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Devoir et patrie : notions de

morale et d'éducation
civique, à l'usage de
l'enseignement primaire et
des classes [...]

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Burdeau, Auguste (1851-1894). Auteur du texte. Devoir et patrie :
notions de morale et d'éducation civique, à l'usage de
l'enseignement primaire et des classes élémentaires des lycées et
collèges... / par A. Burdeau,.... 1893.

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A. BUIIDEAU

DEVOIR lï PATRIE

NOTIONS
DR

.MORALE ET D'ÉDUCATION CIVIQUE


.

COURS MOYEN Et SUPÉRIEUR

Ouvrage adopté et en usage'',d^tiif \lei école» de; Parjj'9,'


Lyon, etc. Po'rXé sur Ifs tmef 4efiartemeniaU«y]r-
.

PARIS r "
• ,
AJLCIDE PJGARD ET KAA'^ ^piTEURS
U, RUE SOUFFLOT. 11

H; REVERDY ' Et A^'6URp'BA(j/\^;iV;|teoitvU8uei, le droit cçin-i :

,;;v raerçlaj «t l'économie poliUq[tt$.4 l'éçotè, in-lf c*r»oané........ ' l SÇ*


"'.".'v'^'*-•'- ' ' :.:*<* '.-"-. '.'-:'''' '" ' •'"'•'. •".v,.-..-.-• . f.: .; ...".

DEVOIR ET PATRIE
EXTRAIT
DU

RÈGLEMENT D'ORGANISATION PÉDAGOGIQUE

DES
ÉCOLES PRIMAIRES
(PROORAMME OFFICIEL DU 21 JUILLET 1888}

Objet de l'enseignement primaire. — « L'objet de l'enseignement


• primaire n'est pas d'embrasser sur les diverses matières auxquelles il
« touche tout ce qu'il est possible de savoir, mais de bien apprendre
« dans chacune d'elles ce qu'il n'est pas permis d'ignorer. •
Méthode.—• La seule méthode qui convienne à l'enseignement primaire
• est celle qui fait intervenir tour à tour le maître et les élèves, qui entre*
« tirnt, pour ainsi dire, entre eux et lui un continuel échange d'idées
• soi s des formes variées, souples tt ingénieusement graduées. »
I ît de l'enseignement moral. — * L'enseignement moral est destiné
• à c mpléter et à relier, à relever et à ennoblir tous les enseignements
• de école. Tandis que les autres études développent chacune un ordre
'.

• spécial d'aptitudes et de connaissances utiles, celle-ci tend à développer


« dans l'homme l'homme lui-même, c'est-à-dire in coeur, une intelligence,
• une con&.ience. »
Rôle do l'instituteur dans l'enseignement moral. — « L'inst't
« tuteur est chargé de cette partie de l'éducation, en même temps que
o des autres, comme représentant de la société : la société laïque et dé-
c mocratique a en effet l'intérêt le plus direct à ce que tous ses membres
0 soient initiés de bonne heure et par des leçons ineffaçables au senti-
( ment de leur dignité et à un sentiment non moins profond de leur
J
devoir et de leur responsabilité personnelle. »
> Sa mission est donc bien délimitée ; elle consiste à fortifier, à enraci-
1 ner dans l'âme de ses élèves, pour toute leur vie, en les faisant passer

i dans la pratiquequotidienne, ces notions essentielles de moralité humaine,


« communes à toutes les doctrines et nécessaires à tous les hommes
« civilisés. Il peut remplir cette mission sans avoir à faire personnelle*
« ment ni adhésion, ni opposition à aucune des diverses croyances con-
• fessionnelles auxquelles ses élèves associent et_ mêlent les principes gé-
• néraux de la morale.
« Dans cet ordre d'enseignement, ce qui ne vient pas du coeur ne va pas
« au coeur. Le plus simple récit où l'enfant pourra surprendre un accent de
« gravité, un seul mot sincère vaut mieux qu'une longue suite de leçons
« machinales. »
CERTIFICAT D'ÉTUDES PRIMAIRES
(Arrêté ministériel du 89 Décembre 1891)

DEVOIR ET PATRIE
'^'./^NOTIONS DE MORALE

X^K" D U C A T10 N CIVIQUE


OUVRAGE
Suivi de la Déolaration des Droits de l'homme

LEÇONS — RECITS — RESUMES


EXERCICES ORAUX ET ÉCRITS — RÉDACTIONS POUR LE CERTIFICAT
D'ÉTUDES PRIMAIRES
—67 GRAVURES ET CARTES

PAR

A.. IBXJ3E=iIDE.-A.XJ
DÉPUTÉ DE LYON
ANCIEN ÉLÈVE DE L'ÉCOLE NORMALE SUPÉRIEURE,AORÉOÉ DE PHILOSOPHIE
CHEVALIER DE LA LÉGION D'nONNEUR

PARIS
ALGIDE PICARD ET KAAN, ÉDITEURS
11, RUE SOUFFLOT, H
Tous droits réservée.
Arrêté relatif à l'examen
du Certificat d'études primaires du
29 décembre 1891
Le paragrapho 3, de l'article 256 de l'arrêté du 18 janvier 1887,
est complète ainsi qu'il suit :
u 3° Une rédaction d'un genre très simple, portant, suivant un
choix à faire par l'Inspecteur d'Académie, sur l'un des trois ordres
de sujets ci-dessous :
« 1° L'Instruction morale ou civique;
« 2* L'Histoire et la Géographie:
x 3>' Les Notions élémentaires de sciences aveo leurs appli-
cations à l'Agriculture et à l'Hygiène.

A LA MÊME LIBRAIRIE
CHOIX
DE COMPOSITIONS
ÉCRITES ET ORALES
OUVRAGE A L'U8AGE DES MAITR1E8
Pour la préparation à l'examen du Certificat d'études
primaires.
COMPOSÉ PAR
M. MARIE-CARDINE
INSPECTEUR PRIMAIRE HONORAIRE, OFFICIER DK L'INSTRUCTION PDBLIQDB '
AYCC la collaboration de rédacteurs de L'ÉDUCATION NATIONALE

EPREUVES ECRITES
45 Dictées expliquées. — Sens des mots et des pensées. —
Conjugaison des verbes. — Analyse grammaticale et Io-
fique. — Orthographe d'usage. — Etymologie. — Familles
e mots. — Homonymes. — Synonymes. — Contraires.
90 Problèmes. — Solutions raisonnées.
45 Rédactions. — Sujets et développements.
ÉPREUVES ORALES
45 Lectures expliquées.
210 Questions de grammaire, avec réponses.
210 Questions d'arithmétique et de système métrique, avec
réponse.
195 Questions d'enseignement scientifique, de leçons de
choses, d'agriculture, etc., avec réponses.
185 Questions d'instruction morale et civique, de droit
220
usuel, etc., avec réponses.
Questions d'histoire, avec réponses.—""
\ .-<

210 Questions de géographie, aveo réponses.


48 Sujets de causerie entre le professeur et[ses élèves.
Médaille d'honneur de la Société d'encouragement au bien.
UN FORT VOLUME JX-18 JÉSUS CARTONNÉ ROUGE :J3 FR.
PRÉFACE

Depuis quelques années, notre pays, éclairé par une expé-


rience cruelle et peu à peu pénétré des idées républicaines, a
commencé à comprendre l'importanco du rôle de l'instituteur.
Les pouvoirs publics so sont appliqués à relover la situation
du professeur primaire, et à l'environner do la considération
à laquelle il a tant de droits.
Mais entre toutes les innovations qui ont concouru à co
résultat, aucune n'est plus efficace que l'article de loi qui a
reconnu à l'instituteurla mission de donner l'enseignement
moral et civique, c'est-à-dire de préparer dans l'enfant
Yhomme et le citoyen. Le jour où cette loi fut votée, pour la
première fois, la fonction du maître d'école s'est révélée dans
toute sa grandeur.
On l'a dit souvent, et c'est une vérité pleine de consé-
quences : Tant vaut l'instituteur, tant vaut la
nation.
Ceux qui ont la tâche de nous former des citoyens tien-
dront bientôt dans leurs mains l'âme et les destinées de tout
un grand peuple : l'avenir sera ce qu'ils le feront. Jamais corps
de l'État n'eut un pouvoir comparable à celui-là. Jamais res-
ponsabilité ne fut plus grande. Pour porter cette responsa-
bilité, pour exercer ce pouvoir, ce no sera pas trop de
toutes les forces, de toutes les lumières que pourront fournir
en s'unissant ceux qui ont quelque habitude de l'enseignement
des vérités morales et des principes civiques.
Chacun doit apporter sa contribution à la tâche commune :
c'est la raison d'être, ou, si l'on veut, la justification de ce
petit livre.
A. BURDEAU,
NOTE DES ÉDITEURS

Chaque chapitre de ce livre est composé de trois


parties : des Leçons, des Récits et un Résumé.
Chaque leçon devra être lue à plusieurs reprises, et
non pas apprise par coeur. Mais à chaque leçon cor-
respondent quelques paragraphes du re'sumé : l'élève
les récitera, et gravera ainsi dans sa mémoire les
notions essentielles.
La marche la plus simple comme la plus générale-
ment adoptée est la suivante : faire lire une leçon
ou un récit en classe ; donner à copier et apprendre
la partie dû résumé qui y répond; — à la classé sui-
vante, on fait réciter cette partie du résumé : à cet
effet, le maître utilise le questionnaire qui suit le
résumé pas à pas, pour aider la mémoire de l'enfant.
En outre, on s'efforcera de faire raconter les récits par
les élèves, pour s'assurer qu'ils les ont bien compris.
Des devoirs de rédaction, placés à la fin du chapitre,
permettront d'exercer le raisonnement et le style de
l'élève sur les matières récemment apprises.
La leçon, on le remarquera, est un dialogue entre le
maître et les élèves. Elle offre ainsi une image vivante
de ce que doit être la classe, selon la pédagogie mo-
derne: faire parler l'élève, provoquer ses questions,
lui faire découvrir les réponses par ses propres rai-
sonnements, telle est en effet la tâche la plus difficile
et la plus belle de l'instituteur. Il trouvera dans ce
livre un guide à cet égard.
ALCIDE PICARD ET KAAN.
CHAPITRE PREMIER
L'INSTRUCTION MORALE

PREMIÈRE LEÇON

L'ÉCOLE

Eh bien ! mes amis, que veut dire ce beau zèle ?



11 reste encore dix minutes avant que l'heure sonne,

— Eh bien! mes amis, que veut dire re beau zèle?

et vous voilà tous en classe ! Est-ce que vous auriez perdu


le goût du jeu?
— Mais, monsieur, vous ne vous rappelez donc pas?
Samedi, à la fin de la classe, vous nous avez promis de
commencer ce matin l'instruction morale et civi-
que. Même vous nous avez dit que ce serait aussi inté-
ressant, et peut-être plus, que l'histoire de France.
8 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

— En effet, mes enfants. Il est très utile de savoir


ce que la France était autrefois ; mais il est en-
core plus utile de savoir ce que la France est au-
jourd'hui, comment elle est gouvernée et administrée.
Et cela, c'est l'instruction civique.
Quant à l'instruction morale, elle vous appren-
dra comment vous devez vous conduire, aujourd'hui
et plus tard, pour être d'honnêtes gens et de bons
Français, comme ceux qui ont vécu avant vous. C'est
par là que nous commencerons. L'instruction civique
viendra après.
11 faut que je reprenne cela de plus haut. Vous
allez voir que quand je vous dis : l'instruction morale
est la chose qu'il importe le plus de savoir, c'est bien
la vérité.
D'abord, je ne vous demanderai pas :
« Lequel vaut le mieux d'être instruit ou de rester
ignorant ? » La meilleure réponse que vous puissiez
faire, c'est que vous êtes ici, et que vous m'écoutez
tous avec attention.
Mais vous vous trouveriez peut-être plus embarrassés,
si, au lieu de vous faire cette question, je vous posais
celle-ci :
« Qu'est-ce qu'il importe le plus de savoir? »

DEUXIÈME LEÇON

QU'EST-CE QU'IL IMPORTE LE PLUS DE SAVOIR?

— Ohl voilà bien des mains qui se lèvent: une, deux,


trois, quatre, cinq... tout le monde veut répondre.
J'entends dire : ici, la lecture ! là, le calcul! là-bas,
l'histoire I
Assurément, mes enfants, il y a bien des choses à
savoir. Par exemple, Jacques n'a pas tort de dire que la
lecture passe avant tout : c'est par ce savoir-là qu'il
faut commencer, puisqu'il donne la clé de tous les
UTILITÉ DE L'INSTRUCTION MORALE 9
autres ; il vous ouvre les livres, et les livres sont comme
autant de maîtres, chargés d'aider votre instituteur pen-
dant que vous êtes à l'école, et de le remplacer durant
le reste de votre vie.
Il n'est pas moins important de savoir écrire et
calculer : il n'y a personne qui n'ait, de temps à autre,
besoin d'envoyer une lettre à un absent, de dresser et
signer un contrat ou un bail, pu bien enfin, de régler
un compte d'argent. Et celui qui ne sait pas se rendre
à lui-même ces petits services, est forcé de les deman-
der aux autres et de se remettre aveuglément dans leurs
mains, comme le ferait un petit enfant.
Mais il y a une chose qu'il importe plus encore de
savoir que toutes celles-là. Quelle est cette chose? Pou-
vez-vous le dire?
Ah! cette fois, personne ne se presse de répondre.
Eh bien! réfléchissez un peu. Pourquoi est-il si néces-
saire que vous sachiez lire des livres instructifs et pleins
de bons conseils? pourquoi est-il si nécessaire que vous
sachiez écrire vos lettres, mener vos petites affaires et
calculer vos intérêts? C'est parce que les livres vous ai-
deront à être des hommes éclairés, justes et
bons. C'est aussi parce que l'homme qui sait conduire
son affaire est plus capable d'aider les siens, de devenir
un appui pour ses parents, et qu'il est plus à même de
rendre service à ses voisins, à ses concitoyens, enfin à
tout son pays.
Ainsi, vous le voyez, tout le savoir que votre maître
tâche de vous donner, il vous le donne afin que vous
vous en serviez pour devenir des hommes utiles, des
hommes de bien.
Il est donc vrai de dire que ce qu'il importe le plus de
savoir, c'est comment on dévient un homme do bien. Et
par conséquent il n'y a pas de science qui passe avant
l'instruction morale. Aussi, dans la loi, elle se trouve
inscrite en tête des matières que sont obligés d'apprendre
tous les enfants de France.
10 L'INSTRUCTION MORALE A L*ÉCOLE

TROISIÈME LEÇON

LES PREMIERS DES DEVOIRS SONT LES DEVOIRS DE FAMILLE

La première chose à faire, pour un enfant qui veut


suivre dans la vie le droit chemin, c'est d'apprendre à
se bien conduire dans sa famille.
En effet, celui qui aura su faire son devoir envers
ses parents sera tout préparé d'avance à se com-
porter honnêtement plus tard avec ses maîtres à
l'école, avec ses patrons à l'atelier, avec ses chefs
à l'armée et avec ses supérieurs en toute circon-
stance.
Pareillement, celui qui aura su être bon frère
trouvera tout naturel ensuite d'être bon camarade, bon
ami et bon pour tous ses semblables.
La famille est comme une école où l'enfant
s'exerce naturellement à tous les devoirs qu'il aura à
remplir durant sa vie.
Sachons donc d'abord quelles sont nos obligations
envers les membres de notre famille.

PREMIER RÉCIT
UNE LEÇON DE MORALE DANS LA RUE

Socrate 1,qui fut un dc3 hommes les plus sages des


temps anciens, avait coutume de dire à ses disciples qu'il
ne pouvait leur enseigner qu'une science; mais c'était la
première et la plus indispensable de toutes, la science
qui rend les hommes bons et honnêtes en les éclairant
sur leurs devoirs : la Morale.

Socrato, illustre philosophe athénien, combattit les sophistes,


1.
qui corrompaient les jeunes gen9 en leur enseignant à mépriser
leurs parents, les lois et la patrie. Accusé d'offenser les dieux,
il fut condamné a boire la ciguë" (469-400 av. J.-C).
UTILITÉ DE L'INSTRUCTION MORALE 11

Un jour, dans une rue d'Athènes, sa patrie, il fit la


rencontre d'un jeune homme qui lui parut de bonne
mine, et il résolut d'en faire son disciple et son ami. Il
lui barra le chemin avec son bâton et lui dit : —Sais-tu
où se vendent le pain et la viande? — Oui bien,
répliqua Xénophon (c'était le nom du jeune homme):
tu trouveras ces choses au marché de l'Agora. — Et


Viens avec moi et nous étudierons ensemble.

sais-tu, poursuivit Socrate sans baisser son bâton, où


l'on peut acheter des vêtements et des chaussures? —
Oui, dit l'autre. Et il enseigna à Socrate les marchands.
— C'est trè3 bien; mais maintenant, jeune homme,
puisque tu sais tant de choses utiles, pourrais-tu me dire
où l'on apprend à devenir un homme de bien? Cette
fois, Xénophon se tut et rougit ; Socrate lui dit alors : — A
quoi bon savoir le reste, si tu ignores la seule chose qui
soit essentielle? Et quel usage feras-tu de ta science, si
tu ne sais pas t'en servir pour le bien? Elle sera dans ta
possession comme un ontil aux mains d'un homme sans
12 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

expérience : il le manie au hasard et se blesse plus qu'il


n'avance dans son ouvrage.
Et comme Xénophon demeurait confus devant So-
crate et honteux d'avoir si longtemps négligé la véritable
instruction, le sage lui dit : — Viens avec moi et nous étu-
dierons ensemble la science du bien. Ainsi fut fait, et
Xénophon, formé par les leçons de ce maître, devint un
des citoyens les plus éclairés de la Grèce et l'un de ceux
qui font le plus d'honneur à ce pays si fécond en grands
hommes et en hommes vertueux.
DEUXIÈME RÉGIT
ABRAHAM LINCOLN, PRÉSIDENT DES ÉTATS-UNIS

Abraham Lincoln, le président des États-Unis, que ses


compatriotes avaient surnommé « le vieil honnête Abra-

— Dites que j'ai voulu être un bon fils.

ham », n'était dans sa jeunesse qu'un pauvre bûcheron.


Mais il sut s'instruire tout en gagnant sa vie ;
son renom de bon sens, de droiture et de probité, se
UTILITÉ DE L'INSTRUCTION MORALE 13

répandit, jt il arriva ainsi du plus humble métier à la


première magistrature, — chose qui serait impossible
ailleurs que dans une République démocratique.
Il contribua à l'abolition de l'esclavage des nègres et
pacifia les États-Unis bouleversés par la guerre civile la
plus affreuse des temps modernes. Il acquit ainsi la
gloire la plus pure, celle qui est fondée sur l'estime de
tous les contemporains.
Quand ses amis, fiers de son élévation, le comblaient
d'éloges, l'appelaient « le libérateur des noirs »,
« le grand homme », savez-vous ce qu'il leur répon-
dait?
— Donnez-moi un autre nom, mes amis. Il sera plus
juste, j'espère, et il me touchera davantage. Dites que
j'ai voulu être « un bon fils ». Voilà la source de ce
que j'ai pu faire de bien : j'ai eu la meilleure et la plus
noble des mères; j'ai tâché de n'être point pour elle un
sujet de tristesse, mais plutôt de consolation. Tout ce
que je suis, tout ce que je voudrais être, c'est à elle que
îe le dois.

RÉSUMÉ

1. Le savoir rend seul l'homme indépendant et


maître de lui-même.
2. Le plus grand malheur de l'ignorant c'est de
ne pas connaître combien son état est misé-
rable.
3. Le savoir est estimable, parce qu'il nous rend
l'honnêteté plus facile.
4. Au-dessus de toutes les connaissances, nous
devons placer la connaissance du bien et des
moyens d'y arriver.
h. Par l'instruction morale et civique, nous acquer-
rons les connaissances nécessaires pour
14 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

devenir des hommes honnêtes et de bons


Français.
6. Sans l'instruction morale et civique, l'homme
est aussi exposé à mal agir qu'un aveugle à
faire un faux pas.
7. Socrate avait raison de le dire : « Il y a quelque
chose de plus nécessaire à l'homme que le
pain et le vêtement : c'est l'instruction mo-
rale. »
8. La famille est l'école où l'on apprend la pra-
tique de tous les devoirs".
En se conduisant bien avec ses père et mère,
on apprend à se bien conduire avec ses supé-
rieurs.
En se conduisant bien avec ses frères et soeurs,
on apprend à se bien conduire avec ses égaux.
9. L'enfant qui aura bien aimé sa mère saura bien
aimer sa patrie.
Les enfants respectueux envers leur père
font les citoyens respectueux envers les lois.

EXERCICES ORAUX OU ÉCRITS

1. Quelle est l'utilité du savoir?


2. Quel est le plu9 grand malheur de l'ignorant?
3. Pourquoi le savoir est-il estimable?
4. Quelle est la connaissance qu'il faut placer au-dessus des
autres?
5. A quoi sert l'instruction morale et civique?
6. A quoi est exposé l'homme qui n'a pas l'instruction morale
et civique?
7. Répétez le mot de Socrate au sujet de l'instruction morale.
8. Comment la famille est-elle une école?
9. Qui est-ce qui saura bien aimer sa patrie, respecter les lois?
LES DEVOIRS ENVERS LES PARENTS 15

Devoirs de rédaction.
1. Expliquez l'utilité de l'instruction et les inconvénients de
l'ignorance. — Expliquez pourquoi l'instruction morale et civique
est la plus importante de toutes.
2. Racontez la rencontre de Socrate avec Xénophon. — Expli-
quez ce proverbe: la Famille est la première école de toutes les
vertus.
3. Montrez qu'en remplissant ses devoirs de famille on apprend
à remplir ses devoirs envers tout le monde.
4. Racontez comment Lincoln expliquait qu'il avait pu devenir
un homme de bien.

CHAPITRE II
LES DEVOIRS ENVERS LES PARENTS
L'OBÉISSANCE

PREMIÈRE LEÇON

L'OBÉISSANCE AUX PARENTS. FAUT OBÉIR PAR BON SENS


— IL
Un enfant qui n'aurait pas ses parents d'abord pour
le nourrir, et puis pour le protéger contre tous les périls
de la vie, mourrait bien vjle et bien misérablement.
Dans son jeune âge, il ne peut ni chercher la nourriture
dont il a besoin, ni se défendre du froid, dont la moindre
atteinte peut le tuer, ni même se servir de ses membres.
// est nu, il est débile, il est comme aveugle. Pendant
plusieurs années, l'enfant reste dans un état de faiblesse
extrême et dans l'impuissance de se suffire.
Ses parents viennent alors sans cesse à son secours et
l'entourent de mille soins; au prix de continuels soucis,
ils le sauvent et lui font une santé.
Mais encore faut-il que l'enfant ne gâte pas leur
oeuvre par son imprudence, car l'usage de ses membres
16 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

lui vient plus vite que l'expérience et la sagesse, qui sont


cependant nécessaires pour s'en servir utilement.
C'est donc d'abord l'intérêt de l'enfant d'obéir à ses
parents, car ils connaissent mieux la vie. Ainsi, mes
amis, réfléchissez un moment : vous verrez que si vous
savez quelque chose et si vous commencez à pouvoir vous
suffire en quelques menus détails, c'est de vos parents
surtout que vous l'avez appris.
— Vous savez qu'il faut être honnête avec les
grandes personnes, serviable avec ses camarades,
qu'il faut se faire bien venir et caresser de ses parents et
des personnes d'âge. De qui tenez-vous cela, si ce n'est
pas de votre père et de votre mère?
Mes amis, répétez donc bien souvent: r^our la faire
entrer dans votre tête, cette vérité : c'*ït que sans
l'obéissance, par inexpérience, vous vous seriez
blessés cent fois déjà, empoisonnés, tués où bien vous
vous seriez rendus insupportables aux autres, faute de
savoir-vivre. Sans l'obéissance, l'enfant ne pourrait
pas subsister.
DEUXIÈME LEÇON

L'OBÉISSANCE AUX PARENTS (suite). — IL FAUT OBÉIR PAR


RECONNAISSANCE ET PAR DEVOIR

Le plus grand défaut de la désobéissance, ce n'est pas


encore d'exposer l'enfant à beaucoup de dangers ; elle a
surtout pour effet de chagriner les parents.
Les parents ne commandent aux enfants que pour le
bien de ceux-ci. S'ils n'aimaient pas leurs enfants plus
que leur propre repos, ils ne se tourmenteraient pas à
les surveiller, à les corriger et à réparer leurs petites
fautes. La sollicitude ne peut venir que d'une grande
affection.
Les enfants doivent payer de retour cette affection.
Rien ne leur est plus facile d'ailluers. Les enfants ne
LES DEVOIRS ENVERS LES PARENTS 17

savent pas combien ils peuvent contribuer au bonheur de


leurs parents. Les caresses d'un enfant aimant, ses pa-
roles affectueuses, ses petits soins, suffisent déjà pour
faire entrer la joie dans la maison. Mais c'est surtout
par sa docilité que l'enfant peut réjouir ses père et
mère.
Par là, en effet, non seulement il complaît à ses pa-
rents, qui voient leurs volontés respectées ; mais il les
rassure pour son propre avenir. Ils se disent : — Nos
conseils serviront de guide à notre enfant. Il marchera
toujours dans la voie que nous lui aurons ouverte. Il
sera donc un honnête homme. Et cette pensée suffit
pour donner aux parents un grand contentement.
Ce contentement, mes amis, leur est bien nécessaire :
car leur vie est souvent pénible et toujours laborieuse;
et presque toute la peine qu'ils prennent, c'est pour vous
assurer le pain et les autres choses nécessaires.
Il y a des enfants qui, au contraire, attristent leurs
parents par leur désobéissance et leur ingrati-
' tude. On ne songe pas sans horreur à ces malheureux
dénaturés.
Peut-être faut-il les prendre surtout en pitié : car ils
n'ont sans doute pas réfléchi à l'injustice et à la méchan-
ceté de leur conduite.
Il faut aussi obéir par obligation. L'obéis-
sance n'est pas seulement, une preuve de bon sens et
de bon coeur. Elle est avant tout un devoir.
Il n'est personne qui ne s'incline devant ce mot :
devoir. L'enfant lui-même a pu voir quelle puissance
ce mot a sur ses parents. Le devoir est sacré, le devoir
est inviolable, le devoir est irrésistible.
Le devoir se nomme encore la loi morale.
Le grand philosophe Kant disait à ce sujet :
« Deux choses remplissent notre âme d'une admira-
tion sans cesse renaissante : le ciel étoile au-dessus de
nos têtes, la loi morale au dedans de nous. »
Mais connaître le devoir, ce n'est le fait que d'une
58 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

personne mûre, raisonnable et expérimentée. Un enfant'


n'en est pas capable, et ne le devient que petit à petit.
Un enfant n'est pas encore une personne. C'est pour-
quoi, s'il veut suivre le devoir, il faut qu'il s'en remette
à de plus sages, et surtout à ses parents. Ceux-ci ont
appris à connaître ce qui est juste et bon en chaque cir-
constance. Ils l'enseignent à leurs enfants en leur com-
mandant des choses honnêtes et droites.
L'obéissance envers vos parents est donc la meilleure
préparation à l'obéissance envers la loi du devoir, c'est-
à-dire à une vie digne et heureuse.

PREMIER RÉGIT
PUNITION DES ENFANTS INDIGNES A ATHÈNES

Entre autres beaux exemples que nous ont laissés les


anciens Grecs, en voici un qui est digne d'admiration :
Quand un Athénien arrivait à l'âge d'homme, il com-
mençait aussitôt à aller à l'Agora, pour y prendre part
aux délibérations de l'assemblée des citoyens.
Car, la ville étant petite et les citoyens peu nombreux, ils
se réunissaient tous aisément en une seule place, et là
ils discutaient leurs affaires, réglaient eux-mêmes leurs
impôts, faisaient leurs lois, comme des hommes
libres qu'ils étaient. Chacun pouvait donner son
avis à son tour, et même l'appuyer par des discours, ce
dont ils ne se faisaient pas faute, car ils étaient beaux
parleurs.
Mais, quand un jeune citoyen demandait pour la pre-
mière fois à user de ce droit, avant de le laisser monter
à la tribune, le président de l'assemblée du peuple lui
faisait passer une sorte d'examen. Voici en quelle forme:
Il avertissait à haute voix tous les Athéniens présents
que tel citoyen demandait à parler. Alors, si quelqu'un
de l'assistance, connaissant le nouveau venu, avait
appris ou vu qu'il eût jamais manqué au respect, à ta
LES DEVOIRS ENVERS LES PARENTS 19

piété, à la reconnaissance qu'un enfant doit à ses parents,


il se levait et racontait ce qu'il savait.
Si les faits étaient prouvés, aussitôt le président, au
nom de l'assemblée, déclarait le jeune homme mauvais
fils, le notait d'infamie et le chassait de la tribune.
Dans cette cité admirable ou fleura ait toutes les ver-
tus civiques et toutes les libertés, on ne pouvait croire
que celui qui avait été mauvais fils pût jamais être
autre chose qu'un mauvais citoyen, ind>gnc de la
confiance publique.

