement (marketing stratégique). Il convient ensuite
de mettre en œuvre les programmes commerciaux tactiques (marketing
opérationnel). Puis, les vendeurs de l’entreprise pourront enregistrer les
commandes de la clientèle.
Le marchéage ou marketing opérationnel (marketing-mix) est la combi-
naison des différentes variables d’actions que l’entreprise peut utiliser :
produit, prix, distribution et communication, afin de mettre en œuvre le
positionnement de son offre sur son marché.

I. Quel produit offrir à la clientèle


visée ?
Le marketing du produit peut être conçu comme la politique de concep-
tion et de gestion commerciale des produits de l’entreprise. Une inter-
prétation plus abstraite du marketing-produit est celle de la gestion
d’une offre destinée à un marché. Cela permet d’englober des combinai-
sons de biens et services ou des « bouquets » de produits qui sont offerts
à une cible de clientèle.

1.  Le terme « mercatique » a été proposé par l’Académie française pour remplacer en langue
française « marketing » tiré de l’anglais.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 15 – Le marchéage et la vente 331

A. Les caractéristiques marketing d’un produit


a. Le concept du produit
– De l’image au concept marketing du produit. La première des caracté-
ristiques d’un produit est son aspect physique, mais outre que cela ne
s’applique pas aux services, la mercatique ne s’en tient pas à la stricte
dimension physique du produit, elle intègre aussi une dimension psy-
chologique pour constituer l’image du produit : la façon dont il est
perçu par le client. Cette image évolue avec le temps dans le cadre du
cycle de vie du produit et en fonction du positionnement marketing
choisi par l’entreprise pour son produit.
– La formule-produit correspond à la description technique de son
architecture, ses composants et ses fonctions (performances, avantage
produit).
– Les techniques du marketing collaboratif (ou participatif) permettent
d’associer de plus en plus les consommateurs de façon interactive à la
conception du produit. Cela est largement facilité par le recours à
Internet, la numérisation des informations et l’apparition de commu-
nautés d’internautes. On parle alors de co-création de produit
(concours d’innovation, améliorations de produit, tests de produits et
échanges sur des plateformes collaboratives).

b. Le conditionnement (design et packaging)


L’image se concrétise dans le conditionnement qui fait partie intégrante
du produit. Tout cet ensemble permet de se démarquer de la concur-
rence, de se positionner. L’emballage, le design sont en quelque sorte la
« carte de visite » du produit, un des premiers moyens de communica-
tion commerciale. L’emballage, à lui seul, exerce différentes fonctions :
de protection, d’identification, d’information. Réaliser un design, c’est
décider quel(s) vecteur(s) du système visuel de l’entreprise privilégier
pour rendre visible la stratégie. Un bon design est à la fois esthétique,
fonctionnel, facile à produire, attractif et conforme à l’identité de la
marque.

c. La marque
Le concept de marque intègre deux fonctions : une de différenciation du
produit et une de fidélisation de la clientèle. La marque est à la fois le
nom, le symbole ou le dessin qui représentent les éléments matériels et
immatériels du produit.
La marque est aussi le signe de la qualité de fabrication d’un produc-
teur, mais on assiste de plus en plus à l’émergence des marques de dis-
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
332 Management et économie des entreprises

tributeurs. Ceux-ci, après avoir voulu réaliser artificiellement des pro-


duits sans marque (« produits libres », « produits oranges »…), apposent
de plus en plus leur marque sur certains produits qu’ils distribuent, ceci
pour créer leur propre image de marque et se différencier de leurs
concurrents.
La politique de marque comporte différentes options :
– une marque pour tous les produits (ex : Samsung) ;
– une marque pour une ligne de produits (ex. : Garnier de l’Oréal) ;
– une marque générique avec un complément par produit (ex. : Nestea,
Nescafé, Nespresso, etc. de Nestlé) ;
– une marque par produit.
Certaines entreprises ont hérité d’un portefeuille de marques surabon-
dant résultant de nombreuses fusions-acquisitions et sont contraintes
d’en abandonner afin de réduire leurs charges de promotion et de publi-
cité.

d. La gamme est une réponse à la segmentation


Elle consiste à commercialiser plusieurs produits similaires mais
conçus pour s’adresser à des clientèles différentes parfois par des
canaux de distribution différents. Les conditionnements ou les présen-
tations et parfois les marques sont spécifiques.
L’étendue d’une gamme est constituée par l’ensemble des produits de la
même famille (par exemple le segment des voitures familiales). La lar-
geur de la gamme est le nombre de lignes de produits de la gamme (les
différents modèles de voitures familiales). La profondeur est le nombre
de produits distincts d’une ligne (les différentes options pour un même
modèle).

e. La durée de vie d’un produit (durée


de fonctionnement d’un bien durable)
Elle ne doit pas être confondue avec la durée de son cycle de vie (pré-
sence du produit sur le marché). Un grand nombre d’entreprises pra-
tiquent l’obsolescence programmée de leurs produits afin de s’assurer
un marché de renouvellement conséquent (ampoules électriques, impri-
mantes, batteries de matériel vidéo, téléphones ou outillage portatif,
etc.). La nouvelle orientation de développement durable que procla-
ment certaines firmes et la pression des associations de consommateurs
devraient se traduire par une diminution de cette pratique qui aboutit
à un gaspillage de ressources au niveau global1.

1. Voir aussi p. 334 et 542.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 15 – Le marchéage et la vente 333

B. Le cycle de vie du produit influence


le marketing
Le chiffre d’affaires et la rentabilité d’un produit évoluent généralement
au cours du temps, ils passent par diverses phases. Ces phases pos-
sèdent des caractéristiques bien précises qui impliquent une gestion
appropriée. Néanmoins certains produits « sans âge » échappent à cette
évolution, comme le sel ou l’eau.
LE CYCLE DE VIE D’UN PRODUIT

– La phase de lancement correspond à l’introduction du produit nou-


veau sur le marché. C’est une phase de faible croissance avec des coûts
élevés et une rentabilité faible voire négative.
Les coûts sont élevés car on ne peut profiter d’économie d’échelle et
les frais de commercialisation sont très importants. La faible crois-
sance est due à une pénétration progressive du marché (seule la clien-
tèle des « découvreurs » achète le produit entièrement nouveau), en
revanche la concurrence est inexistante. La rentabilité est très faible
car il faut couvrir les frais de recherche préalables au lancement.
– La phase de croissance correspond à la diffusion rapide du produit sur
le marché. Les ventes se développent et les profits commencent à aug-
menter par diminution du coût unitaire (économies d’échelle). L’en-
trée de la concurrence impose d’étendre la gamme des produits propo-
sés et d’augmenter la pression marketing sur le marché.
– La phase de maturité correspond à un ralentissement de la croissance
des ventes car le marché se sature et la concurrence se développe. Les
produits, après avoir atteint leur niveau maximal de rentabilité, com-
mencent à décliner en raison de l’accroissement des dépenses de mer-
catique réalisées pour soutenir le produit face à la concurrence.
– La phase de déclin correspond à l’abandon progressif du produit par
le marché. Elle se caractérise par une baisse des ventes, des profits et
de la concurrence. La stratégie à adopter, avant le retrait définitif,
consiste à diminuer la gamme de produits proposés pour ne plus
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
334 Management et économie des entreprises

conserver que les produits majeurs. Ceci permet de récolter les fruits
de l’image de marque développée dans les phases précédentes.
Cette courbe générale du cycle de vie d’un produit peut être plus ou
moins étalée, avec des rebondissements ou redémarrages. La tendance
actuelle est plutôt au raccourcissement de la durée de vie des produits
par un accroissement du rythme des découvertes scientifiques et tech-
niques et une accélération de la diffusion de l’innovation. Certaines
entreprises vont même jusqu’à programmer l’obsolescence de leur pro-
duit, ce qui est un délit depuis la loi relative à la transition énergétique
de 20151.

C. L’innovation de produit (v. aussi p. 185)


La nouveauté du produit détermine pour une part importante la com-
pétitivité de l’entreprise sur son marché. Dans le cas d’un produit radi-
calement nouveau (innovation de rupture), l’innovation crée le marché
et confère à la firme une position de monopole. Dans le cas d’une inno-
vation d’amélioration d’un produit déjà existant (innovation incrémen-
tale), celle-ci peut faciliter la différenciation du produit de l’entreprise,
source de rentabilité.
Néanmoins dans certains secteurs, l’avantage de l’innovateur (le « pion-
nier » ou leader) peut être minime étant donné le coût de l’innovation
et les risques qu’elle comporte. Une stratégie d’imitation (celle du « sui-
veur » ou « challenger ») peut donc devenir rentable, notamment lorsque
le suiveur maîtrise des actifs complémentaires, utiles à la valorisation
du nouveau produit (que ce soit sur un plan technologique, commercial
ou financier).
EXEMPLE
– Microsoft qui, en 1985, lance le système d’exploitation Windows afin de suivre le
leader Apple qui avait lancé en 1983 le premier système d’exploitation intuitif
Macintosh.
– Samsung par rapport à Apple sur le marché des tablettes et des smartphones.

II. Quel prix fixer ?


Le prix du marché théorique de la concurrence parfaite est le résultat
d’une confrontation entre les offres et les demandes. La détermination
du prix au niveau d’une entreprise est beaucoup plus complexe. Le prix

1.  Ce délit est sanctionné en France par une peine maximale de deux ans d’emprisonne-
ment et 300 000 € d’amende.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 15 – Le marchéage et la vente 335

est un élément de la stratégie commerciale et la confrontation ache-


teur-vendeur se réduit souvent à un choix binaire : achat ou non-achat.
Le prix est la seule variable du marketing-mix qui rapporte des reve-
nus alors que les autres variables coûtent. Mais la fixation du prix obéit
à certains objectifs et ne peut ignorer un certain nombre de contraintes.

A. Les objectifs d’une politique de prix


Ils sont doubles :
– Les objectifs commerciaux : la pratique de prix plus ou moins bas
permet un accroissement des ventes et des gains de part de marché
tandis qu’un prix élevé peut permettre d’écrémer le marché en étant
synonyme de qualité (Apple, Louis Vuitton, Rolls-Royce) ;
– Les objectifs financiers : il faut assurer la rentabilité de l’entreprise,
donc réaliser l’équilibre entre le prix et les quantités vendues qui per-
met de maximiser le profit.

B. Les contraintes d’une politique de prix


– La première des contraintes est interne, c’est le coût de revient du
produit à couvrir. Néanmoins, le coût unitaire d’un produit n’est pas
une constante, il varie en fonction des quantités produites. Le coût de
revient unitaire diminue du fait de l’effet d’apprentissage et de l’effet
de taille qui permet une répartition des charges fixes sur une plus
grande quantité (économies d’échelle1). Le prix dépend aussi de la
prévision des ventes qui sera réalisée puisque les ventes prévues
déterminent la quantité à produire et la capacité de production néces-
saire donc le coût de revient unitaire.
– Les contraintes concurrentielles (prix et qualité des produits concur-
rents, information et psychologie des consommateurs) sont très fortes
sur un marché banalisé (voiture, lessive).
– Les contraintes institutionnelles se matérialisent par l’intervention
possible des pouvoirs publics (contrôle des prix) par la réglementation
en vigueur (réglementation du prix du livre, de l’énergie, du médica-
ment ; interdiction des ventes à perte et de prix prédateurs ou prix
abusivement bas).
L’offre de prix abusivement bas par rapport aux coûts de production, de
transformation et de commercialisation, constitue une pratique anti-
concurrentielle interdite par le Code de commerce lorsqu’elle a pour
objet ou peut avoir pour effet d’évincer ou d’empêcher des entreprises
concurrentes d’accéder à un marché.

1. Voir les économies d’échelle, p. 355.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
336 Management et économie des entreprises

C. Les méthodes de fixation du prix


a. L’approche par les coûts
C’est la méthode la plus classique, le prix de vente correspond à l’addi-
tion du coût de revient et de la marge. La rémunération des capitaux
investis implique un certain taux de marge que doit réaliser chaque
produit. Ce type de fixation, purement comptable, est surtout utilisé par
les entreprises opérant dans les secteurs des biens industriels, le profit
étant engendré par la maîtrise de la production. Il nécessite une parfaite
connaissance des coûts, donc une comptabilité analytique performante
et privilégie la fonction de production dans la réalisation du profit.

b. L’approche par la prise en compte


de la concurrence
– L’alignement est une méthode de fixation qui consiste à observer les
prix de la concurrence et en particulier ceux du leader qui fixe le
« prix de référence », puis à s’aligner sur ceux-ci en fonction de la
stratégie commerciale adoptée.
– Une politique d’écrémage (marges élevées sur de petites quantités)
fixera un prix supérieur au prix moyen du marché tandis qu’une poli-
tique de pénétration (faibles marges sur des quantités importantes),
fixera un prix inférieur.
EXEMPLE
Une entreprise comme SEB évite une trop forte concurrence par les prix en misant
sur l’innovation de produit. C’est ainsi que 6 produits sur dix vendus par les nom-
breuses marques du groupe à travers le monde ont été conçus il y a moins de 3 ans.

c. L’approche par la prise en compte de la demande


de la clientèle
• L’élasticité. Le responsable marketing étudie les comportements de la
demande vis-à-vis des variations de prix. Il a besoin de connaître les
réponses des ventes à des modifications de prix du produit, c’est-à-
dire l’élasticité des ventes par rapport au prix. L’élasticité-prix d’un
produit est le rapport entre la variation des quantités et la variation de
prix. Elle mesure le pourcentage de variation de la demande en réac-
tion à une variation du prix de 1 %.
DQ DP où DQ = Q1 – Q0
e= ∏
Q0 P0 et DP = P1 – P0
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 15 – Le marchéage et la vente 337

L’ÉLASTICITÉ DES COURBES DE DEMANDE

Courbe très élastique (1) : une faible augmentation du prix entraîne une forte diminution des
quantités vendues (automobiles).
Courbe peu élastique (2) : une grande augmentation du prix entraîne une faible diminution
des quantités vendues (pain).

• Le prix psychologique. Pour un produit nouveau, on va se demander


quel prix pratiquer. C’est-à-dire, quel prix le consommateur est-il prêt
à payer ? La détermination du « prix psychologique » cherche à établir
une zone d’acceptabilité à partir de la réponse à deux questions : « à
quel prix pensez-vous que ce produit serait trop cher ? » et « en des-
sous de quel prix pensez-vous que la qualité ne serait pas assurée ? ».
On obtient, en cumulant les non-mécontents pour chaque niveau de
prix, le prix le mieux accepté, c’est-à-dire accepté par le plus grand
nombre de clients potentiels.
LE PRIX PSYCHOLOGIQUE

Toutes ces stratégies de prix peuvent buter sur un obstacle de taille : la


distribution. Les intérêts du producteur divergent parfois de ceux du
distributeur qui vend le produit au consommateur et veut lui aussi pra-
tiquer une politique de prix. Tel producteur voudra mener une politique
d’image de marque, avec des prix élevés alors que le distributeur dési-
rera brader le produit, pour pratiquer un prix d’appel. C’est alors le
rapport de force entre ces deux partenaires de la chaîne logistique qui
permettra de trancher.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
338 Management et économie des entreprises

III. Comment distribuer le produit


à la clientèle ?
L’entreprise qui fabrique le produit, le vend parfois de manière directe1
au consommateur final, mais elle passe souvent par des intermédiaires
plus ou moins nombreux. La distribution, étape indispensable, peut
prendre des formes très diverses. C’est un élément fort de différenciation
des entreprises. Le problème majeur qui se pose à l’entreprise produc-
trice est de savoir comment elle peut mener une politique de distribu-
tion autonome et indépendante au travers d’intermédiaires qu’elle ne
contrôle généralement pas.
Le réseau ou circuit de distribution « construit » par l’entreprise doit
permettre à la fois le transport, le stockage, l’information et la commer-
cialisation auprès de la clientèle finale. On constate donc un certain
croisement avec la fonction logistique (v. chapitre 18 consacré à cette
fonction).

A. Le circuit de distribution
Il est constitué par l’ensemble des intermédiaires et des activités qui permettent à un
produit d’atteindre le consommateur final.

Le circuit de distribution se caractérise par sa longueur (le nombre d’in-


termédiaires ou de niveaux existant entre le producteur et le consomma-
teur) et par le nombre de canaux (intermédiaires de même nature ou de
même spécialisation).
– Le circuit court va directement du producteur au consommateur et ne
comporte aucun intermédiaire, c’est le marketing direct : vente sur le
lieu de production, vente directe par Internet, par correspondance, ou
vente par représentants. Le développement du e-marketing (ou net-
marketing ou encore cybermarketing) a permis un développement
important de la vente directe au cours des dernières années.
– Le circuit à un niveau comporte un seul intermédiaire, c’est le plus
souvent le détaillant, par exemple une chaîne de distribution intégrée,
une coopérative de consommation ou une entreprise de distribution à
distance, comme le e-commerce.
– Le circuit à deux niveaux comprend deux intermédiaires : le grossiste
et le détaillant.

1.  On constate un regain de la vente directe à partir d’un portail internet qui permet de
toucher l’ensemble de la clientèle potentielle, sans point de vente, pour des produits relati-
vement standardisés.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 15 – Le marchéage et la vente 339

– Le circuit à trois niveaux est relativement long. Il s’ajoute un


semi-grossiste entre le grossiste et le détaillant ou un courtier entre le
producteur et le grossiste. Cela se justifie par la difficulté de la distri-
bution liée à certaines caractéristiques du produit, comme la périssa-
bilité (ex. : poissons ; viande ; fleurs, etc.).
Plus le circuit est long, plus le contrôle devient difficile.

B. L’évolution des circuits


On assiste de plus en plus au développement des systèmes marketing
verticaux où le circuit de distribution devient un réseau organisé, cen-
tralisé et géré de manière optimale. On distingue quatre types de circuit.
– Le système direct où l’entreprise vend directement ses produits aux
clients finals de son produit, même si elle peut utiliser pour cela le
service de certains prestataires (stockeurs, transporteurs, transitaires).
L’entreprise reste propriétaire des stocks éventuels et déclenche elle-
même la livraison contre un paiement qu’elle perçoit directement, de
plus en plus souvent en ligne au moment de la commande (On constate
aujourd’hui un développement remarquable du e-commerce direct
avec 37 millions de cyberacheteurs en fin 2016, selon Médiamétrie).
– Le système intégré où une même société possède les différents niveaux
de distribution, de la centrale d’achats aux magasins de vente (ex. : les
chaînes de supermarchés et hypermarchés pour les produits de
consommation courante).
– Le système contrôlé où une société domine, de par son rôle de leader,
l’ensemble du circuit (ex. : De Beers pour les diamants pendant de
nombreuses années).
– Le système contractuel regroupe des entreprises indépendantes qui,
par contrat, décident de coordonner leur propre distribution. Cela peut
prendre la forme de coopératives de détaillants qui s’unissent pour
faire face au commerce intégré (ex. : « système U »). Le contrat de fran-
chisage est une autre forme de coopération où le producteur (franchi-
seur) autorise des détaillants (franchisés) à distribuer ses produits sous
certaines conditions stipulées dans un contrat (ex. : le réseau Feu-
vert). Le franchiseur fait bénéficier les franchisés d’une assistance
technique, financière et commerciale en échange d’une redevance. Le
contrat de concession (concessions automobiles) fait aussi partie de ce
type de système1.
La relation producteur/distributeur a souvent évolué au profit du distri-
buteur. Cette évolution ne se limite pas à la vente des produits alimen-
taires. Le commerce intégré (les grandes chaînes de distribution) impose

1. Voir aussi p. 236.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
340 Management et économie des entreprises

souvent sa propre politique de distribution (politique d’enseigne, de


discount…). Ce phénomène résulte de la puissance commerciale mise en
œuvre où l’intermédiaire (Carrefour, Casino, Auchan) est en position de
force par rapport au fabricant.

C. Décisions relatives à l’organisation


d’un circuit
L’évaluation des circuits et leur sélection sont fonction des objectifs
stratégiques définis et des contraintes existantes.
• Ces contraintes peuvent être dues :
– au marché (densité démographique, habitudes des consommateurs,
canaux concurrents, contraintes juridiques) ;
– au produit (spécificité, cycle de vie, conditionnement, service après-
vente) ;
– au producteur (puissance financière, image de marque, objectifs
visés…) ;
– au distributeur (objectifs commerciaux, coûts, image d’enseigne…).
• La stratégie de distribution qui est définie dans le cas d’une grande
entreprise, est déterminée par le choix du ou des circuits de distribu-
tion. Elle peut être de trois types :
– la distribution intensive utilise tous les types de canaux disponibles.
Elle s’applique aux biens banals de grande consommation ;
– la distribution sélective où le fabricant choisit ses intermédiaires pour
pouvoir pratiquer une politique commerciale (d’image de marque)
dont il contrôlera plus ou moins l’application ;
– la distribution exclusive où le fabricant limite volontairement le
nombre de détaillants en réservant le droit de distribuer ses produits
dans un secteur donné à un seul point de vente. C’est le cas des
concessionnaires automobiles ou du franchisage.

D. Décisions relatives à la gestion d’un circuit


Ces décisions concernent la gestion des intermédiaires, il faut les sélec-
tionner, les motiver et les évaluer.
– Leur sélection obéit à certaines règles de fiabilité, de solvabilité et de
compétence mais souvent la nature du produit impose le choix de
certains canaux, comme la grande distribution pour les produits ali-
mentaires industriels. Le producteur doit en outre veiller à ne pas se
limiter à un seul distributeur dont il pourrait perdre le contrôle.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 15 – Le marchéage et la vente 341

– Leur motivation entre dans le cadre des relations commerciales. Elle


peut être stimulée par une augmentation de la marge, des conditions
de crédit plus favorables ou une action publicitaire.
– La gestion du circuit passe nécessairement par son évaluation en
matière de couverture du marché, de délai de livraison, de stock ou de
prestation de service à la clientèle…

E. Relations avec les distributeurs


Les entreprises qui ne vendent pas directement à leur clientèle finale ou
qui ne maîtrisent pas leur réseau de distribution, doivent souvent passer
par la grande distribution pour accéder à leur clientèle finale (ex. : 80 %
des ventes d’eaux en bouteille).
Elles doivent pour cela obtenir par la négociation d’être référencées par
la centrale d’achat du distributeur. Ce n’est qu’à cette condition que les
points de vente pourront ensuite passer des commandes de leurs pro-
duits. Étant donné le rapport de force souvent très inégal entre les PMI
et les grands-distributeurs, celles-ci doivent se plier aux conditions qui
leur sont imposées en termes de qualité, conditionnement et marge du
distributeur…
Les représentants doivent ensuite réaliser des visites périodiques chez
les distributeurs (v. infra le paragraphe consacré à la force de vente) et
participer activement au merchandising (v. infra) des produits.

IV. Comment faire connaître


le produit ?
A. La communication commerciale
a. Le processus de la communication commerciale
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
342 Management et économie des entreprises

L’émetteur conçoit une idée qu’il veut transmettre, pour cela il la met en
forme, la code selon son expérience, la transcrit pour qu’elle parvienne
de la manière la plus intégrale au destinataire.
Il élabore son message à travers son propre champ de signification. Ce
message circule ensuite jusqu’au récepteur par le biais des médias qui
sont les différents moyens de communication de masse, en subissant
des distorsions diverses. Le récepteur capte le message, le décode et le
comprend suivant sa propre logique. En fonction de l’idée qu’il a reçue,
il émettra à son tour une réponse (l’achat par exemple) dont l’émetteur
ne saisira qu’une partie et qui illustre le principe de la rétroaction.
La conception des messages peut faire appel au marketing collaboratif
(ou participatif) qui associe de façon interactive des consommateurs aux
spécialistes du marketing de l’entreprise.
Le lancement de produits s’accompagne le plus souvent d’une forte
communication commerciale. C’est par exemple le cas dans la parfume-
rie dont les producteurs n’hésitent pas à investir des sommes considé-
rables dans la communication commerciale.
LE PARFUM INVICTUS
En juillet 2013, il est lancé mondialement par la marque Paco Rabanne du groupe espa-
gnol PUIG (campagne réalisée par l’agence de publicité Mazarine) pour un montant de
plusieurs dizaines de M€. Dans ce secteur, 400 parfums sont lancés chaque année sur le
marché français et il faut donc activer une différenciation perceptuelle importante. En
2012, Cartier a ainsi dépensé 4 M€ dans un spot de publicité institutionnelle pour fêter
les 165 ans de la marque. En 2004, Chanel avait dépensé 25 M€ pour un spot promotion-
nel de son parfum No 5.

b. La stratégie de communication commerciale


La stratégie de communication vise à améliorer la notoriété de la
marque, l’image de l’entreprise et l’attractivité commerciale de ses pro-
duits. Elle passe par différentes étapes.
– La définition de la cible visée, il faut savoir à qui l’on s’adresse pour
élaborer de façon optimale le message à transmettre.
– L’objectif final à atteindre est l’achat mais celui-ci passe par différents
stades obligatoires pour se concrétiser, car souvent ce n’est pas seule-
ment le produit que l’on achète mais une émotion ou une idée dont il
est le symbole.
– Le message à transmettre est fonction de la cible et doit circuler au
travers de médias adaptés pour véhiculer l’émotion souhaitée. Il y a
lieu de définir de manière très précise le contenu, la structure et la
forme du message, ainsi que son canal de transmission.
LE PROCESSUS D’ACHAT
Connaissance Attitude Comportement
Entreprise Achat
du produit favorable modifié
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 15 – Le marchéage et la vente 343

– L’établissement d’un budget de communication. Celui-ci peut être


établi de deux façons :
• de manière forfaitaire en pourcentage du chiffre d’affaires. Il permet
alors une action continue mais parfois peu appropriée et peu réactive ;
• en fonction des objectifs à atteindre. Il est logiquement plus efficace
mais souvent, plus coûteux.

c. Les formes de communication


La communication peut porter sur les produits ou les services commer-
cialisés par l’entreprise, mais elle peut aussi porter sur l’entreprise elle-
même et son image.
Les moyens de la communication découlent du type de communication
et de la stratégie adoptée.
On distingue principalement :
– la communication de masse qui s’adresse à toute la population ciblée
de façon uniforme, en s’appuyant sur les différents medias. Ses formes
sont diversifiées : la publicité, le parrainage (ou sponsoring) et le
mécénat, les évènements commerciaux (foires et salons profession-
nels) ;
– la communication relationnelle qui vise une cible spécifique de pros-
pects, en s’appuyant sur le marketing direct (phoning, publipostage
mailing, messages électroniques) ou sur une relation via le personnel
commercial de l’entreprise (force de vente, SAV, administration des
ventes).
Si la communication commerciale tend à envahir les différents supports
des relations sociales, notamment dans le cadre des actions publici-
taires, une étude publiée en décembre 2013 par le Boston Consulting
Group montre que le média le plus efficace pour vendre des produits
reste le bouche à oreille. C’est ainsi que 62 % des consommateurs fran-
çais font le plus confiance aux conseils de la famille et des amis pour
choisir leurs produits.

B. La publicité
a. Définitions
La publicité ou publicité-média est une forme de communication « impersonnelle » de
masse, unilatérale, réalisée au profit d’un annonceur et utilisant des supports payants.

Les annonceurs ou émetteurs sont ceux qui commandent la publicité.


Ils étaient traditionnellement représentés par les entreprises commer-
ciales mais, de plus en plus, d’autres organisations sont concernées par
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
344 Management et économie des entreprises

la publicité, telles que les entreprises industrielles, des organismes


publics ou des organisations caritatives.
C’est une communication impersonnelle car il n’y a pas de contact
direct avec le récepteur, elle se réalise en utilisant des vecteurs de com-
munication, supports des différents médias.
Les médias représentent l’ensemble des supports qui concernent un
même mode de communication. On compte six grands médias : la
presse, la télévision, l’affichage, la radio, le cinéma et Internet.
La « guerilla marketing » désigne des opérations publicitaires inhabi-
tuelles visant à obtenir un « effet gag » et un effet « bouche à oreille »,
notamment sur Internet (le « buzz »). On utilise également le terme de
«  marketing viral » pour désigner la communication par clip vidéo
transmis en pièce jointe par email, de poste à poste (ex. : des « perles »
d’un soi-disant oral du bac diffusé par BIC) et on évoque un « marketing
d’embuscade » (ambush marketing) pour désigner les actions de com-
munication basées sur un détournement ou un piratage d’événements
afin de mettre en avant à faible coût, la marque de l’entreprise (cf. le
célèbre exemple de la présence animée de « DIM girls » dans les tribunes
pendant un match international de rugby entre la France et l’Irlande en
2007).

b. Objectifs
Les objectifs de la publicité sont ceux de la communication commerciale
présentés plus haut. Pour cela la publicité cherche à combiner une
action d’information et une action de séduction visant finalement à faire
acheter les produits de l’entreprise.
Les objectifs de la publicité commerciale proprement dite (visant la
vente des produits) varient suivant l’évolution du cycle de vie du pro-
duit. En phase de lancement, la publicité servira principalement à
informer les clients potentiels. Dans les phases de fin de croissance et de
maturité (forte pression concurrentielle), elle essaiera surtout de les per-
suader d’acheter le produit de la marque en s’efforçant de le différen-
cier des produits concurrents.

c. Décisions
– La répartition du budget de publicité entre les différents moyens uti-
lisés, en fonction des objectifs retenus.
– Le choix du message création publicitaire à faire passer (la copy-
strategy).
– Le choix des supports qui en découlent (le plan média ou media-plan-
ning). Construire un plan-média, c’est donc avant tout choisir des
médias, choisir des supports, choisir des emplacements (dans l’espace
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 15 – Le marchéage et la vente 345

et dans le temps) en fonction des objectifs commerciaux de l’annon-


ceur.
– La programmation dans le temps des actions publicitaires, c’est-à-
dire d’organiser le déroulement de la campagne publicitaire.

d. Mesure de l’efficacité
Elle peut se faire en terme de ventes (variation de chiffre d’affaires par
rapport au passé ou sur un marché-test) sur la base d’études statistiques
ou en terme de communication (le message a-t-il été reçu, compris,
retenu ?) sur la base d’enquête par sondage. C’est la partie la plus déli-
cate de l’outil publicitaire par sa difficulté d’appréciation et par le délai
nécessaire pour obtenir des mesures auprès de la clientèle ciblée.

C. Le marchandisage ou merchandising
Il s’agit des méthodes utilisées pour adapter en permanence l’assortiment des produits
aux besoins des clients et pour assurer aux produits une présentation attractive dans les
linéaires des points de vente.

Cette pratique constitue une forme de communication passive, indispen-


sable dans la vente en libre-service. Le réassortiment permet de rester en
phase avec la demande tandis que la position et le conditionnement du
produit permettent un repérage et une identification immédiats de
celui-ci. Ces moyens sont souvent le résultat de la négociation de la
force de vente avec le gestionnaire du rayon et du suivi régulier du rayon
par le représentant du producteur (réassortiment, signalisation, etc.).

D. Les actions de relations publiques


a. Définition
Les relations publiques regroupent un ensemble d’actions qui visent à conforter l’image
de la marque ou de l’entreprise. Elles exercent un effet de levier sur la publicité commer-
ciale en renforçant son impact auprès des consommateurs.

b. Objectifs
Il s’agit de faciliter les relations de l’entreprise avec toutes ses parties
prenantes primaires et secondaires, internes et externes (v. p. 6). Ils
peuvent être de renforcer ou de reconstruire l’image de l’entreprise dans
le public, d’accroître sa notoriété et de motiver le personnel. Ils sont
aussi de faciliter le marketing de l’entreprise.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
346 Management et économie des entreprises

c. Moyens
Ce sont d’abord les relations de presse (achat d’espaces média, commu-
niqués de presse), la communication institutionnelle (journal ou radio
interne ; site internet ; vidéos), ainsi qu’une action plus informelle
auprès des élus dans le cas des grandes entreprises (lobbying).
D’autres moyens de communication institutionnelle très utilisés actuel-
lement sont le parrainage ou sponsoring (soutien accordé à un événe-
ment en contrepartie d’une exploitation commerciale de celui-ci) et le
mécénat (soutien financier désintéressé d’un événement ou d’une
œuvre). Les actions de publicité institutionnelle (publicité de l’image de
l’entreprise elle-même) sont très prisées car l’image qu’elles développent
est devenue un des facteurs clé de la réussite des grandes entreprises
auprès de leurs différentes parties prenantes (clientèle, épargnants, four-
nisseurs, préteurs, etc.).

d. Mesure des résultats1


Elle est difficile car les relations publiques s’intègrent dans la politique
globale de communication. La méthode du press-book, qui consiste à
comptabiliser le nombre d’articles obtenus dans la presse écrite et audio-
visuelle, permet cependant de fournir quelques indications (certains en
chiffrent l’équivalent publicitaire). Il est aussi possible de réaliser des
enquêtes par sondage dans la foulée des actions menées (impact sur la
notoriété, l’intérêt, la préférence, le comportement). Selon certains com-
mentateurs, les relations publiques, en développant une image favorable
de la marque de l’entreprise, permettraient de préserver ou d’amplifier
l’efficacité des messages publicitaires de celle-ci. Elles sont parfois un
contre-feu indispensable lorsque des perturbations ont dégradé la noto-
riété et la confiance des publics de l’entreprise (ses diverses parties
prenantes).
EXEMPLES
SNCF, Orange (ex-France Télécom), LCL (ex-Crédit Lyonnais), Toyota, Groupe VW.

E. La promotion des ventes


a. Définition
La promotion des ventes est un ensemble de techniques qui tendent à réaliser un
accroissement des ventes, pendant une courte période, en offrant aux distributeurs ou
aux consommateurs un avantage exceptionnel.

1.  Voir les « Principes de Barcelone 2.0 » de l’Association for the Measurement and Evalua-
tion of Communication (AMEC), définis en 2015.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 15 – Le marchéage et la vente 347

b. Objectifs et moyens
L’objectif de la promotion des ventes est de stimuler celles-ci en accor-
dant un « plus » au produit et de conforter « l’image de marque » par un
dynamisme commercial. Les objectifs et les moyens sont différents sui-
vant que l’on s’adresse :
– aux consommateurs pour obtenir un essai ou un achat plus important.
– Pour cela l’entreprise peut proposer : des coupons à détacher qui
accordent une réduction du prix, une offre spéciale (article jumelé,
échantillon gratuit, quantité supplémentaire), des concours, la promotion
sur les lieux de vente (PLV) avec une mise en avant par des présentoirs ;
– aux distributeurs en vue, d’un accroissement des commandes et des
stocks, de fidéliser à la marque ou de contrer les produits concurrents.
– Dans ce but, l’entreprise accordera selon les cas : une remise spéciale,
des aides au point de vente, des voyages ;
– à la force de vente afin de stimuler l’effort de vente.
L’entreprise peut offrir : une prime de fin d’année, des récompenses en
nature comme des voyages.

V. La vente
L’action commerciale regroupe toutes les activités qui ont trait à la vente
proprement dite. Toute politique commerciale est dépendante de ceux
qui la mettent en place, qui assurent le contact avec le client.
La force de vente est constituée par l’ensemble de ceux qui sont chargés
de réaliser la vente, les « vendeurs ». On distingue généralement la force
de vente sédentaire (cas des entreprises de distribution) et la force de
vente itinérante (représentants). Elle est le maillon indispensable entre
l’entreprise et le client. L’animation de la force de vente est générale-
ment de la responsabilité du directeur des ventes. Elle vise à motiver et
mobiliser les vendeurs lors de sessions de formation et de partage d’ex-
périences. L’administration des ventes assure quant à elle le suivi admi-
nistratif des ventes et la gestion des fichiers clients.

A. Par l’action de la force de vente


a. Ses objectifs
L’objectif primordial est d’assurer le contact commercial, de réaliser la
négociation avec le client. Le travail de la force de vente peut se décom-
poser en divers objectifs qui s’enchaînent chronologiquement.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
348 Management et économie des entreprises

– La constitution et l’élargissement de la clientèle, c’est la prospection


des nouveaux clients qui peut s’appuyer sur un portail internet.
– La négociation, c’est la réalisation de la vente.
– La communication correspond à la transmission à la clientèle des
informations venant de l’entreprise.
– Le service, c’est l’aide technique, financière, le conseil qui peuvent
être rendus à la clientèle. Ce service passe éventuellement par la mise
en rayon, ce qui facilite le merchandising des produits.
– La collecte d’informations : le vendeur recueille des informations pré-
cieuses auprès de la clientèle qu’il transmet en retour à l’entreprise
dans ses rapports d’activité.

b. Les vendeurs itinérants


1. L’organisation de la force de vente
Elle dépend de la structure de l’organisation commerciale et du couple
produit/marché.
Une entreprise qui ne distribue qu’une sorte de produit à des clients
relativement homogènes, structure sa force de vente par secteurs géogra-
phiques, avec des chefs de secteur ou des directeurs régionaux. La dis-
tribution de plusieurs produits ou de produits complexes nécessite une
structure par produit avec des chefs de produit. L’organisation par client
est adoptée quand les clients possèdent une hétérogénéité très marquée,
de par leur activité ou leur volume d’achat.
Il existe une grande diversité de catégories de vendeurs (preneurs
d’ordres, visiteurs, technico-commerciaux, marchandiseurs) mais de
nombreux vendeurs itinérants (représentants) sont polyvalents.

2. La compétence de la force de vente


C’est un des critères de son efficacité. Elle passe par la formation des
commerciaux et par une assistance technique sur le terrain. Un vendeur
est seul dans son travail, il doit pouvoir résoudre chez le client les pro-
blèmes posés.
Le travail assisté par ordinateur tend ainsi à se développer dans la
fonction vente. L’ordinateur portable permet au vendeur un accès rapide
à une base de données commerciales (références, tarifs, argumentaire de
vente, disponibilité et image des produits, etc.) et lui permet de prendre
rapidement une commande.
La formation continue est devenue une nécessité en raison du raccour-
cissement de la durée de vie des produits, des connaissances mises en
œuvre (plan de financement ou micro-informatique) et de l’évolution du
marché (concurrence plus réactive et clients moins fidèles).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 15 – Le marchéage et la vente 349

L’efficacité des vendeurs est facilitée par du matériel de vente (échantil-


lons, plaquettes d’information, imagerie sur écran) et des argumentaires
préparés par le responsable de la force de vente (délégué, directeur ou
inspecteur des ventes). Elle est encouragée par des stimulants (concours
de ventes, réunions, séminaires) qui peuvent se combiner avec le sys-
tème de rémunération.

3. La motivation de la force de vente


C’est un des éléments essentiels de la réussite de sa mission et pour cela
la politique de rémunération mise en place est très importante. Celle-ci
doit prendre en compte trois critères :
– la régularité des revenus ;
– les récompenses pour les performances supérieures à la moyenne ;
– la justice et la compréhension dans le calcul.
La rémunération se compose principalement d’un fixe plus une commis-
sion variable, ainsi que des stimulants occasionnels (concours,
voyages…).

B. L’administration des ventes, soutien


de la force de vente
Les actions commerciales sont relayées sur le terrain par une logistique
qui les rend plus efficaces. On distingue différents types de soutiens
logistiques assurés par un personnel administratif et/ou par des outils
logiciels :
– opérationnel : il concerne le suivi de la commande, c’est-à-dire la
consultation des stocks et la réservation, la mise en fabrication ou le
réassortiment auprès d’un fournisseur si le produit est manquant, la
livraison, la facturation et la tenue du fichier « clients » ;
– d’appui : il concerne la préparation du terrain pour le commercial en
lui fournissant des informations sur le marché, la concurrence, des
fiches de prospection ou mieux des bases de prospects (v. chapitre 7
sur l’information et les bases de données). La publicité mise en œuvre
aide le commercial dans son action, en diffusant une information sur
le produit que le vendeur vient compléter ;
– L’animateur (ou inspecteur ou moniteur) des ventes assure une fonc-
tion de pilotage : il supervise, anime, évalue les représentants. Il per-
met de diriger l’action commerciale en fonction des objectifs définis
en demandant aux commerciaux des prévisions de vente a priori et
des rapports d’activité a posteriori.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
350 Management et économie des entreprises

DU MARKETING À LA VENTE

C. La vente par Internet (e-commerce)


a. Son développement important
Le développement du nombre des internautes (85 % des français) a per-
mis aux entreprises de développer très rapidement le commerce électro-
nique, c’est-à-dire par la vente en ligne, soit directement par l’entreprise
ou par l’intermédiaire de distributeurs (la FNAC, La Redoute, Amazon,
Rue du commerce, etc.) qui pratiquent souvent le drop shipping (un
fournisseur adressant directement la marchandise commandée par le
client auprès du e-commerçant distributeur).
L’évolution de la législation1 en apportant une sécurisation des paie-
ments mais aussi de la formation des contrats (signature électronique) et
des obligations des cybervendeurs (informations obligatoires relatives au
commerçant ; relatives aux droits liés aux données personnelles ; rela-
tives à l’auteur de l’offre et à l’offre elle-même), a favorisé le développe-
ment d’une certaine confiance dans le commerce en ligne.
La facturation électronique encadrée par la réglementation permet de
simplifier les échanges commerciaux.
Ainsi, le Code général des impôts autorise-t-il une facturation sous la
forme d’un échange de données informatisées (EDI) structuré ou bien
sous un format non structuré courant (PDF par exemple) dès lors qu’une
signature électronique garantit leur origine et l’intégrité de leur contenu.
L’opportunité formidable d’accéder à un très grand nombre de pros-
pects pour un investissement réduit (coût d’un site internet combiné à
un référencement efficace auprès des moteurs de recherche) a amené un
grand nombre de petites entreprises à offrir en ligne, s’affranchissant
ainsi des réseaux de distribution traditionnels.

1.  La loi de mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’infor-
mation  ; La loi pour la confiance dans l’économie numérique (juin 2004), complétée par la
loi Chatel (2008).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 15 – Le marchéage et la vente 351

Le développement de l’offre de sociétés spécialisées dans la conception


de sites et la gestion des réseaux informatiques de l’entreprise a permis
à des entrepreneurs néophytes de profiter des TIC combinés à des logi-
ciels informatiques de soutien à la commercialisation.

b. Les avantages du e-commerce1


Pour la clientèle, le commerce électronique est très facile puisqu’il per-
met de se documenter (conseils, devis en ligne, conseils) et de comparer
les offres (sites comparateurs) puis de bénéficier d’un paiement sécurisé
et d’un suivi de la livraison.
Pour les entreprises, le e-commerce permet d’accéder à un très grand
nombre de clients potentiels (prospects) car sur la multitude des inter-
nautes, la clientèle de l’entreprise pourra trouver son chemin pour peu
que celui-ci soit correctement balisé (par un référencement efficace
auprès de moteurs de recherche).
La vente directe permet à l’entreprise de rester compétitive en mainte-
nant une marge bénéficiaire acceptable (qui n’est pas sacrifiée aux dis-
tributeurs traditionnels).
La vente directe se fait dans des conditions sécurisées pour le cyberven-
deur : le paiement est obtenu en ligne au moment de la commande ce
qui est avantageux sur le plan de la trésorerie.
Des outils adaptés de gestion marketing sont aujourd’hui disponibles
(mise à jour du site et du e-catalogue, réactivité en ligne du SAV, etc.).
On utilise parfois les termes de e-marketing ou de cybermarketing pour
désigner la mise en œuvre de tous ces outils en ligne.
Le rapport de P. Terrasse sur le développement de l’économie collabora-
tive propose divers encadrements de ces outils1.

D. La vente à l’étranger : l’exportation


La vente à l’étranger amène des contraintes spécifiques d’adaptation
des produits, de dédouanement, d’augmentation des risques liés au
transport et au crédit-client ainsi qu’aux fluctuations des taux de change
(voir aussi le chapitre 10 La stratégie : Diagnostic et choix stratégique au
niveau global/L’internationalisation).
Les Incoterms 2010 (International commerce terms) encadrent de façon
normalisée les contrats de commerce international et imposent en parti-
culier que soient précisées les responsabilités respectives des acheteurs et
des vendeurs dans le cadre du contrat de vente internationale, notamment
en ce qui concerne la livraison des marchandises (FOB ou FAS ou CIF).

1. V. Le Rapport Terrasse du 8 février 2016 sur l’économie collaborative.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
352 Management et économie des entreprises

Certains outils comme la lettre de change, le crédit documentaire, la


lettre de crédit stand-by, ou encore la garantie bancaire ou l’assurance
crédit (factoring ou affacturage) permettent de limiter les risques (v. aussi
chapitre 21).
Néanmoins, 80 % du commerce mondial est réalisé en compte ouvert
(open account) c’est-à-dire sans aucune garantie de paiement à la date
prévue, ni que le client acceptera bien la marchandise à la livraison. Ces
échanges sont réalisés entre des entreprises partenaires qui ont l’habi-
tude de commercer ensemble. Ils s’inscrivent dans le cadre d’un finan-
cement de la chaîne d’approvisionnement ou supply chain finance
(SCF) qui s’accompagne d’une dématérialisation des documents repo-
sant sur des systèmes d’information adaptés. À cet effet, les banques ont
cherché à standardiser l’échange sécurisé des informations relatives aux
opérations de financement du commerce international (ex. du réseau
interbancaire SWIFT).
POUR EN SAVOIR PLUS
Adary (A.), Libaert (T.), Mas (C.), Westphalen (M.-H.), Communicator, Dunod, 2015.
Blanquier (B.), Théodore (L.), Digital marketing, Elenbi-EBG, 2018.
Bressolles (G.), L’e-marketing, Les topos Dunod, 2012.
Chomorat (L.), La publicité, coll. Que-sais-je ?, PUF, 2013.
Dayan (A.), Le marketing, coll. Que-sais-je ?, PUF, 2010.
Decautin (J.-M.) et Digout (J.), L’e-publicité, Management sup, Dunod, 2011.
Heillbrun (B.), La marque, coll. « Que sais-je ? », PUF, 2017.
Kotler (Ph.), Dubois (B.), Manceau (D.), Marketing management, Pearson Éducation,
2009.
Lambin (J.-J.), Chumpitaz (R.), De Moerloose (C.), Marketing stratégique et opérationnel,
Dunod, 2008.
Lendrevie (J.), Lévy (J.), Mercator, Dunod, 10e édition, 2012.
Lindon (D.), Jallat (F.), Le marketing, Dunod, 2010.
Moniteur du commerce international (MOCI), Actualités règlementaires, https://www.
lemoci.com
Nuss (E.), Le cybermarketing, mode d’emploi, Les Éditions d’Organisation, 2000.
Semprini (A.), La marque, une puissance fragile, Vuibert, 2005.
Stenger (T.) et Bourliataux-Lajoinie (S.), E-marketing et e-commerce, Management sup,
Dunod, 2011.
Syntec Conseil en Publics Relations – Référentiel de la mesure des RP, sept. 2016, http://
referentieldelamesure.com/assets/files/Referentiel_Mesure_Relations_Publics-WEB.
pdf
Vandercammen (M.), Jospin-Pernet (N.), La distribution, De Bœck, 2010.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
CHAPITRE 16 Chapitre 16 – La production de biens 353

La production :
1. La production
de biens

« L’industrie est devenue largement invisible


pour la société française. On continue à par-
ler de la France des usines, en oubliant que
l’industrie est aujourd’hui beaucoup plus
vaste que ses usines. On y trouve des pôles de
recherche, des centres de développement, des
centres logistiques, des unités commerciales,
des data centers, etc. »
Pierre Veltz, La société hyper-industrielle,
coll. La république des idées, Seuil.

« À une humanité sans travail et sans tech-


nique, le globe terrestre ne donne qu’une vie
limitée et végétative : quelques centaines de
millions d’individus subsistant animalement
dans quelques régions subtropicales. »
Jean Fourastié, Pourquoi nous travaillons.

I. Les objectifs et les moyens


des services de la production
A. Les objectifs de la production
La gestion de la production doit aboutir à la fabrication de produits de
qualité, dans les délais requis et au meilleur coût.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
354 Management et économie des entreprises

a. La qualité du produit
La qualité d’un produit ou d’un service est sa conformité aux besoins
exprimés ou implicites de la clientèle.
Elle est influencée par les innovations de produit qui ont lieu dans le
secteur et dont la succession accélérée par la concurrence tend à rac-
courcir la durée de vie des produits. La qualité du produit est parfois
altérée par une obsolescence programmée dont le client ne prendra
conscience que plus tard…
Elle est appréciable techniquement par référence à des normes (ou
standards).
Ces normes peuvent être définies au niveau national par l’AFNOR (Asso-
ciation française de normalisation) et de plus en plus au niveau interna-
tional (normes CEN ou ISO)1.
Les normes de produit garantissent à la clientèle une qualité minimale,
ce qui réduit les « coûts de transaction », facilitant ainsi les échanges.
Dans le secteur agro-alimentaire, on rencontre de nombreuses références
de qualité : 350 labels (dont le célèbre « Label rouge » pour la qualité
gustative), les appellations d’origine contrôlée (AOC) pour le vin et le
fromage, l’appellation « Agriculture biologique » et plus récemment la
certification de conformité à des normes de qualité.
La notion de qualité d’un produit englobe aujourd’hui la traçabilité de
ce produit, notamment dans l’agro-alimentaire. Elle consiste en la possi-
bilité de remonter la chaîne des intermédiaires ayant permis de confec-
tionner celui-ci et de le mettre à la disposition des consommateurs. Elle
est facilitée par le recours aux NTIC (codes barre ; « puces » électro-
niques).

b. Les délais de fabrication


Ils déterminent dans de nombreux cas les délais de livraison à la clien-
tèle. Or, ces derniers sont un argument commercial de premier ordre :
celui de la réactivité, c’est-à-dire la capacité de satisfaire rapidement la
demande de la clientèle.
Les délais dépendent :
– de l’approvisionnement des unités de fabrication en pièces et compo-
sants (consommations intermédiaires),
– en cas de nouveau produit, du temps de passage de la phase de
conception à celle de la fabrication. Celui-ci est fortement réduit par le
recours à des logiciels de conception et fabrication assistées par ordi-
nateur (CFAO),

1.  CEN : Comité européen de normalisation  ; ISO : International standard Organisation.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 16 – La production de biens 355

– de l’organisation générale et des techniques de production utilisées


qui déterminent la productivité de l’entreprise.
EXEMPLE
De nouvelles méthodes de conception : l’ingénierie des systèmes complexes mise au
point dans l’industrie logicielle, appliquée dans l’aéronautique et en cours d’assimi-
lation dans l’automobile.

Cette approche systémique de la conception des produits procure un


gain de temps en éliminant les itérations de l’approche traditionnelle et
en évitant la phase du prototypage remplacée par une validation par
simulation informatique. Les interactions croissantes entre les différents
organes d’un véhicule, liées au développement des systèmes électro-
niques, nécessitent cette nouvelle démarche concrétisée par le « cycle en
V » (modèle utilisé dans l’industrie logicielle depuis les années 1980).

c. Les coûts
Ils sont appréciés par rapport à des standards (coûts prévus qui consti-
tuent en fait des objectifs) ou, le cas échéant, par rapport à des devis.
Leur calcul est l’objet de la comptabilité analytique (ou « industrielle »).
Les coûts de production sont constitués :
– des charges d’approvisionnement en matières énergie et composants ;
– des charges de personnel de fabrication ;
– des charges d’amortissement des équipements productifs (déprécia-
tion des équipements liée à leur usure et leur obsolescence annuelle).
Ils sont fortement influencés par :
– la technique utilisée qui détermine la productivité des équipements et
du travail. La productivité d’un facteur de production se définit
comme le rapport entre la valeur de la production et la quantité de
facteur utilisée ou comme le rapport entre la valeur de la production
et le coût du facteur (elle indique dans ce dernier cas, ce que permet
de produire un euro dépensé en facteur travail ou technique). La tech-
nique détermine également la nature de l’activité de production, tantôt
basée sur une activité répétitive de type fordien, tantôt basée sur une
activité flexible basée sur la polyvalence des équipements et des opé-
rateurs1 ;
– le niveau d’activité (quantité fabriquée) qui détermine les économies
d’échelle réalisables. Les économies d’échelle sont la baisse de coût
unitaire qui résulte d’une augmentation de la quantité produite. Elles
s’expliquent à court terme par la répartition des charges fixes sur un
plus grand nombre d’unités produites (baisse du coût fixe unitaire) et
par l’amélioration du pouvoir de négociation vis-à-vis des fournisseurs

1. Entre 1995 et 2015, la production industrielle française horaire a été multipliée par 4.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
356 Management et économie des entreprises

qui permet des prix d’approvisionnement plus bas (baisse du coût


variable unitaire). Elles s’expliquent à long terme par la possibilité
d’accéder à des systèmes productifs plus efficaces (mais qui ne sont
rentables qu’à partir d’un certain niveau de production) ;
EXEMPLE
Les difficultés de Dassault à rentabiliser son avion Rafale, faute de débouchés ont
illustré la nécessité d’un certain volume de production pour rentabiliser une activité
de production.

– l’analyse de la valeur du produit pratiquée (ou non) par l’entreprise.


L’analyse de la valeur consiste en une recherche systématique d’une
réduction des coûts de production, en maintenant, voire en améliorant
les fonctions principales et secondaires du produit (sa valeur d’usage).
Elle concerne autant les produits existants que ceux en cours d’élabo-
ration. Elle est aussi une remise en cause de la composition du pro-
duit, en fonction de l’évolution des contraintes de sa production, liées
aux nouvelles techniques, et aux nouveaux composants.
EXEMPLE
L’introduction de pièces de moteur automobile en magnésium.

d. Le respect de la réglementation de protection


de l’environnement
La contrainte environnementale est de plus en plus forte du fait de l’évo-
lution réglementaire comme du fait d’une forte demande sociétale (voir
le chapitre 24 : « Entreprise et société »).
Deux facteurs interviennent directement :
– Les normes qui se renforcent et se multiplient se traduisant par une
exigence croissante des donneurs d’ordre qui se réfèrent à la norme
ISO 14001 (reconnaissance d’un système de management environne-
mental et intégration du principe de l’amélioration continue en
matière environnementale) ;
– Le contrôle de l’administration sur les installations devient plus pres-
sant (DRIRE).

B. Les politiques de production


a. Intégration ou externalisation ?
L’entreprise doit, pour chaque élément qui entre dans son produit, choi-
sir entre « faire » le produit (intégration ou internalisation de sa pro-
duction) et le « faire faire » par une autre entreprise (impartition ou
externalisation).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 16 – La production de biens 357

Sur un plan théorique, l’analyse transactionnelle de R. Coase et O. Wil-


liamson permet d’interpréter cette démarche en considérant le niveau
des coûts de transaction et la spécificité des produits fabriqués (cf. dans
le chapitre 13 : Les théories des organisations).
Le choix de l’externalisation, en vogue actuellement, peut aboutir à la
sous-traitance ou au contrat de fourniture. Cette tendance correspond à
une volonté de recentrage des activités de l’entreprise sur son métier.
Poussée à l’extrême, l’externalisation débouche sur l’entreprise-réseau
(v. chapitre 10 p. 237).
En 2014, le nombre d’entreprises de sous-traitance françaises de toute
taille est estimé à 30 319, employant 485 146 salariés. Le total des
chiffres d’affaires des secteurs de sous-traitance industrielle s’est élevé à
472,19 Md€ (Source : Institut supérieur des métiers, Chiffres clés 2015).
En matière de R&D l’entreprise peut recourir au crowdsourcing, c’est-à-
dire à des plates-formes collaboratives pour bénéficier de la créativité et
des connaissances de certains internautes, qui proposent des solutions,
et de nouveaux concepts en ligne. Ces contributeurs recevront un pour-
centage des gains réalisés en cas de mise en œuvre du projet par une
entreprise. On parle aussi de production participative ou d’externalisa-
tion ouverte (aux internautes). Cette pratique est surtout en développe-
ment aux USA1.

b. Délocalisation et relocalisation ?
La délocalisation de nombreuses activités industrielles s’explique autant
par la recherche de diminution des coûts de production que par la pos-
sibilité d’accéder à de nouveaux marchés en pleine expansion (en
Chine, en Inde ou en Amérique latine par exemple). On peut remarquer
qu’après une vague de délocalisation de la sous-traitance dans les pays
à bas salaires, certains industriels européens relocalisent leurs fabrica-
tions à forte valeur ajoutée dans le pays d’origine, afin d’éviter la
concurrence « sauvage » des sous-traitants asiatiques (qui ne connaissent
pas le droit de propriété intellectuelle) et de resserrer la relation
« conception-fabrication », source de réactivité. La recherche de réduc-
tion des coûts de fabrication se fait alors par un développement de l’au-
tomatisation.
REMARQUES
Entre 2009 et 2013, 44 entreprises ont relocalisé une partie de leur production en
France, tandis que 267 délocalisaient, selon l’Observatoire de l’investissement (www.
observatoire-investissement.fr).

1.  En Europe, le crowdsourcing est surtout pratiqué de façon bénévole, en dehors du cadre
de l’entreprise (par ex. : Wikipédia, Open Street Map).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
358 Management et économie des entreprises

Néanmoins, selon E. Le Boucher, « Les délocalisations ne représentent que 5 % des
suppressions d’emplois et les différentiels de coût en Europe ne peuvent pas être
accusés d’être les responsables du chômage. L’emploi qui part compte peu par rap-
port à l’emploi qui meurt sur place (à la suite de faillites ou de contrats non renouve-
lés) ou qui ne se crée pas sur place. » (in Éric Le Boucher, Économiquement incorrect,
Grasset, 2005).
« Pour les entreprises qui souhaitent relocaliser leurs activités, l’opération n’est pas
aussi simple qu’il y paraît. Il faut en effet faire du sourcing et retrouver des sous-trai-
tants et des fournisseurs de qualité » (in « Relocalisation industrielle, la sous-trai-
tance made in France », lenouveléconomiste.fr, déc. 2016).

c. Recherche de flexibilité technique


C’est la capacité d’adaptation de la production aux évolutions qualita-
tives (évolution des caractéristiques du produit) et quantitatives (évolu-
tion de la quantité fabriquée) de la demande. Elle procure à l’entreprise
de la réactivité.
J.-C. Tarondeau considère que les stratégies industrielles actuelles
(« stratégie industrielle de la troisième phase ») sont d’abord celles de la
recherche de flexibilité, dans les techniques, l’organisation et les pro-
duits eux-mêmes.
La flexibilité technique peut être celle du mode de production
• Interne, • Externe,
lorsqu’elle consiste en une flexibilité de lorsqu’elle consiste à recourir à la sous-
l’appareil productif lui-même. Surcapacité traitance pour faire supporter à d’autres les
des équipements et flexibilité du travail à-coups de la demande. Celle-ci devient
apportent une flexibilité quantitative tandis une délocalisation lorsque la sous-traitance
que la polyvalence des équipements et du aboutit à un transfert de production dans
personnel permet par programmation ou une autre région ou un autre pays.
même par modification manuelle des
réglages, de modifier les caractéristiques du
produit.
La flexibilité technique peut aussi être celle du produit…
alors conçu comme un assemblage de pièces, modules et composants dont
l’« architecture » et la composition évoluent pour suivre la demande. (voir le « sur-
mesure de masse »)

d. Recherche de volume
La flexibilité technique n’a pas fait disparaître l’intérêt de la production
en grande série qui apporte des économies d’échelle, si avantageuses
pour l’entreprise en termes de compétitivité et de rentabilité.
Mais la recherche de volume a dû évoluer afin de rester compatible avec
l’évolution rapide des produits et la demande de personnalisation de la
clientèle. De nouvelles méthodes ont émergé (v. infra la différenciation
retardée et la modularité p. 369-370).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 16 – La production de biens 359

C. Les moyens de la production


a. Les facteurs de production
On doit distinguer les facteurs humains et les facteurs matériels.
• En ce qui concerne les facteurs humains se posent plusieurs ques-
tions :
– celle de l’adaptation du personnel aux besoins, en quantité et en qua-
lité. La capacité d’adaptation du facteur travail de l’entreprise à des
besoins fluctuants, constitue la « flexibilité du travail » ;
– celle de la motivation du personnel, sans laquelle la productivité du
travail reste médiocre. Pour obtenir cette motivation, les entreprises
doivent fournir un effort important d’intégration du personnel.
• En ce qui concerne les facteurs matériels il faut distinguer le capital
technique fixe (ensemble des équipements productifs) et les matières
et produits semi-finis auxquels s’applique l’effort de production.
Il faut ajouter aux facteurs de production proprement dits, les ressources
financières dont l’entreprise a besoin. (En effet, la production détermine
une grande part des investissements, du fonds de roulement et de la
trésorerie). Il faut enfin ajouter l’organisation de la production qui, elle
aussi, influence l’efficacité et la productivité de l’entreprise. Elle est
l’objet du travail du bureau des méthodes.
D’une façon générale, l’entreprise cherche à améliorer l’efficacité de ses
facteurs, mesurée par la productivité (définie p. 355), en perfectionnant
son système productif par des innovations dans les modes d’organisa-
tion (ingénierie concourante par exemple) ou dans les procédés de fabri-
cation.

TABLEAUX RÉCAPITULATIFS DES SERVICES TRADITIONNELS DE LA PRODUCTION


Les services opérationnels

Fabrication
Fabrique les produits (quantité, qualité, délai), selon les commandes ou « pour le stock ». Il
se compose d’ateliers divisés en sections. La fabrication assistée par ordinateur (FAO) est
pratiquée dans de nombreuses entreprises industrielles. Sa gestion est elle-même
fréquemment automatisée sous la forme de la gestion de production assistée par
ordinateur (GPAO).
Expéditions
Prépare matériellement les commandes et la charge des commandes pour le transport.
Elle s’appuie de plus en plus fréquemment sur la gestion des stocks assistée par ordinateur
(GSAO).
3
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
360 Management et économie des entreprises

Manutention
Réalise la circulation des flux physiques (matières, composants, etc.) entre les différents
ateliers et postes de travail. L’automatisation de la manutention se développe grâce à
différents procédés. C’est la « transitique ».
Outillage
Fabrique les outils, les achète ou les fait fabriquer, mais contrôle et règle également
ceux-ci.
Entretien
Assure l’entretien préventif du matériel et aussi les dépannages et réparations de celui-ci.
Sa gestion est parfois automatisée dans une gestion de la maintenance assistée par
ordinateur (GMAO).

Les services fonctionnels

Bureau d’études
Il conçoit des prototypes, teste leur efficacité et établit une définition complète du produit, en
fonction des moyens de production disponibles et dans une optique de standardisation des
pièces et composants utilisés dans l’entreprise. Ce travail est réalisé en collaboration avec le
service mercatique et la Recherche et Développement. Il s’appuie sur une analyse de la valeur.
Il est considérablement facilité par le recours à des logiciels de simulation et de conception
assistée par ordinateur (CAO). Il aboutit à l’établissement d’un projet (plans, nomenclature
des composants, coûts) et d’un dossier d’exécution (prototype, industrialisation).
Bureau des méthodes
Il définit les méthodes de production à appliquer pour produire au meilleur coût. Pour cela,
il établit une « gamme de fabrication » (succession des opérations, temps, quantités) pour
chaque pièce. Il étudie l’implantation des différents postes et leur outillage. Le travail est
facilité par le recours à un logiciel de conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO).
Bureau d’ordonnancement
L’ordonnancement consiste à assurer le lancement des opérations de production, à les
répartir entre les différents postes de façon à minimiser le temps global de production,
sans dépasser un niveau donné de coût.
Contrôle de production
Il doit aider les services opérationnels à atteindre les objectifs de qualité en formant les
opérateurs et en effectuant des sondages concernant les encours et les produits. Il est de
plus en plus complété par l’autocontrôle des opérateurs et des machines.

b. Les services de la production (cf. le tableau ci-dessus)


Deux groupes de services, qui se complètent, interviennent dans la pro-
duction :
– des services opérationnels, chargés de la fabrication et de l’expédition
soutenus par un certain nombre d’activités complémentaires ;
– des services fonctionnels, chargés de définir, d’organiser et de contrô-
ler l’activité des précédents.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 16 – La production de biens 361

c. La transversalité dans l’organisation


de la production
Il s’agit d’une organisation par processus, permettant dans l’industrie
automobile, la collaboration des équipementiers dès la définition des pro-
jets. L’exploitation sera ensuite pilotée de façon transversale dans le cadre
du « supply chain management », ce qui permet une meilleure réactivité.

Recherche Études Méthodes Marketing Fournisseurs

Projet géré en commun dans le cadre d’un « travail collaboratif », associant les fournisseurs.

Entreprise partenaires

II. Les différents modes de production


A. La diversité des modes de production
On peut classer les systèmes de production des entreprises industrielles
selon plusieurs critères.
Selon le type de gestion (ou pilotage)
– Pilotage par l’amont : à partir de prévisions de la demande, selon un plan de
production conçu pour utiliser de façon régulière les équipements et le personnel.
Il implique le stockage des produits finis,
– pilotage par l’aval (à flux tendus ou « juste à temps ») : à partir de la commande de la
clientèle, grâce à la flexibilité des équipements et du personnel. Il permet de réduire très
fortement le stockage, ce qui impose une « qualité totale » des processus et des produits.
Selon le type d’implantation de l’outillage
– Implantation par ateliers spécialisés (ex. : atelier d’usinage),
– implantation par ateliers autonomes (îlots) dotés des équipements nécessaires
à l’ensemble des opérations de fabrication d’un produit,
– implantation par ligne (chaîne de fabrication) : les étapes de transformation se
succèdent et sont identiques pour tous les produits qui se déplacent le long de la chaîne,
au fur et à mesure de leur élaboration.
Selon la continuité du flux
– Production en flux continu (ou par process) lorsque la fabrication se déroule sans
interruption (usine à « feu continu ») en un même lieu,
– production discontinue, lorsque la fabrication est fractionnée dans le temps (production
uniquement diurne par exemple) ou dans l’espace (chaque étape étant réalisée dans un
site différent).
3
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
362 Management et économie des entreprises

Selon le lien avec la demande


– Production sur mesure (ou sur plan), personnalisée,
– production standardisée (ou de masse),
– production sur mesure et de masse (personnalisation par un assemblage différencié
de pièces ou composants standardisés).