DEUXIÈME RÉCIT

JACQUES LE VRAI RICHE

Quand j'étais petit enfant, vivant au village, chez ma


grand'mère, nous avions pour voisin Jacques, que mes
vieux parents appelaient le bon Jacques, et que nous
autres appelions le père Jacques.
Le père Jacques avait pour tout bien au monde un
pré, une maison, plus trois beaux garçons et une toute
petite fille : nous nous plaisions ensemble, avec l'aîné
surtout, qui était déjà fort et aussi bon que son père et
sa mère. Nous allions tous deux à l'école, et en route il
m'encourageait à l'étude, car je n'aimais guère à ap-
prendre. A la sortie, il me défendait contre ceux qui me
cherchaient noise : tout petit que j'étais, j'avais le talent
de me faire des affaires avec tous les querelleurs ; et puis
ensuite, quand nous étions seuls, il me grondait. Mais
nous n'en restions pas moins bons amis.
C'étaient là toutes les richesses du père Jacques.
C'était peu; mais il paraissait heureux, et il était tou-
jours gai, vu que tout son monde l'aimait et le vénérait,
et il les aimait lui-même tendrement. C'était un homme
juste avec les siens, on lui obéissait avec plaisir.
Or il arriva, en 1846, l'année de la grande inondation,
20 L'INSTRUCTION MORALF. A L'ÉCOLE

que la rivière grossie couvrit lo beau pré et aussi une


terre voisine qui formaient presque tout lo bien du père
Jacques. Ce n'était pas la promière fois que ce malheur
lui arrivait; mais, pour la première fois, l'eau en se
retirant ne laissa à la place du terrain qu'un amas de
galets et do sable. Le bien du pôro Jacques, terre et pré,
était perdu.
Presque au même moment, le feu prit chez lui: nous


Nous n'avions pas encore de pompe au village.

n'avions pas encore de pompe au village; tout le monde


regarda brûler la maison, et après la maison l'écurie,
d'où l'on ne sauva qu'à grand'peine la vieille vache
qui était tout le bétail de la mère Jacques.
Jacques était ruiné, car, dans ce temps-là, on ne con-
naissait guère les assurances : tout ce qu'avaient
amassé le travail de son père, le sien, celui de sa brave
femme, tout enfin avait disparu. Les voisins le plai-
gnaient, et disaient quand il n'était pas là : — Encore s'il
n'avait,pas ses quatre enfants. Il a ses bras et ceux de sa
femme ; à eux deux, ils se tireraient d'affaire, car ils
LES DEVOIRS ENVERS LES PARENTS 21

sont courageux. Mais comment nourrir tous ces petits :


ils ne peuvent travailler, et ce n'est pas lo bravo Jacques
qui les enverrait mendier : il est trop bon père et trop
fier do ses garçons.
Ma grand'mèro seulo ne pensait pas commo les
autres:
Vous plaignez Jacques, disait-elle, parco quo vous

le croyez sans ressources. Et je vous dis, moi, qu'il
est le plus riche et lo plus heureux do ce village, et peut-
être de tout le pays. Lequel d'entre nous a des enfants
aussi obéissants, aimant autant leurs parents, et aussi
robustes?
Vos maisons vieilliront avec vous; vos meubles, vos
charrues et vos outils s'useront; votre bétail périra et
votre argent se dépensera. Mais les enfants do Jacques
grandiront, et au jour du besoin, il les trouvera pour
lui servir d'appui et lui faire honneur.
Ma grand'mère avait deviné la vérité et l'avenir. Jac-
ques est vieux aujourd'hui, et bien cassé, ainsi quo sa
femme: il leur a fallu travailler durement et se priver
pour donner à leurs quatre enfants le pain et l'instruc-
tion, mais enfin les voilà hors de misère : l'aîné, mon
ami, est devenu capitaine d'artillerie; le second, qui est
resté au pays, a réussi, avec son père, à enlever pelle par
pelle le sable et les galets qui cachaient leur terre : ils
y ont mis tous leurs moments de répit pendant neuf
années. Après quoi le fils a eu l'idée de s'entendre avec
les autres propriétaires riverains pour organiser un
syndicat, c'est-à-dire une association qui a construit et
qui entretient dès digues pour arrêter les inondations.
Sa capacité l'a fait rechercher depuis pour diriger
d'autres entreprises d'agriculture ; et le voilà propriétaire
aisé, et adjoint au maire de sa commune. Les autres en-
fants du père Jacques n'ont pas moins bien marché.
Quant au père et à la mère Jacques, lorsqu'on les féli-
cite d'être hors de tant d'embarras, ils répondent en
22 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLK

souriant : qu'ils n'ont jamais été à plaindre, puisque


leurs enfants n'ont jamais cessé de les aimer et de les
honorer,
RÉSUMÉ

\. Le bon sons nous commande d'obéir à nos


parents.
L'onfant qui désobéit se privo do ses guides
naturels ot s'expose sans protection. C'est
comme s'il se rendait volontairement orphe-
lin.
2. Chez les anciens, ceux qui se conduisaient
mal envers leur famille étaient dégradés du
rang de citoyens.
3. Tout ce que nous sommes, nous le devons à
nos parents.
4. Les parents no commandent aux onfants que
pour leur bien.
5. Celui qui ne récompense pas l'affection par
l'affection est un ingrat.
6. L'enfant peut payer les soins de ses parents et
les rendre heureux ; il suffit qu'il soit docile,
qu'il profite de leurs leçons, qu'il mérite
devant eux les éloges de ses maîtres et des
autres personnes.
7. Un enfant docile rassure ses parents sur son
avenir.
8. Le devoir parle aux hommes par l'intermédiaire
de leur conscience, et aux enfants par la
bouche de leurs parents.

EXERCICES ORAUX OU ÉCRITS

J. Qu'est-ce que le bon sens nous commande envers no3 parents?


A qui l'enfant qui désobéit fait-il le plus de tort?
LES DEVOIRS DES ENFANTS D'APRÈS LE CODE 23
2. Que faisait-on, chez les anciens, a ceux qui se conduisaient
mal envers leurs parents?
3. A qui devons-nous ce que nous sommes?
4. Qu'est-ce que les parents ont en vue quand Us commandent
à leurs enfants?
5. Qu'est-ce qu'un ingrat?
6. Comment un enfant peut-il payer ses parents?
7. Sur quoi l'enfant docile rassure-t-il ses parents?
8. Comment le devoir parle-t-il aux hommes? aux enfants?

^Devoirs de rédaction.»
1. Exposez les raisons pour lesquelles l'obéissance est néces-
saire à l'enfant?
2. Expliquez ce quo c'est qu'un devoir. — Expliquez comment
c'est un devoir d'obéir à ses parents.

CHAPITRE III
LA DÉSOBÉISSANCE. -LES DEVOIRS
DES ENFANTS D'APRÈS LE GODE 1
PREMIÈRE LEÇON

LES ENFANTS DÉSOBÉISSANTS ET INGRATS

— Paul, vous n'écrivez pas, pourquoi cela?


— Monsieur, c'est que j'ai mal à la main.
— En effet, vos doigts sont enveloppés d'un linge. Que
vous est-il donc arrivé?... Eh bien ! vous ne répondez
pas?
— Monsieur, c'est qu'il n'ose pas. Il m'a prié de vous
raconter la cliose. Son père lui avait défendu de toucher
les morceaux de fer de la forge; Paul a voulu en prendre

1. Consulter le Droit usuel et l'Économie politique à l'École, par


MM. Reverdy et Burdeau.
24r L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

un, qui n'était plus rougo, mais qui était encoro brûlant.
— Vous lo voyez, mon petit Paul. Je vous l'avais déjà
dit plusieurs fois, car vous êtes un peu têtu: quand un
enfant désobéît, il peut lui en cuire. Heureusement, pour
cette fois, le mal n'est pas grand, et ce no sera qu'un
avertissement. Profitez-en.
Il y a des enfants qui mettent leur orgueil à ne
pas obéir. Us se croient de bien grands personnages
parce qu'ils n'en font qu'à leur tête. Mais comme cette
petite tête n'en sait pas bien long encore, elle les con-
seille fort mal et ils ne réussissent qu'à faire des bévues
dont ils souffrent tout les premiers, et qui les rendent
ridicules.
D'autres sont comme Louis Grandet, qui ne voulait
jamais obéir sans avoir raisonné un grand quart
d'heure. L'autre jour, en passant devant la maison du
boucher, son père lui disait de ne pas. approcher du
chien : Louis n'a pas voulu l'écouter sur-le-champ, il a
demandé comme d'habitude des explications, et pendant
ce temps-là le chien s'est jeté sur lui, lui a enlevé le
fond de sa culotte, et peut-être bien un petit morceau
de la peau avec.
Au lieu de demander le pourquoi de tout, il aurait
mieux fait de se rappeler que la promptitude est le
commencement de la vraie obéissance. Notez
que, le plus souvent, ces jeunes raisonneurs ne seraient
pas à même de comprendre l'explication qu'ils deman-
dent, parce qu'elle dépasse leur âge et leur esprit.
Voyez, dans l'armée, si le soldat demande à l'officier
les raisons des manoeuvres qu'on lui commande en
'guerre? Voyez s'il exige qu'on discute avec lui le plan
de campagne qui a été dressé par les généraux les plus
expérimentés et les plus habiles? Non ; il marche de bon
coeur, sans chercher des anicroches.
Et le malade? demande-t-il au médecin, avant de
prendre un remède, qu'on lui en explique l'effet et qu'on
lui en démontre l'utilité par des raisons savantes ? Non-,
LES DEVOIRS DES ENFANTS D APRES LF. CODE 25

car il aurait le temps de mourir avant. Ou bien alors, il


ferait commo lo malade imaginaire do Molière 1 qui pour
mieux juger son médecin, étudie et se fait recevoir doc-
teur lui-môme.
Enfin, quolques enfants — mais ceux-là sont pires —
ne veulent pas obéir, sous le prétexte que leurs parents

Le chien s'est jeté sur lui.

sont moins instruits qu'eux-mêmes. Il est vrai, en effet,


que vos parents n'ont pas tous eu le bonheur de com-
mencer leur vie dans une époque éclairée comme la
nôtre : mais ce qui fait leur honneur, c'est qu'ayant connu
à leurs dépens les inconvénients de l'ignorance, ils
ont courageusement entrepris de créer à grands frais des
écoles, afin d'instruire leurs enfants et tous les enfants
de France. Voilà ce qu'ils ont fait. Et il faudra en récom-
pense qu'ils se voient reprocher leur malheur par leurs

t. Molière (Joan-Baptiste Poquelin, dit), né en 1622, mort en


1673. Le plus grand poète comique français.
26 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

enfants! C'est là une indignité, et celui qui s'en rend


eoupable ne mérite pas l'instruction, puisqu'elle ne lui
•inspire pas des sentiments meilleurs et plus justes.
Un enfant qui a du bon sens comprend, au contraire,
fort bien que chez les personnes d'âge, l'expérience et la
sagesse naturelle suppléent souvent au savoir, surtout
au petit savoir que peut contenir une jeune tête.
Et de même, il ne se mêle pas de décider si ses parents
sont sans défauts, comme cert j»ns enfants qui découvrent
des imperfections à tout le monde, et qui ne trouvent per-
sonne assez parfait pour être digne de les commander.
Un enfant ne doit jamais juger personne.

DEUXIEME LEÇON

LES DEVOIRS DES ENFANTS, D'APRÈS LE CODE CIVIL

Les devoirs essentiels des enfants envers leurs pa-


tents sont reconnus par la loi : le législateur les a
même inscrits en tête du code civil.
Dans les temps anciens, alors que les hommes étaient
•encore à demi barbares, l'autorité du père était beau-
coup plus sévère qu'aujourd'hui. Ainsi, chez les premiers
Romains, le père avait droit de vie et de mort sur ses
enfants ; il pouvait les vendre comme esclaves, ou les
^exposer sur les grands chemins. L'enfant était une chose,
une propriété entre les mains de son pèr> .
Peu à peu, l'autorité du père a pu sans inconvénient
devenir plus douce. Aujourd'hui elle est tout à fait mo-
dérée et raisonnable ; aussi n'en est-elle que plus digne
de respect.
Jusqu'à l'âge de vingt et un ans révolus, la loi
-française appelle l'enfant un mineur ; passé vingt et
un ans, il est majeur. Toutefois, dès l'âge de dix-huit
ans, il peut être émancipé si ses parents le jugent
"ton, et alors il a les droits d'un majeur.
4l
LES DEVOIRS DES ENFANTS D'APRÈS LE CODE 27
L'enfant mineur est placé sous l'autorité pater-
nelle : il doit obéissance à ses parents; il ne peut
quitter leur maison sans leur permission.
Si, par sa mauvaise conduite, il leur donne des sujets
de mécontentement graves, ses parents peuvent même le
faire emprisonner dans uno maison de correc-
tion : tant que l'enfant n'a pas seize ans, un ordre
de son pôro suffit pour l'envoyer en prison pour un mois.
De seize à vingt et un ans; le juge intervient
pour examiner la fauto do l'enfant ; et si cette faute est
reconnue grave, alors ce n'est plus pour un mois, c'est
pour six mois que le coupable peut être enfermé.
C'est un droit redoutable quo celui dont le père est
ainsi armé. En le lui donnant, lo législateur a voulu
nous apprendre qu'un père est au-dessus de sa famille
de la même façon qu'un magistrat est au-dessus de ses
concitoyens, et quo lui désobéir, c'est se révolter
contre la loi elle-même.

TROISIEME LEÇON

LES DEVOIRS DES ENFANTS MAJEURS

Les devoirs des enfants changent avec l'âge; mais il»


ne diminuent pas : ils augmentent plutôt.
Une fois arrivé à sa majorité, l'enfant doit être
assez raisonnable pour répondre de ses actes : ses parents-
sont donc déchargés de leur responsabilité. Cependant,,
l'enfant a encore besoin de leurs bons conseils ; il doit
continuer à les entourer d'honneur et de respect.
Ainsi parle la loi française.
Toutefois, il est encore un acte de sa vie, pour lequel
l'enfant reste soumis durant un temps à la volonté do-
ses parents; c'est le mariage. Jusqu'à l'âge de vingt-
cinq ans, les garçons ne peuvent se marier contre le
28 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

gré do leurs parents. Pour les filles, commo il est d'usage


qu'elles s'établissent plus jeunes, la défense do se marier
ne peut être maintenue par les parents que jusqu'à la
vingt et unième année révoluo.
De plus, même une fois cet âge passé, il faut que les
enfants demandent le consentement de leurs
parents; et les parents peuvent le refuser jusqu'à trois
fois, pendant trois mois de suite. Si les enfants ont
trente ans passés, les parents ne peuvent refuser que
pendant un mois leur consentement.
En résumé, les parents peuvent imposer à leurs en-
fants, quand ceux-ci veulent se marier contre le gré
de la famille, une attente qui peut durer des années si
les enfants sont tout à fait jeunes, et qui ne dure qu'im
mois si les enfants sont d'âge mûr. Le temps de réflexion
est ainsi proportionné à la raison des enfants, ce qui
est juste.
QUATRIEME LEÇON

LES DEVOIRS DES ENFANTS ENVOIS LEURS PARENTS ÂGÉS

Une dernière obligation légale des enfants, c'est


de fournir à leurs parents vieux et sans ressources des
aliments, c'est-à-dire le nécessaire pour subsister. Seuls
les enfants dénaturés pourraient faillir à ce devoir. Ils
sont alors traités comme ces mauvais débiteurs
contre qui leurs créanciers sont obligés de faire mar-
cher les huissiers. Et, en effet, la nourriture et les dé-
penses de toute sorte qu'ont coûtées les enfants sont une
dette contractée par eux envers leurs parents, et même
c'est là la plus sacrée de toutes les dettes.
Quant au dévouement et à la tendresse dont
vos parents vous ont entourés, c'est là aussi une dette :
mais elle ne saurait être payée par de l'argent, et la
loi renonce à la faire solder à ceux qui ne s'en acquittent
pas d'eux-mêmes : d'un mauvais coeur, on ne peut pas
tirer un bon sentiment.
LES DEVOIRS DES ENFANTS D'APRES LE CODE 29

PREMIER RÉCIT

LE FILS MÉCHANT ET rUNI

Quand le père Antoino fut vieux, si vieux que, malgré


son courage, il ne pouvait plus tenir la pioche, ses ge-
noux tremblaient sous lui, ses oreilles étaient presque
insensibles et ses yeux presque aveugles, alors il fit
abandon de tous ses biens à son fils Louis. Puis il rentra
pour toujours dans la maison, et il dit : —J'ai travaillé
la terre soixante-cinq années; j'ai fait ma tâche. Mo
voilà fatigué; je vais enfin m'asseoir, pour attendre ma
fin paisiblement. J'ai peiné bien longtemps pour mon fils;
son tour est venu, il me soignera. Ce ne sera pas bien
long, je sens qu'avant peu il faudra me reposer tout
à fait dans la terre.
Le père Antoine avait tant aimé son Louis, il avait
tant travaillé pour l'élever et l'enrichir, qu'il .comptait
sur un peu d'amitié en retour. Mais Louis était un
ingrat.
Le vieux père était cassé par l'âge et les .labeurs, ses
pauvres mains tremblaient et il était maladroit à tout,
lui qui avait été autrefois un des plus dispos et des plus
forts du pays. A table, c'est à peine s'il pouvait tenir sa
cuiller. Et parfois il laissait échapper un peu de sa soupe
sur la table et sur lui-même.
Son fils faisait alors le dédaigneux; il lui dit un jour:
— Père, demain vous mangerez votre soupe derrière le
coin du poêle. Tout le monde s'en trouvera mieux.
Le pauvre vieux ne dit rien. Mais, une fois seul, il
pleura en songeant : — Voilà que mon fils Louis ne veut
plus de moi à sa table.
Un autre jour, dans le coin noir où il allait se cacher
pour manger, il laissa de ses mains tremblantes échap-
per son assiette, qui se brisa avec fracas.
2.
30 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

DEUXIÈME RÉGIT
LE FILS MÉCHANT ET PUNI (fin).

Louis fut mécontent; il alla chez le tourneur, et lui


commanda une grosse écuelle en bois. Puis il donna
l'écuelle au père Antoine, en lui disant:—Père, vous
cassez vos assiettes. En voici une que vous ne casserez
pas.
Le père Antoine prit l'écuelle : elle ressemblait à celle

— J'ai mal agi, mon père, pardonnez-moi.

du chien de garde; et le pauvre vieux soupirait en re-


gardant tantôt l'écuelle et tantôt le fils qui la lui
donnait.
Or le fils de Louis, le petit Jean, voyait comment son
père traitait son grand-papa.
Quelques jours après Louis s'aperçut que son garçon
ayant demandé un morceau de bois chez le tourneur,
LES DEVOIR? DES ENFANTS D'APRES LE CODE 31
s'amusait à lo creuser avec son couteau. Il lui deman-
da : — Que fais-tu donc là, mon Jean ? — Papa, répon-
dit le petit, je fais une écuelle en bois, pour quand tu
seras vieux comme le grand-père.
Louis fut tout saisi en entendant la leçon que lui don-
nait cet innocent. La honte le prit; il pleura, et allant
vers le coin où se retirait son vieux père, il lui dit : J'ai
mal agi, mon père, me pardonnerez-vous ?
Le vieux père embrassa son fils avec des larmes de
joie. Depuis ce temps, il a repris à table la place d'hon-
neur à laquelle il avait droit, et l'écuelle de bois a été
brisée et jetée au loin.

TROISIÈME RÉCIT
LE FILS EMPo'lSONNEUR

Le père Nouette était un vigneron de Jouarre, qui


avait amassé un peu de bien à force de travail et de
privations. Il était vieux, et songeait à se reposer. Son
fils Simon lui dit : — Père, faites-moi donation de vos
terres ; je les ferai valoir, pendant que vous vivrez
tranquillement chez nous à no rien faire. Je vous
donnerai encore une petite pension pour que vous ayez
de l'argent de poche.
Le père Nouette le crut, et fit comme Simon voulait.
Simon avait une femme avare et mauvaise. Elle
trouva bien vite que le père coûtait cher à nourrir; elle
se mit à lui reprocher ce qu'il mangeait, et à exciter son
mari contre lui. Simon, qui était un homme faible et qui
avait peu de coeur, finit par se mettre du côté de sa
femme. Alors la maison fut un enfer pour le pauvre
père Nouette : entre son fils et sa bru, c'était à qui l'in-
sulterait. Us le laissaient sans feu et sans couverture
dans sa chambre au coeur de l'hiver; ils lui refusaient
le pain; ils osèrent même le frapper plusieurs fois.
Quant à la pension, il n'en fut bientôt plus question.
3Î L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

Le vieux ne se plaignait pas, de crainte de leur attira


des affaires avec la justice. Mais les voisins s'apercevaient
bien de co qui se passait. Au lieu do se taire comme font
en pareil cas les gens sans conscience, ils se fâchèrent
contre Simon, et à la fin, ils allèrent tout raconter à
M. le maire.
Celui-ci fit venir devant lui les deux coupables, et les
menaça du procureur. Ils eurent peur, et pendant
quelque temps on put croire que la leçon leur avait
profité. Le père Nouette n'était plus maltraité; il avait
même des habits neufs. Mais cela ne dura pas : sans qu'on
sût pourquoi, le vieux redevint triste; il maigrissait à
vue d'oeil ; il ne disait toujours rien aux voisins, mais
on vit qu'il refusait la soupo que lui faisait sa bru ; et
quand les voisins lui offraient, par politesse, de manger
aveccux, il acceptait avec l'avidité d'un affamé.

QUATRIÈME RÉGIT
LE FILS EMPOISONNEUR (fin.)

Les braves gens pensaient bien qu'il y avait là-dessous


une nouvelle coquinerie de Simon et de sa femme. Ils
les surveillèrent, et ils virent que la femme ramassait
dans la campagne des lézards, des serpents, jusqu'à
des rats, et qu'elle les mettait dans la soupe destinée au
père Nouette. Elle espérait ainsi l'empoisonner.
Pour le coup, c'en était trop. M. le maire fit prévenir
sans bruit le procureur de la République. Un
jeau soir, les gendarmes arrivèrent à l'heure du repas :
on saisit l'écuelle du vieux, où l'on trouva encore toute
sorte d'immondices que la bru y avait mises. Les deux
misérables, femme et mari, furent arrêtés, et on les mena
avec les menottes aux mains à la prison d'Auxerre.
Heureusement, les ordures qu'ils jetaient dans la soupe
du père n'étaient pas ce que la loi appelle du poison. Ils
étaient donc pour ainsi dire moins coupables qu'ils n'en
LES DEVOIRS DES ENFANTS D'APRÈS LE CODE
33

avaient eu l'intontion. C'est grâce à cela qu'ils échappè-


rent aux galères.
Mais ils n'en furent pas moins punis : la donation que
le père Nouette leur avait faite de ses biens fut révo-

On les mena & la prison d'Auserre.

quée, pour cause d'ingratitude de leur part. Il


fallut tout rendre : rien ne pouvait les toucher plus au
coeur, car c'étaient deux fieffés avares; comme ils
n'avaient pas de terre ni d'argent à eux, et que personne
dans le pays ne voulait les voir, ils s'en allèrent comme
deux mendiants sur les grands chemins. On n'a plus
entendu parler d'eux.

RÉSUMÉ

d. L'enfant qui met son orgueil à ne pas obéir


n'y trouvera pas son compte ; tôt ou tard, il
lui en cuira.
2. Le raisonneur qui veut des explications pour
obéir ressemble à un malade qui discuterait
34 L'INSTRUCTION MORAL*; A L'ÉCOLE

avec le médecin avant de prendre le remède


qui peut le sauver. La promptitude est la
moitié de l'obéissance.
3. L'enfant vaniteux qui se croit au-dessus de ses
parents, parce qu'il a reçu plus d'instruction
qu'eux, no méritait pas ce bienfait.
4. Un enfant ne doit jamais juger personne.
5. L'enfant qui chagrine ses parents, qui ruine et
détruit leur santé à force do leur rendre la
vie triste, est véritablement l'auteur de leur
mort : il mérite lo nom de parricide.
6. Le Code civil français impose aux enfants des
devoirs d'obéissance envers leurs parents.
7. Si les enfants n'étaient pas formés à- l'obéis-
sance dans leur famille, ils ne sauraient pas
plus tard obéir aux lois, et il n'y aurait plus
de société possible.
Dans les temps où les hommes étaient barbares,
comme dans les pays où ils le sont encore,
on a toujours été obligé de donner au père
une autorité terrible pour qu'il pût soumettre
et discipliner ses enfants.
8. Les enfants mineurs doivent lo respect et
l'obéissance à leurs parents. S'ils y manquent,
ils peuvent être enfermés pour un mois ou
pour six mois dans une maison correction-
nelle.
9. Les enfants majeurs doivent respect et honneur
à leurs parents.
10. Les fils jusqu'à vingt-cinq ans, les filles jusqu'à
vingt et un ans, ne peuvent se marier sans
le consentement de leurs parents.
\ 4. Les enfants doivent à leurs parents âgés et
LES DEVOIRS DES ENFANTS D APRES LE CODE 33

pauvres des secours qu'on nomme aliments.


12. La loi ne peut pas exiger d'eux davantage ;
mais, à moins d'encourir le mépris public,
ils doivent aimer toujours leurs parents et
adoucir leur vieillesse.
EXERCICES ORAUX OU ÉCRITS
1. Qu'arrivera-t-il à l'enfant qui désobéira par orgueil?
2. A qui ressemble l'enfant raisonneur? — Qu'est-ce que la promp-
titude dans l'obéissance?
3. Que faut-il penser de l'enfant qui se croit au-dessus de ses
parents parce qu'il est plus instruit ?
A. Qu'est-ce qu'un enfant ne doit jamais faire?
5. Que fait à ses patents l'enfant qui les chagrine?
6. Qu'est-ce que le Cqde civil impose aux enfants?
7. Qu'arriverait-il si les enfants n'étaient pas formés à l'obéis-
sance par leur famille ?
8. Que doivent à leurs parents les enfants mineurs? — A quelles
peines s'exposent-ils en y manquant?
9. Que doivent à leurs parents les enfants majeurs?
10. Jusqu'à quel âge les enfants ne peuvent-ils se marier sans lo
consentement des parents?
11. Que doivent, d'après la loi, les enfants à leurs parents âgés et
pauvres?
12. Que leur doivent-ils encore?

IDe-voirs de rédaction..
t. Expliquez en quoi consiste l'ingratitude des enfants, et dites
pourquoi elle est condamnable. —Montrez que les enfants ingrats
risquent d'être punis un jour par leurs propres enfants. — Com-
ment se fait-il que les enfants d'aujourd'hui sont souvent plus
instruits que leurs parents?
2. Expliquez pourquoi les devoirs de l'enfant envers ses parents
sont en tète du Codo civil. — Exposez les devoirs légaux de l'en-
fant mineur. — Exposez les devoirs légaux do l'enfant majeur.
36 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

CHAPITRE IY

LES DEVOIRS DE L'ÉCOLIER

PREMIÈRE LEÇON

DEVOIRS ENVERS L'INSTITUTEUR

Mes amis, aujourd'hui, c'est M. l'inspecteur



qui va vous questionner sur l'instruction morale. Paul,
c'est vous qui commencerez.
— Mon enfant, je vais vous interroger sur les devoirs
des élèves envers leurs instituteurs. Je sais que votre
maître ne vous a pas encore fait de leçon là-dessus : il
allait seulement y arriver aujourd'hui. Mais cela n'y fait
rien. Avec un peu de réflexion, vous trouverez tout seul :
ce n'est qu'une affaire de bon sens et de bon coeur.
Voyons, mon ami, quand vous entrez en classe, quelle
est la première chose que vous faites?
Monsieur, nous allons dire bonjour à M. l'institu-

teur, en le saluant.
— C'est très bien. Et pourquoi le saluez-vous?
— C'est mon père qui me l'a appris. Il me dit toujours
qu'il veut que je respecte M. l'instituteur et que
je lui obéisse, comme si c'était lui-même.
Votre père a raison. Vos parents, mes enfants,

savent que l'instruction est indispensable. Voilà
pourquoi ils veulent vous en assurer le plus possible.
Seulement, ils ne pourraient pas vous la donnei- eux-
mêmes. Voyons, ami Paul, que fait votre perc?
Il est maréchal ferrant, monsieur.

— Je suis sûr qu'il travaille beaucoup?
Oh ! oui, monsieur : le matin, il se lève à cinq heures,

même en hiver, quand il fait noir. Il reste le soir
LES DEVOIRS DE L ECOLIER 37
jusqu'à la grand'nuit à battre lo fer avec un gros mar-
teau, devant le feu de la forge.
— Eh bienl vous voyez qu'il ne pourrait pas vous
instruire lui-même : il n'en a pas le temps; il travaille
sans cesse pour vous nourrir, vous habiller, vous élever.
Et puis il y a 'encore une autre raison. Les bons
parents veulent toujours que leurs enfants deviennent
plus instruits qu'ils ne le sont eux-mêmes.
Ils aiment à voir leurs enfants aller en tout plus loin
qu'ils ne sont allés; et c'est ce qui fait le progrès.
Voilà pourquoi vos parents ont préféré vous confier
tous ù un homme plus habile, ayant de l'expérience et
sachant la bonne manière d'enseigner les enfants. Nos
députés ont pour cela demandé au gouvernement d'en-
voyer dans toutes les communes des gens instruits et
dévoués à l'éducation de la jeunesse.
Le maître d'école est donc le représentant des pères de
famille, sous l'autorisation du Gouvernement.
DEUXIÈME LEÇON
L'INSTITUTEUR EST UN MAGISTRAT

Ce n'est pas tout encore.


L'instituteur est comme un magistrat, c'est-à-dire
un représentant de l'Etal, et c'est la France elle-
même qui l'a chargé de vous donner l'instruction. Sa-
vcz-vous pourquoi? Je vais vous le dire.
Un homme sans instruction est souvent un ouvrier
médiocre, et par conséquent mal payé; il est exposé
à tomber dans la misère, et alors au lieu d'aider ses sem-
blables, comme c'est le devoir do tout homme, il est à
leur charge et il vit de l'assistance publique. '
Un homme sans instruction est presque forcément un
médiocre citoyen : il ne peut pas juger les affaires
de la nation et cependant, le jour des élections,
,
il vote et se mêle comme les autres de donner son avis
et de choisir ceux qui gouverneront tout. C'est comme
38 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

si le premier venu, sans avoir jamais touché la truelle


ni le rabot, se mettait à donner des ordres aux ma-
çons et aux menuisiers.
Enfin un homme sans instruction ne fait pas un bon

Cependant le jour des élections il vote.


défenseur du pays. A la manière dont la guerre se
fait aujourd'hui, pour être bon soldat il ne suffit plus
d'être vaillant et vigoureux. Il faut encore connaître à
fond le maniement de son arme, comprendre vile et bien
les ordres des chefs, savoir au besoin inventer de petits
stratagèmes afin de déjouer ceux des soldats ennemis
à qui l'on a affaire. Bref, le soldat lui-même a besoin
d'une certaine science de la guerre, proportionnée
à son rôle.
Eh bien ! celui qui n'a jamais rien lu, rien appris,
celui qui a laissé son esprit croupir dans l'ignorance,
n'arrivera que très difficilement à acquérir cette science
cl il restera un soldat de peu de ressource, à moins de
demeurer, comme autrefois, sept ans et plus sous les dra-
peaux. Sans compter que son courage lui-même et son
LES DEVOIRS DE L'ÉCOLIER 39
amour pour la patrie seront bien plus exposés à fai-
blir dans les moments de dangers, de privations et de
revers : il ne sera pas réconforté par la connaissance de
toutes les belles et grandes choses qu'on apprend dans
les livres, et surtout dans l'histoire de France.
L'Etat ne veut donc pas d'ignorants ; aussi le Gou-
vernement de la République a décidé, le 28 mars
1882, que les parents seraient désormais obligés de
donner à leurs enfants l'instruction primaire, soit en les
envoyant à l'école, soit en les faisant instruire dans la
famille : il ne leur est donc plus permis de laisser vaga-
bonder leurs enfants, ni de les abandonner à l'ignorance,
pas plus qu'il ne leur est permis de les priver de nourri-
ture et de vêtements. C'est ainsi qu'on a établi l'instruc-
tion obligatoire pour tous.
Votre instituteur, mes enfants, est choisi par l'État.
C'est comme si le gouvernement lui disait: — Va! je le
remets ces enfants. Ils devront l'obéir, te respecter et
l'écouter, parce que lu dévoues la vie pour les sauver de
l'ignorance: lu feras d'eux des enfants capables de ser-
vir leur famille, des hommes sachant aider leurs sem-
blables, des patriotes aimant leur pays et prêts à le
défendre au jour du danger. Fais cela, et tu seras honoré
de tous. Car c'est la France de l'avenir que tu
as dans les mains.
TROISIÈME LEÇON
L'ÉCOLE D'AUTREFOIS ET L'ÉCOLE D'AUJOURD'HUI

— Mes enfants, je n'ai plus rien à ajouter sur vos


devoirs d'écoliers. M. l'inspecteur vous a tout dit; et
j'ai bien vu, à votre manière de prendre des notes, quo
ses explications vous intéressaient.
D'ailleurs, aujourd'hui, tout le monde s'intéresse aux
choses de l'instruction. Ce n'est pas comme autrefois,
quand on disait « qu'il ne fallait pas trop instruire le
peuple, parce qu'alors il ne se laisserait plus mener». Et
40 L INSTRUCTION MORALE A L ECOLE

vous savez où on le menait. A des guerres comme


celle de 1870, d'où nous sommes sortis après avoir
perdu plus de cent mille soldats, sans parler des

Ou toyait passer la tùtc d'un boeuf ou d'un âne.