B. La classification traditionnelle
On distingue habituellement, selon le rythme de production, quatre
grands modes de production.
MODE DE PRODUCTION

Mode de Production Production Production Production


production unitaire par lot en série en continu

Fabrication sur Petites séries Grand nombre Flux continu


mesure, au coup diversifiées de de biens de produits
par coup, en produits identiques homogènes
Définition
fonction des identiques conformes à
prescriptions un standard
du client

Limitée à Combinée à une Automatisation Automatisation


quelques flexibilité des très poussée étendue au trans-
fonctions équipements d’équipements fert des produits
Automatisa-
de base productifs dédiés ou entre les diffé-
tion*
programmables programmés de rentes étapes de
= productique façon durable la fabrication
= transitique

Production à Production selon Production selon Production selon


Rapport à
la commande la demande la demande la demande
la demande
exprimée anticipée anticipée

Stockage Non Non Oui Oui

Qualité et Flux tendus Économies Économies


flexibilité et flexibilité d’échelle d’échelle et
Avantage
automatisation
complète

Bâtiment ; Machines-outils Moteurs, Boissons, acier


Exemple
Satellites composants
*  On parle d’automatisation lorsque la machine contrôle elle-même son fonctionnement.

On remarque un développement nouveau de la production unitaire avec


l’usinage additif par imprimante 3D.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 16 – La production de biens 363

III. L’organisation traditionnelle


de la production
A. L’organisation scientifique du travail (OST)
et la standardisation
a. La démarche de Taylor
F.W. Taylor1 part de l’idée que les intérêts des salariés convergent avec
ceux de l’entreprise (des rémunérations plus fortes pourront être obte-
nues si l’entreprise améliore sa productivité), à condition que l’entre-
prise facilite la relation entre travail et productivité et entre productivité
et revenu. Pour cela, Taylor préconise de suivre une « démarche scien-
tifique », c’est-à-dire, selon lui :
– une observation méthodique des tâches, prolongée d’une analyse cri-
tique ;
– débouchant sur une simplification et une spécialisation du travail qui
permettront des progrès de la productivité (le taylorisme).
Cette démarche rigoureuse dans l’organisation de la production a donné
naissance à l’ergonomie (adaptation du poste de travail et de l’outillage
à l’homme) et a trouvé un prolongement dans la conception des robots
industriels.
Les principes du taylorisme
– La définition d’un processus optimal de production, basé sur l’observation et le
chronométrage ;
– une nette séparation entre les tâches de conception et d’organisation, d’une part et les
tâches d’exécution, d’autre part ;
– un travail d’exécution spécialisé, basé sur la répétition de gestes simples définis par des
spécialistes.
– Une rémunération des opérateurs liée à leur rendement (ou productivité physique,
c’est-à-dire : quantité produite/quantité de travail). Le salaire au temps est, quant à lui,
considéré par Taylor comme une prime à la paresse.

b. La démarche fordiste
Henri Ford ajouta aux principes de Taylor, l’idée de standardisation du
produit (avec la fameuse « Ford T » noire) ainsi que la conviction qu’il

1.  Taylor : organisateur américain, né en 1856, qui fit paraître en 1911 ses Principes d’orga-
nisation scientifique. Cet auteur est avant tout un technicien qui débuta comme apprenti
pour gravir progressivement tous les échelons de la hiérarchie jusqu’à la fonction d’ingé-
nieur en chef d’une entreprise métallurgique. Son objectif fut de rendre les hommes plus
efficients sans pour autant accroître leur charge de travail.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
364 Management et économie des entreprises

est utile de pratiquer une politique de hauts salaires pour favoriser la


productivité (et la consommation).
Cette démarche (le fordisme) va se généraliser à l’ensemble des indus-
tries de biens de consommation jusque dans les années 70.
LA PRODUCTION SUR STOCK

Stock
produits
finis

Source : P. Baranger, Gestion de la production, Vuibert entreprise.

B. La gestion traditionnelle
a. Champ d’application
Elle s’applique à la production en grande série et à la production en
continu. Elle consiste à établir des prévisions concernant la demande
des clients pour les mois à venir, afin de lancer des fabrications en séries
permettant la réalisation d’économies d’échelle (ou économies de
dimension). Le système de gestion de la production est du type MRP
(materials requirements planning). Il est fondé sur l’utilisation de pro-
grammes informatiques de planification de la production et des besoins
en composants, à partir des prévisions de la demande.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 16 – La production de biens 365

LA GESTION TRADITIONNELLE DE LA PRODUCTION

b. La production pour le stock


Dans ces conditions, la production se fait « pour le stock », en attendant
les ventes. La pratique du stockage permet ainsi de répondre à une aug-
mentation soudaine de la demande. Elle permet aussi une meilleure
utilisation de la capacité de production, en absorbant les excédents nés
des différences de cadences des divers équipements et les excédents
résultant de fluctuations des commandes des postes situés « en aval ».
Le stockage des matières permet quant à lui de continuer à produire en
cas de retard d’approvisionnement. Un des soucis majeurs des prati-
ciens de l’organisation scientifique du travail (OST) est d’atteindre l’uti-
lisation maximum des équipements productifs, afin de réaliser des éco-
nomies d’échelle.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
366 Management et économie des entreprises

c. La programmation de la production
Un plan est établi en fonction des prévisions d’évolution de la demande
provenant des services commerciaux. Il fixe pour la période de temps
considérée, les capacités de production nécessaires des différents ate-
liers et les moyens de production qu’elles impliquent, en capital tech-
nique et en personnel, notamment.
Le programme de production fixe à court terme (pour la semaine ou le
mois, par exemple) les quantités à produire à partir de prévisions de
vente et de la prise en compte du niveau des stocks.
Cette planification (MRP), repose sur une utilisation intensive de l’infor-
matique. Elle peut s’intégrer aujourd’hui dans un système de gestion
intégrée de type ERP (enterprise resource planning).

d. La comptabilité industrielle
La comptabilité industrielle est la comptabilité analytique des activités
de production. Elle permettra de distinguer des coûts variables (en
fonction de la quantité produite) et des coûts fixes (quelle que soit la
quantité produite, au sein d’une même structure de production), mais
aussi des coûts directs (directement affectés à un objet ou qui lui sont
rattachés sans ambiguïté) et des coûts indirects (charges communes qu’il
faut répartir).
Un coût complet pourra être calculé, après incorporation des coûts indi-
rects et après prise en compte de l’influence de l’activité (méthodes de
l’imputation rationnelle et des coûts standards). La question de la déter-
mination d’un coût complet par produit se pose dans le cas d’une produc-
tion diversifiée. Cependant, un grand nombre d’entreprises pratiquent
une gestion des prix à partir des coûts directs (direct costing évolué).
Le développement de l’automatisation et de la flexibilité technique,
ainsi que la diversification des produits conduisent à pratiquer de nou-
velles méthodes de comptabilisation des coûts (voir plus loin la méthode
ABC).

IV. Les évolutions actuelles du travail


de fabrication
Dans les entreprises industrielles, on assiste aujourd’hui à de profondes
évolutions, tant de l’organisation du travail que de la gestion de la pro-
duction. Ces évolutions se complètent et sont imposées par les transfor-
mations des équipements productifs.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 16 – La production de biens 367

A. La remise en cause du taylorisme


Le taylorisme était sans doute adapté à l’entreprise du début du
xxe siècle qui produisait avec un personnel sans qualification et faible-
ment instruit.
Après avoir été un facteur important de progrès de la productivité1, le
taylorisme devient, dans les années 1960 notamment, une cause d’affai-
blissement de la productivité, du fait du développement de l’absen-
téisme, du gaspillage de matière et de produits, de la multiplication des
conflits sociaux, dont il est la cause2.
Mais surtout, le taylorisme se trouve fondamentalement remis en ques-
tion aujourd’hui par le fait que la qualité et la réactivité sont devenues
les nouveaux critères de la compétitivité et qu’elles nécessitent de nou-
veaux modes d’organisation.
Les nouvelles structures doivent être capables d’adapter leurs activités
à des contraintes évolutives et difficilement prévisibles.

B. Les nouvelles formes d’organisation


du travail
a. Responsabilisation et polyvalence
Les formes d’organisation décrites ci-dessous s’inscrivent dans plusieurs
lignes d’évolution : la décentralisation (v. chapitre 6) va de pair avec le
développement d’une coordination horizontale et avec l’intégration des
tâches (déspécialisation) qui conduit à un développement de la polyva-
lence des opérateurs.
Elles ont été mises en place progressivement dans les entreprises : rota-
tion des postes, élargissement des tâches, enrichissement des tâches,
groupes semi-autonomes de production. Ces nouveaux modèles d’orga-
nisation s’inspirent des théories de la motivation construites par le
« courant des relations humaines » (v. chapitre 13, p. 285).
– La rotation des postes consiste à confier successivement différents
postes à chaque opérateur, afin de réduire la monotonie du travail.
– L’élargissement des tâches est un regroupement au sein d’un même
poste de travail de tâches jusque-là réparties entre différents postes,
afin de réduire ici encore, la monotonie du travail. Il s’agit donc d’un

1.  Productivité du travail = production par unité de travail (heure, journée…).


2.  Voir aussi l’analyse de D. Cohen (Nos temps modernes, Flammarion), selon lequel « Les
enfants entrent à l’école de la République au début du xxe siècle au moment où les usines
sont conçues pour accueillir les analphabètes. C’est le décalage social créé par les deux
processus qui explose en mai 1968. »
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
368 Management et économie des entreprises

recul horizontal (c’est-à-dire en considérant différents postes situés au


même niveau hiérarchique) de la spécialisation des tâches, celle-ci
étant jugée excessive. Un tel regroupement en ensembles homogènes
de tâches permet de redonner un certain sens au travail en lui-même.
– L’enrichissement des tâches consiste à confier à un même poste de
travail des responsabilités nouvelles concernant l’organisation et le
contrôle du travail. Il s’agit ici de déspécialisation verticale (c’est-à-
dire concernant des tâches jusque-là réparties entre des postes de
niveaux hiérarchiques différents). Il s’agit de responsabiliser et par là
de motiver les salariés.
– Les groupes autonomes de production sont des groupes de travailleurs
auxquels sont fixés des objectifs de production impliquant la réalisa-
tion d’ensembles complexes de tâches. Chaque groupe décidera de
l’organisation de son travail et de la répartition des tâches entre ses
membres. Une prime collective peut être attribuée aux groupes ayant
atteint leurs objectifs. Celle-ci est alors répartie par le groupe lui-même
entre ses membres. La division du travail comme l’organisation hiérar-
chique sont ici remises en cause, afin d’apporter aux producteurs l’au-
tonomie et la responsabilité, nécessaires à une plus grande motivation.

b. Néo-taylorisme plutôt que post-taylorisme


De nombreuses observations1 montrent que l’on a parlé abusivement de
post-taylorisme car l’organisation actuelle de la production industrielle
serait toujours fondée sur certains des principes tayloriens. Il s’agit donc
plutôt de néo-taylorisme.
Le travail répétitif, qu’il soit mécanisé, ou à la chaîne, ou bien non méca-
nisé, se développe, (y compris dans les services). Il en est de même du
travail cadencé (sous contrainte de rythme) et normé par des procédures
(voir plus loin « La gestion de la qualité »). Le rythme est imposé soit par
une contrainte automatique (plutôt dans l’industrie ou l’agriculture), soit
par la demande de la clientèle (plutôt dans les services) ou d’un logiciel.
Néanmoins, il est difficile de conclure purement et simplement à la
poursuite du taylorisme, dans la mesure où s’exerce parallèlement une
déspécialisation verticale (enrichissement des tâches) et un développe-
ment de la polyvalence et du travail en groupes. C’est donc bien de
néo-taylorisme qu’il s’agit. La pression qui pèse sur les salariés n’en est
pas moins forte comme on le constate aujourd’hui en France, avec le
développement de l’épuisement professionnel (ou burn-out)2.

1.  Enquête périodique « Conditions de travail » de la DARES, ministère du Travail.


2.  Selon le Baromètre Cegos 2017 : Pour 49 % des salariés et 52 % des managers, la charge de
travail est trop importante. Et 28 % des salariés et 26 % des managers déclarent que leur travail
a déjà généré des « problèmes psychologiques graves » au cours de leur vie professionnelle.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 16 – La production de biens 369

La pression de ce néo-taylorisme s’étend parfois hors du temps de travail


du fait de la généralisation des outils numériques (Smartphones profes-
sionnels par exemple)1 et le Code du travail prévoit qu’une charte soit
mise en place dans chaque entreprise afin d’instaurer un droit à la
déconnexion des salariés.

V. Les nouvelles formes de gestion


de la production (le post-fordisme)
De nouvelles méthodes de gestion de la production sont apparues, avec
la crise économique entamée en 1974 notamment, pour permettre aux
entreprises de résister à la concurrence accrue. Ces nouvelles méthodes
se sont inspirées de la pratique des entreprises japonaises, considérées
sur ce plan, comme des modèles dans le monde entier.

A. Le sur-mesure de masse (mass‑customization)


Différentes méthodes permettent d’obtenir une production de masse qui
autorise donc de vendre à un prix abordable, mais en même temps d’of-
frir aux clients des produits différenciés, voire « personnalisés »2.

a. La modularité
La conception des produits et leur analyse de la valeur conduit à définir
un certain nombre de modules intervenant dans la composition des dif-
férents produits. Ce travail de conception se fait souvent en collabora-
tion avec les fournisseurs et sous-traitants.
EXEMPLE
Dans une entreprise :
– modules M : M1, M2, M3
– modules C : C1, C2, C3, C4, C5
– modules F : F1, F2
La combinaison M1 – C1 – F2 correspondra à un produit différent de la combinaison
M1 – C2 – F2.

Ces modules produits en grande série, sont eux-mêmes conçus à partir de


pièces et de composants standardisés, communs aux différents modules.
Chaque produit est alors défini comme une combinaison particulière de
différents modules de base interchangeables. Les clients, eux, disposent

1.  Selon le Baromètre Cegos 2017, les cadres sont 77 % à travailler en dehors de leur temps
de travail et les non-cadres également (60 %).
2.  Voir J.-C. Tarondeau, Stratégie industrielle, Vuibert Gestion, chap. 4, p. 142.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
370 Management et économie des entreprises

d’un choix beaucoup plus large de produits différenciés (ex. : l’automo-


bile, le célèbre moteur V6 de Renault intégré dans différents modèles de
la marque depuis 20 ans).

b. La différenciation retardée
Dans cette technique, le produit est adapté aux besoins particuliers du
client, le plus tard possible grâce à différents procédés qui rendent le
produit flexible !
– La personnalisation par l’utilisateur (ou self-service) : le consomma-
teur se fait producteur (prosumer selon A. Tofler) en adaptant lui-même
le produit, livré en kit ou modulable. Exemple du mobilier de maison.
– La différenciation perceptuelle est l’art de mettre en relief par des
actions de publicité et de promotion certaines des caractéristiques du
produit, en fonction de la cible visée par ces actions. Le produit pré-
sente donc une grande variété de caractéristiques d’usage, souvent
bien supérieure à celle qui sera utile à un utilisateur particulier.
– La différenciation au stade de la distribution consiste à laisser au dis-
tributeur le soin d’assortir et de conditionner les produits de sorte qu’ils
correspondent aux besoins des utilisateurs. Exemple de l’opticien.

c. L’industrie miniaturisée
La technologie des imprimantes 3D permet de fabriquer de manière
additive des objets qui ont été informatiquement designés en 3D. Les
barrières à l’entrée disparaissent ainsi, à l’avantage de nouveaux arti-
sans-industriels qui peuvent produire à la commande à prix abordable.

B. Le toyotisme
Présentation d’un nouveau mode d’organisation industrielle sous l’in-
fluence du modèle Toyota.
T. Ohno a mis au point dans l’entreprise Toyota, un système de gestion
reposant sur quelques principes :
Les principes du toyotisme
– La priorité doit être donnée à la réduction des coûts et du gaspillage.
– Il faut obtenir une qualité optimale des produits tout au long du processus de production.
– Produire à flux tendus en fonction de la demande devient le moyen d’éviter les stocks
et les invendus.
– Prendre en compte l’avis des opérateurs qui participent au diagnostic des problèmes
et à leur résolution.
– La recherche de l’amélioration continue associe tous les acteurs de la production quel
que soit leur niveau hiérarchique en développant une coordination horizontale des activités.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 16 – La production de biens 371

Le Toyota Production System (TPS) est l’une des bases de la fabrication


« au plus juste » (en anglais le lean manufacturing) piloté par l’aval à
l’opposé du système fordiste traditionnel.
Le modèle « J »
L’économiste d’entreprise M. Aoki a théorisé par ce qu’il appelle le modèle « J »*,
l’organisation de la production dans les entreprises japonaises, souvent utilisées
comme référence en matière d’efficacité. Ce modèle a deux traits principaux :
– la coordination entre les unités opérationnelles s’effectue de manière horizontale,
Exemples : les responsables d’atelier sont au même niveau hiérarchique que les cadres de
la salle de coordination des ateliers et une rotation est organisée entre ces deux fonctions ;
les ingénieurs de recherche travaillent dans leur laboratoire sur le lieu même de la
fabrication des produits et une rotation est pratiquée entre direction technique des ateliers
et laboratoire de recherche.
– les plans de production établis par la direction sont adaptables dans le cadre d’une
coordination des unités opérationnelles, à partir des informations acquises au cours de la
production.
Ainsi les gains tirés de la spécialisation des activités de production dans le modèle
taylorien sont-ils sacrifiés à l’acquisition permanente d’informations et à la coordination
horizontale, par échange et négociation entre les unités opérationnelles. La formation
des personnels et l’informatisation permettent cependant de limiter les coûts d’une telle
coordination qui permet par ailleurs aux unités de production d’être réactives.
Selon M. Aoki, le modèle « J » est adapté aux environnements évoluant de façon
permanente mais modérément. Le modèle hiérarchique quant à lui resterait efficace
lorsque l’environnement est soit stable, soit fortement variable.
*  Voir aussi le modèle J p. 304, ch. 13 « Les théories de l’organisation ».

C. La gestion de la qualité
Selon l’AFQ (Association française des qualiticiens), la non-qualité
représente encore dans les entreprises françaises un pourcentage élevé
du chiffre d’affaires (au moins 10 %).

a. La qualité des produits


« La qualité d’un produit (bien ou service) est son aptitude à satisfaire les besoins des
utilisateurs. » (AFNOR)

Elle comporte donc principalement des caractéristiques fonctionnelles,


qui correspondent aux diverses fonctions que le produit doit remplir
pour satisfaire le consommateur.
Sur un plan technique, elle peut se mesurer par rapport à des normes
nationales ou internationales (NF, CEN, ISO)1.

1. NF : norme française  ; CEN : comité européen de normalisation  ; ISO : International


Organization for Standardization.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
372 Management et économie des entreprises

La qualité est devenue une exigence pour les entreprises, autant du fait
de l’évolution du comportement des consommateurs que du fait de l’ac-
croissement de la pression concurrentielle, liée à la crise économique
mondiale et à l’internationalisation des marchés. D’abord limitée aux
produits, l’exigence de qualité s’est étendue progressivement à tous les
aspects du fonctionnement de l’entreprise.

b. La qualité des processus


La qualité des différents processus de l’entreprise résulte de leur conformité à certaines
prescriptions formalisées par des normes.

Les normes internationales de qualité correspondent justement à des


ensembles de prescriptions à respecter dans différents domaines de
gestion. Parmi les plus connues, on trouve les normes ISO 9000 qui s’ap-
pliquent au management de la qualité. ISO 9001définit les critères d’un
management efficace de la qualité : notamment une forte orientation
client, la motivation et l’engagement de la direction, l’approche proces-
sus et l’amélioration continue ; ISO 9004 définit les axes d’amélioration
des performances.
Il existe aussi des normes ISO 14000 en matière de respect de l’environ-
nement.
La norme ISO 26000 concerne la responsabilité sociétale des entreprises
(RSE) et les normes 27000, la sécurité de l’information.
C’est enfin la norme SA 80001 en matière sociale. Cette dernière corres-
pond au respect des règles fondamentales de l’Organisation internatio-
nale du travail (OIT).
EXEMPLE
Le groupe Bénéteau s’est engagé dans la certification ISA 14 001 de l’ensemble de ses
usines.

c. La certification d’assurance qualité


La certification est un processus garantissant la qualité des produits et/ou des processus
de l’entreprise, valable trois ans, par un audit (expertise) effectué par un organisme
indépendant. Elle évalue la conformité d’un produit ou d’un système de management
à l’une ou l’autre des normes de qualité (notamment ISO).

Elle procure à l’entreprise un argument commercial important vis-à-vis


de sa clientèle et de ses donneurs d’ordres. Elle est de plus en plus exi-
gée dans les relations de partenariat international.
De plus l’objectif que constitue la certification permet une mobilisation
du personnel de l’entreprise. Le risque est que celle-ci retombe lorsque
la certification est obtenue.

1.  La norme SA 8000 a été définie en 1998 par l’agence américaine Center for Economic
Priorities.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 16 – La production de biens 373

Cet impact de l’objectif qualité sur la mobilisation du personnel est à


rapprocher de la théorie de l’efficience-X de H. Liebenstein, selon
laquelle la majorité des individus ne maximisent leur effort que si l’or-
ganisation de l’entreprise favorise celui-ci.
Dans certains secteurs, des systèmes d’évaluation particuliers sont pra-
tiqués pour sélectionner les fournisseurs. C’est le cas pour les construc-
teurs automobiles français qui évaluent eux-mêmes les candidats-four-
nisseurs et sous-traitants.
On peut remarquer qu’un véritable marché de la certification existe
aujourd’hui où les offreurs sont les organismes certificateurs qui se
livrent concurrence et qui peuvent être tentés par une certaine complai-
sance à l’égard de leurs clients (cf. la mauvaise réputation des certificats
anglais).
Une certification ISO est valable 3 ans. Au bout de ce délai l’entreprise
doit donc se soumettre à un nouvel audit d’un organisme spécialisé.

d. Le management de la qualité
LA ROUE DE DEMING DE L’AMÉLIORATION CONTINUE

Plan Do
(Planifier) (Faire)

Act Check
(Corriger) (Contrôler)

Ce management est né au Japon, dans les années 50, à la suite des tra-


vaux et conférences de deux spécialistes américains : W.E. Deming en
1950 et J.-M. Juran en 1954.
Il doit permettre une maîtrise totale de la qualité (total quality control
– TQC ou TQM, total quality management). Il n’est pas une activité
séparée mais un aspect de la gestion de l’entreprise. Celle-ci construit
la qualité du produit lors de sa conception et lors de sa fabrication, éven-
tuellement lors de sa maintenance.
Ainsi, le groupe Valéo met en œuvre une politique dite des « 5 axes de
la qualité » : l’implication du personnel, le système productif, l’innova-
tion constante, l’intégration des fournisseurs et la qualité totale.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
374 Management et économie des entreprises

SCHÉMA DES 5 AXES DE LA QUALITÉ CHEZ VALÉO

Qualité totale

Intégration
Innovation
des
constante
fournisseurs

Système
de production

Implication
du personnel

– Au niveau de la conception, on pratiquera notamment l’analyse de la


valeur du produit, la simulation, les essais.

EXEMPLE DE DIAGRAMME D’ISHIKAWA (EN ARÊTE DE POISSON) : POUR REPÉRER


LES CAUSES POSSIBLES D’UN PROBLÈME

Au niveau de la production, ce sont des moyens techniques et des


moyens humains qui sont déterminants, mais aussi l’organisation de ces
moyens. La démarche de base dans la recherche de la qualité est de
préparer avant d’agir puis de contrôler pour corriger. On aura recours
à des outils comme les tests de contrôle, le manuel-qualité, les méthodes
statistiques (histogrammes, diagrammes de Pareto), le diagramme
« causes-effet » d’Ishikawa, la méthode Six Sigma.
La méthode Six Sigma
C’est une méthode de gestion du changement qui part d’une analyse des données afin de
mesurer les défauts d’un processus et afin de les éliminer systématiquement lorsque le
coût de cette élimination est inférieur à l’avantage qui en découlera. La méthode est
structurée (Définition du projet – Description de la situation – Recherche des causes
profondes – Élaboration d’une solution – Contrôle) de façon à analyser systématiquement
des problèmes complexes.
3
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 16 – La production de biens 375

Un processus respecte la norme Six Sigma s’il présente un taux de 3,4 défauts par
million de réalisations, c’est-à-dire un environnement libre de défaut à 99,9997 %. Un
résultat inférieur à cette norme est ordonné sur une échelle allant de 0 à 6.

Ces outils s’inscrivent dans le lean manufactoring initié par Toyota


(v. infra le toyotisme) qui consiste à éliminer tous les défauts et gaspil-
lages présents dans le processus de production, tout en appliquant une
démarche de progrès continu dont l’aboutissement serait de prévenir
les défaillances afin de ne pas avoir à en sublir les conséquences.

e. Les cercles de qualité


Ce sont des petits groupes (jusqu’à 10 personnes) de salariés volontaires, d’un même
service ou de fonction équivalente dans des services différents, qui se réunissent régu-
lièrement sur leur lieu de travail pour examiner les problèmes de qualité qui se posent
dans l’entreprise et proposer des solutions.
Les cercles de qualité sont nés au Japon en 1957. Ils n’apparaissent aux États-Unis, puis
en France qu’à la fin des années 70.

Outre les perfectionnements techniques qu’ils permettent, les cercles de


qualité peuvent développer un nouvel état d’esprit.
Après un engouement pour ce type de structure au cours des années 80,
un grand nombre d’entreprises françaises l’ont abandonné, faute d’avoir
su le mettre en œuvre. On assiste à un renouveau des cercles de qualité
dans le cadre d’une démarche de qualité totale, notamment sous les
appellations de « groupes de projets » ou « groupes de progrès ».

f. La qualité totale
Elle est une recherche continue de progrès qui consiste en une mobilisation de l’en-
semble du personnel, en un état d’esprit, et qui englobe les méthodes de gestion de la
qualité et l’assurance-qualité.

LE GRAPHIQUE DE PH. B. CROSBY


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
376 Management et économie des entreprises

COMMENTAIRE

Selon Ph. B. Crosby, spécialiste américain de la qualité, 75 % des coûts de la non-qua-


lité peuvent être éliminés par une prise de conscience du problème et la mise en
place d’instruments de mesure de la qualité.

Elle correspond donc à une recherche permanente de l’excellence, sou-


vent symbolisée par les « cinq zéros ». Il s’agit de :
– zéro défaut (fabrication sans faille) ;
– zéro panne (maintenance préventive) ;
– zéro délai (flux continu de produits) ;
– zéro stock (flux tendus) ;
– zéro papier (réduction des opérations administratives).
Elle s’étend également aujourd’hui au « management de l’espace », c’est-
à-dire au rangement et à la propreté des locaux de production (ex. de
« l’usine à vivre » chez Renault). L’essentiel étant d’entretenir la
recherche d’une amélioration continue (kaizen).

Quelques notions-clés de la gestion de la qualité chez Toyota


Genchi Genbutsu (Observer ce qui se passe dans les ateliers)
Kaizen (Rechercher une amélioration continue)
Pdca (Roue de Deming)
Yokoten (Diffusion et partage des bonnes pratiques)

g. La qualité, outil néo-taylorien de gestion sociale


La maîtrise de la qualité met en jeu les différentes fonctions de l’entre-
prise. En effet les procédures (« routines ») garantissant la qualité,
impliquent plusieurs fonctions.
La qualité apparaît alors comme un terrain d’entente, un objectif com-
mun auquel on adhère d’autant plus facilement qu’il est « objectivé »
par des normes et des formules mobilisatrices (« travail bien fait du
premier coup »).
On retrouve en fait derrière la gestion de la qualité le souci taylorien de
rationaliser le travail en le standardisant (ou en le normant). L’associa-
tion du personnel à travers les diverses formes de cercles de qualité n’a
pas le même poids que le travail systématique de la direction de la qua-
lité ou des consultants qualiticiens. Une séparation entre concepteurs et
exécutants persiste donc à travers la gestion de la qualité.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 16 – La production de biens 377

D. La gestion à flux tendus


a. Le principe du juste à temps
À l’opposé de l’optique traditionnelle de la production en série, qui
repose sur des anticipations de la demande, la gestion à flux tendus est
l’application du principe du « juste à temps » (JAT). Ce principe s’est
développé au Japon principalement dans les grandes entreprises de pro-
duction de masse (Toyota en est le meilleur exemple). Selon ce principe,
la production ou l’approvisionnement doivent être égaux à la demande,
à tout moment.
Le stock n’est plus une nécessité dont il faut optimiser le niveau, mais
un défaut dans la circulation des flux de produits et de matières qui
traversent l’entreprise. L’objectif est donc d’accélérer la circulation des
flux. Néanmoins, ce principe rencontre aujourd’hui certaines limites
physiques et financières liées à l’augmentation considérable des besoins
qu’il induit en services de transport. On voit ainsi le stockage revenir
d’actualité dans les entreprises fabriquant des produits à faible valeur ou
à faible risque d’obsolescence.
De plus, le zéro stock est à interpréter avec pragmatisme comme une
orientation à suivre sans jamais pouvoir être concrétisée de façon abso-
lue, car une absence de tout stock rendrait impossible un grand nombre
d’activités de fabrication.

b. Réduction des lots et flexibilité


Pour accélérer cette circulation, il faut d’abord réduire la taille des lots
de produits, ce qui suppose une réorganisation des ateliers (flexibilité
technique permettant le changement rapide de série).
Il faut encore disposer d’une surcapacité des équipements productifs
et s’appuyer sur une polyvalence et une flexibilité de l’emploi du per-
sonnel (la combinaison des trois donne à l’entreprise une grande flexibi-
lité par rapport à la demande). Les stocks de constituants, les stocks
d’encours étant réduits au strict minimum, l’entreprise doit éliminer
toute cause de perturbation des flux, en s’assurant une flexibilité et une
fiabilité des approvisionnements et en s’efforçant d’atteindre la qualité
totale (notamment zéro défaut et zéro panne).
Les flux sont tendus parce qu’il n’y a aucune marge de sécurité en cas
d’erreur, et parce qu’il n’y a aucun stock qui vient grossir le flux entre les
postes de travail (voir aussi le chapitre sur l’approvisionnement et la
gestion des stocks, le zéro-stock).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
378 Management et économie des entreprises

c. Le pilotage par l’aval


La production est déclenchée par la réception d’une commande ferme
de la clientèle. On parle alors de « pilotage par l’aval », par opposition
au « pilotage par l’amont » traditionnel. Remarquons qu’il faut disposer
d’une demande relativement stable pour que l’entreprise puisse fonc-
tionner de façon régulière.

d. Le kanban
La forme la plus simple et la plus répandue de gestion à flux tendus est
celle du kanban (étiquette, en japonais). Entre les différents postes de
travail il n’y a pas de stock à proprement parler mais des conteneurs,
dont le contenu est décrit par une étiquette (kanban) qui leur est atta-
chée. Lorsqu’un poste situé en aval, utilise le contenu d’un conteneur
pour réaliser sa propre production, il détache le kanban correspondant
qu’il fait parvenir au poste producteur concerné (dont les coordonnées
figurent sur le kanban), situé en amont. Ainsi le nombre de conteneurs
existant entre deux postes ne peut dépasser le nombre de kanbans, qui
régule ainsi le flux des produits circulant dans l’entreprise. En réduisant
ce nombre, on tend les flux et l’exigence de qualité est plus grande pour
les postes situés en amont. Aujourd’hui, les kanbans sont transmis par
le réseau informatique et apparaissent sur l’écran des postes amont
concernés.
LA MÉTHODE DU KANBAN
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 16 – La production de biens 379

E. La recherche de réactivité
a. L’organisation par projet
Pour donner à la fonction technique davantage de réactivité, les entre-
prises industrielles remettent de plus en plus souvent en cause l’organi-
sation traditionnelle en services successifs en constituant des équipes
pluridisciplinaires autour, chacune, d’un projet.

Environneme
ri se / nt
tr ep éc
on
n Technologies de production om
l ’e Investissements, productique, robotique, iq
de
réseaux informatiques, u
ligne flexible, montage modulaire

e
n
io

m
Gestion de Recherche et

on
at

production développement
fi c

di
Programmes de Conception,

al
fabrication,
ni

désign, essais, CFAO,


transport,
Pla

robotique
fi c a t i o n
logistique quali du
et t é tota p
n a l i l
u e
io

er

Q
at

so
Form

Groupe projet Réseau commercial


nne

Fournisseurs maîtrisant l’ensemble Marchés, concurrence,


l

Gestion des stocks, de l’organisation typologie de la


qualité fournisseurs, industrielle et clientèle, gamme
partenariat du marketing produit (modèles, versions,
options), publicité
Q
ua
lité totale
Usi
nes et réseau
Env

Livraisons
Juste à temps
iro

Commandes, délais,
« Kanban »
e

ajustement
is

flux tendus
nn

des prévisions
pr
em

re

Travail
en

t
nt

e
éc Politique sociale, politique salariale, l’
on ligne hiérarchique, nouveaux métiers,
om culture d’entreprise de
n
iqu
at io
e m i fi c
ond ial / Plan
Schéma emprunté à l’entreprise Renault.

Selon V. Giard, professeur à l’IAE de Paris, on retrouve, dans tout projet,


la prise en compte de trois types de contraintes : de temps, de ressources,
de spécifications techniques, ainsi que la volonté de réaliser un produit
avec une certaine nouveauté dans la conception ou la fabrication.
Le chef de projet est l’animateur, le responsable, le pivot du projet de
fabrication d’un produit. Autour de lui sont rassemblés : l’ingénieur de
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
380 Management et économie des entreprises

recherche, le chef de produit (marketing), le concepteur du bureau


d’études, le designer, l’ingénieur de fabrication, l’ingénieur logiciel, l’in-
génieur des méthodes, le qualiticien et le logisticien. C’est la fameuse
« ingénierie simultanée » ou « concourante ».
EXEMPLE
Le groupe Michelin investit 270 M€ jusqu’en 2019 dans son centre de recherche et
développement mondial de Ladoux (près de Clermont Ferrand) qui emploie déjà
3 300 personnes afin d’accueillir 1 600 postes supplémentaires et réunir tous les
métiers de la recherche, du développement et de l’industrialisation afin de favoriser
les coopérations transverses et améliorer l’efficacité des groupes de projet.

L’entreprise conserve son organisation en services spécialisés (cf.


tableau) mais elle la combine avec une structure flexible par projets
(v. chapitre 12 p. 268, l’organisation matricielle et l’adhocratie).
De plus, cette organisation du travail est propice à la collaboration avec
les entreprises partenaires situées en amont ou en aval, avec lesquelles
il sera possible dès l’initiation du projet d’envisager des solutions qui
intègrent les contraintes de tous les participants à la filière de fabrica-
tion, ce qui apporte à la fois un gain de temps dans la conception et une
réduction du coût de fabrication. Au niveau de la fabrication le même
souci de coopération débouche sur un management logistique global de
la chaîne de fabrication (supply chain management).

b. « L’entreprise étendue »
La recherche d’une obtention rapide de l’efficacité technique et écono-
mique d’un programme d’activité conduit les entreprises industrielles à
sous-traiter les opérations sortant de leur compétences-clés. Cette exter-
nalisation s’explique notamment par la complexification des activités
de production qui intègrent souvent plusieurs technologies et recouvrent
ainsi différents métiers industriels.
EXEMPLE
En 2005, 75 % de la valeur d’un véhicule produit par un industriel de l’automobile
provenaient déjà de composants externes à ce producteur.

L’entreprise industrielle doit alors s’engager dans une coopération inte-


rentreprises qui impose de nouvelles méthodes de gestion. C’est pour-
quoi, aujourd’hui, les donneurs d’ordres sélectionnent aussi leurs
sous-traitants selon leur capacité à échanger des données techniques.
Cette coopération s’oriente vers le co-développement qui consiste à gérer
le processus d’innovation en coopération avec les fournisseurs et sous-trai-
tants, ce qui débouche généralement sur un échange « gagnant-gagnant »
puisque de nombreux problèmes sont ainsi réglés par anticipation.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 16 – La production de biens 381

Pour Pierre Veltz1, ces échanges et coopérations permanents en amont et


en aval font de l’entreprise industrielle une plateforme qui reçoit et orga-
nise des contributions multiples à la création de valeur.

VI. Les outils de la production


industrielle
A. La gestion de l’imbrication entre production
et R&D
L’extension des activités de l’entreprise signalée plus haut, à travers des
coopérations, s’inscrit dans une évolution générale de l’activité indus-
trielle qui se combine désormais de plus en plus étroitement à la
recherche et développement dans les pôles technologiques ou des sys-
tèmes « scientifico-industriels ». Les entreprises industrielles développent
donc des partenariats avec les écoles d’ingénieurs et les universités
autant qu’avec des PME innovantes dans une proximité territoriale qui
débouche sur un cluster (défini par M. Porter comme « un réseau d’entre-
prises et d’institutions proches géographiquement et interdépendantes,
liées par des métiers, des technologies et des savoir-faire communs. »).
LA STRATÉGIE INDUSTRIELLE DU GROUPE MICHELIN
Selon l’étude prospective de la DATAR intitulée « La France, puissance industrielle », on
peut observer que ce phénomène s’organise selon différentes modalités en fonction des
contraintes régionales et sectorielles : grappe de PME en situation de « coopétition »,
agglomération d’entreprises autour d’un ou plusieurs grand(s) donneur(s) d’ordre (auto-
mobile, aéronautique, chantiers navals), pôle technologique soutenu par les pouvoirs
publics ou encore système agro-alimentaire spécifique à un territoire.

B. Le recours aux outils de l’industrie 4.0


a. Ce que recouvre cette notion
On connaît la productique qui est l’ensemble des applications de l’in-
formatique aux différents domaines de la fabrication (robotique,
impression 3D) à laquelle s’ajoutent la réalité augmentée, les objets
connectés et les logiciels de simulation. Ces applications, qui se généra-
lisent, concernent aussi bien des productions discontinues que conti-
nues. Elles ont permis le développement de technologies flexibles, c’est-
à-dire qui concilient flexibilité et automatisation.

1. Pierre Veltz, La société hyper-industrielle, Seuil, 2017.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
382 Management et économie des entreprises

Elles permettent notamment la mise en place dans une même unité, de


plusieurs ensembles de production de dimension limitée, complètement
automatisés et capables de traiter un éventail très diversifié de pièces et
dans des lots de taille très variable. On pratique ainsi une généralisation
des principes de l’atelier flexible.
EXEMPLE
Le logiciel de Siemens Shop Turn, permet de programmer aisément une grande diver-
sité de pièces à usiner et de préparer pendant l’usinage d’une pièce, la programma-
tion des pièces suivantes, il calcule aussi leur prix de revient ! Le logiciel intègre
également un support graphique étendu pour le paramétrage et une simulation 3D
permettant de faciliter l’usinage.

Par ailleurs, le développement des machines-outils multifonctionnelles


apporte d’importants gains de productivité. Tournage, fraisage, finition,
soudage sont regroupés dans la même machine ce qui permet d’éviter
des transferts de pièces et de gagner de la place dans les ateliers.
Les applications de la réalité virtuelle et augmentée s’appliquent désor-
mais à la fabrication industrielle. Elles interviennent pour faciliter l’ap-
prentissage des opérateurs, pour permettre un contrôle des opérations
qui facilite la productivité et la qualité des produits et pour accélérer les
études de produit et de méthodes de production.

b. Les conséquences du développement de ces outils


En ce qui concerne l’emploi, à court terme, la productique réduit forte-
ment les besoins en travail peu qualifié et crée des postes moins nom-
breux, correspondant à de nouvelles fonctions, de qualification élevée.
Par ailleurs, selon certains observateurs, comme le Boston Consulting
Group (BCG), cabinet de conseil en stratégie, la transformation numé-
rique de l’industrie va remettre en question les politiques de délocali-
sation. L’avenir serait aux petites unités de production douée de réacti-
vité grâce à leur maitrise de l’IT et à la proximité de leur clientèle. Le
coût des outils de l’industrie 4.0 sont à la baisse et permettent de générer
15 à 20 % de productivité supplémentaire  selon le BCG, ce qui suffit à
disqualifier les politiques de délocalisation.
Une relocalisation d’activités industrielles est en cours, du fait d’un
développement de l’impression 3D dans un grand nombre de domaines.
Les nouveaux outils s’imposent aux entreprises industrielles auxquelles
ils apportent des gains de productivité (fiabilité des processus, qualité
des produits, réduction des délais) et une flexibilité leur permettant
d’affronter leurs concurrentes.
EXEMPLE
Chez Renault, les délais de conception ont été réduits de quatre à deux ans en utili-
sant la CAO. L’ingénieur Pierre Bézier en fut un précurseur en développant le sys-
tème Unisurf, objet d’une coopération entre Renault et Peugeot dès les années 1960.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 16 – La production de biens 383

De plus, la communication croissante des objets eux-mêmes (« internet


des objets ») donne aux industriels un accès direct à des données-clients.
À moyen terme, grâce à cette compétitivité renforcée, l’entreprise indus-
trielle peut, en conservant ou en développant ses parts de marché, pré-
server des emplois.
Du fait de la flexibilité qu’ils apportent, le coût très élevé de ces équipe-
ments n’a pas à être réparti sur une production de masse standardisée mais
sur un grand nombre de petites séries de pièces ou de produits différents.
Le phénomène d’économies d’échelle techniques se trouve ainsi modifié.
Les outils de l’industrie 4.0
– automates programmables : systèmes de commande électronique qui assurent la
régulation des processus ou qui commandent des robots ;
– machines à commande numérique : machines commandées par des informations
préenregistrées et codées, afin que la production d’une pièce donnée puisse se faire
automatiquement ;
– robots : appareils de manipulation dont l’organe de commande est programmable ;
– ateliers flexibles : ensembles de machines-outils et de systèmes automatiques de
transport de pièces reliés à un ordinateur central à partir duquel s’effectue le pilotage de
l’ensemble ;
– conception assistée par ordinateur (CAO) : conception de produits s’appuyant sur
l’aide d’un logiciel informatique, capable de produire des plans ou des représentations en
trois dimensions à partir de certains paramètres ;
– conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO) : complète la CAO par des
instructions à donner aux machines, une fois techniquement défini le produit à fabriquer.
Elle permet en outre de visualiser le processus de fabrication global en y précisant le rôle
de chaque machine.
– production intégrée par ordinateur (PIO) : désigne le pilotage par ordinateur de la
totalité du processus de production, depuis la conception et la fabrication jusqu’à la
livraison du produit. La PIO englobe donc la CAO, la PAO (planification assistée par
ordinateur), la FAO (fabrication assistée par ordinateur) et l’AQAO (assurance de qualité
assistée par ordinateur).
– logiciels intégrateurs ou manufacturing execution system (MES) : système permettant
de suivre la fabrication en temps réel et d’informer les opérateurs des opérations
accomplies, de celles qui restent à effectuer, ainsi que des performances obtenues. Ces
logiciels, en assurant l’interface entre les automates de l’atelier, les systèmes de contrôle
de celui-ci et les PC des postes des opérateurs, sont aussi des outils de la traçabilité des
produits et de suivi des pannes.
– Logiciel de gestion intégré ou entreprise ressource planning (ERP) : la gestion de la
fonction production se trouve alors intégrée dans un système de gestion qui s’étend à
d’autres fonctions de l’entreprise, comme la logistique, la GRH ou la commercialisation.
Selon une enquête CSC – Usine Nouvelle de janvier 2005, 75 % des entreprises
industrielles ont mis en place un ERP (ou progiciels de gestion intégrés : PGI).
– Simulateurs de réalité virtuelle et augmentée : la formation des opérateurs est
grandement facilitée tant sur le plan technique que sur celui de la sécurité. Les activités de
recherche et de contrôle qualité sont également bénéficiaires de cette technologie.
– L’impression 3D ou « production additive » : elle consiste à fabriquer une pièce à partir
de fines couches de matière en suivant un modèle informatique de la pièce à produire. Les
machines « imprimantes » peuvent produire n’importe quand (la nuit ou le week-end) avec
le contrôle d’un seul technicien.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
384 Management et économie des entreprises

C. L’évolution de la comptabilité industrielle


(ou analytique)
La comptabilité analytique s’applique à calculer le coût complet unitaire
des produits en cas de production diversifiée.

a. La remise en cause de la comptabilité analytique


traditionnelle
Avec la polyvalence des équipements et du personnel, avec la diversifica-
tion des produits avec l’automatisation de la production, la consommation
de main-d’œuvre directe diminue fortement tandis que celle des frais géné-
raux liés à la complexité de la fabrication augmente. La part des charges
indirectes augmente donc considérablement dans le coût des produits ainsi
que le caractère relatif des coûts calculés selon la méthode traditionnelle.
La comptabilité industrielle classique répartit les charges indirectes sur
les produits en utilisant des clés de répartition qui sont fondées le plus
souvent sur la consommation des charges directes et notamment de la
main-d’œuvre directe (v. supra la gestion traditionnelle de la production).

b. La méthode ABC (activity based costing)


Selon cette méthode, les ressources ne sont plus consommées par des
centres de coûts avant d’être réparties de façon arbitraire entre les pro-
duits. Elles sont directement consommées par des activités. Ce sont
ensuite ces activités qui, sur la base de liens de causalité (inducteurs de
coût), interviennent directement dans le coût des produits. Ainsi, ce
sont les activités qui consomment des ressources et les produits qui
consomment des activités (et directement certaines ressources).
Ce sont les fonctions de l’entreprise ou « ensembles des activités concou-
rant à la réalisation d’un même objectif » qui permettent de repérer les
activités de l’entreprise. Fonctions et activités ne correspondent généra-
lement pas à l’organisation de l’entreprise, qui prend par ailleurs en
compte d’autres critères (v. chapitre 12).
Une activité est un ensemble de tâches qui ont pour objet d’apporter à
plus ou moins court terme, un ajout de valeur au produit (ex : passation
de commande, magasinage, réglage des machines, fabrication, etc.).

La méthode ABC, selon la définition du CAM-I


(computer aided manufacturing-international : coopérative d’entreprises industrielles,
d’origine américaine).
3
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 16 – La production de biens 385

C’est « une méthode pour mesurer les coûts et les performances d’activités et
d’objets générateurs de coûts (produits en particulier). Les coûts sont affectés aux
activités en fonction de leur consommation de ressources. Les coûts sont affectés aux
objets générateurs de coût en fonction de leur utilisation d’activités.
ABC identifie les relations causales entre facteurs de coût et activités. »

Il convient donc :
– de repérer et d’analyser les activités de l’entreprise considérée ;
– d’identifier les facteurs inducteurs de coût et d’évaluer leur impact
(ex. : nombre de commandes, nombre de composants, nombre de fac-
tures…) ;
– d’affecter les coûts d’activité aux produits.
POUR EN SAVOIR PLUS
Aoki (M.), Les sociétés japonaises, structures et mécanismes internes, Economica, 1984.
Aoki (M.), Le modèle J, Problèmes économiques, no 2.225, mai 1991.
Baranger (P.), Management de la production et des opérations, Litec, 2003.
Blondel (F.), Gestion de la production, Dunod, 2005.
Dies (A.), Vérilhac (T.), La démarche lean, AFNOR éditions, 2010.
Doucet (C.), La qualité, coll. Que-sais-je ?, PUF, 2005.
Douchy (J.-M.), Vers le « zéro défaut » de l’entreprise, Dunod, 1986.
Durand (J.-P.), Vers un nouveau modèle productif ?, Syros, 1995.
Evraert (S.) et Mevellec (P.), « Pourquoi il faut modifier le calcul des coûts », RFG, mars-
avril 1990.
Giard (V.), Gestion de la production et des flux, Economica, 2003.
Gratacap (A.) et Médan (P.), Le management de la production, Dunod, 2009.
Lebas (M.), « Comptabilité analytique basée sur les activités », Revue française de ges-
tion industrielle, no 4, 1992.
Midler (C.), L’auto qui n’existait pas ; management des projets et transformation de l’en-
treprise, InterÉditions, 1994.
Organisation internationale de normalisation, Les normes les plus connues, https://www.
iso.org/fr
Périgord (M.), Réussir la qualité totale, Les Éditions d’Organisation, 1990.
Shingo (S.), Maîtrise de la production et méthode kanban, Les Éditions d’Organisation,
1983.
Tarondeau (J.-C.), Stratégie industrielle, Vuibert Gestion, 1996.
Veltz (P.), La société hyper-industrielle, Le nouveau capitalisme productif, Seuil, 2017.
Womack (J.) et Jones (D.T.), Système lean, Pearson, 2009.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
386
CHAPITRE 17
Management et économie des entreprises

La production :
2. La production
de services

« La qualité n’est jamais un accident, c’est


toujours le résultat d’un effort intelligent. »
John Ruskin

En raison des différences importantes qu’elle présente avec la produc-


tion de biens et de la part prépondérante qu’elle occupe dans l’activité
économique contemporaine, il est indispensable de préciser les prin-
cipes et les caractéristiques de la production de services.

I. Caractéristiques générales
et évolution
A. La notion de service et de valeur du service
a. La notion de service
Les services sont des produits immatériels résultant de la mise en œuvre d’une capacité
technique ou/et intellectuelle.

Selon l’Insee, l’activité de service consiste en « la mise à disposition


d’une capacité technique ou intellectuelle. À la différence d’une activité
industrielle, elle ne peut pas être décrite par les seules caractéristiques
d’un bien tangible acquis par le client ».
J. Gadrey présente quant à lui le service comme un changement d’état
d’une réalité (personne ou bien) caractérisant ou appartenant à un
agent économique, qui résulte à sa demande, de l’activité d’un autre
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 17 – La production de services 387

agent, mais n’aboutissant pas à la production d’un bien qui pourrait


circuler de façon indépendante de cette réalité.
On ne peut pas considérer de la même façon les problèmes de la produc-
tion de services, (qui sont par définition non stockables mais qui
peuvent être produits en de nombreux lieux distincts) et les problèmes
de la production industrielle.
La production de services s’est développée en s’appuyant de plus en
plus sur les NTIC et le travail assisté par ordinateur (TAO) y joue un
grand rôle.

b. La question de la valeur des services


Selon P. Zarifian, une double approche de la valeur du service est
nécessaire.
– À partir de ses effets, « le service est une transformation dans les
conditions d’activité du destinataire, voire dans ses dispositions d’ac-
tion, dont les effets sont jugés valables et positifs par ce dernier et/ou
par la collectivité ».
– À partir des ressources engagées, la valeur du service tient à l’effort de
gestion des ressources qui est mis en œuvre.
Comme c’est à partir des effets attendus que les efforts de gestion des
ressources engagées prennent leur sens, la valeur d’un service se mesure
au point de rencontre entre l’appréciation des effets obtenus par la pres-
tation de service et l’appréciation de l’efficience du dispositif mis en
place pour obtenir ces effets.
On retrouve donc ici les deux notions de valeur, traditionnelles en éco-
nomie, valeur utilité et valeur travail.

c. Les principales caractéristiques des services


Périssabilité

Intangibilité Services Inséparabilité

Variabilité

– L’intangibilité est la caractéristique qui retient généralement le plus


l’attention. Le service est une production immatérielle. Mais il faut
rappeler ici que de nombreux services supposent la participation de
biens matériels qui sont incorporés dans la production du service
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
388 Management et économie des entreprises

(outils ou consommations intermédiaires de l’artisan plâtrier), tandis


que de nombreux biens matériels sont commercialisés accompagnés
de services (installation, maintenance, garantie, etc.).
– On parlera de consommation de service lorsque la production imma-
térielle est l’objet principal du contrat entre le producteur et le client.
– La périssabilité est le fait que le service est consommé en même temps
qu’il est produit et est par conséquent non stockable, ce qui implique
des contraintes importantes de flexibilité du système productif.
– L’inséparabilité tient à ce que la consommation et la production aient
lieu nécessairement ensemble et que le consommateur se trouve de ce
fait impliqué dans la production du service qu’il demande. Cela sup-
pose la mise en place d’un protocole facilitant la coopération du client.
– La variabilité est le résultat de l’inséparabilité puisque chaque service
est « unique » à travers la relation « prestataire-consommateur ». La
variabilité permet une meilleure adaptation aux besoins particuliers
de chaque client. Elle apporte également un risque de variation de la
qualité du service selon la personnalité (savoir-être) et la compétence
technique du prestataire. Une telle variation peut désappointer la
clientèle. Une définition rigoureuse du processus de réalisation doit
permettre de réduire ce risque.

B. L’accroissement rapide de la production


de services
a. L’évolution économique et sociale est favorable
aux services
La production de services est le fait d’un nombre de plus en plus impor-
tant d’entreprises qui se sont spécialisées dans la production immaté-
rielle et qui constituent le secteur tertiaire de l’économie.
Une part importante de ces activités tertiaires est complémentaire
d’une production physique qu’elle soit industrielle ou agricole. Il s’agit
des nombreux services d’accompagnement dont toute entreprise, indus-
trielle ou non a aujourd’hui besoin (transport, maintenance, personnel
temporaire, crédit, assurance, publicité, surveillance, etc.). De plus, les
consommateurs demandent au fur et à mesure que leur niveau de vie
augmente de plus en plus de services (lois d’Engel sur la consommation
des ménages). De fait, le secteur tertiaire est devenu le premier secteur
d’activités dans les pays développés (75,7 % de l’emploi civil et 79 % de
la valeur ajoutée en France1).

1.  Chiffres de l’Insee pour l’année 2014, in TEF 2016.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 17 – La production de services 389

Ainsi, tandis qu’entre 1978 (5,2 millions d’emplois) et 2002 (3,7 mil-


lions) l’industrie française perdait plus de 1,5 million d’emplois, en
enregistrant un recul de 30 % de ses effectifs, l’emploi dans les services
a progressé de 2,8 millions, d’où résulte la progression nette de l’emploi
en France1. Néanmoins, l’« industrialisation » des services et la tertiari-
sation de l’industrie sont tels que l’on peut s’interroger sur la pertinence
de la distinction entre secteur secondaire et tertiaire.

b. La diversité des activités de service


• L’Insee distingue notamment :
– les services non marchands ;
– le commerce ;
– les locations immobilières ;
– les services marchands aux entreprises ;
– LES services marchands aux particuliers.
Parmi les catégories des services marchands aux entreprises et aux par-
ticuliers, il faut retenir l’importance des services financiers (banque et
assurance), des services de poste et télécommunication (dont la télépho-
nie mobile), des services de transport (dont le transport routier et le
transport maritime), des services de recherche (dont la recherche appli-
quée et le développement expérimental).

EMPLOI TOTAL PAR GRANDS SECTEURS EN FRANCE EN 20142

Agriculture Industrie –
Tertiaire en % Emploi total (en milliers)
en % Construction en %
2,8 20,5 75,7 25 802
Champ : France métropolitaine.
Source : Insee TEF 2013.

• D’autres typologies sont utilisables selon le mode de production du


service :
– Le service « industrialisé » se caractérise par une production standar-
disée qui est souvent assistée par ordinateur (ex. : restauration rapide,
comptabilité paie, assurance).
– Le service de réparation met en œuvre un savoir-faire technique qui
s’applique à des biens durables. Il implique une coopération de la
clientèle pour l’établissement d’un diagnostic (ex. : réparateur plom-
bier chauffagiste).

1.  Il faut relativiser cette évolution du fait de l’externalisation de nombreux services par les
entreprises industrielles.
2. Dans le classement, reste 1 % d’acitivité indéterminée.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
390 Management et économie des entreprises

– Le service d’expert implique la mobilisation de savoirs et compé-


tences de haut niveau (ingénierie, audit, expertise, consultation médi-
cale). Il repose sur la fourniture d’informations par le client tout au
long de la production. Il s’appuie de plus en plus souvent sur les NTIC
qui apportent une aide au diagnostic ou à l’élaboration de projet.
– Le « self-service » permet de réduire fortement le coût de production
du service tout en offrant une grande flexibilité de production à la
clientèle à laquelle il faut apprendre à produire le service elle-même
(ex. : pompe à essence, réservation ou commercialisation par Internet).
Il s’appuie également sur des logiciels de menus déroulants qui
guident les clients.

C. Les spécificités de la production de services


• La production est plus ou moins immatérielle
Le fait que le service lui-même soit immatériel n’empêche cependant
pas sa production d’intégrer de nombreux éléments physiques qui la
rapprochent alors parfois sensiblement de la fabrication industrielle
(tous types de transport collectif ; réparation de biens durables).
• Le service n’est pas stockable
Mais la production de certains services implique le stockage de consom-
mations intermédiaires (restauration), ce qui introduit la gestion des
stocks de ces biens intermédiaires. Elle peut impliquer également le
stockage d’informations jouant un rôle crucial dans la production du
service (Banque ; Finance ; Assurance ; Veille).
• Il y a rarement transfert de propriété lors de la transaction
Mais il y a transfert d’un droit à une prestation qui implique un certain
niveau de qualité (« obligation de résultat » en matière de transport ou
« obligation de moyen » en matière de service de santé). La revente n’est
pas possible après la consommation du service mais elle reste praticable
avant, dans la plupart des cas de services standardisés.
• Production, consommation et commercialisation sont le plus souvent
réunies en un même lieu et un même temps
Néanmoins la commercialisation peut être anticipée à chaque fois
qu’une réservation est nécessaire afin de permettre la gestion d’un ser-
vice collectif (spectacle, transport). Par ailleurs, la simultanéité entre
production et consommation donne une dimension commerciale à la
relation de production. La recherche de satisfaction du client impose
souvent à l’opérateur de trouver un arbitrage entre l’offre standardisée et
les attentes du client. Cet arbitrage, plus ou moins coûteux pour l’entre-
prise de service, dépend de la marge de manœuvre dont dispose l’opéra-
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 17 – La production de services 391

teur et de son appréciation de la « relation-client ». Cela introduit une


variabilité de la prestation de service d’un prestataire à un autre de la
même entreprise.
• Le client participe souvent directement à la production
En tout cas il est impliqué dans le processus productif (fourniture d’in-
formation, participation physique, participation intellectuelle, artis-
tique, etc.). La participation est maximale dans le cas d’un « self-ser-
vice » où le consommateur devient ponctuellement producteur dans le
cadre d’un processus défini pour lui par la société de services à laquelle
il s’adresse. Le client peut aussi profiter de sa participation pour faire
pression sur l’opérateur afin d’obtenir un service lui offrant une plus
grande valeur d’usage en s’écartant du standard d’offre défini par l’en-
treprise.

II. La mise en œuvre


de ces productions
A. Les processus impliqués dans ce type
de production
On peut distinguer plusieurs processus dans la production de services
(cf. Denis Lapert in Le marketing des services, Dunod, 2005).
– Le traitement des personnes (santé, transport, restauration, etc.)
implique une participation et une coopération directe des clients.
– Le traitement des biens (maintenance ou réparation) implique de la
part de la clientèle de confier les biens au prestataire. Celui-ci en deve-
nant détenteur de ces biens, acquiert certaines obligations (de conser-
vation et d’entretien) et certains droits (droit de rétention jusqu’au
paiement du service).
– Les processus de stimulation mentale apparaissent dans tous les ser-
vices concernant l’esprit du client (éducation, formation, conseil, psy-
chothérapie, etc.). Ce type de processus étant basé sur la communica-
tion d’informations, peut être parfois dispensé collectivement (ex :
enseignement) ou bien enregistré et transformé en produit manufac-
turé (DVD). Néanmoins la qualité de tels services passe le plus souvent
par une relation de confiance, sur mesure et personnalisée entre pres-
tataire et clients et cela implique des échanges en face à face.
– Le traitement d’information est un processus qui est crucial dans les
services bancaires et financiers ainsi que dans l’assurance. Il est de
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
392 Management et économie des entreprises

plus en plus automatisé et réalisé à distance par voie télématique


(consultation des comptes et passation d’ordres par Internet).
On remarque que de nombreux services complexes impliquent plu-
sieurs de ces processus à la fois. Par exemple, le service de formation
combine des processus de traitement des personnes, de stimulation
mentale et de traitement d’informations.

B. La mise en place par l’entreprise d’un mode


de production adapté
Toute entreprise de service doit définir et mettre en place le processus
de sa production, c’est-à-dire le modèle qui devra être mis en œuvre pas
à pas pour satisfaire la demande de la clientèle visée. On peut distinguer
trois aspects de la production de services.

a. La phase de conception
• Elle part de la prise en compte des données du marché (attentes de la
clientèle ciblée et concurrence) et doit aboutir à la définition d’un
concept opérationnel de production d’un service adapté aux attentes
de la clientèle. Elle s’appuie sur l’expérience du producteur et sur une
phase de rodage et d’expérimentation. On parle parfois à son sujet de
design de service.
• Une meilleure mesure des attentes de la clientèle repose sur la décom-
position du service global en trois parties :
– d’éventuels produits supports (boissons dans une brasserie, véhicules
chez un transporteur, etc.) ;
– des éléments intangibles explicites (avantages déclarés et conscients
comme par exemple l’apprentissage de la musique par un enfant) ;
– des éléments intangibles implicites (avantages non-dits ou inconscients,
comme le fait de se décharger de son enfant pendant la séance d’ap-
prentissage musical).
• L’analyse de la valeur du service de l’entreprise qui passe par une
description de l’ensemble des éléments constituant le service (l’offre
faite au client) permet souvent de distinguer un service principal de
services complémentaires
EXEMPLE
Dans le transport de marchandises, le service principal est le déplacement des mar-
chandises d’un lieu à un autre, tandis que les services complémentaires sont l’accueil
commercial, l’information sur le déplacement de la marchandise en temps réel, le
crédit-client accordé, etc.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 17 – La production de services 393

Or, il arrive que la banalisation du service principal entraîne un dépla-


cement de la concurrence sur les services secondaires qui jouent alors
un rôle crucial. L’analyse de la valeur débouche souvent sur un remode-
lage du processus de service. Le but est d’améliorer la satisfaction du
client en réduisant les occasions d’erreurs, en réduisant les délais ou le
coût, en améliorant la qualité.
• Les améliorations passent souvent par l’innovation. Celle-ci peut por-
ter sur le service lui-même (ex. : autopartage, libre-service auto ou
scooter, train low cost, acheminement personnalisé des colis).
Elle peut porter également sur le processus mis en œuvre pour aboutir
au service (ex. : travail assisté par ordinateur du conseiller de clientèle,
dans l’assurance) ou sur la production de l’un des services complémen-
taires du service principal (ex. : paiement en ligne sécurisé sur Internet).
• Le remodelage peut aussi consister en une simplification du proces-
sus rendue possible par une standardisation de certaines étapes ou un
regroupement de services offerts «  en bouquet » à la clientèle ou
encore par une orientation vers le self-service qui permet de réduire le
prix de l’offre faite au client en reportant sur lui une partie de l’activité
de production (ex. : utilisation des automates par la clientèle dans les
agences bancaires françaises).
• La définition du processus passe par la description de la succession
des différentes étapes concourant à la production du service. Il fixe
des standards à respecter pour chaque étape (qualité, délais) en dis-
tinguant les activités de back-office et les activités de front office.

b. Le front office (ou front stage)


C’est la partie du service qui se déroule en interaction avec le client. Elle
implique un savoir-faire autant qu’un savoir-être en combinant l’activité
commerciale à l’activité technique. Un programme de travail permet à
l’employé de ne rien oublier d’essentiel et de suivre dans un ordre
logique les différentes étapes de cette phase de la production du service.
Ce programme peut être informatisé débouchant sur un travail assisté
par ordinateur (TAO).
– La participation du client peut varier d’une simple présence (ex. :
séance de théâtre) à une véritable coopération (ex. : traitement médi-
cal) et même au self-service (ex. : la pompe à essence). Le développe-
ment des productions en libre-service pose la question de l’informa-
tion et de la formation des clients qui pourraient dans certains cas,
bloquer ou ralentir la production du fait d’une mauvaise utilisation
des équipements mis à leur disposition. Le processus peut apporter
au client coopératif un avantage lié à l’efficacité de son travail (réser-
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
394 Management et économie des entreprises

vation plus rapide, moindre attente aux caisses automatisée, réduction


sur le prix, etc.).
– Le comportement négatif ou inadapté de certains clients peut donc
avoir des répercussions sur la consommation du service par les autres
clients (blocage de la production, réduction de la qualité du service).
L’entreprise doit pour cela se donner les moyens de contrôler la parti-
cipation de la clientèle à la production du service. Elle peut également
sélectionner sa clientèle ou prévoir un service différencié (caisses tra-
ditionnelles, caisses prioritaires, caisses automatiques dans les super-
marchés).

c. Le back-office (ou back-stage)


C’est la partie de la production invisible au client (ex. : la cuisine du
restaurant). Elle implique souvent des activités répétitives et le recours
à un outillage ou des équipements productifs. Les compétences du per-
sonnel sont surtout techniques et une rationalisation du processus peut
être recherchée indépendamment de toute interaction avec la clientèle.