5 milliards qu'il a fallu payer, et des Alsaciens-


Lorrains que les Allemands ont gardés sous leur
coupe. Ahl.oui, ceux qui ont vu ces choses font bien
d'aimer l'instruction, de vouloir qu'on instruise leurs
enfants, pour qu'ils comprennent les affaires du pays et
qu'ils ne se laissent plus tromper par des gouverne-
ments comme celui de Napoléon III.
Mais ce qui me fait plus de plaisir encore, c'est que la
jeunessed'aujourd'hui est elle-même plus assidue à l'étude
et plus attachée à l'école que celle du temps jadis.
Ce n'est pas pourtant que les enfants d'à présent
aient l'âge de raison en venant au monde: les enfants
seront toujours les enfants; ils aimeront toujours à rire
et à s'amuser. Et c'est tant mieux. D'où vient donc la
différence?
D'une chose bien simple ; ce ne sonl pas les enfants
LES DEVOIRS DE L ECOLIER *1
qui ont changé, mais c'est l'école. Celle d'aujourd'hui
ne ressemble pas plus à celle d'autrefois qu'une belle
maison ne ressemble à une étable.
Étable est bien le mot, car de mon temps seulement,
quand j'étais écolier comme vous, voilà bientôt trente
ans, il y avait encore quantité de communes où l'on n'au-
rait pas même fait le sacrifice d'une maison entière pour
y mettre l'école. On n'accordait à l'instituteur que la
moitié d'une pauvre masure, et l'autre moitié souvent
servait d'écurie. Aussi de temps en temps, comme la
cloison n'allait pas jusqu'en haut, on voyait passer la
tête d'un boeuf ou d'un une, qui regardait celte assem-
blée d'enfants avec de gros yeux étonnés; et il était rare
que la leçon se terminât sans avoir été interrompue par '
les braiements de l'Un ou par les mugissements de
l'autre. Cela faisait de drôles d'élèves. Ajoutez que les
enfants avaient les pieds dans le fumier, en sorte qu'ils
avaient tout à fait l'air d'être traités comme des bes-
tiaux.
QUATRIÈME LEÇON

LES MAITRES DAUTREFOIS ET LES MAITRES D'AUJOURD'HUI

Quant au maître, il n'était guère mieux traité : ses


soins et son dévouement étaient si mal rétribués en ar-
gent, .qu'il n'avait pas de quoi se nourrir. Et l'usage,
dans beaucoup de communes, voulait qu'il allât deman-
der sa nourriture chez les gens du village, un jour chez
l'un, un jour chez l'autre. Ainsi cet homme, le plus
instruit et parfois le plus méritant de la commune, était
considéré à l'égal d'un mendiant. Tellement les igno-
rants, qui étaient alors les plus nombreux, comprenaient
peu le prix du savoir. Et encore, bien heureuses les
communes où il y avait une école; quoique laide et
incommode, on s'y instruisait toujours un peu, et il s'y
formait une génération d'hommes plus éclairés que
leurs devanciers.
42 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

Mais beaucoup de pays n'avaient ni écolo, ni institu-


teur. En 1821, il y avait plus de 11,000 com-
munes où les écoles manquaient tout à fait. Seulement,
dans les foires de quelques cantons, on voyait se promener
des hommes qui avaient une plume passée dans la
ganse de leur chapeau et un encrier attaché devant
leur habit : c'étaient des maîtres d'école. Ceux
qui apprenaient à lire seulement n'avaient qu'une plume;
ceux qui enseignaient aussi l'écriture en portaient deux;
enfin, quelques-uns en mettaient trois : cela voulait dire
qu'ils connaissaient le calcul. Ceux-là passaient pour des
savants. Les gens louaient leurs services pour un mois,
deux mois, plus ou moins, et les emmenaient avec eux.
Jugez de ce que les enfants pouvaient apprendre pendant
ces quelques semainesrlà, et s'ils avaient tôt fait de l'ou-
blier, quand le maîtreélait allé porter ses plumes ailleurs!
Aujourd'hui toutes les communes de Franco ont au
moins une école. 11 reste bien encore quelques excep-
tions, d'ailleurs très rares, à peine 200 communes sur
36,000, mais ces communes-là sont honteuses de se
voir tant en retard, et bientôt elles auront rattrapé les
autres.
Quant aux écoles, elles sont pour la plupart des
bâtiments sains et convenables; beaucoup sont de belles
maisons, et même des palais, superbes à voir et
agréables à habiter, car il n'y manque ni air, ni lumière,
ni propreté.
Les maîtres abondent et, sans les flatter, on peut dire
qu'ils sont tous instruits ; ils ont travaillé pour cela des
dix et douze ans, et ils ont obtenu ainsi des brevets qui
prouvent leur capacité.
Voilà pour quelle raison les enfants d'aujourd'hui
n'ont plus peur de l'école. Et vous l'aimeriez encore
cent fois davantage si vous pouviez la comparer avec
les écoles du temps jadis, où l'on s'asseyait dans le
fumier et où l'on ne pouvait pas finir de réciter sa leçon
sans avoir la parole coupée par l'âne ou la vache d'à côté.
LES DEVOIRS DE L'ÉCOLIER 43

PREMIER RÉCIT
LA DERNIÈRE LEÇON DE FRANÇAIS. — RÉCIT D'UN PETIT
ALSACIEN

Imité (J'ALPHONSE DAUDET.


Ce matin-là j'étais très en retard pour aller à l'école,
et j'avais grand'peur d'être grondé, d'autant que
M. Hamel nous avait dit qu'il nous interrogerait sur les
participes, et je n'en savais pas le premier mot. Un
moment l'idée me vint de manquer la classe et de
prendre ma course à travers champs. Le temps était si
chaud, si clair! Tout cela me tentait bien plus que la
règle des participes; mais j'eus la force de résister, et
je courus bien vite vers l'école. J'entrai tout essoufflé.
Vous pensez si j'étais rouge et si j'avais peur. Mais
M. Hamel me regarda sans colère et me dit très douce-
ment : — Va vile à ta place, mon petit Frantz; nous
allions commencer sans toi. J'enjambai le banc et je
,
m'assis tout de suite à mon pupitre. Alors seulement, un
peu remis de ma frayeur, je remarquai que notre
maître avait sa belle redingote verte, son jabot plissé
fin et la calotte de soie noire brodée qu'il ne mettait que
les jours d'inspection ou de distribution de prix. Du
reste, toute la classe avait quelque chose d'extraordinaire
et de solennel. Mais ce qui me surprit le plus, ce fut de
voir au fond de la salle, sur les bancs qui restaient vides
d'habitude, des gens du village assis et silencieux
comme nous, le vieux Hauscr avec son tricorne, l'ancien
maire, l'ancien facteur, et puis d'autres personnes
encore. Tout ce monde-là paraissait triste; Hauser avait
apporté un vieil abécédaire mangé aux bords, qu'il
tenait grand ouvert sur ses genoux, avec ses grosses
lunettes posées en travers des pages.
Pendant que je m'étonnai» de tout cela, M. Hamel
était monté dans sa chaire, et de la même voix douce et
44 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

grave dont il m'avait reçu, il nous dit : —Mes enfants,


c'est la dernière fois que je vous fais la classe. L'ordre
est venu de Berlin de ne plus enseigner que /'alle-
mand dans les écoles de l'Alsace et de la Lorraine... Le
nouveau maître arrive demain. Aujourd'hui, c'est
votre dernière leçon de français. Je vous prie
d'être attentifs. »
Ces quelques mots me bouleversèrent... ma dernière
leçon de français !... Et moi qui savais à peine écrire !

Je n'apprendrais donc jamais. Il faudrait donc en rester


là... Comme je m'en voulais maintenant du temps perdu,
des classes manquées à courir les nids et à faire des
glissades sur la Saar. Mes livres, que tout à l'heure
encore je trouvais si ennuyeux, si lourds à porter, ma
grammaire, mon histoire de France, me semblaient à
présent de vieux amis, qui me feraient beaucoup de
peine à quitter. C'est comme M. Hamel : l'idée qu'il
allait partir, que je ne le verrais plus, me faisait oublier
les punitions qu'il m'avait infligées.
Pauvre homme! C'est en l'honneur de cette dernière
classe qu'il avait mis ses beaux habits du dimanche, et
maintenant je comprenais pourquoi ces vieux du
village étaient venus s'asseoir au bout de la salle. Cela
semblait dire qu'ils regrettaient de ne pas y être venus
plus souvent, à celte école. C'était aussi comme une
façon de remercier notre maître de ses quarante ans de
bons services, et de rendre leurs devoirs à la
Patrie qui s'en allait!...
DEUXIÈME RÉCIT
LA DERNIÈRE LEÇON DE FRANÇAIS. — RÉCIT D'UN PETIT ALSACIEN
(M
J'en étais là de mes réflexions, quand j'entendis appe-
ler mon nom; c'était mon tour de réciter. Qucn'aurais-je
pas donné pour pouvoir dire tout au long cette fameuse
LES DEVOIRS DE L ÉCOLIER 43
règle des participes, bien haut, bien clair, sans une
faute, mais je m'embrouillai aux premiers, mois, et je
restai debout à me balancer dans mon banc, le coeur
gros, sans oser lever la tête. J'entendais M. Hamel qui

M. Hamel écrivit aussi gros qu'il put : Vivo la France I

me parlait : —Je ne te gronderai pas, mon petit Franlz;


tu dois être assez puni... Voilà ce que c'est. Tous les jours
on se dit : — Bah ! j'ai bien le temps, j'apprendrai
demain. — Et puis, tu vois'ce qui arrive... Ah! c'a été
le grand malheur de notre Alsace, de toujours
remettre son instruction à demain ; maintenant ces gens-
là, les Prussiens, sont en droit de vous dire : —
Comment/ vous prétendez être Français, et vous ne
savez ni parler ni écrire votre langue!... Dans tout ça,
mon pauvre Franlz, ce n'est pas encore toi le plus cou-
pable.. Nous avons tous notre bonne part de reproches à
nous faire. Vos parents n'ont pas assez lenu à vous voir
instruits ; ils aimaient mieux vous envoyer travailler à
la terre ou aux filatures pour avoir quelques sous de plus.
3.
46 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

Moi-même, je n'ose pas dire que je n'aie rien à me


reprocher.
Alors, d'une chose à une autre, M. Hamel se mit à nous
parler de la langue française, disant que c'était la plus
belle langue du monde, la plus claire, la plus solide,
qu'il fallait la garder entre nous et ne jamais l'oublier,
parce que quand un.peuple tombe esclave, tant qu'il
garde bien sa langue natale, c'est comme s'il tenait la
clef de sa prison... Puis il prit une grammaire et nous
lut notre leçon; j'étais étonné de voir comme je compre-
nais. Tout ce qu'il disait me semblait facile, facile. Je
crois aussi que je n'avais jamais si bien écouté, et que lui
non plus n'avait jamais mis autant de patience à ses
explications. On aurait dit qu'avant de s'en aller, le
pauvre cher homme voulait nous donner tout son savoir,
nous le faire entrer dans la tête d'un seul coup. Car il
devait partir le lendemain, quitter le pays pour tou-
jours!
Tout de même il eut le courage de nous faire la classe
jusqu'au bout. La leçon finie, on passa à l'écriture.
Pour ce jour-là, M. Hamel nous avait préparé des
exemples tout neufs, sur lesquels était écrit en belle
ronde : * tfuiucc, JUWt 3tance, JbiWe ! » Cela faisait
1

comme des petits drapeaux qui flottaient tout autour de


la classe, pendus à la tringle de nos pupitres. 11 fallait
voir comme chacun s'appliquait, et quel silence !
Après l'écriture, nous eûmes la leçon d'histoire; en-
suite les petits chantèrent tous ensemble le BA, BE, BI,
BO, BU. Là-bas, au fond de la salle, le vieux Hauser
avait mis ses lunettes et tenait son abécédaire à deux
mains ; il épelait les lettres avec eux. On voyait qu'il
s'appliquait, lui aussi. Sa voix tremblait d'émotion, et
c'était si drôle de l'entendre, que nous avions tous envie
de rire et de pleurer. Ah! je m'en souviendrai, de celte
dernière classe...
Tout à coup l'horloge de l'église sonna midi. Au même
moment, les trompettes des Prussiens qui revenaient de
LES DEVOIRS DE L'ÉCOLIER 47
l'exercice éclatèrent sous nos fenêtres... M. Hamel se
leva, tout pâle, dans sa chaire. Jamaisil ne m'avait paru
si grand. — Mes amis, dit-il, je... je... Mais quelque
chose l'étouffait ; il ne pouvait pas achever sa phrase.
Alors il se tourna vers le tableau, prit un morceau de
craie, et, en appuyant de toutes ses forces, il écrivit aussi
gros qu'il put : « VIVE LA FRANCE! » Puis il resta
là, la tête appuyée au mur, et sans.parler, avec sa main,
il nous faisait signe : — C'est fini... Allez-vous-en.

RÉSUMÉ

d. Le maître d'école est le représentant et lo


délégué des pères do famille.
Il les supplée dans la tâche d'instruire leurs
enfants, quand ils n'ont ni le loisir ni le
savoir nécessaires pour s'en acquitter.
2. L'instituteur est aussi un magistrat do l'Etat :
c'est la France elle-même qui le nomme
pour combattre l'ignorance comme un mal
public.
3. L'ignorant ne peut se suffire : il tombe à la
charge d'autrui.
L'ignorant est un citoyen médiocre.
L'ignorant ne fait pas un bon soldat.
4. Voilà pourquoi la loi a rendu l'instruction obli-
gatoire. Elle punit les parents qui en privent
leurs enfants.
b\ Le maître d'école prépare l'avenir de la France,
en formant ses futurs citoyens.
6. Les plus grands malheurs de la France sont venus
de ce que les citoyens n'étaient pas assez
instruits : voilà comment de mauvais gou-
vernements, tels quo celui do Napoléon III,
48 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

ont pu la liompor sur sos intérêts et la lan-


cor dans dos guerres où elle a failli périr.
7. Il ost bon quo l'écolo soit agréable n voir, pour
que les enfants s'y plaisent.
8. Los écoles autrefois élaiont rares, souvent
malsaines. Quolquos-unos n'étaient quo des
élablcs. En 1821, 11,000 communes étaiciil
sans écoles.
9. Los maîtres d'écolo n'étaient pas aussi honorés
qu'ils le méritaient. Beaucoup do cantons
n'avaiont mémo quo des maîtres ambu-
lants.
10. Aujourd'hui, il y a des écolos dans toutes les
communes do Franco, oxceplé 200 environ ;
et les maîtres sont plus instruits qu'ils ne
l'ont jamais été: tous doivont avoir des bre-
vets de capacité.
11. Il faut remercier la République de tous ces pro-
grès.

EXERCICES ORAUX OU ÉCRITS

1. Do qui lo maître d'écolo est-il lo représentant? — Pourquoi


supplée-t-il les parents?
2. Pourquoi l'instituteur est-il un magistrat?
3. Quels sont les défauts «le l'ignorant?
4. Que fait la loi aux parents qui refusent l'instruction a leurs
enfants ?
5. Comment l'instituteur préparo-t-il l'awnfr de la Franco?
C. D'où sont venus les grands malheurs de la France?
7. Pourquoi faut-il que l'école soit agréable a voir?
8. Comment étaient les écoles autrefois? Combien y avait-il

de communes sans écoles en 1821?
0. Quelle Mail la position des maîtres d'école dans ce temps-là?
10. Y a-t-il des écoles dans toutes les communes?
— Les institu-
teurs ont-ils tous des brevets?
11. Qui faut-il remercier de tous ces progrès?
L'ENFANT JUSTE ET RON 40

Devoirs do rédaction.
1. Pourquoi la loi al-cllc déclaré l'instruction obligatoire? —
Montrez qu'on no peut ni so suffire, ni bien voter, ni bien défendra
sa patrie, si l'on est ignorant. — Do qui l'instituteur tleut-ll son
autorité?
2. Racontez la dernière leçon do français dans une école d'Al-
sace. — Expliquez comment était faite une école d'autrefois. —
Exposez les améliorations qu'on a faites dans les écoles et pour
les instituteurs.
3. Expliquez pourquoi lo nieller d'instituteur demande beau-
coup «le travail et mérito beaucoup do respect. — Expliquez c'o
quo c'est quo la docilité dans l'école.

CHAPITRE V
L'ENFANT JUSTE ET BON. — CAMARADES.
FRÈRES ET SOEURS. — PERSONNES D'AGE -
PREMIÈRE LEÇON
FRÈRES ET SOEURS. — CAMARADES

— Voilà Antoine et Jacques qui arrivent bras dessus,


bras dessous, comme d'habitude, en causant cl en riant
11 paraît qu'ils ne peuvent pas se quitter.

— Monsieur, nous faisons comme tout le monde : il


faut bien avoir des amis, saris cela on ne rirait jamais
bien.
— Voilà qui est parfait, mon Jacques. On ne serait
jamais content, si l'on n'avait pas d'amis. Ce que lu dis
là, sais-tu qu'un grand philosophe grec l'avait déjà dit,
deux mille ans avant toi ? Oui, c'est Aristote qui a dit ceci :
« Quel est l'insensé qui voudrait posséder tous les biens
de la terre, si on les lui offrait à la condition de n'avoir
jamais un ami pour assister à son bonheur cl le parta-
ger? »
En effet, aucun homme de-bon sens iraccepterait un
80 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

pareil marché, et celui qui y aurait consenti no tarderait


pas à s'en repentir; l'ennui l'aurait bientôt consumé et il
serait malheureux, comme Robinson dans son Ile déserte.
La plupart des enfants ont des compagnons tout
trouvés, que la nature elle-même leur donne. Ce sont
leurs frères et soeurs. L'école en offre d'autres à tous
les enfants qui la fréquentent : c'est là en effet qu'on
rencontre des camarades.
Les meilleurs des camarades sont toujours les frères
et soeurs : ils sont nés des mêmes parents; ils ont été
élevés ensemble et do la môme façon; ils ont eu les
mômes jeux, les mômes plaisirs et les mômes peines.
Cela suffit pour les unir d'amitié.
Ce sont des raisons toutes semblables qui font quo
d'ordinaire les camarades s'aiment entre eux: l'habitude
de vivre ensemble, déjouer, d'étudier côte à côte, lie
les enfants les uns aux autres.
Rien n'est plus utile pour former les caractères que
de bonnes liaisons: on y apprend à se faire des conces-
sion" réciproques et à s'entr'aider. Ainsi, dans les jeux, il
y a des règles qui sont les mômes pour tous : on s'accou-
tume à s'y plier. Hier, en jouant aux barres, je vous
voyais quand Louis n'a pas voulu se reconnaître pri-
sonnier : vous vous êtes réunis, vous lui avez fait voir
qu'il avait tort, et, comme il s'est obstiné, il a fallu qu'il
quittât le jeu. Allons, Louis, il n'y a pas de quoi avoir
honte, mon enfant. Vous êtes venu ensuite avouer votre
tort, vous avez repris votre place dans le jeu: et tout
cela prouve que, si vous êtes vif, vous finissez cependant
par vous rendre à la justice.
Ces petils accidents-là vous instruisent. C'est déjà un
apprentissage de la vie en société, telle qu'il faudra la
pratiquer plus.tard.
Toutefois, il faut encore que vos amitiés soient bien
choisies: il ne faudrait pas faire comme Jean Falot.
Vous le connaissez, vous, Jacques?
— Oui, monsieur, c'est lui qui se sauvait à tout rao-
L'ENFANT JUSTE ET DON 51

ment à la ville; il disait qu'il s'amusait dans les rues


avec les gamins do là-bas,
— Oui, et puis un jour on est venu nous raconter
qu'il s'était fait prendre avec une bande do filous qui
volaient aux étalages des boutiques. On l'a jugé et mis
dans une maison de correction. En voilà un que
les mauvaises compagnies ont perdu.
Voulez-vous un bon moyen do reconnaîlro les gens de
mauvaise compagnie : la plupart du temps, ils profitent
d'un moment où ils sont seuls avec vous pour vous de-
mander ou pour vous conseiller des choses qu'ils
n'oseraient ni vous demander ni vous conseiller en face
de vos parents ou de votre maître. Quand un camarade
vous parle ainsi, répondez-lui : — « Je veux bien, si mon
père ou si mon maître y consent. Allons-y do ce pas,
veux-tu?»S'il refuse, soyez sûrs quo la chose n'était pas
honnête, et que la compagnie d'un pareil enfant n'est
point ce qu'il vous faut.
DEUXIÈME LEÇON

DEVOIRS ENVERS LES CAMARADES (suite)


Ce n'est pas tout de choisir des camarades, il faut
encore savoir les garder, s'accorder avec eux. Pour cela,
il faut être justes et bons à leur égard.
La justice passe la première, parce que avant tout,
il ne faut faire tort à personne. Les enfants
sont trop portés parfois à ne songer qu'à eux-mêmes;
alors ils sont égoïstes, ils veulent gouverner les jeux à
leur fantaisie, ou se faire servir par les outres, ou même
prendre pour eux ce qui appartient à leurs camarades.
Quelques-uns sont pires encore : ils ne peuvent souffrir
que les autres soient contents; tout ce qu'on donne à
leurs camarades, que ce soient des caresses ou n'importe
quoi, leur fait de la peine : on dirait que le monde entier
leur revient de droit, et que tout ce qui arrive de bon
aux autres leur est vplô. Ceux-là sont des jaloux.
52 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

Jaloux et égoïstes sont également vile délaissés de


leurs camarades : comme ils se doutent bien eux*mêmes
do leur méchanceté, ils n'ont pa^la conscience tran-
quille, et le plus souvent ils sont de mauvaise humeur.

Jaloux ot égoïstes sont vito délaissés.


Aussi on s'aperçoit bientôt que leur société rapporte peu
d'agréments et beaucoup d'ennuis, et on les laisse pour
ce qu'ils valent. Alors ils finissent par reconnaître qu'ils
ont encore plus besoin des autres que les autres n'ont
besoin d'eux.
Pour échapper à ces défauts, vous devez d'abord vous
dire sérieusement qu'u» enfant en vaut un autre. En
effet,tous, vous èlcsdapetites personnes, et ces petites
personnes une fois grandes seront égales devant la
loi et devant tout le monde.
Entre vous, il n'y a point de différences, excepté celles
du savoir et du mérite ; et celles-là, c'est seulement à
vos supérieurs, parents et maîtres, qu'il appartient d'en
juger. Ce n'est pas à vous de dire : — Je suis plus avancé
ou je suis plus sage que mes camarades. Ce sont là des
L'ENFANT JUSTE ET DON 53

propos do vantard. Les enfants raisonnables savent bien


qu'à leur âge on n'est encore bien avancé en rien : on
ne fait que de commencer, et ce n'est pas le moment de
se glorifier.
Les enfants doivent donc se traiter mutuellement avec
respect; et ils doivent laisser à chacun ce qui lui ap-
partient, se contenter de leur lot et ne pas convoiter
celui du voisin. Voilà pour leur âge les règles de la
justice.
Maintenant, avec tout cela, comme vous n'êtes pas
encore parfaits, il peut bien vous arriver quelquefois de
.

manquer à la justice. Le mal n'est pas impardon-


nable, si vous vous dépêchez de le réparer. Quand vous
avez fait tort à un camarade, rappelez-vous ce proverbe :
« Ne laisse pas le soleil se coucher avant de l'être récon-
cilié avec celui que tu as blessé. » Il n'y a pas de honte à
reconnaître qu'on a mal fait, et à le dire : au contraire
cela prouve qu'on n'y avait point mis de méchanceté.
Quand vous croyez qu'on vous a fait tort, songez que
vous pourriez bien vous tromper, et que vous n'êtes pas
sûr de n'être pas vous-même fautif. Si ce n'est pas cette
fois-là, c'est peut-être une autre fois. Si ce n'est pas
envers ce camarade, c'est env?rs quelque autre. Alors
avant de vous fâcher, faites seulement celte réflexion :
« Quand il m'est arrivé de faire tort à quelqu'un, j'au-
rais été bien heureux si ce quelqu'un était venu a moi,
en me tendant la main et en me disant : Soyons amis,
que tout soit oublié ! Eh bien, je vais faire pour celui-
ci, qui m'a fait du mal, ce que j'aurais voulu que l'autre
fit pour moi. w
Ne pas faire à autrui ce que vous ne voudriez pas
qu'on vous fit : toute la justice est là.

Faire à autrui ce que vous voudriez qu'on fit pour


vous, c'est là la charité. Il est encore plus beau d'être
charitable que d'être seulement juste. Mais il faut être
juste d'abord.
6*1 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLR

TROISIÈME LEÇON-
AÎNÉS ET CADETS : L'ÉGALITÉ

Aînés et cadets, les enfants sont tous égaux dans


la famille.
Il n'en a pas toujours été ainsi. Avant la grande
Révolution française de 1789, lo premier-né mâle
comptait pour ainsi dire tout seul : l'héritago était pres-
que tout pour lui; les filles et les cadets n'en obtenaient
qu'une parcelle insignifiante. Et môme, dans les familles
nobles, l'alné seul portail le litre de son père.
Plus d'une fois on vit lo cadet mendier l'hospitalité à
la porte du château de son frère, et crier misère au seuil
de la maison où il était né. C'était ce qu'on appelait le
droit d'aînesse. Quant aux soeurs, aînées ou cadettes,
elles n'héritaient pas du tout dans les familles nobles;
et dans les autres, elles n'avaient qu'une petite part.
Aussi, bien souvent, elles étaient forcées d'entrer au cou-
vent.
L'aîné se regardait comme d'une espèce supérieure à
ses frères et soeurs : il les dédaignait.
Eux, de leur côté, se demandaient ce que leur aîné avait
fait pour mériter tant de privilèges, et ils se disaient :
— « Il n*a eu que la peine de venir au monde le premier. »
Ils trouvaient alors la prospérité de cet alnô injuste et
maudissaient leur propre condition.
En France la Révolution a aboli cette iniquité, avec
beaucoup d'autres. Les enfants d'une môme famille ont
droit égal à l'héritage de leurs parents, et droit
égal à porter leur nom.
La loi permet seulement au père de prélever un quart
de ses biens pour avantager l'un de ses enfants ; ce qui
est un moyen de récompenser les enfants dévoués.
Rien de plus juste que ce principe du partage égal.
Ainsi, voilà Pierre et Louis Guillot. Ils n'ont pas le
môme âge. Quel âge avez-vous, Pierre?
1. ENFANT JUSTE ET RON J)&

— Onze ans et demi, monsieur.


Et votre frère seize ans ; il travaille depuis deux

ans déjà chez M. Franche, le menuisier. Lo voilà qui
vient do passer ouvrier, cl mémo il gagne sa nourri-
ture et un peu d'argent. Il ne coûte plus rien à votre
père, au contraire, il aide le ménage, c'est un garçon
courageux et un bon fils. Il a donc plus de mérite
que vous, mon Pierre, qui ne pouvez encore rien faire,
excepté à l'école.
— C'est vrai, monsieur, mais quand j'aurai mon cer-
tificat d'études, je ferai comme lui.
— Bien dit, mon enfant, vous ressemblerez à votre
ainéf. Mais, malgré cela, il aura toujours commencé
quatre ans au moinsavant vous; cela lui fait une avance et
vous ne lo rattraperez pas, il aura toujours plus d'années
de travail et par conséquent plus de mérite. Eh bien !
quand ii faudra partager les champs de votre père,
croyez-vous que Louis aura une plus grosse part ?
Pas du tout. Il n'aura que sa moitié, comme vous. Et
je lo connais, si on lui offrait davantage, il n'en vou-
drait pas. Il dirait : —Nous sommes frères, nous
sommes égaux. Et c'est la vérité.
QUATRIÈME LEÇON
L'ODÉISSANCE AUX AÎNÉS

— Mais, monsieur, l'autre jour, mon père me disait


que mon frère était l'aîné, et qu'il fallait lui obéir.
Comment cela se fait-il, si nous sommes égaux?
— Mon enfant, vous êtes égaux devant la loi, et
vous serez égaux pour le partage. Mais cela n'empêche
pas les différences d'âge et déraison. Et vous savez bien
que si vous n'aviez pas votre atnô pour vous conseiller
ou pour vous défendre à l'occasion, vous seriez embar-
rassé plus d'une fois.
Et puis, ce n'est.pas tout : dans une famille, si le père
ou la mère vient à manquer, qui aidera le survivant à
56 L'INSTRUCTION MORALE A L ÉCOLE
.

élever la petite famillo? Lo frère aîné, ou la soeur aînée.


Et si père et mère s'en allaient, qui pourrait les rem-
placer? Logrand frère, la grande soeur, pourvu toutefois
qu'ils aient assez d'âge et do force.
Ce sont là des malheurs exceptionnels. Mais ce n'est
pas seulement dans ces terribles cas que les aînés
sont des suppléants tout désignés pour leurs parents :
tous les jours ils peuvent les aider, les décharger d'une
partio des soins do la maison, veiller sur les plus
jeunes, leur donner l'exemple de l'obéissance, du
travail et du respect pour les parents.
En revanche, puisque les aînés se rapprochent des
parents par leurs fonctions, il est juste que les cadets les
aiment un peu à la façon dont on aime ses parents, et
qu'ils écoutent leurs avis.
Il est beau de voir une famillo où tous, grands et
petits, s'entendent pour rendre la vie plus douce aux
parents, par leur obéissance, par l'application de chacun
à son devoir, et surtout par leur bonno entente : car rien
ne réjouit plus le coeur d'un père et d'une mère que de
voir leurs enfants vivre en bon accord : ils- trouvent là
comme une promcsse.que leur famille sera toujours forte
et heureuse.
CINQUIÈME LEÇON

DEVOIRS ENVERS LES VIEILLARDS

— Mes enfants, je viens de vous voir saluer le vieux


M. Franche : c'est très bien. Nous devons le res-
pect aux anciens.'Je vois que vous ne l'oubliez pas.
D'ailleurs il n'y a rien de plus naturel que ce mouve-
ment de'respect à la vue d'un vieillard : c'est là un sen-
timent juste. Il faut même étendre ce respect à toutes
les personnes d'âge.
Il faut d'abord honorer les vieillards. Ils sont
les égaux de vos parents.
Il faut aussi les écouter. Ils ont beaucoup de choses
L'ENFANT JUSTE ET «ON 57
à vous apprendre : ils ont l'expérience de la vie.
C'est là la chose la plus nécess 'rc pour se bien conduire :
sans l'expérienco des autres, chacun de vous aurait tout
à apprendre par lui-mômo; ce surait comme s'il était lo
premier homme et seul sur la lerre. Or l'expérience
n'appartient qu'aux vieillards : écoutez-les clone avec
déférence et avec reconnaissance.
Il faut être complaisant pour les vieillards.
Ils ont à porterie fardeau de l'âge et ses ennuis : il faut
les en soulager en leur offrant vos petits services.
On reconnaît les enfants qui ont mauvais coeur à la
facilité qu'ils ont de rire des vieillards, de leurs infirmités,
de leurs manies. Ces.manies qui semblent ridicules, sont
plutôt à plaindre cl à respecter, car elles ront encore
des infirmités. Que diriez-vnus d'un fils qui rjrait des
mains de son père, parce qu'elles sont devenues calleuses
et tremblantes à force de labeur? Vous diriez que c'est
un méchant coeur. Eh bien! les manies des vieillards
sont comme les rides sur des mainsqui ont trop travaillé:
songez qu'elles sont les marques du temps et des peines
de la vie, et vous n'aurez plus envie de vous en moquer.