SCHÉMA DU MODÈLE DE MANAGEMENT DE LA QUALITÉ DE SERVICE

Spécification
du service
Fournisseur
Fournisseur

Spécification
Descriptif Processus de
Client

Client

de la prestation
du service conception
du service
Spécification
du contrôle
qualité
Besoin
Processus
du
de Marketing
service
Processus
Résultats
de prestation
du
du service
service

Analyse de la réalisation
du service et de son Évaluation par Évaluation par
amélioration le fournisseur le client

source : ISO 9004/2.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 17 – La production de services 395

C. Les priorités du management de la production


• La recherche d’efficacité de la combinaison productive passe par la
motivation du personnel
Il faut d’abord repérer les facteurs qui permettent la prestation de service. Une
prestation de service de qualité suppose d’abord une bonne motivation du
personnel producteur. De plus, une culture d’entreprise forte permet à la fois
de garantir une certaine homogénéité de la production et en même temps une
différenciation du service par rapport à ce que propose la concurrence, il appa-
raît ainsi que l’entreprise de service doit « vendre sur deux fronts » c’est-à-
dire se vendre à la fois à ses clients et à son personnel (marketing interne).
Étant donné les tensions qui peuvent naître du face à face avec la clientèle
et des arbitrages que le salarié doit réaliser entre les attentes de chaque
client et le standard d’offre défini par l’entreprise, le management doit
mettre en place des moyens appropriés de renforcement du personnel de
front office (ou de face à face) afin de préserver sa mobilisation. Ce sont :
– Les réunions de mise en commun et d’échange d’expériences et de
bonnes pratiques qui permettent aux opérateurs à la fois de prendre un
certain recul par rapport aux situations vécues et de s’approprier les
solutions utilisées ou mises au point par d’autres.
– Les actions de formation ad hoc que le management peut mettre à la
disposition des salariés en fonction des besoins dans le cadre du plan
annuel de formation.
– Les prestations de coaching individuel ou collectif, dispensées de
façon régulière ou en fonction des besoins à la suite d’incidents rela-
tionnels avec certains clients.
• La recherche de compétitivité par les coûts reste possible
Elle passe par une mise au point de méthodes de reproduction des ser-
vices et permet l’application d’une certaine méthodologie de la production
(« industrialisation de la production de service ») : division du travail,
standardisation, etc. (ex. : la « restauration rapide » de style anglo-saxon)
favorable à la productivité. La standardisation permet dans certains sec-
teurs une commercialisation puis une production de masse de services
propice aux économies d’échelle par la répartition des coûts fixes du capi-
tal technique sur un plus grand nombre d’unités produites (Téléphonie).
EXEMPLE
Ainsi la firme française Ubisoft, troisième mondial du secteur du jeu vidéo, cherche
à créer des marques de jeu assez fortes afin de les rentabiliser ensuite sur tous les
supports possibles.

La généralisation des NTIC a permis des gains de productivité, même si


les organisations n’ont pas toujours suivi. Cela se vérifie dans la gestion
des informations du secteur logistique, ou encore dans les services admi-
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
396 Management et économie des entreprises

nistratifs des entreprises et de façon générale dans de nombreux services


grâce au développement du travail assisté par ordinateur TAO (ex. des
argumentaires de vente des commerciaux et autres conseillers clientèle).
• La prise en compte de l’interaction client-producteur
Dans un grand nombre de cas de service, la production de celui-ci dépend
de la participation du consommateur (vaccination du touriste qui rend
possible son voyage en Asie ; coopération de l’utilisateur d’un futur logiciel
informatique dans la phase d’analyse de l’existant et des besoins). Cela est
de plus en plus vrai avec le développement des automates qui assistent le
client pendant au moins une partie de la production et qui lui demandent
une fourniture d’information qui constitue une participation active de
celui-ci (terminaux de paiement ; distributeurs automatiques de titres de
transport, de billets de banque, etc.). Le personnel doit donc être doué
d’une empathie suffisante pour aider le client à formuler son besoin et à
participer à la production du service aux différentes étapes de cette pro-
duction. La bonne participation du client est en effet souvent aussi néces-
saire que la qualification du personnel, à la qualité du service qui est fina-
lement produit. On peut souligner ici l’importance de la formation du
personnel et de son « savoir-être ». Une bonne motivation permet à celui-ci
la patience nécessaire pour accueillir et guider la clientèle au cours de la
production. La gestion de la rémunération peut être ici un outil efficace,
mais la culture d’entreprise a encore un rôle à jouer dans ce domaine.
• La recherche de flexibilité du processus de production est indispen-
sable car la demande est souvent fluctuante
La productivité globale de l’entreprise de service est menacée par la
sous-activité. La qualité du service offert est quant à elle souvent remise
en question par une saturation du dispositif de l’entreprise en cas de
surcroît de demande.
Cette adaptabilité implique généralement une flexibilité du travail,
d’abord quantitative (recours aux heures supplémentaires, heures com-
plémentaires, accords de modulation du temps de travail, intérim, etc.)
et aussi qualitative (développement de la polyvalence du personnel).
Elle peut aussi passer par la location d’équipements supplémentaires
voire par la sous-traitance de tout ou partie de la demande excédentaire
(celle qui dépasse la capacité maximale de production de l’entreprise).
La flexibilité est facilitée par une connaissance des facteurs de la fluc-
tuation de la demande qui permet d’anticiper cette fluctuation suffisam-
ment longtemps à l’avance.
• Une autre voie d’adaptation consiste à jouer sur le prix pour régula-
riser la demande (yield management)
La demande varie en effet en fonction de son élasticité-prix. Ainsi, la
SNCF fait-elle varier ses tarifs TGV en fonction de la fluctuation de la
demande au cours de la semaine.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 17 – La production de services 397

D. Les spécificités des services aux entreprises


– De tels services reposent d’abord sur une compétence spécialisée
(ignorance ou incapacité matérielle du client, équipements spéci-
fiques, expérience, accès à un réseau…) qui permet d’apporter à ce
client un service auquel il n’a pas lui-même accès (ex. : Services d’une
banque ou d’une société de bourse) ou dans d’autres cas, davantage de
bénéfice que ce qu’il obtiendrait en produisant lui-même le service
(ex. : Service de veille juridique ou de transport).
– Les fournisseurs de services aux entreprises peuvent dans certains cas,
offrir une véritable prise en charge d’un domaine de gestion, c’est-à-
dire sous-traiter purement et simplement l’une des fonctions de l’en-
treprise (ex. : information/infogérance, distribution/grossiste, factura-
tion/affacturage).
– Ils peuvent s’accompagner d’un transfert de savoir-faire de l’entre-
prise cliente vers l’entreprise prestataire. Cela survient lorsque la
production directe du service correspondant ne satisfait plus le client
ou est devenue trop concurrencée pour être rentable mais que cette
production repose sur des connaissances et procédures de travail spé-
cifiques. Ce transfert de connaissances, souvent partiel peut être l’oc-
casion pour le prestataire, de créer les conditions d’une fidélisation
pour la production d’une partie du service. Prestation de service et
transfert de savoir-faire sont donc souvent complémentaires.
– Ils peuvent aussi reposer sur un travail de mise en relation qui trouve de
nombreuses applications : négoce dans le commerce, courtage dans l’as-
surance, applications que l’on peut d’ailleurs retrouver en ce qui concerne
les services aux particuliers (agent d’assurance, agence de tourisme).

III. La gestion de la qualité


dans la production de service
A. La recherche de la qualité du service
produit
La démarche consiste à modéliser la recherche qualité dans une « boucle
de la qualité » (ex. : Le modèle CYQ de la RATP). On peut distinguer les
notions de service « produit » par l’entreprise, service « perçu » et ser-
vice « attendu » par les clients. L’objectif étant de rapprocher le service
produit du service attendu, en améliorant sa qualité et aussi sa percep-
tion par le client.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
398 Management et économie des entreprises

Cette perception étant variable d’un client à l’autre en fonction de ses


propres attentes, il est nécessaire que chaque opérateur de l’entreprise
ayant la responsabilité de la prestation de service dispose d’une marge
de manœuvre suffisante pour arbitrer entre le standard d’offre prédéfini
par l’entreprise et la demande exprimée par le client, afin d’obtenir une
satisfaction de celui-ci sans pour autant remettre en question la rentabi-
lité de la prestation pour l’entreprise.
Des outils de mesure de la satisfaction-client peuvent être mis en place
par rapport aux caractéristiques définissant le « service annoncé » par
l’entreprise (contrôle par rapport à un objectif en % de clientèle ayant
perçu le service comme conforme au « service annoncé »). Ces outils
peuvent être intégrés dans une politique de motivation du personnel.

B. Le rôle particulier du marketing


dans la qualité du service
LE MODÈLE CYQ* : APPROCHE DYNAMIQUE
Service attendu Service voulu
Espace 1 : Marketing

Espace 4 Que fait l’entreprise Espace 2


Analyse et pour améliorer Amélioration
prospective le service rendu? du process

Espace 3 : Communication
Service perçu Service réalisé
Chaque fonction apporte une contribution spécifique
* CYQ pour cycle de qualité, selon la terminologie AFNOR dans la norme XP X 50-805.
Le schéma de la dynamique des quatre temps du modèle CYQ (extrait
de « Mesurer et manager la qualité de service », INSEP Éditions, 1998).

La qualité du service étant relative à la satisfaction du client visé, le


marketing joue un rôle important dans la recherche de qualité. Selon
C.  Lovelock et D. Lapert, la démarche mercatique spécifique aux ser-
vices combine trois types de marketing.
– Le marketing externe n’est qu’une adaptation au service, du marke-
ting-produit classique.
– Le marketing interne a pour objectif de former et de motiver le person-
nel afin qu’il s’adapte en permanence aux contraintes de la production
du service considéré.
– Un marketing « interactif » doit s’appliquer à instaurer un « échange
permanent » entre le personnel et la clientèle afin de tenir compte de
l’importance particulière de la relation client.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 17 – La production de services 399

LES TROIS TYPES DE MARKETING DANS LES ACTIVITÉS DE SERVICES

Entreprise

Marketing interne Marketing externe

Personnel Client
Marketing interactif

(Selon C. Lovelock et D. Lapert, Marketing des services, Publi-Union, 1999).

C. L’innovation dans les services


Selon la Direction générale des entreprises du ministère de l’Économie
et des Finances, l’innovation servicielle1 se définit comme « l’introduc-
tion d’un service, qui répond à un besoin non satisfait ou apporte une
nouvelle réponse à un besoin satisfait, résout un problème ou crée un
nouveau marché par un élément de différenciation forte ou par une série
de différenciations minimes, significatives par rapport à l’état de l’art,
qui peuvent se situer à plusieurs moments de la chaîne de valeur et dont
la résultante est importante dans l’écosystème de l’entreprise ou/et la
mise sur le marché ou/et l’usage fait par le client ».

a. Les étapes de l’innovation de services


– L’idée d’un nouveau service peut résulter d’une écoute attentive des
besoins de la clientèle. Cette écoute repose sur un faisceau d’informa-
tions (réclamations des clients, rapports des représentants, enquête
auprès des distributeurs). L’écoute de la clientèle peut être complétée
par la prise en compte des offres de la concurrence et des possibilités
de différenciation du service offert. Néanmoins, il apparaît souvent
que le processus d’innovation commence dans les services par l’inno-
vation de procédé qui précède celle du service lui-même (contraire-
ment à ce qui se passe généralement dans le cas des produits).
– La définition du service passe par le repérage de ses différents élé-
ments, matériels et immatériels.
– L’expérimentation et le rodage du nouveau service permettent de défi-
nir un standard ainsi qu’une procédure type de production afin d’en
stabiliser la qualité.

1.  Cette définition s’appuie elle-même sur le manuel d’Oslo, édité par la Commission euro-
péenne, pour harmoniser les concepts relatifs à l’innovation au sein de l’OCDE (3e éd.,
2005).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
400 Management et économie des entreprises

– La diffusion du service peut se faire à travers différents points de


vente par la construction d’un réseau. Généralement ce réseau est
constitué d’entreprises indépendantes, sélectionnées pour exploiter le
concept de service. Le contrat de franchise est un bon support juri-
dique de ce type de réseau.

b. Les difficultés de protection de l’innovation


de services
L’innovation de service n’engendre généralement pas un droit de pro-
priété intellectuelle. Elle ne peut pas être, en règle générale, protégée par
un brevet, comme dans le cas d’une invention de produit matériel. Elle
est donc fragile car aisément copiable par tout concurrent. Afin de pré-
server une situation de monopole provisoire, l’entreprise innovatrice de
service pourra très utilement déposer un brevet pour un produit dont
l’utilisation est fortement associée à la production du service.
L’entreprise peut aussi définir une procédure de travail ou une œuvre
originale en la protégeant par des droits d’auteur ou encore associer son
service au packaging particulier d’un produit consommé lors de la
production du service. Le modèle ou le dessin correspondant peut alors
être déposé à l’INPI, ce qui permet de protéger un peu mieux l’innova-
teur de service !
La protection dure alors 10 ans mais est indéfiniment renouvelable.
EXEMPLES
Les emballages et logos de la restauration rapide ; les nouveaux logiciels ; les offres de
tourisme responsable ; services de domotique à distance, etc.

IV. L’amélioration de la productivité


de service
A. Les difficultés de mesurer la productivité
des services
Pour la clarté du raisonnement, il est utile de rappeler ici que la produc-
tivité est la mesure de l’efficacité productive par le rapport entre la
valeur de l’output obtenu et celle des inputs engagés. Il convient donc
de rapporter la valeur des services produits à celle des facteurs engagés.
La difficulté avancée par certains est que les activités de service se
prêtent a priori assez mal à des mesures. Pourtant on peut toujours uti-
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 17 – La production de services 401

liser le « prix du marché » pour mesurer une production de services


marchands.
Valeur du service produit
Productivité du service =
Coût des facteurs

a. L’incertitude liée à la définition même du service


produit
Mesurer l’efficacité de la production de service apparaît plus délicat que
celle de la production de biens. Cela s’explique par le caractère immaté-
riel de cette production.
Selon J. Gadrey, il existe une incertitude relative à la définition du ser-
vice qui est produit et des unités de produit et cette incertitude résulte
de la faible standardisation des processus et des services produits, et
même parfois, de l’éclatement des conceptions même du service en
question.
Cet éclatement s’explique du fait d’une diversité possible de l’horizon
temporel de référence ou encore des critères fondant la « valeur d’usage »
du service et de ses résultats.
EXEMPLE
Dans un service d’apprentissage d’un sport, le résultat de la prestation de service
est-il :
– un certain nombre de séances d’entraînement ?
– la progression du niveau des pratiquants, mesurée par un classement standardisé
(galop, flocon, ceinture, etc.) ?
– les succès remportés par les pratiquants dans certaines compétitions ?
– une combinaison de ces différents critères ? selon quelle pondération ?

L’auteur propose alors de pratiquer une évaluation multicritère du pro-


duit et des performances d’une activité de service, adaptée à la nature du
service que l’on souhaite évaluer. Ce type de problème se pose de façon
importante à chaque fois qu’il est difficile d’évaluer le service sur un
marché (service non marchand).
Dans le cas inverse (service marchand) qui est le cas d’une activité d’en-
treprise, le prix du marché est une évaluation commode de la valeur du
service.

b. Le risque de privilégier l’efficience sur l’efficacité1


Trop souvent, les politiques de productivité d’un service sont orientées
vers les moyens mis en œuvre dans la prestation du service et leur coût,
sans tenir compte du fait que ceux-ci influencent directement la valeur
du service produit. Une telle démarche, confortable pour les gestion-

1.  Voir les définitions de ces notions en p. 8.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
402 Management et économie des entreprises

naires, peut aboutir rapidement à une détérioration de la qualité du


service.
ILLUSTRATION
Une heure de prestation d’un médecin urgentiste n’a pas du tout la même utilité pour
un patient selon la nature de la formation et l’expérience professionnelle du dit méde-
cin. Néanmoins, il peut être tentant pour les responsables d’un budget hospitalier de
résoudre leurs problèmes de coût et de recrutement en confiant la prestation de service
à des personnes « faisant office d’interne », dont la formation est très variable.
À court terme, le problème du gestionnaire est résolu. Mais en réalité le service de santé
est détérioré car l’écart entre le service produit et le service attendu grandit. Un cercle
vicieux peut être enclenché à partir de la détérioration de la valeur du service perçue par
le client. Celui-ci réagit en renonçant au service de santé proposé ou s’oriente vers
d’autres solutions (cliniques, charlatanisme ou médecine « parallèle », automédication).
De plus, les professionnels qualifiés renoncent alors à intégrer la structure du service
d’urgence afin de ne pas compromettre leur employabilité et de risquer de déprécier
leur rémunération. Ainsi la détérioration du service finit-elle par se nourrir elle-même.
Dans le cas d’un service purement marchand, le marché peut sanctionner rapidement
une telle erreur, mais dans le cas d’un service collectif d’intérêt général, comme la santé
ou l’enseignement, la détérioration peut se développer assez longtemps avant que la
perception des effets négatifs ne soit prise en compte par les décideurs. Le coût d’une
restauration de la valeur utilité du service va alors se révéler beaucoup plus important
que celui de son maintien ne l’aurait été.

B. Les politiques d’amélioration


de la productivité
a. Axées sur la réduction du coût, à qualité de service
constante
– La lutte contre le gaspillage des facteurs qui sont utilisés dans la pres-
tation de service permet de réduire les coûts variables ;
– L’adaptation de la capacité de production à la demande permet de
réduire le coût fixe unitaire. Cette adaptation peut résulter soit d’une
régularisation de la demande liée par exemple à une politique tarifaire
(yield management), soit d’une plus grande flexibilité du système pro-
ductif.
– L’introduction de nouvelles méthodes peut aussi améliorer l’efficacité
productive, à qualité égale. Une certaine standardisation du process
peut même permettre cette amélioration en garantissant également une
certaine régularité de la prestation, facilitant ainsi la fidélisation de
la clientèle.
– L’introduction des nouvelles technologies de l’information et de la
communication (NTIC) peut jouer un rôle important, autant pour stan-
dardiser la prestation de service que pour en faciliter la réalisation. On
a pu constater ainsi que de nombreuses activités administratives ont
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 17 – La production de services 403

vu leur productivité accrue grâce aux logiciels de bureautique. De


même, en matière commerciale, un grand nombre de logiciels viennent
soutenir le travail, l’organisation et l’argumentation des vendeurs. Ou
encore, dans l’architecture, des logiciels d’élaboration de plans 3D
améliorent sensiblement la productivité.
– Le recours à des partenaires pour externaliser certaines étapes du
process est également possible, facilitant ainsi la production du ser-
vice dans son ensemble (Exemples : réservation par agences de voyage
reliées au serveur de la compagnie aérienne ; bureautique en ligne,
externalisée).

b. Axées sur l’amélioration de la qualité du service,


à coût constant
Le recours à de nouvelles méthodes se justifie parfois davantage par le
souci d’améliorer la qualité. Ainsi les NTIC permettent-elles à l’entre-
prise d’offrir plus rapidement et avec plus d’exactitude, certains ser-
vices à la clientèle et également d’instaurer une relation plus personna-
lisée que celle d’une offre classique (Exemple de la réservation de billets
de transport, de l’hébergement et d’une location de véhicule en une
seule opération, en ligne grâce à un élargissement de l’offre SNCF).
POUR EN SAVOIR PLUS
Alain (M.), Réussir la qualité de service, Éditions nouvelles, Québec, 1998.
Asselain (J.-C.), Économie des services, Encyclopædia Universalis, 2005.
Averous (D.-B.), Mesurer et manager la qualité de service, INSEP éditions 1998.
Chambaretaud (D.), Construire une stratégie de services, Dunod, 2003.
Dejours (C.), L’évaluation du travail à l’épreuve du réel. Critique des fondements de
l’évaluation, INRA éditions, 2003.
Gadrey (J.), Services, la productivité en question, Desclée de Brouwer, 1996.
Gadrey (J.), Socio-économie des services, La Découverte, 2003.
Gadrey (J.) et Zarifian (P.), L’émergence d’un modèle du service : enjeux et réalités, Édi-
tions Liaisons, 2001.
Lapert (D.), Le marketing des services, Dunod, 2005.
Lovelock (C.), Lapert (D.), Marketing des services, Publi-Union, 1999.
Petit (P.), La croissance tertiaire, Economica, 1988.
Teboul (J.), Le management des services. Une approche opérationnelle pour toutes les
entreprises, Eyrolles, 2007.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
404
CHAPITRE 18
Management et économie des entreprises

La fonction logistique :
approvisionnement,
gestion des flux
et des stocks

I. La logistique
Depuis quelques années, une préoccupation nouvelle s’est imposée à
l’entreprise : l’étude de la circulation des flux et du stockage, c’est-à-
dire la logistique. Mais le domaine de la logistique s’élargit aujourd’hui
pour sortir du périmètre de l’entreprise et intégrer les flux reliant celle-ci
à ses partenaires en amont (fournisseurs) et en aval (distributeurs). Un
management de la chaîne logistique globale (supply chain management)
se développe en s’appuyant sur les NTIC et la coopération entre les
acteurs de la chaîne industrielle.
L’enjeu de la logistique est d’assurer la meilleure fluidité possible des
produits dans la filière de production et de réduire au minimum les
stocks voire les supprimer. Dans cette optique, la maintenance et la
manutention (transitique) prennent de plus en plus d’importance. Il
s’agit de diminuer les coûts de stockage, la durée du cycle de fabrication
donc le besoin en fonds de roulement nécessaire (v. chapitre 21 p. 480)
et d’améliorer le niveau de service auprès de la clientèle.

A. La logistique, nouvelle fonction


a. Définition
La logistique correspond à la gestion des flux physiques internes et externes et des flux
d’informations qui leur sont attachés.

Elle englobe donc la gestion des approvisionnements et livraisons, des


transports et du stockage ainsi que de la manutention et du transfert des
produits d’un poste à l’autre.
La logistique externe concerne les échanges physiques avec les fournis-
seurs et les clients, tandis que la logistique interne englobe tous les
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 18 – La fonction logistique : approvisionnement, gestion des flux et des stocks 405

échanges entre établissements de l’entreprise et entre ses ateliers et


postes de travail.

b. Les moyens mis en œuvre


La maîtrise et l’amélioration dans la circulation des flux physiques se
caractérisent par ses différentes composantes.
– Les produits finis sont redéfinis pour offrir une diversité accrue, réa-
lisée à partir d’une standardisation des composants, c’est-à-dire en
repoussant le plus tard possible l’offre de diversité.
– Les moyens mis en œuvre pour l’organisation des transports de pièces
dans le flux de fabrication sont développés grâce à la transitique,
c’est-à-dire le transfert automatique de matières, de produits et d’infor-
mations liées (logistique automatisée).
– Le management fait appel à la démarche de qualité totale (TQM : total
quality management) dans la gestion des usines (politique des « zéros
olympiques » : zéro panne, zéro défaut, zéro stock, zéro délai et zéro
papier).

c. Rôle et importance
La logistique concerne la gestion des flux physiques que ce soient les
matières premières (approvisionnement) et consommations intermé-
diaires ou les produits finis (distribution).
Pour les matières premières, cette gestion concerne l’achat, le transport,
le stockage et l’approvisionnement de la production : tout ceci dépend
de la gestion normale de la production.
Pour les produits finis, le flux physique prend sa source à la sortie de la
production et concerne le transport, le stockage et l’approvisionnement
de la distribution : c’est le domaine de la gestion de la distribution.
Dans une entreprise de distribution, il peut se développer une logistique
de soutien tournée vers la gestion des magasins de détail et le service
après-vente.
La logistique a un rôle essentiellement transversal qui est de permettre
la cohérence des flux entre les différents sous-systèmes achats-produc-
tion-ventes.

B. La logistique, nouvel enjeu


a. Le choix de l’implantation
L’optimisation des flux physiques joue un rôle important dans le choix
de l’implantation d’une entreprise. Il est nécessaire que la région dis-
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
406 Management et économie des entreprises

pose d’infrastructures adéquates pour permettre une organisation des


transports optimale entre le fournisseur et l’entreprise principale et
entre celle-ci et ses distributeurs. L’organisation du transport entre le
fournisseur et son client est faite de telle sorte que le dernier poste de
fabrication du fournisseur soit commuté à la chaîne de fabrication de
son client comme s’il s’agissait d’une seule et même chaîne. Il s’agit d’un
processus de « poste à poste ».

b. Le choix de l’agencement interne


La réduction des délais de transport des pièces à l’intérieur de l’entre-
prise débouche sur l’implantation en ligne, nouvelle technique d’organi-
sation de la production. L’implantation en ligne consiste à rapprocher
au maximum les moyens de production successifs d’un même produit,
et de synchroniser les opérations correspondantes pour fabriquer en
continu sans interruption de flux. Elle se pratique en réduisant au maxi-
mum les distances et les temps entre les diverses opérations du proces-
sus, en synchronisant l’ensemble des machines et des liaisons, en méca-
nisant les liaisons intermachines au moyen de la transitique. La
transitique permet de doubler la gestion physique des flux d’une gestion
des informations, la manutention s’informatise et comporte une part
croissante d’ingénierie.

II. Étude économique


de l’approvisionnement
A. La problématique de l’achat
L’approvisionnement de l’entreprise doit respecter différentes
contraintes. Il lui faut acheter :
• La quantité nécessaire et suffisante
Cette quantité économique optimale se détermine en fonction des
besoins réels, des temps d’écoulement et de la politique de gestion des
stocks (voir infra : partie sur la gestion des stocks).
L’entreprise ne peut déterminer cette quantité économique dans l’ab-
solu, il lui faut tenir compte de la situation générale du marché, des
conditions de vente, de transport ainsi que des capacités de stockage.
• Un produit de qualité au moindre coût
Il faut donc optimiser le rapport qualité/prix. Ce rapport est fonction des
diverses conditions de prix concernant le coût d’achat (les remises, les
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 18 – La fonction logistique : approvisionnement, gestion des flux et des stocks 407

emballages, le transport, l’assurance, le paiement…). L’objectif est d’ob-


tenir le prix le plus bas en mettant les fournisseurs en concurrence au
moyen d’appel d’offres par exemple. Mais il ne faut pas négliger le coût
d’utilisation (le rendement plus ou moins bon des matières), ni les pro-
blèmes de qualité qui peuvent survenir.
• Dans les délais voulus
Il faut concilier les exigences de l’utilisateur, la nécessité de réduire les
stocks et les bénéfices pouvant résulter d’achats importants.
Il est nécessaire d’instaurer des relations de confiance avec les fournis-
seurs, ceux-ci sont des maillons importants dans la mise en place des
nouvelles formes de production par le respect des délais et de la qualité.

B. Stratégies d’achat
Il n’existe pas de panacée en matière d’achat et il existe autant de stra-
tégies que de « familles d’achats ». On peut se repérer en distinguant
trois types d’achats.
– Les achats à haut risque concernent des approvisionnements aux
fortes caractéristiques techniques, qui influencent la qualité des pro-
ductions de l’entreprise et qui sont souvent achetés sur des marchés
d’oligopole. La stratégie d’achat repose sur un partenariat avec les
fournisseurs visant à maîtriser les coûts tout en recherchant la qualité
et l’innovation.
– Les achats à fort volume. Ils sont récurrents, et concernent de grandes
quantités de produits standardisés. L’entreprise peut faire jouer la
concurrence en élargissant éventuellement l’approvisionnement à
l’échelle internationale afin d’obtenir un meilleur coût d’approvision-
nement. Le recours éventuel aux places de marché virtuelles facilite
la mise en concurrence.
– Les petits achats concernent des produits standards nécessaires aux
services fonctionnels de l’entreprise (fournitures bureautiques par
exemple) et peuvent être décentralisés ou bien faire l’objet d’un appro-
visionnement par une centrale d’achat commune à plusieurs entre-
prises afin d’obtenir de meilleurs prix.

C. Le mécanisme de l’achat
• Définition des besoins et des produits à acquérir
Le processus d’approvisionnement comporte comme première étape la
définition des besoins exprimés par les différents services et la défini-
tion des produits à acquérir.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
408 Management et économie des entreprises

Cette définition concerne le premier approvisionnement car ensuite, la


routine s’installant, les besoins présentés par les utilisateurs sont iden-
tiques en qualité et en délai. Ces besoins portent sur des renouvelle-
ments de biens, et des procédures d’achat sont mises en place avec
calcul du lot économique à commander. Si les approvisionnements sont
plus ou moins réguliers sur une période de plusieurs mois, l’entreprise
a la possibilité de conclure un marché à prix réduits, sous la condition
d’un volume global d’achat minimum.
• Documentation sur les fournisseurs à sélectionner
La seconde étape consiste à rechercher et à sélectionner les fournisseurs
qui permettront de satisfaire les besoins exprimés.
Le fichier fournisseur, même s’il est relativement stable, doit être régu-
lièrement remis en question, à partir d’un travail documentaire facilité
aujourd’hui par Internet.
• L’achat
Il représente la conclusion de la confrontation fournisseur/entreprise. Il
est le résultat d’une négociation portant sur toutes les caractéristiques
attachées au produit (prix, quantité, délai et qualité). Le rôle de l’ache-
teur s’est fortement renforcé au sein de l’entreprise pour intégrer ces
nouvelles dispositions. Il peut recourir à l’appel d’offres.
La pratique de l’échange de documents informatisés (EDI) simplifie le
travail administratif.
• L’après-achat
Le rôle du service approvisionnement ne s’arrête pas à la passation des
commandes, il doit ensuite surveiller les délais et relancer le fournis-
seur s’il y a lieu. À la réception des produits, il contrôle la conformité
de la livraison à la commande et établit le bon électronique d’entrée en
magasin ce qui aboutit à une mise à jour du fichier-stock et permet une
information des services concernés par l’entrée en magasin, notamment
le service comptable pour contrôler les factures qui seront présentées.

D. Place de l’approvisionnement
dans l’entreprise
• La structure
L’approvisionnement recouvre trois activités complémentaires : l’achat,
le stockage et la gestion des flux de produits. Selon les entreprises, les
actes d’approvisionnement peuvent être décentralisés au niveau des
différentes unités ou au contraire centralisés afin de renforcer le pouvoir
de négociation vis-à-vis des fournisseurs.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 18 – La fonction logistique : approvisionnement, gestion des flux et des stocks 409

• L’importance
La gestion de l’approvisionnement prend de plus en plus d’importance
car elle permet de diminuer les coûts d’achat et de stockage. Le rôle de
« l’acheteur » évolue : dans le cadre d’une politique à flux tendus il est
intégré à l’ensemble du processus de production. Il doit aboutir à mini-
miser le coût total de l’entreprise en assurant prix, délai, qualité et quan-
tité des approvisionnements.

III. La gestion traditionnelle


des stocks
A. Problématique
La gestion traditionnelle des stocks a pour but de minimiser le coût de
stockage en agissant sur la quantité économique à commander. Tous les
stocks ne nécessitent pas une attention si particulière, certains n’ont que
peu de valeur. Il est pratiquement indispensable de classer les produits
achetés (dans le cas d’un stock de matières) ou utilisés (dans le cas d’un
stock d’en-cours ou de produits finis) en fonction de leur importance
économique (dans la valeur ajoutée ou le chiffre d’affaires).

a. Classification des produits


On établit un classement des différents articles en calculant, pour
chaque référence :
– le pourcentage de valeur qu’elle représente par rapport à la valeur
totale du stock ;
– le pourcentage d’articles détenus en fonction du nombre total d’ar-
ticles en stock.
Ensuite, on établit un classement par ordre décroissant de valeur et un
cumul de ces références en valeur et en quantité.

1. L’analyse 80/20 ou diagramme de Pareto


Le stock est décomposé en deux parties :
– un premier groupe représentant 20 % des articles en quantité et 80 %
des articles en valeur (groupe 1) ;
– un deuxième groupe représentant 80 % des articles en quantité et
20 % des articles en valeur (groupe 2).
On pratiquera une gestion beaucoup plus rigoureuse pour les articles du
premier groupe que pour ceux du second.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
410 Management et économie des entreprises

2. Le modèle ABC
Le stock est décomposé en trois parties :
– un groupe A (10 % du nombre et 70 % de la valeur) qui représente les
articles de valeur importante qui nécessitent une gestion rigoureuse ;
– un groupe B (20 % du nombre et 20 % de la valeur) représentant les
articles secondaires qui peuvent se contenter d’une gestion plus
souple ;
– un groupe C (70 % du nombre et 10 % de la valeur) comprend les
articles de faible valeur dont la gestion se limite à éviter les ruptures
de stock, avec une passation des commandes en grande quantité, et
dont les contrôles sont réalisés par sondage.
Ce type de méthode permet d’affiner l’analyse précédente et d’adapter la
gestion en fonction des différentes catégories d’articles à gérer.
LA CLASSIFICATION DES PRODUITS

en abscisses : pourcentage cumulé du nombre des références


en ordonnées : pourcentage cumulé des valeurs des références

b. Coût de gestion des stocks


Le coût total d’approvisionnement se décompose en quatre types de
coûts qui évoluent de façon différente par rapport aux quantités com-
mandées.

1. Le coût de possession du stock


Il correspond aux coûts résultants de l’existence du stock. C’est la
somme des coûts de magasinage (salaires, location, assurances, etc.) de
dépréciation des stocks (obsolescence, coulage, etc.) et le coût du capital
immobilisé (frais financiers engendrés par le besoin de trésorerie). Il
comporte une partie fixe et une partie variable mais cette dernière partie
étant la plus importante, on adopte l’hypothèse simplificatrice d’un coût
intégralement proportionnel au stock moyen détenu, exprimé en pour-
centage.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 18 – La fonction logistique : approvisionnement, gestion des flux et des stocks 411

2. Le coût de passation des commandes ou coût de lancement


Il regroupe les frais administratifs de la commande (papier, téléphone,
traitement…), le coût du transport, les frais de réception et de contrôle.
Le coût de passation se décompose en partie variable et fixe mais la par-
tie fixe étant la plus importante, on admet que l’intégralité du coût uni-
taire de lancement soit fixe. Le coût total évolue donc en fonction du
nombre de commandes.

3. Le coût de pénurie (ou rupture de stock)


La pénurie intervient quand, entre deux approvisionnements, la consom-
mation est supérieure au stock disponible, soit que le rythme de consom-
mation se soit accéléré, soit que le fournisseur ait un retard de livraison.
REPRÉSENTATION GRAPHIQUE DU STOCK

p : période d’approvisionnement


Q : quantité en stock

Ce coût est difficilement chiffrable car les conséquences d’une vente


perdue (attente du client ou perte de celui-ci) ou d’un approvisionne-
ment manquant (production bloquée ou changée) sont très variables. On
peut l’évaluer de deux façons :
– soit de manière forfaitaire ;
– soit de manière proportionnelle à l’attente (en fonction du nombre de
manquants et de la durée de la rupture).

4. Le coût d’achat
Celui-ci peut être fixe, mais il varie souvent en fonction des quantités
commandées, en raison des politiques de remise pratiquées par les four-
nisseurs.

c. Contraintes de la gestion des stocks


La politique optimale de gestion des stocks est parfois incompatible avec
certaines contraintes qui s’imposent à la firme.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
412 Management et économie des entreprises

– Contraintes relatives à la pénurie. La nécessité de minimiser le risque


de rupture oblige l’entreprise à posséder un stock de sécurité pour
éviter les aléas dus au rythme de consommation ou au délai de livrai-
son. La détermination du stock de sécurité est fonction de la loi de
probabilité de la rupture (estimée d’après les fréquences de rupture
observées précédemment) ou du niveau de service exigé1.
– Contraintes relatives au fournisseur. Le délai de livraison est le plus
souvent aléatoire et plus ou moins long. L’entreprise détermine un
stock d’alerte (ou point de commande) qui correspond à la somme du
stock minimum (consommation pendant le délai de livraison) et du
stock de sécurité qu’elle a choisi.
– Le fournisseur pratique une politique de remise pour inciter l’entre-
prise à réaliser des commandes en quantités plus importantes.
– Contraintes relatives au stockage. La capacité de stockage de l’entre-
prise n’est pas illimitée et impose donc une quantité maximale.
– Contraintes relatives aux ressources financières. La trésorerie de l’en-
treprise ne permet pas nécessairement d’engager les sommes récla-
mées par la pratique d’une gestion optimale.

B. Le modèle de Wilson
a. Le modèle pur
Ce modèle permet de déterminer la quantité optimale à commander (Q)
en tenant compte des hypothèses suivantes :
– le coût d’achat unitaire est fixe ;
– la consommation est régulière et prévisible ;
– les délais de livraison sont respectés. Il n’y a pas de rupture de stock,
donc pas de coût de rupture.
Données :
a = coût de lancement d’une commande
C = consommation annuelle en quantité
C/2 = stock moyen annuel
u = prix unitaire de l’article
t = taux de possession du stock exprimé en pourcentage
N = nombre de commandes par an ; N = C/Q
Le coût de passation des commandes (Y1) est égal à : Y1 = a . C/Q
Le coût de possession du stock (Y2) est égal à :
C 1 Q ◊u◊t
Y2 = ◊u◊t◊ fi Y2 =
2 C/Q 2

1.  Pour de plus amples informations, se reporter à un manuel de mathématiques appliquées.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 18 – La fonction logistique : approvisionnement, gestion des flux et des stocks 413

Le coût d’approvisionnement est égal à la somme de ces deux coûts :


Q ◊u◊t
Y = Y1 + Y2 fi Y = (a ◊ C / Q ) + ( )
2
On doit minimiser le coût d’approvisionnement (Y = f (Q)), pour cela il
faut calculer la dérivée (Y’ = f’(Q)) et l’annuler.
a◊C u◊t
Y¢ = +
Q2 2
a◊C u◊t 2◊a ◊ C
Y ¢ = 0 donc + fi Q =
Q2 2 u◊t

L’étude du signe de la dérivée seconde montre que l’extremum obtenu


est un minimum.
REPRÉSENTATION DU MODÈLE DE WILSON

b. Le modèle avec remises


Dans le cas où les fournisseurs pratiquent des remises en fonction des
quantités commandées, le prix unitaire d’achat (u) n’est plus une
constante, il faut donc l’intégrer dans le calcul du coût total d’approvi-
sionnement.
ÉVOLUTION DU COÛT D’ACHAT TOTAL

Le prix unitaire (uj) varie en fonction de la taille de la commande (Q) :


– pour O < Q < Q1 le prix sera u1
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
414 Management et économie des entreprises

– pour Q1 ≤ Q < Q2 le prix sera u2


– pour Q2 ≤ Q < Q3 le prix sera u3
– pour Q ≥ Q3 le prix sera u4
Le coût d’achat total (Yt) est égal à la consommation annuelle (C) valori-
sée par le prix unitaire obtenu (uj) : Yt = C. uj.
Le coût d’approvisionnement total est donc égal pour chaque prix uni-
taire (Uj, j variant de 1 à 4 dans l’exemple) à :
C Q ◊u◊t
Yj = a ◊ + + C ◊ uj
2 2
On obtient plusieurs fonctions de coût d’approvisionnement (Yj, j variant
de 1 à 4), chaque fonction n’étant définie que pour les différentes valeurs
de Qj (j variant de 1 à 4).
ÉVOLUTION DU COÛT D’ACHAT D’APPROVISIONNEMENT

La quantité optimale à commander qui minimise le coût total d’approvi-


sionnement, dans l’exemple proposé, est Q2.

c. Les stocks de produits fabriqués


ÉVOLUTION D’UN STOCK DE PRODUITS FABRIQUÉS

Le modèle de Wilson s’applique aussi au calcul de la quantité écono-


mique à fabriquer dans le cas d’un stock de produits en-cours ou finis. Il
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 18 – La fonction logistique : approvisionnement, gestion des flux et des stocks 415

faut néanmoins tenir compte des flux de production et de consomma-


tion qui sont généralement différents. On cherche à minimiser le coût de
lancement (mise en place, réglages…) et les coûts de stockage des pro-
duits fabriqués.
On retient les hypothèses suivantes :
– la production se fait à flux continu (Vp : la vitesse de production est
constante) ;
– la consommation est régulière (Ve : la vitesse d’écoulement est
constante).
Le stock (Q’) en fin de période de fabrication (f) est égal au lot écono-
mique à produire (Q) diminué de ce qui a été consommé pendant la
période de fabrication : Q’ = Q – Ve . f
La période de fabrication (f) est égale au temps nécessaire pour produire
la quantité (Q), donc
Q
f =
Vp
Le stock en fin de période
Q V
Q ¢ = Q - Ve ◊ = Q (1 - e )
Vp Vp
Q¢ Q
Le stock moyen pendant une période est égal à au lieu de dans
2 2
un stock d’approvisionnement.
Pour trouver la quantité économique à fabriquer, il convient donc de
corriger
la formule d’approvisionnement par le rapport
Ve
(1 - )
Vp

2◊a ◊ C
Q =
V
u ◊ t(1 - e )
Vp

d. Les limites du modèle de Wilson


Le modèle de Wilson cherche à optimiser les coûts de stockage mais il
présente certaines limites.
On considère comme variables certaines charges qui sont fixes ou ne
varient que par paliers.
Cette technique conforte les utilisateurs dans l’idée qu’ils optimisent la
gestion de leur stock, ce qui ne les encourage pas à faire évoluer les élé-
ments qui permettraient une diminution de la série économique.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
416 Management et économie des entreprises

Cette méthode est fondée sur l’optimisation du coût du stockage mais


elle peut entraîner des difficultés de trésorerie. Ceci amène les entre-
prises à réduire la quantité économique pour alléger leur trésorerie et
donc à augmenter leur coût de stockage.
Cette approche de la gestion des stocks s’est imposée dans de nom-
breuses entreprises occidentales. Elle s’est développée avec la diffusion
de logiciels de GPAO (Gestion de Production Assistée par Ordinateur)
qui étaient fondés sur ces principes.

IV. Les nouvelles techniques


de gestion des stocks
Aujourd’hui, sous l’influence japonaise, de nouvelles méthodes de ges-
tion de production et de stockage se développent. L’évolution a été le
résultat d’une démarche nouvelle mise en œuvre au Japon et reposant
sur la technique et l’organisation.

A. Les facteurs d’évolution technique


– L’informatique, par la puissance des traitements réalisés, a permis de
gérer les stocks plus rationnellement, et d’appliquer les modèles géné-
rés en recherche opérationnelle. Les modèles de GPAO intègrent la
gestion de la production, la gestion des stocks, l’ordonnancement et le
suivi de production, c’est-à-dire tout ce qui concerne la gestion des
flux. L’informatique a surtout développé les techniques issues du
modèle de Wilson.

LA RÉDUCTION DU LOT ÉCONOMIQUE

– L’automatisation des machines et des équipements a permis de créer


les ateliers flexibles. La flexibilité est la capacité de fabriquer des pro-
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 18 – La fonction logistique : approvisionnement, gestion des flux et des stocks 417

duits différents en quantité variable. Dans cette optique, on ne consi-


dère plus les temps de changement d’outils comme incompressibles.
La flexibilité permet de diminuer le coût de lancement. L’automatisa-
tion occasionne un coût fixe d’ingénierie, le coût total va varier diffé-
remment du modèle de Wilson. Le nouvel optimum entraîne la fabri-
cation de plus petites séries économiques. On parle d’« automation »
lorsque la machine contrôle son propre fonctionnement et diagnos-
tique les pannes.

B. Influence japonaise : le zéro-stock


Les Japonais ont révolutionné la logistique en appliquant différentes
méthodes de gestion de la production qui ont pour objet de minimiser
les stocks. On ne doit néanmoins par prendre l’objectif de zéro stock au
pied de la lettre !
L’organisation de la production en JAT (juste-à-temps) et la gestion des
stocks suivant la méthode du kanban (étiquette) sont les deux axes de
développement d’une maîtrise des stocks (v. la production de biens/la
gestion à flux tendus p. 377).

C. Le management de la « chaîne logistique


globale » (supply chain management)
Le supply chain management gère d’une façon unifiée l’ensemble des flux physiques,
informationnels et financiers, liés à la chaîne des activités de fabrication et de dis-
tribution du produit. Cette gestion globale intègre des flux internes à l’entreprise et
d’autres incluant divers partenaires industriels et commerciaux. Elle implique un système
d’information intégré.

a. La dimension informationnelle
La maîtrise de ces flux repose sur la mise en place d’un système d’infor-
mation qui permette la synchronisation des activités des différentes
entreprises participant à la chaîne opérationnelle assurant la création de
valeur par l’entreprise. Ce système informationnel doit produire et gérer
des informations internes à l’entreprise ou partagées avec d’autres parte-
naires. Ces informations sont pour l’essentiel, transfonctionnelles. Elles
sont essentielles pour maîtriser les coûts logistiques et les délais, sans
lesquels la réactivité de l’entreprise serait compromise. Le pilotage des
flux physiques se faisant à distance, la qualité des informations permet-
tant de suivre ces flux est essentielle.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
418 Management et économie des entreprises

b. La dimension financière
Le supply chain management implique des investissements spécifiques,
essentiellement liés à la mise en place d’un réseau d’entrepôts, l’instal-
lation d’équipements et de réseaux de « transitique » (ex. : le filogui-
dage de conteneurs) et la production et la communication des informa-
tions liées aux flux physiques (GPS, Extranet, ERP « élargi », logiciels
intégrateurs de type MES). Le marché permet de choisir entre acheter,
louer ou prendre le matériel en crédit-bail.
Le management de la chaîne logistique permet de réduire les stocks et
d’accélérer leur rotation et ainsi de réduire le besoin en fonds de roule-
ment de l’entreprise et donc d’améliorer son équilibre financier à court
terme (v. chapitre 21).

c. La dimension coopérative du management


de la chaîne logistique globale
Élargissant le contrôle des activités au-delà du périmètre de l’entreprise,
le management de la chaîne logistique passe par une coopération avec
les partenaires en amont (fournisseurs, transitaires, transporteurs, etc.)
et en aval (négociants, grossistes, centrales d’achat, détaillants, etc.).
• En amont, l’entreprise industrielle devra préciser dans un protocole
(« charte logistique ») les relations qu’elle entend pratiquer avec ses
fournisseurs et sous-traitants.
À NOTER
On peut évoquer ici la pratique du cross-docking (transbordement de quai à quai)
dans lequel les marchandises, réceptionnées par le centre de distribution, ne sont pas
stockées mais regroupées et conditionnées (palettage et filmage) pour une réexpédi-
tion immédiate vers des points de vente ou des clients.
Cette pratique peut être le résultat d’un pré-allotissement des marchandises par l’in-
dustriel, qui livre donc des marchandises déjà repérées, par point de vente, de sorte
que la plate-forme logistique n’a plus qu’à rediriger les marchandises par magasins.
Dans d’autres cas, l’allotissement (ventilation des marchandises) peut être réalisé par
la plate-forme elle-même (éclatement sur plate-forme).

• En aval, l’entreprise va chercher à contrôler la mise à disposition de


son produit à sa clientèle finale. Elle peut dans ce but développer un
système de concession ou de franchisage (voir le chapitre consacré à
la stratégie). Mais dans certains secteurs, le rapport de négociation
s’est inversé en défaveur des producteurs et c’est à eux qu’il convient
plutôt de respecter les exigences de la « grande distribution » qui leur
sont imposées à l’occasion de leur référencement (ou par la menace de
déréférencement) par une centrale d’achat.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 18 – La fonction logistique : approvisionnement, gestion des flux et des stocks 419

• Producteurs et distributeurs peuvent s’engager dans une gestion par-


tagée des approvisionnements. La GPA bilatérale est celle qui s’ins-
talle entre deux entreprises : un fournisseur et un distributeur de
même taille. Tandis que la GPA mutualisée réunit plusieurs petits
fournisseurs.
POUR EN SAVOIR PLUS
Baglin (G.) et alii, Management industriel et logistique, Conception et pilotage de la
supply chain, Economica, 2013.
Baranger (P.), Management de la production et des opérations, Litec, 2003.
Bourbonnais (R.) et Vallin (P.), Comment optimiser les approvisionnements, Economica,
2016.
Fender (M.) et Pimor (Y.), Logistique et supply chain, Dunod, 2016.
Le Moigne (R.), Supply chain management, Dunod, 2017.
Mathé (H.) et Tixier (D.), La logistique, PUF, 2014.
Paché (G.), La logistique : enjeux stratégiques, Vuibert, 2004.
Pimor (Y.), Logistique, production, distribution, soutien, Dunod, 2013.
Savy (M.), Le transport de marchandises, Presses polytechniques romandes, 2017.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
420
CHAPITRE 19
Management et économie des entreprises

La gestion des
ressources humaines
(GRH) : 1. Le cadre
et les contraintes

« Il n’y a richesse ni force que d’hommes. »


Jean Bodin, Les Six Livres de la République, 1576

« La dimension sociale ne peut être dissociée


de la gestion de l’entreprise. »
Antoine Riboud, fondateur du groupe Danone,
Assises nationales du patronat français, 1972

L’entreprise est aussi un groupement humain. Celui-ci est en pleine


évolution, autant du fait de la transformation des formes de travail et
d’emploi que de celle des théories concernant la place et le rôle des tra-
vailleurs dans leur entreprise.
Par ailleurs ce groupement doit être organisé (v. chapitre 12 p. 261) et géré
(v. le chapitre suivant). Il est habité par une culture (v. le chapitre 5).
Michel Freyssenet a montré qu’il existait depuis la première révolution
industrielle un mouvement contradictoire de déqualification du travail
des uns par une « surqualification » du travail des autres, du fait d’une
forme particulière de division du travail liée à la modification de la
répartition sociale de « l’intelligence » de la production. Une partie de
cette « intelligence » est « incorporée » aux machines. L’autre partie est
« distribuée entre de nombreux travailleurs, grâce à l’activité d’un
nombre restreint de personnes chargées de la tâche de penser à l’avance
la totalité du procès de travail et d’en maîtriser l’ensemble des para-
mètres »1. Or, cette distribution de l’activité entre les travailleurs est

1.  Freyssenet M., Qualification du travail : tendances et mises en question, Paris, La Docu-
mentation française, 1975.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 19 – Le cadre et les contraintes 421

aujourd’hui bouleversée dans et hors de l’entreprise du fait de l’applica-


tion des NTIC à la production et la commercialisation des produits.

I. À quoi correspond le facteur


« travail » dans l’entreprise,
aujourd’hui
En dépit de l’informatisation et de l’automatisation de la production, le
travail garde un rôle essentiel dans la création de biens et services par
les entreprises.
Mais le travail a évolué dans son contenu et les objectifs qui sont assi-
gnés aux travailleurs ont changé : au « toujours plus » s’est ajouté le
« toujours mieux ». De plus, la notion de compétence s’est imposée,
autant pour analyser l’évolution des emplois que pour guider les poli-
tiques de recrutement et de rémunération.

A. Les facteurs de l’évolution en cours


a. Le progrès technique
Il a réduit progressivement la place du travail dans la production maté-
rielle. Pour plus de 80 % des effectifs industriels, le travail devient
principalement mental, complexe et donc difficilement normalisable et
mesurable. Il faut donc de plus en plus contrôler le travail par ses résul-
tats. De même, ce travail consiste de plus en plus à trouver des solutions
à l’occasion de pannes et d’événements accidentels dans la ligne de
production automatisée.
Le travail est de plus en plus assisté par un logiciel (TAO) qui simplifie,
standardise et contrôle la succession des opérations.
De plus, les NTIC permettent le travail à distance (TAD) de salariés
« nomades » reliés à leur entreprise par télématique1.
Elles génèrent également le risque d’hyperconnection et de blurring. La
règlementation française pose le principe d’un droit à la déconnection
des salariés qui consiste à ne pas se connecter et ne pas être contacté par
l’employeur en dehors des heures de travail2.

1. Voir le Rapport de B. Mettling sur la transformation numérique et la vie au travail,


sept. 2015.
2. Art. L. 2242-17 Code du travail.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
422 Management et économie des entreprises

b. Le changement de conjoncture et le besoin


de flexibilité
Les marchés sont devenus instables et la concurrence s’est avivée. Il
n’est plus question de produire médiocrement des biens standardisés en
très grandes séries. Il faut produire « juste à temps » des biens de « qua-
lité totale ». Les entreprises ont besoin pour cela d’une main-d’œuvre
qualifiée et polyvalente, capable de prendre des décisions de gestion.
Sur le plan des charges en personnel aussi la flexibilité est recherchée,
afin de rétablir plus rapidement l’équilibre financier en cas de mauvaise
conjoncture, sans avoir à réduire l’effectif.

c. Le développement et la modernisation du tertiaire


On assiste à une tertiarisation des emplois, liée au développement du
secteur tertiaire mais aussi à une dématérialisation croissante des
emplois dans les entreprises industrielles (du fait d’un « détour de pro-
duction » de plus en plus long, pour se référer à Böhm Bawerk).
Le secteur tertiaire, pendant longtemps caractérisé par une faible pro-
ductivité et donc fortement créateur d’emploi au fur et à mesure que la
demande s’orientait vers les services, a connu une profonde évolution
liée à l’apparition de techniques nouvelles. La grande distribution, les
progrès des télécommunications et le développement de la bureautique
ont entraîné des gains de productivité réducteurs d’emploi dans diffé-
rents domaines et l’apparition de nouvelles qualifications, souvent liées
à l’utilisation de l’informatique.

B. Les changements dans le travail et l’emploi


a. La réduction des emplois industriels
Dans les entreprises industrielles, les emplois liés directement à la fabri-
cation diminuent du fait de l’automatisation de la production. Ainsi
entre 1978 et 2014 l’industrie française est passée de 5,2 à 2,8 millions
d’emplois, soit une perte d’environ 46 % des effectifs (Insee – Comptes
nationaux).

b. La modification du contenu des emplois industriels


La nature de ces emplois change puisque le travail est de moins en
moins physique et de plus en plus mental. Les activités de contrôle de
machines automatisées se substituent souvent aux activités de produc-
tion proprement dite.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 19 – Le cadre et les contraintes 423

Une formation théorique est de plus en plus nécessaire et les opérateurs


sont couramment embauchés au niveau Bac + 2. Une féminisation des
emplois est souvent possible du fait de l’effacement de l’aspect physique
du travail de production.

c. Les conséquences de la flexibilité de la production,


dans les services comme dans l’industrie
La flexibilité du travail qui est imposée par celle de la production
entraîne le développement des emplois précaires (travail temporaire et
travail à durée déterminée) et des horaires variables (aménagement du
temps de travail).
Le développement de la production en continu favorise celui du travail
par équipes (2 × 8 h ; 3 × 8 h ; équipe de fin de semaine).
Le développement du télétravail pose des problèmes culturels et psy-
chologiques aux travailleurs à distance chez lesquels il convient de
développer un sentiment d’appartenance à l’entreprise.
La flexibilité est aussi qualitative et un éventail dynamique de compé-
tences est désormais plus utile qu’une qualification « traditionnelle »
(entendons par là, figée par rapport à un poste de travail donné).

d. L’émergence de la notion de compétence


Les notions de poste de travail et de qualification sont de plus en plus
complétées par la notion de compétence. L’employabilité de chacun
dépend désormais de son éventail de compétences. Par ailleurs, le déve-
loppement des compétences des opérateurs s’accompagne de celui de
leur coopération dans la production.

1. Différentes conceptions de la compétence


Selon le ROME (répertoire opérationnel des métiers
et des emplois)
Le répertoire ROME de Pôle Emploi définit la compétence comme « un
ensemble de savoir-faire et savoir-être qui sont manifestés dans l’exer-
cice d’un emploi-métier, dans une situation d’activité donnée ».
Le ROME définit par ailleurs des notions de :
– compétences techniques de base : combinant les savoirs et savoir-faire
indispensables pour exercer un emploi-métier ;
– compétences associées : représentant des atouts pour progresser dans
un emploi-métier donné ;
– compétences liées : désignant certains savoir-être et correspondant à
des compétences cognitives ou des compétences sociales (animation
de réunion, travail en équipe). Les compétences cognitives qui corres-
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
424 Management et économie des entreprises

pondent à une capacité de mobiliser des connaissances et de résoudre


un problème en suivant une démarche de raisonnement, sont considé-
rées comme les plus facilement transférables d’un emploi ou d’une
situation professionnelle à l’autre. Ce sont donc des atouts importants
dans la mobilité professionnelle.

Selon le MEDEF
« La compétence professionnelle est une combinaison de connaissances,
savoir-faire, expériences et comportements, s’exerçant dans un contexte
précis. Elle se constate lors de sa mise en œuvre en situation profession-
nelle à partir de laquelle elle est validable. C’est donc à l’entreprise qu’il
appartient de la repérer, de l’évaluer, de la valider et de la faire évoluer »
(in Les cahiers du MEDEF, Journées de Deauville, 1998).

Selon P. Zarifian
La compétence est la « prise d’initiative et de responsabilité de l’indi-
vidu dans des situations professionnelles auxquelles il est confronté ».
La compétence correspond ainsi à une aptitude à combiner des res-
sources (savoirs, savoir-faire et savoir-être mais aussi connaissances
externes accessibles en réseau par ex.) dans une activité professionnelle
donnée.

2. Différentes orientations de la gestion par les compétences


Dans une démarche d’optimisation, on utilisera le travail de repérage
des compétences afin d’affecter les membres du personnel de la façon la
plus efficace sur les différents postes.
Pour soutenir le développement de l’entreprise, on cherchera à favoriser
le développement des compétences, par la formation (autoformation et
stages) par la coopération dans des groupes de travail et par la rotation
des postes.
Par une « démarche compétence » (ANACT1) qui est mutuellement pro-
fitable à l’entreprise et à ses membres. Le développement et la mise en
œuvre des compétences par les salariés favorise la performance de l’en-
treprise qui, à son tour, reconnaît ces compétences et les valorise à tra-
vers une rémunération motivante (échange gagnant-gagnant).

3. La compétence, pivot de la GRH ?


Selon F. Pichault et J. Nizet, la notion de compétence est le pivot d’un
modèle individualisant de GRH qui inspire certaines entreprises. Il se

1. Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail : établissement sous


tutelle du ministère du Travail à conseil d’administration tripartite.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 19 – Le cadre et les contraintes 425

base sur une forte personnalisation de la relation salariale, basée sur


des négociations interpersonnelles entre les dirigeants et les salariés.
On remarque les limites d’un tel modèle qui se heurte en matière de
rémunération par exemple au principe de non-discrimination « à travail
égal, salaire égal » et à toutes les règles de droit positif qui s’appliquent
de façon uniforme à l’ensemble des salariés. La personnalisation qu’il
implique peut devenir un facteur de tension et de dégradation du climat
social d’une entreprise.

II. La prise en compte


du comportement humain au travail
A. Le comportement humain dépend à la fois
de facteurs internes et de facteurs externes
aux individus
a. Les facteurs qui déterminent le comportement
Les travaux de Kurt Lewin (1890-1947) ont montré que le comportement
humain dépendait à la fois de facteurs caractérisant la personnalité indi-
viduelle et de facteurs environnementaux, essentiellement socio-cultu-
rels, parmi lesquels on peut distinguer des éléments structurels (famille,
groupes et institutions) et des éléments événementiels.
Selon le courant de la « psychologie des traits », la personnalité indivi-
duelle peut être approchée par 5 dimensions (the « big five ») : conscien-
cieux/pas consciencieux, stable/instable, extraverti/introverti, agréable/
désagréable, ouvert/fermé.

b. L’attitude d’une personne influence


son comportement
Pour les sociologues William Thomas et Florian Znaniecki, une attitude
individuelle est toujours orientée vers un objet. Elle est positive ou
négative et est plus ou moins intense.
Connaître l’attitude d’une personne permet de prédire ses comporte-
ments réels et potentiels.
Gordon Allport définit l’attitude comme « un état mental préparatoire
à l’action, organisé à travers l’expérience, exerçant une influence direc-
tive et dynamique sur le comportement », soulignant ainsi que l’attitude
d’une personne est influencée par son expérience.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
426 Management et économie des entreprises

B. Le comportement humain au travail dépend


de la motivation
a. La motivation est une force
Selon S.L. Dolan (1996) la motivation est « l’ensemble des forces inci-
tant l’individu à s’engager dans un comportement donné ».
Elle résulte d’une interaction entre l’individu et son environnement. Elle
est déclenchée à la fois par des forces internes à l’individu (besoins,
pulsions et instincts qui peuvent conduire au plaisir de l’accomplisse-
ment d’une tâche) et des forces externes (liées à la situation de travail et
conduisant à chercher à bénéficier de certains avantages ou à éviter des
sanctions).
La motivation peut aussi se définir comme l’ensemble des besoins qui
mettent un individu en action pour atteindre certains objectifs. Cette
énergie, cette motivation donc, vise à satisfaire certains besoins d’origine
physiologique ou de nature sociale ou psychologique.

b. Les théories de la motivation au travail


1. Par quoi les individus sont-ils motivés ? (le contenu
de la motivation)
– Selon la conception taylorienne, le seul ressort de l’effort de travail est
pécuniaire.
– On peut évoquer les théories de la motivation des auteurs du courant
des relations humaines : A. Maslow (1954), F. Herzberg (1959) et D. Mc
Gregor (1960) ; v. p. 285.
– David Mc Clelland, en 1961, affirme quant à lui que la motivation d’un
individu peut résulter de trois besoins dominants : Le besoin de réali-
sation (réussir, avoir du succès), de pouvoir (recherche de pouvoir
personnel et/ou institutionnel) et d’affiliation (être aimé et accepté par
les autres). Il n’existe selon lui aucune progressivité ni aucune hié-
rarchie entre ces besoins qui sont présents avec plus ou moins d’inten-
sité chez les individus. Seuls les besoins dominants sont source de
motivation pour un individu.

2. Pourquoi les individus sont-ils plus ou moins motivés ?


(le processus de la motivation)
– En 1964, V. Vroom explique dans sa théorie VIE non pas par quoi les
individus sont motivés, mais pourquoi les individus sont motivés ou
non. L’idée principale est qu’un individu ne fournira un effort que si
celui-ci présente à ses yeux une forte probabilité de le conduire à une
ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 19 – Le cadre et les contraintes 427

récompense qu’il souhaite. V est la valence, c’est-à-dire la valeur attri-


buée par l’individu à la récompense ; I est l’instrumentalité, c’est-à-
dire la probabilité pour l’individu que son effort lui permette d’accé-
der à la récompense ; E est le niveau d’expectation, c’est-à-dire
l’opinion que l’individu a de ses chances de réussite.
– En 1963 et 1965, J. Adams propose une théorie de la motivation basée
sur l’équité qui est perçue par l’individu dans la façon dont ses efforts
sont récompensés par rapport à ceux des autres. En cas d’iniquité,
une tension négative déclenche des comportements visant à rétablir
l’équilibre (en faisant varier notamment l’intensité et la qualité du
travail).
– Le modèle du but a été développé par E.A. Locke et G.P. Latham (1975,
1984) qui ont montré que les individus sont capables de se fixer des
objectifs et sont influencés par ceux-ci dans leur comportement.
Concrètement, des objectifs difficiles mais suffisamment réalistes per-
mettent un rendement plus élevé s’ils sont adoptés par l’individu. De
plus lorsque les premiers résultats sont connus, l’individu va en tenir
compte pour réorienter son action (boucle de rétroaction).

FACTEURS DE MOTIVATION D’UN SALARIÉ SELON LES DIRIGEANTS


(DEUX RÉPONSES POSSIBLES)
m ECONOMIQUES

52 %
40 %

27 %
20 % 20 %
16 % 15 %
8%
2%
n

il

ce

ité

oi

ie

il

en
va

va
io

io
pl
an

JURIDIQUES
tiv

RI
at

ss
tra

tra
m

no

n/
ac
iss
ér

re
l’e
de

de
to

cu
un

og
na

’au
de
so

Au
m

ce

u
n

pr
lie
co

L

ur

é
an

La
rit
re

u
po
La

bi

td
cu
La
m

êt

or
L’a

ér

nf
La
nt

co
L’i

Le

Source : enquête IFOP réalisée auprès de 900 dirigeants de TPE, dans le cadre de
ULTE DES SCIENCES

l’Observatoire des TPE et PME mis en place par la CNP Assurances et la CPME, juin 2015.

C. La question de l’implication des salariés


a. Qu’est-ce que l’implication des salariés ?
L’implication (commitment) est la relation qui existe entre une personne et son entre-
prise.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
428 Management et économie des entreprises

Elle correspond à un état plus ou moins durable de motivation et d’in-


térêt qui a des dimensions affectives (identification à l’organisation) et
cognitives (calcul et comparaison des contributions/rétributions) et qui
génère des comportements plus ou moins favorables à l’entreprise.
L’implication est vécue par le salarié comme une sorte de contrat impli-
cite et elle traduit la cohérence entre le système de valeurs de la per-
sonne et celui de l’entreprise, les valeurs de l’entreprise étant appro-
priées par l’in-dividu.
Néanmoins l’implication résulte également des échanges entre l’entre-
prise et son salarié (contributions/rétributions) étant entendu que cer-
tains investissements du salarié seront perdus s’il quitte l’entreprise. De
même, le manque d’employabilité augmente pour le salarié les coûts
associés au départ de l’organisation et accroît donc l’implication.
L’entreprise peut attendre des conséquences positives de l’implication
de ses salariés, comme une fidélisation et une plus grande loyauté
(baisse de l’absentéisme et du taux de départs volontaires), une adhésion
aux objectifs et aux politiques (efficacité) et une pratique facilitée du
management participatif.

b. Les quatre types d’identité au travail définies


par R. Sainsaulieu (1977)
C’est à partir d’enquêtes dans plusieurs entreprises que R. Sainsaulieu a
pris en compte une dimension culturelle du travail et notamment les
moyens par lesquels les individus cherchent à obtenir une reconnais-
sance et à affirmer un pouvoir. Il distingue à partir de là quatre types
d’identité :
– l’identité fusionnelle : l’individu disparaît presque totalement dans le
groupe qui possède un métier, des techniques et possède ses propres
normes et valeurs. C’est à travers le collectif que l’individu peut agir ;
– l’identité de retrait : l’implication dans le travail est faible et reste très
utilitaire souvent du fait de la nature d’un travail peu qualifié. C’est
donc hors du travail que l’individu se développe ;
– l’identité de négociation : l’individu détenteur de compétences et res-
ponsabilités, les met en jeu de manière opportuniste afin d’obtenir
satisfaction sur la base d’une négociation valorisante ;
– l’identité affinitaire : la relation avec les collègues et la hiérarchie est
sélective et est orientée vers une recherche d’évolution de carrière.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 19 – Le cadre et les contraintes 429

III. Les conceptions du rôle


des travailleurs dans l’entreprise
et leurs applications
Le taylorisme, après avoir été, au début du xxe siècle, la conception
dominante, devant réconcilier les intérêts des employeurs et des sala-
riés, a fait, après la crise des années 1930, l’objet d’une double critique.
Une critique gestionnaire d’une part, dans la mesure où il ignore l’im-
portance des relations humaines dans l’entreprise (E. Mayo, 1933, et
D. Mc Gregor, 1960), et une critique sociale d’autre part, du fait de la
déshumanisation du travail qu’il entraîne (G. Friedman, 1946).
Selon le sociologue du travail M. Crozier, F. Taylor concevait le travail-
leur comme « une main », c’est-à-dire comme un exécutant passif, alors
que E. Mayo le conçut plus tard comme « un cœur », c’est-à-dire un être
sensible à son environnement social.
M. Crozier (1977) lui-même conçoit le travailleur comme « un acteur »,
c’est-à-dire une personne dotée d’une stratégie pour satisfaire ses propres
intérêts.

A. Le rôle des travailleurs dans l’entreprise,


selon l’école taylorienne (début du xxe siècle)
a. Les salariés et leurs motivations
Les ouvriers cherchent la sécurité et demandent une définition claire de
leur cadre de travail. Ils sont partisans du moindre effort et ont besoin
d’une supervision forte. Ils ne sont motivés que par leur salaire et inca-
pables de prendre des initiatives. Les salariés ne sont donc que des fac-
teurs de production dont il faut obtenir la plus grande productivité
possible, en employant le système de « la carotte et du bâton ».

b. La place qui leur revient


Il y a une stricte séparation entre la conception et l’organisation du tra-
vail, d’une part et son exécution, d’autre part. Les tâches seront décom-
posées, le travail spécialisé, et le tout est organisé par des spécialistes
afin d’obtenir le meilleur rendement au moyen d’une organisation scien-
tifique du travail (OST). La place de chaque travailleur se réduit à l’ac-
complissement de ses tâches. Les travailleurs sont donc interchan-
geables et irresponsables.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
430 Management et économie des entreprises

La seule satisfaction que les travailleurs peuvent retirer de leur travail


est matérielle et extérieure au travail : il s’agit de leur salaire, lié au ren-
dement obtenu.

B. Le rôle des travailleurs dans l’entreprise,


selon l’école des relations humaines et l’école
socio-technique
a. Les salariés et leurs motivations
Les travailleurs, en échange de leur travail, ne se contentent pas d’un
salaire, mais veulent également trouver dans ce travail un facteur
d’équilibre et d’épanouissement personnel. À côté des besoins matériels
à satisfaire, existent donc des besoins d’accomplissement et de réalisa-
tion qu’il faut prendre en compte.
Les travaux qu’Elton Mayo (1933), psychosociologue, professeur à la
Harvard Business School, réalisa dans l’entre-deux-guerres, ont montré
l’importance du groupe de travail et de la dynamique du groupe.
La théorie de A. Maslow (1943) repose sur l’émergence progressive des
besoins selon cinq paliers (v. schéma ci-après). Lorsque l’un de ces
niveaux de besoins serait satisfait pour un individu, il cesserait d’être
motivant, tandis que le niveau suivant deviendrait actif (v. schéma p. 286).
Selon le Baromètre du bien-être et de la motivation Edenred/Ipsos 2013
(disponible sur www.ipsos.fr)
Largement « fidèles », souvent par défaut, les salariés européens sont plus insatisfaits que
par le passé et leur part pensant souvent consacrer trop de temps à leur travail s’amplifie
globalement (29 % des salariés français, belges et allemands et 37 % des Britanniques).
En France, 67 % des salariés se déclarent insatisfaits de leur pouvoir d’achat.
57 % des salariés français ne sont pas satisfaits de la reconnaissance de leur implication
dans le travail mais 43 % sont fiers de leur travail, et 38 % sont heureux dans leur travail et
s’accomplissent dans leur travail.
Sur une échelle de 1 à 10, 23 % des salariés français attribuent une note de 8 à 10 à
leur qualité de vie au travail, et la note moyenne est de 6,1.
Concernant le respect et la considération dans le travail, 55 % des Français sont satisfaits,
contre 70 % des Allemands. Quant à la possibilité de faire passer des idées, le taux de
satisfaction est de 48 % en France, contre 65 % en Allemagne.

Pour F. Herzberg, psychologue industriel (1959), il faut distinguer les


facteurs d’hygiène liés aux conditions de travail, dont la défaillance est
susceptible d’engendrer l’insatisfaction et d’autre part les facteurs de
motivation, liés au contenu du travail et à la responsabilité.
D. Mc Gregor, dans son célèbre ouvrage La dimension humaine de l’en-
treprise (1960), oppose à la théorie « X » (taylorienne), sa théorie « Y »,
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 19 – Le cadre et les contraintes 431

selon laquelle : l’effort dans le travail est aussi naturel que le jeu et le
repos ; l’homme peut se diriger et se contrôler lui-même s’il se sent res-
ponsable ; l’individu moyen accepte, voire recherche les responsabili-
tés ; les salariés disposent de réserves de créativité et d’ingéniosité qui
sont inexploitées.
Les théoriciens de l’école socio-technique considèrent quant à eux qu’il
faut concilier la dimension technique et la dimension sociale de l’entre-
prise, et qu’il convient pour cela de développer les structures participa-
tives qui responsabilisent le personnel.

b. La place des travailleurs dans cette optique


Les travailleurs ont une gamme plus étendue de tâches à réaliser (élar-
gissement des tâches) et davantage de responsabilité dans leur travail
(enrichissement des tâches) : on pratique une déspécialisation horizon-
tale et verticale.
Le groupe de travail joue un rôle important dans l’organisation, et l’on
assiste dans les entreprises à la mise en place des équipes ou groupes
semi-autonomes de production.
EXEMPLE
Les entreprises Volvo et Renault dans l’automobile depuis les années 1970.

Les salariés bénéficient d’une information sur les projets de l’entreprise,


ses résultats, ses investissements et sa politique des ressources
humaines. Des efforts sont apportés en ce qui concerne l’accueil des
nouveaux salariés et l’amélioration du cadre de travail (insonorisation
des machines par exemple).

C. Le rôle des travailleurs dans l’entreprise,


selon les théories de la contingence (v. aussi
chapitre 13 p. 300)

a. Le rôle des travailleurs


La place des travailleurs dans l’entreprise est très dépendante de son
organisation.
– Selon certains auteurs (T. Burns et G.M. Stalker, The management of
innovation, 1961), celle-ci est elle-même liée au type d’environnement
de l’entreprise : un modèle d’organisation bureaucratique et centralisé
(mécanique) serait adapté à un environnement stable alors qu’un
modèle décentralisé (organique) serait adapté à un environnement
instable sur le plan technique ou sur le plan commercial. Dans
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
432 Management et économie des entreprises

le  modèle « mécanique », la place des travailleurs se rapproche de


celle du modèle taylorien alors que dans le modèle organique, ils dis-
posent d’une autonomie de décision et d’une capacité de communica-
tion beaucoup plus grande.
– Selon d’autres auteurs (J. Woodward, Industrial Organisation : Beha-
viour and Control, 1970, puis H. Mintzberg, Structure et dynamique
des organisations, 1982) il existe une correspondance entre la tech-
nique de production et l’organisation de l’entreprise et par consé-
quent le rôle qui incombe aux travailleurs. Ainsi dans les entreprises
spécialisées dans la production de masse, se rapproche-t-on de l’orga-
nisation taylorienne et centralisée (« bureaucratie mécaniste ») tandis
qu’à l’opposé, dans l’équipe de recherche, sera retenue la structure
souple, organisée autour d’un projet (« adhocratie »).

b. L’application dans l’entreprise


On assiste donc dans les grandes entreprises à une diversification des
rôles qui incombent aux travailleurs selon la nature de leur travail et
l’organisation choisie par l’entreprise. D’une filiale à l’autre, d’un éta-
blissement à l’autre, selon la conjoncture et la technologie du secteur
d’activité, selon les missions imparties, selon les services et le niveau de
qualification du personnel, la place des travailleurs sera différente.

D. Le rôle des travailleurs dans l’entreprise,


selon l’école néo-classique et la sociologie
des organisations
a. Le rôle des travailleurs
Les travailleurs sont capables de se mobiliser pour atteindre un objectif
de profit. Leur efficacité sera d’autant plus grande qu’ils auront été
associés aux décisions qu’ils sont chargés d’exécuter.
P. Drucker aux États-Unis (La grande mutation : vers une nouvelle
société, 1970), comme O. Gelinier en France (Stratégie sociale de l’entre-
prise, 1976), insistent sur les motivations des travailleurs, capables d’in-
citer les individus et le groupe à progresser : l’intérêt porté à son travail
et le besoin de responsabilité.
M.P. Follet préconise quant à elle que l’entreprise considère ses membres
comme des co-managers qui sont en interaction et qui doivent être aidés
par les managers à prendre des décisions.
R. Blake et J.S. Mouton (Les deux dimensions du management, 1972)
relèvent que les travailleurs peuvent être impliqués dans le développe-
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 19 – Le cadre et les contraintes 433

ment de leur entreprise lorsque celle-ci parvient à faire concorder les


projets personnels de ses salariés et ses objectifs. Cette implication
repose sur une adhésion à l’entreprise, considérée comme le moyen d’un
accomplissement de soi. Une telle motivation va de pair avec un mana-
gement participatif.
Ces analyses sont complétées par celles de la sociologie des organisa-
tions et de l’« analyse stratégique des organisations » développées
notamment par M. Crozier et E. Friedberg (L’acteur et le système, 1977).
Cette École des Systèmes Sociaux veut étudier les facteurs psychosocio-
logiques et décisionnels dont les interdépendances facilitent la réalisa-
tion des objectifs.
Selon eux, les membres d’une entreprise développent chacun une stra-
tégie personnelle pour atteindre des objectifs qui leur sont propres.
Diverses rationalités de groupes et d’individus coexistent ainsi dans
l’entreprise. Il est nécessaire qu’elles intègrent une contrainte de cohé-
rence collective. Cela devient possible lorsque l’entreprise fixe des
objectifs de profit à atteindre à chaque unité.
Enfin P. Drucker (Structures et changements, 1996) insiste aussi sur le fait
qu’un nombre croissant de diplômés travaillant pour les entreprises n’en
sont plus salariés mais prestataires indépendants ou intérimaires ou
employés par une « société de portage salarial », marquant l’évolution vers
une organisation en réseau, dans laquelle la « fidélité à l’entreprise » n’a
plus grand sens et où l’essentiel est d’apprendre à gérer des partenariats.

b. Les applications dans l’entreprise


La mise en œuvre de la décentralisation se traduit par plus d’autonomie
des opérateurs et une pratique de l’autocontrôle (contrôle par les opéra-
teurs de leur propre activité par référence à des objectifs quantifiés).
La recherche de motivations individuelles positives conduit à la direction
par objectifs (DPO) ou à la direction participative par objectifs (DPPO).
– La direction par objectifs consiste à fixer des objectifs à chaque res-
ponsable d’unité, en lui laissant une liberté de gestion pour les
atteindre, dans le cadre du budget imparti. En fin d’exercice une
mesure objective des résultats permet d’établir un bilan de la gestion
et d’attribuer récompense (promotion, prime…) ou sanction.
– La direction participative par objectifs d’O. Gélinier, implique une
véritable négociation entre la direction et le responsable d’unité, lors
de l’établissement des objectifs.
Le management participatif (ou gestion participative) à la japonaise se
situe dans le prolongement de cette école. Il est « l’art de mobiliser l’in-
telligence de tous les membres de l’entreprise au service d’un projet »
(Y.G. Archier et H. Serieyx, L’entreprise du troisième type, 1984). Il se
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
434 Management et économie des entreprises

caractérise par des structures souples, reposant sur la concertation,


autour d’un projet partagé. Cette optique d’une gestion par projet est
parfois élargie à des travailleurs non salariés. L’entreprise devient alors
un réseau de compétences internes ou externes qu’il faut gérer et coor-
donner en s’appuyant de plus en plus pour cela sur les NTIC (IT).

E. Le modèle de la compétence de P. Zarifian


et ses conséquences (années 1990-2000)
Depuis plus d’une vingtaine d’années des auteurs comme P. Zarifian et
G. Le Boterf développent une analyse de la notion de compétence. Cette
notion s’est en effet installé dans le discours patronal et prend une place
grandissante dans la gestion du personnel.

a. Gérer l’entreprise selon une logique


de compétence (v. une définition de cette notion p. 423)
Le modèle de la compétence de P. Zarifian est d’abord un nouveau
modèle d’évaluation de la main-d’œuvre qui repose sur le principe qu’il
faut évaluer les compétences personnelles indépendamment du poste
de travail occupé.
Les entreprises souhaitant développer la flexibilité fonctionnelle du
travail (à base de polyvalence et d’évolution professionnelle) ont mis en
place des plans d’évolution de carrière pour les salariés prêts à s’investir
durablement dans l’entreprise et à faire évoluer leurs compétences en
fonction des mutations attendues par l’entreprise. Cette démarche s’ins-
crit dans le cadre d’une GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des
compétences).
L’organisation ne porte plus sur la façon de produire mais sur les objec-
tifs à atteindre. Dans ces conditions, on va pratiquer la délégation des
responsabilités. Les salariés sont censés atteindre leurs objectifs en s’ap-
puyant sur leurs compétences. Néanmoins, il peut vite devenir délicat
de distinguer compétences et performances dans une démarche d’éva-
luation. La question de l’objectivité de l’évaluation des compétences de
chacun est donc posée.

b. Les mutations du travail actuel s’articulent autour


de trois notions : événement, communication
et service.
En effet, les individus doivent de plus en plus, au cours de leur travail,
faire face à des événements. Cela développe chez eux des capacités
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 19 – Le cadre et les contraintes 435

d’anticipation, de réactivité et la pratique du « retour d’expérience » (on


tire la leçon de ce qui s’est passé). De plus, la communication est deve-
nue une composante du travail qui permet d’améliorer les performances
de l’entreprise. Enfin, l’idée de service rendu prend une place crois-
sante. Il s’agit d’être à l’écoute du client (il peut s’agir d’un autre service
ou d’un client de l’entreprise) et de pouvoir satisfaire ses besoins. Mesu-
rer la qualité de service englobe aujourd’hui la façon dont le client ou
l’usager peut participer à la définition du service ainsi que la production
de cette qualité de service.

c. Les conséquences pour l’organisation des activités


– Si on définit la compétence comme « la prise d’initiative et de respon-
sabilité de l’individu sur des situations professionnelles auxquelles il
est confronté », cela conduit à la responsabilisation des individus
dans le cadre de leur travail (emploi-métier).
– Si on considère que la compétence est « une intelligence pratique des
situations qui s’appuie sur des connaissances acquises et les trans-
forme, avec d’autant plus de force que la diversité des situations aug-
mente », on doit favoriser l’apprentissage et la formation qui per-
mettent d’apprécier et de comprendre une situation professionnelle.
– Enfin, si on conçoit la compétence comme « la faculté à mobiliser des
réseaux d’acteurs autour des mêmes situations, à partager des enjeux,
à assumer des domaines de coresponsabilités », on doit développer la
coopération et la transversalité dans l’entreprise-réseau.

IV. Le domaine de la gestion


du personnel
A. Définition de la GRH
La gestion des ressources humaines est l’ensemble des moyens mis en œuvre pour
garantir en permanence et au moindre coût à l’entreprise une adéquation entre ses
ressources et ses besoins en personnel, sur le plan quantitatif comme sur le plan quali-
tatif et pour obtenir une mobilisation du personnel sur les objectifs de l’entreprise.

B. Les contraintes de la gestion du personnel


La GRH est un outil de gestion qui s’inscrit dans une politique des rela-
tions humaines. Celle-ci s’efforce de concilier dans l’entreprise les inté-
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
436 Management et économie des entreprises

rêts de celle-ci et ceux de ses salariés, pour obtenir la paix sociale,


l’intégration et la motivation du personnel.
Les diverses contraintes de la GRH
Les moyens et les objectifs en personnel de l’entreprise.
Les théories de la motivation, qui ont beaucoup évolué (v. p. 426), suivant en fait l’évolution
du niveau de formation et celle de la mentalité des travailleurs eux-mêmes.
L’accélération du progrès technique qui remet en cause les compétences et qualifications ;
Le travail de plus en plus complexe qui doit être accompli par un personnel de plus en plus
qualifié, mais aussi motivé, pour rechercher la qualité totale, afin de résister à la
concurrence (v chapitre 16).
La flexibilité technique et la recherche de compétitivité qui imposent à l’entreprise une
flexibilité du travail, c’est-à-dire une capacité d’adapter le travail fourni aux besoins de
l’entreprise*. Celle-ci peut être simplement quantitative ou numérique (flexibilité des
horaires et des effectifs) ou aussi qualitative ou fonctionnelle (développement de la
polyvalence du personnel par des actions de formation).
L’évolution du cadre législatif et réglementaire qui encadre la liberté de manœuvre des
employeurs. La réglementation est devenue plus complexe et son interprétation est
désormais une affaire de spécialiste.
*  Voir les travaux de B. Bruhnes concernant cette question.

C. Le contenu de la GRH
a. Ses domaines de gestion
– La gestion administrative (dossiers du personnel, relations avec les
administrations) ;
– gestion des effectifs (embauches, réductions de personnel) ;
– gestion des rémunérations (salaires de base, primes, participation) ;
– gestion des carrières (formation, promotion).

b. Sa dimension stratégique
Les ressources humaines sont devenues une variable stratégique qui à
son rôle à jouer à moyen et long terme.
Le mix social (ou personnel-mix)1 est le concept désignant l’arbitrage
entre les différentes variables de décision du domaine social (recrute-
ment, rémunération, formation, promotion…) selon une stratégie sociale
définie.

c. La pratique de la négociation
Cette pratique est indispensable pour :
– régler les conflits qui surviennent (négociation directe ou dans le
cadre d’une conciliation) ;

1.  Voir Martory (B.) et Crozet (B.), Gestion des ressources humaines, Dunod, 2013.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 19 – Le cadre et les contraintes 437

– aménager les conditions de travail, c’est-à-dire les adapter aux


contraintes qui pèsent sur l’entreprise et aussi prévenir les conflits
collectifs.
La pratique de la négociation annuelle est devenue une obligation avec
la loi Auroux du 13 novembre 1982.

Gestion des Gestion


rémunérations administrative
La GRH
Gestion Gestion
des carrières des effectifs

Selon l’enquête annuelle 2016 « Creating people advandage » réalisée par le Boston
consulting group (BCG) avec la European Association for People Management (EAPM)
Quatre grandes directions sont aujourd’hui à prendre pour les dirigeants de la fonction RH,
selon l’étude du BCG :
– devenir des « talent builders » en investissant dans le capital humain par la formation et
la fidélisation des salariés ;
– s’approprier les réseaux sociaux pour développer son image employeur ;
– s’internationaliser, en développant des profils RH internationaux ;
– miser à fond sur la diversité (d’âges, de sexes, de nationalités, de profils, etc.).

POUR EN SAVOIR PLUS


Y.G. Archier et H. Serieyx, L’entreprise du troisième type, Points Economie, 1984.
Aubert (N.) et alii, Management, aspects humains et organisationnels, PUF, 1999.
Ballé (C.), Sociologie des organisations, coll. Que sais-je ?, PUF, 2009.
Bernoux (P.), «  Sociologie des organisations  : les nouvelles approches  », Sciences
humaines, no 64, 1996.
Cadin (L.), Guérin (F.), Pigeyre (F.), Gestion des ressources humaines, pratiques et élé-
ments de théorie, Dunod, 2007.
Collectif, Gestion du personnel et de l’emploi dans les petites entreprises, La Documen-
tation française, 2005.
Crozier (M.), Friedberg (E.), L’acteur et le système, Seuil, 1992.
Gazier (B.), Les stratégies des ressources humaines, La Découverte, 2010.
Maslow (A.H. Maslow), The farther reaches of human nature, Viking Press, 1971.
Mayo (E.), The Human Problems of an Industrial Civilization, New York, Macmillan Co.,
1933.
Mc Gregor (D.), La dimension humaine de l’entreprise, Gauthier-Villars, 1974.
Le Boterf (G.), Construire les compétences individuelles et collectives, Les Éditions d’Or-
ganisation, 2006.
Le Boterf (G.), Repenser la compétence, Les Éditions d’Organisation, 2008.
Martory (B.) et Crozet (D.), Gestion des ressources humaines : pilotage social et perfor-
mances, Dunod, 2013.
Peretti (J.-M.), Gestion des ressources humaines, Vuibert Gestion, 2011.
Pichault (F.), Nizet (J.), Les pratiques des ressources humaines, Le Seuil, 2000.
Sainsaulieu (R.), L’identité au travail, les effets culturels de l’organisation, Presses de
Sciences Po, 2014.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
438 Management et économie des entreprises

Taylor (F.-W.), La direction scientifique des entreprises, Dunod, 1965.


Thévenet (M.), Impliquer les personnes dans l’entreprise, Éditions Liaisons, 1992.
Thietart (R.-A.), Le management, coll. Que sais-je ?, PUF, 2010.
Weiss (D.), Ressources humaines, Les Éditions d’Organisation, 2005.
Zarifian (P.), Le modèle de la compétence, Éditions Liaisons, 2004.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
CHAPITRE 20 Chapitre 20 – La mobilisation du personnel 439

La gestion des ressources


humaines (GRH) :
2. La mobilisation
du personnel

« Faire l’entreprise de demain avec


les hommes d’aujourd’hui. »
Antoine Riboud, fondateur de Danone.

La gestion du personnel est devenue très délicate puisqu’on lui demande


souvent de concilier la nécessité de mobiliser les salariés sur les objec-
tifs de l’entreprise et celle d’adapter les effectifs au niveau d’activité, en
tenant compte des progrès de la productivité, imposés par l’évolution
des techniques et la concurrence.
Lorsque l’entreprise doit, du fait d’une mauvaise conjoncture, rapide-
ment rétablir son équilibre financier, ses dirigeants sont enclins à réduire
les frais de personnel en diminuant l’effectif. Pourtant un tel choix n’est
pas sans inconvénients, notamment en termes d’image de l’entreprise et
de motivation du personnel. Notre présentation se limitera au cas fran-
çais.

I. Comment adapter l’emploi


aux besoins de l’entreprise ?
Deux démarches se complètent dans cette optique :
– celle qui consiste à segmenter la population des salariés de l’entre-
prise en sous-ensembles significatifs sur le plan des qualifications, de
l’âge, des besoins en formation, etc. ;
– celle qui consiste à projeter dans le temps la pyramide des âges de
l’entreprise, par métier, par niveau de qualification afin de la compa-
rer aux besoins prévisionnels de l’entreprise et de définir alors les
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
440 Management et économie des entreprises

actions à entreprendre suffisamment longtemps à l’avance (gestion


prévisionnelle de l’emploi).
Cette analyse prévisionnelle comme de nombreux autres outils de la
GRH ont aujourd’hui une forme informatique en s’appuyant sur une
base de données relative au personnel et sur des logiciels ad hoc.

A. La numérisation de la gestion RH
Les solutions informatiques de la gestion des RH sont devenues des
outils incontournables en matière administrative : paie, déclarations
sociales, gestion des présences, gestion des temps et activités (GTA),
reporting, GPEC, déclaration sociale nominative (DSN), etc. Les logiciels
spécialisés sont en plein développement.
Deux systèmes peuvent exister selon l’histoire de l’entreprise :
– soit un système global de type PGI (ERP) incluant diverses applica-
tions (gestion intégrée) et qui nécessite un apprentissage ;
– soit un ensemble de logiciels interfacés de façon plus ou moins effi-
cace grâce à une architecture IAE (Intégration des applications d’entre-
prise) qui peuvent être au moins en partie accessibles en ligne auprès
de sociétés de service et d’ingénierie informatique (SSII) qui sont des
fournisseurs d’applications hébergées (SaaS, Software as a service ou
ASP, Application service provider).
SCHÉMA DU SIRH

Portail de la GRH
(accessible dans l’intranet)

Gestion administrative Gestion individuelle Gestion collective (élections


(gestion des temps et (recrutement, des représentants du
activités, paie ; informations formation, personnel ; GPEC ;
personnelles ; déclarations ; promotions, intéressement et participation ;
notes de frais ; etc.) entretiens annuels) contrôle de gestion RH, etc.)

Base de données sociales (fichier du personnel, documentation règlementaire, comptes


rendus, barèmes, accords et conventions, etc.)

Source : basé sur la présentation de B. Just in Pas de DRH sans SIRH, éd. Liaisons.

Pour l’utilisateur, il est possible d’accéder au sein du SIRH à différents


modules, comme : paie, gestion des temps et des activités, tableaux de
bord social, gestion administrative du personnel (frais, absences, RTT,
etc.), offre de formation, gestion des compétences et carrières, etc. Ces
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 20 – La mobilisation du personnel 441

applications facilitent le travail des managers qui peuvent accéder faci-


lement aux données professionnelles des salariés sous forme de tableau
de bord individuel facilitant la préparation de l’entretien annuel d’éva-
luation et la gestion de carrière.
Le système d’information des RH (SIRH) peut également donner aux
salariés un accès à une information personnelle (à partir de leur poste
ou d’un smartphone), concernant les différents aspects de leur statut
salarial (droits, temps, RTT, rémunération, cotisations, etc.) et leur per-
met de mettre eux-mêmes à jour certaines informations de base. Il peut
stimuler la formation des salariés en facilitant l’accès aux formations
proposées par l’entreprise (plan annuel de formation) ou répertoriées par
l’OPCA (dans le cadre du CIF par ex.).
Mais la numérisation concerne également la formation professionnelle
avec le développement du e-learning, que ce soit par recours aux MOOC
(Massive open online course), avec l’accès à la plateforme web sur
laquelle sont accessibles des ressources de formation, ou par le blended
learning qui combine le e-learning avec une formation classique (« pré-
sentielle ») ; la classe en visio-réunion (« virtuelle ») qui vient souvent
compléter le e-learning ; les jeux d’apprentissage et de simulation en
ligne. On voit que les applications des NTIC disponibles pour la forma-
tion sont nombreuses et permettent de construire des solutions adaptées
à des besoins diversifiés.
Le recrutement lui-même est facilité par le recours aux réseaux sociaux
spécialisés, comme Linkedin ou Viadeo, mais aussi en utilisant des sites
dédiés à la recherche d’emploi (Keljob, Monster).

B. La recherche de flexibilité
LES MOYENS DE LA FLEXIBILITÉ

des effectifs : – par recrutements et embauches,


– par contrats de travail précaire,
– par temps partiel annualisé,
Flexibilité numérique – par recours à l’intérim,
(ou quantitative) – par prêt de main-d’œuvre*
des horaires : – par heures supplémentaires,
– par modulation des horaires,
– sur l’année de travail.
Flexibilité fonctionnelle – par la formation professionnelle,
(ou qualitative) – par l’incitation à la polyvalence
*  Le prêt de main-d’œuvre doit être effectué « à prix coûtant » pour ne pas être assimilable
à un délit pénal de marchandage de main-d’œuvre.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
442 Management et économie des entreprises

Le besoin de flexibilité du travail s’explique autant par la nécessité de


développer la réactivité de l’appareil productif de l’entreprise et d’ac-
compagner ses efforts de flexibilité technique (surcapacité et polyva-
lence des équipements) que par sa volonté d’adaptation rapide aux
contraintes concurrentielles changeantes (concurrence diversifiée,
demande instable, aléas conjoncturels, etc.).
B. Bruhnes, spécialiste français de cette question a distingué flexibilité
numérique (ou quantitative) et flexibilité fonctionnelle (ou qualitative)
du travail.
Selon J. Freyssinet1, « La précarisation systématique du contrat de tra-
vail pose des problèmes évidents quant à l’adaptation des qualifications,
à la maturation et à la fiabilité individuelle et collective des salariés ».
Le besoin de flexibilité peut aussi être géographique, lorsque l’entreprise
a besoin de pouvoir déplacer ses effectifs d’un établissement à un autre
dans le cadre d’une réorganisation. Le droit le permet à travers la possi-
bilité d’une clause de mobilité du contrat de travail ou par le biais d’un
accord de mobilité interne que l’entreprise peut négocier avec un ou
plusieurs délégués syndicaux, sous certaines conditions.
La flexibilité doit dans certains cas porter sur la rémunération afin de
pouvoir réduire rapidement les charges de l’entreprise sans peser sur l’em-
ploi. Les accords de maintien dans l’emploi permettent aux entreprises
connaissant de graves difficultés économiques conjoncturelles de conclure
une réduction salariale pour une durée maximale de deux années, sous
certaines conditions et sans pouvoir concerner les salariés dont la rémuné-
ration horaire est inférieure à 1,2 fois le SMIC. En contrepartie de la
réduction demandée (pour les salariés l’ayant acceptée) l’entreprise
s’engage à maintenir l’emploi pendant toute la durée de l’accord2.

C. La gestion prévisionnelle de l’emploi


et des compétences (GPEC)
a. Définition3
«  La gestion prévisionnelle et préventive des emplois et des compétences, c’est la
conception, la mise en œuvre et le suivi de politiques et de plans d’actions cohérents :
– visant à réduire de façon anticipée les écarts entre les besoins et les ressources
humaines de l’entreprise (en termes d’effectifs et de compétences) en fonction de son
plan stratégique ;
– et impliquant le salarié dans le cadre d’un projet d’évolution professionnelle ».

1.  Directeur de l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES).


2. Voir Droit du travail, E. Peskine et C. Wolmark, Dalloz, 2018, à paraître.
3.  Proposée par l’Association Développement et emploi, citée par J.-M. Le Gall, La gestion
des ressources humaines, PUF.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 20 – La mobilisation du personnel 443

La GPEC permet d’envisager différents scénarios et de pratiquer des


simulations afin d’analyser les écarts entre les objectifs et les prévisions
et de les corriger. La loi établit pour les entreprises d’au moins 300 sala-
riés, où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales, l’obliga-
tion triennale de négocier la mise en place d’une GPEC.
La GPEC s’est banalisée et la plupart des logiciels de GRH incluent
aujourd’hui des sous-programmes de gestion des compétences.

b. Les méthodes de la GPEC


• L’analyse de l’existant se fait à partir d’une analyse de postes (se réfé-
rant à des emplois-types), de l’analyse des compétences requises et des
potentiels des salariés.
• L’effectif employé comprend l’effectif permanent et les salariés tempo-
raires (intérim et CDD).
• Les postes de travail sont l’objet d’une classification (Parodi ou Patter-
son par exemple). Un poste est l’ensemble des activités et tâches élé-
mentaires qui sont exécutées par une même personne.
L’analyse régulière des postes permet de suivre l’évolution des profils
de postes (qualités professionnelles et niveaux).
• Les emplois-types. Le CEREQ (Centre d’études et de recherches sur les
emplois et les qualifications) a défini et répertorié des emplois-type (800).
L’objectif est de faciliter l’inventaire des emplois d’une entreprise et
d’envisager avec précision le contenu et l’évolution de ceux-ci en pre-
nant en compte les compétences requises. (Transformations, expan-
sion ou déclin).
Le CEREQ propose ainsi une analyse des emplois existant dans une entre-
prise reposant sur les trois dimensions qui définissent la compétence :
– celle des connaissances (savoirs) ;
– celle des pratiques (savoir-faire) ;
– et celle des comportements (savoir-être) qui sont requis dans chaque emploi.
• Les emplois-métiers du ROME (Répertoire Opérationnel des Métiers et
des Emplois de Pôle Emploi). Le ROME sert de support à l’analyse qua-
litative et à la définition de profils d’offres et de demandes d’emploi
recueillies dans les agences de Pôle emploi. Il informe sur les contenus
des emplois et des métiers en termes de compétences et d’aptitudes
professionnelles.
Il est structuré en :
– 22 catégories professionnelles (CP),
– 61 domaines professionnels (DOM),
– 466 emplois/métiers (E/M),
D’autres nomenclatures des emplois existent comme la nomenclature
PCS-ESE (Professions et Catégories Socioprofessionnelles des emplois
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
444 Management et économie des entreprises

salariés d’entreprise) de l’Insee ainsi que la nomenclature FAP-2009


(Nomenclature des familles professionnelles du ministère du Travail).

c. Les compétences requises et les potentiels


– La notion de qualification se réfère aux connaissances théoriques et
pratiques que l’on acquiert par la formation ou par l’expérience profes-
sionnelle. Elle est généralement liée (en France) au poste de travail. Elle
est souvent reconnue dans une convention collective et objectivée par
un diplôme. Elle détermine un niveau d’emploi et un coefficient hiérar-
chique auquel correspond un salaire de base. Elle est par son caractère
« institutionnel » une certaine garantie contre l’arbitraire managérial.
– Une compétence repose sur une combinaison de connaissances
(savoir), capacités techniques (savoir-faire) et comportements (savoir-
être). Elle s’apprécie par rapport à une situation de travail particulière.
C’est « un savoir-faire opérationnel validé » que Nicole Mandon du
CEREQ définit comme « le savoir-mobiliser ses connaissances, capaci-
tés et qualités pour faire face à un problème donné » (v. chapitre 19
p. 423). Sa légitimité est donc localisée dans un contexte professionnel
particulier. C’est ce qui fait son intérêt mais aussi sa fragilité puisqu’elle
n’est pas codifiable dans une convention collective de branche. Les
compétences de chaque salarié déterminent son employabilité.
– Les compétences requises doivent être recensées pour chaque type
d’emploi et une évaluation du niveau effectif des opérateurs doit être
faite. Cette démarche d’évaluation est à compléter par les caractéris-
tiques individuelles des personnes : âge, ancienneté, formation initiale
et continue, parcours professionnel.
– Le potentiel de chaque salarié est difficile à établir. Le rôle des cadres
semble important dans ce domaine mais l’intervention d’un spécia-
liste extérieur peut être judicieuse (« bilan de compétences »).

d. La démarche de la GPE (v. schéma ci-après)1


• La définition des effectifs prévisionnels
Elle consiste à préciser les emplois-types qui seront nécessaires à l’en-
treprise et les effectifs correspondants (effectifs souhaités) en s’appuyant
sur des prévisions d’activité liées à la stratégie de l’entreprise.
• L’analyse de l’évolution spontanée des ressources en personnel
On examine ce que deviendra l’effectif actuel pour chaque type d’emploi
en tenant compte des flux sortants prévus de personnel (retraites, décès,
démissions, promotions).

1.  Dans les entreprises et groupes d’au moins 300 salariés, la loi impose la négociation d’un
dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 20 – La mobilisation du personnel 445

• L’évaluation des besoins


Elle résulte d’une comparaison entre les effectifs souhaités et les effectifs
prévisibles (résultant d’une évolution spontanée de l’effectif actuel). Elle
est à la fois quantitative et qualitative. Elle débouche sur la définition de
sureffectifs dans certains emplois et de besoins en recrutement et en
formation dans d’autres.

LA GESTION PRÉVISIONNELLE DES EMPLOIS (GPE)

Perspectives stratégiques Étude de la structure actuelle


de l’entreprise des emplois de l’entreprise

Analyse des emplois Analyse de la structure attendue


souhaitables dans N mois de l’emploi dans N mois

Comparaison

Définition des politiques d’ajustement

Ajustement interne
Ajustement externe
(mutations, promotions, formation,
(embauche, sous-traitance,
aménagement du temps de travail,
réductions d’effectifs)
évolution du système productif)

e. L’ajustement
– Les procédés d’ajustement interne sont importants : mutation, forma-
tion, promotion, investissements techniques et modification de l’orga-
nisation des activités (aménagement du temps de travail, évolution du
système productif).
– Les procédés d’ajustement externe sont la réduction d’effectif ou le
recrutement externe (embauche), mais aussi le recours à la sous-trai-
tance et à des prestataires de services payés à la tâche et non au temps
(entreprises indépendantes ou travailleurs « portés » par une société
qui les embauche pour la durée d’une prestation qu’ils ont eux-mêmes
négocié avec leur client).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
446 Management et économie des entreprises

II. Les politiques de l’emploi


à mettre en place
A. Le recrutement1
a. Recrutement interne ou recrutement externe
– Le recrutement interne se fait par promotion ou par mutation. Il pré-
sente l’avantage de la sécurité mais suppose, sauf en cas de réorgani-
sation des services, un recrutement externe pour le poste qui était
occupé jusque-là par le promu. Il permet la promotion du personnel,
ce qui est un facteur de motivation et d’intégration puissant.
– Le recrutement externe (embauche ou embauchage) représente une
opération délicate en raison de son coût élevé (prospection-sélec-
tion-adaptation) et du risque d’échec qui lui est lié (embauche d’une
personne qui ne convient pas). La pratique de la période d’essai et le
recrutement de personnes ayant déjà fait leurs preuves sous contrat à
durée déterminée est largement suivie par les entreprises afin de
réduire ce risque.

b. Les étapes du processus d’embauche


Elles sont les suivantes :
définition accueil et
du profil prospection sélection intégration
requis dans le poste

L’entreprise peut suivre cette démarche par ses propres moyens ou avoir
recours à un cabinet de recrutement (« chasseurs de têtes »), notamment
dans le cas de postes de haut niveau de responsabilité.

1. La définition du profil requis


Elle consiste à définir les critères précis de recrutement (qualités person-
nelles et professionnelles) en collaboration avec le responsable du ser-
vice concerné et en fonction des caractéristiques du poste à pourvoir.

2. La prospection
Elle se fait par annonce de l’offre d’emploi sous des formes très variables
(presse écrite, Pôle Emploi, radios et TV locales, site Internet de l’entre-
prise ou site spécialisé).

1.  La loi fixe une obligation d’emploi de personnes handicapées aux entreprises d’un effec-
tif d’au moins 20 salariés pour un pourcentage de 6 % de l’effectif.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 20 – La mobilisation du personnel 447

EXEMPLE
Internet est devenu le premier vecteur de recrutement du groupe Total, ce qui a per-
mis de réduire les coûts liés au recrutement.

Mais l’entreprise peut aussi utiliser les candidatures spontanées qui ont
été « mises en réserve », comme elle peut parfois chercher à recruter
chez ses concurrents (avec les risques judiciaires liés à une éventuelle
clause de non-concurrence dans les contrats de travail).

3. La sélection
Elle est généralement effectuée en plusieurs étapes.
La première consiste le plus souvent en un tri à partir des curriculum
vitae et lettres de candidature.
Ensuite viennent les tests professionnels, notamment pour les postes à
fort contenu technique. Des études de cas peuvent être demandées lors de
recrutement de personnel hautement qualifié. Puis des tests psychotech-
niques et des tests de personnalité (comme SOSIE, Hogan ou PAPI)
peuvent aider à cerner la personnalité et les aptitudes de chaque candidat.
Un ou plusieurs entretiens auxquels peuvent participer les futurs res-
ponsables et collaborateurs du recruté permettent enfin de se faire une
opinion déterminante.
L’entreprise peut aussi recruter parmi les personnes en contrat de travail
précaire (intérim ou CDD) ce qui a le double avantage de réduire le risque
d’erreur dans la mesure où la personne a pu être testée sur une période
assez longue et de donner à l’ensemble du personnel « temporaire » une
perspective motivante d’intégration dans le personnel « permanent ».
La sélection débouche sur la décision d’embauche qui se concrétise géné-
ralement par une lettre d’engagement adressée à la personne recrutée. Le
risque d’erreur de recrutement peut être réduit par une clause de période
d’essai. Sa durée est règlementée (ex. : pour les ouvriers et employés :
2 mois renouvelables une fois avec l’accord du salarié dans le cas d’un CDI).

4. L’accueil
Il consiste en une présentation détaillée de l’entreprise et du service
concerné. La présentation du travail proprement dit est d’autant plus
longue que le poste pourvu est important par ses fonctions et son niveau
hiérarchique.
Le droit français et les techniques de recrutement
Le droit français pose deux principes en matière de recrutement (loi du 31 décembre
1992) :
– celui de la pertinence des informations demandées au candidat, informations qui
doivent avoir un lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé ou avec l’évaluation des
aptitudes professionnelles ;
3
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
448 Management et économie des entreprises

– celui de la loyauté dans la collecte des informations concernant le candidat, puisque


celui-ci doit « être expressément informé, préalablement à leur mise en œuvre, des
méthodes et techniques d’aide au recrutement utilisées à son égard ».
De plus, l’employeur doit avant toute utilisation, informer le comité d’entreprise sur les
méthodes de recrutement qu’il entend utiliser.

Les formalités d’embauche consistent en une déclaration préalable à


l’embauche (DPAE) effectuée par internet auprès de l’URSSAF, une
visite médicale d’embauche, une inscription sur le registre du person-
nel, une information à la caisse de retraite complémentaire, à Pôle
Emploi si l’embauché y était inscrit, et en la remise au salarié d’un docu-
ment écrit (contrat de travail ou lettre d’engagement) dans les deux mois
qui suivent le recrutement.

B. La gestion du temps de travail


a. Les différentes formes de contrat de travail
utilisables
– Le contrat à durée indéterminée (CDI), conclu sans limitation de
durée. Il permet au salarié de s’investir durablement dans l’entreprise.
– Le contrat de projet (ou CDI de projet) depuis janvier 2018 une exten-
sion du contrat de chantier du BTP et qui ne prévoit pas de date de fin
de contrat puisque c’est la fin du projet qui le privera de raison d’être.
Un accord de branche étendu doit néanmoins préciser les raisons qui
permettent de recourir à un tel contrat. À défaut d’un tel accord ou
convention, ce contrat ne peut être conclu que dans les secteurs où son
usage est habituel (chantiers navals et bâtiment).
– Le contrat de travail à durée déterminée (CDD), utilisable pour faire
face à des tâches non durables et précisément définies pour une durée
qui est fixée dans le contrat (18 mois au maximum). Il est obligatoire-
ment écrit. Selon l’ordonnance du 22 septembre 2017, la durée, les
conditions de renouvellement et le délai de carence en de contrats suc-
cessifs pourront désormais être définis par des négociations de branche.
– Le CDD à objet défini est réservé au recrutement d’ingénieurs et de
cadres, au sens des conventions collectives dans les entreprises pri-
vées. Son utilisation doit être rendue possible par un accord de
branche étendu ou, à défaut, par un accord d’entreprise.
– Le contrat de travail temporaire (ou d’intérim) dit « de mission », lie le
salarié à une entreprise de travail temporaire (agence d’intérim) tandis
qu’un second contrat (« de mise à disposition ») lie celle-ci à l’entre-
prise utilisatrice. La durée maximale théorique est ici encore de
18 mois. Selon l’ordonnance du 22 septembre 2017, la durée, les condi-
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 20 – La mobilisation du personnel 449

tions de renouvellement et le délai de carence en de contrats successifs


pourront désormais être définis par des négociations de branche.
– Le contrat à temps partiel peut être à durée déterminée ou à durée
indéterminée. Le temps de travail doit avoir une durée inférieure à la
durée légale, que celle-ci soit définie de façon hebdomadaire, ou men-
suelle ou annuelle. L’horaire de travail peut varier dans certaines
limites et quelques heures complémentaires peuvent être effectuées
avec une majoration de rémunération. L’horaire de travail hebdoma-
daire doit, sauf exceptions, être d’au moins 24 h.
– Le contrat de travail intermittent permet de pourvoir un emploi per-
manent mais qui comporte par nature, une alternance de périodes
travaillées et non travaillées. La rémunération est généralement « lis-
sée » sur l’année.
– Les contrats aidés par l’État (exonération de charges patronales notam-
ment) pour favoriser l’embauche de personnes rencontrant des diffi-
cultés particulières pour exercer un emploi : jeunes sans diplôme,
jeunes chômeurs de longue durée, handicapés. Les formules sont
réajustées selon les politiques de l’emploi (RSA, contrat de profession-
nalisation, emplois d’avenir, etc.)1.

b. Les contrats de prestation de service et de


sous‑traitance (v. infra « L’externalisation juridique »)
c. Les différentes formes d’organisation du temps
de travail
1. Les formes d’organisation journalière
– Le travail posté ou par équipes (3, 4 ou 5) est pratiqué dans les établis-
sements qui fonctionnent en continu ou en semi-continu (équipes du
matin, du soir, de nuit, parfois de fin de semaine).
– Le travail de nuit est interdit pour les jeunes de moins de dix-huit ans.
– Le travail par journée continue (temps de pause de la mi-journée
réduit à une heure, voire moins).
– Les horaires individualisés ou flexibles (plages fixes de l’emploi du
temps où tout le personnel doit être présent et plages variables au cours
desquelles chaque salarié a le choix de ses heures d’arrivée et de sortie).

2. Les formes d’organisation hebdomadaire


– La simple répartition de l’horaire hebdomadaire (35 ou 39 heures) sur
les jours de la semaine offre des possibilités de modulation des
emplois du temps du personnel selon les besoins de l’entreprise.

1.  NB : le stage n’est pas un contrat de travail.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
450 Management et économie des entreprises

– Les heures supplémentaires sont librement imposées par l’employeur


aux salariés dans la limite d’un contingent annuel (au-delà, une
contrepartie en temps de repos est obligatoire, fixée par la convention
collective)1.

3. L’aménagement du temps de travail


Il permet de faire varier la répartition du temps de travail hebdomadaire
au cours de l’année pour suivre le rythme d’activité de l’entreprise, plus
instable aujourd’hui.
– En l’absence d’accord collectif : la variation de la durée hebdomadaire
de travail peut être répartie par l’employeur sur un cycle de quelques
semaines de telle sorte que les semaines où la durée est supérieure à la
durée légale soient compensées par celles où la durée est plus faible2.
– En cas d’accord collectif : c’est l’accord d’entreprise ou d’établisse-
ment ou même la convention de branche qui organise la répartition du
travail sur une période supérieure à la semaine (en principe d’au maxi-
mum un an).
Ainsi peut-être mise en place une fluctuation de la durée hebdomadaire,
en fonction des besoins, sur une période de référence. Les horaires majo-
rés de certaines semaines sont compensés par les horaires allégés des
autres. Néanmoins des heures supplémentaires peuvent apparaître en
fin de période.

Contrats à durée
déterminée
Contrats Contrats
de travail de formation
Structure du personnel temporaire en alternance
de l’entreprise : (intérim) Personnel stable (apprentissage,
Une GRH à deux vitesses sous CDI, profession-
est de plus en plus bien formé et nalisation)
souvent pratiquée bien rémunéré

Contrats aidés
Stages
(CIRMA, CUI)

1.  À défaut d’indication dans la convention, un décret fixe ce contingent à 220 h/an.


2. Les heures supplémentaires sont alors celles effectuées au-delà d’une durée de 39 h ou
au-delà d’une durée moyenne de 35 h calculée sur la durée du cycle.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 20 – La mobilisation du personnel 451

d. Le détachement de personnel étranger en France


La pratique du détachement de personnel en provenance de pays de
l’Union européenne à bas niveau de salaire est un moyen de réduire les
charges qui pose un problème de concurrence déloyale et peut avoir des
conséquences désastreuses sur l’emploi dans certains secteurs. C’est
pourquoi un cadre légal a été précisé.
L’entreprise étrangère est tenue d’adresser, préalablement, une déclara-
tion de détachement auprès de l’inspection du travail. Lorsqu’un
sous-traitant ou une société d’intérim établis hors de France détachent
des salariés étrangers sur le territoire français ils doivent adresser une
copie de la déclaration de détachement au maitre de l’ouvrage (don-
neur d’ordre, désigner un représentant sur le territoire français pour la
durée de ce détachement et adhérer à une caisse de congés payés. Les
salariés doivent être rémunérés au minimum au SMIC et selon la grille
de la convention collective de la branche. De plus les frais liés au déta-
chement (transport, hébergement) n’entrent pas dans la rémunération et
ne peuvent pas être mis à la charge du salarié. La règlementation fran-
çaise sur le temps de travail et la rémunération des heures supplémen-
taires doit s’appliquer.

C. L’externalisation de l’emploi
a. L’externalisation juridique
Les entreprises peuvent avoir recours à des travailleurs indépendants,
c’est-à-dire non salariés, mais liés à elles par des contrats de prestation
de service, des contrats d’entreprise.
EXEMPLE
Sous-traitants dans la production industrielle et fanchisés dans les services.

Ces travailleurs « non subordonnés » disposent de leur propre outillage,


sont employés pour des travaux spécifiques et rémunérés sur la base du
résultat de leur travail (voir aussi le télétravail).
L’externalisation peut se faire par le biais de contrats de sous-traitance
avec des entreprises disposant de leur propre main-d’œuvre. Dans ce
cas, les entreprises sous-traitantes envoient leur personnel effectuer un
travail déterminé chez l’entreprise cliente (ex : installation ou mainte-
nance d’un réseau électrique), ce qui permet à celle-ci de réduire le
nombre de ses services « de soutien ».
Le recentrage des grandes sociétés a ainsi favorisé le développement de
l’externalisation de l’emploi à travers diverses formules d’essaimage
d’entreprises indépendantes à partir d’anciens services de l’entreprise.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
452 Management et économie des entreprises

Le recours au travail intérimaire est également une forme d’externalisa-


tion juridique ainsi que le fait de contracter avec une société de portage
salarial. Contrairement à l’intérim, le portage salarial implique que ce
soit l’intervenant lui-même et non la société de portage qui assure l’ac-
tion commerciale auprès de l’entreprise utilisatrice de cet intervenant.
Elle implique également que cet intervenant ne soit soumis à aucune
subordination à l’égard de l’entreprise utilisatrice.

b. L’externalisation physique : le télétravail


Avec le développement des réseaux le télétravail s’accroît. Les télétra-
vailleurs sont ceux qui ne sont pas physiquement présents dans leur
entreprise, puisqu’ils travaillent chez eux, chez la clientèle ou sur
d’autres sites. Cela permet d’ailleurs aux entreprises de réduire sensible-
ment la surface de leurs bureaux. La messagerie électronique remplace
progressivement les relations hiérarchiques et transversales tradition-
nelles. Le télétravail peut être mis en place soit dans le cadre d’un accord
collectif, soit dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur qui
précise les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de
la charge de travail et la détermination des plages horaires (après avis du
CSE). Il peut aussi être mis en place par un simple accord avec le salarié.
Selon le cabinet de conseil RH Kronos, pour l’année 2016, 16,7 % des
Français ont télétravaillé plus d’une journée par semaine. Le télétravail
génère un risque de « blurring » c’est à dire d’un effacement de la fron-
tière enter temps de travail et vie personnelle.

D. La réduction des effectifs


a. Divers procédés sont utilisables, en dehors
des licenciements
– Activité partielle (ou chômage partiel qui peut être une fermeture tempo-
raire pour baisse d’activité ou parfois une simple réduction des horaires
de production). Une indemnisation de l’État vient compléter le salaire.
– La mise en retraite ou préretraite (convention de préretraite passée
avec le FNE qui est devenue exceptionnelle).
– La rupture conventionnelle homologuée (par la DIRECCTE sur
demande de l’employeur effectuée sur un portail internet), avanta-
geuse pour les deux parties mais non utilisable dans le cadre d’un
plan social (PSE). Selon le centre d’études de l’emploi : en 2013, les
ruptures conventionnelles ont représenté 17 % des fins de CDI1.

1. Connaissance de l’emploi, mai 2015.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 20 – La mobilisation du personnel 453

– La rupture conventionnelle collective des contrats de travail (RCC) est


utilisable par l’employeur pour éviter un plan de sauvegarde de l’em-
ploi (ou plan social). Il doit obtenir l’accord des salariés concernés après
la conclusion d’un accord collectif dans l’entreprise, validé par la Direc-
cte, excluant tout licenciement pour atteindre les objectifs qui lui sont
assignés en termes de suppression d’emplois et qui précise le nombre
maximal de départs attendus et le montant des indemnités de rupture
ainsi que des mesures de reclassement externe. L’accord doit prévoir les
conditions d’information du Comité social et économique (CSE) (ou du
CE ou des délégués du personnel) sur le projet et sur son suivi.
– Les départs négociés, (forme de rupture amiable proposée par l’em-
ployeur aux salariés volontaires contre une prime au départ visant à
éviter les licenciements pour motif économique).
– L’arrivée à terme des contrats précaires (CDD, intérim).
– La démission à laquelle certains employeurs « poussent » des salariés
pourra aisément être requalifiée en licenciement sans motif réel et
sérieux par le Conseil de prud’hommes1.

b. Le licenciement pour motif économique, individuel


ou collectif
Il est pratiqué dans des cas de difficultés économiques, de mutations tech-
nologiques ou de nécessité de préserver la compétitivité de l’entreprise.
Une obligation de reclassement existe pour tout employeur envisageant une
telle rupture du contrat de travail et ce n’est qu’en cas d’échec (refus du sala-
rié) ou impossibilité (absence de poste correspondant à ses capacités profes-
sionnelles) que l’employeur pourra donc procéder au(x) licenciement(s).
Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le licenciement collectif
pour motif économique s’inscrit, à partir d’un licenciement de 10 sala-
riés, dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi dont le contenu
est placé sous le contrôle de l’Inspection du travail.
Afin d’éviter ces licenciements économiques, la loi impose désormais
aux entreprises et groupes d’au moins 300 salariés de négocier tous les
3 ans sur la mise en place d’un dispositif de gestion prévisionnelle des
emplois et des compétences.
Le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE)
C’est un ensemble de mesures visant à éviter les licenciements.
Il doit contenir diverses mesures de reclassement, interne et externe à l’entreprise,
formation, création d’activité qui sont proposées aux salariés concernés, comme des
alternatives aux licenciements envisagés.
3

1.  Certaines entreprises ont ainsi pratiqué le harcèlement moral pour réduire leur effectif et
ont été pour cela condamnées pénalement, ainsi que leur dirigeant.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
454 Management et économie des entreprises

La validité du plan est appréciée par l’administration du travail et par les tribunaux, en
fonction des moyens dont dispose l’entreprise ou le groupe auquel elle appartient.
Il peut être le résultat d’un accord collectif passé entre l’employeur et les représentants
syndicaux ou les représentants du personnel ou bien mis en place de façon unilatérale par
l’employeur.
Le comité d’entreprise est obligatoirement consulté sur le contenu du plan. Le projet de
plan doit être transmis à l’administration du travail.

c. Le licenciement pour motif personnel


Il est pratiqué en cas d’insuffisance professionnelle, inaptitude médica-
lement constatée ou pour faute, sérieuse, grave ou lourde (selon
l’échelle des sanctions du règlement intérieur). Certaines entreprises y
ont recours, en prenant le risque d’un contentieux prud’homal, pour
éviter les licenciements économiques. Ceux-ci sont jugés trop lourds à
organiser et trop lents à mettre en place. Le licenciement pour motif
personnel est alors souvent suivi d’une transaction afin d’éviter un
contentieux prud’homal.
La mise en place récente par le droit du travail de la rupture convention-
nelle homologuée a sensiblement réduit ces pratiques de licenciements
individuels « au fil de l’eau ».

III. La gestion des rémunérations


L’entreprise dispose d’une gamme d’outils lui permettant de combiner
différentes formes et différentes logiques de rémunération : individuelles
ou collectives, en fonction des résultats obtenus ou en fonction du temps
de travail, faisant partie du salaire ou en complément de celui-ci.

A. Le salaire
a. Un revenu et un coût
C’est le revenu du travail. Il n’est pas interprété de la même façon par l’en-
treprise et par le salarié. Pour l’une il est un coût (60 % de la valeur ajoutée,
en moyenne) qui inclut les charges sociales, salariales et patronales, pour
l’autre il est un revenu qui est considéré comme tel dans son montant net.

b. Son montant
Il est en principe librement négocié entre les deux parties. Cependant la
convention collective de la branche d’activité de l’entreprise restreint
notablement le champ de cette négociation en faveur des salariés. Elle
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 20 – La mobilisation du personnel 455

fixe les minima de rémunération et elle fait correspondre à chaque


niveau de qualification, un indice. Chaque année la valeur du point
d’indice est l’objet d’une négociation.
De plus, la loi encadre fortement la négociation salariale, qu’elle soit
individuelle ou collective. Ainsi un salaire minimum interprofession-
nel de croissance (SMIC) s’impose-t-il à tout employeur en France.

Préserver le smic en réduisant son coût pour les entreprises


En janvier 2018, le SMIC mensuel brut est égal à 1 498,47 € pour 35 h/sem (151,67 h/mois).
En 2016, 10,6 % du salariat du secteur privé est rémunéré au Smic. Cela correspond à
1,65 million de personnes. Un grand nombre d’études montrent qu’un tel coût minimum
du travail non qualifié est dissuasif et conduit immanquablement au chômage de
nombreux travailleurs sans qualification. C’est pourquoi les pouvoirs publics, sans remettre
en question le SMIC en tant que revenu, s’attachent depuis plusieurs années à réduire le
coût du travail non qualifié par la réduction des charges patronales sur les bas salaires (ex. :
Réduction s’appliquant sur les salaires inférieurs à 1,6 fois le SMIC et exonération des
cotisations patronales pour les contrats « aidés » par l’État : contrat unique d’insertion,
contrat de professionnalisation).
Un crédit d’impôt Compétitivité Emploi (CICE) correspondant à 6 % des rémunérations
brutes versées ne dépassant pas 2,5 fois le SMIC, est venu également réduire l’impôt des
entreprises (IS ou IR) pour favoriser l’emploi non qualifié. Néanmoins certains ont critiqué
ces dispositifs qui incitent les employeurs à maintenir de bas niveaux de rémunération pour
continuer à bénéficier des réductions de charges patronales. D’autres considèrent que le
dispositif n’est pas efficace puisqu’il n’a pas empêché le développement du recours aux
salariés détachés dont l’emploi n’est pas soumis, par ailleurs, aux charges liées à
l’application des conventions collectives.

De même, le droit du travail pose-t-il le principe de l’égalité de rémuné-


ration entre hommes et femmes, encore mal respecté il est vrai.
Ainsi, selon la DARES, les salaires masculins étaient en moyenne de
+ 19 % plus élevés que les salaires féminins en 2013 pour un emploi à
temps plein1. La loi relative à l’égalité salariale entre les femmes et les
hommes (adoptée par le Parlement en février 2006) impose aux parte-
naires sociaux d’engager des négociations dans les branches et les entre-
prises afin de combler l’écart de rémunération entre hommes et femmes.
Malgré ces contraintes légales, la variété des éléments qui composent le
salaire permet une certaine individualisation de celui-ci.

c. Sa composition
• Le salaire de base (lié à la qualification) dépend directement de l’in-
dice fixé par la convention collective.

Salaire de base = Indice × Valeur du point d’indice

1.  L’écart est de 19,8 pour les cadres et de 7,7 % pour les employés et 16,6 % pour les ouvriers.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
456 Management et économie des entreprises

• La majoration pour heures supplémentaires1.


Depuis le 4 mai 2004, les heures supplémentaires bénéficient d’une
majoration de salaire dont le taux est normalement fixé par un accord
collectif sans pouvoir être inférieur à 10 %. En l’absence d’un tel accord,
une majoration de + 25 % s’applique (donnant droit à majoration ou
repos) de la 36e heure à la 43e heure incluse ; la majoration est de + 50 %
à partir de la 44e heure. Le contingent des heures supplémentaires est
fixé par un accord collectif.
Le paiement des heures supplémentaires peut être remplacé par un
repos compensateur de remplacement, si un accord collectif le prévoit.
• Les avantages en nature.

EXEMPLE
Voyages gratuits pour le personnel de sociétés de transport aérien.

• Les pourboires.
• Les primes qui complètent le salaire pour tenir compte des qualités
propres au travailleur (prime de productivité) ou de sujétions particu-
lières de son emploi (prime de risque).
• Les gratifications en usage dans la profession ou que l’employeur s’est
engagé à verser.

EXEMPLE
Prime de fin d’année.

REMARQUE
Certains revenus versés par l’employeur ne font pas partie du salaire. Ce sont les
libéralités de l’employeur (événement familial, succès de l’entreprise…). Ce sont
aussi les indemnités qui viennent compenser des frais engagés par le salarié à l’occa-
sion de son travail (prime de transport, prime de panier…). Ce sont enfin les sommes
versées au titre de la participation des salariés ou de l’intéressement.

B. Quel système de rémunération adopter ?


a. Les objectifs
Le système de rémunération doit concilier les besoins des salariés et
ceux de l’entreprise. Les besoins de rémunération des salariés s’ex-
pliquent par les besoins de consommation de leur famille. Ils s’accom-
pagnent d’un besoin de sécurité des revenus et d’un désir d’équité.