PREMIER RÉCIT
LA JEUNESSE DE SEDAINB

En 1732, dans une ville du Midi, mourut un entrepre-


neur de bâtiments du nom de Sedaine : il laissait une
veuve et deux orphelins, sans ressources. L'aîné étudiait
au collège. Comme il était parmi les meilleurs élèves, le
principal le fit appeler, et lui offrit de le garder gratui-
tement.
• — Et que deviendraient ma mère et mon frère? lui
dit le jeune Sedaine.
L'enfant qui faisait celte courageuse réponse avait
treize ans. Le lendemain, il était apprenti maçon. Il se
montra aussi adroit à porter le mortier qu'il avait été
intelligent en classe, aussi prompt à servir les ouvriers
58 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

qu'il avait été docile avec ses professeurs. Il sut gagner


d'assez bonnes journées pour faire vivre sou frère et sa
mère.
En mémo temps, Sedaine no renonçait point à ses
éludes : chaque soir, après son rude travail, il se met-
tait à ses livres; ses camarades, qui le regrettaient, lui
apportaient l'indication des devoirs; les maîtres lui en
corrigeaient quelques-uns par écrit, et ainsi le jeune ma-
çon suivait la classe de loin, sans y aller.
C'était une lâche difficile quo de faire dos études com-
plètes dans de semblables conditions: Sedaine y parvint.
Toujours poussé par le besoin d'apprendre, Sedaine
résolut plus lard d'aller à Paris poursuivre ses éludes.
Mais il ne voulut pas se séparer de son frère : il le mit
dans la voilure publique ; et comme il n'avait pas de
quoi payer deux places, lui-même suivit- à pied. Heu-
reusement les voitures d'alors ne marchaient guère vite!
A Paris, Sedaine apprit l'architecture et cultiva la
poésie pour laquelle il se sentait un goût irrésistible. A
travers tant d'occupations, c'était toujours lui qui soute-
nait son frère, et sa mère vivait à l'aise d'une pension
qu'il lui servait très régulièrement.
Celte vie laborieuse cl même pénible n'étouffa point
Je génie de Sedaine, car il devint également célèbre
dans les deux arls qu'il avait adoptés, l'un par nécessité,
et l'autre par penchant naturel : il fut membre de
l'Académie d'architecture et de l'Académie
française. Dans ses oeuvres littéraires, dont la plus
connue est le Philosophe sans le savoir, on admire sur-
tout un bon sens parfait, une gaieté enjouée et comme
le parfum d'une âme honnête et bonne.

DEUXIÈME RÉCIT
LES VIEILLARDS A SPARTE

Dans la ville de Sparte, qui fut une des plus puissantes


et des mieux réglées de loulc la Grèce ancienne, la loi
L'ENFANT JUSTE ET BON 59
entourait les vieillards de grands honneurs. Quand un
vieillard entrait dans une assemblée, tous les jeunes
gens devaient se lever, et ils ne pouvaient se rasseoir en
sa présence, à moins qu'il ne leur en fit commandement.
En France, de nos jours, ce n'est pas la loi qui
ordonne aux jeunes gens de se lever devant les vieillards
el rie les honorer, c'est le bon usage qui le veut. Et on
n'y peut manquer sans passer pour mal élevé.

RÉSUMÉ

i. La solitudo rend l'homme misérable Le piro


malheur est do n'avoir pas d'amis.
2. Nos frères et nos soeurs sont des amis quo la
naissance nous a donnés.
3. Apprenons h vivre d'accord avec nos camarades,
si nous voulons savoir vivre plus lard avec
les hommes.
4. Un mauvais camarade est celui qui nous
demando ou qui nous conseille ce qu'il
n'oserait pas nous demander ou nous con-
seiller on faco de nos maîtres et de nos
parents.
l'i. Los aînés et les cadets sont égaux, depuis que
la Révolution a aboli lo droit d'aînesse. Autre-
fois, le fils aîné héritait seul des biens et des
titres do ses parents.
Par suite, les aînés méprisaient leurs cadets, et
les cadets étaient jaloux de leurs aînés.
6. Aujourd'hui, los biens dos parents sont partagés
par portions égales entre les enfants.
7. Seulement, le père peut réserver, s'il le veut, un
quart de ses biens pour avantager celui do
GO L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

sos enfants qui s'est montré le meilleur avec


lui.
8. Los aînés sont plus expérimentés que los
cadets : ils pouvent leur approndro beaucoup.
9. Les aînés doivent dire prêts à romplacer lours
parents, si par malhour ilu mouraient. Ils
doivent les aidor en dirigeant leurs frères
et soeurs.
10. Los cadets doivent avoir pour leurs aînés du
respect et de l'amitié.
11. L'union des frères et des soeurs fait lo bonheur
des parents.
12. Pour garder sos amis, il faut être juslcetbon
avec eux.
13. Pour être juste, il no faut èlre ni égoïste ni
jaloux ; il faut respecter les autres personnes,
et respecter aussi ce qui leur appartionl.
14. L'égoïste et lo jaloux sont abandonnés de leurs
camarades : on les laisse de côté, et ils sont
malheuroux.
lo. 11 faut savoir reconnaître ses torls : après une
dispute, lo plus raisonnable est celui qui
revient lo premier.
16. Pour être bon, il faut faire plaisir à ses cama-
rades dans toutes les choses honnêtes. Il faut
aussi se réconcilier avec eux et oublier les
torts qu'ils ont pu avoir, quand on croit qu'ils
en ont.
17. Ne faites pas aux autres ce que vous ne vou-
driez pas qu'on vous fit. Faites pour les
autres co que vous voudriez qu'on fît pour
vous.
L'ENFANT JUSTE ET IION 61

Tous les devoirs do justice ol do bonté sont


dans eos deux maximes.
18. 11 est justo do rospoclor los vieillards et toutos

les personnes d'Age.


19. Il faut d'abord les honorer commo étant les
égaux do vos parents.
20. 11 faut aussi les écouler, parco qu'ils ont do
roxpôrionco, et c'osl auprès d'eux seulement
quo vous pouvez en acquérir un peu,
21. Il faut être complaisant pour eux, afin do leur
adoucir lo poids do la vieillosso.
22. Les défauts des vieillards sont un effet de l'âge
et des peines de la vie : le rospect nous com-
mande de fermer les youx dessus.

EXERCICES ORAUX OU ÉCRITS

1. Quel C3t In pire dos malheurs?


2. Quels sont les amis que la naissance nous a donnés?
3. Pourquoi devons-nous apprendre a vivre d'accord avec nos
camarades?
*. A quoi reconnaissez-vous un mauvais camarade?
5. Depuis quand les aines et les cadets sont-ils égaux? — Qu'é-
tait-ce que lo droit d'ainesse?
6. Comment se parlageut aujourd'hui les biens des parents?
7. Le père peut-il avantager l'un de sos enfants?
8. En quoi les aînés sout-ils au-dessus des cadets?
9. Que doivent faire les aines ?
10. Quels sont les devoirs des cadets?
11. Qu'est-ce qui fait le bonheur des parenls?
12. Quo faut-il être avec ses amis pour les garder?
13. Quels défauts doit-on éviter pour être juste?
i i. Qu'arrivc-t-il a l'égoïste et au jaloux?
15. A quoi reconnait-on, après une disputo, le plus raisonnable?
16. Quo faut-il faire pour cire bon?
H. Quelles sont les deux maximes qui résument tous les devoirs
de justice et de bonté?
18. Devons-nous respecter les vieillards?
19. Pourquoi faut-il honorer les personnes âgées?
02 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLR

20. Pourquoi faut-il les écouter?


21. Pourquoi faut-il être complaisant pour les vieillards?
22. Pourquoi faut-il fermer les yeux sur les défauts des vieillards?

Devoirs de rédaction
1. Montrez l'utilité que peuvent avoir pour un enfant les bons
camarades? — Expliquez les dangers des mauvaises compagnies
et dites a quoi on les reconnaît.
2. Qu'est-ce que la justice et la bonté entre camarades? — Ex-
pliquez ce que c'est que la jalousie et l'égoisuic; montrez-en les
conséquences pour un enfant.
3. Expliquez ce qu'était le droit d'aînesse, combien il était in-
juste, comment il mettait la désunion dans les familles, et dites
comment il a été remplacé. — Quels sont les devoirs des aines;
comment peuvent-ils aider leurs parents vivants, les remplacer
en cas d'iuDrmités ou de décès? — Quels sont les devoirs des
cadets?
\. Examinez les devoirs des enfants envers les personnes d'âge.

Montrez qu'un enfant doit honorer, écouter les vieillards, et leur
être complaisant. — Quels étaient les usages à Sparte en pré-
sence des vieillards, et qu'eu pensez-vous?

CHAPITRE VI

LE RESPECT DE SOI-MÊME

PREMIÈRE LEÇON

L'UYOIÈNE KT LA GYMNASTIQUK

— Lo premier droit d'une personne, c'est d'être res-


pectée. Vous êtes de petites personnes en train de devenir
grandes : il faut donc que vous vous prépariez a mériter
le respect.
C'est par la dignité qu'on mérite le respect.
La dignité se montre d'abord dans la tenue exté-
rieure. Mais clic consiste surtout dans des senti*
LE RESPECT DE SOI-U&UB Q3

ments honnêtes et droits, que nous devons porter


au dedans de nous-mêmes.
La dignité extérieure consiste dans le soin de notre
corps et dans de bonnes manières.
Votre dignité est intéressée à ce que votre corps soit
bien soigné, c'est-à-dire à ce qu'il soit maintenu en
état de santé et propreté.
Celui qui n'a pas de santé a de la peine à se suffire et
à rendre service aux autres : il est à charge à la société ;
et quand il y a de sa faute, quand il est avéré que son
mauvais élat de santé vient de son inconduite, alors
chacun serait en droit de le lui reprocher.
Quant à celui qui se laisse gagner par la malpro-
preté, il est un objet de dégoût pour loutcs les per-
sonnes bien élevées; et ce dégoût-là amène bien vite
une espèce de mépris : les sauvages se distinguent par leur
malpropreté; et le savant Bastiat 1 a dit : « Voulez-vous,
connaître le degré de civilisation oit est parvenu un
peuple? Informez-vous de la quantité de savon qu'il
dépense. »
Il y a une science qui nous enseigne lo moyen d'entre-
tenir la santé dans notre corps, et de la raffermir quand
elle faiblit. Cette science, c'est l'hygiène.
Elle nous recommande surtout trois choses : l'air,
l'eau et l'exercice.
L'air est si nécessaire à la santé, que les villes où
les maisons sont trop resserrées sont lo plus souvent
malsaines et habitées par une population chétive. Au
contraire, dans les villes où une administration sage a
su percer des rues larges, et ménager des jardins publics,
la santé de tout le monde est devenue meilleure, et la
vie do l'homme est plus longue.
Cela se comprend aisément : l'air qui sort de nos pou-
mons après avoir été respiré n'est plus ni pur ni sain; il

1. Bastiat (Frédéric), économistefrançais, uô à Bayounecu 1801,


mort eu 1850.
64 L'INSTRUCTION MORALE A L'KCOLE

contient même un gaz qui est un poison. Un homme de


force moyenne respire environ 2 mètres cubes d'air
par heure; s'il reste enfermé dix heures de suite, la nuit,
par exemple, dans une chambre contenant 20 mètres
cubes d'air, au bout de ce temps, il aura respiré tout
l'air pur; et si on le laisse enfermé davantage, il ne
respirera plus que de l'air gâté et dangereux. La même
chose arrivera encore si Ton enferme plusieurs per-
sonnes dans une chambre trop petite : elles auront tôt
fait de corrompre l'air, et, sans s'en apercevoir beaucoup,
elles respireront un poison lent.
Les gens de la campagne ne sont pas exposés à cet
inconvénient, du moins dans les champs. Mais chez eux,
trop souvent, ils s'entassent en grand nombre pour la
.nuit dans des chambres étroites, qui n'ont d'air que par
une ou deux fenêtres toutes petites. On croirait, à voir
comme ils se calfeutrent, que l'air est l'ennemi do
l'homme.
L'eau n'est pas moins indispensable à la santé. Si
vous regardiez votre peau à la loupe, vous la verriez
percée de mille petits trous, ou pores, par où sortent
sans cesse la transpiration et aussi d'autres matières
impures, qui ne pourraient pas sans inconvénient rester
dans le corps. Si vous ne tenez pas votre peau nette et
propre, la crasse couvrira ws trous et empêchera ces
impuretés de sortir.
Quant à l'exercice, sans'ui le corps ne prospère pas.
Si les gens qui vivent aux champs ont souvent plus do
santé et plus do force que ceux de la ville, c'est qu'ils vont
et viennent, qu'ils travaillent do tous leurs membres, au
lieu de resler immobiles devant un métier ou un bureau.
Mais l'exercice n'est jamais plus salutaire quo lorsqu'il
est réglé: il s'appelle alors gymnastique.
La gymnastique ne consiste pas à faire des tours de
force : elle a pour objet de développer lous les muscles
du corps, ceux des jambes, comme ceux des bras et de
LE RESPECT DE SOI-MEME 65
la poitrine. Cela rend l'homme bien portant et agile pour
tous les mouvements.
Il n'y a pas de bons soldats sans gymnastique : un sol-
dat qui ne saurait ni marcher du matin au soir avec les

L'exercice militaire à l'écolo (d'après le tableau do Ed. Frère).

épaules chargées, ni sauter un fossé, ni escalader leste-


ment un mur, ni fournir une course rapide sans s'essouf-
fler, serait un embarras et non pas un secours dans une
armée. Vous tous, enfants, vous serez soldats à votre
tour: préparez-vous en devenant lestes, forts et bons
marcheurs. Plus tard, vous n'en auriez ni le temps ni
le goût.
Je ne vous en dirai pas davantage là-dessu:;, vous êtes
déjà de petits soldats, puisque vous avez vos fusils, et
que vous faites l'exercice trois fois par semaine commode
vrais troupiers. Continuez seulement, et à la revue can-
tonale, vous saurez tenir votre rang avec honneur dans
le bataillon des écoles, en attendant que plus tard vous
le teniez aussi au régiment, sous les drapeaux de la
France.
66 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

DEUXIÈME LEÇON

LA TEMPÉRANCE

Je vous ai dit hier ce que l'hygiène recommande.



Je veux vous dire aujourd'hui ce qu'elle défend.
L'hygiène défend plusieurs choses : l'abus des bois-
sons, l'abus du tabac, les excès de table et autres.
Le vin et môme les boissons alcooliques, prises à doses
modérées, sont un stimulant utile pour l'homme
qui travaille péniblement. Dès qu'on en abuse, elles
troublent la raison.
De plus, comme les mauvaises habitudes viennent
vite, il ne faut pas longtemps pour faire un ivrogne,

Des qu'on abuse des boissons alcooliques, elles troublent la raison.


c'est-à-dire un malheureux qui n'est plus son maître,
affaibli de corps et d'esprit, exposé à dos accès do
foïie, dangereux à lui-môme et aux autres, et sou-
vent destiné à finir par une hideuse maladie, le deli-
rium tremens : ceux qui en sont atteints ont un
LE RESPECT DE SOI-MÊME 67
délire affreux, pendant lequel il leur passe devant les
yeux des visions épouvantables ; tout leur corps tremble
et devient gâté à l'intérieur; à la fin, comme ils sont
imbibés d'alcool, il arrive parfois qu'ils prennent feu, par.
exemple en fumant leur pipe. Alors tout leur corps brûle
en quelques heures : ce sont des souffrances atroces. On
appelle cela la combustion spontanée.
Le tabac contient un poison dangereux, la nicotine.
Quelques gouttes de nicotine dans un verre d'eau suf-
fisent à tuer un homme. Les fumeurs, môme les grands
fumeurs, n'en absorbent que très peu en une fois; mais
ce qu'ils avalent suffit à affaiblir leur cerveau et sur-
tout leur mémoire.
Les excès de table sont parmi les plus dégra-
dants: ils font ressembler l'homme au plus bas des
animaux. De plus, ils alourdissent ses membres, ils
fatiguent son estomac, et le disposent à des maladies
fort douloureuses, telles que la goutte.
Tout excès est indigne de l'homme : l'homme doit
tenir par-dessus tout à sa qualité d'être raisonnable;
et la raison, c'est la faculté de se gouverner et de se
modérer.

TROISIÈME LEÇON

LA POLITESSE

Pour mériter le respect, il faut encore une chose, dont


il me reste à vous parler. Il faut être polii avoir de
bonnes manières.
Les bonnes manières sont la première marque à
laquelle se reconnaît un enfant bien élevé, c'est-à-dire
élevé dans le respect des autres et de lui-même. On les
apprend par l'usage, dans la fréquentation des bonnes
compagnies.
Mais il faulbien remarquer que les bonnes manières ne
se bornent pas à savoir saluer les gens, ni à les aborder,
68 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

les entretenir cl les quitter avec les paroles et l'attitude


convenables. Ce sont là les dehors de la politesse : il faut
que nos sentiments répondent à ces apparences. Quand
on fait des politesses aux gens, on prend un air bienveil-
lant et respectueux envers eux ; eh bien ! il faut être
vraiment tel que l'on paraît, sans quoi la politesse ne se-
rait qu'un masque.
Quelques-uns s'imaginent que la politesse et les bonnes
manières no sont nécessaires qu'en présence des étran-
gers, et qu'avec les parents et les camarades on peut
s'en passer.
C'est là une erreur grossière. La familiarité ne con-
siste pas du tout à être impoli ou brutal :cllc consiste à
montrer plus d'amitié aux gens et à les questionner
plus volontiers sur leurs affaires intimes.- Mais il ne
faut pas que le respect en souffre. Parce que l'on con-
naît assez les gens pour se plaire en leur compagnie,
est-ce une raison pour les respecter moins qu'on ne res-
pecterait le premier venu?
Un enfant de France doit veiller plus qu'un au Ire
enfant à être poli et à avoir de bonnes façons, parce
que la nation française a toujours passé
pour la plus affable et la plus polie du
monde : il faut soutenir notre bonne réputation.

QUATRIEME LEÇON

LA FRANCU1SB

La première qualité d'un cnfe-it qui veut n'avoir


jamais honte de lui-même, c'est la franchise. Celui qui
ment ne peut jamais tenir la tête droite ni regarder en
face comme un autre.
Quelques-uns mentent par vanité pour se faire valoir
en racontant de belles choses qu'ils n'ont pas faites. Ils
se disent:— Qu'importe je ne fais de tort à personne.
1
j.v: RESPECT DE SOI-MÊME 69
Ils s'en font beaucoup à eux-mômcs : car on finit par les
connaître pour ce qu'ils sont; on ne les croit plus et ils
apprennent alors à leurs dépens combien il est honteux
d'être écouté avec défiance, et de lire dans les yeux de
ceux à qui l'on parle cette réponse : Menteur I
D'autres mentent pour déguiser leur faute et éviter la
punition. Ceux-là commettent une lâcheté. Un bravo en-
fant est celui qui déclare tout franc ce qu'il a pu faire de
mal. Celui-là, on l'estime quand môme, et on a de l'in-
dulgence pour lui : Péché avoué est à moitié pardonné.
En effet, avouer sa faute, c'est déjà se punir soi-
même.
Franc et Français ne.sont qu'un seul et même mot.
Le menteur, une fois qu'on le connaît, est comme un
sourd-muet; tout ce qu'il peut dire ne sert de rien : on
ne l'écoute pas.

PREMIER RÉCIT
SAUVÉ PAR LA GYMNASTIQUE

Récit d'un soldat

Nous étions assis autour du feu de bivouac, tous les


soldats de l'escouade mêlés, les réservistes avec les
autres ; la soupe du soir mangée, on attendait que lo
sommeil vint nous prendre ; les conversations et les plai-
santeries commençaient déjà à s'éteindre:
— Sergent, dit tout à coup le caporal Blanc s'adres-
sant à notre chef de section, vous avez l'air fâché.
Seriez-vous mécontent de nous, sergent?
Chacun, en entendant celte question, releva la tôle, et
se mit à regarder avec un peu d'inquiétude le vieux ser-
gent Fauvcrge : car tous ses hommes l'aimaient et le
craignaient, et nous no redoutions rien tant qu'un re-
proche de lui.
70 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

— Non, mes enfants, non ; je ne suis pas fâché contre


vous... El pourtant, reprit-il entre ses dents, en mordant
les poils de sa vieille moustache, pourtant...
— Pourtant quoi? sergent. Est-ce que tout le monde
n'a pas fait de son mieux aujourd'hui à la grande
manoeuvre ?
— Nous y voilà justement. Pour marcher en rang,
pour faire un feu de peloton, cela ne va pas mal. Mais
pour courir et sauter, ah ! mes pauvres enfants, si vous
pouviez vous voir par derrière... I quand il s'agit de fran-
chir un fossé, on dirait une ligne de canards qui vont se
mettre à l'eau. Non, voyez-vous, la gymnastique, ce
n'est pas votre fort I
La gymnastique, cependant, ne vous y trompez
pas, mes amis : c'est la moitié du soldat. Tenez,
moi qui vous parle... Enfin, suffitI
— Sergent, reprit lo caporal, vous aviez une histoire
sur le bout de la langue. Contez-nous ça : voyez les cama-
rades, ils font déjà des yeux commodes boules de lolo.
— Oui, oui, sergent. Contez-nous ça, dit en choeur toute
la section.
— Vous la voulez, vous l'aurez, répliqua lo vieux
Fauvergc. Seulement, gamins, rappelez-vous qu'il ne
faut pas dormir pendant une histoire, quand on la
demandée. Vous savez le mot d'ordre : si je vois les
yeux se fermer, je crie : Cric! Si vous ne répondez pas
sur-le-champ, comme un seul homme : Crac! je m'arrête.
Y sommes-nous? Cric!
— Crac! fit l'auditoire tout d'une voix.

DEUXIÈME RÉCIT
SAUVÉ PAR LA OYMNASTIQUE (Suite)

— Donc, commença le sergent, c'était en 1871, à la


fin do la guerre ; nous élions en Allemagne, au fin fond
d'une forteresse qu'ils appellent Ingolstadt, avec beau-
coup d'autres prisonniers français. Quand je dis nous,
LE RESPECT DE SOI-MÊME 71
c'est moi et mon camarade, mon brave Bourguignon, le
meilleur des hommes, et le plus parfait, s'il avait voulu
apprendre la gymnastique. A la fin, comme nous étions
très misérables, par la rapacité d'un certain comman-
dant bavarois qui nous volait la moitié de nos vivres et
tout notre charbon, la colère nous avait pris. On s'élait
révolté, on avait brûlé quelques baraques, et pour se
venger, le commandant faisait tirer sur nous ses soldats,
qui nous entouraient, montés sur les remparts.
La nuit vint que cette abominable boucherie durait
encore ; chacun se cachait comme il pouvait. Bourguignon
et moi nous nous étions faufilés entre une poudrière et
le rempart. Les deux murs étaient 1res rapprochés, et
nous étions bien cachés, jusqu'au matin du moins.
— Si nous nous sauvions, dis-je à Bourguignon.
— J'y pensais, me répondit-il. Mais comment?
— Innocent, regarde donc là-haut. Tu ne vois rien?
— Je vois les étoiles.
— C'est un peu haut pour s'y sauver. Mais il y a le
lalus du rempart : montons-y, nous n'aurons plus qu'à
nous laisser tomber dans le fossé; une fois là, nous
trouverons bien à remonter de l'autre côté. Et l'aulrc
côté, tu sais, mon vieux Bourguignon, c'est la pleine
campagne, c'est-à-dire la liberté et la France,
moyennant des jambes et du courage.
Voilà notre plan arrêté. Une s'agissait que de se hisser
sur la crête du mur de rempart, où commençait le lalus.
C'est alors que Bourguignon commença à se repentir de
n'être pas allé comme moi à Vécolc de gymnastique à
Vincenncs.
J'essayai de lui faire la courte échelle : mais il n'ar-
rivait pas encore à empoigner le haut du mur. Nous
nous désolions, et il commençait à me dire : « Va-t'en
« seul. Vois-tu, je ne ferais que l'embarrasser. » J'eus la
bonne idée alors démonter le premier. Une fois en haut,
je fis, de mon mouchoir et du sien une cordelette bien
tordue, avec un noeud à chaque extrémité.
72 L INSTRUCTION MORALE A L ECOLE
'.'est au bout de celle cordequejc hissai Bourguignon,
pendu comme un poisson au bout de la ligne à pêcher.
,Si .prompte qu'eût été la manoeuvre, le factionnaire
bavarois qui faisait les cent pas sur le rempart avait eu
le temps de nous voir à travers la demi-obscurité du
soir. Il accourait sur nous, casque baissé, baïonnette
au canon.
TROISIÈME RÉGIT

SAUVÉ PAR LA GYMNASTIQUE (fin)

Il n y avait pas à hésiter. D'un même élan, Bour-


guignon et moi, cii trois sauts, nous étions sur l'autre
revers du talus, et là, à la renverse sur la pente raidc,
nous glissions vers le fossé. Le factionnaire fait feu et
nous manque, tandis que nous, sans réfléchir, nous nous
laissons tomber dans le fossé.
Quelle chute, mes amis! Sept ou huit mètres de hau-
teur! Heureusement le fossé était plein d'une vase épaisse,
avec quelques pouces d'eau par-dessus. Cela amortit
notre chute. Pour moi j'avais eu soin de tomber selon les
bons principes, les bras en l'air, les jambes tendues et
prêtes à fléchir en touchant le sol : aussi je ne m'étais
pas fait de mal ; je me sentais seulement un peu étourdi.
Mais mon pauvre camarade se plaignait tout bas de dou-
leurs à la jambe droite et dans le ventre.
Nous n'avions pourtant pas le temps de nous arrêter:
sur le rempart, les factionnaires s'agitaient; encore une
minute et les sentinelles perdues, qui rôdaient en dehors
autour du fossé, allaient être averties. Je dis à Bour-
guignon :
— Appuie-toi sur moil... et je me mis à l'entraîner
jusqu'à un escalier qui conduisait du fossé à la surface
du sol. Il me suivit en gémissant. Il fallait bien que son
mal fût grand, car jamais je ne l'avais entendu se
plaindre.
LE RESPECT DC SOI-MÊME 73
Nous pouvions encore échapper. Du moins nous le
pensions. Mais en arrivant à l'escalier, nous nous
aperçûmes que les marches d'en bas, jusqu'à deux mètres
de haut, manquaient. C'était un faux escalier. Seulement
une barre de fer, scellée par ses deux extrémités aux deux
côtés de la brèche que faisait cet escalier, rendait l'esca-
lade possible, pour un homme habitué à manoeuvrer
sur la barre fixe. D'un bond, je saisis à deux mains la
barre, et en un rétablissement je fus dessus. Je me re-

Uno fusillade retentit dans le fossé.

tournai alors pour appeler Bourguignon : il me répon-


dit tout bas : — Va-t'en l J'essayai de recommencer
la manoeuvre du mouchoir, il me fit signe que non.
Et ma foil comme je sentais que nous allions être
perdus tous doux sans profit, je gravis l'escalier, et je
m'enfuis à travers la campagne, après avoir renversé le
factionnaire qui me barrait le passage. Je n'avais pas
fait deux cents pas, qu'une fusillade retentit derrière
moi : les murs et le fossé d'Ingolstadt faisaient écho d'une
façon terrible. Je compris qu'on avait découvert Bour-.
o
74 L'INSTRUCTION MORALE A L ÉCOLE

guignon et qu'on tirait sur lui... Je n'ai jamais eu de ses


nouvelles depuis.
Je ne pouvais pas m'empêcher de pleurer mon ami,
tout en courant. Mais il fallait bien avouer que j'avais
fait le possible, et que je ne pouvais plus rien. Pauvre
garçon ! s'il avait su la gymnastique !
— Cric ! dit le sergent, arrêtant court son récit.
— Crac ! répondit faiblement la troupe. Chacun avait
grand sommeil, et nous ne fûmes pas longs à nous
rouler dans nos couvertures et à nous endormir. Mais
plus d'un rêva à l'évasion héroïque du vieux sergent
Fauvcrge et à ce pauvre Bourguignon, mort sous les
balles allemandes pour n'avoir pas su faire un réta-
blissement sur la barre fixe.
RESUME

1. Celui qui ne se respecte pas lui-même ne sera


pas respecté par autrui.
2. C'est par la dignité que l'on s'attire le respect.
3. La dignité exige une bonne tenue, c'est-à-dire
un extérieur soigné et de bonnes manières.
4. Il faut soigner son corps pour l'entretenir en
santé et n'ôlre à charge à personne. L'art de
soigner son corps s'appelle l'hygiène.
8. L'hygiène recommando trois choses : l'air, l'eau,
l'exercice.
G. L'air pur entretient la force et la santé. Ne vous
enfermez pas dans des chambres étroites et
malsaines.
7. L'eau est indispensable à la propreté : sans la
propreté, pas de santé. Celui qui no soigne
pas sa peau la perdra.
8. L'exercice, la gymnastique sont d'autant plus
LE RESPECT DE SOI-MÊME 75
indispensables, que nous serons tous soldats
à notre tour.
9. L'hygiène défend l'intempérance.
10. L'ivrogne perd sa santé et sa raison : il arrive
à ne plus se posséder. Il est alors exposé à
commettre des crimes affreux sans le savoir.
11. Beaucoup d'ivrognes meurent d'une épouvan-
table maladie, le delirium tremens, qui les
rend fous et décompose leur corps.
12. Le tabac contient un poison, la nicotine, qui peut
tuer, et qui en tout cas affaiblit le cerveau. 11
faut s'en défier.
13. Les excès de table dégradent l'homme ; tous les
excès sont contraires à la raison,
il. Les bonnes manières s'apprennent dans les
bonnes compagnies,
lo. Si vous voulez avoir la vraie politesse, ayez de
la bienveillance et du respect pour ceux à qui
vous parlez.
1G. La familiarité ne doit pas être lo contraire de la
politesse : elle est seulement une politesse
plus affectueuse.
17. Les Français sont, dit-on, la nation la plus
polie du monde : soutenons celte réputation.
18. Celui qui n'est pas franc a honte do lui-môme :
il n'ose regarder personne en face.
19. 11 no faut pas mentir pour
se fairo valoir: car
bientôt on est connu et méprisé.
20. Il ne faut pas mentir pour éviter les punitions :
car alors on est un lâche. Péché avoué est à
moitié pardonné.
7fi L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

EXERCICES ORAUX OU ECRITS


.

1. Qu'arrivc-t-il à celui qui ne se respecte pas?


2. Comment s'attirc-t-on le respect?
3. Quelles sont les exigences de la dignité?
4. Pourquoi faut-il soigner son corps? — Comment s'appcllo
l'art de soigner son corps?
5. Quelles sont les trois choses recommandées par l'hygiène?
6. Quels sont les bons effets de l'air pur?
7. Ceux de l'eau?—Qu'arrivc-t-il à celui qui ne soigne pas sa peau?
8. Pourquoi la gymnastique est-elle indispensable aujourd'hui?
9. Que nous défend l'hygiène?
10. Qu'arrivc-t-il à l'ivrogne?
11. Quelle est la maladie dont meurent souvent les ivrognes?
12. Quel poison contient le tabac?
13. A quoi les excè3 sont-ils contraires?
.14. Où prend-on les bonnes manières?
15. Que faut-il faire pour avoir la vraie politesse?
16. Qu'c3t-ce que la familiarité?
17. Quelle réputation le3 Français ont-ils à soutenir?
18. Qu'arrivc-t-il à celui qwi n'est pas franc?
19. Celui qui ment pour s j faire valoir réussit-ilt
20. Comment nommez-vous celui qui ment pour éviter les puni-
tions?