1.  Voir sur ces questions l’Aide-mémoire de Droit du travail Sirey et aussi le Précis Dalloz
de Droit du travail.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 20 – La mobilisation du personnel 457

L’entreprise, quant à elle, cherche par son système de rémunération à


obtenir une qualité du travail et un rendement satisfaisant ainsi qu’un
climat social favorable.

b. L’évolution
Le déclin des conceptions tayloriennes et le développement de la négo-
ciation collective ont engendré depuis la seconde guerre mondiale un
déclin de la rémunération au rendement qui s’est traduit par une baisse
de la part que représente en moyenne les primes dans le salaire global,
au bénéfice du salaire de base.
De même a-t-on vu la garantie du salaire s’exercer sur des périodes de
plus en plus longues (mensualisation des salaires en 1978). Enfin, les
compléments collectifs du salaire, basés sur les résultats de l’équipe ou
de l’entreprise se sont développés.

c. La rémunération individuelle
Elle est fonction de plusieurs éléments :
• la qualification détermine le niveau du salaire de base (grille indi-
ciaire de la convention collective de la branche) ;
• le temps de travail est un facteur particulièrement important pour les
activités saisonnières, le travail temporaire ainsi que pour majorer le
salaire de base (heures supplémentaires). Cette rémunération au temps
était selon Taylor une prime à la paresse ;
• le rendement obtenu est déterminant dans certaines entreprises,
fidèles aux principes de Taylor, tandis que dans d’autres, plus nom-
breuses, il permet d’obtenir une prime qui s’ajoute au salaire de base.
On distingue notamment :
– le salaire aux pièces, S = p × n, où « p » est la prime attribuée par
pièce fabriquée et « n » le nombre de pièces ;
– le salaire à l’économie de temps, S = p × (T t), où « p » est la prime
attribuée par unité de temps économisée, « T » le temps alloué pour
effectuer la production et « t », le temps réellement consacré à cette
production ;
• l’ancienneté est souvent récompensée. Elle doit être interprétée
comme une fidélité du salarié à l’entreprise. Rémunérer cette fidélité
permet de conserver le personnel compétent et performant malgré les
tentations de la concurrence ;
• le mérite est lui aussi récompensé par l’entreprise. Depuis quelques
années, il a été le critère principal de l’individualisation des salaires,
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
458 Management et économie des entreprises

préconisée pour stimuler et motiver le personnel. L’entreprise com-


mence généralement par individualiser les rémunérations de son enca-
drement (85 % des cadres ont un salaire individualisé) avant d’adapter
progressivement cette pratique au reste du personnel en descendant
l’échelle hiérarchique (68 % chez les non-cadres).
Cependant le mérite est une notion assez floue susceptible d’interpréta-
tion, surtout lorsque son évaluation revient au seul chef de service. La
rémunération qui en découle a vite été contestée, jugée infantilisante et
injuste par les salariés.
C’est pour cette raison que le CNPF (devenu le MEDEF) préconisait dès
1989 une individualisation qui tienne compte des performances indivi-
duelles « objectivement mesurées ». L’organisation patronale voulait
souligner par-là, la nécessité de disposer de critères et d’indicateurs
d’évaluation suffisamment précis, fiables et variés pour que celle-ci soit
acceptable, parce que contrôlable par les salariés.

d. Les rémunérations collectives


Elles se sont développées pour faciliter l’intégration des salariés dans
l’équipe de travail et dans l’entreprise.
– Les primes collectives viennent récompenser le travail de l’équipe ou
du service, favorisant ainsi la dynamique du groupe de travail mise en
lumière par Elton Mayo, aux États-Unis entre les deux guerres mon-
diales (voir les motivations des travailleurs, chapitre 19 « La gestion
des ressources humaines »).
– La participation et l’intéressement aux résultats obtenus par l’entre-
prise se concrétisent aussi par le versement de primes (voir plus loin
le paragraphe « La participation financière », p. 468).

e. Les plans d’options sur actions ou stock-options


(voir p. 470)

Les approches théoriques de la rémunération


• Selon A. Smith (La richesse des nations, Ch. X), à productivité égale, les différences de
salaire s’expliquent par différentes caractéristiques qui exprimés en langage moderne,
correspondent à :
– la pénibilité du travail ;
– l’apprentissage plus ou moins facile (rôle de la formation) ;
– la précarité de l’emploi qui implique une majoration de rémunération ;
– la responsabilité assumée dans l’emploi.
• Selon F. Taylor le salaire au temps est « une prime à la paresse » à laquelle il faut
préférer un salaire au rendement qui stimule la productivité individuelle.
• Pour la théorie néo-classique, le salaire est égal à la productivité marginale du travail.
3
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 20 – La mobilisation du personnel 459

• Selon le courant hétérodoxe et la théorie des négociations, les salaires découlent plus
du jeu des institutions que des mécanismes du marché du travail. Le coût salarial apparaît
donc comme une contrainte dont le montant s’établit principalement à l’extérieur de
l’entreprise par la négociation de la convention collective de la branche.
• Selon la théorie des contrats implicites de C. Azariadis, la peur du risque des
travailleurs et la crainte de manquer de personnel des employeurs conduirait à
l’établissement d’un contrat implicite où le salarié accepterait un salaire inférieur à celui du
marché en période de plein-emploi et un maintien de son salaire en période de chômage.
Dans ces conditions, les ajustements se font davantage par les quantités (chômage)
que par les prix (rigidité salariale) sur le marché du travail.
• La théorie du salaire d’efficience de Yellen et Akerlof (1984) s’apparente à une
théorie de l’incitation, selon laquelle en augmentant les salaires on accroît le coût
du travail mais également sa productivité, par l’effet incitatif engendré.
Le niveau du salaire s’explique en partie par le souci qu’a l’employeur de « retenir le
salarié » (du fait du coût de rotation*, constitué de coûts d’embauche, de formation et de
licenciement). Selon la nature de l’activité, l’entreprise arbitrera donc entre coût de rotation
et coût du travail. Par ailleurs, l’efficacité productive d’un salarié est directement liée à
l’appréciation qu’il a concernant la façon dont il est « traité » par l’employeur, au regard
de ce qu’il juge comme étant la norme. Ainsi se met en place dans l’entreprise un échange
de gratification contre une intensité d’effort accrue.
• La théorie du partage des profits de M. Weitzman (1984) préconise une liaison forte
entre la rémunération du travail et les résultats financiers de l’entreprise afin de
permettre à l’entreprise en cas de baisse de rentabilité, de rétablir plus facilement sa
situation financière, sans licenciement (l’exemple japonais de l’« emploi à vie » et du
salaire variable est une bonne illustration de l’« économie de partage »). Dans cette
optique, le salaire se compose d’une partie fixe et d’un bonus, lié lui au profit de
l’entreprise.

*  Ou de turn-over. Le turn over se mesure par le rapport : nombre de départs volontaires


dans l’année/effectif total en début d’année.

C. La gestion prévisionnelle de la masse


salariale1
Il est important pour l’entreprise de prévoir l’évolution de cette charge
d’exploitation essentielle. Plusieurs facteurs sont à prendre en compte
pour y parvenir.
L’évolution des effectifs (à structure constante) agit à côté de l’évolution
de la structure du personnel (pyramide des âges de l’entreprise et éléva-
tion des qualifications). Ainsi le simple remplacement des salariés âgés
partant en retraite par des jeunes permet souvent une réduction du coût
du travail (effet « noria ») qui s’accompagne généralement d’une amélio-
ration du niveau de formation de base. Par ailleurs la durée du travail
doit aussi être considérée (heures supplémentaires, chômage technique,

1.  Masse salariale = totalité des salaires bruts + cotisations patronales.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
460 Management et économie des entreprises

annualisation du temps ont un impact certain sur la masse salariale de


l’entreprise). Un « effet technicité » apparaît également, lié au fait que la
proportion de cadres et de salariés qualifiés tend à augmenter du fait de
la complexification des activités de production. Les hausses générales
de rémunération qui sont accordées en résultat des négociations
annuelles doivent aussi être prises en compte. Un « glissement des
salaires » s’explique par le seul jeu des augmentations individuelles
(liées à l’ancienneté et à l’avancement).

L’EFFET « GVT »
Il mesure les augmentations de salaire dues au mérite, mais sans changement de quali-
fication (Glissement), au jeu de l’ancienneté (Vieillesse) et à l’évolution des qualifications
(Technicité).

On peut élargir cette notion de masse salariale à celle de coût de la main-


d’œuvre, en incluant un certain nombre de charges périphériques
(dépenses de formation ; financement du comité d’entreprise ; taxes sur
les salaires), auxquelles on peut ajouter d’autres modes de rémunération
que le salaire, comme la participation au résultat (obligatoire) ou l’inté-
ressement (facultatif) (voir à ce sujet, le paragraphe consacré à la partici-
pation financière, p. 468).

Au-delà de la rémunération : la question de la motivation

Les entreprises mettent souvent en concurrence, de façon au moins implicite,


les différentes catégories de salariés (ce que certains ont appelé de façon assez cynique
la « course de rats »)*.
Les salariés à contrat précaire sont en concurrence les uns avec les autres pour mériter
d’intégrer le cercle du personnel « stable » employé sous CDI et bénéficiaire de la politique
de formation professionnelle (plan annuel de formation). Les salariés de l’entreprise
(« insiders ») sont en concurrence avec les « outsiders » parfois plus jeunes et mieux formés
qui sont à la recherche d’un emploi. Les salariés qui ont un emploi stable sont aussi en
concurrence pour obtenir un jour une promotion ou une récompense financière ou même
pour éviter un licenciement.
Cette émulation peut sembler très avantageuse à l’entreprise mais finalement, elle génère
au mieux du stress et un individualisme forcené qui freine ou bloque la coopération
nécessaire entre les salariés. Elle peut stimuler le développement de stratégies
individuelles d’affrontement qui engendrent un climat social tendu et détournent les
salariés des objectifs et de l’intérêt de l’entreprise. Elle peut favoriser le burn-out
(épuisement professionnel).

*  in B. Gazier, Vers un nouveau modèle social, Flammarion, 2005.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 20 – La mobilisation du personnel 461

IV. Comment gérer les compétences


et les carrières des salariés ?
La gestion des compétences et des carrières consiste à recenser, entretenir et dévelop-
per chez le personnel, les compétences dont l’entreprise a besoin, afin qu’il puisse
évoluer à travers différents postes et niveaux hiérarchiques.

A. La notion de compétences
a. Ce qu’elle est
La compétence se définit comme « un savoir-faire opérationnel validé »
(Accord « A. cap 2000 » de la branche Sidérurgie) ; v. aussi p. 423.
Pour développer sa capacité d’adaptation aux évolutions de son environ-
nement, l’entreprise doit apprendre à gérer le changement. Cela la
conduit à raisonner en termes de compétences plutôt que de qualifica-
tions. En effet, la qualification est liée à un poste de travail alors que
l’éventail des compétences de chaque salarié lui permet de suivre l’évo-
lution de son poste et de s’adapter aux différents postes qui lui seront
confiés.
Néanmoins, un grand nombre de systèmes de gestion des compétences
observables dans les entreprises ne sont en fait que des « formes adap-
tées » de gestion des qualifications, basées sur le poste de travail. De
plus, selon une enquête DARES de 2007, seules 11 % des entreprises
pratiquaient une gestion des compétences (mais plus du tiers des établis-
sements de plus de 500 salariés).

b. Ce qu’elle apporte
Gérer les compétences et les carrières est le moyen pour l’entreprise de
disposer de la flexibilité fonctionnelle dont elle a besoin, c’est-à-dire à
effectif inchangé, d’adapter son personnel aux besoins de qualification
et de responsabilités nouvelles, liés à l’évolution de l’entreprise elle-
même. Elle permet également à l’entreprise de satisfaire les besoins de
promotion et de qualification du personnel, soucieux de préserver son
employabilité.
La pratique de la gestion des compétences est également le moyen pour
l’entreprise de responsabiliser ses salariés quant à leur employabilité.
Les principaux outils de la gestion des compétences sont l’évaluation
des compétences, la politique de formation et la promotion du person-
nel. La « logique compétence » suppose que l’entreprise valorise les
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
462 Management et économie des entreprises

compétences qu’elle reconnaît aux salariés, en termes de rémunération


et d’évolution de carrière.1
Repères
– Le poste de travail est l’affectation concrète d’un salarié, Il est localisé physiquement
dans l’entreprise et dans son organigramme. C’est l’unité de base de l’organisation
concrète de l’entreprise.
– L’emploi-type est un regroupement de postes de même nature qui facilite leur gestion
(qualification, classification, compétences requises).
– La qualification correspond aux connaissances théoriques et pratiques que l’on acquiert
par la formation ou par l’expérience professionnelle.
– Les compétences d’une personne sont les ressources (savoirs, savoir-faire, savoir-être)
qu’elle mobilise dans l’exercice de sa profession. Ce sont des savoir-faire opérationnels
validés par l’entreprise.

B. L’évaluation des compétences


a. Le bilan de compétences
Le droit du travail prévoit la possibilité pour chaque salarié de bénéfi-
cier d’un bilan de compétences. Celui-ci peut être réalisé à la demande
de l’employeur ou à l’initiative du salarié2 par un organisme extérieur à
l’entreprise. Il peut permettre de définir un projet professionnel et des
besoins en formation et même s’inscrire dans un plan de carrière qui
redevient d’actualité lors du recrutement de jeunes cadres.

b. L’entretien professionnel et le bilan annuel


Il existe depuis la loi du 5 mars 2014 un droit à un entretien profession-
nel, au moins tous les deux ans pour chaque salarié concernant les pers-
pectives d’évolution professionnelle. L’accord interprofessionnel du
5 décembre 2003 a créé un passeport formation permettant à chaque
salarié de faire certifier ses connaissances, compétences et aptitudes
professionnelles.
L’évaluation des compétences est souvent combinée à un bilan annuel
des résultats, comparativement à des objectifs fixés de façon contrac-
tuelle (objectifs annuels négociés avec l’employeur et acceptés par écrit).
Cette gestion par objectifs (voir le chapitre 9 consacré au management)
peut déboucher sur une promotion, une formation ou un licenciement
pour insuffisance professionnelle.

1.  Voir l’article d’Alain Roger, « Gestion des ressources humaines et management des com-
pétences », Les Cahiers français, no 321, 2004.
2.  Le salarié doit pour cela justifier de 5 ans d’emploi salarié dont 12 mois dans l’entreprise.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 20 – La mobilisation du personnel 463

L’évaluation des compétences permet également aux gestionnaires des


ressources humaines d’établir une cartographie des compétences de
l’entreprise et de la faire évoluer en fonction des besoins. Elle s’inscrit
alors dans la gestion du « capital humain » de l’entreprise.
La notion de compétence, un concept favorisant l’individualisation
La compétence est appréciée de façon individuelle (notamment par le biais du savoir-être)
et surtout n’est validable que par l’entreprise elle-même, relativement à une situation
d’emploi particulière.
Difficilement intégrable dans une convention collective, cette notion introduit donc
une dose importante d’individualisation dans la GRH.

C. La promotion du personnel
a. Présentation
Elle consiste généralement dans l’accès à un poste hiérarchiquement
supérieur, bien que l’on pratique parfois, à niveau égal de responsabilité,
à une « promotion par le salaire » dans un but de motivation.
Elle repose sur :
– une gestion prévisionnelle des emplois (à deux ans) ;
– une analyse des exigences des postes à pourvoir ;
– une préparation du personnel concerné (évaluation-formation).
Elle constitue ainsi la principale forme de recrutement interne, encore
que celui-ci puisse avoir lieu par simple transfert ou mutation.

b. Ses avantages
La pratique de la promotion du personnel présente des avantages impor-
tants. Elle est une perspective motivante pour les salariés, dans leur
travail comme dans les stages de formation. Elle permet également de
limiter les risques d’erreur liés à un recrutement puisque la personne
pressentie pour le poste à pourvoir a déjà fait ses preuves dans l’entre-
prise.

c. Ses limites
Il faut cependant signaler ici la limite qui a été formulée de façon humo-
ristique par C.J. Peter et R. Hull sous l’appellation de « principe de
Peter » et qui peut être formulée ainsi : dans une hiérarchie, tout employé
à tendance à s’élever jusqu’à son niveau d’incompétence. C’est en effet
sur la compétence dans les postes occupés précédemment que l’on se
fonde souvent pour accorder une promotion et cela, jusqu’à ce que la
personne concernée parvienne à son niveau d’incompétence et y reste !
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
464 Management et économie des entreprises

Les organisations s’inspirant du système de la direction par objectif


(DPO ou DPPO), échappent à ce risque, en conditionnant le maintien
dans un poste de responsabilité aux résultats obtenus.
Il faut remarquer que l’entretien annuel d’évaluation peut se transfor-
mer en outil de management toxique lorsqu’il aboutit à un classement
des salariés débouchant sur un certain pourcentage de salariés « éjec-
tables » en raison de leur insuffisance de résultats.

D. La formation du personnel
a. Les objectifs de la formation
Le personnel arrive dans l’entreprise avec une formation (formation ini-
tiale dispensée par le système scolaire et universitaire, apprentissage et
expérience professionnelle) qui doit de plus en plus souvent être com-
plétée afin de s’adapter aux besoins évolutifs de l’entreprise.
La formation organisée par l’entreprise au bénéfice de son personnel
peut être interprétée comme un investissement immatériel effectué par
celle-ci. La formation continue, dispensée dans l’entreprise à un cadre
législatif précis qui est l’objet d’un projet de réforme.
Aux actions de formation organisées par l’entreprise elle-même (récapi-
tulées dans son plan de formation), il faut ajouter les stages suivis par
les salariés de leur propre initiative, à l’extérieur de l’entreprise, en uti-
lisant leur compte personnel de formation (CPF), ou leur droit à un
congé individuel de formation (CIF) pour une formation de longue
durée, plus qualifiante.
De plus, la validation des acquis de l’expérience (VAE) permet à chaque
salarié d’obtenir un diplôme par validation de ses acquis professionnels.

b. Le financement de la formation
Chaque entreprise employant des salariés doit consacrer un certain pour-
centage de la masse salariale brute au financement de la formation, sous
la forme d’une cotisation formation professionnelle
On remarque statistiquement que les salariés diplômés sont ceux qui béné-
ficient le plus de la formation professionnelle. De grands groupes comme
Danone ou Renault ont des taux d’accès à la formation dépassant les 80 %
du personnel sur une période de 12 mois (Rapports sociaux annuels).

c. L’organisation de la formation
La formation professionnelle peut avoir lieu pour différents motifs :
adaptation à un nouvel emploi, promotion (amélioration de la qualifica-
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 20 – La mobilisation du personnel 465

tion), prévention (adaptation aux nouvelles technologies), acquisition,


entretien ou perfectionnement des connaissances.
Le plan annuel de formation (facultatif) précise les objectifs, les contenus,
les budgets, les modalités, la durée et le calendrier des stages pour l’année.

d. La négociation et la consultation des institutions


représentatives du personnel
L’entreprise doit négocier chaque année dans le domaine de la formation
avec la ou les sections syndicales de ses salariés. Les entreprises doivent
consulter chaque année le CSE1 sur le plan de formation qu’elles établi-
ront pour l’année à venir.
LA FORMATION CONTINUE DANS LES ENTREPRISES EUROPÉENNES :
TROIS GROUPES DE PAYS
Taux d’accès aux formations en situation de travail (%)

Taux d’accès aux cours et stages (%)


Note de lecture : en 2010 en France 45 % des salariés ont accédé à une formation continue
par cours et stages, et 14 % à une formation en situation de travail.
Construction de la typologie : les trois groupes de pays sont différenciés par une classification
ascendante hiérarchique réalisée à partir des variables nationales agrégées suivantes
(« réduites », c’est-à-dire rapportées à leurs écarts-types) : part d’entreprises formatrices (par
cours et stages et autres formes), taux d’accès aux cours et stages (par taille d’entreprise : de
10 à 49 salariés, de 50 à 249 salariés, et de 250 salariés ou plus), taux d’acccès aux formations
en situation de travail et aux formations par cercles d’enseignement ou de qualité (les 2e et
3e types de formation les plus fréquents après les cours et stages), et part de la durée
annuelle du travail passée en formation par cours et stages.
Source : Extrait du dossier « Bref du CEREQ », juillet 2013.

1. Le CSE (Comité social et économique) remplace à la fois les délégués du personnel, le


comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
466 Management et économie des entreprises

V. Comment obtenir
une « participation » des salariés
à l’entreprise ?
Le bon fonctionnement de l’entreprise suppose un minimum de dia-
logue social, c’est-à-dire de communication entre les partenaires
sociaux : les salariés et leurs représentants d’une part et la direction de
l’entreprise d’autre part. Ce dialogue est facilité par l’existence de diffé-
rentes structures de participation, mises en place spontanément par les
entreprises ou du fait du législateur. Par participation il faut entendre
l’ensemble des formes d’association des travailleurs à l’entreprise. Le
projet de développer l’association du capital et du travail a été formulé
dès les débuts de la Ve République par le général de Gaulle et connaît,
depuis le début des années 1980, un regain certain.

A. La participation par les responsabilités


dans le travail et son organisation
Elle correspond à la notion anglo-saxonne d’empowerment.

a. Sous une forme collective


– Les équipes semi-autonomes de production ont été conçues dès le
début du siècle par H. Dubreuil1 et préconisées plus tard par les
auteurs de l’école socio-technique (F. Emery et E. Trist). Chaque équipe
se voit confier un ensemble d’outils et de machines et organise elle-
même son travail, afin d’atteindre les objectifs qui lui ont été assignés.
Une rémunération collective peut rétribuer les résultats obtenus.
– Les cercles de qualité (v. p. 375 la gestion de la qualité).
– L’expression directe et collective des salariés est un droit (loi du
4 août 1982). Dans toutes les entreprises, quel que soit l’effectif, les
salariés peuvent s’exprimer librement sur le contenu et l’organisation
de leur travail. Les modalités de l’exercice de ce droit sont négociées,
mais l’expression des salariés doit être directe et collective.
– Les conseils d’atelier ou de bureau ont été créés dans les entreprises
publiques par la loi de démocratisation du secteur public du 26 juillet
1983. Leur rôle est d’envisager les possibilités d’améliorer les condi-

1.  Hyacinthe Dubreuil (1883-1971), Le véritable intéressement des travailleurs à la vie de


l’entreprise, Éditions de l’entreprise moderne, 1959.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 20 – La mobilisation du personnel 467

tions et l’organisation du travail, au cours de réunions qui doivent


avoir lieu régulièrement dans le cadre de l’atelier ou du bureau.

b. Sous une forme individuelle


– L’enrichissement des tâches1.
– La délégation et la décentralisation du pouvoir de décision2.
– La Direction Par Objectif (DPO), parfois désignée sous l’appellation de
direction participative par objectif3.

B. Les structures institutionnelles définies


par la loi
a. Les institutions représentatives du personnel
– Les délégués syndicaux négocient des accords collectifs d’entreprise
avec la direction.
– Le CSE remplace (au plus tard au 1er janv. 2020) les différentes institu-
tions représentatives du personnel de chaque entreprise qui existaient
jusque-là (délégués du personnel, comité d’entreprise, comité d’hy-
giène de sécurité et des conditions de travail). Son rôle est de présen-
ter à l’employeur toutes les réclamations (individuelles ou collectives)
relatives aux salaires et au respect de la règlementation concernant
notamment la protection sociale, ainsi que des conventions et accords
applicables dans l’entreprise.
C’est la délégation du personnel du CSE (élue tous les 4 ans) qui doit
promouvoir la santé du personnel et enquêter en cas d’accident du tra-
vail. Le CSE bénéficie d’un droit d’alerte en cas de danger grave et immi-
nent ou en cas d’atteinte aux droits et libertés des personnes ou s’il a
connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la
situation économique de l’entreprise.
Le CSE est informé et consulté par l’employeur sur l’organisation, la
gestion et la marche générale de l’entreprise.

b. Les représentants des salariés dans les organes


de direction des entreprises
– La loi de juillet 1994 prévoit deux ou trois représentants des salariés
et un représentant des salariés-actionnaires dans le CA ou le CS des
sociétés privatisées.

1.  Voir : Les nouvelles formes d’organisation du travail, chapitre 16, p. 367.


2.  Voir : Centralisation et décentralisation, chapitre 6, p. 125-126.
3.  Voir : La gestion par les objectifs, chapitre 13, p. 292.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
468 Management et économie des entreprises

– La représentation facultative des salariés dans les conseils des socié-


tés anonymes : une ordonnance d’octobre 1986 autorise l’assemblée
générale extraordinaire des actionnaires à modifier les statuts de la
société pour créer des postes d’administrateurs-salariés (pour le tiers
des administrateurs actionnaires, au maximum) siégeant avec voix
délibérative au conseil d’administration ou de surveillance. Cette pos-
sibilité est très peu utilisée.
– La représentation par les délégués du CSE au conseil d’administra-
tion, avec voix consultative : deux membres du CSE, désignés par tout
le comité assistent à toutes les séances du conseil d’administration
(CA) ou du conseil de surveillance (CS), sans participer au vote.
– La représentation des salariés dans les conseils d’administration des
entreprises publiques : les administrateurs-représentants des salariés
occupent le tiers des postes de ces conseils tripartites.

AILLEURS EN EUROPE
En Allemagne et en Hollande la loi donne aux institutions représentatives du personnel
un pouvoir de codécision dans certains domaines (organisation du travail dans les deux
pays ; rémunérations et gestion des œuvres sociales en Allemagne).
En Suède et en Allemagne, les salariés sont représentés dans les organes de gestion
(conseil d’administration ou conseil de surveillance) de certaines sociétés : en Allemagne
dans les sociétés de capitaux les plus importantes et dans les sociétés sidérurgiques et
minières ; en Suède, les syndicats sont représentés par deux membres dans les conseils
d’administration des entreprises ayant au moins 25 salariés.

C. La participation financière
L’objectif est d’amener les salariés à considérer que leur intérêt est lié à
celui de leur entreprise. Il existe plusieurs formules de participation
financière.

a. La participation des salariés aux résultats


de l’entreprise
• Une participation obligatoire doit être pratiquée dans les entreprises
employant habituellement au moins 50 salariés. Elle peut être prati-
quée volontairement dans les plus petites. Elle est normalement défi-
nie par un accord d’entreprise. Elle a concerné 4,9 millions de salariés
en 20121. Une réserve de participation doit être constituée à partir du
bénéfice fiscal de l’entreprise :

1.  Enquête annuelle du ministère du Travail (DARES), soit 44,8 % des salariés des secteurs
marchands non agricoles en 2012.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 20 – La mobilisation du personnel 469

1 5CP S
Réserve de participation (minimum légal) = (BN – )¥
2 100 VA
BN = bénéfice fiscal net ; CP = capitaux propres ; S = salaires
bruts ; VA = valeur ajoutée

Un supplément de réserve spéciale est possible.


D’autres formules, plus avantageuses pour les salariés sont applicables.
La réserve de participation est ensuite répartie entre tous les salariés
proportionnellement au salaire perçu (1 407 €/salarié, en moyenne, en
2015) ou selon d’autres modalités définies par l’accord collectif et en
respectant un plafonnement. Ces sommes ne sont pas disponibles avant
cinq ans (huit en l’absence d’accord d’entreprise) ou lors du départ en
retraite (cas d’un PERCO) mais il y a des cas de déblocage immédiat
(mariage, pacs, naissance…). Un accord de participation doit dans
chaque entreprise déterminer le mode d’affectation des fonds (actions de
l’entreprise, compte bloqué dans l’entreprise, titres de SICAV, parts de
FCP, plans d’épargne d’entreprise). Cette participation aux résultats est
dotée d’avantages fiscaux pour l’entreprise comme pour les salariés.
• Un intéressement (participation facultative). Une participation facul-
tative ou intéressement peut être pratiquée dans toute entreprise par
accord collectif (primes de 1 772 €/salarié en moyenne en 2015), sous
toute forme de rémunération collective qui intéresse les salariés au
résultat ou aux performances (plafonnement collectif à 20 % du total
des salaires bruts versés salaire brut). Cet intéressement est dispensé
des cotisations sociales.
• Un dividende du travail et un intéressement de projet. Le « dividende
du travail », instauré en décembre 2006, permet aux entreprises de
verser un supplément annuel de participation et/ou d’intéressement.
De plus, la loi encourage fiscalement le versement d’actions gratuites
sur un plan d’épargne entreprise. De même, un « intéressement de
projet » a été mis en place. Il permet à des salariés d’entreprises diffé-
rentes (y compris des sous-traitants) participant à un projet commun
de bénéficier d’un intérêt lié à ce projet commun (un ouvrage de BTP,
par exemple).

b. La participation au capital : l’actionnariat


des salariés et l’épargne salariale
1. Le plan d’épargne d’entreprise (PEE)
Il s’agit d’un système d’épargne collectif facultatif qui permet aux sala-
riés (mais aussi aux dirigeants de PME d’au plus 100 salariés) de toute
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
470 Management et économie des entreprises

entreprise de participer, avec l’aide de l’entreprise, à la constitution d’un


portefeuille de valeurs mobilières (actions et obligations de l’entreprise,
SICAV, FCP ou actions émises par une société créée par les salariés pour
racheter leur entreprise). L’épargne des salariés est constituée de verse-
ments volontaires ou de primes d’intéressement et de participation
auquel peut s’ajouter pour chaque salarié, l’abondement versé par l’em-
ployeur. Ces sommes, bloquées pendant cinq ans (déblocages anticipés
sous conditions) bénéficient d’un régime fiscal de faveur et sont pour
l’entreprise un moyen peu coûteux d’augmenter la rémunération du
personnel et son intégration dans l’entreprise, notamment lorsqu’elles
sont employées à acquérir des titres de celle-ci.
Des formules, facultatives, de plan d’épargne de groupe (PEG), de plan
d’épargne interentreprises (PEI) et de plan d’épargne pour la retraite
collectif (PERCO) peuvent être mises en place.

2. Le plan d’options sur actions ou stock-options


Certains salariés, choisis individuellement, reçoivent des options pour
acheter à terme (au bout de 4 ou 5 ans), des actions de leur entreprise
(actions nouvelles ou actions existantes préalablement rachetées par
l’entreprise), à un prix avantageux fixé à l’avance. Ils peuvent alors lever
ces options et garder les titres ou les vendre pour réaliser une plus-value
qui peut être très substantielle lorsque leur cours est supérieur au prix
convenu. La perspective de plus-value et d’avantages fiscaux fidélise les
salariés puisque leur plan d’options est annulé dès qu’ils quittent leur
entreprise.
REMARQUE
Cette pratique concerne essentiellement les grandes entreprises qui récompensent
ainsi leurs cadres (Accor, Air Liquide, Danone, Valéo) ou tout membre du personnel,
comme dans le groupe Alstom ; elle est aussi très répandue dans les start-up.

3. La reprise d’une entreprise par ses salariés (RES)


Les salariés peuvent, pour le calcul de l’impôt, déduire de leur revenu
les intérêts des emprunts qu’ils contractent pour constituer le capital
d’une société dont l’objet est le rachat de tout ou partie du capital de
leur entreprise. S’il n’y a pas eu d’emprunt, ils bénéficient d’une réduc-
tion d’impôt de 25 % du capital investi (lois de 1984 et 1990).

4. L’acquisition et la distribution d’actions


La loi permet à l’entreprise de réserver une augmentation de capital à ses
salariés ou bien de proposer à ceux-ci d’acheter ses propres actions en
bourse dans des conditions très avantageuses, voire de leur en attribuer
gratuitement (ex. : Société générale, Bouygues, Vinci, Thalès).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 20 – La mobilisation du personnel 471

L’actionnariat salarié présente, entre autres avantages, de stabiliser l’action-


nariat et de le rendre la société cotée plus résistante aux OPA. Chez le grand
distributeur Auchan, le personnel détenait 16 % du capital social en 2006.
Plusieurs sociétés de bourse ont créé un indice de l’actionnariat salarié
ou IAS (Hewitt Associates, Euronext). Celui-ci mesure les performances
boursières des sociétés dotées d’un actionnariat salarié significatif (code
ISIN : FR0003999598).
ILLUSTRATION
Selon une étude de l’ERES sur l’actionnariat salarié coté, présentée en septembre 2017,
la France est championne d’Europe de l’actionnariat salarié « démocratique » en 2016.
– 76,3 % des entreprises françaises cotées ont des plans d’actionnariat pour l’ensemble
de leurs salariés contre une moyenne européenne de 47 % ;
– 35,8 % des salariés sont actionnaires contre 22 % en Europe (taux de démocratisation) ;
– Les salariés (non dirigeants) détiennent 4 % du capital contre 1,6 % en Europe.

VI. Peut-on anticiper l’évolution


du climat social ?
B. Martory1 s’est appliqué à définir des instruments de détection des
dysfonctionnements sociaux de l’entreprise. Cette démarche constitue
l’observation sociale dans l’entreprise. Lorsque l’entreprise connaît des
problèmes sur le plan social, cela se traduit par de mauvais résultats,
dans le domaine social lui-même (démobilisation, conflits, accidents du
travail…), comme dans le domaine économique (baisse de productivité,
détérioration de la qualité…). Certaines techniques permettent de détec-
ter les dysfonctionnements sociaux de l’entreprise et d’une façon plus
générale, de suivre l’évolution de son fonctionnement social.

A. L’audit social de l’entreprise


Il s’agit de l’ensemble des techniques permettant d’analyser et d’évaluer
la situation sociale de l’entreprise. Il aboutit à un diagnostic social à par-
tir duquel sont décidés des programmes d’action (planification sociale).

a. Les besoins d’audit social


Selon M. Combemale et J. Igalens2, un audit social comporte trois
dimensions :

1.  Bernard Martory, Les tableaux de bord sociaux. Liaisons, 2010.


2.  Martine Combemale et Jacques Igalens, L’audit social, coll. Que sais-je ?, PUF, 2012.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
472 Management et économie des entreprises

– l’audit de conformité qui a pour but de vérifier la conformité des pra-


tiques sociales de l’entreprise avec la législation du travail (obliga-
tions administratives, droits collectifs des salariés, statuts des person-
nels, information du personnel, cotisations sociales) ;
– l’audit d’efficacité qui a pour objet de comparer les résultats mesurés
par le tableau de bord social aux objectifs sociaux de l’entreprise et de
chiffrer le coût de ces résultats, afin d’établir un bilan de la gestion
des ressources humaines de l’entreprise ;
– l’audit stratégique qui doit contrôler la capacité de la stratégie sociale
à servir la stratégie générale de l’entreprise, en favorisant la réalisa-
tion de ses objectifs fondamentaux.
Par ailleurs, son opportunité peut également apparaître :
– En préalable à un changement important : l’audit préalable à une
situation de changement (fusion-acquisition, réorganisation, faisabilité
sociale d’un investissement, (re)négociation d’un accord collectif, etc.)
permet de mieux mesurer les problèmes que le changement peut géné-
rer sur le plan social.
– En cas de crise : un audit social peut aider à comprendre les para-
mètres d’un conflit social, ou d’une détérioration du climat.

b. Le tableau de bord social1


C’est une batterie d’indicateurs choisis pour mesurer le degré de réalisa-
tion des objectifs de la politique sociale de l’entreprise.
EXEMPLE
– Taux d’absentéisme : nombre d’heures d’absence/nombre d’heures théoriques de
travail.
– Taux de rotation du personnel : nombre de démissions dans l’année/effectif en
début d’année.
– Indicateurs de la formation continue.

c. Les observatoires sociaux


Les grandes entreprises mettent souvent en place un observatoire social
(ou cellule de veille sociale) dont le rôle est de suivre l’évolution du
climat social. Les outils sont les enquêtes annuelles d’opinion auprès du
personnel mais aussi l’analyse des tracts syndicaux, l’étude de toute
action de grève, la prise en compte des réclamations des délégués du
personnel et des questions soulevées par les représentants du personnel
au comité d’entreprise. Dans certaines entreprises, comme IBM France,
les enquêtes font systématiquement l’objet d’un compte-rendu qui est le
prétexte d’une discussion entre les salariés et leur encadrement. Ces

1. Bernard Martory, Les tableaux de bord sociaux, Liaisons, 2010.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 20 – La mobilisation du personnel 473

bilans sont nécessaires pour réajuster certaines pratiques de gestion du


personnel et aussi pour que le personnel prenne au sérieux les grandes
enquêtes annuelles.
Un problème supplémentaire peut apparaître lorsque la direction ne
veut entendre que ce qu’elle croit et souhaite, ce qui peut amener les
responsables de l’observation du climat social à censurer leurs analyses.

B. Le bilan social
– Il s’agit d’un document annuel qui doit être établi dans les entreprises
d’au moins 300 salariés (loi de juillet 1977).
– Il récapitule « les principales données chiffrées permettant d’apprécier
la situation de l’entreprise dans le domaine social, d’enregistrer les
réalisations effectuées, et de mesurer les changements intervenus au
cours de l’année écoulée et des deux années précédentes ».
– Il se compose concrètement d’une batterie d’indicateurs statistiques
répartis en sept rubriques : emploi, rémunérations et charges acces-
soires, conditions d’hygiène et de sécurité, autres conditions de tra-
vail, formation, relations professionnelles, autres conditions de vie
relevant de l’entreprise.
EXEMPLE
Bilan social Renault SAS-2014 et Bilan Société Générale 2015 disponibles en libre
accès sur internet.

VII. Comment faire face


à un conflit social ?
A. Les occasions et les formes de conflits
a. La conflictualité dans l’entreprise
Les occasions de conflits sont nombreuses en raison des divergences
d’intérêt, de valeurs et de point de vue entre les personnes qui tra-
vaillent dans l’entreprise et l’entreprise elle-même.
On peut notamment distinguer les conflits relatifs à l’exécution du tra-
vail et aux relations hiérarchiques (conditions de travail), les conflits
concernant le contrat de travail (rémunération) et la façon dont la légis-
lation du travail est appliquée (hygiène et sécurité) et enfin, les conflits
liés à la politique générale de l’entreprise (réduction d’emploi).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
474 Management et économie des entreprises

Divers facteurs influencent la conflictualité, au premier rang desquels


on peut compter la conjoncture économique et celle du marché du tra-
vail. C’est souvent lorsque la conjoncture est bonne et que le nombre de
chômeurs diminue, que les conflits éclatent.
Les entreprises pratiquant une forte communication interne, une parti-
cipation aux décisions et qui offrent une véritable gestion des carrières
à leur personnel, tout en mettant en place des dispositifs de veille sociale
et de négociation préventive, se donnent les moyens d’une paix sociale.

b. Conflits individuels et conflits collectifs


Les conflits individuels sont ceux qui surviennent entre un salarié et
l’entreprise qui l’emploie à l’occasion de la formation, de l’exécution ou
de la rupture du contrat de travail qui les lie. Ils peuvent être résolus par
la négociation individuelle, avec l’éventuelle participation d’un délégué
du personnel ou d’un délégué syndical. Ils ne sont parfois réglés que par
une conciliation, voire un jugement du conseil de prud’hommes.
Les conflits collectifs sont ceux qui opposent tout ou partie de la com-
munauté des salariés à la direction de l’entreprise. Les revendications à
l’origine de ces conflits peuvent être catégorielles ou communes à l’en-
semble du personnel.

c. L’expression des conflits collectifs (ou « conflits


sociaux »)
Les conflits s’expriment par la diffusion des revendications, par tracts,
assemblées du personnel, délégations, manifestations et par la grève1.
Les organes d’expression des salariés lors d’un conflit collectif, peuvent
consister en des structures ad hoc (comité de lutte, assemblée intersyndicale,
assemblée générale du personnel, etc.), ou en des institutions de représenta-
tion du personnel (Comités sociaux et économiques, Délégués syndicaux).
EXEMPLE
L’appel unitaire à la grève par l’intersyndicale de 11 syndicats d’Air France pour le
22 février 2018 à la suite de négociations salariales jugées très décevantes. Cette grève
intermittente a duré plusieurs mois et a entrainé la démission du PDG.

d. Les formes de grèves


La grève classique est une cessation collective et concertée du travail
pour appuyer des revendications professionnelles que l’entreprise refuse
de satisfaire. Elle peut se limiter à certaines catégories de personnels

1.  Les conflits peuvent souvent dépasser la simple grève, comme dans le cas de la filature
Céllatex dont les salariés menaçaient de faire exploser leur entreprise pour s’opposer à la
suppression de leurs emplois (juillet 2000).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 20 – La mobilisation du personnel 475

(grève catégorielle) à certains ateliers (grève d’atelier), ou bureaux, ou


concerner toute l’entreprise (grève de l’ensemble du personnel).
D’autres formes de grève, dont la licéité est souvent contestée, sont pra-
tiquées : grève bouchon (un seul atelier paralyse toute la production),
grève perlée (le travail est accompli au ralenti), grève sur le tas (avec
occupation des locaux), grève tournante (les différents services se
mettent en grève chacun à leur tour), grève intermittente (la grève a lieu
quelques jours par semaine ou quelques heures par jour)1.

B. Le règlement des conflits


a. La négociation directe entre les partenaires
Elle permet souvent de parvenir à un accord. Celui-ci prend la forme
d’un procès-verbal ou protocole de fin de conflit qui règle l’objet du
conflit et les conséquences de la grève (souvent un paiement partiel des
heures de grève). Ce procès-verbal, une fois signé par les deux parties,
s’impose à elles.
La loi a défini différentes procédures dans les cas où un accord direct
n’est pas possible. Ces procédures font chacune appel à un intermédiaire
pour aboutir à un accord. Ce sont la conciliation, la médiation, l’arbi-
trage.

b. La conciliation
Souvent prévue par la convention collective de la branche, est assurée
par une commission de conciliation dont le but est d’accorder les posi-
tions des deux parties, à travers un procès-verbal de conciliation (de
non-conciliation en cas d’échec). Si un accord est obtenu, il s’impose
ensuite aux parties.

c. La médiation
Elle consiste en la proposition d’une solution (recommandation) par un
médiateur qui est choisi d’un commun accord par les deux parties ou
par le ministre du Travail, sur une liste établie par son ministère.

d. L’arbitrage
Lorsqu’il est choisi par les parties, il débouche sur une sentence arbi-
trale obligatoire pour les deux parties. L’arbitre doit être choisi d’un
commun accord par les parties.

1. Exemple de la grève intermittente à la SNCF au printemps 2018.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
476 Management et économie des entreprises

POUR EN SAVOIR PLUS


Azariadis (C.), Intertemporal macroéconomies, Oxford, 1993.
Bellegarde (P.), Critique de la GRH, L’Harmattan, 2005.
Cadin (L.), Gestion des ressources humaines, Dunod, 2012.
Combemale (M.) et Igalens (J.), L’audit social, coll. Que sais-je ?, PUF, 2012.
Freyssinet (J.), «  La flexibilité du marché du travail  : un bilan  », Mouvements, janvier-
février 1999.
Just (B.), Pas de DRH sans SIRH, Liaisons, 2012.
Le Gall (J.-M.), La gestion des ressources humaines, coll. Que sais-je ?, PUF, 2011.
Martory (B.) et Crozet (D.), La gestion des ressources humaines : pilotage social et per-
formances, Dunod, 2016.
Peretti (J.-M.), Gestion des ressources humaines, Vuibert Gestion, 2018.
Tarondeau (J.-C.), La flexibilité dans les entreprises, coll. Que sais-je ?, PUF, 1999.
Thévenet (M.), La gestion des personnes, Éditions Liaisons, 2004.
Weiss (D.) et alii, Les ressources humaines, Les Éditions d’Organisation, 2005.
et aussi :
Pélissier (J.), Auzero (G.), Dockès (E.), Droit du travail 2018, coll. Précis, Dalloz, 2017.
Hess-Fallon (B.) et Simon (A.-M.), Droit du travail, coll. Aide-Mémoire, Sirey, à paraître.
Mémento pratique Social, Francis Lefebvre, édition annuelle.
Mémo social. Liaisons sociales, numéro annuel hors série.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
CHAPITRE 21 Chapitre 21 – La fonction financière 477

La fonction financière

I. Finalités
• Les buts sont doubles :
– obtenir les fonds nécessaires à l’équipement et à l’exploitation de l’en-
treprise, donc réaliser la collecte du financement en tenant compte des
contraintes de coût et d’auto-financement ;
– contrôler la bonne utilisation de ces fonds, vérifier la rentabilité des
opérations financières.
• Définition et place dans la structure
Au sens strict, la fonction financière comprend toutes les activités de
collecte et de gestion des ressources financières. Pour cela, ses respon-
sables sont en relation avec les banques et les différents marchés de
capitaux, elle gère les problèmes de change et d’assurance et réalise la
gestion prévisionnelle de la trésorerie. La politique financière est donc
une politique d’équilibre à court, moyen et long terme.
Au sens large, elle englobe les activités d’aide à la décision et de
contrôle. Jusqu’à il y a peu de temps, la fonction financière se cantonnait
à son rôle de collecte des ressources, en fonction de la stratégie indus-
trielle et commerciale. Son importance dans la structure était faible
puisqu’elle n’avait qu’un rôle d’exécutant, « de courroie de transmis-
sion ».
Depuis quelques années, la direction financière acquiert son autonomie
en adoptant des stratégies de collecte (montages financiers complexes…)
indépendantes du financement des investissements ou de l’exploitation.
Le rôle du trésorier d’entreprise a cru de manière conséquente pour gérer
à court terme les excédents de caisse dégagés, en utilisant tous les pro-
duits bancaires, monétaires et financiers qui sont apparus sur le marché.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
478 Management et économie des entreprises

II. Les besoins de financement


A. Analyse du bilan
• Le bilan fonctionnel d’une entreprise représente l’ensemble des res-
sources dont elle dispose (le passif) et l’ensemble des emplois qu’elle
en a fait (l’actif).
L’actif correspond aux besoins de financement et le passif aux moyens
de financement.
Le bilan fonctionnel
Actif immobilisé brut Capitaux propres
• Immobilisations incorporelles • Capital
• Immobilisations corporelles • Réserves
• Immobilisations financières • Résultat
Actif circulant Amortissements et provisions
• Stocks
Dettes
• Créances d’exploitation
• Dettes financières
• Créances diverses
• Dettes d’exploitation
• Valeurs mobilières de placement
• Dettes diverses
• Disponibilités
• Comptes de régularisation
• Comptes de régularisation
Les valeurs immobilisées sont des valeurs brutes.

• Le bilan financier présente les rubriques de façon différente : les res-


sources sont classées suivant leur degré d’exigibilité et les emplois
suivant leur degré de liquidité.
Le bilan financier
Actif immobilisé net Capitaux permanents
• Immobilisations incorporelles • Capitaux propres
• Immobilisations corporelles • Dettes financières > 1 an
• Immobilisations financières
Actif circulant Dettes < 1 an
• A.C. d’exploitation • Dettes d’exploitation
• A.C. hors exploitation • Dettes hors exploitation
Trésorerie active Trésorerie passive
Les valeurs de l’actif sont des valeurs nettes.

• Le haut du bilan représente le cycle d’investissement de l’entreprise,


les ressources (Capitaux permanents : CP) et les emplois (Actif immo-
bilisé brut : AI) qui y figurent sont stables. Les décisions d’investisse-
ment qui sont prises engagent la firme à long terme et font partie des
décisions stratégiques.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 21 – La fonction financière 479

L’équilibre financier minimum à respecter est de financer les emplois à


long terme par des ressources de même durée. L’actif immobilisé génère
en effet, année après année, des ressources qui vont permettre de rem-
bourser le capital qui l’a financé.
L’analyse de la liquidité d’une entreprise montre que cet équilibre est
minimum, car il faut dégager un surplus de ressources stables qui per-
mettra de financer une partie de l’actif circulant, c’est le fonds de roule-
ment (FR).
On a la relation suivante :

FR = CP – AI

• Le bas du bilan représente le cycle d’exploitation de l’entreprise, les


ressources (dettes < à 1 an) et les emplois (stocks, créances, disponibi-
lités) sont renouvelés plusieurs fois par exercice. Les décisions qui
sont prises font partie de l’activité courante de l’entreprise et ne l’en-
gagent qu’à court terme.
• Le besoin en fonds de roulement (BFR) représente le besoin de finan-
cement nécessité par l’actif circulant (AC) (stocks + créances) qui n’est
pas couvert par les dettes à court terme (DCT) (le crédit-fournisseurs).
Le besoin en fonds de roulement équivaut à un emploi stable pour
l’entreprise, il doit donc être couvert par des ressources stables : le
fonds de roulement.
Le besoin en fonds de roulement comprend le besoin en fonds de roule-
ment d’exploitation (ou cyclique) qui évolue en fonction de l’activité et
le besoin en fonds de roulement hors exploitation (ou acyclique).
On a la relation suivante :

BFR = AC – DCT

• La trésorerie (TR) représente les liquidités dégagées par l’excédent de


ressources stables. Elle est la différence entre la trésorerie active (dis-
ponibilités + valeurs mobilières de placement) et la trésorerie passive
(soldes créditeurs de banque : découvert).
On a donc la relation fondamentale suivante :

TR = FR – BFR

Le fonds de roulement, fonction du cycle d’investissement, est relative-


ment stable alors que le besoin en fonds de roulement est composé d’élé-
ments qui varient en fonction de l’activité : la trésorerie va donc fluctuer
au gré de ces variations.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
480 Management et économie des entreprises

ÉVOLUTION DE LA TRÉSORERIE

B. Besoins de financement nés du cycle


d’investissement
Les besoins de financement concernent l’actif immobilisé, ce sont des
décisions qui conditionnent l’avenir de l’entreprise à long terme. La
décision d’investir est considérée comme une des plus importantes que
peut prendre un responsable, c’est une décision éminemment straté-
gique. Elle est caractérisée par deux facteurs qui sont la durée et l’incer-
titude. On s’engage sur le long terme et la rentabilité du projet est sou-
vent risquée, aléatoire. Ce type de décision, étant stratégique, dépasse
nettement le cadre de la direction financière.

C. Besoins de financement nés du cycle


d’exploitation
a. Définition
Le bilan fournit une image figée de l’entreprise à un moment donné : la
clôture de l’exercice. Le besoin en fonds de roulement varie en fonction
de l’activité, or celui déterminé par l’analyse du bilan est statique. Il ne
tient pas compte des décalages qui peuvent exister dans le règlement des
créances et des dettes.
Le besoin en fonds de roulement nécessité par l’exploitation correspond
aux sommes qu’il faut engager pour financer un cycle d’exploitation
avant d’en encaisser le produit. C’est le résultat du décalage entre flux
réels et flux financiers.
La trésorerie est asséchée par l’achat des matières premières au fournis-
seur, les frais de stockage des matières premières (MP) ou de produits
finis (PF), les frais de fabrication (charges de personnel) qu’il faut enga-
ger ou les frais liés à la vente (frais de distribution ou TVA collectée à
reverser au Trésor), avant de pouvoir être renflouée par l’encaissement
des ventes. Plus le cycle de production est long, plus le besoin en fonds
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 21 – La fonction financière 481

de roulement est important. Dans ce cycle on peut observer un décalage


dans le paiement : généralement l’entreprise obtient de son fournisseur
un délai de règlement sur les matières achetées et elle accorde, en retour,
un crédit à ses clients sur le montant des ventes.
LE BESOIN EN FONDS DE ROULEMENT

b. L’évolution du besoin en fonds de roulement


Le besoin en fonds de roulement d’exploitation évolue en fonction de
l’activité, mais il peut se décomposer en deux parties : une partie stable,
le besoin en fonds de roulement structurel, qui doit être financée par
des ressources stables et une partie variable, le besoin en fonds de rou-
lement conjoncturel, qui peut être financée à court terme.
L’ÉVOLUTION DU BESOIN EN FONDS DE ROULEMENT (BFR)

c. Évaluation du besoin en fonds de roulement


• Par l’étude des bilans, le besoin en fonds de roulement est égal à l’ac-
tif circulant moins les dettes à court terme. Cette méthode présente
cependant deux faiblesses :
– les situations statiques ne rendent qu’imparfaitement compte de la
dynamique de la gestion ;
– les conditions passées ne se reproduiront peut-être pas dans le futur.
• Par la méthode des temps d’écoulement (ou méthode du fonds de rou-
lement normatif), on exprime tous les postes constituant le besoin en
fonds de roulement d’exploitation en nombre de jours de vente hors
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
482 Management et économie des entreprises

taxes. Cette méthode permet de lier le besoin en fonds de roulement


d’exploitation à l’évolution du chiffre d’affaires et de pouvoir faire des
prévisions. Elle ne prend en compte que des données moyennes, elle
est donc difficilement applicable aux entreprises à activité saisonnière.

III. Les moyens de financement


A. Objectifs
La collecte des ressources représente l’activité principale de beaucoup
de directions financières. Ce travail de collecte est souvent réalisé de
manière passive et en fonction des contraintes industrielles ou commer-
ciales (l’investissement à pratiquer). Suivant l’évolution de la taille de
l’entreprise, cette fonction financière tend à devenir de plus en plus
autonome pour adopter une stratégie active dans les grandes entreprises.
Les marchés financiers ont fortement évolué depuis quelque temps : les
taux d’intérêt, le cours des titres et des devises sont instables et très vola-
tiles. La déréglementation et le décloisonnement des marchés ainsi que
la multiplication des instruments financiers sophistiqués incitent les
financiers d’entreprise à utiliser ces moyens de financement nouveaux.
– Dans les petites et moyennes entreprises, le seul travail financier
consiste à obtenir un prêt auprès de la banque de l’entreprise. Ce tra-
vail est souvent réalisé par le chef d’entreprise lui-même, assisté de
son comptable ou de l’expert-comptable.
– Dans les moyennes et les grandes entreprises, la direction financière
entretient des relations suivies avec les différentes banques, plus assi-
milées à des partenaires financiers. Elle met en œuvre des compé-
tences techniques pour réaliser des montages financiers complexes
mais aussi des compétences relationnelles pour développer une image
financière favorable de l’entreprise et ainsi pouvoir bénéficier de taux
plus avantageux (escompte, prêt…).
– Dans les très grandes entreprises, le travail financier est quasiment
autonome. Il comprend toujours le premier travail qui est de réaliser
le montage financier des projets d’investissement décidés. Mais le
principal de l’activité est consacré à la gestion du financement de l’en-
treprise, à étudier sur les différents marchés quels pourraient être les
meilleurs financements au moment présent. La très grande entreprise
évolue sur les marchés financiers nationaux et internationaux et
cherche continuellement à réaménager son financement pour en dimi-
nuer le coût. Certaines entreprises jouent même le rôle de banques :
elles empruntent à court terme et prêtent à long terme…
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 21 – La fonction financière 483

B. Le financement à long terme : les capitaux


permanents
Le financement à long terme se concrétise au bilan dans la partie des
capitaux permanents, permanents car ce sont des capitaux qui restent
longtemps dans l’entreprise. Ce type de financement se réalise de deux
façons : de manière interne à l’entreprise ou en faisant appel à des élé-
ments externes à celle-ci.

a. Le financement interne
• L’autofinancement représente ce qui est généré par l’activité de l’en-
treprise au cours d’un exercice et qui demeure à sa disposition pour
couvrir les besoins de financement liés à sa pérennité et à son dévelop-
pement. Ce mode de financement est aujourd’hui, grâce à la remontée
des profits, très utilisé par les entreprises, ce qui permet de maintenir
une autonomie plus importante. L’intégralité de ce qui est généré par
l’activité constitue la capacité d’autofinancement (CAF) de l’entreprise,
autrefois, on utilisait le terme de cash-flow (flux de trésorerie). Ce terme
de capacité d’autofinancement mérite quelques précisions :
– la capacité d’autofinancement est un flux résiduel, généré par l’en-
semble des flux résultant des opérations d’exploitation, des opérations
financières et de certaines opérations réalisées à titre exceptionnel
(voir le calcul de la CAF dans le Plan comptable général1 ;

1.  Calcul de la capacité d’autofinancement :


CAF = Excédent Brut d’Exploitation
+ Transfert de charges d’exploitation
+ Autres produits d’exploitation
– Autres charges d’exploitation
+ Quote-part de résultat sur opérations faites en commun
+ Produits financiers (sauf reprises sur provisions)
– Charges financières (sauf dotations)
+ Produits exceptionnels (sauf reprises sur provision, produit de cession d’actif et
quote-part de subvention virée au compte de résultat)
– Charges exceptionnelles (sauf dotations et valeurs comptables des éléments d’actif
cédés)
– Participation des salariés
– Impôts sur les bénéfices
Pour contrôle :
CAF = Résultat net après impôt
+ Dotations (d’exploitation, financières et exceptionnelles)
– Reprises (d’exploitation, financières et exceptionnelles)
+ VCEAC (valeur comptable des éléments d’actif cédés)
– PCEA (produit de cession des éléments d’actif)
– Subventions d’investissements virées au compte de résultat
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
484 Management et économie des entreprises

– la capacité d’autofinancement est un flux potentiel et non un flux de


trésorerie dans la mesure où il s’agit de flux engagés, indépendants des
délais de paiement propres à chacun d’eux.
L’autofinancement permet à l’entreprise de garder son autonomie finan-
cière, il n’occasionne pas de charges financières mais il peut induire des
investissements douteux, à la limite de la rentabilité, du fait de son coût
apparemment nul. On considère souvent que l’autofinancement est fac-
teur d’inflation car l’entreprise cherche à augmenter sa capacité d’auto-
financement, donc ses prix de vente.
• La cession d’immobilisation, réalisée par l’entreprise, permet à
celle-ci de disposer de ressources financières importantes. Ces cessions
(bien que classées en éléments exceptionnels) peuvent avoir un carac-
tère normal (cas des immobilisations amorties vendues pour être renou-
velées) ou un caractère exceptionnel (cas d’un redéploiement). Beau-
coup d’entreprises n’hésitent pas à se séparer de leurs sièges sociaux, à
revendre leurs usines pour en devenir locataires (cession-bail), ou à
céder des participations pour réaliser une plus-value.

b. Le financement externe
Le financement externe de l’entreprise se réalise de deux façons : en
fonds propres (transfert à l’entreprise de la propriété d’une somme
d’argent) ou en fonds empruntés (transfert monétaire de capitaux contre
le paiement d’un intérêt).

1. Le financement externe en fonds propres


• L’augmentation de capital est décidée par l’assemblée générale
extraordinaire, sur proposition du conseil d’administration ou du direc-
toire, et entraîne la modification des statuts ainsi que la transformation
de la structure financière du bilan. Il y a diverses sortes d’augmentations
de capital :
– par incorporation de réserves ;
– par apports nouveaux : en numéraire ou en nature ;
– par compensation avec une créance.
Seule l’augmentation de capital par apport en numéraires permet à l’en-
treprise de disposer de ressources nouvelles. Cette augmentation peut se
faire par offre au public de titres financiers ou non (la loi LME a sup-
primé la limite de capital depuis le 1er avril 2009, la seule limite est de
37 000 € quelles y recourent ou non). Il s’agit d’une vente d’actions à des
épargnants.
L’augmentation de capital permet un apport d’argent sans alourdir les
charges financières par le service d’un emprunt, mais elle occasionne
des frais et des distributions ultérieures de dividendes.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 21 – La fonction financière 485

Elle est décidée par l’assemblée générale extraordinaire car elle peut
entraîner une certaine perte de contrôle de la société en diluant le capi-
tal. Ce type d’opération revêt un caractère exceptionnel et doit respecter
certaines contraintes. Il faut espacer les diverses augmentations car les
associés ne suivraient pas. Cette augmentation doit porter sur au maxi-
mum un quart du capital social car au-delà les bénéfices ne permet-
traient pas de servir un dividende convenable. Pour éviter la perte de
contrôle consécutive à une augmentation de capital, la société peut
émettre une partie de celle-ci en certificats d’investissements (actions
sans droit de vote) ou en actions à dividende prioritaire sans droit de
vote.
• Les prêts d’organismes spécialisés tels que les sociétés de développe-
ment régional (SDR), les Instituts Régionaux de Participation (IRP), les
sociétés de capital-risque (ou venture capital) sont assimilés à des prises
de participation et aident les PME à démarrer leur activité. Les sociétés
de capital-risque sont des sociétés créées, à l’origine, par des établisse-
ments bancaires dans le but de prendre des participations, à la création
ou lors d’une augmentation de capital, dans des entreprises innovatrices
et porteuses d’avenir (startup). Les sociétés de capital-investissement
(private equity) concernent plus spécifiquement des sociétés matures
souvent sous-évaluées et qui connaissent des difficultés ou qui sou-
haitent se développer.
• Les primes et subventions d’équipement versées par divers orga-
nismes publics sont assimilées à des fonds propres puisqu’elles restent
la propriété de l’entreprise et sont destinées à financer des investisse-
ments.
• Le financement participatif (equity crowdfounding) qui consiste en
la rencontre en ligne par internet entre les épargnants et l’entrepreneur
sur une plateforme de mise en relation1, peut permettre de lever des
fonds contre des actions d’une entreprise, soit pour permettre sa nais-
sance, soit pour financer le développement de projets.

2. Le financement externe en fonds empruntés


Le développement des divers marchés financiers nationaux et interna-
tionaux a contribué à la prolifération des moyens de financement à
moyen et long terme plus ou moins sophistiqués.
• Les prêts participatifs sont des créances à long terme qui se sont géné-
ralisées à partir de la loi du 13 juillet 1978. Ces prêts sont assimilés à des
capitaux propres et ne sont remboursés, en cas de liquidation, qu’après

1.  Exemple de la plateforme Ulule (http://fr.ulule.com/).


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
486 Management et économie des entreprises

le règlement de toutes les créances. Après avoir été oubliés dans les
années 90, ces prêts ont resservi avec la crise de 2008 où ils ont servi de
support aux prêts de l’État, aux entreprises en difficulté et aux interven-
tions d’Oseo, devenue BPI France.

• Les emprunts-obligations sont des emprunts à long terme d’un mon-


tant généralement important, divisé en parts égales, matérialisées par
des titres : les obligations, remboursables périodiquement par tirage au
sort ou par rachat en Bourse ou plus généralement in fine.
Quand une société décide de faire appel à de nouveaux capitaux, le
choix qu’elle peut opérer entre une augmentation de capital et un
emprunt-obligation est le résultat d’un arbitrage. Arbitrage entre le souci
de préserver l’équilibre entre capitaux propres et capitaux empruntés et
celui d’éviter des frais résultant d’une augmentation de capital ainsi que
la rémunération d’un capital accru.
L’émission d’un emprunt-obligation n’est pas réservée uniquement aux
grandes sociétés, ainsi des PME au travers de groupements profession-
nels ou de SDR peuvent bénéficier de ce moyen de financement.
L’obligation représente un simple droit de créance sur l’entreprise émet-
trice qui donne droit à un intérêt (le coupon) et à un remboursement
futur. De nouvelles formes d’obligations ont été émises pour aider les
entreprises :
– les obligations convertibles donnent la possibilité au détenteur de
demander pendant une certaine période la conversion de son obliga-
tion en action sur une base définie au préalable, elle s’assimile à une
obligation classique assortie d’une option d’achat sur des actions nou-
velles de l’émetteur ;
– les obligations à bons de souscription d’actions (OBSA) comportent
des bons donnant le droit, mais non l’obligation, à l’obligataire de
souscrire, à un prix fixé à l’avance, des actions à émettre par la société
dans un délai de quatre ans ;
– les obligations remboursables en actions (ORA) sont avant tout des
obligations ordinaires. Mais, à la différence des obligations classiques,
ces titres ne sont pas remboursés en espèces, mais en titres de la
société émettrice. Ils se situent à mi-chemin entre les obligations ordi-
naires et les convertibles mais avec comme différence importante :
l’opération d’échange se réalise à l’échéance finale de l’emprunt et non
pas à tout moment. Pour l’investisseur, l’ORA permet de parier sur le
redressement futur d’une entreprise tout en percevant un intérêt.

• Les autres sources de financement traditionnelles sont constituées


par les emprunts classiques à moyen et long terme que l’entreprise
contracte auprès de sa ou de ses banques. Certains organismes spéciali-
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 21 – La fonction financière 487

sés jouent un rôle important dans le financement des PME tels que la
Banque publique d’investissement.
Le prêt inter-entreprises se développe avec la désintermédiation du sys-
tème bancaire : des entreprises empruntent à court terme pour prêter
à long terme et réaliser ainsi des gains sur la différence des taux.
• Le financement participatif (lending crowdfounding ou crowdlen-
ding) qui consiste en la rencontre en ligne par internet entre les épar-
gnants et l’entrepreneur sur une plateforme de mise en relation peut
aboutir à emprunter des fonds au public à partir de la présentation du
projet par écrit et par vidéo de démonstration. Plusieurs exemples
montrent que l’on peut ainsi emprunter des sommes importantes de
façon avantageuse. En France, le monopole bancaire concernant les prêts
à intérêt a cantonné le financement participatif à des apports en capital
ou des prêts sans intérêt, mais l’ordonnance du 30 mai 2014 met fin à ce
monopole pour des projets allant jusqu’à 1 000 000 € sur une durée
maximale de 7 ans et avec un maximum de 1 000 € par projet et par
prêteur.

3. Le crédit-bail
– Le crédit-bail (ou leasing) est une forme de financement particulière
puisque l’entreprise ne finance pas elle-même le bien à acquérir, c’est
une société spécialisée qui achète le bien pour le louer ensuite à l’en-
treprise. Le crédit-bail peut porter sur des biens mobiliers, la durée
varie alors de 3 à 7 ans, ou immobiliers, pour une durée plus impor-
tante jusqu’à 20 ans.
L’entreprise locataire spécifie le bien qu’elle désire utiliser, la société
de crédit-bail l’achète ou le fait construire et ensuite le met à la dispo-
sition de l’entreprise locataire contre le paiement d’un loyer. Le contrat
comporte une option d’achat du bien à la fin de la période de location,
pour une valeur résiduelle déterminée.
– La cession-bail (ou leaseback) est une variante du crédit-bail. Une
entreprise cède des biens immobiliers ou d’équipement à une société
de crédit-bail, qui lui en laisse la jouissance moyennant le prix de la
location prévu par le contrat et éventuellement les conditions de
rachat. Ce type d’opérations permet à l’entreprise de générer des liqui-
dités qu’elle peut utiliser pour financer des immobilisations ou pour
rééquilibrer son bilan.
Dans les contrats de crédit-bail, l’entreprise n’est pas propriétaire du
bien, celui-ci n’apparaît donc pas à l’actif du bilan (il est néanmoins
mentionné dans les engagements hors bilan) et le bien ne peut être
amorti.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
488 Management et économie des entreprises

C. Le financement à court terme


a. Le crédit fournisseur
Il représente le délai de règlement accordé par le fournisseur qui sépare
la livraison du bien de son règlement effectif ; il peut être matérialisé par
un effet de commerce.

b. Les crédits de mobilisation


L’entreprise peut obtenir auprès de sa (ou ses) banque(s) des crédits
basés sur des créances clients, qui seront fonction de ses besoins de tré-
sorerie.
– L’escompte est un crédit à court terme, accordé par une banque, contre
le transfert de propriété de créances négociables (effets de commerce).
L’entreprise reçoit en échange de ces effets de commerce une somme
correspondant au nominal diminué du montant des agios (intérêts du
prêt + commissions) prélevés d’avance par la banque.
– Le Crédit de Mobilisation des Créances Commerciales (CMCC) permet
une gestion moins lourde que l’escompte. L’entreprise émet un billet à
ordre du montant de ses créances à une même échéance et mobilise
ensuite cet effet auprès de sa banque. Ce crédit se réalise sans transfert
de propriété des créances, il est ainsi plus risqué pour les banques,
donc plus coûteux.
– La Lettre de Change-Relevé (LCR) consiste en un enregistrement
magnétique de toutes les créances qui sont à dates fixes, pour les
remettre ensuite à la banque pour encaissement ou escompte.
– L’affacturage (ou factoring) représente un transfert de la gestion des
comptes clients de l’entreprise à une autre société (le factor) qui se
chargera d’encaisser les factures. La firme d’affacturage rachète les
factures clients et libère ainsi l’entreprise du souci d’encaissement et
de suivi, ce service se paie par une rémunération élevée (de l’ordre de
2 % du montant des créances).
– Le crédit de mobilisation des créances professionnelles ou « loi
Dailly » est une technique de crédit permettant à une entreprise
quelle que soit sa forme (entreprise personnelle, société, profession
libérale, agriculteur) et son secteur d’activité (industrie, commerce
ou services) de mobiliser la partie de son poste « clients » qui n’est
pas représentée par des effets de commerce. Le débiteur de la créance
cédée ou nantie doit être une entreprise ou une collectivité publique.
En cas d’impayés, le bénéficiaire du crédit est solidaire du débiteur
cédé.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 21 – La fonction financière 489

c. Les crédits bancaires à court terme


– Le découvert est l’autorisation accordée à l’entreprise par la banque de
rendre son compte débiteur. Cette faculté se négocie auprès du ban-
quier qui fixe les conditions de taux et de plafond (montant maximum
du débit) dans la convention de compte. Cette technique permet une
grande souplesse dans la gestion de trésorerie puisque le moyen de
financement s’adapte immédiatement et parfaitement aux besoins. Le
taux est supérieur au taux de l’escompte, auquel s’ajoute une commis-
sion calculée sur le montant du plus fort découvert, c’est pourquoi il
ne doit être utilisé que pour pallier des décalages de trésorerie et non
comme moyen de financement à court terme.
– La facilité de caisse est un crédit de très courte durée pour répondre à
un besoin ponctuel de décalage de trésorerie (fin de mois).
– Le crédit de campagne sert au financement des activités saisonnières.
Il permet de financer le besoin en fonds de roulement (fabrication,
stockage…) pendant la période creuse et sera remboursé à la fin de la
période favorable aux ventes. Sa durée est liée au cycle d’exploitation.
– Le crédit-relais permet d’anticiper sur une rentrée de fonds. L’entre-
prise peut investir alors que la source de financement appropriée (aug-
mentation de capital, emprunt-obligation) n’est pas encore collectée.

d. Les billets de trésorerie


Ce sont des titres de créances négociables, matérialisés sous la forme de
billets au porteur. Ils peuvent être émis par toute société par actions, ils sont
d’un montant minimum de 150 000 € et ont une durée comprise entre
10 jours et 1 an, en moyenne entre 1 et 3 mois. Ils doivent être garantis par
l’engagement d’un concours bancaire si la situation du marché se dégradait.
Ces montages financiers sont intéressants car ils court-circuitent les
banques (désintermédiation) et donc la marge bancaire et présentent en
garantie des actifs sains (titrisation). Ils sont pour les prêteurs des ins-
truments financiers particulièrement recherchés.

e. Les autres crédits à court terme


– Les crédits sur stocks ou avances sur stocks servent à financer des
stocks qui restent la propriété. C’est une facilité de caisse moyennant
une garantie : le gage du stock au profit de la banque de l’entreprise.
– Le crédit documentaire permet de mener à bon terme un contrat com-
mercial entre un exportateur et un importateur, les banques des deux
partenaires vont cautionner leur client respectif. C’est l’engagement
écrit que prend une banque (émettrice) envers le vendeur (bénéfi-
ciaire) d’effectuer, à la demande de l’acheteur (donneur d’ordre) et
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
490 Management et économie des entreprises

conformément aux directives données par ce dernier, une prestation


(paiement-acceptation) pour un montant déterminé et sur présentation
des documents exigés.
– Les obligations cautionnées sont un crédit de 2 à 4 mois accordé par
le fisc et garanti par une caution bancaire pour payer la TVA, leur coût
est proche de celui de l’escompte.
Le choix du crédit parmi toute cette palette se fait en fonction du coût,
néanmoins toutes les entreprises ne peuvent prétendre à tous ces crédits
ni aux mêmes conditions.

IV. La politique financière


Le but de la politique financière est d’assurer l’équilibre financier des
ressources et des besoins de financement. Cet équilibre doit se réaliser
non seulement sur une année mais encore de manière pluriannuelle et
nécessite une prévision à long terme des opérations de financement
investissement.
La politique financière est sujette à une contrainte majeure : les objectifs
d’investissements à réaliser sont décidés par la direction générale et s’im-
posent à elle. Son but consiste à ajuster les flux monétaires, à trouver les
sources de financement pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés.

A. L’équilibre financier annuel : le tableau


de financement
L’équilibre financier annuel se concrétise dans le tableau de finance-
ment, qui décrit les mutations qui se sont produites entre le bilan de
début d’exercice et celui de fin d’exercice. « Le tableau des “Emplois et
des Ressources” met en évidence les nouveaux emplois de l’exercice,
c’est-à-dire les besoins de financement nés au cours de cette période, les
moyens de financement mis en œuvre, et l’incidence finale de toutes les
opérations réalisées sur la trésorerie de l’entreprise. »

a. Principes d’établissement
Le tableau de financement décrit comment, au cours d’un exercice, les
ressources ont évolué et quels sont les emplois qui en ont été faits. Il se
compose de deux parties :
– L’une concerne le financement à long terme qui permet de déterminer
la variation du fonds de roulement net global (DFR). C’est la différence
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 21 – La fonction financière 491

entre les ressources stables de l’entreprise (DRS) et les emplois stables


(DES) qui ont été réalisés pendant cet exercice.

DFR = DRS – DES


– L’autre partie concerne le financement à court terme, donc le besoin
de financement et permet de déterminer la variation du besoin en
fonds de roulement (DBFR). C’est la somme des variations du besoin
en fonds de roulement d’exploitation et du besoin en fonds de roule-
ment hors exploitation. Ces différents besoins sont le résultat de la
différence entre les besoins de financement nés du cycle d’exploita-
tion ou hors exploitation (DAC : variation de l’actif circulant) et les
ressources dégagées par l’exploitation ou hors exploitation (DDCT :
variation des dettes à court terme).

DBFR = DAC – DDCT


– L’incidence de ces deux variations (DFR et DBFR) se concrétise sur la
trésorerie de l’entreprise (DTR).

DTR = DFR – DBFR


Si la variation du fonds de roulement est supérieure à la variation du
besoin en fonds de roulement, la trésorerie de l’entreprise sera positive.
Si les besoins sont supérieurs aux ressources dégagées, la trésorerie sera
négative.
LE TABLEAU DE FINANCEMENT

DES DES : variation des Emplois Stables


DRS DRS : variation des Ressources Stables
DFR DFR : variation du Fonds de Roulement
DBFR DDCT : variation des Dettes à Court Terme
DAC DAC : variation de l’Actif Circulant
DDCT DBFR : variation du Besoin en Fonds de Roulement
DTR DTR : variation de la Trésorerie

b. Intérêt du tableau de financement


Élaborer une stratégie financière nécessite ce type d’outil qui permet
d’appréhender les emplois nouveaux et les ressources nouvelles de la
période passée et de prévoir ceux et celles de la période à venir. Il per-
met de déterminer les flux d’investissement et de désinvestissement,
d’endettement ou de désendettement d’une période et, établi de façon
prévisionnelle, il assure la cohérence d’une politique financière en ajus-
tant les ressources aux besoins. Il met en évidence les divers éléments de
la politique financière de l’entreprise en matière d’investissement et de
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
492 Management et économie des entreprises

financement et fait ressortir la stratégie de croissance adoptée. Crois-


sance interne s’il y a développement des immobilisations corporelles,
croissance externe si ce sont les immobilisations financières qui sont
développées en priorité.

B. L’équilibre financier pluriannuel : le plan


de financement
Le plan d’investissement et de financement sert de cadre aux décisions
de politique financière, pour une période de 3 à 6 ans. Le plan s’appa-
rente à une suite de tableaux de financement mais qui ne sont pas équi-
librés a priori, en effet le but du plan est de mettre en évidence le besoin
en capital externe.
On inscrit tout d’abord les besoins de financement prévisionnels, puis
les ressources de financement interne prévisionnelles ce qui permet
d’envisager les décisions de financement externe qui concourront à
l’équilibre financier de la firme sur le long terme.
C’est aussi un outil de contrôle de l’impact des décisions de politique
générale sur la solvabilité future.

a. Construction du plan
• Phase 1. Les besoins de financement sont constitués par :
– les investissements projetés ;
– l’accroissement du besoin en fonds de roulement induit par l’augmen-
tation de l’activité ;
– les prises de participation (croissance externe) ;
– le remboursement des emprunts à long terme ou des prêts qui peuvent
être accordés à des filiales,
– les dividendes à verser.
• Phase 2. Les moyens de financement interne sont :
– la capacité d’autofinancement ;
– les cessions d’actif.
• Phase 3. On détermine le besoin de financement externe.
• Phase 4. L’ajustement est réalisé par les moyens de financement
externe suivants :
– les emprunts à moyen et long termes ;
– les augmentations de capital ;
– les subventions ;
– les remboursements de prêts.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 21 – La fonction financière 493

b. Contrôle et mise en œuvre


Les décisions prises en phase 4 ont des conséquences sur l’ensemble du
plan. Il faut donc les intégrer en reconstruisant un plan qui tienne
compte des moyens de financement choisis (remboursement d’emprunt
et intérêts dus, dividendes à verser en cas d’augmentation de capital).
Ensuite, chaque année, il faut confronter les prévisions du plan aux résul-
tats obtenus et en tirer des conséquences sur la poursuite et la réalisation
du plan. Les écarts apparus entre les résultats constatés et les prévisions
sont analysés pour en trouver l’origine (erreur dans les prévisions ou
décalage dans le temps). Le plan est ensuite corrigé avec les nouvelles
informations obtenues, ce qui permet de réaliser un plan glissant, c’est-à-
dire adapté en permanence aux dernières informations connues.

c. Utilité
Le plan de financement a une triple utilité pour la conduite de la poli-
tique financière de la firme, en tant qu’aide à la décision.
Tout d’abord, il est une expression quantifiée en flux monétaires du plan
stratégique de l’entreprise. Il en assure la cohérence dans le temps en conci-
liant le développement de l’entreprise et l’équilibre financier nécessaire.
Ensuite, il permet une réflexion sur la structure de financement de l’en-
treprise, sur la combinaison ressources internes/ressources externes, ou
sur la combinaison augmentation de capital/endettement. Ces diffé-
rentes simulations facilitent le calcul du coût minimum du financement.
Enfin, c’est un élément de discussion vis-à-vis des prêteurs car il fait
apparaître la capacité à rembourser les emprunts demandés.

V. La gestion de la trésorerie
A. Buts
– Le but traditionnel de la trésorerie est d’assurer la solvabilité et la liqui-
dité de l’entreprise, c’est-à-dire qu’elle doit ajuster, dans le temps, les
encaissements et les décaissements, pour éviter la cessation de paiement.
Le budget de trésorerie est l’instrument privilégié de ce type de travail
car il prévoit les encaissements et décaissements qui découlent des pré-
visions industrielles et commerciales. Il permet d’anticiper les déficits et
les excédents, donc de prévoir leur financement et leur placement.
– Le but second consiste à gérer au mieux les excédents qui résultent
d’un décalage entre encaissements et décaissements. Le trésorier
recherche les placements les plus rentables et les plus souples sur les
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
494 Management et économie des entreprises

marchés nationaux et internationaux, en réalisant parfois un véritable


travail de cambiste.

B. La gestion prévisionnelle de trésorerie


a. La mise en place d’un système d’informations
et de prévisions
La gestion de trésorerie est la résultante de tous les flux monétaires de
l’entreprise, il est donc nécessaire de pouvoir les saisir et les prévoir.
La collecte des informations repose sur des systèmes existants tels que
la comptabilité ou les budgets mais aussi sur des systèmes spécifiques
d’informations rapides. Ces systèmes doivent permettre de recueillir
systématiquement et en temps réel tous les encaissements et décaisse-
ments, de gérer les différentes conditions bancaires (taux, dates de
valeur…) et de fournir une aide à la décision. Ce type de système est
particulièrement utile dans les organisations où il s’agit de gérer la
trésorerie de l’ensemble du groupe, c’est-à-dire compenser les déficits
de certaines sociétés par les excédents des autres. La prévision des
encaissements et décaissements est fonction de lois statistiques tirées
des observations passées :
– loi d’encaissement des factures (délai moyen existant entre l’établisse-
ment de la facture et l’encaissement réel) ;
– loi de débits des chèques (délai moyen existant entre l’envoi du
chèque et le débit effectif sur le compte).

b. Le budget de trésorerie
Le budget de trésorerie est un document qui assure la cohérence de la
gestion budgétaire. Il est établi annuellement, divisé en périodes d’un
mois, elles-mêmes affinées à la semaine et au jour. Le budget est ajusté en
permanence par les encaissements et décaissements réels, on obtient un
plan glissant de trésorerie. Il permet de déterminer de façon très précise
la politique de placement/financement à court terme à mettre en œuvre.
LE BUDGET DE TRÉSORERIE

Mois 1
Semaine 1 Semaine Semaine Semaine Mois 2 Mois 3 Mois 4
L M M J V 2 3 4
Trésorerie
initiale
Encaissements
Décaissements
Solde
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 21 – La fonction financière 495

C. La gestion du solde
a. Le financement du déficit
Le choix du financement du déficit est le résultat d’une décision concer-
nant la banque et le moyen de financement.
Le choix de la « bonne banque » résulte d’une comparaison des taux au
jour le jour et des conditions (dates de valeur, commissions, prix des
services…) pour les différentes opérations envisagées.
Le choix du moyen de financement est fonction de la dépense à couvrir,
un solde négatif certain et durable sera financé par l’escompte, moyen de
financement rigide mais moins coûteux. Pour un solde négatif aléatoire et
passager, on fera appel au découvert plus souple mais aussi plus coûteux.

b. Le placement des excédents


Ce domaine s’est particulièrement développé ces dernières années, ce
qui n’était autrefois qu’accessoire tend à devenir une activité principale
pour transformer la trésorerie en centre de profit. Le travail du trésorier
consiste à choisir le bon placement parmi les produits plus ou moins
sophistiqués qu’offre le marché.
• Les dépôts à terme rémunèrent un compte bloqué dans un établisse-
ment de crédit pendant une certaine durée (minimum 1 mois).
• Les SICAV de trésorerie ou fonds commun de placement (FCP) sont
des instruments collectifs de placement avec des droits d’entrée et de
sortie pratiquement nuls. Le trésorier a le choix entre 2 types de SICAV :
– une minimisant le risque en capital, utilisée pour des placements de
courte durée mais de rémunération plus modeste (en général inférieur
au taux du marché monétaire) ;
– une recherchant le rendement maximum, par le placement en obliga-
tions à taux fixe, mais comportant des risques en capital liés à l’évolu-
tion des taux d’intérêt.
• Le placement peut être réalisé en billets de trésorerie, dont la rémuné-
ration est inférieure à celle du marché monétaire (1/16 à 1/8 de point)
mais supérieure à celle des dépôts à terme ou des rémérés. Le risque
en capital et le risque de liquidité sont pratiquement nuls (les billets
sont couverts). Ils permettent une très grande souplesse dans la gestion
de la trésorerie par des acquisitions pour les durées très précises des
excédents de trésorerie.

c. La couverture des risques


Euronext est la principale place boursière de la zone euro, elle gère les
marchés des produits dérivés d’Amsterdam, Bruxelles, Lisbonne,
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
496 Management et économie des entreprises

Londres et Paris sur lesquels chaque jour environ 2 trillions d’euros de


produits dérivés sont échangés. Le London Financial Futures and
options Exchange (LIFFE) est le marché à terme londonien dont le prin-
cipal produit est la série de contrats futures sur l’Euribor, marché direc-
teur des taux d’intérêt à court terme de la zone euro.
– Les contrats à terme (ou futures) sont des produits standardisés (mon-
tant et date d’échange fixés), gérés par des institutions qui en assurent
la liquidité et la sécurité en imposant des règles de fonctionnement
très précises. Le marché des contrats à terme permet à l’entreprise de
se couvrir contre son risque de taux ou son risque de change, en pre-
nant sur le marché une position inverse à celle à laquelle elle est expo-
sée dans son bilan. Le marché à terme constitue un système d’assu-
rance à primes variables contre les risques de fluctuation dans le
temps des cours de devises ou de taux d’intérêt.
– Les options sur un actif sont un droit (mais non une obligation)
d’acheter ou de vendre une quantité donnée de l’actif, à un prix donné
soit à une date donnée, soit pendant une période donnée. L’option
peut porter sur des devises (option de change) ou sur des taux d’intérêt
(option de taux).
– Les échanges financiers (ou swaps) consistent en un échange de
dettes, par l’intermédiaire d’une banque, entre deux entités qui ont
pris des risques différents en s’endettant : risque de taux (fixe ou
variable) ou risque de change. En échangeant ces risques sur certaines
de leurs dettes, elles peuvent y trouver toutes les deux un avantage.

D. Le contrôle
Le but de la trésorerie est d’assurer la solvabilité au moindre coût. Le
contrôle de la solvabilité est réalisé en calculant la marge de sécurité
constituée par la trésorerie potentielle. Le moindre coût sera contrôlé en
suivant l’évolution des frais et des produits financiers. Le contrôle de la
gestion de trésorerie se fait en répondant à diverses questions telles que :
– les soldes bancaires sont-ils proches de zéro ?
– les crédits sont-ils correctement choisis ?
– les conditions bancaires sont-elles bien négociées et appliquées ?
POUR EN SAVOIR PLUS
Ouvrages de cours
APCE, Le financement participatif ou crowdfunding, www.apce.com
Bargain (A.), Melyou (G.), Scaramuzza (M.), Maîtriser les flux financiers, Eyrolles, 2004.
Cobbaut (R.), Théorie financière, Economica, 2005.
Degos (J.-G.), Griffiths (S.), Gestion financière, Éd. d’organisation, 2011.
Delahaye (J.), Delahaye-Duprat (F.), Saraf (J.), Finance d’entreprise, Dunod, 2016.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 21 – La fonction financière 497

De La Bruslerie (H.), Eliez (C.), Trésorerie d’entreprise, Dunod, 2017.


Morvan (J.), Marchés et instruments financiers, Dunod, 2017.
Sentis (P.), Maurel (C.), Introduction à la finance d’entreprise, Pearson, 2017.
Sauvageot (G.), Précis de finance, Nathan, 2001.
Solnik (B.), Gestion financière, Dunod, 2005.
Ouvrages plus techniques
Fontaine (P.), Marchés des changes, Pearson, 2013.
Jacquillat (B.), Solnik (B.), Les marchés financiers, Dunod, 2014.
Rousselot (P.), Verdié (J.-F.), La gestion de trésorerie, Dunod, 2017.
Vernimmen (P.), Quiry (P.), Le Fur (Y.), Finance d’entreprise, Dalloz, 2018.
Sites Internet
http://www.euronext.com
http://www.nyse.com/home.html
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
498
CHAPITRE 22
Management et économie des entreprises

La gestion des risques

« La prévention permet de maîtriser tout ce


que l’on peut prévoir. La précaution conduit à
envisager toutes sortes de choses qui ne
peuvent être démontrées, mais qui sont émo-
tionnellement évoquées […]. Il importe que le
principe de précaution qui est en soi une
bonne chose, ne se transforme pas en principe
d’inhibition et d’interdiction systématique. »
H. Curien (1926-2005), Vice-président de l’Académie
des sciences.

I. La diversité des risques


de l’entreprise
Les risques d’entreprise sont tous les événements pouvant survenir et qui
sont de nature à réduire sa rentabilité, voire à remettre en question son
existence. Il peut s’agir de menaces qui se réalisent, d’erreurs de gestion
ou de prévisions ou encore de la survenance d’aléas défavorables.

A. La perception des risques par les dirigeants


Selon l’édition 2013 de l’enquête « AON Global Risk Management Sur-
vey »1, réalisée auprès de 1 415 entreprises de 70 pays de toutes les

1.  Cette étude est réalisée tous les deux ans par AON plc, multinationale d’origine britannique
no 1 mondial du courtage d’assurances et de réassurances, conseil en gestion des risques.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 22 – La gestion des risques 499

régions du monde, toutes tailles et tous secteurs confondus, le classe-


ment des risques ressentis par les dirigeants est le suivant :
Nature du risque Classement 2013
Ralentissement économique/atonie de la reprise 1
Changements législatifs/réglementaires 2
Intensification de la concurrence 3
Préjudice à la réputation/image de marque 4
Incapacité à attirer ou conserver les meilleurs talents 5
Incapacité à innover/répondre aux besoins des clients 6
Interruption des activités 7
Risque lié aux prix des matières premières 8
Risque de trésorerie/liquidité 9
Incertitudes/risques politiques 10

L’enquête relève aussi que quelques risques importants restent sous éva-
lués par les entreprises : délits informatiques/piratage/virus/codes mal-
veillants ; risque de défaut d’une contrepartie ; perte de propriété intel-
lectuelle/données ; réseaux sociaux ; financement des régimes de retraite.
« Chaque jour, mafias, gangs et cartels frappent, volent de la multinatio-
nale du CAC 40 à la PME, en déployant trois tactiques simples, brutales
et très efficaces : prédation, parasitisme et concurrence »1.
Le risque repose sur la probabilité de réalisation d’événements suffisam-
ment dangereux pour inquiéter. Plus la probabilité et plus la dangerosité
sont fortes l’une et/ou l’autre et plus le risque est grand.
On doit évidemment distinguer les risques assurables qui sont couverts
par le paiement d’une prime et les risques non-assurables qui sont inhé-
rents à toute entreprise et qui seraient selon plusieurs auteurs clas-
siques (A. Smith, J.-B. Say) la justification du profit distribué aux pro-
priétaires de l’entreprise pour assumer ce risque (notamment celui de
liquidation judiciaire à la suite d’une cessation des paiements).

B. La montée des risques


C’est la complexification de l’environnement qui favorise la prise de
risques liée à l’activité d’entreprise.
– La mondialisation des marchés accroît les risques liés aux transports,
au change, aux évolutions politiques, etc. ;

1.  Les nouveaux pirates de l’entreprise. Mafias et terrorisme, B. Monnet, P. Véery, Paris
CNRS Éditions.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
500 Management et économie des entreprises

– la réduction des délais et la minimisation des stocks liées aux nou-


velles méthodes de gestion « juste à temps », font apparaître des
risques nouveaux1 de retards, de défaillance du processus productif ou
de non-qualité des produits ;
– la sophistication croissante des processus, liée aux NTIC (processus
productif, décisionnel, informationnel, commercial, logistique) accroît
le risque de panne ou d’incident dans la chaîne des opérations ;
– l’accentuation de la concurrence aggrave les risques d’obsolescence,
de perte de compétitivité-prix, le risque d’espionnage industriel, etc. ;
– le développement d’une société complexe entraîne des réglementa-
tions de plus en plus contraignantes et évolutives qui génèrent de
nombreux risques de disqualification de l’entreprise ;
– la volatilité des marchés financiers accroît les risques de fluctuation
des cours.

C. Les principaux risques


a. Les risques opérationnels sont nombreux
– Les risques commerciaux : ce sont les risques de baisse d’activité liés
à l’évolution des données du marché. Ils tiennent à la conjoncture
économique mais aussi aux manœuvres stratégiques des concurrents,
à l’évolution des besoins de la clientèle, etc.
– Les risques d’approvisionnement : ce sont les risques de montée des
cours mais aussi les risques de retard, de non-qualité, etc. ;
EXEMPLE
La rupture subite de la chaîne d’approvisionnement d’Ericson dans la téléphonie, du
fait du sinistre subi par son fournisseur mexicain dont l’usine avait été frappée par la
foudre !

– Les risques techniques : ce sont tous les risques qui accompagnent les
activités de production : pannes, accidents que l’on peut subdiviser
par catégories :
– risques matériels2 (différents sinistres susceptibles de menacer l’ex-
ploitation, qu’ils soient spécifiques au secteur d’activité (ex. : séche-
resse) ou non (incendie, catastrophe naturelle) ou encore les dom-
mages matériels ayant été infligés à des tiers (clients, par exemple)) ;

1.  Ces retards et ces défauts étaient en effet masqués par la pratique du stockage (voir le
chapitre « la production » – La gestion traditionnelle de la production/la production pour
le stock).
2.  Les vols et agressions, auxquels certaines entreprises sont exposées, entrent dans cette
catégorie (grandes surfaces, banques, transporteurs de fonds, …).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 22 – La gestion des risques 501

– risques humains (les risques d’accidents concernant le personnel


(accidents du travail) ou les usagers et clients (dommages corporels
infligés à la clientèle) ou certains tiers (partenaires, voisins, etc.)) ;
– risques écologiques (catastrophes écologiques dont l’entreprise peut
être accidentellement la cause)1. Ainsi le principe du pollueur payeur
génère-t-il le risque de mise en jeu de la responsabilité environnemen-
tale d’une entreprise du fait de son activité de production, en cas de
dommage grave, ou de menace imminente d’un tel dommage ;
– risques informationnels ou risques de perturbation du système infor-
mationnel et décisionnel (panne informatique, piratage informatique
par pillage ou par virus, erreurs humaines, vol de plans et de fichiers,
etc.).
EXEMPLE
Les risques des entreprises bancaires. Les accords de Bâle I, II et III concernant la
sécurité bancaire fixent des exigences minimales de couverture en fonds propres des
banques pour les principaux risques qu’elles rencontrent, à savoir : risques de crédit,
risques opérationnels et risques de marché. Les risques opérationnels bancaires se
subdivisent eux-mêmes en risques de défaillances humaines, de défaillances des
systèmes internes (routines organisationnelles) et de défaillances technologiques
liées aux NTIC (de l’erreur de programmation à la coupure électrique en passant par
les virus).

On peut examiner les risques opérationnels par fonction comme le


montre le tableau ci-après.
REPÉRAGE DES RISQUES PAR FONCTIONS DE L’ENTREPRISE

Fonctions opérationnelles

Fonction Mévente ; retournement conjoncturel ; accidents de livraison ;


commerciale défaillance des intermédiaires de distribution

Fonction Panne de machine ; accidents ; erreurs ; défectuosité


technique des consommations intermédiaires ; etc.

Fonctions de soutien

Fonction GRH Accident du travail ; maladie professionnelle ; grève ; absentéisme ; etc.

Fonction Défaut de paiement ; variation de change ; fluctuation des cours ;


financière variation de taux

Fonction Défaut d’enregistrement de données ; pannes ; virus ; malveillance ;


informationnelle piratage

1.  Des sanctions pénales sont applicables (amende et/ou emprisonnement ou élimination
des déchets selon les cas) afin de protéger l’air, le sol, les eaux pluviales, la mer, la faune et
la flore. Elles semblent néanmoins assez peu dissuasives et devraient être prochainement
alourdies.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
502 Management et économie des entreprises

b. Les risques stratégiques (business risks)


Ce sont les risques inhérents à tout choix stratégique et reposant sur la
fragilité de toute anticipation et toute interprétation des évolutions de
l’environnement.
Ces risques sont d’autant plus difficilement réductibles que l’entreprise
envisage un avenir lointain pour choisir aujourd’hui ses axes de déve-
loppement. Néanmoins tous les moyens doivent être mis en œuvre pour
réduire l’incertitude. C’est ce qui explique la démarche de veille techno-
logique et concurrentielle qui est suivie dans les grandes entreprises.

c. Les risques liés aux flux financiers et monétaires


Risque spéculatif (ou de marché)
Il s’agit des risques d’évolution défavorable des cours qui sont pris par
les investisseurs lors de placements sur les différents marchés financiers
(voir chapitre 21 « la fonction financière »). Ces risques sont eux-mêmes
liés aux évolutions des taux d’intérêt.

Risque de crédit (ou risque-client)


Il s’agit du risque de non-paiement à l’échéance, que court l’entreprise
en accordant un crédit (délai de paiement) à sa clientèle. Les banques,
spécialisées dans le crédit, sont d’ailleurs tenues de respecter certaines
règles, afin de mieux faire face à ce risque. Un ratio de solvabilité (dit
ratio Cooke, bientôt remplacé par le ratio Mc Donough) est imposé par la
réglementation bancaire. Il correspond pour les banques à une obligation
de détenir en fonds propres un pourcentage minimum de leurs encours
de crédit.

Risque de change
Il s’agit du risque de variation du taux de change lors d’une opération
d’achat ou de vente en dehors de la zone euro.

d. Les risques liés à l’évolution réglementaire


Ce sont tous les risques d’évolution défavorable de la réglementation
(notamment sur le plan fiscal ou sur le plan du droit du travail ou de la
normalisation des produits).
Ils expliquent la pratique du lobbying, notamment vis-à-vis de la Com-
mission européenne.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 22 – La gestion des risques 503

e. Les risques spécifiquement


liés à l’internationalisation
Ce sont d’abord, sur un plan financier, les risques de change et de crédit
déjà signalés plus haut. Il faut considérer également les risques de poli-
tiques protectionnistes qui se traduisent par une élévation des droits de
douane, la fixation de quotas ou encore la complexification des procé-
dures administratives d’importation.
Ce sont aussi les risques liés aux différences culturelles et aux incompré-
hensions qui en résultent. Il faut considérer les risques liés à la contrefa-
çon et de façon générale, au « pillage » de savoir-faire. Il faut aussi
prendre en compte les risques politiques liés à l’instabilité des régimes
de certains pays (révolutions, terrorisme, enlèvements, etc.). La prise en
compte de ces risques permet de mettre en balance les pertes de revenus
qu’ils peuvent engendrer et les avantages à attendre d’une éventuelle
implantation commerciale ou productive.
Selon le baromètre du risk manager de PwC France et AMRAE (2017)*
On constate une diversité des risques pris en charge par les risk managers : opérationnels
(91 %), de fraude (83 %), de cyber sécurité (79 %), environnementaux (79 %), mais aussi les
risques de conformité (77 %) et les risques de sûreté/sécurité (76 %).
Les risk managers se répartissent entre 3 profils :
– un profil ERM (Enterprise Risk management) orienté vers la gestion des risques
de l’entreprise ;
– un profil AP (Assurance Prévention) orienté vers la gestion des assurances
et la prévention des risques assurables ;
– un profil mixte AP/ERM.
53 % des risk managers interrogés ont plus de 45 ans et 45 % sont des femmes. Les
principales formations sont : Droit (33 %), Commerce (33 %), et Sciences (27 %) et 62 % ont
suivi une formation complémentaire spécialisée en gestion des risques.
Enfin, 86 % des risk managers interrogés travaillent dans des entreprises de type grand
compte ou de taille intermédiaire (ETI).
*  AMRAE est l’association pour le management des risques et des assurances de l’entreprise,
et PwC (PricewaterhouseCoopers) est un réseau de sociétés spécialisées dans l’audit,
l’expertise comptable et le conseil aux entreprises.

II. Les moyens de l’entreprise


pour faire face aux risques
La gestion des risques ne cherche pas seulement à limiter ou réduire à
tout prix les risques qui pèsent sur l’entreprise, car cela conduirait à un
blocage pur et simple de toute action. Mais elle permet de choisir en
conscience le niveau de risque acceptable pour chaque politique enga-
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
504 Management et économie des entreprises

gée et de préciser jusqu’où la réduction des risques peut empiéter sur


l’action de l’entreprise.

A. La démarche de prévention
a. La cartographie des risques
Elle passe par le repérage et l’évaluation des risques principaux de l’en-
treprise.
Elle peut être effectuée par un audit interne confié au spécialiste de l’en-
treprise (risk-manager) lorsqu’il existe. Mais le plus souvent, c’est à des
cabinets de conseil, des courtiers, ou des assureurs que l’on pourra
demander cette évaluation.
Pour y voir clair, il convient de mesurer les différents risques en appré-
ciant la gravité de leurs conséquences (dangerosité) et leur probabilité
d’apparition.
Il est ensuite possible de les hiérarchiser afin de consacrer les efforts de
l’entreprise aux plus importants d’entre eux.
Concernant les risques qui pèsent sur le personnel de l’entreprise, il
existe en France, depuis 2001, une obligation d’établissement d’un
document unique d’évaluation des risques professionnels (DU) qui doit
être mis à jour chaque année et qui est tenu à la disposition des repré-
sentants du personnel dans l’entreprise.
L’élaboration du DU est en principe participative, ce qui permet de
conscientiser le personnel quant aux risques qui pèsent sur lui dans
l’entreprise. Un programme annuel d’actions de prévention complète
l’évaluation proprement dite. Des fiches-outils permettent de mesurer la
gravité de chaque type de risque.

b. Une politique de réduction des risques peut alors


être pratiquée
Elle passe généralement par une politique de formation du personnel et
un effort d’équipement ou de réorganisation des procédures de travail
afin d’éliminer les causes de risques ou de limiter leur probabilité de
réalisation. Elle doit normalement déboucher sur la prise en compte des
différents risques lors de chaque décision de gestion.
Un programme annuel d’actions de prévention vient prolonger l’évalua-
tion des risques professionnels dans le cadre du document unique d’éva-
luation. Ce programme doit donc être complété pour tenir compte de
l’ensemble des risques qui pèsent sur l’entreprise, au-delà de son per-
sonnel (risques pesant sur le patrimoine productif et financier et sur les
systèmes d’information).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 22 – La gestion des risques 505

EXEMPLES
– contre les accidents du travail : sensibilisation du personnel aux différents risques
d’accident ; apprentissage des gestes et comportements de sécurité ; acquisition
d’équipements sécurisés, etc. ;
– contre le risque d’incendie : vérification des installations électriques, issues de
secours, extincteurs, exercices d’évacuation, etc. ;
– contre le risque-client : services d’une société de renseignement commercial ;
conditions de paiement évolutives selon le risque-client, clauses contractuelles pro-
tectrices ;
– contre le risque informationnel : audit de vulnérabilité, sensibilisation et forma-
tion du personnel à la sécurité informationnelle.

c. Un effort de veille peut être mené pour chacun


de ces risques
Une cellule d’observation de l’évolution des différents risques doit alors
être mise en place afin de chercher à éviter les conséquences pour l’en-
treprise de leur réalisation. La surveillance des facteurs de risques per-
met également de réagir rapidement à un accident. Le risque est accepté
mais il faut veiller à en limiter les conséquences négatives.
À NOTER
80 % des entreprises questionnées dans le cadre de l’enquête internationale AON, à
la fin de 2012, affirment avoir mis en place un dispositif de veille et de management
des risques.

B. La politique de protection financière


Un nombre croissant de risques peut être couvert aujourd’hui à travers
différentes formules qui permettent contre paiement d’une prime (charge
régulière) de transférer le risque à un tiers.

a. Les contrats d’assurance


La couverture des divers risques matériels liés à l’exploitation (incendie,
explosion, vol, risques annexes, catastrophes naturelles, etc.) est possible
par un contrat d’assurance global qui est adapté aux spécificités de l’en-
treprise par la mise en jeu d’options (ex. : le contrat Globalys du GAN).
Le développement de l’auto-assurance des grandes entreprises
Les grandes entreprises mettent de plus en plus souvent en place des systèmes d’auto-
financement de la garantie des risques qu’elles supportent. Elles en ont la possibilité du
fait qu’elles regroupent suffisamment de sociétés pour qu’il soit possible et rentable de
« mutualiser » leurs risques.
Ce phénomène, qui rétrécit la clientèle d’entreprises des compagnies d’assurance,
entraîne une augmentation des primes demandées aux entreprises de dimension trop
restreinte pour se lancer dans une auto-assurance en charge de leurs risques.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
506 Management et économie des entreprises

1. La couverture particulière des risques d’exportation


La COFACE1 (Compagnie française d’assurance du commerce extérieur)
propose aux entreprises des contrats liés à des opérations d’exportation,
d’assurance-crédit (risque d’insolvabilité, risque politique ou risque
catastrophique) d’assurance-fabrication et d’assurance contre le risque
de change (il permet de couvrir des opérations d’exportation ou d’im-
portation par des contrats garantissant des opérations ponctuelles ou des
courants d’affaires).

2. Les contrats d’assurance « responsabilité civile »


Ils permettent de couvrir l’entreprise contre les conséquences des dom-
mages (matériels ou immatériels) que des tiers pourraient subir du fait
des activités de l’entreprise. Ainsi, la garantie « responsabilité environ-
nementale » couvre-t-elle les frais de réparation des dommages environ-
nementaux pesant sur l’entreprise.

b. Les autres moyens de couverture financière


1. Diverses techniques juridiques de couverture du risque-client
– sûretés réelle (gage) ou personnelle (caution) exigées des débiteurs de
l’entreprise pour garantir certains paiements ;
– clause de réserve de propriété insérée dans les contrats de vente (dont
les conditions figurent souvent au dos des bulletins de commande et
factures) ;
– contrat d’affacturage (factoring) qui reporte le risque sur le factor qui
avance le montant des factures contre rémunération (cas d’une clien-
tèle professionnelle).

2. La couverture des risques de change


Il est possible de procéder à l’achat de devises sur le marché à terme des
changes, ou encore à l’achat d’options de change sur le MATIF (à Paris,
il est géré par Euronext Paris SA) afin de sécuriser les conditions
actuelles de rentabilité d’un contrat dont l’échéance est future.

3. Les techniques de couverture des risques financiers


Les nouveaux instruments financiers permettent d’intervenir sur le
NYSE Euronext afin de se couvrir contre les risques de fluctuation des
taux et des cours, mais les risques inhérents à ces marchés font que les
placements qui peuvent y être faits sont plutôt l’affaire de spécialistes.

1.  Privatisée en 1994, la COFACE est une filiale de NATIXIS depuis 2006.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 22 – La gestion des risques 507

Le risk manager à temps partagé


Sans avoir les moyens de supporter le coût d’un personnel spécialisé permanent, les PME
développent depuis quelques années la pratique du partage de l’emploi d’un
« gestionnaire du risque ». Cette spécialité est l’objet d’une formation dans plusieurs
écoles supérieures de commerce. Une association de ces spécialistes de la gestion des
risques d’entreprise existe, c’est l’AMRAE, www.amrae.asso.fr

c. Le plan de continuité d’activité (PCA)


Malgré tous les efforts de prévention, certains risques subsistent qu’il
faut pouvoir affronter et surmonter. C’est l’objet du plan de continuité de
l’activité.
Le PCA existe afin de faire face à un risque qui survient (le sinistre), quel
qu’il soit. Il envisage donc les différents scénarios de survenance de risque
que l’on n’a pas réussi à éliminer complètement. Il énonce ensuite les pro-
cédures qui vont guider l’entreprise pour qu’elle affronte le sinistre, sécu-
rise ses fonctions et réalise le niveau d’activité indispensable à sa survie.
En règle générale, un PCA comprend un système de gestion de crise et
un dispositif de repli des effectifs dans un site sécurisé, et une procédure
de reprise d’activité et de fonctionnement limité. Une formation du per-
sonnel directement impliqué peut avoir été mise en place préventive-
ment, ce qui va faciliter la gestion de la crise résultant du sinistre.
Pour qu’une reprise d’activité soit possible, il faut que l’on ait préalable-
ment mis en réserve des ressources de secours à l’abri de tout risque de
sinistre ou bien que l’on dispose de la possibilité de faire appel rapide-
ment à des ressources externes. Sur un plan financier la trésorerie de
l’entreprise doit permettre de continuer à payer les salaires et les four-
nisseurs, en mode d’exploitation dégradé, pendant quelques mois.
Si une sauvegarde des données a été pratiquée (sauvegarde de données
en continu, télésauvegarde) l’exploitation peut redémarrer rapidement,
en s’appuyant, au besoin, sur un système informatique de secours.
Pour faire face au sinistre, une cellule de crise aura été préalablement
constituée et préparée à mettre en œuvre le PCA.
SCHÉMA DE LA GESTION DU RISQUE PAR LA MISE EN ŒUVRE D’UN PCA

Fonctionnement Fonctionnement
Mise en œuvre du PCA
normal normal

Gestion Solutions Fonctionnement Retour à Bilan de


des risques de secours dégradé la normale la gestion
Élaboration des risques
d’un PCA et du PCA

Sinistre

Axe du temps
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
508 Management et économie des entreprises

III. Les risques des dirigeants


d’entreprise
A. Les risques patrimoniaux
a. Les risques des entrepreneurs individuels
Ces entrepreneurs supportent tous les risques de leur entreprise sur
leur patrimoine personnel. Tous leurs biens personnels risquent donc
d’être engloutis dans l’apurement du passif de leur entreprise, en cas de
difficulté de celle-ci !
La forme juridique de l’entreprise unipersonnelle (EURL ou EARL)
semble donc devoir être préférable pour tout créateur d’entreprise dont
il est le seul associé.
Par ailleurs, ces entrepreneurs sont civilement responsables des dom-
mages que leur entreprise peut faire subir à tiers (clientèle, créanciers,
voisins, collectivités publiques, etc.).

b. Les risques des dirigeants de société


• Les associés de sociétés civiles ou de sociétés de personnes sont indé-
finiment responsables du passif social. Ils devront donc supporter le
passif de leur société en cas de redressement ou de liquidation judi-
ciaire de celle-ci.
• Les gérants et présidents de société peuvent être appelés à supporter
dans certains cas les difficultés de leur entreprise.
– Lorsqu’ils se sont, comme c’est très souvent le cas, portés caution d’un
prêt ou du paiement d’une dette de l’entreprise.
– Le comblement du passif social menace le dirigeant ayant commis une
faute de gestion de nature à aggraver le passif de la société qui fait
l’objet d’une procédure collective.
– L’extension du redressement ou de la liquidation judiciaire sanctionne
les dirigeants qui n’ont pas payé la dette mise à leur charge lors d’une
condamnation à combler le passif social, ou ceux ayant eu un compor-
tement répréhensible en privilégiant leur intérêt personnel au détri-
ment de leur société ou en commettant des actes frauduleux.

B. La responsabilité pénale des dirigeants


La législation fait peser sur les dirigeants une responsabilité pénale pour
les infractions commises par l’entreprise.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 22 – La gestion des risques 509

a. L’entrepreneur individuel
Il est pleinement responsable pénalement des infractions qu’il est sus-
ceptible de commettre en tant qu’entrepreneur (infractions au droit du
travail, au droit de la concurrence, en matière fiscale, douanière, etc.).

b. Le dirigeant de personne morale


La personne morale est responsable sur le plan pénal, mais les diri-
geants peuvent eux-mêmes être poursuivis.
1. D’une façon générale
Les sociétés sont pénalement responsables en cas d’infraction contre les
biens, contre la sécurité, contre la concurrence, contre l’environnement
naturel, en cas d’infraction au droit du travail, au droit fiscal, etc.
EXEMPLES
En matière sociale, des sanctions pénales sont notamment applicables en cas de tra-
vail dissimulé, marchandage de main-d’œuvre, infraction aux règles d’hygiène et de
sécurité, harcèlement moral ou sexuel, discrimination, entrave aux fonctions de repré-
sentant du personnel ou d’inspecteur du travail, non respect de la réglementation de
la durée du travail, emploi d’une main-d’œuvre étrangère en situation irrégulière

Mais les dirigeants peuvent être eux-mêmes poursuivis, comme auteurs


ou complices des mêmes infractions.
2. En matière de droit des sociétés
Les dirigeants peuvent être poursuivis en cas d’infractions relatives à la
constitution de la société, en cas de délit comptable, en cas d’abus de
confiance ou d’abus de biens sociaux, en cas d’infraction liée à l’informa-
tion des associés et au déroulement des assemblées, de délit boursier, etc.
3. En cas de redressement ou de liquidation judiciaire
del’entreprise
Le délit de banqueroute sanctionne certains comportements frauduleux
du dirigeant (même de fait) d’une entreprise subissant une procédure de
redressement ou de liquidation judiciaire.
Comment le dirigeant peut éviter d’engager sa responsabilité pénale
La jurisprudence accepte deux moyens d’exonération :
– la délégation de pouvoir permet à un dirigeant de transférer sa responsabilité pénale sur
un subordonné, à condition qu’elle soit :
• certaine, précise et limitée ;
• donnée à quelqu’un disposant des compétences requises ainsi que de l’autorité et des
moyens nécessaires ;
• acceptée clairement par cette personne ;
– la preuve de l’absence de faute du dirigeant et de ce qu’il a mis en œuvre tous les
moyens prescrits par la réglementation pour faire face à la situation.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
510 Management et économie des entreprises

POUR EN SAVOIR PLUS


AMRAE, Baromètre du risk manager, www.amrae.fr/barometre-du-risk-manager.
AON, Synthèse de l’enquête mondiale sur les risques, 2013, www.aon.fr/france/aon-
france/presse/pj/GRMS.pdf
Code pénal, Dalloz, Annoté.
Collectif Francis Lefebvre, Droit commercial, Francis Lefebvre, 2018.
De Tanzi (T.), Delmer (F.), Ingénierie du risque, Hermès-Lavoisier, 2006.
Ernst & Young, The 2009 Business Ernst & Young Business report, www.ernstandyoung.
ch/, 2010.
Hassid (O.), Gestion des risques, Dunod, 2008.
Morvan (J.), Marchés et instruments financiers, Dunod, 2017.
Peyrard (J.), Risque de change et gestion de l’entreprise, Vuibert Gestion, 1986.
Poncet (P.), Portait (R.), Finance de marché, Dalloz, 2014.
Serre (J.-C.), Manager dans l’incertitude, AFNOR, 2006.
Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, Guide pour réaliser un plan
de continuité d’activité, 2013.
Dossiers de la revue Échanges de l’Association des directeurs financiers, «  Le risque-
client » (no 139, décembre 1997), et « Entreprise et assurance » (no 154, avril 1999).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
CHAPITRE 23 Chapitre 23 – La conduite du changement 511

La conduite
du changement

« Faire, défaire, pour mieux refaire. »


E. Schueller, fondateur de L’Oréal

« Rien n’est permanent, sauf le changement. »


Héraclite (vie siècle avant J.-C.)

Selon plusieurs études menée par IBM (IBM global CEO study)
entre 2006 et 2012 auprès de nombreux dirigeants (1 700 en 2012) dans
le monde (de 64 pays et 18 secteurs) sur le thème « l’entreprise de
demain », la plupart des dirigeants d’entreprise s’attendent à des chan-
gements rapides et complexes, qu’ils interprètent néanmoins comme des
opportunités de croissance. La capacité à faire face à ces changements
devient capitale et permet d’obtenir un avantage compétitif. La
connexion croissante des acteurs liée à la numérisation a un impact sur
la façon dont l’entreprise agit et interagit avec ses différentes parties
prenantes. De façon générale, « les dirigeants conduisent des change-
ments significatifs pour répondre mieux et plus vite aux attentes du
marché et des individus ».

I. La nécessité du changement
pour l’entreprise
Pour suivre une stratégie ou pour faire face aux perturbations qu’elle
rencontre, l’entreprise doit changer. On pourrait donc affirmer que rien
n’est aussi permanent que le changement ! Encore faut-il préciser de
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
512 Management et économie des entreprises

quel changement il s’agit avant d’envisager les moyens de le mettre en


œuvre. De plus, on observe que dans certaines organisations, le change-
ment peut aussi devenir un objectif en lui-même en oubliant parfois la
question de son contenu, ce qui devient vite problématique…

A. Quel changement ?
a. Une mise à jour continuelle
(changement progressif)
Le changement peut d’abord consister en un ensemble d’ajustements
partiels et de modifications mineures (idée d’évolution ou d’adaptation,
d’apprendre à « faire mieux la même chose ») qui interviennent jour
après jour, comme une sorte de mise à jour continuelle de l’entreprise
que l’on peut d’ailleurs rapprocher du processus d’amélioration conti-
nue des Japonais (Kaizen). L’avantage d’un tel changement est qu’il est
l’affaire de tous, progressif et bien accepté puisqu’il répond à un souci
général d’efficacité, en s’appuyant sur le bon sens de chacun. On pourra
ainsi orienter l’entreprise vers une plus grande productivité, une meil-
leure sécurité et une éco-efficacité. Un lien est à faire avec la culture
d’entreprise qui à travers le jeu des valeurs qu’elle véhicule va donner la
priorité à tel ou tel changement.

b. Le changement radical
Il correspond à l’idée de rupture, (de « faire ce que l’on n’a jamais fait »)
ou de stratégie (repositionnement). Il remet en cause tout ou partie de
l’organisation existante. Selon J.-P. Durand et R. Weil « le changement
est à la fois modification d’une fonction, d’une situation, d’un mode
opératoire et transformation des modes de régulation de ceux-ci. ». Ce
changement intervient dans le cadre d’une nouvelle stratégie, ou pour
s’adapter à de nouvelles contraintes ou à une nouvelle technologie
(NTIC) ou pour faire face à une situation de crise. Il peut être simple-
ment réactif (adaptation à une évolution contraignante) ou proactif
(générateur d’évolutions de l’environnement), comme dans le cas de
l’innovation.
EXEMPLES
– Dans les années 1970, on observe un repositionnement stratégique complet de
l’entreprise BSN (futur groupe DANONE) qui abandonne l’activité de fabrication du
verre pour se consacrer aux produits alimentaires.
– Le groupe nord américain IBM qui était très centrée sur la conception et la com-
mercialisation de matériels informatiques jusqu’en 1990, s’est alors transformé réso-
lument en une entreprise orientée vers les services aux entreprises en matière logi-
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 23 – La conduite du changement 513

cielle (cloud computing). Elle réalise en 2015 plus de la moitié de son chiffre
d’affaires dans les services.

B. Quels sont les acteurs du changement ?


a. Hiérarchiquement imposé ou décentralisé
Le changement est souvent imposé par un supérieur hiérarchique (top-
down) mais il peut dans certains cas résulter d’une décentralisation du
pouvoir dans l’entreprise ou reposer sur une conception participative
d’un changement qui peut tout en étant impulsé par la direction, reposer
sur une participation de tous ceux qui seront ensuite impliqués dans sa
mise en œuvre sous forme des nouvelles routines de travail.
Au sein de l’entreprise elle-même le rôle de l’encadrement peut être
déterminant. Si celui-ci est réticent au changement cela se répercutera
de manière amplifiée au sein des équipes. L’entreprise doit donc obtenir
un engagement exemplaire de ses cadres et managers dans le processus
de changement. Ils doivent respecter tous les engagements qu’ils ont
pris dans le cadre du processus de changement afin de rassurer les sala-
riés. Un système de récompense ad hoc peut également être mis en
place pour récompenser ceux qui jouent un rôle actif afin que le change-
ment engagé soit un succès.

b. Les parties prenantes du changement


Elles peuvent être assez nombreuses si au-delà du management et des
salariés, on considère les actionnaires, les fournisseurs, la clientèle, les
pouvoirs publics, etc. Il semble dans ce cas que la compréhension du
projet et la légitimité de ses promoteurs jouent un rôle important. Mais
quoi qu’il en soit les diverses parties prenantes considéreront avant
tout les avantages et les inconvénients que le changement présente pour
elles.

c. L’approche contextualiste du changement


de A. Pettigrew
Selon R. Whipp et A. Pettigrew, il existe trois dimensions du change-
ment stratégique : le contenu, le processus et le contexte.
– le contenu correspond aux finalités et aux objectifs ;
– le processus donne la marche à suivre pour mettre en œuvre le chan-
gement ;
– le contexte décrit l’environnement externe et interne de l’organisation.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
514 Management et économie des entreprises

A. Pettigrew insiste sur l’intérêt d’étudier le changement dans son


contexte, en articulant les différents niveaux d’analyse (individu,
groupe, entreprise).

SCHÉMA DE L’APPROCHE CONTEXTUALISTE DE A. PETTIGREW

Contextes

Changement

Contenu Processus

Le changement apparaît comme « un processus itératif, cumulatif et en


reformulation permanente » et seule une cohérence entre ses trois
dimensions permet la réussite du changement.
On a d’ailleurs souvent constaté que des changements organisationnels
pertinents et bien conçus avaient échoué en raison d’une mise en œuvre
inadaptée. Le processus de mise en œuvre devient capital lorsque de
nombreux intérêts divergents sont en jeu.

II. La mise en œuvre du changement


A. Le modèle du dégel de K. Lewin
Selon K. Lewin, le changement peut s’appuyer sur la dynamique de
groupe. Il distingue 3 phases : le gel, le dégel et le regel pour décrire un
changement.
– Le gel est le résultat d’un ensemble de routines qui apportent un sen-
timent de sécurité aux membres de l’organisation et cela implique que
le changement puisse être ressenti comme une menace s’il n’est pas
bien préparé et expliqué.
– Le dégel est le résultat d’une intervention qui va « mettre en mouve-
ment » l’organisation en la « décristallisant ». Il faut donc expliquer en
quoi le changement est nécessaire en sensibilisant les personnes
concernées afin d’obtenir leur engagement sur les évolutions à réaliser.
Le succès de cette phase de « légitimation » du changement dépend de
la cohérence de l’explication fournie et de la confiance dans l’initia-
teur du changement. De plus le changement va souvent nécessiter des
apprentissages individuels et collectifs et des actions de formation
peuvent s’avérer nécessaires.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 23 – La conduite du changement 515

– Le regel correspond à la stabilisation de la nouvelle structure qui est


« actée » après avoir fait ses preuves.
– Ce modèle sert encore de base à de nombreuses analyses du change-
ment organisationnel « décidé d’en haut ».

B. La conduite du changement
C’est l’ensemble de la démarche qui va de la perception et de l’analyse
d’un problème de l’entreprise à la définition et la mise en œuvre d’une
solution à ce problème, impliquant une modification des structures ou
des procédures de travail. Une procédure d’ajustement vient compléter
l’ensemble (on retrouve ainsi les différentes étapes du « pilotage » de
l’entreprise).
La conduite du changement désigne donc le pilotage du changement
organisationnel. Si on observe très souvent le recours aux outils du pilo-
tage par projet, la conduite du changement organisationnel dépasse lar-
gement le cadre d’un projet opérationnel.
Cela consiste à :
– faire prendre conscience aux personnes concernées, du problème qui
se pose à l’entreprise ;
– analyser et proposer une solution du problème en suivant certaines
méthodes (choix des outils d’analyse, choix du degré de participation ;
choix du degré de changement) ;
– accompagner le changement en suivant certaines étapes (formulation
du changement par la direction, mobilisation, formation, communica-
tion) ;
– suivre une démarche de consultation et de participation afin d’impli-
quer les personnes concernées par le changement (création d’un senti-
ment d’urgence facilitant la mobilisation).

C. Les obstacles au changement


a. Les résistances
Les difficultés de la mise en œuvre d’un changement résident dans les
diverses « routines organisationnelles » qui permettent à l’entreprise de
maintenir une certaine permanence et qui s’opposent donc au change-
ment. De plus, le changement remet en cause des positions et des avan-
tages, il génère des tensions psychologiques et peut donc faire l’objet
d’une opposition de la part d’individus ou de la part de groupes (cf.
l’analyse behavioriste). Les dirigeants doivent dans ce cas, négocier en
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
516 Management et économie des entreprises

utilisant au besoin un « budget discrétionnaire » afin de faire des conces-


sions compensatrices.
Les réticences au changement de la part des salariés se traduisent géné-
ralement par une hyper-vigilance voire une méfiance qui va gêner le
processus de changement et qui peut dégrader rapidement le climat
social. Information et explication préalables sont donc indispensables.
Une démarche participative dans la mise en œuvre peut faciliter l’ac-
ceptation du changement.

b. Le coût du changement
La mise en place de nouvelles structures, ou de nouvelles procédures,
implique des investissements matériels (équipements productifs) ou
immatériels (brevets, licences, formation, logiciels) et d’éventuelles
adaptations du personnel. Il convient alors d’établir un budget prévi-
sionnel qui sera réactualisé à chaque étape.

c. Les délais du changement


Le changement est parfois lent, surtout lorsqu’il implique de nouvelles
procédures de travail, des bouleversements des habitudes ou de la
culture de l’entreprise ou lorsqu’il se heurte à des résistances. Cette len-
teur peut conduire certaines transformations à l’échec, car le marché
n’attend pas et la rentabilité escomptée peut se transformer en déficit.
Le manque de réactivité peut en particulier résulter d’une mauvaise
perception des contraintes ou d’une préparation inadaptée des équipes.

d. La communication qui accompagne


le changement
Il s’agit de :
– faire connaître et faire comprendre le changement en insistant sur les
progrès attendus ;
– annoncer le déroulement des étapes conduisant au changement ;
– mettre en évidence les efforts accomplis par les différents acteurs du
changement ;
– faire connaître et expliquer les nouvelles règles et procédures qui sont
induites par le changement ;
– permettre aux acteurs d’extérioriser leur peur du changement. Le
manager d’une équipe doit donc autant expliquer qu’écouter.
Dans certains cas, une démarche très participative peut être suivie, lais-
sant les salariés concernés par le changement exprimer leurs idées et
proposer des solutions, animée par un pilote. La démarche est plus
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 23 – La conduite du changement 517

longue mais l’implication des personnes dans le changement est plus


grande.
LES ENJEUX DU CHANGEMENT SELON LES LOGIQUES DE L’ACTION ORGANISÉE

Les enjeux
du changement Légitimation Réalisation Appropriation
Les logiques (émotif) (cognitif) (comportemental)
d’action
Vision Pilotage Intérêt
Stratégique (Initiateur (Crédibilité de (Retombées
(perspective directionnelle) engagé) la structure de incitatives)
pilotage)
Modèle Capacité Apprentissage
Fonctionnelle (Diagnostic) (Ressources et (Expérimentation)
(perspective structurelle) compétences
engagées)
Communication Effort Progression
Opérationnelle (Informations (Collaborations (Amélioration
(perspective culturelle) adaptées) appropriées) continue et mesure
des résultats)
Tableau adapté de « L’évolution de la pensée en gestion du changement : leçons pour la
mise en œuvre de changements complexes », par Alain Rondeau, professeur, directeur du
Centre d’études en transformation des organisations, HEC Montréal, Téléscope, vol. 14, 2008.

III. Les moyens de favoriser


le changement organisationnel
A. L’apprentissage organisationnel ou collectif
a. Le changement organisationnel
Il implique un apprentissage de la part des salariés mais aussi de l’orga-
nisation elle-même dans son fonctionnement, ses fonctions, ses proces-
sus.

b. Les « organisations apprenantes »


Capables d’apprentissage, elles sont « capables de créer, acquérir et
transférer des connaissances et des pratiques » (D. Garvin, 1993).
Le changement est plus facilement et couramment pratiqué dans une
organisation dont la structure, les procédures et la « culture » sont pro-
pices à l’apprentissage. La structure est décentralisée et accorde une
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
518 Management et économie des entreprises

large place à des projets et à des modules « ad hoc ». Les procédures
sont évolutives et leurs changements font l’objet d’une communication
au sein de l’entreprise, afin que les solutions élaborées par les uns
puissent bénéficier à tous.
Par ailleurs, un tel apprentissage suppose une motivation des acteurs et
on pourra rechercher certaines caractéristiques favorables chez les sala-
riés concernés : leur niveau de formation de base, leur expérience pro-
fessionnelle, âge, potentiel, savoir être, etc. Les entreprises vont alors
chercher à détecter une « aptitude au changement » chez les salariés
qu’elles recrutent.
Cette capacité plus grande de certaines entreprises à apprendre et chan-
ger constitue un avantage concurrentiel supplémentaire important dans
certains secteurs dans lesquels un apprentissage permanent s’impose.

B. Les activités favorisant l’apprentissage


selon D. Garvin (1993)
Selon D. Garvin, la mise en œuvre de l’apprentissage organisationnel est
possible par 5 moyens :
– la résolution de problèmes en groupe (cercles de progrès, groupes de
projet) ;
– l’expérimentation (groupes de projet ; décentralisation) ;
– la coopération avec les partenaires (coopérations avec les clients, four-
nisseurs, sous-traitants dans la conception des produits, les méthodes
et l’ordonnancement, la chaîne logistique globale) ;
– le fait de tirer les leçons de son expérience (capitalisation) et de celle
des autres (benchmarking) ;
– la formalisation et le transfert de connaissances (v. p. 397).

C. L’apprentissage « en simple boucle »


et « en double boucle » selon C. Argyris

Processus Apprenant
d’apprentissage Produit bénéficiaire
(mode d’acquisition, d’apprentissage de l’apprentissage
traitement (contenu (un agent
et stockage informatif) ou l’organisation
d’informations) elle-même)
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 23 – La conduite du changement 519

C’est lorsqu’il existe un écart entre les objectifs et les résultats d’une
action (« erreur ») que l’on entre dans une boucle d’apprentissage. C’est
en effet en étudiant et corrigeant cette « erreur » que l’on va apprendre.
Selon C. Argyris et D.A. Schön, l’apprentissage organisationnel est la
modification de l’état de connaissance de l’organisation qui rend pos-
sible un changement du comportement organisationnel.
– L’apprentissage en simple boucle est celui « qui modifie les stratégies
d’action ou les paradigmes1 qui sous-tendent les stratégies, mais ne
modifie pas les valeurs de la théorie d’action ».
– L’apprentissage en double boucle, lui, « induit un changement des
valeurs de la théorie d’usage, mais aussi des stratégies et de leurs para-
digmes »2. Il entraîne donc une remise en cause des valeurs et des
normes qui déterminent le répertoire de stratégies d’action d’un agent
ou d’une organisation. Leur modification va permettre de générer un
nouveau répertoire de stratégies d’action aboutissant à corriger les
erreurs constatées.

Valeurs Théories Prise Valeurs Théories Prise


directrices d’action en compte directrices d’action en compte
de résultats de résultats
insatisfaisants insatisfaisants

Paradigmes Paradigmes
et stratégies et stratégies
d’action Résultats d’action Résultats

L’erreur constatée entraîne une remise en cause des stratégies d’action L’erreur constatée entraîne une remise en cause des stratégies et valeurs

Apprentissage en simple boucle Apprentissage en double boucle

La théorie d’action définit les connaissances opérationnelles en préci-


sant quelle est l’action à accomplir dans une situation donnée. On peut
distinguer la théorie professée qui correspond à ce que l’on affirme
vouloir faire et la théorie d’usage qui correspond à ce que l’on fait en
réalité (notamment pour éviter des réactions d’hostilité).
Les freins à l’apprentissage organisationnel résident dans les « routines
organisationnelles défensives » qui sont « des actes et des politiques
dont le but est d’empêcher les individus de connaître des situations de

1.  Les modèles de représentation.


2.  In Argyris C. et Schön D.A., Apprentissage organisationnel, Théorie, méthode, pratique,
2002.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
520 Management et économie des entreprises

gêne ou de menace, tout en les empêchant, ou éventuellement, en empê-


chant l’organisation tout entière, de repérer les causes de la gêne ou de
la menace, ce qui permettrait de corriger les problèmes en question »1.

IV. Le changement par la crise


Toute gestion ou planification du changement reste délicate car la com-
plexité des évolutions auxquelles l’entreprise est soumise rend illusoires
de telles démarches. Le changement a un caractère aléatoire qui peut
nécessiter des adaptations permanentes (C’est l’idée d’une « améliora-
tion continue ») ou qui peut s’exprimer à travers une crise lorsque les
contraintes nouvelles (externes ou internes) remettent en cause fonda-
mentalement le modèle économique et l’existence de l’entreprise.
Le dirigeant devrait alors être en permanence à l’affût de ces « points
d’inflexion stratégiques » selon l’expression d’A. Grove (ancien diri-
geant d’Intel), afin d’anticiper leurs conséquences et de pouvoir y réagir
rapidement.
EXEMPLE
Vers le milieu des années 1980, les producteurs japonais de mémoire informatique
ont infligé à Intel « un point d’inflexion stratégique » de sorte que l’entreprise a dû
abandonner ce marché pour se reconvertir dans les microprocesseurs qui consti-
tuaient d’ailleurs jusque-là pour elle un savoir-faire secondaire…

A. La rupture avec le passé pour redresser


la situation
Le dirigeant et le conseil d’administration doivent pouvoir mettre en
place rapidement un nouveau modèle économique, adapté aux nou-
velles contraintes de l’environnement sectoriel ou aux nouvelles don-
nées internes de l’entreprise.
Le recours à des conseillers extérieurs peut faciliter la prise de recul
indispensable au changement rapide, nécessité par la crise.
En cas de besoin, la désignation d’un dirigeant temporaire est possible
(« management de transition »), c’est d’ailleurs ce que prévoit le droit
lorsqu’il prévoit la désignation d’un administrateur judiciaire dans le
cas d’une cessation de paiements.
La pratique d’un « coaching de crise » proposé par certains cabinets de
conseil, peut aider le dirigeant en place à affronter la crise et à tirer pro-
fit de celle-ci pour améliorer la réactivité de l’entreprise.

1.  In Argyris C. et Schön D.A., op. cit.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 23 – La conduite du changement 521

b. La gestion de crise
Elle passe par :
– une évaluation des conséquences de la crise et de leur durée ;
– un repérage des points positifs et des leviers d’action disponibles ;
– la fixation d’une stratégie de crise, réévaluée en permanence (objectifs
prioritaires et moyens d’action) ;
– la pratique d’une communication de crise adaptée aux différents
publics concernés ;
– l’ouverture de négociations avec les parties prenantes (personnel,
clients, fournisseurs, banquiers, actionnaires, etc.).
LA CRISE DU « DIESELGATE » CHEZ VW
Le 20 septembre 2015, le groupe automobile allemand Volkswagen a dû reconnaître sa
culpabilité dans une tricherie électronique concernant les émissions polluantes de ses
moteurs diesel vendus partout dans le monde. Cela a entrainé le limogeage de Martin
Winterkorn alors dirigeant du groupe.
Le nouveau dirigeant Matthias Müller met alors en œuvre une communication défensive
face aux plaintes des consommateurs qui se multiplient, aux enquêtes policières et aux
poursuites judiciaires dans de nombreux pays. VW maintient ainsi ses campagnes publi-
citaires (en abandonnant néanmoins son fameux slogan «  Das Auto  ») et promet des
indemnisations pour les clients concernés. Le dirigeant a fait acte de repentance devant
les autorités américaines, les médias, et a demandé « pardon aux actionnaires pour avoir
trahi leur confiance  » lors de l’explosive assemblée générale des actionnaires de
juin 2016. C’est à cette époque qu’est aussi annoncé le plan « Strategy 2025 » axé sur les
véhicules électriques, en tournant le dos au diesel comme pour faire peau neuve. Néan-
moins, le groupe croule sous le poids des indemnisations aux USA et en Europe, et
certains observateurs mettent en doute sa capacité de financer la stratégie annoncée.