Devoirs de rédaotion
1. Montrez que la dignité est indispensable môme à un enfaut,
et expliquez quelles qualités elle comporte. — Définissez l'hygiène
ot citez ses prescriptions les plus essentielles. — Définissez lu
gymnastique, et montrez à quoi elle est utile.
2. Expliquez comment naît l'ivrognerie, et montrez-en les dan-
gers. — Qu'est-ce que les bonnes manières, la politesse vraie, la
politesse hypocrite, la grossièreté?
3. Qu'est-ce que la franchise? — Montrez que le mensonge n'est
jamais innocent. — Qu'est-ce que la conscience?
LA MAISONNÉE 77

CHAPITRE VII
LA MAISONNÉE
SERVITEURS. — ANIMAUX DOMESTIQUES
PREMIÈRE LEÇON

BEVOIRS ENVERS LES SERVITEURS DE LA MAISON

— Mes enfants, vos parents n'ont pas tous des domes-


tiques à leur service: la plupart se suffisent d'eux-mêmes,
parce que le ménage n'est pas trop gros, que les champs
à cultiver ne sont pas trop grands, ou l'atelier pas trop
chargé d'ouvrage. Ou bien encore, chez d'autres, il y a
assez de personnes dans la famille pour suffire à tous les
travaux. C'est l'avantage des familles nombreuses : elles
n'ont pas besoin de recourir à des étrangers ; cl comme
chacun se dit qu'il travaille sur son bien, tous y vont de
bon coeur.
Mais enfin, toutes les familles n'ont pas ce bonheur,
d'être riches d'enfants. Et puis il y a des propriétés trop
grandes, qu'une famille seule ne parviendrait jamais à
faire valoir. C'est ce qui arrive chez vous, Simon. Votre
mère a été obligée de s'adjoindre une servante, et voire
père a trois valets : l'un pour l'écurie, l'autre pour la
ferme, le dernier pour la charrue. Aussi, c'est à vous
que je vais faire ma question.
Dites-moi, savez-vous quels sont vos devoirs envers-
les serviteurs de ta maison, envers les servantes et les
valets?
Simon hésita un peu, et dit :
— Non, monsieur, je ne rais pas... Mais, monsieur,
est-ce que ce n'est pas eux, plutôt, qui ont des devoirs
envers nous autres?
—- L'un n'empêche pas l'autre, Simon. Mais laissant*,
cela pour le moment. D'après vous, alors, votre père,
n'a pas de devoirs envers ses valets?
78 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

— Mais, monsieur, puisque c'est lui qui commande ce


qu'il veut, eux n'ont, qu'à obéir.
— Eh bien! Simon, c'est ce qui vous trompe. Chacun,
maître et domestique, a ses devoirs à remplir :
rappelez-vous le jour de la paye.
Ce jour-là, vous savez ce qui se passe : votre père va à
l'armoire, il en tire un petit sac do toile, et descend dans
la salle du bas. Les domestiques savent bien ce que cela
veut dire : ils viennent l'un derrière l'autre, et chacun
reçoit son gage. J'ai vu cela moi-même, l'autre jour en
passant devant la ferme ; je voulais presser le pas pour
ne pas gêner votre père, mais lui m'a arrêté, en me
disant : —Faites-nous donc l'honneur d'entrer un instant,
monsieur l'instituteur : qui paye ses dettes ne se
cache pas.
DEUXIEME LEÇON

ON DOIT AUX DOMESTIQUES POLITESSE ET DONTÉ

Mais que pensez-vous qu'il arriverait, si un fermier,


tant gros qu'il soit, oubliait ou tardait do payer ses ser-
viteurs? Us réclameraient leur dû, respectueusement
d'abord. Et si on avait l'air de ne pas les écouter, ils
hausseraient la voix : il faudrait bien leur obéir, et payer.
Sinon la justice serait là pour les soutenir.
Vous le voyez donc, Simon, on n'est maître que si
l'on paye. Les domestiques donnent leurs services; le
maître donne ses écus : quitte à quitte. Les bons
comptes font les bons amis.
Ainsi mettez-vous bien ceci dans la tête. Si le domes-
tique est sous les ordres du maître, c'est parce qu'il le
veut bien. Il était libre de ne pas so laisser engager;
seulement il trouve son compte à louer ses services pour
un certain prix, et il les loue. Voilà pourquoi le maître
n'a le droit de lui commander quo pour ce qui a été
convenu entre eux. Voilà aussi pourquoi en dehors du
LA MAISONNEE 79
travail, où il faut toujours un chef pour diriger, le
maître et le serviteur sont égaux, ils se doivent le même
respect. Seulement, ce respect s'appelle, de la part du
maître, politesse, et de la part du domestique, défé-
rence.
Par conséquent, si vos parents, qui sont au-dessus de
vous, se croient obligés à avoir des égards pour les ser-
viteurs de la maison, à plus forte raison, vous qui n'êtes
que des enfants, vous devez être polis et respectueux
avec ces mêmes serviteurs. Vous n'avez pas le droit de
les commander, car ils sont entrés dans la maison avec
la condition d'obéir à vos parents, ou en tout cas à des
personnes raisonnables, et non pas à vous. Et quant à
leur manquer de respect, personne n'a ce droit : celui
qui est impoli et grossier n'abaisse que lui-
même. L'insulte n'atteint pas l'insulté : elle relombe
sur l'insulleur.
Ce n'est pas tout encore, mes enfants. Il ne suffit pas
d'être juste et poli avec les domestiques. Il faut les
traiter avec bonté. Je vous le disais tout à l'heure : les
meilleurs serviteurs sont les gens delà famille. Eh bien!
pour qu'un serviteur devienne le meilleur possible, il
faut qu'il se regarde comme étant de la famille.
C'est ce qui arrive pour les domestiques que l'on sait
garder, et qui s'attachent à la maison. Ceux-là, les
enfants doivent les aimer un peu comme des parenls.
Demandez à Simon s'il n'aime pas presque comme une
tante sa vieille Manon, qui l'a vu venir au monde et qui
a aidé sa mère à l'élever?
Oh ! oui, monsieur. C'est elle qui me gâte le plus.

Encore plus que grand'mère.
— Ce n'est pas ce qu'elle fait de mieux, et cela prouve
que rien ne remplace la maman. Maisenfin,co n'est point
une raison pour ne pas l'aimer aussi, et beaucoup,
80 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

TROISIÈME LEÇON

' LA DOUCEUR ENVERS LES ANIMAUX

—•
Vous voilà bien essoufflés, mes amis. Prenez place
sur vos bancs, et dites-moi ce qui vous faisait courir
en troupe tout à l'heure autour de Riffaut le berger?
— Monsieur, c'était un loup, un petit loup, qu'il a pris
au piège, et qu'il montre de village en village avant
d'aller toucher la. prime du gouvernement. On s'amuse à
le piquer et à le battre le long de la route ; et même,
ceux du bas du village lui ont cassé une patte : il est
tout saignant.
— Et c'est là ce que vous regardiez en riant ! Croyez-

vous que ce soit beau, ce qu'ont fait les.gens du bas du


village ?
— Mais, monsieur, puisque c'est un loup, un louveteau,
qui aurait mangé le monde plus tard! c'est bien fait
pour lui, s'il s'est laissé prendre.
— Oui, c'est bien fait de le prendre, et même ce sera
bien fait de le tuer, puisqu'il n'y a pas d'autre moyen
de l'empêcher de nuire. Mais ce qui n'est pas bien fait,
c'est de le torturer par plaisir. C'est un plaisir de mé-
chant, cela! et il ne faut jamais être méchant.
Non, mes amis, pas même avec les bêtes dange-
reuses. Il faut s'en défaire ; il faut les détruire autant
qu'on peut, et le gouvernement donne une récompense
qui peut être parfois de 200 francs, à celui qui tue un
loup. Mais celui qui fait souffrir un animal sans néces-
sité, on peut dire qu'il s'exerce à devenir une brute mal-
faisante.
C'est encore bien pis quand les animaux qu'on torture
ainsi sont des animaux utiles ou même domestiques.
Lorsqu'il s'agit d'animaux dangereux, on a au moins une
excuse. Mais maltraiter les animaux qui nous servent,
qui travaillent pour nous, comme le boeuf; qui nous nour-
rissent de leurs produits, comme la vache, la chèvre, la

l^.'^-aV-Lii
LA MAISONNÉE 81
poule ; qui veillent sur notre sûreté, comme le chien,
c'est une espèce d'ingratitude tout à fait impardonnable.
C'est, en outre, une lâcheté ou bien une imprudence.
Une lâcheté, s'il s'agit de bêtes inoffensives et faibles,
qui ne peuvent se venger. Une imprudence, dans tout
autre cas : les bêtes, en effet, ne sont pas aussi bêtes qu'on
pense; elles gardent le souvenir des mauvais traitements,
et elles s'en vengent.
Notez qu'en soignant les animaux, c'est notre bien que

En soignant les animaux, c'est-notre bien quo nous soignons.


nous soignons. Les vaches, mises dans une écurie spa-
cieuse, claire, propre, nourries à leur goût selon iasaison,
donnent deux fois plus de lait. Un savant, qui a voyagé
dans toutes lescampagnes d'Europe, assure que le paysan
français tire de ses boeufs le double du travail que tirent
des leurs l'Espagnol ou l'Italien : c'est que le Français les
traite avec plus de douceur et plus de soins.
Il existe une société de personnes tout à fait recom-
mandantes et qu'on nomme la Société protectrice
dès animaux. Elle récompense ceux qui traitent bien
les bêtes ; elle veille à l'exécution de la loi Gram
6.
82 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

mont, qui punit les sévices exercés en public contre les


animaux.
Mais si vous croyez que c est aux animaux que cette loi
et celte Société profitent le plus, vous vous trompez*
Costaux hommes surtout qu'elle est utile :elle leur àp«-
prend à avoir horreur de ceux qui font souffrir sans
nécessité même un animal, et tant que les hommes n'é-
prouveront pas tous celte horreur, ils ne seront pas
complètement humains ni civilisés.
LOI DU 2 JUILLET 1850
DITE LOI GRAMMONT
Seront punis d'une amende de 5 à 15francs,
et pourront l'être d'un à cinq jours de prison,
ceux qui auront exercé publiquement et
abusivement de mauvais traitements envers
les animaux domestiques. — La peine de la
prison sera toujours appliquée en cas de ré-
cidive.
PREMIER RÉCIT
LE SECRET DE M. CRAPONNE
Craponne est un gros propriétaire de l'Isère : ses
M.
terres sont à Trablaine, et l'on peut dire qu'il n'en est
guère de mieux cultivées ni de plus riches à dix lieues à
la ronde. C'est un proverbe dans le pays : que chez
M. Craponne, les bêtes mêmes ont l'air heureux.
C'est qu'il a un secret pour faire prospérer la terre et
les gens. Comme il est mon ami, je lui ai demandé ce
tecret, et le voici :
M. Craponne est d'avis que « tant vaut le travailleur,
tant vaut le bétail et le champ ». Il est aussi d'avis que
«
travail d'homme gai vaut double », et enfin la troi-
sième et dernière maxime de sa philosophie est que
« paysan qui amasse n'est jamais triste ».
Bien pénétré de ces trois vérités, mon ami n'a ja-
mais eu de plus grand souci que de bien choisfr ses ser-
LA MAISONNÉE

viteurs. D'autres hésitent des journées avant do se déci-


der à acheter une charrue et un cheval, mais ils prennent
un valet de ferme pour un an après deux minutes de
débat. Lui, tout au rebours: il essaye et il .étudie son
monde. Il garde longtemps les gens à la journée,
mais une fois sûr d'eux, il sait les conserver.
D'abord,,il les paye bien, et il ne fait pas attendre les.
augmentations aux grands travailleurs. En revanche, il
veut qu'on s'attache à la maison.et au pays; et pour
cela, il a un bon moyen: il oblige tout le monde
chez lui à l'épargne. Chaque mois, au jour de paye,
chacun dépose aux mains d'un caissier, qui est le plus
vieux des contremaîtres de la ferme, la somme qu'il veut;
mais en tout cas, ce n'est pas moins de deux sous pour
chaque franc qu'on vient de recevoir. Toutes ces pièces
de deux sous réunies font, à la longue, de grosses
sommes: le caissier, conseillé par M. Craponne, les
place sur bonne hypothèque*. Au bout de quelques anr
nées, l'intérêt amassé avec les épargnes fait à chacun
une somme rondelette, qui se chiffre par des centaine*
de francs.
Quand un serviteur de M. Craponne en est là, le patron
s'arrange pour le rencontrer seul un jour, comme je l'ai
vu faire pour Pierre Poncet : — «Tu as des économies,
lui dit-il; il faut les employer. Mon père disait que l'ar-
gent vaut mieux en terre qu'en pile. Qu'en punses-tu?»
Il y avait beau temps que Pôncet était de cet avis: il
avait bien envie d'un petit champ; seulement il craignait
de n'avoir pas assez d'argent, et peut-être aussi de
déplaire au maître, en ayant l'air de vouloir lo quitter.
M. Craponne le rassura et le tira d'embarras: —«C'est
bon, lui dit-il; ton avoir, à ce que m'a dit votre caissier,

1. Hypothèque. — Quand une personne veut emprunter, si elle a


une propriété, ello peut donner hypothèque sur cette propriété a
celui qui lui prêtera. C'est-à-dire que si elle ne rembourse pas
l'argent prêté à l'échéance fixée, le prêteur aura le droit de faire
vendro la propriété pour se rembourser.
84 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

monte à 700 et quelques francs. Le champ que tu as en


vue en vaut 850. La caisse, c'est-à-dire tes camarades,
t'avanceront- bien les 150 francs qui te manquent ; ta
première récolte, jointe à tes économies de l'année,
payera cela, et tu seras propriétaire. Bien entendu, lu
restes avec nous : il ne te faudra que quelques journées
par mois pour soigner ta terre ; pour ton labour et ta
récolte, je te prêterai mes chevaux et ma charrue, et tes
camarades, leurs bras: tu nous payeras cela au plus
juste; car je sais que tu ne voudrais pas d'aumône.»

DEUXIÈME RÉGIT
LE DOMESTIQUE DEVENU PROPRIÉTAIRE

Ainsi fut fait. L'an d'après, Pierre Poncet était pro-


priétaire de son premier champ; quatre années plus
tard, il se mariait et se bâtissait une petite maisonnette,
pour y habiter avec sa femme. Puis il joignit un jardin
où le ménage trouva des légumes. Et enfin de lopin
de terre en lopin de terre, il eut assez de champs pour
y vivre. Dans l'intervalle, il avait continué à travailler
pour M. Craponne, mais seulement à ses moments
perdus. Maintenant, il a suffisamment à faire chez lui :
mais vous jugez s'il aime son ancien patron. — «C'estle
meilleur des maîtres, dit-il, il ne vous prend en service
que pour vous apprendre à devenir maître à votre tour. »
C'est bien en effet la pensée de M. Craponne, et il
arrive à dire « qu'il ne prend pas des valets, mais des
élèves ». Aussi sa ferme est une véritable école, où cha-
cun apprend à cultiver la terre par les moyens les
meilleurs qu'enseignent l'expérience et la science.
Il faut voir comme, chez lui, les bestiaux et la basse-
cour sont soignés : ce n'est pas lui qui mettrait ses che-
vaux ou ses boeufs dans des écuries humides, obscures,
•niantes; elles sont claires, bien lavées, débarrassées tous
les jours de leur fumier. Aussi en tire-t-il de quoi en-
LA MAISONNÉE 8J
graisser ses terres le plus richement du monde. Les
bêtes sont robustes, alertes; comme elles ne reçoivent
que de bons traitements, elles. aiment la main qui les
soigne. Et chacun sait que les bêtes sont, pour la beso-
gne, comme les gens : « de cheval content, coup de
collier vaut double, » comme dit mon ami.
«Ceque j'ai retiré de meilleur de ma façon de
faire, ajoutait-il un jour, ce sont les bonnes habitudes

M. Craponne et son fils visitent Pierre Poncct.

de mes enfants. Ils voient que les gens en service chez


moi sont laborieux, qu'ils se soutiennent entre eux, et
qu'ils m'aiment comme je les estime : cela apprend
à mes fils à respecter le travail et les tra-
vailleurs. L'aîné a déjà vu quatre ou cinq de mes
anciens valels.de charrue qui maintenant sont sur leurs
terres et vivent chez eux en bons propriétaires : cela
lui fait voir que tour* les hommes sont égaux,
surtout les hommes de coeur. Ce n'est pas lui qui se
croira jamais au-dessus d'un domestique. Aussi ce sera,
86 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE
1

je l'espère, un garçon de bon sens et pas fier. Voilà,


mon ami, ma plus grande récompense. »
Ainsi parla mon cher Craponne, et je trouvai qu'il avait
raison.
RÉSUMÉ

1. Les meilleurs domestiques sont les gens de la


famille. L'un des principaux avantages des
grandes familles, c'est de pouvoir se suffire
sans domestiques.
2. Le domestique ne s'engage que de son plein
gré, moyennant un prix accepté de lui, et en
vue d'un travail fixé d'avance. Il traite d'égal
à égal avec le maître.
3. Il doit obéissance aux parents et aux personnes
raisonnables do la maison, mais non aux
enfants.
4. Ceux-ci doivent respect et politesse aux domes-
tiques.
5. Les domestiques anciens dans la maison
deviennent presque delà famille : les enfanls
doivent non seulement les respecter, mais
même les aimer.
6. Il ne faut pas faire souffrir inutilement les bêtes
même dangereuses. Celui qui prend plaisir à
torturer les bêles s'exerce à devenir une brûle
malfaisante.
7. C'est une ingratitude de maltraiter les animaux
domestiques qui nous servent.
C'est aussi une lâcheté, quand ils ne peuvent
pas se venger, et une imprudence, quand ils
le peuvent.
8. En soignant les animaux domestiques, c'est
noire bien que nous soignons.
LA MAISONNÉE 87*

9. La loi Grammont punit ceux qui maltraitent en


public les animaux. La Société protectrice
des animaux veille à l'observation de cette loi.
40. Elle travaille ainsi à rendre les moeurs plus
humaines et plus civilisées.

EXERCICES ORAUX OU ÉCRITS

1.Quels sont les meilleurs domestiques? — Citez l'un des prin-


cipaux avantages de3 grandes familles.
5. Comment s'engage lo domestique? — .Moyennant quoi? — A
quoi?
3. A qui le domestique doit-il l'obéissance? — A qui ne la doit-
il pas?
4. Qu'est-ce que les enfants doivent aux domestiques?
K. Qu'arrivc-t-il aux domestiques anciens dans la maison? —
Que doivent faire pour eux les enfants?
6. Qu'est-ce qu'il ne faut pas faire aux bêtes mémo dangereuses?
— A quoi s'exerce celui qui prend plaisir à les torturer?
1. Pourquoi est-ce une ingratitude de maltraiter les animaux
domestiques? — Quand est-ce aussi une lAcuctô? — Quand,
une imprudence?
8. Montrez qu'il est de notre intérêt de soigner les animaux
domestiques.
9. Qui punit la loi Grammont? — Que fait la Société protectrice
des animaux?
10. A quel résultat travaillc-t-cllo ainsi?

ZDevoira de rédaction.
1. Expliquez comment le domestique ne cesse pas d'être l'égal
île son maitre, bien qu'il lui doive obéissance dans son travail.
2. Montrez quels sont les devoirs de l'enfant envers Ic3 domes-
tiques, soit nouveaux, soit anciens dans la maison.
3. Exposez l'objet de la Société protectrice des animaux, et
montrez qu'elle est surtout une société pour l'adoucissement des
moeurs des hommes.
i. Montrez les raisons pour lesquelles nous devons ne fairo
soufiïir inutilement aucun animal et devons bien soigner les
animaux domestiques.
88 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

CHAPITRE VIII
TOUT HOMME DOIT TRAVAILLER

PREMIÈRE LEÇON

LA LOI DU TRAVAIL

Un âge vient, mes enfants, où il faut quitter l'école :


tantôt c'est pour aller à l'atelier, tantôt aux champs,
quelquefois dans un magasin ou dans un bureau ; mais
toujours, c'est pour travailler.
Le travail est une nécessité. Si personne ne travaillait,
personne ne pourrait vivre : le blé ne pousse pas tout
seul. Les maisons n'ont pas non plus été placées toutes
faites sur la terre : il a fallu des maçons pour construire
les murs, des charpentiers pour tailler et assembler
les poutres et les solives; il a fallu des carriers pour tirer
des carrières les pierres à fournir aux maçons, des bûche-
rons pour couper les arbres dont sont faites les poutres,
des voituriers pour amener le tout sur place; enfin, il
a fallu des chefs pour commander tous cesouvriers, pour
leur distribuer l'ouvrage et pour dresser le plan de la
maison. Toutes les choses utiles à la vie sont les produits
du travail.
Vous, par exemple, de quoi vivez-vous? de quoi vous
nourrissez-vous? de quoi vous habillez-vous, mes enfants?
C'est de pain, c'est de toile et de drap, sans doute; mais
c'est aussi du travail de vos parents. Celui qui ne vit pas
de son travail vit donc nécessairement du travail des
autres.
Celui qui, par sa faute, ne travaille pas, ne mérite donc
pas le pain qu'il mange.
Ce n'est pas une malédiction pour l'homme que d'être
obligé de travailler. C'est un bien. L'habitude de
travailler rend l'homme entreprenant et inventif.
TOUT HOMME DOIT TRAVAILLER 8'J

Il existe quelques pays, comme l'île de Céram, dans


fOcéanie, où les habitants n'ont besoin que de très peu
de travail pour vivre; ils ont un arbre, qu'on nomme
l'arbre à pain: il mérite bien son nom, car il donné
en abondance une espèce de farine. Avec les feuilles,
on peut faire en un instant, une hutte. Ainsi, une heure
de travail suffit pour assurer à dix personnes pour tout
un mois le'vivre et le couvert. Voilà un.pays bien agréa-
ble pour les paresseux. Vous dites quelque chose, Jacques?
— Les habitants de ce pays doivent être bien heureux,
monsieur.
Eh bien ! non : les habitants de Céram ne sont pas

plus heureux pour cela. Comme ils n'ont jamais songé à
rien faire que d'abattre un arbre de temps en temps, ils
sont restés brutes; ils n'ont ni vêtements, ni canots, ni
armes : ils sont à la merci des bêtes et de leurs voisins.
Bref, de tous les sauvages de ces parages, ce sont les
plus sots et les plus-misérables.
Sans le travail, il n'y aurait jamais eu de progrès;
la terre ne serait peuplée que de sauvages, et nous ne
connaîtrions pas le bien-être et la civilisation.
Il faut donc honorer le travail, puisqu'il est si
profitable à l'humanité.
Cette vérité est claire comme le jour. Et pourtant elle
a été méconnue bien souvent. Chez les anciens Grecs et
Romains, un citoyen se serait cru avili s'il avait fait
oeuvre de ses dix doigts. On réduisait de malheureux
prisonniers à l'état d'esclaves, pour les forcer à culti-
ver la terre, à exercer les métiers nécessaires à la vie.
Parfois, on leur crevait les yeux pour leur faire tour-
ner la meule, comme des chevaux aveugles. Ceux dont
on voulait faire des tailleurs, on leur coupait les nerfs
des jambes pour les forcer de rester assis et les empêcher
de fuir.
Bref, on faisait vivre et mourir dans les mauvais trai-
tements et sous le fouet une partie de l'humanité pour
nourrir l'autre à rien faire.
90 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

Au moyen âge, Jes nobles tiraient également vanité


do ne rien faire, et de laisser tout l'ouvrage aux serfs.
Us ne se doutaient guère qu'en agissant ainsi ils imi-
taient par leur plus mauvais côté les anciens païens,
qu'ils méprisaient tant. Ils ressemblaient môme aux
sauvages les plus grossiers : car ceux-ci se font remar-
quer par leur mépris pour le travail; dans chaque
tribu, les plus forts écrasent de coups les faibles, les
femmes, les enfants, les vieillards, pour les contraindre
à porteries fardeaux ou à chercherde la nourriture, tandis
qu'eux-mêmes font les seigneurs.
Le travail est la seule noblesse véritable.
Le respect du travail est le propre des peuples civilisés.

DEUXIÈME LEÇON

LE TRAVAIL DES DRAS ET LE TRAVAIL DE TÈTE

Monsieur, vous nous avez bien dit quo dans les



temps anciens les esclaves travaillaient seuls, pendant
que les hommes libres se reposaient?
— C'est la vérité, mon petit Paul.
Mais alors, monsieur, tous les grands hommes de

l'antiquité dont vous nous avez appris les noms, ceux qui
faisaient des livres de science, comme Aristote»,
ceux qui bâtissaient de beaux monuments, comme Phi-
dias 2, enfin.tous ceux qui ont fait des chefs-d'oeuvre,
c'étaient donc des esclaves? Car il n'y a pas à dire: ils
travaillaient bien, ceux-là.
Votre remarque est juste, mon ami. Non, Phidias,

Aristote, et les autres grands hommes n'étaient pas des
esclaves, bien qu'ils fissent des travaux. C'est qu'autrefois,
et il n'y a pas si longtemps encore, on avait l'habitude
de distinguer deux sortes de travail, ou, comme on
disait, deux classes de professions:
t. Aristote, philosophe grec.
2. Phidias, le plus célèbre sculpteur de l'antiquité.
TOUT nOMMF. DOIT TRAVAILLER 01

D'un côté on mettait le travail manuel, ou travail


des mains, comme celui du cordonnier, du maçon, du
garçon de fermo. C'est ce qu'on nomme encore les
professions servîtes, en souvenir dus serfs et des
esclaves à qui l'on réservait autrefois les travaux péni-
bles. De l'autre côté, c'était le travail intellectuel
ou travail de têto: par exemple, celui du professeur, de
Yécrivain qui compose un livre, du patron qui fait mar-
cher une entreprise. C'est ce qu'on appelait aussi les pro-
fessions libérales, parce qu'autrefois les hommes
libres,quand ils travaillaient, n'en exerçaient pas d'autres.
On croyait alors que les professions libérales étaient
seules honorables, et qu'un homme s'abaissait en tra-
vaillant de son corps, en se faisant ouvrier.
C'était là une injustice, et une sottise. D'abord, dans
toutes les professions sans exception, il faut travailler
de la tête aussi bien que du corps, du corps aussi bien
que de la tête. Un maçon fait d'autant mieux son ouvrage
qu'il y met plus d'intelligence.
De son côté, un professeur n'a pas besoin seulement
d'un grand savoir, il lui faut aussi une bonne voix pour
se faire entendre, une poitrine robuste pour résistera
la fatigue d'enseigner. Un écrivain bien souvent passe
les nuits, fatigue ses yeux et use sa santé pour venir
à bout des questions qu'il étudie.
Quelques-uns se figurent que le travail des mains
esl le seul qui donne de la peine ; ils ont l'air de croire
que les ouvriers méritent seuls le nom honorable de
travailleurs. C'est encore une erreur.
Les travaux de tête demandent d'abord un apprentis-
sage plus difficile et plus long qu'aucun autre métier.
Ensuite., ces travaux sont pour le moins aussi fati-
gants : ils laissent même moins de répit. Un ouvrier,
une fois sa tâche faite, peut se délasser, il est libre de
soucis du côté de son ouvrage. Le patron, au contraire,
porte avec lui, le jour et la nuit, la responsabilité et
le tracas de toute l'entreprise. L'écrivain ne cesse de
92 ^INSTRUCTION MORALE A L ECOLE

penser à son livre et lo savant h ses calculs ou à ses


expériences. Travailler de leurs mains serait pour eux
un véritablo délassement.
Il serait donc bien injuste de refusor le tilro do tra-
vailleur à ces hommes, les plus laborieux et les plus
chargés de soucis qui soient.
De plus, ce sont les travailleurs de l'intelli-
gence qui, par les inven-
tions, viennent au secours
des travailleurs ma-
nuels. D'où sont sortis tant
de machines qui soulagent
les ouvriers, si ce n'est pas
de la tête des inventeurs?
Denis Papin cl James
Watt ne travaillaient pas
des bras, quand ils imagi-
nèrent les premières ma-
chines à vapeur : et cepen-
dant, ils ont donné aux
ouvriers du monde entier des
auxiliaires de fer cl d'acier
qui font autant de travail
que des millions de bras ro-
bustes.
Tout cela n'empêche pas
Denis Papin. d'ailleurs le travail manuel
d'être aussi honorable que le travail intellectuel : tout
métier qui peut nourrir honnêtement son homme est un
bon métier.
Quelques-uns, par vanité, dédaignent un métier qui
les ferait bien vivre, pour un bureau où ils végéteront ;
ils auraient honte d'être des ouvriers ou des paysans, et
ils veulent se donner des airs de messieurs. Ne les imitez
pa3; sachez qu'un bon ouvrier, rangé et économe, est
estimé des hommes de bon sens à l'égal de tous les
messieurs du monde.
TOUT UOVtMK DOIT TRAVAILLER 93

PREMIER RÉCIT
HISTOIRE D'UN ATELIER. — L'apprentissage de louis.

Maître Franche, dit lo père Guillol en entrant un



matin dans l'atelier de menuiserie, je vous amène
Louis, mon garçon. I! vient do finir ses quatorze ans;
il a eu son certificat d'études; lo voilà grand et
déjà solide : il est temps qu'il apprenne à gagner sa vie.
11 dit qu'il aimerait l'état de menuisier : voulez-vous

vous charger de lui?


Compère, je n'ai guère besoin d'un apprenti, mais

il ne *,era pas dit que votre garçon aura eu besoin d'aller
frapper à une autre porle pour avoir de l'ouvrage.
Voyons, Louis, est-ce vrai quo tu veux être menui-
sier? C'est un métier difficile : il y faut de la force et
de l'adresse. Es-tu décidé à essayer?
Louis promit de faire de son mieux. Maître Franche,
pour commencer, lui donna sur-le-champ à ramasser les
copeaux qui traînaient dans l'atelier; Louis devait en
faire un tas, et mettre à part, en petits fagots, les éclats
de bois qui s'y trouvaient mêlés.
Ce n'était pas là ce que Louis avait rêvé en se faisant
menuisier : il s'était vu déjà occupé à pousser la var-
lope et à creuser avec la gouge de belles moulures
dans des planches bien lisses, en sifflant comme un gai
compagnon. Le métier de ramasseur de copeaux et de
faiseur de fagots ne satisfaisait qu'à moitié son ambi-
tion.
Aussi il se trouva las au bout de cinq minutes ; il
s'assit dans un coin, et se mit à regarder les autres. Il
était là bien calme, quand midi sonna; Madamo
Franche parut alors, disant: — A la soupe, mes enfants!
Louis, qui avait bon appétit, suivit les autres. 11 trouva
son couvert mis, et il allait s'asseoir :
Que vas-tu faire, petit? lui dit alors le grand Bas-

9i L INSTRUCTION MORALE A L ECOLE

set, le premier ouvrier de l'atelier, en lui mettant la


main' sur l'épaule. Tu vas manger?
Mais oui, monsieur, répondit Louis, un peu intimidé.