POUR EN SAVOIR PLUS


Argyris (C.), Savoir pour agir, Dunod, 2003.
Argyris (C.) et Schön (D.A)., Apprentissage organisationnel. Théorie, méthode, pratique,
De Bœck Université, 2001.
Balogun (J.) et Hope Hailey (V.), Stratégies du changement, Pearson Éducation, 2005.
Bernoux (P.), Sociologie du changement, Le Seuil, 2004.
Carton (G.), Éloge du changement, Village Mondial, 2011.
Dupuy (F.), L’alchimie du changement. Problématique, séquencement et stratégie du
changement, Dunod, 2006.
Durand (J-P.) et Weil (R.), Sociologie contemporaine, Vigot, 2006.
Drucker (P.), Structures et changement, Village Mondial, 1996.
Grouard (B.) et Meston (F.), L’entreprise en mouvement. Conduire et réussir le change-
ment, Dunod, 2005.
Grove (A.), Seuls les paranoïaques survivent, Village Mondial, 2004.
Krasensky (P.) et Zimmer (P.), Surtout ne changez rien. Pourquoi résistons-nous tant au
changement ?, Les Éditions d’Organisation, 2005.
Néré (J.-J.), Le management de projet, coll. Que sais-je ?, PUF, 2015.
Pastor (P.), Gestion du changement, éditions Liaisons sociales, 2005.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
522 Management et économie des entreprises

Pettigrew (A.), Whipp (R.), Managing change for competitive success, Blackwell Publi-
shing, 1991.
Rondeau (A.) et Alii, «  La gestion du changement stratégique dans les organisations
publiques », Télescope, Revue d’analyse comparée en administration publique, Qué-
bec, vol. 14, no 3, Automne 2008.
Serres (J-C.), Le management agile  ! Construire et accompagner le changement,
AFNOR, 2007.
Silberzahn (P.), Bienvenue en incertitude, Nature Rerum Éditions, 2018.
Soparnot (R.), Le management du changement, Vuibert, 2010.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
CHAPITRE 24 Chapitre 24 – L’entreprise dans la société 523

L’entreprise
dans la société

« Il s’agit […] de remettre l’économie à sa


vraie place, importante mais subordonnée à
des impératifs sans le respect desquels elle ne
peut que s’autodétruire en détruisant la res-
source humaine qu’elle prétend servir. »
René Passet, professeur émérite de sciences économiques
à l’Université Paris-I, membre du Collegium international
éthique, politique et scientifique.

« La manière dont nous investissons crée le


monde dans lequel nous vivons. »
Amy Domini, pionnière des fonds éthiques, fondatrice
en 1990 du Domini Social Equity Fund (USA).

I. Le développement durable,
l’éthique, la citoyenneté
et la responsabilité sociétale
de l’entreprise
Dans l’absolu, l’idée d’un développement économique durable corres-
pond à mettre en œuvre ce qui permet de répondre aux besoins des
générations actuelles, sans pour autant compromettre les chances des
générations futures de pouvoir satisfaire un jour leurs propres besoins.
À partir de ce concept, la société et les parties prenantes de l’entreprise
font peser sur elle une responsabilité sociétale qu’elle doit assumer afin
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
524 Management et économie des entreprises

de ne pas dégrader son image et perdre la confiance de ses publics et


partenaires.

A. À quoi correspond le développement


durable pour les entreprises ?
a. Définition
Selon la conférence des Nations unies sur le commerce et le développe-
ment de 1992 (dite « Sommet de la Terre de Rio ») le développement
durable est celui qui se déroule suivant trois axes : c’est un développe-
ment économiquement efficace, socialement équitable et écologique-
ment soutenable.

b. Son application aux entreprises


Selon le MEDEF, « le développement durable s’impose progressivement.
Il permet de concilier efficacité économique, équité sociale et responsa-
bilité environnementale ». Après avoir rappelé que la création de valeur
est la principale fonction de l’entreprise, l’organisation patronale
affirme : « en s’engageant dans une démarche de développement durable,
[l’entreprise] ne choisit pas de renoncer à la rentabilité. Au contraire,
elle décide en effet de s’engager dans un processus d’amélioration conti-
nue afin de pouvoir répondre le mieux possible à l’ensemble de ses
parties prenantes : actionnaires, partenaires financiers, clients, collabo-
rateurs, représentants de la société civile ».
On peut considérer par ailleurs que s’engager dans une démarche de
développement durable est pour les grandes entreprises une nécessité
pour leur développement à long terme. La démarche de développement
durable correspond au niveau de l’entreprise à la prise en compte d’une
responsabilité sociétale (ou sociale) de celle-ci (RSE) dans ses activités
techniques et économiques.

B. La responsabilité sociétale des entreprises


a. Définition
Selon l’International Standard Organisation (Extrait d’ISO 26000 :
2010) :
« La responsabilité sociétale est la responsabilité qu’ont les organisa-
tions vis-à-vis de leur impact sur la société et sur l’environnement, telle
qu’observée au niveau d’un comportement éthique et transparent qui :
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 24 – L’entreprise dans la société 525

– contribue au développement durable, y compris à la santé et au bien-


être de la société ;
– prend en compte les attentes des parties prenantes ;
– respecte les lois en vigueur tout en étant en cohérence avec les normes
internationales de comportement ;
– est intégré dans l’ensemble de l’organisation et mis en œuvre dans ses
relations. »
La définition d’une responsabilité sociétale pour une entreprise serait
finalement l’un des moyens nouveaux de réconcilier l’économie et la
société. Les grandes entreprises en particulier se devraient, en tant
qu’institutions fondamentales de notre système économique, de
répondre à une demande de moralisation de l’économie de la part de la
société. Elles devraient exercer un rôle sociétal en s’engageant dans un
« développement durable ».
Certains souhaitent voir défini un « objet social étendu »1 de l’entreprise
dans le Code civil français (par la réécriture des articles 1832 et 1833)
afin d’intégrer cette responsabilité sociétale à côté de la profitabilité
d’une société, qu’elle soit civile ou commerciale2.

b. RSE et citoyenneté d’entreprise


La citoyenneté d’une entreprise est le respect d’un certain nombre de
valeurs qu’elle entend partager avec la société au sein de laquelle elle se
développe. Elle se traduit généralement par des actions citoyennes (ou
sociétales) qui améliorent l’image de l’entreprise. Celle-ci apparaît
comme « socialement correcte » en respectant des valeurs qui sont
dominantes dans la société. L’entreprise essaie ainsi de sortir de son
« ghetto » pour devenir « citoyenne » et participer à un « développe-
ment durable ».
Il s’agit donc d’une notion voisine de la RSE mais qui mérite d’en être
distinguée dans la mesure où la citoyenneté est considérée comme une
démarche délibérée de l’entreprise qu’elle peut concrétiser comme elle
l’entend tandis que la RSE lui est « imposée » par ses parties prenantes
dans les trois domaines, économique, social et environnemental.

c. Critiques de la notion de RSE


Le concept qui a été créé par des ONG est progressivement devenu une
notion « fourre-tout » qui englobe aussi bien la lutte contre les inégali-

1.  V. Le rapport de la mission « Entreprise et intérêt général », mars 2018.


2.  Blanche Segrestin, Kevin Levillain, Stéphane Vernac et Armand Hatchuel in La « Société
à Objet Social Étendu », un nouveau statut pour l’entreprise.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
526 Management et économie des entreprises

tés, le respect des équilibres naturels, le respect des droits de l’homme,


le progrès social, etc.
De plus, alors qu’initialement cette notion a permis de mettre en lumière
les effets négatifs du modèle de développement économique contempo-
rain, elle s’est progressivement émoussée dans la mesure où les diri-
geants d’entreprise et les hommes politiques se sont appropriés ce
concept qu’ils ont intégré dans leur discours, souvent de façon incanta-
toire, sans pour autant changer fondamentalement leur conception du
développement.

d. Mise en œuvre
L’entreprise peut intégrer des priorités sociétales dans ses choix de ges-
tion (ex. : investissements réducteurs de pollution, accueil de stagiaires)1
ou agir en dehors de sa sphère d’activité par son savoir-faire en prêtant
du personnel et de l’équipement à des projets culturels (on parle alors
parfois de mécénat de compétences) ou par des investissements spéci-
fiques (fondations et autres actions de mécénat). (V. aussi chapitre 5,
p. 93).
Les entreprises doivent cependant se soumettre à des contraintes de
rentabilité à court terme qui peuvent les amener en cas de difficultés à
mettre spontanément entre parenthèses leurs préoccupations sociales et
écologiques.
Le contraste entre les principes affichés et certains plans de réduction
du personnel souligne les limites d’une telle démarche.

b. L’éthique d’entreprise
a. Définition
C’est l’affirmation de règles d’action que certaines entreprises s’engagent à respecter
vis-à-vis de leurs partenaires et parties prenantes, voire de l’ensemble de la société.

Le besoin d’éthique peut résulter de la grande diversité des conduites


d’entreprise qui sont observables dans la vie des affaires. Certaines
entreprises souhaitent affirmer leur différence en annonçant leur enga-
gement à respecter certains principes moraux. Ces règles d’action
peuvent d’ailleurs compléter la législation dans les domaines écolo-
giques ou sociaux. L’éthique peut se traduire par des interventions de
l’entreprise dans différents domaines socioculturels.

1.  Ainsi le groupe Unilever a-t-il lancé un plan Vitality 2005-2010 dans toutes ses usines
pour développer l’éco-efficacité et l’éco-conception dans l’entreprise.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 24 – L’entreprise dans la société 527

Lorsque plusieurs entreprises appartiennent à un ordre, une association


professionnelle ou un réseau, il est fréquent que des principes compor-
tementaux communs soient définis. Ils constituent alors une déontologie
qui s’impose à toutes pour conserver leur agrément ou leur label.
EXEMPLE
Les règles déontologiques de l’ordre des experts comptables.

b. Finalités
L’éthique de l’entreprise, qui s’intègre le cas échéant dans un projet d’en-
treprise, est surtout un moyen d’entretenir une image positive et de
cultiver la confiance de ses différents publics, internes et externes. Son
développement est incontestablement lié à l’importance croissante de
l’opinion publique pour l’entreprise, c’est-à-dire l’opinion des parties
prenantes de la grande entreprise : actionnaires, clients, salariés, parte-
naires économiques, pouvoirs publics. Sans cette démarche, les activités
de l’entreprise rencontreraient parfois une hostilité de leur environne-
ment, capable de mettre en échec leur stratégie. Elle est donc souvent un
des moyens utilisés par les firmes pour tenter de maîtriser leur image.
Anne Salmon, Sociologue à l’université de Caen, s’interroge à ce sujet
« Mais peut-on fabriquer de toutes pièces une éthique et la diffuser
comme on organise une campagne publicitaire ? C’est l’une des ques-
tions que pose aujourd’hui le bricolage coloré de références multiples
(religieuses, culturelles ou philosophiques) mises au service d’un projet
de mobilisation des salariés auquel on assiste dans les entreprises. »1
EXEMPLE
Le code éthique du groupe Valéo (mars 2005) se décline en 4 orientations : Respect
des droits fondamentaux ; Soutien du développement durable ; Éthique de conduite
des affaires ; Éthique des conduites professionnelles.

La question de la dénonciation des manquements à l’éthique


En France, la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés autorise
(novembre 2005) la mise en place par les entreprises d’une ligne téléphonique d’alerte
éthique dans le but de lutter contre la corruption (sans autorisation préalable de la CNIL)
ou de lutter contre le harcèlement ou les manquements aux règles internes de l’entreprise
(règlement intérieur, charte éthique, etc.) mais après l’autorisation expresse de la CNIL.
Depuis 2016, la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la
modernisation de la vie économique protège les lanceurs d’alerte. La loi française établit
pour certains professionnels, une obligation de révéler certaines pratiques illicites
qu’ils auraient pu constater (commissaires aux comptes concernant les comportements
délictueux des dirigeants ; avocats, notaires et experts-comptables concernant les
soupçons de blanchiment d’argent ; salariés témoins de discrimination ou de harcèlement).

1.  Alternatives économiques, no 221, janvier 2004.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
528 Management et économie des entreprises

Certains souhaiteraient que les entreprises, dans leur effort de citoyen-


neté et leur démarche éthique, respectent d’abord plus scrupuleusement
le code du travail, ne serait-ce qu’en ce qui concerne l’insertion des
personnes handicapées.

D. Comment apprécier la responsabilité


sociétale (ou sociale) d’une entreprise ?
a. Les critères et moyens d’évaluation
La RSE est mesurable par les partenaires de l’entreprise. Ceux-ci
peuvent alors s’appliquer à l’évaluer selon des critères sociaux et envi-
ronnementaux. Les Anglo-Saxons dont l’expérience d’une économie
libérale est devenue traditionnelle, ont développé un certain nombre
d’outils de mesure de la citoyenneté qui ont été adoptés et complétés par
les Européens.
– La « notation sociale » consiste en une évaluation par des cabinets
d’audit social indépendants, des comportements de l’entreprise dans
différents domaines (environnement, promotion des femmes, mécénat,
gestion du personnel, etc.). Certains proposent même aujourd’hui en
France d’auditer écologiquement de manière obligatoire les grandes
sociétés, comme cela est fait en matière comptable et financière
(comptes annuels) ou sociale (bilan social).
– Une normalisation des critères d’évaluation utilisés dans le domaine
« sociétal » a été réalisée (norme « SA 8000 » dans le domaine du
droit du travail sur la base du respect des conventions de l’OIT et
norme ISO 26 000 relative au comportement sociétalement respon-
sable des entreprises). Les entreprises certifiées peuvent ensuite le
faire savoir sur leurs produits ! Depuis 1997, une Global reporting
initiative (GRI) propose aux entreprises un cadre de travail commun
pour l’élaboration des rapports concernant le développement durable.
Les Nations Unies ont proposé aux entreprises depuis 2000 un Pacte
Mondial (Global Pact) qui pose les principes d’une attitude sociale-
ment responsable.
– L’obligation créée par la loi française (dite « Grenelle 2 ») pour les
entreprises cotées et celles dépassant certains seuils fixés par décret1,
de faire figurer dans leur rapport annuel des informations concernant
la façon dont celles-ci prennent en compte « les conséquences sociales
et environnementales » de leur activité. Ces informations sociales,

1.  CA > 1 Md€ et > 5 000 employés et CA > 400 M€ et > 2 000 employés et CA > 100 M€ et


> 500 employés (CA = chiffre d’affaires ou total du bilan de l’entité sociale).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 24 – L’entreprise dans la société 529

environnementales et sociétales doivent faire l’objet d’une vérification


par un audit indépendant.
– Les choix des fonds de pension éthiques mettent en concurrence les
grandes entreprises sur la base de certains critères « sociétaux ». Ces
fonds voient leur part grandir (10 % de la capitalisation boursière aux
États-Unis).
– La société américaine Dow Jones a ainsi créé un indice européen des
valeurs éthiques, concernant 255 sociétés.
L’indice Aspi Eurozone, calculé depuis juillet 2001 est aujourd’hui porté
par l’agence de notation Vigeo. Il mesure la performance boursière d’en-
viron 120 sociétés de la zone euro sélectionnées selon des critères
sociaux, environnementaux et de gouvernance d’entreprise.

b. La question de la compatibilité entre l’intérêt


des entreprises et l’intérêt général
La responsabilité sociétale (ou sociale) de l’entreprise et le développe-
ment de l’éthique d’entreprise reviennent finalement à poser la question
des moyens de la compatibilité entre l’intérêt de l’entreprise et celui de
la société tout entière.
Une problématique équivalente consiste à se demander si et comment
l’entreprise peut intégrer ses activités dans un « développement
durable ». C’est l’idée que défend l’agence Innovest selon laquelle il
existe une corrélation entre la performance environnementale et la per-
formance économique de l’entreprise.1
Cette question a été mise en relief par le rapport « L’entreprise, objet
d’intérêt collectif » remis au gouvernement français par N. Notat et
J.-D. Senart en mars 2018 dans le cadre d’une mission « Entreprise et
intérêt général ».

Le rapport de la mission « Entreprise et intérêt général »


Les auditions de 200 chefs d’entreprise ont permis aux rapporteurs de dresser un état des
lieux et des attentes et de formuler des recommandations. Il apparaît que la présence de
fonds anglo-saxons dans le capital des grandes entreprises a pour conséquence une
pression pour accorder une priorité au court terme et aux résultats financiers tandis que les
parties prenantes des entreprises expriment des attentes croissantes vis-à-vis de celles-ci.
Selon ce rapport « une entreprise a une raison d’être non réductible au profit » qui « se
définit comme ce qui est indispensable pour remplir l’objet social, c’est-à-dire le champ
des activités de l’entreprise ». Or, les Français manifestent une certaine méfiance vis-à-vis
des entreprises, la RSE souvent annoncée étant souvent considérée comme un argument
de communication.
3

1.  Innovest calcule l’« alpha » d’une entreprise, c’est-à-dire la plus-value économique résul-
tant de la prise en compte de facteurs de développement durable.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
530 Management et économie des entreprises

Il conviendrait donc de « redonner de la substance à l’entreprise » en conciliant son but


lucratif avec ses responsabilités sociales et environnementales. Parmi les nombreuses
recommandations des rapporteurs, on peut noter celle de modifier l’article 833 du Code
civil et l’article L. 225-35 du Code de commerce pour intégrer les enjeux sociaux et
environnementaux de l’activité de l’entreprise dans son objet social ; celle d’inscrire dans
notre droit la possibilité d’« entreprises à mission ».
Il conviendrait également, selon le rapport, de renforcer la présence des administrateurs
salariés dans les conseils d’administration des SA puis des SAS, d’inciter les grandes
entreprises à créer des comités des parties prenantes et de faire évoluer les normes
comptables afin qu’elles intègrent la RSE des entreprises.

II. L’intérêt de l’entreprise est-il


compatible avec l’intérêt général ?
A. La thèse libérale
A. Smith (Essai sur la richesse des nations, 1776) a développé la thèse
selon laquelle dans une économie de marché, la recherche par chaque
agent économique, de son propre intérêt, sert de la façon la plus efficace,
l’intérêt de la société tout entière. L’optimum parétien, défini par
V. Pareto (Manuel d’économie politique, 1927) prétend vérifier cette
thèse à partir du modèle de concurrence pure et parfaite selon lequel la
compatibilité entre l’intérêt de l’entreprise et l’intérêt général va de soi,
pour peu qu’aucune intervention publique ne vienne fausser le jeu des
mécanismes du marché.
C’est cette vision simpliste qui a refait surface dans les années 1980 du
siècle dernier sous l’influence de l’école dite de Chicago, incarnée sur le
plan politique par des dirigeants conservateurs comme George Bush et
Margareth Tatcher mais aussi par la Commission européenne. Au mépris
des leçons de l’histoire, ce retour du classicisme économique a conduit
à la dérégulation internationale des marchés financiers et à ses consé-
quences négatives sur l’économie, l’emploi et la vie sociale dans les pays
européens.

B. Les leçons de l’histoire et de l’actualité


économique et sociale
La grande crise des années 1930 a, plus que toute autre crise écono-
mique, montré les limites de la régulation exclusive par le marché mais
la crise contemporaine nous montre que les instruments de régulation
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 24 – L’entreprise dans la société 531

économique forgés par les États au siècle dernier sont impuissants à


contrôler les dysfonctionnements engendrés par le système financier
internationalisé.
De plus, la seule mécanique du marché dispense l’entreprise d’obliga-
tions sociales vis-à-vis des salariés (condition ouvrière au xixe siècle et
dans les pays du Tiers-monde de nos jours ; chômage ; risques sociaux
liés au travail), vis-à-vis de l’environnement naturel (encombrement de
l’espace, nuisances, pollution), et vis-à-vis du régime économique dans
lequel elle se développe (concentration et ententes qui affaiblissent la
concurrence).
En effet toutes ces conséquences n’ont a priori pas de coût pour l’entre-
prise et sont donc externes à son calcul économique (« externalités »).
Certes, les entreprises produisent également des avantages dont elles ne
tirent pas un gain monétaire, on parle d’économies externes que l’on
oppose à leurs effets externes négatifs (déséconomies externes). Ces éco-
nomies externes (emplois, distribution de revenus, expérience profes-
sionnelle, effets d’entraînement…) doivent être ajoutées à la production
de l’entreprise pour comptabiliser tous les avantages qu’elle apporte à
la société. Ces avantages devront être comparés aux effets externes
négatifs que constituent les fermetures d’établissements, les licencie-
ments, la pollution et autres nuisances, les risques éventuels supportés
par les voisins de l’entreprise, voire ses clients, etc.
L’obligation qui incomberait raisonnablement à l’entreprise serait d’ap-
porter finalement à la collectivité, un « avantage net ».

Une analyse critique de l’« intégrisme économique » de nos sociétés

« La concurrence ne serait un guide que si le théorème de maximisation du rendement


social était conforme à la réalité […] L’économie concurrentielle est semblable à un
véhicule doté d’un moteur, mais non d’un conducteur. Plus le moteur est puissant, plus ce
véhicule est dangereux. »
[…]
« Dans nos cultures, le concept de “propriété” n’est pas limité aux individus ; celui de
“propriété collective” a été depuis longtemps introduit. Il faut maintenant aller plus loin et
adopter le concept de “propriété de l’espèce”. Il concerne les biens qui doivent être
préservés non seulement au profit de l’ensemble des vivants, mais au profit de tous les
hommes présents et à venir jusqu’à la fin de l’humanité. »
[…]
« Aujourd’hui, plus sans doute que jamais au cours de notre histoire, nous sommes face à
une bifurcation : d’un côté la voie facile de la domination de quelques-uns sur la multitude
des plus démunis – une société fondamentalement esclavagiste, efficace, ordonnée, mais
où la presque totalité des hommes vivront sans espoir – ; de l’autre, le chemin escarpé,
périlleux, d’une recherche de l’égalité entre tous les membres de l’espèce, la construction
jamais achevée d’une société où tous les hommes se sentiront chez eux partout sur la Terre
des Hommes. »
Extraits de J’accuse l’économie triomphante, Albert Jacquard, 1995.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
532 Management et économie des entreprises

C. Les facteurs de compatibilité


a. La quête de légitimité
L’entreprise manifeste un souci permanent de légitimité qui s’explique
par le fait qu’elle ne peut pas prospérer dans un environnement hostile.
Elle doit donc agir en conformité avec les exigences de ses principaux
interlocuteurs : les pouvoirs publics, les publics internes de l’entreprise
(salariés et actionnaires), les publics externes (consommateurs, fournis-
seurs, opinion publique…).
C’est dans ce contexte que peuvent être interprétées les actions socié-
tales de l’entreprise (cf. l’éthique, la citoyenneté et la RSE). D’autant que
les problèmes sociaux liés à la déréglementation ouvrent un large champ
aux activités citoyennes…
Pour autant, le degré de conscience citoyenne des actionnaires est très
variable d’un individu à l’autre. Par ailleurs, les systèmes qui ont été
mis en place pour permettre un contrôle effectif par les actionnaires de
la gestion des dirigeants (v. la théorie de l’agence et la corporate gover-
nance) sont devenus de moins en moins probants du fait du nombre
croissant des intermédiaires : gestionnaires de fonds de pension, logi-
ciels de gestion de portefeuille de valeurs, conseillers spécialisés. Ce
manque de contrôle est mesurable par les rémunérations astronomiques
qui ont été parfois versées à des dirigeants particulièrement inefficaces
(ex. du scandale lié aux conditions de rémunération d’un ex-dirigeant
du groupe Lafarge en 2015).

b. L’action des pouvoirs publics


1. Par le développement et l’adaptation de la législation
Elle fixe les « règles du jeu économique et social » que les entreprises
doivent respecter afin de servir l’intérêt général, tel qu’il est compris
par le législateur : législation du travail et de la sécurité sociale, protec-
tion des consommateurs, concurrence et prix, droits des actionnaires,
droits des créanciers, protection de la nature…
Les grandes sociétés de droit français ont vu leurs obligations de repor-
ting extra-financier étendues par l’article 225 de la loi Grenelle 2.
C’est dans ce registre règlementaire que se place la revendication de la
définition d’un « objet social étendu » de l’entreprise (v. supra).
D’autres auteurs considèrent que la règlementation devrait encadrer
beaucoup plus strictement les entreprises pour fixer les limites de toute
action entrepreneuriale afin qu’elle respecte un droit de la nature
adapté aux contraintes écologiques et climatologiques de notre monde.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 24 – L’entreprise dans la société 533

2. Par la politique économique


Elle tend à orienter les choix des entreprises afin qu’ils soient conformes
à l’intérêt général : politique structurelle, prévisionnelle (indicative),
aménagement du territoire, régionalisation, politique industrielle… et
politique conjoncturelle (fiscalité, dépenses budgétaires et subventions,
politique du change, politique salariale, lutte contre l’inflation…).
Il apparaît ainsi que le soutien public à la recherche joue un rôle fonda-
mental dans la croissance économique et l’emploi. J. Schumpeter puis
J. Fourastié avaient montré au siècle dernier l’importance du progrès
technique dans la croissance économique. Les statistiques les plus
récentes montrent que ce sont les pays développés qui fournissent les
plus gros investissements en R&D qui ont les taux de chômage les plus
faibles. Par ailleurs, la R&D semble le seul moyen de réconciler l’activité
économique et le respect des équilibres naturels.
Cependant, les politiques économiques nationales ne suffisent plus.
Ainsi, au niveau européen, l’absence d’une politique budgétaire et éco-
nomique commune fragilise l’Union comme chacun des pays membres.

c. L’action des partenaires de l’entreprise


1. L’attitude des salariés
Le climat social de l’entreprise et les attentes des salariés, les risques de
conflits sociaux, pèsent sur les choix de l’entreprise. Le rôle des syndi-
cats est ici important. L’influence des salariés est d’autant plus forte que
l’entreprise cherche à les intégrer et à les associer à sa stratégie.
Par ailleurs, l’objet social étendu de l’entreprise, prôné par certains
devrait selon eux, s’appuyer sur un conseil des parties prenantes qui
ferait une place aux représentants des salariés, des sous-traitants, des
clients et des collectivités territoriales à côté de ceux des actionnaires.
On peut remarquer que la représentation des salariés dans les organes
de gestion est restée jusqu’à aujourd’hui limitée en France, du fait de
l’hostilité du Medef et de l’AFEP.

2. L’attitude des clients


Les citoyens-clients peuvent faire pression sur les entreprises en favori-
sant certains produits plus écologiques ou certaines marques plus
citoyennes. Ils peuvent également boycotter certaines entreprises à la
suite de divers événements auxquels elles se trouvent mêlées (ex. : la
catastrophe de l’Erika pour le groupe Total).
Diverses associations se sont orientées vers la certification des produits
« issus du commerce équitable » (ex. : Association Max Havellar ; http://
maxhavelaarfrance.org).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
534 Management et économie des entreprises

3. L’attitude des épargnants


Les épargnants apprennent progressivement à orienter leurs capitaux
vers des formes de placements sélectifs que les journalistes se sont
empressés de qualifier de « fonds communs de placement éthiques ».
Le point de vue des fonds « éthiques »
« On ne peut pas s’abstraire de la sphère économique ni nous désintéresser de la marche
du monde, des régimes oppressants, de l’exploitation des enfants, de l’exclusion sociale.
On a l’obligation de réagir devant les injustices, de manifester chaque fois qu’on le peut en
faveur des solidarités, et de faire pression comme citoyens, comme actionnaires. Il me
semble d’ailleurs que les gens sont de moins en moins passifs. Voyez ce qui s’est passé à
Seattle. Voyez les propositions du groupe Attac ou de l’association Agir ici. Eh bien, notre
démarche s’inscrit un peu dans la même mouvance. Nous ne levons pas le poing, nous ne
nions pas la mondialisation. Mais nous demandons qu’elle respecte les valeurs liées à la
dignité des hommes. »
Sœur Michèle, économe des Petites-sœurs de l’Assomption qui est l’une
des congrégations participant au fonds éthique français « Nouvelle stratégie 50 »,
citée par Le Monde du 2 juin 2000, in « Les religieuses à l’assaut du CAC 40 ».

Ces fonds font désormais l’objet d’une notation (rating) de la part


d’agences comme Novethic et Arese et ont de plus en plus la faveur des
épargnants car ils obtiennent souvent des performances comparables ou
même supérieures à la moyenne des autres produits de même catégorie
(ex. : Macif Croissance Durable ; Branics Éthique ; Storebrand Principle
Europe Fund ; Robeco Hommes Terre Expansion, etc.).
Le rôle de l’ORSE
Un Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises (ORSE) existe depuis l’an
2000 sous une forme associative afin d’assurer une veille permanente sur les questions de
responsabilité sociétale et environnementale des entreprises (RSE), d’investissement
socialement responsable (ISR) et de développement durable. L’ORSE vise à promouvoir la
RSE au sein des organisations, travaille avec les acteurs du secteur financier et de
l’assurance afin de promouvoir la RSE, conseille les entreprises dans leur démarche sociale
et sociétale.
L’ORSE gère un site Internet voué au reporting RSE des grands groupes internationaux
(www.reportingrse.org).

d. L’attitude du grand public et l’émergence


d’une « société civile »
L’influence de la société civile est d’autant plus grande qu’elle s’est pro-
gressivement dotée d’instruments d’information et de représentation :
associations de défense des consommateurs, associations de protection
de la nature et de l’environnement, associations d’épargnants, Blogs,
pages internet et autres forums en ligne. Toutes ces ONG permettent aux
citoyens un engagement à la carte qui s’accorde aux modes de vie
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 24 – L’entreprise dans la société 535

contemporains (ex. : UFC-Que choisir, WWF, Les amis de la Terre, Food-


watch, Hop, Sherpa, etc.). Elles agissent en justice le cas échéant (pour
défendre les intérêts communs des adhérents ou par action de groupe).
Ces groupements qui ne sont pas assujettis à l’État ou à une collectivité
publique, ni à des entreprises, cherchent aujourd’hui à produire des
règles de la vie en société afin de préserver certaines valeurs (protection
de la nature, des droits de l’Homme, de l’enfance, de la liberté d’opi-
nion), donnant ainsi un pouvoir réel à ce que l’on appelle la société
civile, et cela, au-delà des frontières.
L’internationalisation de la société civile s’explique à la fois par la néces-
sité de faire pression sur les organisations et conférences internationales
qui prétendent régenter la planète sans qu’aucun contrôle démocratique
ne s’exerce sur eux et par le développement des moyens d’information
et de communication (TIC). (ex. : http://www.france.attac.org/ ou https://
www.greenpeace.fr/ ou https://www.halteobsolescence.org).

D. Les limites apportées par


l’internationalisation des marchés
a. Le retour à la loi du marché
La mondialisation de l’économie impose aux entreprises, de manière
prioritaire la recherche de la compétitivité économique et apporte aux
États le souci d’une « compétitivité globale de la cité ».
En effet, faute d’institutions, de coordinations internationales suffisam-
ment puissantes et organisées (v. : les limites des réunions du G8 et du
G20 sur le plan économique, ou celles du rôle du FMI sur le plan moné-
taire international), il devient de plus en plus délicat d’imposer cer-
taines contraintes de citoyenneté aux entreprises car celles-ci mettent
en concurrence les États.

b. La compétition entre pays


De telles contraintes (de protection de l’environnement, de réglementa-
tion du travail, de protection des consommateurs…) sont vite interpré-
tées comme des handicaps par les dirigeants des entreprises, parfois
prompts a délocaliser leurs établissements pour y échapper, créant ainsi
un surcroît de compétition entre pays1.

1. Selon P.R. Krugman, cette obsession de la compétitivité internationale est une erreur


d’analyse qui fausse dangereusement les politiques économiques (in La mondialisation
n’est pas coupable).
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
536 Management et économie des entreprises

La mise en compétition des différents pays entre eux


Différentes évaluations des pays sont ainsi pratiquées, aboutissant parfois à une simple
notation, parfois à un classement. Il s’agit d’un véritable étalonnage (benchmarking) des
pays, dans différents domaines qui ont un impact économique ou financier plus ou moins
immédiat. On peut évoquer ici quelques exemples.
– Le « baromètre de l’attractivité européenne » du cabinet de conseil Ernst & Young qui
publie désormais chaque année un tel indicateur décliné ensuite par pays. Cet outil mesure
les implantations d’entreprises étrangères. La France n’est plus que le troisième pays
d’accueil d’investissements étrangers de l’Union européenne, derrière le Royaume Uni et
l’Allemagne. Dans l’économie mondialisée, la course à l’accueil d’entreprises s’exerce
pleinement.
– La notation par les agences de rating financier Moody’s, Standard & Poor’s et Fitch
Ratings s’applique aux différents pays et certains voient le cas échéant leur crédibilité
déclassée (crise grecque de 2010) avec des conséquences considérables sur la gestion de
leurs comptes publics. Ces « agences indépendantes » qui émergent du fonctionnement
du marché financier mondialisé exercent des contraintes fortes sur les politiques menées
par les États. De même l’OCDE a mis en place depuis 1999 un système d’évaluation des
risques de crédit par pays et de classement des pays en huit catégories de risque (de 0 à
7). La banque mondiale quant à elle s’applique à mesurer l’attractivité fiscale des pays et
propose également un classement « doing business ».
– En matière éducative, PISA est une enquête menée tous les trois ans auprès de jeunes
de 15 ans dans de nombreux pays. Elle débouche sur un classement des pays selon
certains critères axés sur l’aptitude des élèves à appliquer les connaissances et sur la
capacité à suivre ultérieurement une formation tout au long de la vie.

Malgré certains efforts de l’Union européenne, la « déréglementation


compétitive » finit par être la cause de dommages difficilement répa-
rables. Un sentiment de précarité se développe dans un environnement
économique et social dévasté (chômage de longue durée), caractérisé par
une baisse du pouvoir d’achat de certaines catégories (en France, les
petits retraités et les agriculteurs depuis 2001).
Les pays développés ne parviennent pas à répondre, sur les plans insti-
tutionnel, politique et réglementaire, aux problèmes que pose l’interna-
tionalisation des activités économiques, en ce qui concerne la préserva-
tion de l’intérêt général et de la cohésion sociale. Les entreprises ne
peuvent, dans ces conditions, qu’obéir à la loi du marché mondialisé et
déréglementé.
Pour conclure, citons A. Benassy-Quéré1 qui, à propos des marchés
financiers, remarquait : « les hommes politiques agissent dans un cadre
national et il est très difficile pour eux de se concerter. Tant que les gou-
vernements n’auront pas de réponse multinationale, les investisseurs
trouveront toujours un moyen d’échapper aux règles ».
Cela s’applique aux grandes entreprises et non pas aux PME-PMI qui
demeurent sous l’emprise des politiques nationales.

1.  A. Benassy-Quéré, professeur d’université, membre du Cercle des économistes.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 24 – L’entreprise dans la société 537

III. Les risques liés au développement


d’une « marchandisation »
de la culture par les entreprises
A. L’émergence d’une économie culturelle
Parmi d’autres auteurs, J. Rifkin remarque l’avènement d’une ère post-
moderne largement favorisée par le développement des réseaux de com-
munication et de « la logique de l’accès ». Ce que l’on a parfois appelé
l’âge de la communication est aussi une société de « la culture consumé-
riste ». Selon le futurologue A. Toffler, « les fabricants d’expérience
finiront par être un des secteurs fondamentaux […] de l’économie ». Les
industries de l’expérience englobent un grand nombre d’activités cultu-
relles de tourisme et de loisir. C’est ainsi l’expérience humaine qui se
trouve « marchandisée » dans un nombre croissant de ses aspects. Cela
se traduit également par une théâtralisation de l’activité économique et
de la vie sociale. La production culturelle deviendrait même le premier
secteur de l’activité économique des pays développés, en s’appuyant
notamment sur internet et la révolution numérique.
Selon J. Rifkin, « la postmodernité correspond à une époque du capita-
lisme qui repose sur la marchandisation du temps, de la culture et de
l’expérience, tandis que la modernité était liée à une phase antérieure
reposant sur la marchandisation de la terre et des ressources naturelles,
l’extension du salariat, la production industrielle de biens matériels et
la fourniture de services de base ».
Néanmoins, l’accès à cette économie culturelle est loin d’être généralisé
à la population du monde et à l’ensemble de la population des pays
développés.

B. Les conséquences sociétales


a. Une nouvelle source d’inégalité et d’exclusion
On observe de fortes inégalités dans l’accès aux réseaux. Les 2/3 de la
population mondiale sont complètement déconnectés des réseaux de
télécommunication au sens large. Concernant plus particulièrement
internet, en 2017, il n’y avait au niveau mondial que 51 % de la popula-
tion qui utilisait ce réseau contre 84 % en Europe et 88 % en Amérique
du Nord.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
538 Management et économie des entreprises

b. L’évolution des comportements dans les sociétés


connectées
Selon R.J. Lifton, on assisterait à la montée d’une nouvelle génération
d’individus « protéiformes » parce qu’appartenant à de nombreux
réseaux principalement virtuels, celle que d’autres ont appelé la « géné-
ration Y » ou « génération internet », qui confondrait facilement la
notion de citoyen avec celle de consommateur et pour laquelle l’exis-
tence consisterait en une succession de représentations et d’expé-
riences.
Selon le psychologue K. Gergen, il convient de remplacer la formule de
Descartes « Je pense donc je suis » par « Je suis connecté donc j’existe »
ce qui déboucherait sur une forme de personnalité « multiphrénique »
qui évolue au milieu de courants tout à la fois mouvants, interactifs et
contradictoires dont le stade suprême serait « le moment où le moi se
dissipe pour devenir pure relation ». L’identité serait de moins en moins
individuelle et de plus en plus relationnelle du fait de la nécessité de
s’adapter aux différentes situations auxquelles nous confronte « l’accès
universel », via internet.

c. Le contrôle de l’accès par quelques entreprises


géantes
De grandes entreprises principalement américaines (GAFA, pour Google,
Apple, Facebook, Amazon, auxquels il faut ajouter Microsoft, Yahoo,
Twitter, Instagram, etc.), s’affrontent afin de s’assurer un contrôle des
réseaux de télécommunication, du réseau internet et des contenus
échangés (informations et contenus culturels).
Le contrôle public des réseaux physiques de téléphonie ayant été aban-
donné à l’aube des années 2000 dans le cadre de l’OMC (abandon des
monopoles publics nationaux) on assiste à un mouvement de concentra-
tion qui va aboutir à une situation d’oligopole sur ce marché qui repré-
sente l’un des secteurs les plus dynamiques des économies développées.

d. L’affaiblissement des pouvoirs publics


Face à une économie à base de production culturelle mondialisée, les
pouvoirs publics tendent à voir leur rôle culturel s’affaiblir progressive-
ment du fait du décalage croissant entre le caractère territorial des
États et le caractère mondialisé du réseau internet. D’autant que la
liberté des échanges culturels et d’informations sur le net se combine
avec la dérégulation du commerce et de la finance et que les entreprises
organisées en groupes internationaux échappent de plus en plus à la
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 24 – L’entreprise dans la société 539

fiscalité grâce à une répartition efficace des activités entre leurs filiales.
Ceci est encore plus vrai si on prend en compte les activités écono-
miques croissantes réalisées sur internet, sur lesquelles il est difficile
d’exercer un contrôle précis dès qu’elles ont un caractère international
(voir aussi le chapitre 26 sur l’entreprise et la fiscalité).
POUR EN SAVOIR PLUS
ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), http://www.ademe.fr
Aguiton (C.) et ali, Attac, contre la dictature des marchés, La Dispute, 1999.
D’Almeida (N.), L’entreprise à responsabilité illimitée : la citoyenneté en question, Édi-
tions Liaisons, 1996.
Capron (M.), Quairel-Lanoizelee (F.), La responsabilité sociale d’entreprise, La Décou-
verte, 2016.
CJD, L’entreprise citoyenne, juin 1992.
Dion (M.) et Wolff (D.), Le développement durable : Théories et application au manage-
ment, Dunod, 2008.
Faber (E.), Chemin de traverse, Albin Michel, 2011.
Forum pour une nouvelle gouvernance mondiale, Indice de la gouvernance mondiale et
Documents en débat, http://www.world-governance.org
Gazier (B.), Vers un nouveau modèle social, coll. Champs, Flammarion, 2005.
Jacquard (A.), J’accuse l’économie triomphante, Le livre de poche, 1995.
Krugman (P.R.), La mondialisation n’est pas coupable, La Découverte, 2000.
Lépineux (F.), Rosé (J.-J.), La responsabilité sociale des entreprises, Dunod, 2016.
Méda (D.), Qu’est-ce que la richesse, Aubier, 1999.
MEDEF (Mouvement des entreprises de France), http://www.medef.fr
Notat (N.), Senat (J.-D.), Rapport « L’entreprise, objet d’intérêt collectif », mars 2018.
Novethic, http:// www.novethic.fr, filiale de la Caisse des dépôts.
ORSE, http:// www.orse.org/
Quairel-Lanoizelée (F.), Capron (M.), Turcotte (M-F.), Iso 26000  : une Norme «  hors
norme » ?, Economica, 2010.
Segrestin (B.), Levillain (K.), Vernac (S.) et Hatchuel (A.) in La «  Société à Objet Social
Étendu », Un nouveau statut pour l’entreprise, Presses des Mines, 2015.
Société générale, Responsabilité sociale et environnementale, http://www.socgen.com/
rse
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
540
CHAPITRE 25
Management et économie des entreprises

L’entreprise et
l’environnement naturel

« Le désir de maintenir “le cours naturel des


choses” jusqu’à ce qu’il soit trop tard est la
plus grande menace que l’humanité fasse
peser sur elle-même. »
André Lebeau, L’enfermement planétaire, 2008.

Effet de serre, trou dans la couche d’ozone, pluies acides, pollution de


l’air et de l’eau… les exemples ne manquent pas, établissant une relation
évidente entre la production matérielle et la dégradation de l’environne-
ment. La production sans précautions particulières a entraîné des catas-
trophes écologiques majeures à tel point que la protection de l’environ-
nement devient un formidable défi où se mêlent technologies, économies
et même production. Longtemps considérée comme un frein à la crois-
sance et un facteur de surcoût, le respect de l’environnement apporte à
l’entreprise les moyens de se développer, mais autrement, dans le cadre
d’un développement durable.

I. Les risques écologiques


liés à l’activité de l’entreprise
A. Les risques liés à l’activité de production
Les risques écologiques inhérents à la production apparaissent à tous les
stades de celle-ci que ce soit en amont au niveau des approvisionne-
ments, que ce soit au cours de la production du fait de la technique uti-
lisée, ou au niveau du résultat obtenu.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 25 – L’entreprise et l’environnement naturel 541

– Les effets de la consommation des matières, l’exploitation des combus-


tibles fossiles non renouvelables (charbon, pétrole, gaz), l’épuisement
des ressources naturelles, la déforestation contribuent de manière
importante et pratiquement irréversible à la dégradation de l’environne-
ment. Le rythme de consommation est beaucoup plus élevé que celui de
la reproduction des ressources. C’est le cas du bois, du charbon, du gaz
naturel, de certains minerais et parfois de l’eau. Cela donne à l’activité
de production humaine un caractère prédateur par rapport à la nature.
– Les effets de la production et la consommation d’énergie entraînent
des rejets dans l’atmosphère : gaz carbonique (CO2) qui contribue à
« l’effet de serre ». Les rejets peuvent être habituels et on aboutit à une
externalisation des coûts1. Ils peuvent aussi être accidentels telles les
catastrophes de Bhopal en Inde, de Seveso en Italie ou la pollution du
Rhin par Sandoz en Suisse.
– Les résultats de la production sont les biens que nous consommons
mais aussi les déchets liés. Le problème des déchets ne concerne pas
uniquement les gros producteurs de la chimie ou du pétrole, le travail
des métaux (huiles de coupe usagées), les traitements de surface
(boues de meulage et hydroxydes métalliques), la peinture (boues de
peinture). Dans bien d’autres secteurs, les entreprises de toutes tailles
produisent des résidus qui se retrouvent dans les décharges.

B. Les risques liés aux produits


Les risques écologiques ne sont pas seulement dus à la fabrication, mais
ils tiennent aussi aux produits eux-mêmes.
– Les effets de l’utilisation des produits occasionnent des atteintes à
l’environnement. Il peut s’agir des transports avec la conduite automo-
bile ou aéronautique (rejet de CO2, de plomb et particules fines, de
dioxyde de carbone) qui accroissent l’effet de serre et le réchauffement
climatique. Il s’agit également de l’émission industrielle de certains
aérosols carbonés ou soufrés qui ont un effet destructeur sur la couche
d’ozone et un impact sur la météo et l’évolution climatique.
– L’élimination des produits usagés pose aussi un problème écologique.
Que faire des produits toxiques (piles contenant du mercure…) ou
même non toxiques : les décharges ne sont pas infiniment extensibles.
En France, il faut éliminer annuellement 1,5 million de véhicules hors
d’usage composés de métaux ferreux (70 % à 65 % sur les modèles
récents), de matières plastiques (10 à 15 %), de métaux non ferreux
(6 % : cuivre, aluminium), de caoutchouc (4 %), de verre (3 %) et 7 %
de matériaux divers (textiles, mousses, bois, cuir…).

1.  Externaliser les coûts : faire supporter à un autre agent ou à la collectivité, des coûts qui
vous sont propres.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
542 Management et économie des entreprises

Cette question est évidemment aggravée par la pratique de l’obsolescence


programmée pratiquée par de nombreux producteurs de biens « durables »
(Apple, Epson, Hewlett Packart, Samsung). Divers produits durables
existent pour nous rappeler qu’une autre logique de production est pos-
sible (ex. : la machine à laver « l’increvable » créée en 2015, ou l’ampoule
électrique qui fonctionne depuis 1901 à Livermore en Californie).1 L’idée
d’un indice obligatoire de durée de vie des produits fait son chemin.

II. Les apports de l’entreprise


à l’environnement naturel
Ces apports peuvent être réalisés de deux façons, soit par la technologie
utilisée, soit par le produit fabriqué lui-même.

A. Les technologies propres


La technologie propre est un procédé industriel innovant qui diminue
ou supprime les sources de pollution tout en restant économiquement
compétitif.
– Le contrôle du procédé est le niveau le plus élémentaire de la techno-
logie propre, il consiste à réaliser des économies en évitant le gaspil-
lage des matières premières ou de l’énergie (colmatage des fuites,
contrôle du débit des fluides…).
– La modification du processus de production, sans changement com-
plet se situe dans la dernière phase de mise en œuvre. Elle peut inté-
grer un recyclage des déchets, diminuer la quantité des rejets effectués
ou améliorer la qualité.
– La modification de la technologie utilisée ou changement de procédé
incarne la technologie propre par excellence. Dans le secteur du
papier, dans celui de la chimie, des gaz industriels, la mise en place de
technologies propres est en voie de devenir un enjeu stratégique.

B. Les écoproduits
Ils sont apparus à partir des années 90 dans l’industrie. Le véritable
écoproduit est celui qui respecte l’environnement aussi bien aux stades

1. Voir aussi le site de l’association HOP (Halte à l’obsolescence programmée) : https://


www.halteobsolescence.org/.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 25 – L’entreprise et l’environnement naturel 543

de l’extraction des matières premières et de la fabrication qu’à ceux de


la distribution, de la consommation et de l’élimination ou retraitement
après usage. Au niveau de l’élimination, on distingue les produits bio-
dégradables qui seront détruits naturellement par des bactéries ou
d’autres agents biologiques et les produits recyclables qui seront récu-
pérés après un traitement.
Cela signifie évidemment un investissement important en recherche et
développement pour la recherche de solutions et la multiplication des
tests d’écotoxicité des produits en développement. La recherche sur des
produits respectueux de la biosphère doit porter aussi sur l’emballage
qui est une des sources de pollution de l’environnement les plus visibles.
UN ÉCOLABEL EUROPEEN
Un écolabel européen distingue des produits et des services respectueux de l’environ-
nement tout au long de leur cycle de vie : depuis l’extraction des matières premières, en
passant par la fabrication et jusqu’à leur utilisation. Il obéit à la norme ISO 14024 et est
utilisable dans tous les pays européens. Ses exigences sont nombreuses : durée de vie,
approvisionnement durable, énergie, déchets, etc. En France, il est délivré par l’AFNOR.

C. Les éco-industries
Les activités éco-industrielles sont les « activités qui produisent des biens
et services capables de mesurer, de prévenir, de limiter ou de corriger des
impacts environnementaux tels que la pollution de l’eau, de l’air, du sol,
ainsi que les problèmes liés aux déchets, au bruit et aux écosystèmes. »1
Ces éco-industries forment un ensemble très disparate. Des grands groupes
à notoriété mondiale co-existent avec des PME très spécialisées sur leur
niche de marché. Elles interviennent sur des secteurs d’activité très variés
à la fois par le domaine environnemental : air, eau, déchets… et par le type
d’activité : services de dépollution, fabrication de produits industriels,
d’équipement, de constructions… Elles n’ont pas la même clientèle, pas
les mêmes technologies, pas le même potentiel de croissance.
Les attentes des consommateurs français
Le sondage IFOP pour l’ONG environnementale WWF France, réalisé en octobre 2017
(échantillon de 1 002 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et
plus – méthode des quotas) montre que 70 % des Français sont prêts à changer leur
consommation pour des produits plus responsables (bio, labellisés, locaux, plus
rémunérateurs pour le producteur). Les deux tiers (67 %) estiment être prêts à diminuer leur
consommation de protéines animales et 62 % déclarent acheter des aliments bio. 69 %
déclarent être prêts à payer plus cher leurs produits, si c’est pour mieux rémunérer les
agriculteurs et 93 % des Français pensent que la présence de pesticides dans les aliments
consommés a des conséquences sur leur santé personnelle.

1.  Définition conjointe OCDE/Eurostat dans « The environmental goods and services indus-
try – Manual for data collection and analysis ».
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
544 Management et économie des entreprises

III. Les apports de l’environnement


aux entreprises
Longtemps considérée comme un frein au développement, la protection
de l’environnement ne s’analyse plus seulement en termes de dépenses
car il faut tenir compte des avantages qu’elle apporte en termes de pro-
ductivité, de qualité et de compétitivité. De nouveaux marchés s’ouvrent
aux industries de la dépollution et aux « produits verts ». Selon l’un des
dirigeants de General Electric, « Investir dans l’environnement va don-
ner un avantage compétitif à l’Europe sur le long terme ».1

A. De nouvelles orientations
pour les entreprises
a. Certaines entreprises s’engagent
dans le développement durable
Ces entreprises reformulent leur projet économique en affirmant que le
profit n’est pas leur seule finalité mais que leur mission intègre égale-
ment l’amélioration du bien-être de l’humanité à travers la production
d’un bien ou d’un service. L’entreprise définit ainsi un projet mobilisa-
teur pour son personnel et propre à fidéliser sa clientèle (Exemple de la
« mission de Canon pour le xxie siècle »).

b. Les entreprises repensent leurs produits


et leur processus de production, de manière rentable
L’éco-conception oriente la production des biens vers la réduction de
tout gaspillage et des déchets tant au moment de la fabrication qu’à celui
de la consommation puis à celui du recyclage. Certaines entreprises vont
plus loin en concevant des produits à impact positif sur l’environne-
ment. On peut ainsi poser que les principes de l’éco-conception sont à
la fois de limiter les externalités négatives des produits et de développer
leurs externalités positives.
EXEMPLE
Michelin développe des produits visant à réduire la consommation d’énergie des
véhicules automobiles : « pneu vert », pneu « slimline » et piles à hydrogène pour les
véhicules de tourisme et « convoi Triple A » pour les poids lourds.

1.  Interview dans l’Usine nouvelle, no 3104 du 5 juin 2008.


ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 25 – L’entreprise et l’environnement naturel 545

Selon Elisabeth Laville, cofondatrice de l’agence Graines de Change-


ment (2004), cela conduit l’entreprise à :
– se poser la question de la raison d’être du produit ;
– envisager toutes les conséquences de son processus de production
(consommation d’énergie, type de matières premières, etc.) ;
– prendre en compte tous les impacts de sa consommation (transport,
emballage, énergie consommée, etc.) ;
– prolonger la durée de vie du produit (réparabilité) ;
– anticiper sa fin de vie dès sa conception (recyclage et biodégradabi-
lité).
EXEMPLE
L’entreprise sud-africaine Freeplay qui produit des radios à manivelle et énergie
solaire.

c. Le développement de l’éco-efficacité
Le concept d’éco-efficacité est symbolisé par les « 3R » : réduire, réuti-
liser, recycler.
De grandes entreprises industrielles comme Xerox, 3M ou STMicroelec-
tronics ont ainsi pu réduire sensiblement leur niveau de pollution
industrielle tout en réduisant leurs charges.

EXEMPLE DU SCHÉMA DU SYSTÈME DE RECYCLAGE ET RÉCUPÉRATION CHEZ XEROX


Process
Parts for
Reuse
Recycle Parts
Fabricate New Parts Sort/Inspect

Build Recycle
product Materials
Dismartle

Deliver Customer
Use Return to Xerox

Raw Materials
Source : extrait de « 2007, Report on global citizenship ».

Xerox a fixé des objectifs environnementaux, de protection de la santé et


de sécurité à ses propres opérations et à celles de ses fournisseurs, à
travers toute sa chaîne logistique depuis 1998.
Chez 3M, où l’on a mis en place le programme 3P, « La Prévention de la
Pollution Paye » et le programme « Management du Cycle de Vie » les
performances et les résultats environnementaux sont consolidés chaque
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
546 Management et économie des entreprises

trimestre au niveau du groupe qui publie un rapport annuel « Dévelop-


pement Durable ».
L’association de collectivités locales AMORCE préconise la mise en
place d’une taxe sur les produits non recyclables afin d’inciter les
industriels à pratiquer une éco-conception de leurs produits en recher-
chant une éco-efficacité. Elle recommande également l’instauration de
quota d’incorporation de matières premières issues d’un recyclage afin
d’en faciliter l’utilisation.

d. Vers une nouvelle révolution industrielle


De nombreux auteurs, comme le designer W. Mc Donough1, considèrent
que l’éco-efficacité ne suffit pas et que l’on doit s’orienter vers une nou-
velle révolution industrielle qui imposera aux systèmes industriels de
mettre en œuvre les principes de fonctionnement cyclique des écosys-
tèmes naturels. Cette révolution industrielle ne « sera pas tant fondée
sur ce que l’on extrait de la nature que sur ce que l’on apprend de la
nature »2, suivant le concept de « biomimétisme ». L’idée sous-jacente
est que la nature applique généralement un principe d’optimisation des
ressources et ne génère pas de déchets. On en trouve des applications en
agriculture, médecine, recherche et développement, industrie, architec-
ture.
C’est ainsi que certains bâtiments « à climatisation passive » s’inspirent
de l’architecture des termitières !
Une « écologie industrielle » se met en place progressivement par de
nombreuses expériences à travers le monde, dont l’objectif est de réduire
de façon économiquement rentable, les consommations et les déchets
d’un ensemble donné d’entreprises.
Une éco-architecture des usines, des magasins, des hôtels et des sièges
sociaux, mais aussi de l’habitat, se met progressivement en place égale-
ment.
EXEMPLE
Plusieurs hôtels du groupe Accor dont la conception permet de réduire de 40 % les
dépenses d’énergie.

ILLUSTRATION
L’initiative Science Based Targets (iSBT) est issue d’un partenariat entre le Global Com-
pact des Nations Unies, le WWF, le CDP, et le World Resources Institute pour accompa-
gner les entreprises dans la définition d’objectifs de réduction des émissions de gaz à
effet de serre (GES). Au début de l’année 2018, 356 grandes entreprises participaient à
cette initiative, dont pour les françaises : Altarea Cogedim, Atos SE, AXA, BNP Paribas,

1.  Co-inventeur avec Michael Braungart, de la marque de certification écologique : Cradle


to CradleTM (C2C).
2.  E. Laville, L’entreprise verte, 2e édition, 2007.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 25 – L’entreprise et l’environnement naturel 547

Capgemini, Carrefour, Danone, Geopost, La Banque Postale, La Poste, L’Oréal, PSA,


Renault, Saint-Gobain, Schneider Electric, SNCF, Société Générale, Sodexo, Sopra Ste-
ria Group et Suez.

B. Les débouchés de l’environnement


a. Les technologies et les équipements
La défense de l’environnement s’impose petit à petit dans les mœurs
industrielles. Les exigences en matière de dépollution, auxquels sont
confrontés tous les secteurs font naître de nouvelles opportunités en
matière d’équipement, de procédés…
Progressivement la lutte contre les nuisances industrielles classiques
(déchets, rejets dans l’eau ou l’air, le bruit, etc.) bénéficie de nouvelles
technologies de plus en plus perfectionnées. L’idée que des technologies
propres génèrent une diminution des coûts de production s’installe peu
à peu. La technologie propre bien conçue doit permettre d’améliorer non
seulement les résultats écologiques mais aussi économiques : de nom-
breux procédés de fabrication diminuent les déchets (donc les coûts de
traitement, de stockage, d’évacuation) ainsi que très souvent les volumes
des matières premières et l’énergie nécessaire.

b. Le recyclage : un secteur dynamique


Le secteur du recyclage et du traitement des déchets est un des plus
dynamiques en France, que ce soit le marché des équipements d’inciné-
ration ou dans le domaine de la récupération des métaux, des fibres
cellulosiques, du verre usagé et des plastiques. L’aptitude au recyclage
est un atout dans la concurrence entre producteurs de matériaux, surtout
pour le verre.
À NOTER
La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) de juil-
let 2015 prévoit de réduire de 50 % la quantité de déchets mis en décharge à l’hori-
zon 2025 et de découpler progressivement la croissance économique et la consomma-
tion matières premières. Cela suppose un développement important de « l’économie
circulaire » en accompagnant les entreprises dans cette démarche. Elle fixe égale-
ment un objectif de taux de valorisation matière de 65 % en 2025 pour éviter l’en-
fouissement et l’incinération (ce qui suppose la caractérisation des déchets, leur tri,
leur conditionnement, leur stockage, leur traitement ou leur élimination).

Au-delà des bonnes volontés et de la conscientisation des industriels,


les pouvoirs publics ont créé des filières de responsabilité élargie pour
contraindre les industriels de certaines filières de production à recycler
les déchets liés à leurs produits (des déchets d’emballage aux huiles
usagées en passant par les déchets de pneumatiques). L’idée est que les
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
548 Management et économie des entreprises

entreprises ont la responsabilité de financer ou d’organiser la gestion des


déchets issus de leurs produits en fin de vie. Certains le font individuel-
lement mais d’autres se regroupent. C’est ainsi que les 15 filières de
gestion des déchets ont mis en place des éco-organismes à but non
lucratif, financés par les contributions des entreprises et agréés par les
pouvoirs publics pour organiser la prévention et le traitement des
déchets en application du principe « pollueur-payeur ».
Le rapport Vernier (publié en mars 2018) préconise d’élargir plusieurs
filières et d’en ajouter 5 (les huiles alimentaires, les jouets, les articles de
sport et de loisirs, les déchets du bâtiment et les huiles de moteurs). Il
préconise également un système de garantie des débouchés des matières
recyclées, de favoriser la collecte des véhicules hors d’usage par des
primes au retour. Il recommande enfin de la mise en place de pénalités
financières lorsqu’un éco-organisme ne respecte pas les objectifs de son
cahier des charges.

c. Les activités liées à la transition énergétique


La loi de juillet 2015 sur la transition énergétique (LTECV) a notamment
pour objectif de réduire la consommation finale d’énergie de 50 %
entre 2012 et 2050, et d’augmenter la part des énergies renouvelables à
32 % de la consommation finale d’énergie en 2030. De tels objectifs
imposent des transformations importantes des processus de production
des entreprises et nécessitent la création d’activités nouvelles : investis-
sements en R&D, nouvelles entreprises et nouveaux produits, dans la
motorisation électrique, la fabrication propre d’hydrogène, les batteries
stationnaires, les nouveaux matériaux isolants, les systèmes d’autopro-
duction à base de rayonnement solaire, les hydrocarbures de synthèse,
l’énergie de fusion, les bâtiments passifs, etc.

d. L’environnement, facteur de croissance ?


Les problèmes liés à l’environnement induisent des politiques de
recherche et de développement des industries et des services, mais aussi
de la mercatique : l’environnement est donc un parfait stimulant écono-
mique et, de ce fait, un facteur de croissance. Mais la croissance est elle-
même un facteur de détérioration de l’environnement par les nuisances
occasionnées (énergie consommée, rejets, déchets). Le surcroît de pollu-
tion engendré rend nécessaire l’intervention des pouvoirs publics afin
que le développement des activités d’économie d’énergie et de valorisa-
tion des déchets l’emporte sur l’augmentation des pollutions liées à la
croissance d’activités nouvelles.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 25 – L’entreprise et l’environnement naturel 549

IV. Le rôle des pouvoirs publics


Le principe « pollueur-payeur » : celui qui pollue paie les dommages
qu’il occasionne paraît logique, mais il est parfois difficile d’identifier le
pollueur. Pour décourager ou limiter les comportements polluants, les
pouvoirs publics peuvent mettre en place des normes ou des taxes.

A. La fixation d’objectifs, de règles


et de normes
Petit historique de la réglementation
– Une directive européenne sur la responsabilité environnementale adoptée par le Conseil
et le Parlement européen en 2004.
– En 2005, la Charte de l’environnement est intégrée dans la Constitution française. Le
principe d’une obligation de réparer les dommages à l’environnement est posé.
– En janvier 2008, la jurisprudence affirme la notion de préjudice écologique avec le
jugement relatif à la marée noire causée par l’Erika.
– En juillet 2008 une loi sur la responsabilité environnementale transcrit enfin la directive
européenne de 2004 en droit français.
– En juillet 2015 la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV)
est votée pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030,
réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à la référence
2012 et porter la part des énergies renouvelables à 32 % de la consommation finale brute
d’énergie en 2030 tandis que la part du nucléaire dans la production d’électricité tomberait
à 50 % à l’horizon 2025.

L’État, en édictant les normes, impose aux acteurs économiques de res-


pecter certaines règles au nom de l’intérêt collectif. Les règles sont d’au-
tant plus efficaces qu’elles ont été élaborées après une concertation
internationale pour éviter le risque de concurrence déloyale. Les normes
antipollution concernent tous les actes de la vie économique : normes
antibruit, normes de concentration en polluants dans certains milieux
(eau, air, sol), normes de rejets, normes de produits (teneur maximum,
dégradabilité minimum).
À NOTER
Des normes ISO sont élaborées dans ce domaine par l’Organisation internationale de nor-
malisation. Elles peuvent jouer un rôle non négligeable sur le plan commercial. Ce sont :
– la série des normes ISO 14000 qui désigne l’ensemble des normes qui concernent
le management environnemental (l’impact sur l’environnement) ;
– l’Analyse du cycle de vie (ACV) qui constitue l’outil le plus abouti d’évaluation
globale et multicritère des impacts environnementaux d’un produit normalisé par les
normes de la série ISO 14 040 ;
– la norme ISO 26 000 (publiée le 1er novembre 2010) relative à la responsabilité
sociétale des organisations définit comment celles-ci peuvent et doivent contribuer
au développement durable.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
550 Management et économie des entreprises

B. Les éco-taxes
Une éco-taxe vise à dissuader de polluer. Elle fait supporter au produc-
teur une charge supplémentaire qui est supposé inclure le coût de ses
propres rejets ou de sa pollution. L’éco-taxe doit permettre « d’internali-
ser » les coûts de pollution ou de dépollution pour que le producteur
investisse dans des procédés antipollution et ne paie plus la taxe. Le
développement de ces taxes complète la panoplie d’outils plus clas-
siques (réglementation, subventions, mesures de couverture des coûts)
et des différents outils basés sur le marché (instruments tarifaires comme
les contributions amont sur les déchets, marchés de contrats négo-
ciables/permis d’émissions, crédits d’impôts, etc.).
Instaurée en 1999, la Taxe Générale sur les Activités Polluantes (TGAP)
s’applique à l’élimination et au transfert des déchets, aux installations
émettant des polluants dans l’atmosphère, à la livraison ou l’utilisation
de matériaux d’extraction, aux installations classées pour la protection
de l’environnement, aux préparations lubrifiantes, à la livraison ou l’uti-
lisation de préparations pour lessives,
Elle ne constitue pourtant pas vraiment une « internalisation » des coûts
des dommages environnementaux car elle est fixée généralement à un
niveau trop faible. Néanmoins dans le domaine des transports, l’en-
semble des taxes appliquées aux poids lourds peut constituer un
exemple de tentative d’internalisation des coûts sociaux d’une activité.
Il existe ainsi une écotaxe « poids lourds » concernant les véhicules de
transport de marchandises de plus de 3,5 tonnes circulant sur le réseau
routier complétée par la taxe intérieure de consommation des produits
énergétiques (TICE).L’objectif reste la modification des comportements
des entreprises et des ménages par un accroissement des prix relatifs des
ressources naturelles ou de biens et services à l’origine des pollutions.
Divers obstacles s’opposent à la mise en place de taux trop élevés et,
tout d’abord, celui de la compétitivité des entreprises. Une fixation de
taux en fonction des réels dommages environnementaux pourrait pous-
ser à la délocalisation vers d’autres pays et n’avoir, finalement, aucun
effet sur la pollution mondiale engendrée.