— Et que faisais-tu tout à l'heure ? Tu nous regar-
dais travailler. M'est avis qu'à cette heure tu pourrais
bien nous regarder manger. Tu n'as pas diminué noire


Que vas-tu faire, petit? lui dit Basset.

ouvrage, n'est-ce pas? Eh bien! donc, ne viens pas


diminuer notre part à table.
Louis était tout rouge de honte, et cherchait à s'en
aller : il aurait voulu être à cent pieds sous terre. Maître
Franche, qui était un homme bon, le retint.
DEUXIÈME RÉGIT
LISTOIRE D'UN ATELIER (suite).
— La morale de maître Franche.

— Basset, mon ami, dit maître Franche, ce que tu dis


est juste; mais tu oublies que tu parles à un enfant.
Tu es un bon ouvrier aujourd'hui, tu travailles dur,
et c'est ce qui te rend sévère pour les autres. Mais tu
TOUT HOMME DOIT TRAVAILLER 93
n'as pas toujours été si sérieux, j'imagine ; et jadis, si
toutes les fois quo tu as fait l'écolo buisson nièro on t'a-
vait privé de soupe, tu ne serais pas oi fort ni si bien
portant. •
— Ça, c'est vrai, dit Basset avec un gros rire. J'étais
gamin comme pas un.
— Eh bienl alors, sois indulgent pour les autres.
Louis a eu tort, et je vois bien qu'il est tout prêt à lo
comprendra, si on veut lo raisonner. Mais d'abord, à
table ! la morale viendra après, en guise de dessert.
Quand on eut expédié la soupe et une bonne tranche de
lard, maître Franche reprit la parole :
— Dis-moi, Louis, pourrais-tu me nommer ce que tu
tiens là, dans ta main gauche?
— C'est du pain, monsieur.
— Et saurais-tu me dire où l'on trouve le pain?
— Monsieur, on le trouve chez le boulanger, en
payant.
— En payant? En es-tu sûr, Louis? J'aurais pensé,
moi, qu'on devait le trouver sur les routes, ou qu'il
devait tomber du ciel dans la huche, tout cuit. Oui, ce
matin, à voir comme tu travaillais pour gagner le tien,
on aurait cru vraiment que le pain ne coûtait rien.
Est-ce ton avis?
— Ohl non, monsieur, je sais bien que le pain se
fait avec de la farine, et qu'il fautle pétrir à la forcedes
bras, faire chauffer le four, et l'y mettre à cuire. J'ai
bien vu aussi que pour faire la farine, il faut un
moulin, avec un meunier et des ouvriers très forts pour le
mener. Je sais également que le grain dont on tire la
farine ne vient pas tout seul : il faut que les laboureurs
se lèvent de bonne heure, qu'ils peinent toute l'année,
au froid, à la pluie, sous le soleil, pour le faire lever de
terre. Tout ce monde-là a travaillé pour me préparer le
pain que je mange, et il faut qu'à mon tour je travaille
pour les payer. w
— Bien parlé, garçon, répondit Basset. Maintenant,
90 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

il s'agit do faire aussi bien. Tes fagots sont toujours à


faltendrc.
Louis courut à l'atelier, et se jeta sur son ouvrage.

TROISIÈME RÉGIT

HISTOIRE D'UN ATELIER (suite). — Une leçon à Basset.

Louis travailla si bien tout ce jour-là qu'à la nuit


tombante il avait nettoyé l'atelier, fait dix bottes de
copeaux, lié trente petits fagots, et mérité enfin le sur-
nom do Va-de-bon-coeur, qui lui fut décerné par Basset,
et ratifié par tout l'atelier.
— Cette fois, dit Basset, quand on se mit à table, je
ne reprocherai pas à l'apprenti sa soupe: il ne l'a pas
volée. J'avais raison dole lui dire ce matin, puisqu'il m'a
compris: on ne digère bien que le pain qu'on a gagné
à la force du poignet.
Louis avait trop bon appétit pour répondre sur le
moment ; mais, un peu après, il dit :
— Cependant, monsieur Basset, M. Simonnot, le
maître d'école, ne travaille pas avec ses poings ; et vous
ne direz pas, malgré cela, que celui-là vole le pain
qu'il mange.
Basset se gratta la tête, voulut répondre et resta
interloqué. Les compagnons riaient à pleine gorge de
son embarras.
— Tu vois, Basset, mon ami, lui dit maître Franche:
il no faut pas trop se dépêcher de rire des autres, si
l'on ne veut pas que les autres rient de vous à leur tour.
Cependant, si Louis a raison, tu n'as pas tout à fait
tort non plus. Que M. Simonnot travaille de la tête ou
des bras, ce n'est pas là l'essentiel : l'essentiel, c'est qu'il
travaille, c'est-à-dire qu'il emploie ses forces pour
rendre des services aux autres. Parce qu'il reste dans sa
classe, au lieu de vivre à l'air ; parce qu'il demeure
assis, ou à se promener de long en large, au lieu de se
TOUT HOMME DOIT TRAVAILLER •
97
courbor sur l'établi ; parce qu'il manio un bout de craie,
au lieu d'un manche do charrue ou d'un maillet, il ne
se fatigue pas moins quo nous autres. Depuis l'âge de
dix ans, il use ses ycu\ sur les livres; depuis l'âge do
vingt ans, il s'abîme la voix et les poumons à se faire
entendro des enfants ; quand arrivera sa retraite, il sera
déjà tout cassé et à bout do forces. Allez l ceux qui
travaillent des mains ne sont pas les plus à plaindre.
— Cela n'empêche pas, patron, dit Basset, que le
travail des mains est lo plus essentiel. Tous vos travail-
leurs de tête ne feraient ni un pain ni une porte.
— C'est à savoir !... Les travailleurs de tête inven-
tent des machines : avec les machines on fait tout. Ef
puis, lu te calomnies, Basset : tu n'as pas uniquement
des mains; tu as une tête, toi aussi. Pourquoi es-tu le
premier ouvrier ici? Parce qu'avant d'entreprendre un
ouvrage, tu réfléchis, tu combines, et tu arrives à gâ-
cher moins de bois et à faire plus vite que personne,
('/est ta tête qui aide tes mains; c'est grâce à elle que
tu es contremaître, et un bon contremaître. Ainsi, ne
dis pas de mal des travailleurs de tête: tu en es un,
et si chacun te considère ici, ce n'est pas pour une
autre raison.
RÉSUMÉ

1. Après l'âge d'étudier vient l'âge de travailler.


2. Si personne ne travaillait, personne ne pourrait
vivre :.car toutes les chosos utiles à la vie
sont les produits du travail.
3. Celui qui ne travaille pas no mérite pas le pain
qu'il mange.
4. La nécessité de travailler n'est pas une malé-
diction pour l'homme : c'est un bien.
98 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

6. 11 faut honorer lo travail.


7. Aulrofois, on méprisait lo travail : chez les
anciens Grecs et Romains, on avait des
osclavos. On faisait vivre et mourir dans les
mauvais Irailomenls une parlio do l'huma-
nité pour nourrir l'aulic à no rien faire.
8. Au moyen ûgo aussi, les nobles faisaient tra-
vailler los serfs à leur place.
9. Chez les sauvages, on fait do mémo : les plus
forts obligent les faibles à travailler, et l'ont
los seigneurs.
40. Aujourd'hui, lo travail est la seulo noblesse
véritable.
11. Autrefois on distinguait deux sortos do travail :
le travail manuel ou travail servile, cl lo
travail intellectuel ou travail libéral.
12. On croyait quo le travail manuel était déshono-
rant, et que le travail libéral était soûl hono-
rable.
13.. C'était une sottise : dans toutes los professions,
il faut travailler do la tête comme du corps.
Il n'y a quo des différences de plus ou de
moins.
14. C'est aussi une erreur de croire quo le travail
manuel donne seul de la peine : les profes-
sions libérales donnent plus do tracas cl
laissent souvent moins de répit.
45. Parmi les travailleurs intellectuels, les inven-
teurs rendent des services immenses aux
travailleurs manuels : ils sont les bienfaiteurs
de l'humanité.
16. Le travail manuel est aussi honorable qu'un
autre : tout métier qui nourrit honnêtement
son homme est un bon métier.
TOUT HOMME DOIT TRAVAILLER 99
EXERCICES ORAUX OU ÉCRITS
1. Qu'e3t-ee qui vient après l'âge d'étudier?
2. Pourquoi est-co quo, si personne ne travaillait, personno no
pourrait vivre?
3. Quo mérite celui qui ne travaille pas ?
4. Qu'est-ce pour l'homme que la nécessité do travailler?
0. Qu'est-ce qui n'existerait pas sans le travail?
0. Quo faut-il penser du travail?
7. Qu'était-ce que les esclaves?
8. Que faisaient les nobles au moyen Age?
9. Les sauvages font-ils de même? — Comment!
10. Quelle est la vraie noblesse?
11. Combien distinguait-on autrefois de sortes do travail? — Les-
quelles?
12. Quello opinion avait-on de l'une et do l'autre?
l.'l. Est-co qu'il y a des professions où l'on no travaille que de
této, ou bien que du corps?
11. Quelles sont les professions qui donnent le plus de peine?
i'i. Que sont pour l'humanité les inventeurs?
18. A quoi reconnaissez-vous un bon métier?
Devoirs de rédaction
1. Expliquez pourquoi le travail est une nécessité bienfaisante.
2. Résumez les faits les plus essentiels do l'histoire du travail:
chez les sauvages, chez les anciens Grecs et Romains, au moyen
Age, dans les temps modernes.
3. Montrez quo le travail crée la vraie noblesse de l'homme.
4. En quoi se distinguent, en quoi se rapprochent et. s'en-
tr'aident lo travail manuel et le travail libéral.
5. Montrez qu'ils sont également honorables.
C. Faites voir que les inventeurs, les savants, sont des tra-
vailleurs dont lo travail vaut celui de milliers et de millions de
bras.

CHAPITRE IX
LÀ LIBERTE DU TRAVAIL ET DU COMMERCE
PREMIÈRE LEÇON
LA LIBERTÉ DU TRAVAIL

— Mes enfants, quand le moment sera venu pour vous


de choisir un métier, je ne vous conseille pas de répon-
100 LINSTUfCTION MORALE A L'ÉCOLE
dre comme Jean Cassignol, quand 6on père lui demanda
s'il voulait se faire menuisier, cordonnier, tailleur, cha-
pelier, etc. Il répondit : « Je veux bien tout ça à la fois. »
Il faut se décider : à chacun son métier, l'ouvrage sera
bien mené.
Chez les sauvages, chaque individu est obligé de suf-
fire à tous ses besoins, et de faire lous les métiers : il
est tour à tour architecte pour bâtir sa hutte, armurier
pour* fabriquer ses ustensiles de chasse, constructeur
pour se creuser un canot dans un tronc d'arbre, tailleur
pour se faire un vêtement de peaux. Mais, comme il n'a
le temps do se perfectionner dans aucun de ces métiers,
il s'acquitte assez mal de tous, et les objets de sa fabri-
cation sont peu solides, mal commodes et ridicules à
•voir.
Pour apprendro à faire vite, sans peine et bien un
travail quelconque, il faut d'abord y être disposé par
nature : ainsi il faut avoir une vue perçante pour deve-
nir bon chasseur, une main légère et sûre pour être bon
horloger. Il faut surtout donner tout son temps à ce
même travail. Aussi dans tous les pays qui ne sont pas
restés sauvages, peu à peu chacun s'est appliqué à un
travail particulier, chacun a pris tm métier.
Chacun a le droit de choisir le métier qui
lui convient : c'est ce qu'on nomme la liberté du tra-
vail. Il importe d'en user raisonnablement : il ne faut pas
croire qu'un métier vous convient parce que vous seriez
flatté de l'exercer. Le métier qui vous convient n'est pas
toujours celui qui vous plaît d'avance, car vous ne
le connaissez pas encore.
Choisissez-le d'accord, avec vos aptitudes : c'est
celui-là dont vous vous acquitterez le mieux; c'est aussi
celui où vous avez le plus de chances d'être heureux :
d'abord, parce que vous y gagnerez mieux votre vie;
ensuite parce que vous y trouverez le meilleur emploi
de toutes vos capacités.
LA LIBERTÉ DU TRAVAIL iOI

DEUXIÈME LEÇON

LA LIBERTÉ DU TRAVAIL AUTREFOIS

Autrefois, sous la royauté, la liberté du travail


n'existait pas. On n'était pas libre de choisir un métier
à son gré. Par exemple, si vous vouliez être cordonnier,
il fallait d'abord aller trouver un maître cordonnier,
et obtenir de lui la permission de travailler dans son atelier
comme apprenti. Le maître alors allait consulter ses
confrères, qui formaient avec lui la corporation des
cordonniers. C'étaientcux qui décidaient si l'on pouvait eu
non admettre un apprenti dans le métier ; et ils ne s'y
résolvaient pas facilement, par orgueil d'abord, et puis-
par peur de diminuer la part de travail des autres.
Si l'aspirant était admis, il obtenait le droit de payer
une bonne somme d'argent à son patron, une autre à
la corporation, moyennant quoi il était apprenti ; c'est-
à-dire qu'il avait la permission de servir les ouvriers, do
mettre de la poix au fil dont ils se servaient, etc. Hais,
quant à toucher un tranchet ou un cuir, cela lui
était défendu comme le Pater aux ânes.
Cela durait au moins quatre ans. Après, on pouvait
devenir compagnon, autrement dit ouvrier : ce nou-
veau grade coûtait encore un bon prix. Et une fois par-
venu à cette hauteur, la plupart en restaient là.
Quelques-uns seulement, qui étaient protégés par
leurs maîtres, et surtout bien munis d'argent, étaient
admis, après de longues années, à se présenter pour la
maîtrise. Il fallait d'abord faire un chef-d'oeuvre,
un travail parfait en son genre.
Les maîtres se réunissaient pour l'apprécier; et soyez
sûrs que si le compagnon leur déplaisait, ou s'ils trou-
vaient qu'il n'y avait pas trop d'ouvrage pour le parta-
ger avec un patron de plus, ils ne se faisaient pas faute
de refuser les plus beaux chefs-d'oeuvre. Si cependant 1J
102 L INSTRUCTION MORALE A L ECOLE

compagnon passait maître, alors il fallait acheter la


maîtrise» et elle lui coûtait parfois plusieurs milliers de
francs, ce qui était pour lo temps uno petite fortune.
Ce n'est pas encore tout : quand on était maître dans
un métier, il ne fallait pas essayer d'agrandir ses affai-
res, ni surtout d'inventer des perfectionnements.
Un cordonnier avait droit de faire des souliers neufs ;
mais s'il avait le malheur de raccommoder les siens ou
ceux de sa femme et do ses enfants, les maîtres savetiers
lui faisaient toutdo suite un procès : ces procès duraient
parfois des siècles et des siècles et ruinaient plusieurs
cénérations de cordonniers et de savetiers. A Paris seu-
lement il so dépensait,
,
bon an mal an, 800,000 fr.
en procès de ce genre.
Quand un maître faisait
une invention, au lieu de
lui donner un brevet, la
police descendait chez lui,
saisissait toutes les mar-
chandises nouvelles, les
détruisait et mettait le feu
à ses outils cl à ses ma-
chines. Voilà comment on
respectait les hommes de
progrès dans ce temps-là.
Turgot. A la fin de la royauté,
sous Louis XVI, un ministre, le grand et bon Turgot,
essaya d'abolir les corporations. Mais il avait à peine
obtenu du roi l'ordonnance qui établissait la liberté du
travail, que des courtisans, payés par les chefs des cor-
porations, le firent chasser.
Il fallut la grande Révolution pour en finir avec
cette injustice si ancienne: une loi, en 4791, abolit à
jamais corporations et maîtrises. Quand vous choisi-
rez votre état, souvenez-vous-en, mes amis, et dites.-
vous bien : — «Sans la Révolution, je ne pourrais pas
LA LIBERTÉ DU TRAVAIL 103
prendre le métier qui me plaît. C'est elle qui a
émanoipé les travailleurs». •

TROISIEME LEÇON

LA LIBERTÉ DU COMMERCE

Ru moment où chacun de nous ne fait plus lui-même


tous les objets dont il a besoin, il faut bien que nous
échangions entre nous nos produits et nos services. Lo
menuisier no peut passe nourrir avec les planches qu'il
rabote, ni le boulanger se faire une maison avec ses
pains. Il faut donc qu'ils s'entendent entre eux pour
se fournir l'un à l'autre les choses dont ils manquent, en
les échangeant.
Tout homme a le droit d'acheter où il lui plaît et à
qui il lui plaît. Tout homme a le droit do vendre au prix
qu'il juge bon. C'est à l'acheteur et au vendeur de faire
eux-mêmes leur prix, en le débattant librement. C'est là
ce qu'on appelle la liberté du commerce.
A la vérité, les marchands peuvent être tentés quel-
quefois de vendre leurs denrées à un prix excessif. De
même, l'ouvrier ou le domestique voudrait parfois louer
son travail ou ses services plus cher que de raison. Seu-
lement, il se trouverait bientôt quelqu'un pour dire :
Voilà un marchand qui vend trop cher, ou un ouvrier
qui demande un trop gros salaire : je me chargerais
bien de vivre en me contentant d'un moindre bénéfice.
Je vais offrir les mêmes services ou les mêmes denrées
à meilleur marché. Vous comprenez qu'aussitôt les
autres marchands ou les autres ouvriers seront forcés
de baisser leur prix, sinon toute la clientèle ira au nou-
veau venu. Tel est l'effet de la concurrence : c'est
elle qui fait baisser tous les prix jusqu'à ce qu'ils devien-
nent raisonnables.
104 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

QUATRIÈME LEÇON

LE LIBRE-ÉCHANGE *

La concurrence est bonne, non seulement entre les


gens du même pays, mais aussi entre despays différents;
naturellement, quand on a besoin d'une denrée, on aime à
l'acheter au meilleur marché possible, et on ne regarde
pas d'où elle vient, pourvu qu'elle soit bonne et peu
chère. L'intérêt de tous veut donc qu'on laisse les mar-
chandises circuler librement, sans s'occuper des fron-
tières. De cette façon, chaque pays s'applique à produire
les objets qu'il peut livrer à meilleur marché qu'aucun
autre; et, en revanche, chaque pays achète tout ce dont
il a besoin au meilleur marché qu'il soit possible. C'est là
ce qu'on nomme le libre-échange.
Il y a eu des temps où l'on faisait payer aux mar-
chandises venues des pays étrangers des droits d'en-
trée excessifs; cela faisait augmenter les prix, et
tous les consommateurs en souffraient. Seulement,
les fabricants français qui produisaient de ces mômes
marchandises les vendaient plus cher qu'auparavant.
Et cela les enrichissait aux dépens des acheteurs.
Ainsi, vous le voyez, mes amis, il ne faut pas que les
droits d'entrée, les douanes, comme on les appelle,
soient excessifs : ce serait contraire au libre-échange.
Autrefois, du temps de la féodalité, le moindre sei-
gneur mettait des douanes, des péages, à l'entrée de sa
seigneurie : les marchands ne pouvaient pa3 faire cinq
lieues sans payer des droits. Ainsi, en allant de Besançon
à Marseille par Lyon,, on était arrêté quarante fois ; en
arrivant, le prix de la marchandise était doublé, ce qui
rendait le commerce impossible.

1. Voir l'Économie politique à l'école, du môme auteur.


LA LIBERTÉ DU TRAVAIL 105
Aussi, quand la récolte manquait dans un pays, les
marchands de blé des autres pays n'avaient même pas
l'idée d'apporter leur denrée. •
Et voilà comment une mauvaise récolte amenait tou-
jours une famine : tous les quatre ou cinq ans à peu
près, il y avait famine, et des milliers de cens périssaient
de faim et de misère.

Los douanes seigneuriales.

Au contraire, en 1879, en 1880, la récolte a manqué


en France ; au lieu de cent millions d'hectolitres de blé
qu'il nous faut, la terre ne nous en avait donné que
quatre-vingts. Autrefois, cela aurait fait une famine.
Mais, grâce au libre-échange, les blés de l'Amérique et
de la Russie sont arrivés chez nous aussi abondam-
ment qu'il le fallait; il y en a eu pour tout le monde,
et le prix du pain n'a presque pas monté.
10(5 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

PREMIER RÉCIT
(suite).
HisTOiRR D'UN ATELIER — Au Bon Marché.
Depuis que le chemin de fer arrivait à Cercey (c'est à
Cercoy, «i j'ai oublié de vous le dire, que se passait cette
histoire), le bourg avait pris un air d'activité tout à fait
nouveau : les gens vendaient mieux leur blé, leurs fro-
mages, leurs légumes, que des marchands venaient leur
prendre pour les envoyer à Paris; il fallait bâtir des bou-
tiques, des auberges.
Tout alentour, les terres en friche étaient mises en
culture, les cultivateurs faisaient venir des ouvriers, et
le bourg augmentait à vue d'oeil.
Tout cela faisait beaucoup de bâtisses, et, par consé-
quent, beaucoup d'ouvrage pour les menuisiers : maître
Franche ne savait comment répondre à toutes les com-
mandes. Ses ouvriers travaillaient à qui mieux mieux,
et le rabot avait l'air de voler dans leurs mains. Malgré
tout, ils ne suffisaient pas.
Un beau matin, le bruit se répandit dans le bourg qu'un
nouveau menuisier allait s'y établir. Il était arrivé la
veille, il avait choisi une boutique, et annoncé qu'il
reviendrait dans la huitaine. — Un homme rond en
affaires, disait l'aubergiste qui l'avait reçu. Vous verrez
qu'il saura se débrouiller. Sans compter qu'il a choisi
le bon endroit pour s'installer : juste sur la grand'place!
Personne ne pourra venir au marché sans voirson ensei-
gne : avant six mois, tout le canton connaîtra son nom
et sa boutique !
Dan3 l'atelier de maître Franche, quand on apprit
celte nouvelle, ce fut un beau brouhaha. Une concur-
rence à Cercey Un étranger venir se mesurer avec
1

« l'atelier »! Les compagnons n'y pouvaient pas croire.


Mais quand, le surlendemain, deux grandes voitures
arrivèrent, l'une chargée, des établis, des gros outils,,et
l'autre de meubles; quand, au bout de cinq jours, une
LA LIBERTÉ DU TRAVAIL 107
belle enseigne se dressa au-dessus de la nouvelle bou-
tique, avec ces mots en grosses lettres :
AU BON MARCHÉ; LEFRANÇAIS, MENUISIER,
alors il fallut bien y croire. Et presque tout l'atelier fut
pris d'indignation. Les compagnons ne pouvaient pas
concevoir qu'on eût l'audace de venir leur disputer l'ou-
vrage, l'ouvrage de leur bourg.
On ne parlait plus d'autre chose, le soir, au souper.
Basset, qui était un homme un peu rude, mais qui
avait de la droiture et du sens, ne prenait pas part à
toutes ces plaintes. Louis lui en fit la remarque un soir.
— Vous ne dites rien, monsieur Basset, lui dit-il. On
dirait que vous neprends pas les intérêts du patron?
Écoute, Va-de-bon-coeur, répondit Basset d'un air

fâché; je t'aime bien d'habitude; mais si tu veux que
nous restions d'accord, tu ne répéteras pas ce que tu
viens de dire.
Parce que lu l'indignes contre un homme que lu ne
connais pas, et qui vient ici gagner honnêtement sa vie,
tu crois défendre les intérêts du patron. Eh bienl je dis,
moi, que l'intérêt du patron n'est pas d'avoir à refuser
l'ouvrage et à renvoyer la pratique; ce n'est pas son
intérêt que les clients se découragent de s'adresser à
lui, et prennent l'habitude de porter leurs commandes
à la ville, où ils finiront par aller tous. Ce n'est pas son
intérêt surtout que, chez lui, on parle mal de ses concur-
rents, comme si. l'on ne se sentait pas capable de faire
aussi bien qu'eux.

DEUXIÈME RÉCIT

UISTOIRE D'UN ATELIER (suite). — La concurrence est l'âme


du progrés.

Bien dit, mon brave Basset, s'écria maître Franche



en serrant la main de son contremaître. '
108 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

Voyez-vous, enfants, vous commenciez à me chagriner


avec votre manière de dénigrer la concurrence, et je
pensais bien qu'il s'en trouverait parmi vous pour remet-
tre les autres dans le vrai.
Oui, Basset a raison : une bonne maison ne doit ja-
mais avoir peur des concurrents. Nous sommes connus
à Cercey ; on sait que nous travaillons au plus juste
prix : si le concurrent essaye de faire à meilleur marché,
cela ne durera pas longtemps, et nous n'aurons qu'à
patienter, en attendant qu'il se lasse de manger ses
écus.
Il a de bons ouvriers, dit-on,mais nous ne sommes pas
non plus manchots. Et s'il apporte, comme je l'ai en-
tendu dire aussi,des outils nouveaux,eh bien! je m'infor-
merai, et nous aurons vite les pareils. La concurrence est
l'âme du progrès.
Et puis, ce n'est pas tout. Vous vous fâchez contre cet
hommo ; mais est-ce qu'il n'est pas dans son droit?
Est-ce que tout citoyen français n'est pas libre d'aller
et de venir, de faire le métier de son choix, et d'offrir
son travail et son industrie à qui en veut?
Toi, Louis, par exemple, tu voudrais peut-être qu'on
empêche M. Lefrançais de venir monter une boutique
de menuiserie à Cercey? Tu préférerais qu'on fît comme
dans l'ancien temps, où les patrons de chaque métier
avaient le droit d'interdire leur profession à qui ils
voulaient?
Eh bien! sais-tu ce que tu demandes? Tu demandes
tout simplement à être privé du salaire auquel tu as
droit?
— Comment cela, monsieur?
— Ecoute : lu es apprenti depuis deux ans. Si nous
étions toujours sous l'ancien régime, il t'en faudrait
encore deux pour devenir compagnon. Tu as appris à
manier la varlope, la gouge et le maillet : eh bien ! tu
n'aurais pas seulement touché encore le manche d'un
outil. Enfin, tu aurais à me payer ta nourriture comme
LA LIBERTÉ DU TRAVAIL 109
apprenti. Tandis que je vais te faire. ouvrier, et, à
compter de demain, tu toucheras vingt soùs par jour,
sans parler de tes repas, et en attendant mieux. Ne me
remercie pas : tu les gagnes déjà.
Louis était tout rouge de surprise et de contente-
ment; il ne savait comment remercier le patron. Le3
camarades se mirent à le féliciter, car il s'était fait aimer
d'eux.
On but ce soir-là une bonne bouteille à la santé du
nouveau compagnon et à la prospérité de la maison.
Basset plaisanta Louis, lui disant :
— Eh bien! Va-de-bon-coeur, que dis-tu du nouveau
régime? II a du bon, n'est-ce pas, malgré la concur-
rence?

TROISIÈME RÉGIT

HISTOIRE D'UN ATLLIER (Suite).— Quel rapport il peut y avoir


entre le prix d'un déjeuner et un empereur..

Chez maître Franche, le déjeuner de huit heures se


composait invariablement d'une solide soupe aux légu-
mes; mais le dimanche, il y avait un peu d'extra: on
pouvait choisir entre la soupe et le café au lait. Louis
était un des fidèles du café au lait. Un dimanche malin,
qu'il venait de s'installer devant son grand bol et qu'il
en respirait la bonne odeur sucrée et nourrissante, tout
en préparant ses tranches de pain, maître Franche lui
dit d'un air un peu moqueur:
— Hein? garçon, voilà un déjeuner qui vient de loin.
C'est cela qui donne à réfléchir.
— Ma foi, patron, dit Louis bonnement, je ne songeais
guère à cela. Je trouvais seulement que mon café au
lait sent bon. Mais que dites-vous donc là, que ce déjeu-
ner vient de loin?
— Certainement, Louis, il vient de loin, tu connais
cela mieux que moi. Voyons, est-ce que je ne sais pas
7
il 10 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

ce,quc l'on t'apprend aux cours du soir, et ce que tu


lis dans tous ces livres de géographie que te prête M. Si-
monnot l'instituteur? Tiens, réponds-moi : sais-tu d'où
vient ce pain ?
—-Mais de la bou'angerie, je suppose, patron.
.
Oui, et du moulin aussi. Mais le blé qui a fourni la
: ^—
farine, où a-t-il passé? Tu ne sais pas; eh bien! il vient
de Russie. La récolte a manqué l'an dernier, dans notre
canton et dans pas mal d'autres. Les boulangers se sont
adressés alors, les uns à Marseille, les autres au Havre
pour en avoir. Celui qu'on a envoyé de Marseille venait
d'Odessa, et avait poussé en Bessarabie, un pays russe
comme lu sais. Celui qui arrive du Havre, on l'avait tiré
d'Amérique, de Chicago, dans les États-Unis. Et ton
café?
— Ah! pour le café, je sais d'où il vient. C'est du
Bourbon, il vient de l'île Bourbon ou la Réunion, qui
est une île africaine, au nord de Madagascar, dans la
mer des Indes.
En voilà un qui a voyagé 1. Et
ce sucre?

Pour le sucre, patron, c'est plus difficile à savoir;

si c'est du sucre de betterave, il vient peut-être du dé-
parlement du Nord, ou bien du Pas-de-Calais. Si c'est
du sucre de canne, alors il vient des colonies, ou bien
du Brésil, ou de l'Inde, de quelque pays chaud enfin.
— Ce n'est pas près d'ici, en tout cas. Et pour faire
pousser ce café, il a fallu des ouvriers, n'est-ce pas?
Oui, patron, des nègres; car il n'y a guère qu'eux

qui puissent travailler sous le grand soleil des tropiques.
— Et pour le sucre, de môme, probablement? Et pour
porter ce blé, ce sucre et.eecafé à un vaisseau, pour les
charger, pour conduire le vdissetuis}.usqu'cn France, et
enfin pour amener les denrées jusque chez M. Liard,
l'épicier de la grand'place, il en a fallu'des hommes, et
des portefaix, et des matelots avec leur capitaine, et des
employés du chemin do fer, et des voituriers, et enfin
des garçons d'épicerie pour le brûler et le vendre! Voilà
LA LIBERTÉ DU TRAVAIL lit
bien des gens employés pour ton déjeuner, Va-dc-bon-
coeur. Les ciaq parties du monde y ont mis du leur;
des travailleurs par centaines et par 1 îilliers ont peiné
pour toi. Tu es donc un Crésus, pour faire marcher lout
ce monde à les ordres ?

QUATRIÈME RÉCIT
IllSTOlltE U'U.N ATELIER (Sllilc)

Dame ! patron, vous le savez mieux que moi, si je



suis un Crésus, puisque c'est vous qui nous payez ce luxe.
— Un vrai luxe, en effet.Voici la note des frais: tu vas
eompter avec moi. J'écris sur mon ardoise :
Lait. Un litre de O.fr. 20 suffit pour trois, ce qui fait,
pour chaque part, 7 centimes, ci 7 cent.
Café. La livre de 3 francs fait 21 tasses, à
ce que dit ma femme, ce qui fait pour une
tasse : 15 centimes. Mais tu n'en mets que la
moitié d'une tasse dans ton lait, soit..... 7 —
. .
Sucre. La livre de 60 centimes donne 00 mor-
ceaux; lu en prends 3, ce qui fait.
Pain. Tu es mangeur de pain, comme tout
..... 3 —

bon Français; il t'en faut presque une demi-


livre, soil. 8
.. ; .—
Budget d'un déjeuner 25 cent.

25 centimes,'5 sous! C'est avec ces o sous que tu


payes les nègres de l'île Bourbon et du Brésil, les labou-
reurs de Bessarabie, les matelots et les capitaines de
vaisseau, les employés des chemins de fer, lesvoituriers,
les garçons d'épicerie. 5 sous, c'est à peu près une
heure do ton travail. Avoue que ce n'est pas trop cher?
— Franchement, non, monsieur. Le commerce est une
belle chose.
— Oui', mon garçon, cl surtout la liberté du commerce.
Si tu avais vécu, comme mon père, au temps; de Na-
112 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

polébn Ier et du blocus continental, tu t'en serais aper-


çu. Pour arrêter le commerce des Anglais, il s'était mis
en tête de faire payer des droits de douane terribles aux
denrées coloniales qui venaient par leurs navires. Le
café payait 2 francs d'entrée par livre, ce qui le mettait
à 5 francs; le sucre juste autant, ce qui le mettait
à 3 francs la livre.
Non content de cela, il finit par prohiber les denrées
anglaises : tous ceux qui voulaient en faire entrer étaient
arrêtés comme fraudeurs, amenés devant des tribunaux
qu'on appelait cours prévôtales pour crimes de contre-
bande et envoyés aux travaux forcés. Quant aux denrées,
on les brûlait.
Avec ces beaux moyens, on réussit à faire monter le
café à 10 francs la livre, le sucre à G et les autres marchan-
dises à proportion. Dans ce temps-là, un déjeuner
comme celui que tu viens de faire aurait coûté :
Pour le pain 6 cent.
Pour le lait 1 —
Pour le sucre. 32 —
Pour le café 23 —
05 cent.

A ceprix-là, mon garçon, lu n'aurais pas connu le


goût du café au lait ni de beaucoup d'autres bonnes
choses.
— Décidément, patron, M. Simonnot avait raison de
le dire l'autre soir, dans la leçon d'Economie politique,
il n'y a rien de mieux que la liberté du commerce, le libre-
échange entre tous les pays, pour mettre la vie à bon
marché.
RÉSUMÉ

1. On ne peut faire bien qu'un métier à la fois. A


chacun son métier, l'ouvrage sera bien mené.
LA LIBERTE DU TRAVAIL
m
2. Chez les sauvages, chacun est obligé défaire
tous les métiers pour suffire à tous ses
besoins.
3. Le progrès de l'industrie se fait par la division
du travail,
i. Tout Français est libre de choisir son métier :
c'est ce qu'on appelle la liberté du travail.
5. Pour choisir un métier, i! faut consulter ses
capacités plus que son goût.
G. Sous la royauté, la liberté du travail n'existait
pas.
7. Il fallait payer pour être reçu comme apprenti,
payer pour devenir compagnon, payer et faire
un chef-d'oeuvre pour devenir maître. Les
corporations ne vous recevaient que contre
argent comptant.
8. Les maîtres n'avaient le droit d'exercer qu'un
métier, sans empiéter sur le métier voisin.
Un cordonnier ne pouvait raccommoder sa
chaussure sans avoir procès avec los save-
tiers.
9. Il était défendu d'inventer, sous peine de voir
la police brûler l'invention.
40. Turgot voulut abolir les jurandes et los maî-
trises ; mais Louis XVI n eut pas le courage
do lo soutenir.
11. C'est la grande Révolution qui a établi la liberté
du travail : tous les ouvriers doivent la
bénir.
12. Sans lo commerce il faudrait que chacun pro-
duisît tous les objets dont il a besoin ; il n'y
aurait plus do division du travail, plus do
progrès dans l'industrie.
114 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

43. La liberté du commerce consiste à acheter ce


qu'on veut, à qui l'on veut, moyennant un
prix débattu librement.
14. Lorsqu'un marchand ou un ouvrier veut vendre
trop cher ses denrées ou ses services, la con-
currence arrive et le force à abaisser ses prix
ou à perdre sa clientèle.
45. La concurrence entre pays étrangers se nomme
libre-échange.
4G. Quand les droits de douane sont trop forts, ils
empêchent le libre-échange, et cela fait
monter le prix des denrées : tout le monde
en souffre.
47. Sous la féodalité, il y avait despéages à chaque
pas : de Besançon à Marseille, on en rencon-
trait quarante.
48. Ces péages d'autrefois empêchaient le blé de
circuler, ce qui amenait des famines. Aujour-
d'hui, le commerce rend les famines presque
impossibles.

EXERCICES ORAUX OU ÉCRITS

1. Pourquoi chacun ne .peut-il faire qu'un métier?


2. Chez les sauvages en est-il ainsi?
3. Comment se fait le progrès de l'industrie?
4. En quoi consiste la liberté du travail?
.'i. Qui faut-il consulter pour choisir un métier?
6.'A quelle époque la liberté du travail n'cxislait-cllc pas?
.

7. Comment devenait-on apprenti, compagnon, patron?


8. Combien un maître pouvait-il exerceride métiers? :
9. Favorisait-on les inventeurs?
10. Qui voulut abolir les maîtrises? — Pourquoi ne réussit-il
pas?
11. Qui a établi la liberté du travail?
12. Sans le commerce qu'arriverait-il?
13. En quoi consiste la liberté du commerce?
li. À quoi sert la concurreuce?
LE TRAVAIL ET LE CAPITAL Wô
,

15. Quand la concurrence se fait entre pays étrangers, comment


se nomme-t-clle? ••;
16. Quand les droits de douane sont trop forts, qu'arrive-t-il?
17. Quand est-ce qu'il y avait beaucoup de péages? — Combien de
Besançon à Marseille?
18. Quel est l'effet des péages sur les famines? Pourquoi les

famines sont-elles devenues presque impossibles?

IDevoirs de rédaction..
t. Exposez dans une lettre à un camarade quel est le métier
que vous préférez, et donnez vos raisons. .
2. Comparez la carrière d'un apprenti qui devient patron, avant
la Révolution et aujourd'hui.
3. Peut-on empêcher la liberté du commerce? — Si on y réus-
sissait, cela serait-il d'un bon effet?
4. Racontez ce qu'était le blocus continental? Montrez commeut
il avait augmenté la cherté de toutes choses.

CHAPITRE X
LE TRAVAIL ET LE CAPITAL

PREMIÈRE LEÇON
L'OUVRIER ET LE PATRON

Quand plusieurs hommes travaillent à une même entre'


prise, il faut qu'il y en ait un qui commande : on le
nomme le patron ou le contremaître. Le plus
souvent le patron ne se borne pas à diriger les ouvriers,
il leur fournit encore un atelier, des machines, des
outils; il s'occupe de trouver des commandes
pour les faire travailler; il leur paye leur travail toutes
les quinzaines, bien souvent avant d'avoir trouvé le
placement des marchandises qu'ils ont faites, et presque
toujours avant d'avoir louché le prix de ses ventes :
c'rst comme s'il leur faisait des avances, car sans lui
116 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

il leur faudrait attendre d'abord que les clients viennent,


et ensuite qu'ils payent,
Le patron met donc dans l'entreprise commune
.

son intelligence et son argent, /.'ouvrier y met son


travail.
Un ouvrier n'est jamais forcé de se placer chez un
patron. Mais une fois qu'il l'a fait, il lui doit l'obéis-
sance et le respect dans toutes les choses qui concer-
nent son travail.
Le patron, de son côté, doit à l'ouvrier le salaire ou
payement convenu; il lui doit aussi le respect, car
tous les hommes sont égaux.
C'est au patron et à l'ouvrier de débattre entre eux
leur prix en toute liberté.
Si les ouvriers d'un métier trouvent que les patrons ne
les payent point assez, il leur est permis de s'entendre,
de former, comme on dit, une coalition, pour deman-
der davantage.
Si les patrons refusent, les ouvriers peuvent refuser
aussi le travail, pourvu, naturellement, qu'ils exécutent
d'abord leurs engagements, par exemple, qu'ils finissent
leur huitaine ou leur quinzaine, dans les métiers où c'est
l'usage. Cette condition une fois remplie, ils ont le droit
de se mettre en grève.
Seulement, s'il y a d'autres ouvriers qui ne soient pas
de l'avis des premiers, ils sont bien libres de continuer
lo travail, d'accord avec les patrons, au prix qu'il leur
plaît : le travail est libre. Si ceux qui font grève
essayaient par la violence d'empêcher les autres de
travailler, la loi les punirait d'un emprisonnement qui
pourrait durer jusqu'à trois ans, sans parler d'une
amende de 3,000 francs au plus.
De leur côlé, les patrons ont le droit de ne donner l'ou-
vrage qu'au prix qu'ils jugent convenable; personne ne
peut les forcer de payer plus qu'ils ne veulent, de même
que personne ne peut forcer un ouvrier de faire lo
travail à un prix qu'il ne juge pas suffisant.
LE TRAVAIL ET LE CAPITAL \ 17
Les grèves occasionnent des moments de chômage,
c'est-à-dire des moments où l'on ne travaille plus. Tout
le monde y perd : les ouvriers d'abord, puisqu'ils
ne gagnent plus de salaires, et les patrons aussi, parce
qu'ils ne peuvent plus exécuter les commandes et que la
clientèle prend l'habitude de s'adresser ailleurs.
Il faut donc éviter les grèves, c'est l'intérêt
de tout le monde. Pour cela, il y a un bon moyen, qui
a réussi en Angleterre aux ouvriers des mines et à leurs
patrons. Voici ce moyen :
Les ouvriers d'une mine choisissent quatre ou cinq
d'entre eux, les plus raisonnables et les plus expéri-
mentés, et les nomment leurs délégués; les patrons en
font autant de leur côté. Les délégués se réunissent, et
leur réunion s'appelle la Commission des arbitres : ces
arbitres sont chargés d'arranger les difficultés qui peu-
vent naître entre les patrons et les ouvriers.
Ils font encore mieux : au lieu d'attendre que les dis-
putes surgissent au sujet du prix de l'ouvrage, tous les
trois mois ils se réunissent et discutent entre eux le
salaire qu'il faudra donner aux ouvriers. Comme ils le
font en toute conscience, chacun se fie à eux, et on se
soumet volontiers à leur avis.
De cette façon, il n'y a pas de grève, pas de chômage;
les ouvriers sont payés équitablement, les clients sont sûrs
quo leurs commandes seront livrées au jour dit, les
patrons gagnent, et par-dessus le marché tout le monde
vit en bon accord.

DEUXIÈME LEÇON

LA PROPRIÉTÉ ET L'ÉPARGNE

Quand un homme a travaillé, si quelqu'un venait lui


enlever le fruit de son travail, vous crieriez : Au voleur!
et vous aideriez de toutes vos forces à l'arrêter pour
rendre à l'autre ce qu'on lui aurait pris.
7.
118 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

Vous auriez raison : en oflel., chacun est maître des


fruits de son travail. Us sont sa propriété : il peut en
disposer à sa guise, les donner, les consommer, les dé-
truiro môme.
Il peut aussi les mettre en réserve pour plus tard, les
épargner. Les choses épargnées se nomment encore un
capital; ainsi les grains que le cultivateur serre pour
ses semailles do l'année prochaine sont un capital;
l'argent que l'ouvrier économise pour s'acheter un outil
est un capital; l'outil lui-même, une fois acheté, est un
capital.
Tous ceux qui épargnent sont des. capitalistes,'
c'est-à-dire propriétaires d'un capital.
Personne, mes enfants, n'est propriétaire que de ce
qu'il a amassé par son travail et son épargne.
— Pourtant, monsieur, est-ce qu'il n'y a pas des
gens qui ont des propriétés sans avoir travaillé? Voilà
M. Dupontville ; on dit que son père lui a laissé pour
300,000 francs, rien qu'en biens-fonds? Ce n'est pas
lui qui les a amassés, pour sûr : mon oncle Antoine
disait encore l'autre jour que jamais il n'avait fait
oeuvre de ses dix doigts.
— C'est vrai, mon petit Paul. Il y a des gens qui, pour
se trouver riches, n'ont eu que la peine de naître. Mais
c'est que le premier propriétaire de ces richesses, celui
qui les avait amassées par le travail et l'épargne, les
leur a données en cadeau. Celui qui est propriétaire est
bien maître de donner son bien à qui il.lui plaît, tandis,
qu'il est vivant. Pourquoi ne serait-il pas maître égale-
ment de le donner au moment dosa mort, de le léguer,
comme ou dit?
D'abord, si on essayait de le lui défendre, il saurait
bien s'arranger avec la personne à qui il veut laisser
son bien : par exemple, il ferait semblant de le lui. don-
ner tout.de suite, et il en garderait quand même la
jouissance jusqu'à sa fin. Ou bien, si cela était impos-
sible, quand il verrait sa fin approcher,, il gaspille-
LE TRAVAIL ET LE CAPITAL U9
rait scs biens plutôt quo de n'en faire profiter personne.'
Et enfin, sans aller si loin, pas un homme ne se don-
nerait la peine d'amasser du bien, s'il n'était pas sûr, en-
cas de mort, de lo laisser aux siens pour leur rendre la
vie plus facile. // n'y aurait plus d'épargne, plus
de capital nulle part : ce qui serait un grand mal
public.
Vous voyez donc qu'il faut respecter la propriété,
môme chez ceux qui l'ont reçue sans avojr travaillé ;
car c'est comme si vous respectiez la volonté de ceux
qui leur ont légué leurs biens.

PREMIER RÉCIT

HISTOIRE D'UN ATELIER (suite). — La grève au Bon Marché

M. Lcfrançais, le concurrent de notre ami Franche,


avait amené avec lui ses ouvriers. «Au commencement,
il les payait comme à la ville, d'où il les avait lires,
A francs et 4 fr. 50 par jour. Mais au bout de quelque
lemps, il s'aperçut que les pratiques ne le payaient pas,
lui, sur le pied des prix de Ja ville ; que, s'il marchait de
ce train, il ne tiendrait pas longtemps boutique ouverte
à Cercey.
Il prit donc un grand parti ; et, un beau jour, il pré-
vint ses ouvriers qu'il allait encore les payer à l'ancien
prix? pendant une quinzaine, mais qu'au bout de ce
temps, il serait obligé de les mettre à 3 fr. 50, en
comptant là dedans la nourriture pour 1 fr.,65, comme
chez le père Franche.
Eux se fâchèrent, déclarèrent qu'ils n'accepteraient
pas le nouveau tarif, et en effet, la quinzaine écoulée;
comme M. Lefrançais refusait de revenir sur sa décision,
ils se mirent en grève.
Cela marcha assez bien pendant une quinzaine : la
120 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

moitié d'entre eux avaient quelques économies, et les


autres trouvèrent un peu de crédit chez les fournisseurs,
parce qu'on les connaissait à peu près tous pour des
garçons rangés et honnêtes ; mais économies et crédit
s'usèrent vile. Le bruit se répandit que M. Lefrançais
avait prié un de ses amis de la ville de lui trouver des
ouvriers, qu'on lui en avait indiqué plusieurs et qu'il allait
partir pour les embaucher.

Les ouvriers do M. Lefrançais se mirent en grève.

Alors, ils vinrent, l'oreille un peu basse, demander à


rentrer au Bon Marché. M. Lefrançais les accueillit bien,
et ils reprirent leur place à l'établi, excepté deux qui
étaient allés offrir leurs bras chez maître Franche ; celui-
ci les avait acceptés, car sa boutique prospérait et il
était à court de monde, sans compter que ces deux-là
étaient d'excellents ouvriers.
M. Lefrançais les regretta, et l'atelier souffrit de leur
départ, commeaussi.de la grève, car plusieurs clients,
qu'il avait été obligé de refuser faute d'ouvriers, étaient
LE TRAVAIL ET LE CAPITAL 121

retournés porter leurs commandes à maître Franche. Le


commerce do M. Lefrançais eut bien du mal à se remettre
de ce mauvais coup.

DEUXIÈME RÉGIT

HISTOIRE D'UN ATELIER (fin). — Les ouvriers capitalistes.

Maître Franche commençait à se faire vieux lui qui


:
avait toujours été courageux, parlait quelquefois de
prendre du repos. Si seulement il avait eu assez d'argent
de côté pour payer le pain ùu ses vieux jours Mais ses
1

économies n'étaient pas suffisantes pour lui permettre


de vivre, avec sa femme, sans rien gagner.
Dans les petites villes, tout se sait. Au bout de quel-
ques jours, M. Lefrançais venait trouver maître Franche,
et lui proposait d'acheter son fonds de boutique avec la
clientèle : il lui offrait 5,000 francs.
— Vous n'aurez qu'à les placer en viager, lui dit-il.
Vous avez soixante-cinq ans, vous trouverez toujours
bien 500 francs de rente.
— Mon fonds et ma clientèle ne sont pas à vendre,
répondit maître Franche; ils n'appartiennent pas à
moi seul. Mes ouvriers m'ont aidé à faire ma boutique
ce qu'elle est : ils en ont leur part, de droit.
M. Lefrançais s'en alla. Les ouvriers, qui avaient
entendu la réponse de leur patron, étaient tout émus
de l'amitié qu'il leur prouvait. Pendant toute la jour-
née maître Franche les vit causer entre eux ; Basset ne
cessait d'appeler Louis, et Louis ne cessait de faire
sur l'ardoise des calculs qu'il apportait ensuite à Basset.
Le soir, après le dîner, où tout le monde avait été
extraordinairement silencieux et sérieux, Basset prit la
parole de son air le plus grave, et s'adressant au patron :
— Maître Franche, dit-il, les camarades et moi nous
avons entendu comment vous avez parlé de nous aujour-
122 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

d'hui, et nous vous en remercions. Seulement, par


amitié pour nous, vous voulez vous priver de repos sur
vos vieux jours. Cela ne peut pas se passer ainsi : n'est-
ce pas, compagnons?
Non ! dirent en choeur les ouvriers. Cela ne peut

passe passer ainsi.
— Voicidonccequenousavonspensô.poursuivitBasset.
Nous allons vous acheter la boutique, nous, vos ouvriers.
Vous n'avez.pas voulu la vendre à un étranger; mais peut-
être qu'à nous, vous ne nous la refuserez pas. On vous a
offert 5,000 francs; nous vous les offrons aussi. Seule-
ment... seulement, ces5,000francs, nous ne les avons pas.
— C'est vrai, soupirèrent les compagnons, nous ne
les avons pas.
— Mais nous vous payerons tout de môme. M. Lefran-
çais parlait de 500 francs do rente viagère. Pourquoi
est-ce que nous ne vous payerions pas en rente viagère?
Nous vous donnerions 500 francs par an, et la moitié
plus tard à madame Franche, si le malheur veut qu'elle
s'appelle un jour madame veuve Franche. Quant aux
outils, dont M. Lefrançais ne parlait pas, nous vous en
donnerons I,o00 francs, payés comptant. Voilà ce que
j'avais à vous dire de la part des camarades. Maintenant,
patron, à vous de décider.
— Mes amis, dit maître Franche, vous agissez avec
moi comme pourraient le faire mes propres enfants, si
j'avais le bonheur d'en avoir. J'accepte de tout mon
coeur; je vous cède tout. : le fonds, les outils, et'les pra-
tiques. Je vous demande seulement une chose : c'est une
place à l'établi, pour continuer de vivre avec vous, et
pour ne pas quitter tout à fait le rabot.
— Sans compter, patron, que nous aurons plus d'une
fois besoin de vos conseils. Sans vous flatter, il n'y en
a pas un parmi nous qui aille à votre cheville pour la
menuiserie.
Maître Franche sourit, tout satisfait du compliment.
L'affaire conclue fut réglée devant notaire.
LE TRAVAIL ET LE CAPITAL 123

Il y avait dix ouvriers dans l'atelier do maître Fran-


che : ils devinrent propriétaires à eux dix de la bou-
tique. Chacun s'engagea à payer 100 francs comptant,
plus 50 francs do rente viagère à maître Franche.
Les deux nouveaux seuls n'avaient pas d'économies.
Basset leur avança l'argent nécessaire. Tous, d'un com-
mun accord, le prirent pour chef, et ils se mirent à tra-
vailler ensemble, à coopérer, comme on dit.
Au bout de six mois, l'un des deux nouveaux avait

Le vicui père Franche se persuade qu'il est leur grand-père.

remboursé Basset. Quant à l'autre, du jour où il s?était


vu sans patron, il s'était cru le droit de flâner; il devint
dépensier et ne put s'acquitter. D'un commun accord,
on décida qu'il sortirait de l'association ; il partit, et sa
part resta à Basset, comme de juste, puisqu'il en avait
avancé le prix.
Les neuf restants n'en travaillèrent que .plus dur*.
Basset sut bien administrer leur affaire. J'ai visité
l'atelier aux vacances dernières, en passant par Cercey :.
124 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLK

jamais je ne le vis plus prospère. Chaque ouvrier, à


la fin do l'année, a sa part de bénéfices, et elle est
assez belle pour fairo envie à plus d'un patron. Qualro
d'entre eux sont mariés : ils ont de beaux petits enfants,
et le vieux père Franche se persuade qu'il est leur
grand-père, tant il les aime.

RÉSUMÉ

1. Quand plusieurs hommos travaillent à un mémo


ouvrage, il faut que l'un commando : c'est le
patron ou lo contremaître.
2. Le patron fait encore autre chose : il fournit
l'atelier ot les outils ; il procuro les com-
mandes ; il fait des avances aux ouvriers en
les payant avant que ' leur ouvrage soit

vendu et payé.
3. Le patron met dans l'entreprise son intelligence
et son argent : l'ouvrier y met son travail.
4. L'ouvrier doit robéissanco au patron dans lo
travail,
b*. Le patron doit le salaire à l'ouvrier.
6. Le patron et l'ouvrier sont égaux devant la loi.
7. Les ouvriers peuvent se mettre on grèvo pour
faire augmenter leur salaire.
Mais ils ne doivent forcer personne à se mettre
en grève avec eux, sous peine do prison et
d'amende.
8. Les patrons ont aussi le droit de se mettre en
grève.
9. Les grèves amènent le chômage et éloignent la
pratique. Elles font plus de mal quo de bien.
10. Mieux vaudrait s'entendre, comme en Angle-
LE TRAVAIL KT LK CAPITAL i25
terre, et nommor dos arbitras qui fixeraient
à l'amiable lo salaire des ouvriers.
11. Chacun est propriétaire des fruits do son tra-
vail : il peut on user et on abuser à sa
guise.
12. S'il les épargno, cola lui fait un capital, ot lui-
mêmo se nomme capitaliste.
13. Lo propriétaire peut léguer ses biens on mou-
rant, commo il peut les donner do son
vivant.
H. L'héritier est légitimo pir^riôtairo des biens
à lui légués, bien qu'il n'ait pas travaillé
pour les avoir. Il faut respecter en lui la
volonté du défunt.
iS. Si l'on n'avait pas le droit do léguer ses biens,
on los gaspillerait, ou plutôt on n'en amasse-
rait pas.
16. Co serait un malheur public, si personne
n'épargnait, et s'il n'y avait pas de capitaux.

EXERCICES ORAUX OU ÉCRITS

i. Quand plusieurs hommes travaillent au mémo ouvrage, que


faut-il?
2. Examinez les services que rend lo patron?
3. Que mettent dan3 l'entreprise le patron et les ouvriers?
4. Qu'est-ce que l'ouvrier doit au patron?
5. Qu'est-co que le patron doit à l'ouvrier?
6. Le patron et l'ouvrier sont-ils égaux?.
I. Que peuvent faire les ouvriers pour se faire augmenter?

Qu'arrive-t-il s'ils forcent des camarades à se mettre en grève
avec eux?
8. Quel est le droit des patrons?
0. Quels sont les effets des grèves?
10. Comment fait-on en Angleterre pour le3 éviter?
II. De quoi chacun est-il propriétaire?
i2. Qu'est-ce qu'un capital? — Un capitaliste?
120 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

13. Que peut faire le propriétaire en mourant?


14. L'héritier est-il légitimo propriétaire? — Que faut-il respecter
on lui?
15. Qu'arrivcrait-fl si on.no pouvait pas léguer ses biens?
16. Est-il a souhaiter que personuo n'épargne, et qu'il n'y ait plus
do capitaux?

Devoirs de rédaction
\, Racontez l'histoire- d'une grève; montrez quel tort elle a
causé ; faites voir comment on aurait pu s'entendre a l'amiable et
plus avantageusement.
2. Qu'est-co que c'est que l'épargne, lo capital, la propriété? —
Racontez l'histoiro d'une personne qui, par l'épargne, est devenuo
un capitaliste et un propriétaire.
3. Faites voir quo le capital est l'instrument nécessaire de tous
les progrès. Citez des exemples.

CHAPITRE XI

LE RESPECT DES PERSONNES, DES PRO-


PRIÉTÉS, DES CONSCIENCES

PREMIÈRE LEÇON
L'ÉGALITÉ DES HOMMES. L'ESCLAVAGE

— Lorsque vous aurez passé voire vingtième année,


que vous serez vigoureux, instruits des choses néces-
saires, munis d'un métier, alors, mes amis, vous entrerez
dans une phase toute nouvelle de la vie. Vous ne serez
plus ni des enfants, ni des écoliers, ni des apprentis.
Vous serez... voyons, Jacques, vous avez envie de le
dire : expliquez votre idée.
— Monsieur, nous serons majeurs.
— Pas trop mal répondu, mon pelit ami. Oui, voiis
serez majeurs. Mais cela ne nous dit pas encore ce que
LE RESI'ECT DES PERSONNES 127

vous aurez à faire, ni quel changement se sera 'accompli


dans votre position.
Eh hien î voici : vous serez des hommes, et vous
serez des citoyens. Retenez bien ces deux mois.
Un citoyen, c'est celui qui fait partie d'une nation,
qui en accepte les lois, qui est prêt à en défendre les
droits et le territoire contre l'étranger; enfin, qui
contribue aux dépenses publiques en payant sa portion
d'impôts. Un bon citoyen est celui qui sert bien son
pays, et qui l'honore : il n'est rien de plus beau que de
mériter ce titre.
Mais vous apprendrez tout cela plus en détail dans
voire livre d'instruction civique.
Pour aujourd'hui, j'ai à vous expliquer ce que c'est
que d'être un hemme.
Un homme est celui qui appartint de coeur à l'hu-
manité, comme le citoyen appartient à sa cité, à sa na-
tion Un homme digne de ce nom respecto tous ses
.
semblables, comme ses égaux. 11 est disposé à les
aimer tous comme ses frères.
— Monsieur, j'ai lu dans le beau livre que vous avez
donné; eh prix d'honneur à mon frère Jules, le Tour du
monde, qu'il y a des sauvages tout à fait abrutis.
Ainsi ceux de la Terre de Feu ne savent même pas se
1

bâtir des cabanes; ils font des trous en terre pour s'a-
briter, commodes bêtes; ils laissent périr de faim les
trois quarts de leurs enfants, et quand leurs parents
sont vieux, ils les assomment ou les font mourir de-
besoin. Est-ce que ces sauvages-là sont nos égaux? Est-
ce qu'il faut les respecter?
— Oui, certes, mon enfant, toutes les fois du moins
qu'ils ne font tort ni à nous, nia aucune autre personne
humaine : la justice le veut. '
D'abord, songez-y, ces pauvres êtres sont à plaindre
autant qu'à blâmer. Ils n'ont pas eu comme vous le bon

1. Ile do l'Amérique du sud, découverte par Magellan en 1520.


128 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

exemple; ils ont vécu do misère, tiraillés par la faim


quatre-vingt-dix-neufjours sur cent, et puis, gorgés do
nourriluro malsaine, crevant d'indigestion, quand par
hasard la chasse ou la pêcho avait donné : car ils no
savent rien garder pour le lendemain.
Je voudrais voir des hommes civilisés soumis à ce ré-
gime-là! Ils no vaudraient guèro mieux que les sauvages.
Sur le radeau de la Méduse », les naufragés parlaient de
se manger les uns les autres, ni plus ni moins que des
Papous 3 affamés.

DEUXIÈME LEÇON

L'ESCLAVAGE EST INEXCUSABLE

Vous parlez des habitants do la Terre de Peu : eh


bien! justement, il est arrivé qu'en 1830 le capitaine du
vaisseau anglais le Beagle, M. Filz-Roy, prit à son bord
trois de ces sauvages, un vieux et deux enfants. Il les
emmena en Angleterre, où ils furent examinés par le
savant naturaliste Darwin, qui les réaccompagna dans
leur pays.
Le vieux était triste, silencieux, assez méchant :
tout ce qu'on put lui dire ou lui faire ne le changea
pas, son caractère était fait. Mais les jeunes se formèrent
très vite : ils devinrent propres, gais, serviablcs, et se
firent aimer de tous ceux qui les approchaient; ils
montraient de la facilité pour apprendre, de l'honnêteté,
du goût pour la vie sociable. Trois ans de séjour dans
un pays civilisé avaient suffi pour en faire des êtres
dignes de vivre dans noire société.