C. Les obligations d’information des sociétés


cotées et des OPCVM
Depuis 2002, la loi relative aux nouvelles régulations économiques
(NRE) prévoit que le rapport annuel des entreprises cotées contienne des
« informations sur la manière dont l’entreprise prend en compte les
conséquences sociales et environnementales de ses activités ».
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 25 – L’entreprise et l’environnement naturel 551

Doivent ainsi figurer dans le rapport annuel les consommations de res-


sources en eau, en matières premières, en énergie, les rejets affectant
gravement l’environnement, notamment les gaz à effet de serre.
Depuis janvier 2012, les sociétés de gestion de portefeuille (OPCVM) doivent
fournir des informations sur les critères sociaux, environnementaux et de
qualité de gouvernance pris en compte dans leur politique d’investissement.

D. L’attribution des quotas de CO2


Chaque pays membre de l’Union européenne se voit allouer des quotas
« carbone », par le biais d’un plan national d’allocation. Ces quotas sont
négociables et échangeables en Europe, sur le marché européen du car-
bone. Un quota de CO2 équivaut à une tonne de CO2. Les entreprises
industrielles de six secteurs industriels intensifs en gaz à effet de serre
(production d’énergie, ciment, verre, métaux ferreux, industries miné-
rales, pâtes à papier), ainsi que les exploitants d’installations de com-
bustion de plus de 20 MW se voient attribuer des quotas de CO2 (ou
crédits de CO2) qu’elles doivent gérer (plan national d’affectation des
quotas). Elles ont en effet la possibilité de vendre et d’acheter des quo-
tas sur des plates-formes spécialisées, sécurisées qui constituent de véri-
tables places de marché. C’est le système d’échange de quotas d’émis-
sion de l’UE ou SEQE-UE1.
Les entreprises concernées procèdent donc à un contrôle de leurs émis-
sions de CO2 et vérifient ainsi que les quotas attribués couvrent bien
leurs besoins. Ensuite, elles peuvent acheter ou vendre des quotas en
fonction de la pollution qu’elles engendrent. Les investissements en
équipements non polluants dans les pays en voie de développement
donnent droit à l’attribution de quotas supplémentaires (Politique suivie
par le groupe Lafarge en Malaisie et aux Philippines).
Les efforts de réduction de la consommation d’énergie des sites indus-
triels deviennent en principe rapidement rentables puisqu’ils per-
mettent de dégager des surplus de quotas qui seront vendus aux plus
pollueurs qui devront eux, supporter un surcroît de coût. Ils sont de
toutes façons nécessaires puisque les quotas attribués sont appelés à
baisser progressivement afin d’aboutir à une réduction effective de la
pollution globale générée par l’industrie (une baisse des quotas et une
augmentation de leur prix sur le SEQE sont prévus à partir de 2020).
POUR EN SAVOIR PLUS
Abdelmalki (L.), Mundler (P.), Économie de l’environnement et du développement
durable, De Boek, 2010.

1. https://ec.europa.eu/clima/policies/ets_fr.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
552 Management et économie des entreprises

Alternatives Économiques, Poche no 61, 2013.


Brunel (S.), Le développement durable, coll. Que Sais-je ?, PUF, 2012.
Dion (M.), Wolff (D.), Le développement durable : théories et applications au manage-
ment, Dunod, 2007.
DRIRE, Le guide pratique du CO2, 2005.
Klein (N.), Tout peut changer : capitalisme et changement climatique, Actes Sud, 2015.
Laville (E.), L’entreprise verte, Village mondial Pearson, 2009.
Le Moigne (R.), L’économie circulaire, Dunod, 2018.
PNAQ, Plan national d’attribution des quotas, mai 2007.
Vallée (A.), Économie de l’environnement, Seuil, 2011.
et :
www.ademe.fr
www.afnor.org
www.ecologique-solidaire.gouv.fr
www.installationsclassees.developpement-durable.gouv.fr
www.vigeo-eiris.com/fr
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
CHAPITRE 26 Chapitre 26 – L’entreprise et la fiscalité 553

L’entreprise et la fiscalité

Que ce soit au niveau de l’entreprise individuelle ou du groupe multinatio-


nal, la fiscalité tient une place prépondérante dans la prise de décision. L’im-
pôt sur les bénéfices, par exemple, vient amputer le résultat alors que celui-ci
est déjà formé ce qui est la plupart du temps ressenti comme intolérable. Une
des principales préoccupations des dirigeants va être de réduire légalement
cette charge fiscale, c’est ce que l’on peut appeler l’optimisation fiscale.
Après avoir étudié la fiscalité française au travers de ses différents
impôts et la manière dont on les appréhende, nous nous attacherons à
étudier l’imposition du résultat des entreprises et ses conséquences sur
le plan de l’organisation elle-même. Les quelques choix fiscaux qui
seront ensuite présentés tenteront, sans être exhaustifs, de montrer le
principe de l’optimisation fiscale.

I. La fiscalité française
A. L’impôt
L’impôt est un prélèvement obligatoire que la société exige de la personne, sans contre-
partie et non affecté, et destiné à couvrir les dépenses publiques d’intérêt général et les
charges résultant des dettes de l’État.

L’impôt repose sur le principe d’égalité et de solidarité nationale face


aux dépenses publiques.
Les impôts peuvent être classés en différentes catégories suivant la façon
dont on les observe. L’analyse fiscale fait généralement ressortir trois
classifications :
– en fonction de leur qualification par la loi ;
– en fonction de leur nature économique ;
– en fonction de l’organisme qui les perçoit.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
554 Management et économie des entreprises

B. Les impôts selon leur qualification légale


On distingue les impôts directs qui représentent en général 40 % des
recettes fiscales et les impôts indirects qui en représentaient 60 %,
répartition qui reste relativement stable dans le temps.
Les impôts directs frappent annuellement le contribuable (personne
physique ou morale) au titre des revenus ou des bénéfices qu’il a réalisés
ou de certains éléments de son patrimoine et ceci à titre définitif alors
que l’impôt indirect peut souvent être répercuté sur d’autres contri-
buables. Il s’agit principalement de l’impôt sur le revenu (IR), de l’impôt
sur les sociétés (IS) et de certaines taxes (sur les salaires, d’apprentis-
sage…).
Les impôts indirects sont fondés sur des événements économiques qui
relèvent de l’activité du contribuable (dépense, consommation, circula-
tion de richesses).
Les taxes sur le chiffre d’affaires ont comme base le montant des opéra-
tions commerciales réalisées. Elles sont collectées par l’entreprise qui
les reverse à l’État et sont supportées par le consommateur final qui ne
peut déduire cette taxe. La plus importante est la taxe sur la valeur ajou-
tée (TVA).
Les taxes et les contributions indirectes sont perçues sur certains pro-
duits ou opérations (droits sur les alcools, taxes sur les véhicules…).
Les droits d’enregistrement et de timbre sont perçus à l’occasion d’actes
juridiques (constitution de sociétés, cession de fonds de commerce,
vente d’immeubles…).
Les droits de douane acquittés à l’occasion du passage en douane des
marchandises constituent la dernière catégorie d’impôts indirects.

C. Les impôts selon leur nature économique


Cette classification est fondée sur la distinction entre :
• L’origine de la richesse qui se traduit par :
– la perception d’un revenu lié au travail ou à la propriété,
– la possession ou la transmission d’un capital ou d’un patrimoine,
• L’utilisation de cette richesse par :
– la dépense des revenus ou du capital.

a. L’imposition du revenu
Elle est déterminée par foyer fiscal et porte sur le revenu global net qui
est la somme des différents revenus catégoriels nets perçus par les
membres du foyer fiscal durant l’année. Elle est progressive selon un
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 26 – L’entreprise et la fiscalité 555

barème calculé par tranches de 0 % à 45 %, et personnelle puisque l’on


tient compte des caractéristiques de chaque foyer fiscal (situation fami-
liale, personnes à charge, charges, etc.).
L’impôt sur les sociétés frappe annuellement le bénéfice imposable des
sociétés, et ceci, à un taux constant à partir du premier euro (voir l’évo-
lution du taux d’IS p. 558).

b. L’imposition de la dépense
Il frappe l’utilisation du revenu qui est faite. Il s’agit principalement de
la TVA et des différents droits indirects (tabacs, alcools, produits pétro-
liers, droits de douane). Ce type d’impôt est très sensible aux variations
de l’activité économique (ex. de la « cagnotte fiscale » de 2000 où la
conjoncture économique étant plus favorable que les prévisions, la ren-
trée de l’impôt a été supérieure).

c. L’imposition du capital
Elle peut être annuelle et permanente (impôt de solidarité sur la fortune
– ISF – transformé en impôt sur la fortune immobilière – IFI – depuis le
1er janv. 2018, impôts locaux) ou perçue à l’occasion de la transmission
du capital (mutation) tels les droits d’enregistrement, de succession ou
l’impôt sur les plus-values.

D. Les impôts selon l’organisme qui les perçoit


On distingue généralement :
– les impôts perçus par l’État (IR, IS, TVA et une partie des droits d’en-
registrement) ;
– les impôts perçus par les collectivités locales (départements, régions,
communes) tels les impôts locaux (taxes foncières, taxe d’habitation,
contribution économique territoriale) et une partie des droits d’enre-
gistrement.

II. L’imposition du résultat


des entreprises
L’imposition du résultat des entreprises obéit à des règles propres au
droit fiscal. Avant de calculer l’impôt, il faut tout d’abord déterminer
quel est le résultat imposable car celui-ci est très souvent différent du
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
556 Management et économie des entreprises

résultat comptable, d’ailleurs ce sont souvent les options fiscales qui


prévalent dans le raisonnement des dirigeants. Une fois le résultat fiscal
obtenu, on calcule l’impôt suivant les caractéristiques de chaque entre-
prise : ce sera l’impôt sur le revenu (IR) pour les sociétés de personnes
et les entreprises individuelles et l’impôt sur les sociétés (IS) pour les
autres sociétés. En dernier lieu, les entreprises sont souvent des entités
complexes qui se sont organisées en groupe et le calcul de l’impôt peut
parfois être réalisé au niveau de l’ensemble du groupe.

A. La détermination du résultat imposable


Le résultat fiscal est établi à partir des règles du droit fiscal, qui sont
similaires à quelques nuances près pour la détermination du résultat à
l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés. Les règles fiscales
n’étant pas nécessairement les mêmes que les règles comptables, il en
résulte que le résultat fiscal est dans la plupart des cas différent du résul-
tat comptable.
On part du résultat comptable que l’on corrige pour obtenir le résultat
fiscal. Le résultat comptable correspond au solde des produits compta-
bilisés sur les charges comptabilisées. Les corrections à apporter sont :
soit des réintégrations :
– charges comptabilisées mais non déductibles fiscalement de l’impôt
ou soumises à des régimes fiscaux différents (avantages personnels,
dépenses somptuaires, provisions non déductibles, moins-value),
– produits non comptabilisés mais imposables (cas des impositions dif-
férées, quote-part des bénéfices d’une société de personne ou d’un
GIE),
soit des déductions :
– charges non comptabilisées mais déductibles fiscalement (quote-part
de pertes d’une société de personne ou d’un GIE, majoration d’amor-
tissement, abattement sur le bénéfice),
– produits comptabilisés mais non imposables ou soumis à des régimes
fiscaux différents (indemnités non imposables, reprises de provisions
non déductibles, plus-value).

Résultat comptable – Déductions


+
Réintégrations = Résultat fiscal

Le résultat fiscal est égal au résultat comptable augmenté des réintégrations fiscales
et diminué des déductions fiscales.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 26 – L’entreprise et la fiscalité 557

B. L’impôt sur le revenu


Les principales entreprises imposables à l’impôt sur le revenu dans la
catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) sont :
– les entreprises individuelles exerçant une activité industrielle, com-
merciale ou artisanale,
– certaines sociétés de personnes n’ayant pas de « personnalité fiscale »
distincte telles la société en nom collectif (SNC), la société en partici-
pation, la société de fait, l’entreprise unipersonnelle à responsabilité
limitée (EURL) ou la société à responsabilité limitée (SARL) de famille
sur option.

a. Les entreprises individuelles


Elles ne possèdent pas de personnalité fiscale distincte de celle de l’ex-
ploitant, tout comme elles n’ont ni personnalité juridique ni patrimoine
propre. L’entreprise n’est pas imposée sur ses bénéfices réalisés en tant
qu’entreprise elle-même, mais c’est l’exploitant qui est imposé en son
nom propre sur les revenus qu’il tire de cette activité.
L’impôt est calculé en plusieurs étapes :
– on calcule tout d’abord le résultat fiscal (qu’il soit prélevé ou non) de
l’entreprise en appliquant les règles des bénéfices industriels et com-
merciaux (BIC) ;
– puis on calcule le revenu global net imposable du foyer fiscal en addi-
tionnant toutes les autres catégories de revenus de l’entreprise (reve-
nus mobiliers, plus-values…) et des autres membres de la famille (trai-
tements et salaires, revenus mobiliers…) ;
– ensuite on calcule l’impôt dû par le foyer fiscal en appliquant un
barème progressif par tranches de 0 % pour la tranche la plus basse à
45 % pour la tranche la plus élevée et en tenant compte des charges
familiales (quotient familial).
Les conséquences de ce système sont que l’entreprise ne supporte
aucune charge d’impôt sur les bénéfices ni de salaires puisque l’entre-
preneur se rémunère par des prélèvements opérés sur les bénéfices et
paie l’impôt. De plus le salaire du conjoint, marié sous un régime de
communauté de biens, travaillant dans l’entreprise n’est déductible qu’à
concurrence de 17 500 €/an.

b. Les sociétés de personnes


Elles obéissent aux mêmes règles de détermination du résultat fiscal que
précédemment. Ce résultat est ensuite réparti (qu’il soit distribué ou
non) entre les associés au prorata des parts détenues. Chaque associé est
imposé dans son foyer fiscal sur la part de bénéfice qui lui revient. L’im-
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
558 Management et économie des entreprises

pôt sur les bénéfices n’apparaît pas dans les comptes de l’entreprise :
c’est ce que l’on appelle la « transparence fiscale ». La société n’a pas
d’existence fiscale, ce sont les associés qui sont imposés à l’impôt sur le
revenu pour la part des bénéfices réalisés.

c. L’impôt sur les sociétés


Ce régime concerne les sociétés possédant une personnalité juridique
propre et soumise, de par la loi, à l’impôt sur les sociétés telles les socié-
tés anonymes, les sociétés à responsabilité limitée, les sociétés coopéra-
tives et les sociétés assujetties à l’impôt sur les sociétés sur option.
La société a une personnalité fiscale propre distincte des associés, l’im-
pôt sur les sociétés est établi au nom de la société et payé par elle-même,
c’est une charge comptable de l’entreprise. Le résultat qui apparaît dans
le compte de résultat est un résultat net après impôt sur les bénéfices. La
part des bénéfices qui sera ensuite distribuée aux associés sera imposée
à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus mobiliers si l’asso-
cié est une personne physique ou à l’impôt sur les sociétés si l’associé
est une personne morale assujettie à l’impôt sur les sociétés. Pour éviter
une double imposition à l’impôt sur les sociétés, il existe, sur option, un
mécanisme de neutralisation des dividendes dit régime « mère-fille ».
Le calcul de l’impôt est réalisé en deux étapes, en premier lieu on déter-
mine le résultat fiscal en tenant compte des règles propres à l’impôt sur
les sociétés et, en second lieu, on calcule l’impôt en appliquant un taux
unique qui était de 33,1/3 % du bénéfice fiscal de 1993 jusqu’en 2016.
La loi de finances pour 2017 avait instauré le taux d’IS à 28 %, élargi
progressivement à l’ensemble des entreprises sur la période 2017-2020.
La loi de finances pour 2018 prévoit, elle, une réduction progressive du
taux d’IS qui passerait de 33,1/3 % actuellement à 25 % en 2022. Le
Gouvernement a repris les modalités de baisse de l’IS intégrées dans le
précédent projet de loi de finances pour 2017 pour l’année 2018, mais
modifie la trajectoire de réduction entre 2019 et 2022 :
– 2018 : IS à 28 % pour toutes les sociétés, dans la limite de 500 000 €
de bénéfices, 33,1/3 % au-delà.
– 2019 : IS à 28 % pour toutes les sociétés, dans la limite de 500 000 €
de bénéfices et 31 % au-delà.
– 2020 : IS à 28 % pour toutes les sociétés, sur l’ensemble des bénéfices.
– 2021 : IS à 26,5 % pour toutes les sociétés, sur l’ensemble des bénéfices.
– 2022 : IS à 25 % pour toutes les sociétés, sur l’ensemble des bénéfices.
Les PME, ayant un chiffre d’affaires inférieur à 7 630 000 €, peuvent
bénéficier d’un taux réduit de 15 % dans la limite de 38 120 € du béné-
fice imposable.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 26 – L’entreprise et la fiscalité 559

Les différences notables par rapport aux bénéfices industriels et commer-


ciaux (IR) sont que les associés travaillant dans l’entreprise sont considé-
rés fiscalement comme des salariés et leurs salaires représentent une
charge déductible de l’impôt, de même pour le conjoint travaillant dans
l’entreprise qui possède le statut de salarié avec un salaire qui est entière-
ment déductible sans aucune limitation. Les salaires perçus seront impo-
sés à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires.

d. La fiscalité de groupe
Au niveau des grandes entreprises, l’organisation est souvent réalisée en
groupe de sociétés possédant des liens commerciaux et financiers entre
elles. Il apparaît intéressant au niveau stratégique de pouvoir établir un
résultat d’ensemble du groupe tel celui opéré dans le cadre de la consoli-
dation comptable où le résultat consolidé n’est pas une simple agrégation
des résultats des membres du groupe mais bien le résultat de l’ensemble
avec en particulier l’élimination des opérations intra-groupe. Au niveau
fiscal, deux techniques permettent d’obtenir un résultat d’ensemble :
l’intégration fiscale et l’utilisation de la société en nom collectif (SNC).

a. L’intégration fiscale
Le droit fiscal offre, sur option, depuis la loi de finances de 1988, un
régime spécifique d’intégration fiscale pour les sociétés soumises à l’im-
pôt sur les sociétés. La gestion fiscale d’un groupe de sociétés dans le
cadre de ce régime autorise la consolidation des résultats de sociétés qui
bien que juridiquement indépendantes sont néanmoins contrôlées direc-
tement ou indirectement à plus de 95 % par une société dite « tête de
groupe ». Ce système permet de réaliser la somme des résultats bénéfi-
ciaires et déficitaires de chacun des membres du groupe sous réserve de
quelques ajustements et retraitements.
Le bénéfice d’ensemble est imposable au nom de la société « tête de
groupe » au taux normal, s’il s’agit d’un déficit, il est reportable sur les
bénéfices d’ensemble.
La société mère est seule redevable de l’impôt sur les sociétés pour
toutes les sociétés comprises dans le périmètre d’intégration, c’est elle
qui calcule l’impôt sur les sociétés du groupe, qui paye les acomptes et
le solde de la liquidation.

b. Le statut de SNC dans la gestion fiscale du groupe


La consolidation fiscale, hormis le régime de l’intégration fiscale qui est
relativement contraignant, ne peut être réalisée par des transferts de
bénéfices d’une société filiale à une autre au moyen d’aides directes ou
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
560 Management et économie des entreprises

indirectes car ces pratiques sont sévèrement réglementées. On ne peut


donc optimiser la stratégie de développement et de pérennité du groupe
qui passe souvent par l’aide au démarrage d’activités nouvelles ou le
soutien d’activités structurellement déficitaires mais nécessaires, finan-
cés par les sociétés bénéficiaires du groupe.
Les sociétés de personnes soumises à l’impôt sur le revenu (notamment
les SNC) peuvent être une alternative et servir d’instruments de consoli-
dation fiscale. En effet, la remontée directe des résultats fiscaux entre les
mains des associés permet de faire remonter les résultats des différentes
sociétés de personnes du groupe dans le résultat de la société mère qui,
elle, est soumise à l’impôt sur les sociétés.
Ce montage juridique qui autorise une intégration fiscale est beaucoup
plus souple de fonctionnement et il n’est pas nécessaire de détenir 95 %
des parts puisqu’aucun pourcentage de contrôle n’est requis, les résul-
tats remontent dans la société mère au prorata des parts détenues. L’in-
convénient de ce système consiste en la responsabilité indéfinie et soli-
daire des associés de l’ensemble des pertes (cet inconvénient peut
néanmoins être tourné par un montage juridique astucieux !).
Ce type de montage juridique, dans un but principalement fiscal, montre
la volonté des groupes de mettre en adéquation leur stratégie de déve-
loppement et l’imposition de leurs résultats. La fiscalité, à ce niveau,
prend toute sa place comme élément de décision.

III. L’optimisation fiscale : les choix


fiscaux
Avec l’exemple précédent (l’utilisation de la SNC comme outil de consoli-
dation fiscale), on s’aperçoit que la fiscalité devient un des éléments majeurs
de la prise de décision au niveau du groupe. Elle garde cet aspect primor-
dial dans un grand nombre de choix tout au long de la vie de l’entreprise,
que ce soit le choix de l’implantation, le choix du statut juridique, le choix
de l’internationalisation ou même celui de la mondialisation. Si la fraude
fiscale ainsi que l’évasion fiscale sont, par essence, condamnables et punis-
sables, l’optimisation fiscale est un droit et même un devoir pour l’entre-
prise dont l’objectif est de prospérer dans un cadre délimité par la loi.

A. Le choix de l’implantation
L’État et les collectivités locales, au travers de leurs politiques fiscales,
essaient de répartir harmonieusement les activités sur le territoire ou
de développer certaines régions.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 26 – L’entreprise et la fiscalité 561

Ainsi, sur décisions des collectivités locales, les entreprises nouvelles


peuvent être exonérées temporairement de taxe foncière sur les proprié-
tés bâties et de la contribution économique territoriale. De même, l’im-
plantation (création ou reprise) dans les zones de revitalisation rurale
(ZRR), de redynamisation urbaine (ZRU) ou les zones franches urbaines
(ZFU) peuvent bénéficier d’une exonération temporaire d’impôt sur les
bénéfices, de contribution économique territoriale, ou de taxe foncière.
Dans le cadre des politiques de revitalisation, les entreprises de moins
de 50 salariés peuvent obtenir l’exonération temporaire de leurs cotisa-
tions sociales pour les bas salaires (plafond de 1,5 fois le SMIC).

B. Le choix du statut juridique


Pour la petite entreprise, le choix du statut juridique est un problème
qui se pose la plupart du temps en termes fiscaux. Le fait de vouloir
transformer son entreprise individuelle en société est pour l’entrepre-
neur un choix lourd de conséquences, fondé essentiellement sur des
considérations fiscales et sociales.
Le choix de l’entreprise individuelle ou de l’entreprise sociétaire a des
incidences au niveau du statut fiscal du dirigeant (imposition intégrale
à l’IR à taux progressif ou à l’IS à taux constant pour les revenus de l’en-
treprise puis à l’IR à taux progressif pour les revenus du dirigeant), au
niveau des cotisations sociales (statut de travailleur indépendant non
salarié ou de salarié), au niveau du travail du conjoint dans l’entreprise
(salaire du conjoint déductible dans une certaine limite à l’IR ou intégra-
lement déductible à l’IS). Il faut tenir compte de l’ensemble de ces para-
mètres pour la prise de décision en sachant que ceci va évoluer en fonc-
tion des résultats plus ou moins importants de l’entreprise et des
prélèvements plus ou moins importants réalisés par le dirigeant.

C. Le choix de l’internationalisation
Les entreprises multinationales ont eu au cours de ces dernières années
un développement prodigieux. Ces groupes qui sont parfois de taille
gigantesque forment une réalité économique sur le plan international
mais sont rarement reconnus sur le plan fiscal. Ceci est dû à la mise en
œuvre de la compétence fiscale de l’administration sur son territoire
national qui applique, soit la méthode d’imposition fondée sur la rési-
dence, soit la méthode fondée sur la source :
– « Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles
de l’impôt sur le revenu à raison de l’ensemble de leurs revenus. Celles
dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
562 Management et économie des entreprises

impôt à raison de leurs seuls revenus de source française. » (art. 4.A


CGI) ;
– « Les bénéfices passibles de l’impôt sur les sociétés sont déterminés
[…] en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les
entreprises exploitées en France ainsi que ceux dont l’imposition est
attribuée à la France par une convention internationale relative aux
doubles impositions. » (art. 209-I CGI).
Les conséquences de ce type d’analyse sont que le groupe ne peut avoir
d’organisation fonctionnelle et synergique puisqu’il n’a pas d’analyse
globale de sa fiscalité. En outre, en l’absence d’approche globale, les
groupes s’interrogent sur les transactions qu’ils effectuent entre leurs
différentes entreprises associées et sur la détermination des prix de
transfert.
Les transactions commerciales entre différentes parties d’un groupe
multinational n’obéissent pas nécessairement aux mécanismes de mar-
ché qui régissent les relations entre deux entreprises indépendantes.
Selon la définition de l’Organisation de coopération et de développe-
ment économiques (OCDE), les prix de transfert sont « les prix auxquels
une entreprise transfère des biens corporels, des actifs incorporels, ou
rend des services à des entreprises associées ». Ils se définissent plus
simplement comme étant les prix des transactions entre sociétés d’un
même groupe et résidentes d’États différents : ils supposent des transac-
tions intragroupes et le passage d’une frontière. Il s’agit finalement d’une
opération d’import-export au sein d’un même groupe, ce qui exclut toute
transaction à l’international avec des sociétés indépendantes ainsi que
toute transaction intragroupe sans passage de frontière.
Les entreprises sont concernées non seulement pour les ventes de biens
et de marchandises, mais également pour toutes les prestations de ser-
vices intragroupes : partage de certains frais communs entre plusieurs
entreprises du groupe (frais d’administration générale ou de siège), mise
à disposition de personnes ou de biens, redevances de concession de
brevets ou de marques, relations financières, services rendus par une
entreprise du groupe aux autres entreprises… Les prix de transfert,
autrement dit, les paiements effectués par une composante d’une entre-
prise multinationale au titre des biens ou des services fournis par une
autre partie du groupe peuvent s’écarter des prix de marché pour des rai-
sons de stratégie commerciale ou de politique financière ou pour réduire
l’impôt. D’après les règles de l’OCDE, une entreprise internationale doit,
dans le cadre de ses relations avec des entreprises associées, pratiquer des
prix identiques à ceux proposés par le groupe à des entreprises sans lien
économique ou juridique. Les entreprises peuvent être tentées par le biais
des prix de transferts de diminuer leur charge fiscale en transférant des
bénéfices vers des pays ayant une fiscalité plus attrayante.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Chapitre 26 – L’entreprise et la fiscalité 563

ILLUSTRATIONS
Une société sise en France qui vend à sa filiale à Hong Kong 150 000 € un service géné-
ralement facturé 100 000 € sur le marché français diminue son bénéfice de 50 000 € en
France, où elle est imposée à 33,33 %, et l’augmente de la même somme à Hong Kong
où elle n’est pas imposée (0 % d’impôts sur les revenus réalisés à l’extérieur de Hong
Kong). Grâce à cette opération, le groupe réalise une économie de 16 667 €.
Le prix de transfert fonctionne aussi très bien dans le sens de l’importation : l’exemple
le plus connu étant celui des bananes de Jersey. Aucune banane ne pousse à Jersey, et
pourtant cette juridiction est un des premiers exportateurs de bananes au monde ; ceci
grâce à la pratique intensive du prix de transfert par les vendeurs de bananes. Les
bananes sont produites par une société équatorienne (par ex.) et vendues à une société
située à Jersey. La société de Jersey va ensuite revendre ses bananes à une autre société
du même groupe en France, mais à un prix beaucoup plus élevé, permettant ainsi de
laisser l’essentiel des bénéfices à Jersey, et de ne laisser qu’une faible marge lors de la
revente en France à la société française.

Les États redressent les prix qui ne correspondent pas à ceux qui
auraient été normalement pratiqués, en effet les administrations fiscales
cherchent à préserver leurs recettes fiscales et ceci d’autant plus que la
majorité du commerce mondial est constitué d’opérations intra-groupe
et relève de la politique des prix de transfert. Ceci est une source conti-
nuelle de contentieux fiscaux car il est difficile de savoir si un transfert
entre firmes indépendantes est réellement similaire à un transfert à
l’intérieur d’un groupe et les méthodes de calcul des prix de transfert ne
sont pas universelles !

d. Le choix de la délocalisation
La mondialisation présente des avantages potentiels pour les entreprises
qui peuvent s’expatrier et la libéralisation des marchés financiers
entraîne des risques de distorsion induits par l’impôt dans les activités
de services financiers internationaux ainsi que des risques de fraude
fiscale internationale.
La mondialisation et les nouvelles technologies de l’information peuvent
permettre la prolifération de régimes fiscaux destinés à attirer des activi-
tés susceptibles de se déplacer d’une région à l’autre. Lorsque des
régimes fiscaux sont conçus pour amputer la base d’imposition d’autres
pays, cela risque d’attirer les activités dotées d’une grande mobilité géo-
graphique telles les activités financières et d’autres activités de service.
C’est le cas notamment des GAFA (acronyme désignant les géants de
numérique Google, Apple, Facebook, Amazon) pour lesquels il existe
une disparité entre l’endroit où ils réalisent leurs bénéfices et l’endroit
où ceux-ci sont imposés. À la suite des révélations relatives au scandale
des Panama Papers (2016) et des Paradise Papers (2017), la Commission
européenne a relancé officiellement le projet d’ACCIS (assiette com-
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
564 Management et économie des entreprises

mune consolidée pour l’impôt sur les sociétés). Le principe du projet de


directive Accis est simple : les entreprises travaillant en Europe doivent
payer le juste impôt dans le pays où elles réalisent leurs bénéfices.
La difficulté vient du fait que les entreprises numériques ne disposent
pas forcément d’une implantation physique dans les pays où elles réa-
lisent leurs bénéfices, ce qui engendre une distorsion de concurrence
avec les entreprises traditionnelles et une perte de recettes fiscales pour
les États membres qui sont autant de charges en plus pour les citoyens
européens. Les géants du Net sont régulièrement accusés de faire de
l’optimisation fiscale grâce à des montages financiers qui minimisent
leurs impôts, et plusieurs, dont Google et Microsoft, font l’objet de
contentieux. Pour éviter l’optimisation fiscale des GAFA (mais aussi
d’autres grands groupes), le rapport Lamassoure-Tang propose d’affiner
les critères de l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les socié-
tés en passant de trois à quatre facteurs : en plus de la présence de main-
d’œuvre, d’un siège social ou d’établissements (les « immobilisations »),
ou des ventes par destination, Lamassoure et Tang proposent d’ajouter
« la collecte et l’utilisation des données à caractère personnel des utili-
sateurs de services et de plateformes en ligne » à des fins commerciales.
Grace au critère des données, l’optimisation fiscale ne serait plus pos-
sible puisqu’elles sont forcément nationales et localisables.
POUR EN SAVOIR PLUS
Disle (E.), Saraf (J.), Droit fiscal, Dunod.
http://www.finances.gouv.fr/impots_et_taxes : le site Internet du ministère des Finances.
http://www.ocde.org/index-fr.htm : le site Internet de l’OCDE.
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Index alphabétique 565

Index alphabétique

A Ansoff (H.I.) 6, 101, 178, 214, 216-


217
Abbott (L.) 316 Aoki (M.) 304, 371
ABC (méthode) 366, 384 Apport partiel d’actifs 227
ABC (modèle) 410 Apprentissage 182, 196, 306, 517-518
Absorption 225-226 Apprentissage organisationnel 13,
Acceptabilité du prix (zone d’) 337 195-196, 306, 517-519
Accès 315, 537 Approvisionnement 406-409
Accords 234, 454 Arbitrage 14, 390, 436, 475, 486
Achats 406-407 Archier (Y.G.) 433
Action commerciale 347, 349, 452 Argyris (C.) 196, 518
Actionnariat salarié 471 ASP 146
Actions 484 Associations 25, 26
Adams (J.) 427 Assurance 505
Adhocratie 196, 274, 380, 432 Assurance-qualité 39, 375
ADL (Arthur D. Little) 184, 205, 210 Atelier flexible 382
Administration 282-283 Audit 113, 471-472
Administration des ventes 347, 349 Audit social 471, 528
Affacturage 488 Augmentation de capital 484
Agence (théorie de l’) 15, 117, 303- Auto-entrepreneur 19
304 Autofinancement 483
Aide à la décision 108-109 Automation 417
Ajustement mutuel 52, 156, 271 Automatisation 362, 416-417
Akerlof (G.) 459 Autorité 118, 120, 269, 270
Alliances 38, 51, 56, 181, 189, 222, Avantage concurrentiel 180, 209-210
231-232, 237, 301 Azariadis (C.) 459
Allport (G.) 425
Amit (R.) 180
Analyse concurrentielle 246 B
Analyse de la valeur 356
Analyse du potentiel 193, 202 B2B 310
Analyse stratégique 63, 178, 179, 217, B2C 310
433 Babbage (C.) 284
Analyse systémique 295 Back-office 394
Analyse technologique 204, 250 Banqueroute 509
Analyse transactionnelle 164, 357 Barney (J.) 180, 208-209
Animateur des ventes.  Voir Barrières à l’entrée 223, 249
Inspecteur des ventes Base de données 136, 141, 172, 237,
Annualisation (du temps de travail) 348
460 Bauer (M.) 46, 124
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
566 Management et économie des entreprises

Bavelas (A.) 157 Capital humain 203


BCG 182, 210, 212-213, 223, 437 Capital immatériel 203
BCG (modèle du) 211 Capital-risque 228, 485
Benassy-Quéré (A.) 536 Capital structurel 203
Benchmarking 203, 252 Capitaux permanents 483
Bennis (W.) 123 Capul (J.-Y.) 156
Berle (A.A.) 299 Castells (M.) 58
Berne (E.) 164, 165 CBM 209
Besoin en fonds de roulement 479- Centralisation 125
481 Cercles de qualité 375
Besoins 286, 316 CEREQ 443-444
Beullac 88 Cessation de paiement 5
Bilan de compétences 444, 462 Cession-bail 484
Bilan financier 478 CFAO 149, 354, 360, 383
Bilan fonctionnel 478 Challenger.  Voir Suiveur
Bilan social 473 Champy (J.) 197
Blake (R.) 123, 432 Chandler (A.) 13, 195, 207, 262, 276,
Blurring 421, 452 301
Boucle de rétroaction 112, 161, 298, Changement 511
427 Chan Kim (W.) 254
Boyer (R.) 13 Charisme 84, 119, 123
Brandenburger (A.) 57 Charte 89, 418, 527
Brevet 65, 191-192, 206-207, 234, 400 Chicago (école de) 165
Bruhnes (B.) 442 Choix économique 11
Budget 14, 71, 113, 200, 203, 293, Choix fiscaux 553, 560
344, 402, 433, 493-494, 516 Circuit de distribution 338
Budget de trésorerie 493-494 Citoyenneté 525
Bureaucratie 14, 272, 432 Clark (C.) 18
Bureau des méthodes 359 Clientèle 292, 318-319
Bureau d’études 380 Climat social 425, 471
Bureautique 148-149, 403, 422 Cluster 60
Burns (T.) 301, 431 Coase (R.H.) 302
Business angels 190 COFACE 506
Business model 257 Commande numérique 383
Business plan 198 Commerce intégré 339
Business strategy 177 Communication 154
Communication commerciale 159,
203, 325, 331, 341
C Communication informelle 156, 271
Compétence 15, 209, 306, 423-424,
Cadburry (rapport) 116-117 434-435, 443-444, 461, 463
CAF 483 Compétence foncière 15, 306
Calcul économique 11, 14, 49, 65, Compétences de base 183, 208-209,
109, 531 307
Canal de transmission 154, 342 Compétences (gestion des) 443, 461
CAO 149, 360, 383 Compétition 247-248, 535-536
Capacité d’autofinancement 483 Compétitivité 54, 248
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Index alphabétique 567

Complémentarité 53, 56, 177, 183, Crédit-bail 418, 487


216, 232-233, 259 Crédit de campagne 489
Comptabilité analytique 355, 366 Crédit documentaire 352, 489
Comptabilité industrielle 366 Crédit fournisseur 488
Concentration de l’activité 254 Crédit-relais 489
Conception assistée par ordinateur Crédits bancaires 489
360, 383 Créneau 216, 254
Concession 234, 236, 240, 339, 418 Crise 520
Conciliation 436, 474-475 Croissance 222-223, 247, 333
Concurrence 53-54, 246, 336 Croissance externe 225
Concurrence directe 54 Croissance interne 224
Concurrence indirecte 54 Crosby (Ph. B.) 375-376
Conditionnement 331, 340-341, 345 Cross-docking 418
Conflits sociaux 367, 474, 533 Crozier (M.) 119-120, 123, 294
Conglomérat 217 Culture d’entreprise 81-87
Conjoncture 49, 63, 132, 199, 238, Customization 326
422, 432, 439, 474, 500 Cybermarketing 329, 338, 351-352
Consolidation 46, 559-560 Cybervendeur 351
Consommations intermédiaires 5, 54, Cycle de production 480
354, 388, 390, 501 Cycle de vie 246-247, 333
Consumérisme 315 Cycle d’exploitation 479-480, 489,
Contraintes 63 491
Contrat de travail (les différentes Cycle d’investissement 478-480
formes de) 448 Cyert (R.M.) 14, 107, 293
Contrôle 111-117 CYQ (modèle) 398
Contrôle budgétaire 200
Contrôle de gestion 113, 134, 195,
250, 278 D
Contrôle externe 116
Contrôle organisationnel 112 DAS 181, 246
Coopération inter-entreprise 56, 181 D’Aveni (R.) 54
Coopétition 57, 58 Deal (T.) 87
Coordination 262, 271 Décentralisation 126-127, 290-291,
Copy-strategy 344 302, 304, 367, 433, 467
Co-traitance 235 Décision (niveaux de) 101, 147
Couple produit-marché 323 Décision (processus de) 106-107, 293
Courbe d’expérience 204, 208 Décision (types de) 107, 263
Coût 355 Déclin 248, 333, 443, 457
Coût complet 366, 384 Découvert 81, 479, 489, 495
Coût de lancement 411-412, 415, 417 Délai 354
Coût de possession 410, 412 Délai de récupération 193
Coût fixe 355, 402, 417 Délégation 126, 434, 467, 509
Coûts 355 Délocalisation 242, 357, 550, 563
Coût variable 356 Delta (modèle) 256
CPME 35 Demande 68, 316, 336
Création d’entreprise 67 Deming (W.E.) 373, 376
Création de valeur 5-6 Déréglementation 482, 532, 536
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
568 Management et économie des entreprises

Déséconomies d’échelle 41, 224, 251 E-commerce 350


Déséconomies externes 65, 531 Économies de champ 214, 251
Design 331 Économies d’échelle 355
Destruction créatrice 186, 188 Économies de dimension. Voir
Développement.  Voir R & D Économies d’échelle 364
Développement durable 523-525, 527 Économies externes 531
Diagnostic stratégique 250 Écoproduit 542
Diagramme d’Ishikawa 374 Éco-taxes 550
Différenciation 253 ECR 313
Différenciation retardée 324, 327, Écrémage 336
358, 370 EDI 149, 166, 350
Difficulté (entreprise en) 75 Effet d’accélérateur 64
Dilemmes 211-212 Effet de fouet 64
Direct costing 366 Effets d’entraînement 59, 65, 531
Direction 122-125, 269, 287 Effets de synergie 214, 259
Direction par objectifs 433 Effets externes 65, 531
Distribution 338, 341 Efficacité 401
Distribution exclusive 340 Efficience 401, 459
Distribution intensive 340
Éfficience-X (théorie) 373
Distribution sélective 56, 235, 340
EIRL 20
District industriel 60
Élargissement des tâches 367, 431
Diversification 216, 218
Élasticité 147, 336-337
Division du travail 220, 262-264, 273,
E-marketing 338, 351-352
283, 368, 395
Emery (F.) 288
Dolan (S.L.) 426
Employabilité 402, 423, 428, 444, 461
Domaine d’activité stratégique. Voir
DAS 245, 252 Empowerment 466
Domination par les coûts 213-214, Emprunts 470, 486, 492-493
254-255 Émulation 88, 460
DPO.  Voir Direction par objectifs Encadrement 88, 126, 266, 458, 472,
DPPO 292, 433, 464 513
DRC 193, 194 Enrichissement des tâches 14, 367-
Drop shipping 350 368, 431, 467
Drucker (P.) 98, 102, 278, 290-291, Enriquez (E.) 81
292, 314, 432-433 Entente 55, 58, 86, 248, 376
Dubreuil (H.) 466 Entité 2, 13, 173, 203, 237, 289
Durée du travail 459, 509 Entrepreneur 97, 299
Dyer (J.H.) 56, 181 Entrepreneuriat 98
Entreprise 2, 5-15
Entreprise contingente 300
E Entreprise étendue 171, 237, 380
Entreprise individuelle 19, 508, 557
Échange de documents informatisés Entreprises publiques 30, 104, 466,
(EDI) 149, 166, 350, 408 468
Éco-conception 544 Entreprises-réseaux 222, 237
Éco-efficacité 318, 512, 545 Entreprise unipersonnelle à
Éco-industries 543 responsabilité limitée 21, 557
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Index alphabétique 569

Environnement 48-51, 54, 58-59, 63, Fiedler (F.E.) 123


65, 531-532, 540, 542, 544, 547-549, Filiale 3, 40, 42, 56, 206, 216, 227-
551 228, 230, 233, 240, 432, 559
Environnement concurrentiel 30, 49, Filiale commune 56, 206, 227-228,
63, 208, 215 233
Environnement naturel 8, 509, 531, Finalités 103
540, 542 Financement 477-480, 482-495
EPIC 30 Fiscalité 553, 559-560
Équilibre financier 490, 492 Flexibilité 64, 358, 423
Équipes semi-autonomes 466 Flexibilité du travail 423
Ergonomie 363 Flexibilité fonctionnelle 442
ERP (enterprise resource planning) Flexibilité numérique 442
136, 148, 153, 285, 366, 383, 418 Flexibilité technique 358
Escompte 482, 488-490, 495 Flux tendus 361, 370, 376-377, 409
Essaimage 228, 451 Focalisation 185, 254, 257
Établissement 2 Follet (M.-P.) 114, 289
Étalonnage 197, 203, 252, 536 Fonds de capital risque 190
Éthique 526 Fonds de pension 8, 115
EURL. Voir Entreprise unipersonnelle Fonds de roulement 479
à responsabilité limitée 21, 71, 97, Force de vente 347, 348-349
119, 508, 557 Ford (H.) 119, 284, 363
Évolutionniste (thèse) 180, 305, 306 Fordisme 364
Expérience 182 Forester (J.) 64
Exportation 239-242, 351, 506 Formation 464
Externalisation 220, 356, 357 Fourastié (J.) 18, 188
Externalisation (de l’emploi) 451 Franchise 236, 240, 400
Externalités. Voir Effets externes 10, Freeman (E.) 6
65, 531, 544 French (J.) 120
Extranet 232 Freyssenet (M.) 13
Freyssinet (J.) 442
Friedberg (E.) 294, 433
F Friedmann (G.) 284
Front office 393
Fabrication 349, 353-354, 357, 359- Fusion 226
362, 366, 371, 373, 376-377, 379- Fusion-scission 226
380, 383-384 Futures 496
Facilité de caisse 489
Facteur de production 355
Facteurs clés de succès 184, 208 G
Factoring 488
Facturation électronique 350 Gadrey (J.) 386, 401
Faillite 24, 73 Galbraith (J.K.) 41, 98, 299, 314
Fama (E.F.) 15 Gamme 332
Fayol (H.) 14, 102, 269, 283-284 Gantt (H.) 284
FFOM 179, 202 Garvin (D.) 517-518
Fidélisation 203, 315, 324, 327, 331, Gauchy (D.) 258
397, 402, 428 GED 149
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
570 Management et économie des entreprises

Gelinier (O.) 432


Gestion à flux tendus 377, 417
H
Gestion budgétaire 113, 494 Hamel (G.) 209, 317
Gestion de crise 150, 521 Hammer (M.) 197
Gestion de la qualité 371 Hax (A.C.) 256
Gestion de l’information 140-141, Heene (A.) 210, 244
151 Herzberg (F.) 286, 426, 430
Gestion des compétences 443, 461 Hesket (J.) 86
Gestion des connaissances 143-144, Hiérarchie 118, 263, 266, 269
195 Holding 3, 32, 42, 217, 228, 240
Gestion des ressources humaines Horaire de travail 449
420, 435, 439, 442, 458, 472 Hull (R.) 463
Gestion des risques 51, 498, 503, 507 Hyperconcurrence 54
Gestion des stocks 359, 390, 406, Hyperconnexion 421
410-411, 416-417
Gestion par objectifs 462
Gestion par processus 196 I
Gestion par projet 198, 434
Gestion partagée des Identité d’entreprise 89
approvisionnements 419 IFRS 134
Gestion prévisionnelle de l’emploi Igalens (J.) 471
(GPE) 203, 440, 442, 444-445 Image 89
GIE 3, 20, 56, 233, 556 Impartition 56, 356
Gilbreth (L.) 284 Implantation 58, 240-241
Goffman (E.) 165, 174 Implication (des salariés) 427
Impôts 6, 553, 554
Gouvernance 113, 300
Impôt sur les sociétés 556, 558
Gouvernement d’entreprise.  Voir
Individualisation 455, 457-458, 463
Gouvernance
Inflexion stratégique 51, 520
GPA 419
Infogérance 145-146, 220, 397
GPAO 359, 416
Information 130-142, 145-146, 148,
GPE 444
151
GPEC 434, 442-443 Informations de base 131
Grande entreprise 40 Informations de contrôle 113, 131,
Grève 472, 474-475, 501 133, 135, 158
GRH.  Voir Gestion des ressources Informations externes 131, 137
humaines Informations internes 131, 134, 417
Groupe 42 Informatique 145
Groupement d’intérêt économique Informatique décisionnelle 110, 133,
(voir GIE) 233 148
Groupements temporaires 234 Informatique distribuée 145
Groupes autonomes (ou semi- Informatisation 371, 421
autonomes) 127, 288, 367-368, 431 Innovation 185-191, 334
Groupes stratégiques 205, 250 Innovation de rupture 187, 334
Grove (A.) 51 Innovation incrémentale 334
GVT (effet) 460 Innovation inverse 186
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Index alphabétique 571

Innovation servicielle.  Voir Lawrence (P.R.) 276, 301


Innovation dans les services LCAG 178
Inspecteur des ventes 349 Leader 334, 336
Intégration 221, 356 Leadership 119
Intégration du personnel 85, 359, 466 Lease-back.  Voir Cession-bail
Intégration fiscale 559-560 Leavitt (H.J.) 157
Intelligence économique 132, 153 Lewin (K.) 287, 425, 514
Intensité capitalistique 254, 321 Licenciement 453-454
Intéressement 456, 458, 460, 469-470 Lickert (R.) 14, 122
Internalisation 15, 221, 302, 356, 550 Liebenstein (H.) 262, 373
Internationalisation 49, 239 Liquidation 73, 74
Investissement 192-194 Liquidité 493
Investissement financier 193 Locke (E.A.) 427
Investissement immatériel 464 Logistique 404
Ishikawa (K.) 374 Lorsch (J.W.) 276, 301
ISO 354, 371-372 Lovelock (C.) 398-399

J M
Jacques (E.) 81 Machines 382
Jakobson (R.) 161 Management de la qualité 371, 373-
JAT 178, 377, 417 376
Jensen (M.C.) 15, 303 Management participatif 428, 433
J (modèle) 304, 371 Manager 102, 287, 290
Journée continue 449 Manne (H.) 299
Juran (J.-M.) 373 Manuel d’Oslo 399
Juste à temps 171, 361, 377, 422, 500 Marché 53, 54, 316-319
Marchéage 314, 330
March (J.G.) 293-294
K Marketing 311, 314
Marketing collaboratif.  Voir
Kaizen 376 Marketing participatif
Kanban 378 Marketing d’embuscade (ambush
Kapferer (J.N.) 153, 159, 174 marketing) 344
Kennedy (A.) 87 Marketing direct 338
Knowledge management 143 Marketing « distributeurs » 327
Kotler (P.) 311, 316 Marketing individualisé 313
Kotter (J.) 86 Marketing interne 398
Marketing « one to one » 326
Marketing mix 314, 330
L Marketing opérationnel 330
Marketing participatif 331
Lancement 333, 411 Marketing stratégique 330
Lapert (D.) 391, 398-399 Marketing viral 344
Lasswell (H.D.) 160 Marque 331
Latham (G.P.) 427 Martinet (A.C.) 153, 176
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
572 Management et économie des entreprises

Martory (B.) 471


Maslow (A.) 14, 285, 317, 426, 430
N
Masse critique 223 Nalebuff (B.) 57
Masse salariale 459-460, 464 Négociation 249, 293, 301
MATIF 506 Nelson (R.R.) 15
Maturité 248, 333 Néo-classique 106, 289, 432, 458
Mauborgne (R.) 255 Néo-taylorisme 368
Mayo (E.) 102, 285, 429-430, 458 Niche 254, 543
Mc Gregor (D.) 286, 426, 430 Nonaka (I.) 144, 153
Mc Kinsey 277, 278 Non-consommateurs 324
Means (G.R.) 299 Normes 354, 371-372, 549
Mécénat 93, 346 Notation sociale 528
Meckling (W.H.) 15, 303 Nouvelle économie 52, 58, 311, 315,
Media-planning.  Voir Plan média 326
Médias 344 NTIC 166
Médiation 475
Menaces 50
Mercatique 55, 155, 248, 311-312,
314, 316, 323, 325, 331, 333, 360,
O
398, 548 Objectifs 104, 182
Merchandising 345 Obligations 486
Mérite 457-458, 460, 483, 525 Observatoire social 472
Méthode 409 Obsolescence programmée 332, 354
Métier 183 Offre publique 229
Microentreprises 31, 33 Ohno (T.) 370
Mintzberg (H.) 102, 119-120, 262, OPA 229, 471
265, 271-274 OPE 229
Mission 184 Opportunités 50
Mobilisation 439 Optimisation fiscale 553, 560
Modèle CYQ 397, 398 Options 470, 496
Modèle de Wilson 412-417 OPV 229
Modèle IMC 106, 292 Ordonnancement 360
Modèle J 304, 371 Organigramme 264, 265
Modèle LCAG 178, 179 Organisation 261-307
Modèles de portefeuille 176, 210, 217 Organisation de la production 13, 97,
Modularité 327, 358, 369 359, 361, 363, 371, 406, 417
Mondialisation 241, 327, 535, 560, Organisation du travail 35, 288-289,
563 366-367, 380, 429, 467
Moniteur des ventes.  Voir Inspecteur Organisation par projet 379
des ventes Organisation scientifique du travail
Monopole provisoire 38, 255, 400 14, 283, 363, 429
Motivation 285-286, 426-427, 429- ORSE 534
430, 446, 460, 463 OSÉO 190
Mouton (J.S.) 123, 432 OST (voir Organisation scientifique
MRP 136, 364, 366 du travail) 283-284, 363, 365, 429
Multidimension 279 Ouchi (W.) 286-287
Multinationalisation 240-241 Outsourcing 145-146
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Index alphabétique 573

P Poids morts 211-212


Pôle de développement 59
Packaging 331 Portage salarial 433, 452
Palo Alto (école de) 163-164 Portefeuille d’activités 177, 210
Panel 320 Porter (M.E.) 178, 249-253
Pareto (V.) 14, 374, 409, 530 Positionnement 258, 277, 324-325,
Parkinson (lois de) 300 330-331
Parodi 443 Poste 446, 462
Parrainage 94, 346 Post-fordisme 369
Partenariat 231-232, 237 Post-taylorisme 368
Participation 42, 227, 466 Potentiel 202, 204
Participation financière 460, 468 Potentiel financier 204
Participation (prise de) 42, 81, 227- Pouvoir 118-120, 122-126
228 Prahalad (C.K.) 317
Parties prenantes 6, 10 Prêt 485, 487-489
Peaucelle (J.-L.) 130, 153 Prévision de la demande 321
Pénétration 324, 336 Primes 456, 458
Pérennité 104 Prise de contrôle 76, 227, 229
Période d’essai 446 Prise de participation 42, 81, 227-228
Périssabilité 388 Prix abusivement bas.  Voir Prix
Personnel-mix 436 prédateur
PESTEL (modèle) 50 Prix de référence 336
Peter (C.J.) 463 Prix (fixation du) 335-336
Peter (principe de) 300, 463 Prix prédateur 53
Peters (R.) 14, 86, 277 Prix psychologique 68, 337
Petites entreprises 350 Proactivité 64
Pettigrew (A.) 513-514 Processus 279, 361
Pfeffer (J.) 301 Production de biens 353
PGI 136, 148, 285, 383 Production de services 386
Pigou (A.) 65 Production en continu 364, 423
Pilotage 100, 297 Production en série 377
Pilotage du changement 515 Production intégrée par ordinateur 383
Pilotage par l’aval 361, 378 Production sur mesure et de masse 362
Pionnier 188, 334 Productique 149, 362, 381-382
Plan de financement 348, 492-493 Productivité 355
Plan de formation 464-465 Productivité des services 400
Plan de marchéage 325, 327 Produit 330-333, 354
Plan d’épargne d’entreprise 469 Progiciels de gestion intégrés 136, 383
Plan de production 361 Programme 107, 141, 271, 283, 285,
Plan de redressement 75 366, 380, 393, 545
Plan de sauvegarde de l’emploi 453 Programme de production 366
Plan d’options sur actions 470 Projet 71, 232, 268, 379
Planification de la production 364 Projet (de création) 71
Planification stratégique 178, 198-199 Projet d’entreprise 87-89, 195, 527
Plan média 344 Promotion des ventes 346
PME 31-39, 46 Promotion du personnel 463
PMI 32, 35 Prospection de clientèle 166
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
574 Management et économie des entreprises

Prospect(s) 326 RES 470


Publicité 343-344 Réseau (entreprises) 237
Pyramide des besoins 14, 285, 317 Réseaux (de communication) 157
Réseaux d’information 154
Responsabilisation 435
Q Responsabilité pénale 508-509
Responsabilité sociale 105
Qualification 457, 461-462 Responsabilité sociétale de
Qualité 354, 371-376 l’entreprise 523
Qualité totale 375 Ressources humaines (gestion des)
Quasi-intégration 231 420, 424, 431, 433, 435-436, 439
4 P 314 Résultat imposable 555-556
Rétroaction 155, 160-161, 163, 296,
298, 342
R Riboud (A.) 238
Rifkin (J.) 49, 51-52, 58, 315, 537
Ramanantsoa (B.) 218 Risques 498-503
Rationalité limitée (théorie de la) Robots 363, 383
106, 292 Rotation des postes 304, 367, 424
Raven (B.) 120 Roue de Deming 373
R & D 50, 148, 189, 191 Routines 306
Réactivité 36, 64, 354 Rupture de stock 112, 411-412
Recentrage 9, 197, 219-220, 357, 451
Recherche et développement 189,
191 S
Reconfiguration 195-197
Recrutement 446-447 Sainsaulieu (R.) 16, 428
Recyclage 50, 542, 544-545, 547 Salaires 454
Redéploiement 218, 221, 484 Salancik (G.R.) 301
Référencement 341 Salmon (A.) 527
Regroupement 225-226, 228-229 Sanchez (R.) 210, 244
Régulation 111-112 Saussure (F. de) 130
Régulation par alerte 112, 134 Say (J.B.) 96-97, 312, 499
Régulation par anticipation 112 Schein (E.) 81
Régulation par rétroaction 112, 134 Schmidt (W.H.) 122
Reix (R.) 132, 153 Schumpeter (J.) 97-98, 186, 290, 299
Relationnelle (approche) 123, 181 Scission 115, 221, 226-227
Relations humaines (Mouvement des) Secteur d’activité 17, 19
285 Sécurité informationnelle 141
Relations publiques 92, 345 Segmentation stratégique 181
Relocalisation 357 Serieyx (H.) 433
Rémunérations 454-455, 456-458, 460 Service (production de) 403
Rendement 457 Services 359, 386
Rentabilité 4, 9, 114 Services aux entreprises 397
Répartition 5, 6, 7 Services (production de) 386-392
Représentation des salariés 468 Shannon (C.) 154, 160
Reprise d’entreprise 72 SICAV de trésorerie 495
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
Index alphabétique 575

Simon (H.A.) 14, 106-107, 292-294 Stratégie de croissance 238, 492


Simulation 110, 298, 299 Stratégie de distribution 340
SIM (voir système d’information pour Stratégie de diversification 208
le management) 148 Stratégie d’internationalisation 234,
Singh (H.) 56, 181 238
Six Sigma (méthode) 374-375 Stratégie mercatique 323-324, 330
Sloan (A.P.) 14, 126, 278, 291 Stratégie « Océan bleu » 254
SMIC 442, 455, 561 Stratégies de recentrage 231, 237
Smith (A.) 283, 458, 499, 530 Stratégie technologique 206, 251
SNC (voir société en nom collectif) Structure 262
20, 557, 559, 560 Structure concurrentielle 53, 205, 248
Sociétal(e) (action) 525, 528 Structure matricielle 198, 268
Société anonyme 6, 21, 24 Suiveur 188, 334
Société à responsabilité limitée 21, 557 Supervision directe 35, 173, 266, 271
Société coopérative d’intérêt collectif Supply chain management 417
24 Sur-mesure de masse 327, 358, 369
Société coopérative ouvrière de Synergie 217-218
production 24, 104 Système 295
Société de portefeuille 42 Système de pilotage 139-140
Société d’exercice libéral 22 Système de valeurs 82, 87, 103, 428
Société par actions simplifiée 21, 23, Système d’information 132, 138
233-234 Système d’information pour la gestion
Sociétés civiles 20, 33, 508 148
Sociétés coopératives 24, 558 Système d’objectifs 103, 182
Sociétés d’économie mixte 29 Système opérant 139-140
Sociétés de personnes 22, 33, 508,
556-557, 560
Sociétés filiales 3, 41, 278 T
Sociétés mutualistes 25
Socio-technique 288, 466 Tableau de financement 490-491
Solvabilité 340, 492-493, 496, 502 Tableaux de bord 110, 113, 134, 170,
Sous-traitance 234-235, 357 308
Spécialisation 214-216 Takeuchi (H.) 144, 153
Sponsoring 93, 94 Tarondeau (J.C.) 244, 358
Staff and line 270 Taux actuariel 194
Stakeholders 8 Taux d’actualisation 194
Stalker (G.) 301, 431 Taux de rentabilité du capital 9
Standardisation 271, 363 Taux de rentabilité interne 194
Standards 134, 149, 166, 169, 324, Taylor (F.W.) 14, 269, 283-284, 309,
354-355, 393 363, 429, 457-458
Statut juridique 29, 72, 89, 224, 560-561 Taylorisme 363, 367
Stock 365, 376-378, 404-405 Technologie 203, 204-208
Stora (J.) 123 Technologie clé 205
Stratégie 175-177 Technologie de pointe 205
Stratégie d’achat 407 Technologie émergente 205
Stratégie d’alliance 231 Technologies flexibles 35, 381
Stratégie de créneau 254 Technopôle 60, 61
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
576 Management et économie des entreprises

Technostructure 41, 98, 265-266, 272, Veille 137


299, 300-301 Veille technologique 206
Télématique 18, 166, 205, 221-222, Vente 347
392, 421 Viennot (rapport) 117
Télétravail 173, 423, 451-452 Visioconférence 158, 167
Temps de travail (organisation du) 449 Vision stratégique 178
Théories de l’organisation 16 Von Bertalanffy (L.) 295
Thomas (W.) 244, 425 Von Mises (L.) 98
TIC (ou NTIC) 52, 61, 166 Vroom (V.) 426
Tofler (A. et H.) 58
Toyotisme 370
TPE 77, 224 W
TQC 373
TQM 178, 373, 405 Waterman (R.) 14, 86, 184, 277
Traçabilité 354, 383 Weaver (W.) 154, 160
Transfert de technologie 190, 207 Weber (M.) 14, 118, 284, 307
Transitique 360, 362, 404-406, 418 Weitzman (M.) 459
Transnationales 240 Wernerfelt (B.) 180, 208
Transparence fiscale 558 Wiener (N.) 161, 174
Transversalité 279, 361, 435 Wilde (D.L.) 256
Travail 421 Williamson (O.E.) 15, 221, 231, 302,
Travail à durée déterminée 423 357
Travail de nuit 449 Wilson (modèle de) 412
Travail par équipes 423 Winter (S.G.) 15, 305
Travail posté 449 Woodward (J.) 276, 301, 432
Trésorerie 493-496
TRI 194
Trist (E.) 288, 466 X
Turgot (A.R.J.) 299
X (efficience) 262
X et Y (théories) 286
U
Unité de commandement (principe) Y
269, 270, 283
Unité stratégique homogène.  Voir USH Yellen (J.) 459
USH 181 Yield management 396

V Z
Vache à lait 212 Zarifian (P.) 387, 424, 434
Valeur actionnariale 8, 105, 117 Zéros (cinq) 376
Valeur actuelle nette (voir VAN) 194 Znaniecki (F.) 425
Valeur ajoutée 5, 7 Zone(s) franche(s) urbaine(s) 60, 70,
Valeur (création de) 5-7, 10 561
VAN 194 Z (théorie) 286
ULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.
:FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES - SETTAT:340637514:88866215:41.250.176.
n
id e 12e éditio
m é m o ir e ide
mémoire
a g e m e n t
Man
mie
e t é co n o
re p r i s es
a g e m e n t
des e n t
a n

Management et économie des entreprises


M
ension de la

i e
compréh ncières

m
ciliter la s outra ntenu

o
pour fa

n
n ti e l c a ti o n

o
l’ess e fi
s simpli ouvrage. Son co illeurs

c
Aller à ses san

t é
entrepri t e
rs de ce analyses des m

e
d e s te u
vie a u lisant

s
uci des r les u ti

e
so u ie su , e n
le
ropose

s
a été pp
richi s’a

i
p ire,

r
t e n . Il voca la s
b u

p
e e rs
actualisé t étrang

e
e s , le

r
ça is
exem p le théo e ri

t
es fra n
émas et

n
spécialist et les

e
c h

33
6
x s e s ettent

des
u nis m

41
bre
de nom pts, les méca es perm

77
raphiqu

36
o g

43
c e b ib li
les con res

41
.
Des repè chaque chapitre

NUART 5
entaux. e mpte le
s
fondam ndir le contenu d p ris en co
p p ro fo n t é té iv e rs e s
d’a dition, o des d
e n o uvelle é e m a n a gement s d e s IA E

7--1
2
Dans ce
tt
ra m mes d le s cursu s

12
ro g te r, m e
xp t mas diplô

10
nouveau cence e que les essy

79
Gilles Br

16
e n li a in s i d u

7--1
n s e li té
formatio les de commerc es thèmes d’act risques,
ua

2447
Konkuyt
o

2--2
é c le . L d e s
et des omptab gestion

8--2
ces,
ertise c té développés : des compéten le, t i a n
78
de l’exp Ch r i s
97
é n b

ISBN 9
o n t st io d u ra
ment nt, ge ment
manage du changeme veloppe risation
de
d u it e is a ti o n nel, dé a umé .
, n
con o rg a n le D e lt
ssage modè té, etc
apprenti évolutionniste, -efficaci
p p ro ch e a ti o n fi scale, éco s notion
s de
a
e p ri se , optimis
r ra p id ement le
l’entr ssimile
rmet d’a ux. Il s’adresse :
rage pe pa
Cet ouv thèmes
p ri n ci
A,
e t le s
réparan
t : ence CC
base
ia n ts p e s ti o n , une Lic ll e, un
d -g e
• aux étu nce d’Économie nce professionn
- une Lic
e u n e L ice
e L ic e n ce AES ,
M aster CC
A ;
un
rt ia ire ou un BA
Master te ent du B
G o u u n DSCG
 ;
n e n m anagem
- un DC formatio e ;
- un mo
dule de commerc , etc.) ou un BT
S
d e s é c oles de C , G A C a ti q u e
ou MBA A, T D , Inform
U T te rt iaire (GE g e st io n, MUC e tc .) ;
- un D bilité e t
ME-PMI, 2223 

(Compta ion de P et aux
tertiaire , Assistant de gest n continue preuve
st io n rm a ti o ne é
de ge
s en fo ortant u
a
 u x p ersonne c o n c o u rs comp eprise ;
• s tr
ts à de mie d’en haitent
en
candida ement ou d’écono ri s e qui sou e su re
g d’entr e p m
de mana fur et à
a te u rs /-trices s fo n ct ions au
• aux cré
te
différen
dre ses ivité.
compren pement de l’act
e lo p
du dév

Vous aimerez peut-être aussi