1. Ce vaisseau fit un naufrage tristement célèbre dans les annales


maritimes, lo 2 juillet 1816, sur le banc d'Arguin, à quarante lieues
de la côte d'Afrique. Une partie des naufragés se sauvèrent sur
un radeau, après des souffrances iuoules.
2. Habitants de la Papouasie, appelée aussi Terre des Papous, ou
Nouvèlle-Guinéo.
LE RESPECT DES PERSONNES 129.
Ne nous figurons donc pas, ni que nous soyons si
supérieurs aux sauvages, ni qu'ils soient si incapables
de s'élever jusqu'à nous, avec du temps.
Au surplus, c'est à force de rabaisser les sauvages,
qu'on finit par les croire nés pour l'esclavage. Avec
ce beau prétexte, on les vole comme font les traitants
en Afrique, on trafique d'eux, on les fait travailler
comme des bêtes de somme, oh les écrase de coups, on
les martyrise, et on dit : Ce sont des sauvages : ils sont
faits pour cela. C'est bien une des plus abominables
paroles que l'homme puisse proférer.
Tous les peuples civilisés ont fini par le reconnaître ;
la France a délivré tous les esclaves de ses colonies
1848, et les États-Unis d'Amérique ont libéré les
en
leurs il y a vingt ans, malgré la résistance des proprié-
taires de chair humaine, qui ont fait une affreuse guerre
civile pour essayer de conserver Jeurs esclaves.
Aujourd'hui, partout où règne la civilisation euro-
. péenne, tout homme est libre de son corps.
—.
Mais, monsieur, et ceux qu'on met en pri-
son?
D'abord, on n'en fait pas des esclaves ; on les met

hors d'état do faire du tort ou du mal aux autres, voilà
tout. Ensuite, écoulez bien ceci :
Chaque homme est maître d'aller et de venir, et de
faire ce qu'il veut ; c'est là son droit. Mais si quelqu'un
abuse de cette liberté pour m'empêcher, moi, d'agir de
mon côté comme je veux, il viole mon droit à moi : et
par conséquent il dépasse le sien; car il n'y a point
de droit contre le droit.
Dans ce cas-là, je peux me protéger contre cet homme;
je le dois môme, car si on ne l'arrêtait pas, il prendrait
l'habitude de violer les droits des autres, surtout ceux
des faibles.
Vous lé voyez, mes enfants, chacun est libre, à la seule
condition de ne pas attenter à la liberté d'autrui,
130 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLR

TROISIÈME LKÇON

LE RESPECT DES PERSONNES


,

— Mes enfants, je n'ai pas besoin do vous apprendre


que vous devez respecter la vie et les biens de vos sem-
blables. Le meurtre et le vol sont des crimes ; les
lois les punissent, et les autorités, les gendarmes, les
juges se chargent de faire exécuter ces lois-là.
Mais pour vous expliquer ces choses, il faudrait com-
mencer par vous dire ce que c'est que la loi, com-
ment on fait les lois, et pourquoi il faut y obéir. Tout
cela, c'est l'instruction civique, et nous en parlerons
plus tard.
En attendant, vous comprenez par vous-mêmes que si
on se mettait à ne plus respecter la personne et la pro-
priété de chacun, on ne pourrait plus vivre ensemble.
Tout le monde serait sur le qui-vive ; et ce serait la
guerre de tous contre tous, comme chez les sauvages.
Et même ce serait pire, puisque, eux au moins, ils mé-
nagent ceux de leur tribu.
Un homme qui en frappe un autre n'est plus un
homme : c'est une bêle brute.
Vous avez quelque chose à dire, Jacques? Il faut
parler, mon enfant.
— Alors, monsieur, si un mauvais homme vous
attaque la nuit, par exemple, pour vous voler, il faut
donc se laisser faire ?
— Bien certainement, non. Ce serait trop commode
pour les coquins. Quand on vous attaque, il faut re-
pousser l'attaque. C'est ce qu'on appelle le droit de
légitime défense. C'est même plus qu'un droit: on
a le devoir de se défendre, quand ce ne serait que pour
ne pas encourager les brigands. Si, chaque fois qu'ils
essayent d'attaquer un brave homme, ils avaient à s'en
repentir, ils se dégoûteraient vile du métier.
LE RESPECT DES PERSONNES 131
Maintenant, il ne faut pas non plus abuser du droit
de légitime défense. D'abord, il no faut pas faire
comme Ribaut le braconnier, qui a tiré un coup de
fusil sur Grillou son camarade, et lui a cassé un bras,
parce que l'autre, en se disputant, venait de lui donner
un coup de poing. Cela, c'est de la vengeance et de la

Le meurtre et le roi sont des crimes sévèrement punis.

méchanceté. Il ne faut faire que ce qui est nécessaire


pour empêcher votre agresseur de vous faire du mal. De
plus, il ne faut user du droit de légitime défense que
s'il n'y a pas là d'autorité pour vous défendre ; sinon, il
faut s'adresser à elle : on ne doit pas se faire
justice soi-même.
Pénétrez-vous bien de ces vérités-là, mes amis. //
n'est jamais trop tôt pour s'habituer au respect de la vie
humaine. Commencez dès à présent par éviter les que-
relles, les batailles entre vous. Elles se terminent sou-
vent mal, par de tristes accidents. Et, en tout cas, on y
prend des habitudes grossières et brutales. Jeu de
mainsf jeu de vilain.
Maintenant, pour respecter la personne d'autrui, il ne
132 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

suffit pas de respecter la vie, le corps des gens : il faut


aussi respecter leur honneur. L'honneur vaut encore
plus que la vie : et la preuve, c'est qu'un homme qui a
du coeur se fait tuer, quand il est soldat, pour qu'on ne
dise pas de lui : « C'est un lâche ! »
Ainsi donc, quand on calomnie une personne,
c'est-à-dire quand on lui attribue faussement une mau-
vaise aclion ou un vilain défaut, on lui prend son hon-
neur; et c'est pire que si on lui prenait la vie, parce
que c'est plus traître : le calomniateur attaque toujours
par derrière.
La médisance est moins abominable, puisque
celui qui médit ne fait que dire la vérité ; seulement,
c'est une vérité qui porte atteinte à la réputation de
quelqu'un, et il aurait pu se dispenser de la dire. C'est là
une aclion méchante : si chacun racontait tout le mal
qu'il sait des autres, la moitié de l'humanité haïrait
l'autre à mort.
QUATRIÈME LEÇON

LE RESPECT DES PROPRIÉTÉS

Mes enfants, j'entends dire, depuis quelques jours, que


le verger de M. Dufort est mis au pillage, on ne sait pas
par qui. J'espère bien (pie personne d'entre vous n'y est
pour rien. Ce serait un vrai déshonneur pour l'école, s'il
s'y trouvait un voleur.
Jacques, vous levez la main. Ce n'e^t pas pour vous
accuser: vos parents habitent là-bas au hameau, vous
ne venez à la commune (pic pour la classe, et c'est la
nuit que se font ces vilains coups.
En effet, monsieur. Je ne sais même pas qui peut

avoir eu cette mauvaise idée. Seulement, vous dites
que ce sont des voleurs. Mais, monsieur, j'ai souvent
entendu dire que marauder n'est point voler: ce n'est
donc pas vrai?
LE RESPECT DBS PERSONNES 133

— Vous allez en juger vous-même. Voyons, mon


Jacques, est-ce que les fruits du verger de M. Dufort ont
poussé tout seuls?
— Bien sûr que non, monsieur. C'est Antoine, le jar-
dinier, qui a planté les poiriers; je l'ai vu plus d'une fois
occupé à les tailler, à les arroser. Il passe sa vie à y
travailler. Il les aime tellement que, l'an dernier, après la
grande gelée, il pleurait presque, parce qu'il fallait en
arracher dix que le froid avait fait mourir.

II n'est pas permis do faire entrer des marchandises sans payer.

— Eh bien! si ces fruits ont coûté tant de peine,


crois-tu donc que le père Antoine, qui les a fait pousser,
n'y tient pas? et crois-tu que M. Dufort doit être bien
aise de voir disparaître ce qui a donné tant de soucis à
son jardinier, qu'il paye et entretient?
Allons, conviens d'une chose: c'est que ces poires,
c'était le travail du père Antoine, et c'était la propriété
de M, Dufort, Et ceux qui les ont prises ont pris le bien
d'autrui, le fruit du labeur d'autrui II n'y a pas deux
noms pour les nommer : ce sont des voleurs.
8
I0i L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

!
C'est comme ceux qui vont dans les bois communaux
ou dans les forêts rie l'Etat prendre du bois ou tendre
des lacets pour le gibier. Ou encore ceux qui fraudent
à la douane ou bien à l'octroi, et qui font entrer des
marchandises sans payer. Ils disent tous qu'ils ne volent
pas. Si c'est du bois ou du gibier qu'ils enlèvent, ils
disent que les forêts ne sont à personne. Si c'csi les droits
de douane ou d'octroi qu'ils fraudent, ils disent encore
qu'ils ne trompent quo l'Etat, et que l'État, ce n'est per-
sonne. Croyez-vous que ce soient là des raisons?
Dites-moi, Jacques, il y a ici une boite où beaucoup
d'entre vous mettent de temps en temps un sou : c'est
la Caisse d'épargne scolaire. Si quelqu'un ve-
nait pendant que je ne suis pas là, s'il ouvrait la boite
pour y prendre vos sous, diriez-vous que c'est un vo-
leur?
— Ah! bien sûrement, oui,monsieur.
— Eh bien! la Caisse d'épargne, c'est comme l'Etat :
elle n'est â personne, parce qu'elle est â tout le monde.
Chacun de vous a mis sa part, petite ou grosse, dans
cette boite; cl chaque Français contribue pour sa part
à la douane ou à l'octroi.
Et les maraudeurs de bois, les braconniers, que
font-ils? Les uns prennent du bois qui appartient à
l'Etat ou à la commune, du bois que l'État ou la com-
mune doit vendre pour payer ses créanciers. Si chacun en
prenait un peu, les forêts seraient bientôt au pillage,
elles ne rendraient plus rien, et il faudrait augmenter
d'autant les impôts. Quant au gibier, les braconniers le
détruisent; ils tuent tout, les mères et les petits, à tort et
à travers, sans K'occupcr de savoir s'il en restera pour
reproduire l'année d'après. Si on les laissait faire, il n'y
en aurait bientôt plus, sans compter qu'ils ne payent pas
de permis de chasse, ce qui est une fraude faite aux
dépens de l'État, c'est-à-dire à nos dépens à tous.
Braconniers, maraudeurs, fraudeurs, tout cela, voyez-
vous, mes amis, ce sont des voleurs; ils,ne.voient pas des
:: LE RESPECT DES PERSONNES
135
particuliers, ils volent tout le monde : voilà la seule dif-
férence.
CINQUIÈME LEÇON

LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE. — LA TOLÉRANCE EN MATIÈRE


RELIGIEUSE

. —
L'homme n'a pas seulement droit à disposer de
son corps, de ses forces, de son travail, en toute liberté.
IJCS opinions aussi sont libres de plein droit, pourvu,
bien entendu, qu'en les exprimant ou en les publiant,
on ne fasse tort à personne.
Je suis lbre de penser que le commerce de mon
voisin va mal et qu'il pourrait bien un de ces jours être
ruiné. Mais si je vais crier cela sur les toits, de façon à
tuer son crédit, il pourra me poursuivre en justice, et
me demander des dommages-intérêts, pour avoir
contribue à sa perte.
Je suis libre de penser que quelques lois sont mauvaises,
et qu'il faut les changer. Mais si j'excite mes concitoyens
à se révolter contre elles, à commettre le crime de rébel-
lion, je suis le complice des rebelles, et je serai puni
autant qu'eux pour le. moins.
Monsieur, est-on libre aussi d'avoir la religion qu'on

veut?
— Oui, mon ami. Ainsi, en France, on peut être ca-
tholique, prolestant, Israélite, musulman, etc.; en un
mot, on peut suivre la croyance qu'on veut. C'est ce
qui s'appelle la liberté de conscience. Bien entendu, là
comme en toutes choses, il faut respecter aussi les
droits d'autrui et les lois. La loi passe avant
tout.
Mais alors, monsieur, le gouvernement a le droit

de ne permettre que la religion qui lui plaît?
— Non pas. L'Etat n'a pas à avoir de préférences en
fait de religion : il ne doit pas y avoir de religion
d'État, parce que l'État, c'est la chose de tout le
136 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLB

monde, et la religion est l'affaire de chacun. Mais


d'abord l'État ne s'occupe que du culte, c'est-à-dire
des manifestations extérieures ; il ne regarde pa3 dans
les consciences, comme faisait le tribunal de l'Inquisi-
tion. Ensuite, même en fait de culte, l'État ne peut inter-
dire que ce qui serait dangereux pour la Société.
Toutes les fois que l'on a persécuté sans raison un
culte, on n'a abouti qu'à des cruautés inutiles. Par
exemple, Louis XIV, en 1685, a révoqué l'édit de
Nantes, par lequel Henri IV avait assuré aux protes-
tants la tolérance pour leur culte. Il voulait forcer les
protestants à se faire tous catholiques ; il ne fit que les
forcer à s'expatrier, à se faire Hollandais, Anglais ou
Prussiens, et à porter à toute l'Europe d'abord leur
industrie, qui eût dû faire la fortune de notre pays, et
puis aussi leur ressentiment contre la France, dont ils
auraient pu être les meilleurs citoyens.
Il ne suffit pas de ne pas persécuter les croyances de
vos concitoyens, mes enfants : il faut les respecter. Tout
homme qui pratique de bonne foi une religion est digne
de votre estime. Qu'il soit catholique, protestant ou israé-
lite,o\i bien indépendant de ces diverses religions, en ado-
rant Dieu, il obéit à ses convictions, il suit son devoir
tel qu'il le comprend. Celte pensée le fortifie et l'excite
au bien, et il se sent plus de courage dans les difficultés
delà vie, en se disant que tout ce qu'il fait, il le fait
pour obéir à ses devoirs envers Dieu.
Si quelque malheur le frappe, il se dit qu'une « Justice
suprême veille sur nous tous », et que par conséquent
« aucun malbeur irréparable ne peut arriver à l'homme
qui fait son devoir. »
S'il voit parfois le méchant triompher, il pense alors
que cette môme Justice remettra un jour chacun à sa
place.
Enfin, quand il Voit mourir ceux qu'il aime, ou quand
il sent lui-même approcher sa fin, il prend courage, en
se disant qu'il y a « une autre vie », où chacun aura le
LE RESPBCT DES PERSONNES 137

sort qu'il aura mérité, et où ceux qui se seront aimés et


cntr'aidés au bien se retrouveront.
Rien de plus respectable que toutes ces croyances. Ne
les blessez donc jamais, et, pour cela, ne prononcez ja-
mais légèrement le nom qui les résume: celui de Dieu.

— Tu ras & l'église, je vais à la bibliothèque. A chacun ses convictions.


On n'en est pas moins bons amis.

Heureusement d'ailleurs, aujourd'hui, nous avons


appris à respecter les convictions religieuses les uns
des autres. Aussi les horreurs des anciennes persécutions
ne sont plus à craindre : celui qui voudrait imposer de
force tel ou tel culte à tous les Français trouverait â qui
parler. Le temps est passé où l'on disait aux gens : — Il
faut croire ceci, il faut professer cela. Depuis la Révo-
lution, on traite les hommes en êtres raisonnables : quand
on veut qu'ils croient une chose, on tâche de la leur
faire bien comprendre et de la leur prouver clairement.
Telle est la méthode de la science : c'est elle qui éman-
8.
J38 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

çipc les esprits; c'est, elle qui fait triompher la vraie


liberté de conscience. Soyez des hommes instruits, ac-
coutumez-vous à demander la raison des choses, et
jamais vous ne serez dupés ni asservis dans vos opi-
nions.

PREMIER RÉCIT
KASPER LE DOUANIER

Écoutez, brigadier Kasper, à votre place, ce soir



je n'irais pas au col de la Schlucht. On se doit à sa con-
signe, je le sais comme vous : j'ai été soldat. Mais, ce
soir, vous êtes seul : votre compagnon de route est
malade. J'ai entendu dire, à Munster, à l'auberge de
YOurs blanc, que ces brigands de contrebandiers
prussiens préparent un coup pour cette nuit. Vous
tout seul, que pourrez-vous? Si vous étiez plusieurs, je
ne dis pas. Croyez votre vieil ami, brigadier Kasper.
C'est ainsi que le vieux Malhis, le tonnelier de
Stosswirr, essayait de détourner Kasper du danger. Il
était venu exprès jusqu'à Betournemer, à la maisonnette
de son ami, et il le suppliait de toutes ses forces.
Kasper ne l'écoutait pas.
— Femme, dit-il, prépare ma houppelande : il fera
froid cette nuit. Donne-moi mon fusil, que j'y mette une
cartouche avant de sortir. Ces Prussiens, c'est traître ;
il faut se tenir prêt dès qu'on a le pied dehors. Les
enfants dorment, ne les réveille pas : je vais les embras-
ser dans leur lit.
Et Kasper se dirigea vers la chambre voisine, où som-
meillaient ses trois petits : Pierre, seul dans son lit ;
Louise et Marie-Rose, serrées l'une contre l'autre, dans
le leur. Il les embrassa doucement: — Bonsoir, fillettes ;
bonsoir, petit soldat, dit-il à demi voix. Puis il rentra
dans la salle, où Mathis était resté.
LE RESPECT DES PERSONNES 13D

— Je vois bien que vous ne m'écoutcz pas, briga-


dier. Songez, bien! Vous êtes mari et père,
songez-y
cependant! '
Est-ce une raison de manquer à mon devoir,

Mathis? Pour que Thérèse rougisse de moi, n'est-ce pas?


Bonsoir, fillettes ; bonsoir, petit soldat, dit Kasper & demi voix.

Pour qu'on dise un jour à mes enfants : — Vous êtes les


enfants d'un lâche?
Allons, Mathis, vous n'y avez pas pensé. Votre main,
mon brave ami. Au revoir ou adieu, ma Thérèse. Veille
sur nos enfants.
,— Ce soir et toujours, dit Thérèse. Va, et fais ce que
tu dois, mon Kasper.

DEUXIÈME RÉCIT
KASPER LE DOUANIER (suite)

Kasper sortit. Le fusil sur l'épaule, il se mit à remon-


ter les petits sentiers raides qui mènent, le long de la
140 L'INSTRUCTION UORALK A L'ÉCOLE

Moselotte, à la Schlucht. C'est une longue route, et il


fallait les jarrets d'acier d'un ancien chasseur à pied
pour franchir en une heure et demie cet espace. Quand
il arriva au sommet, il s'orienta :1ebrouillard l'envelop-
pait; un rayon de lune enfin lui permit de se reconnaî-
tre : adroite, c'était la Honeck, à gauche Ïà-Schlucht.
-r- Filons vers la Schlucht, se dit Kasper. Par un
temps pareil, ils n'oseront pas se risquer à descendre
tout court de la Honeck : ils seraient capables de tomber
droit dans le lac de Retournemer. Piquer une tête de
trois mille pieds de haut ! Ces renards prussiens ne s'y
exposeront pas.
A trois kilomètres de là, le col se rétrécit : ce n'est
plus qu'une prairie, d'une centaine de mètres en largeur.
A gauche sont les escarpements du Tanet, à droite des
précipices énormes, au fond desquels on voit briller les
lumières de Stosswirr, à mille mètres plus bas. La fron-
tière est à deux pas; une ruine, placée à vingt mètres
de la route, offre non pas un abri, mais une cachette.
— L'endroit est bon, dit en lui-même Kasper.
Et il alla s'installer dans la ruine, où il s'accroupit
derrière un reste de mur, les yeux fixés du coté de la
route, l'oreille au guet.
Dans sa cachette, Kasper songeait.
Il se rappelait les paroles du brave Mathis. — C'est
pourtant vrai, se disait-il : pauvre Thérèse, pauvres
enfants, si je leur manquais, que deviendrait tout ce
petit monde?... Bah! Thérèse est une femme coura-
geuse ; avec la petite pension que le gouvernement fait
aux veuves de- ses serviteurs morts pour l'État, elle
saura les élever tous. Étant nés d'elle, ils ne peuvent
devenir que de braves gens.
Et puis il songeait à d'autres veillées, jadis, quand il
sortait à peine du service, et qu'il était douanier du
côté de Thionville :
— Un beau pays, pensait Kasper : des collines en
pente douce, des plaines. C'était plus facile à garder
LE RESPECT DES PERSONNE* !4l
qu'ici : comme toute la Lorraine, d'ailleurs. Maintenant,
les Prussiens l'ont pris, h'Alsace aussi. Dire qu'il y a
moins de huit ans, tout le pays au bas de ces monts,
tout ce qu'on découvre, au lever du jour, jusqu'au Rhin,
était France I... Eh bien! non, ce n'est pas la terre prus-
sienne : c'est seulement une terre que la Prusse tient sous
son talon. Mais c'est toujours la France I...
TROISIÈME RÉCIT
KASPER LE DOUANIER (silité)
Kasper songeait ainsi, le brave douanier, lorsque tout
à coup, un bruit léger frappa ses oreilles. C'était un


Halte 1 cria tout à coup Kasper.
grincement de gravier, comme si quelques individus
marchaient doucement sur la route. La nuit était noire :
on ne voyait rien à quinze pas.
Kasper sortit à pas de loup de la ruine : en se glissant
sur l'herbe, il pouvait arriver sans bruit jusqu'au bord
de la route. Là, les yeux grands ouverts, il distinguait
142 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

un peu : plusieurs ombres, qu'il apercevait à peine,


s'avançaient à pas lents. Il en compta quatre.
Ces individus paraissaient lourdement chargés.
.

— Halte! cria tout à coup Kasper, se dressant résolu-


ment au bord de la route. Puis comme les contrebandiers
faisaient mine de hâter le pas, il sejeta au milieu du
chemin, et là renouvela son cri; enfin presque aussitôt,
d'un bond se précipitant dans le fossé à droite, il fit
entendre un qui-vivel énergique, en même temps qu'il
armait son fusil.
Tous ces mouvements avaient été accomplis si vite,
que les contrebandiers purent croire à la présence de
toute une escouade de douaniers. Au hasard, ils déchar-
gèrent de droite et de gauche plusieurs coups de revol-
ver; puis ils se replièrent à quelques pas en arrière,
pour tenir conseil.
Trois minutes ne s'étaient pas écoulées qu'ils reve-
naient, longeant la route, se glissant dans les fossés. Ils
arrivèrent sur Kasper, lorsque la lune, se montrant tout
à coup entre deux nuages, le leur fit voir, accroupi dans
l'herbe.
— Il est seul, gronda leur chef. En avantI
Et tous quatre, ils se jetèrent sur lui.

QUATRIÈME ttÉCIT
KASPER LE DOUANIER (fin)

Kasper ne bougeait pas. Une balle tirée à l'aventure


l'avait atteint au ventre : la blessure était horrible; le
sang coulait en abondance, et les entrailles se seraient
échappées, si le vaillant douanier ne les avait retenues
de la main gauche. // voulait retarder sa mort, pour
utiliser au service de son pays jusqu'à la dernière seconde
de sa vie.
Il tenait son fusil tout chargé dans son poing : quand
le chef des fraudeurs fut sur lui, il lâcha son coup.
L'Allemand tomba. Les autres arrivèrent : Kasper n'avait
LE RESPECT DES PERSONNES 143
plus la force de charger, mais il avait entre les dents
son sabre-baïonnette. Gomme il était étendu, les contré-'
bandiers s'approchèrent pour l'achever : au moment
où l'un d'eux se penchait pour lui tirer son coup de
revolver dans l'oreille, Kasper agonisant se redressa,
et, d'un furieux coup de pointe, il perça la poitrine
du brigand...
Le lendemain matin les gens de l'auberge de la
Schlucht ramassèrent deux Prussiens morts. Kasper
avait encore un souffle de vie ; on le porta à sa mai-
sonnette de Retournemcr. 11 expira en y arrivant;
mais il avait eu le temps d'embrasser Thérèse et les
enfants.
Ceci est arrivé en 1878. Depuis, Pierre est entré au
collège de Saini-Dié, avec une bourse de l'Étal ; c'est un
solide garçon et un bon élève, également bien noté en
classe et au bataillon scolaire. L'année dernière, comme
il arrivait à ses quatorze ans, on lui a remis son fusil
d'exercice, un vrai fusil de soldat. Il l'a regardé avec
soin, et le sergent, qui était tout près, l'a entendu qui
disait :
— Te voilà enfin,'mon fusil/ A nous deux maintenant.
Souvenons-nous de ce que nous avons à faire : il s'agit
de venger le douanier Kasper; il s'agit de remettre la
frontière là ou elle n'aurait jamais dû, cesser d'être, là-
bas, vers le Bhin. Va, mon père, les contreban-
diers prussiens n'en ont plus pour longtemps à
faire leur métier d'assassins, sur les sommets de Id
Schlucht, dans notre Alsace 1

CINQUIÈME RÉCIT
LE MASSACRE DE VASSY

En loGl, la petite ville de Vassy 1, en Champagne, s'était


presque tout entière convertie au protestantisme. Cette

1. Chef-lieu u'arrondisseuieul du départcuieul do la Haute-Marne.


144 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLE

ncuvello transporta de fureur le duc François de,


Guise : ce prince était catholique, et n'entendait pas.
qu'un de ses sujets fût d'une religion différente. Il réso-
lut de châtier les gens de Vassy.
Le lct mars 1862, jour do dimanche, il rassembla ses
domestiques armés, et, en outre deux cents fusiliers ou
arquebusiers, comme on disait alors, et marcha sur

Le massacre de Vassy.

Vassy. Les protestants, au nombre de douze cents, étaient


assemblés dans une grange qui leur servait d'église. Ce
fut de ce côté que le duc de Guise se dirigea avec sa
troupe.
Arrivé à vingt-cinq pas, il fit tirer aux fenêtres de la
grange deux coups d'arquebuse. Les protestants, déjà
habitués à être persécutés, comprirent aussitôt ce qu'on
leur voulait. Ceux qui étaient près de la porte voulurent
la fermer, mais ils ne le purent pas. Les gens du duc,
l'épéc au poing, entrèrent comme un orage, en criant :
Tue/... tue/ à mort/

LE RESPECT DES PERSONNES 145

La tuerie commença en effet aussitôt. Les protestants


étaient sans armes et ne résistaient pas; quelques-uns
tâchaient de s'enfuir parle toit. Le duc excitait son monde
contre eux et criait : « A bas, canailles / » Un de ses do-
mestiques se vantait d'avoir à lui seul fusillé six de ces
pigeons. Le massacre dura pendant une heure : on tua
les femmes et les enfants, comme les hommes. Quand
on s'arrêta, il y avait soixante cadavres. Les blessés
étaient innombrables.
C'est depuis ce temps que le nom de Gui»c commença
d'être exécré en France et dans totte l'Europe. Kn Cham-
pagne et en Lorraine, ce nom est devenu une insulte
atroce ; appeler quelqu'un « Guise », c'est pis que de le
traiter d'assassin.
En effet, peu d'assassins ont eu sur leur conscience
autant de crimes que le duc de Guise en a commis par
fanatisme dans cette journée-là.

RÉSUMÉ

d. A sa majorité, l'enfant devient un citoyen ot


un homme.
2. Un homme digne do ce nom respecte et aime
tous ses semblables comme des égaux et dos
frères.
3. Les sauvages los plus abrutis no semblent au-
dossous do nous que par l'effet do la misère
et du mauvais exemple.
4. Il ne faut jamais dire d'un homme : « C'est un
sauvage, donc il est fait pour être esclave. »
C'est là une parole abominable.
b\ La Franco a délivré tous les esclaves de ses
colonies en 1848.
6. Aujourd'hui, partout ou règno la civilisation
1|Ô L'INSTRUCTION MORALE A L'ÊCOLR

européenne, tout hommo est libre do son


corps.
7. La liberté do chacun doit étro limitéo do façon
h no pas empiéter sur la liberté d'autrui.
8. Colui qui violo lo droit d'autrui n'est plus dans
son droit : il n'y a pas do droit contro lo
droit.
9. Il faut respecter la personne d'autrui et sos
biens. Autrement, co serait la guerro do tous
contro tous.
10. Un hommo qui en frappe un autre n'est plus
un hommo, c'est uno bête brute,
i 1. Cela n'ompêche pas lo droit do légitime défense,
quand on vous attaque
12. Il ne faut pas, mémo en so défondant, faire plus
do mal qu'il n'est nécossairo.
13. Habituoz-vous, tout enfants, h respecter la per-
sonne humaine. No vous battez pas. Jeu do
mains, jeu do vilain.
14. Il faut respecter l'honneur des gens, car il est
plus précieux pour eux que la vie.
15. Lo calomniateur est un voleur d'honneur et
un traître.
16. La médisance est un vilain défaut: elle finirait
par rendre la société des hommes impossible.
17. La maraude est un vol : les fruits no poussent
pas seuls ; celui qui les prend dérobe le pro«
duit du travail d'autrui.
18. Ceux qui prennent du bois dans les forêts do
l'État volent lo Trésor, c'est-à-dire tout le
monde.
19. Il no faut pas dire : « Voler l'État n'est pas
voler. » C'est comme si on disait : « Voler la
Caisse d'épargne scolaire, ce n'est pas voler. W
LK RESPECT DES PERSONNES 147
20. Los braconniers volent à l'État le gibier qu'ils
détruisent à tort et a travers, sans comptor
lo pormis qu'ils no payent pas.
21. Los opinions sont libros, à condition qu'en los
publiant on no fasse do tort à personne C'est
là la liberté do conscionco.
22. Chacun est libro d'avoir la roligion qu'il veut.
23. Cepondant, on ne pout pas professer oxtériouro-
ment uno roligion contraire aux lois : la loi
passo avant tout.
24. L'État no doit pas avoir do préférence en fait
do roligion; il no faut pas do roligion d'État.
25. Los persécutions sont toujours des crimes
inutiles. Louis XIV, on chassant les protes-
tants do Franco, n'a réussi qu'à semer des
ennemis dans toute l'Europe.

EXERCICES ORAUX OU ÉCRITS

1. Que devient l'enfant à sa majorité?


2. Définissez l'homme digne du ce nom.
3. Qu'est-ce qui fait paraître les sauvages si au-dessous de nous ?
4. Peut-on dire que certains hommes soient faits pour être
esclaves?
5. Quand la Franco a-t-elle libéré les esclaves de ses colonies ?
6. Où est-ce que les hommes sont tous libres?
7. Comment la liberté de chacun doit-elle être limitée?
8. Pourquoi celui qui viole lo droit d'autrui n'cst-il plus dans
son droit?
9. Pourquoi faut-il respecter la personne et le bien d'autrui?
10. Comment faut-il considérer l'homme qui en frappe un autre?
11. Quand avons-nous le droit de légitime défense?
12. Peut-on faire tout le mal qu'on veut en se défendant?
13. Comment les enfants peuvent-ils s'habituer à respecter la
personne humaine? ' i -
14. Pourquoi faut-il respecter l'honneur des gens?
15. Qu'est-ce que le calomniateur?
16. Qu'est-ce que la médisance? — Quel en est l'effet?
17. Pourquoi la maraude est-elle un vol?
18. Qu'est-ce que volent ceux qui pillent les forêts de l'État?
148 L'INSTRUCTION MORALE A L'ÉCOLB

19. Peut-on dire : Voler l'État n'est pas voler?


20. Qu'est-co que les braconniers volent?
21. À quelles conditions les opinions sont-elles libres? — Comment
se nomme cette liberté?
22. Est-on libre d'avoir la religion qu'on veut?
23. Peut-on professer une religion contraire aux lois?
24. L'État peut-il avoir sa religion à lui?
23. Que sont les persécutions? — Qu'a fait Louis XIV en chassant
les protestants?
Devoirs de rédaction.
1. Expliquez pourquoi il n'est pas permis de réduire même des
sauvages en esclavage.
?.. Montrez que le mieux pour l'homme est de vivre en société.
3. Racontez l'histoire d'un voleur qui aurait essayé de pénétrer
dan3 une maison de votre voisinage, la nuit. Dites comment il a
été blessé, pris, mis to prison. — Montrez qu'on a usé contre lui
du droit de légitime défense, sans l'outrepasser.
4. Qu'est-ce que la médisance et la calomnie? — Montrez-en la
bassesse par des exemples.
5. Réfutez ce préjugé : qu'on peut frauder et être un honnête
homme.
6. Expliquez en quoi consiste la liberté de conscience ; dites
pourquoi on ne peut pas professer extérieurement toute espèce de
religion. — Montrez que ce n'est pas là de la persécution.
7. Racontez les suites de la révocation de redit de Nantes ;
montrez combien cet acte était criminel.
DEUXIÈME PARTIE
INSTRUCTION CIVIQUE

PRÉLIMINAIRES
L'instruction civique nous apprend ce
que c'est qu'un bon oitoyen.
Les citoyens ont des droits et des devoirs : s'ils exer-
cent bien leurs droits, s'ils accomplissent fidèlement leurs
devoirs, la France sera libre et forte. Sinon, elle succom-
bera sous nos fautes, et sous les coups de ses ennemis.
Mais d'abord, il faut que chacun connaisse les droits
et les devoirs du citoyen.
PREMIÈRE LEÇON
LA NATION — LE SUFFRAGE UNIVERSEL — LE CITOYEN
LA NATION FRANÇAISE. — La France est une
nation libre.
Elle est une nation, c'est-à-dire une race d'hommes
qui parlent la même langue, qui habitent depuis les
temps les plus reculés une même terre entourée par des
limites naturelles, qui ont cultivé cette terre à la sueur
de leur front, qui l'ont défendue contre l'étranger au
prix de leur sang, et qui veulent continuer à y vivre et
à en rester maîtres, eux et leurs descendants.
Une partie de la France est en ce moment sous la
puissance de l'étranger. Mais le monde entier sait que
150 NOTIONS D'INSTRUCTION CIVIQUE

nous sommes résolus à délivrer un jour nos frères op-


primés; et l'histoire montre que la France a toujours
fini par chasser ses oppresseurs.
La France no veut pas être commandée par l'étranger;
mais elle n'entend pas non plus être menée malgré elle-
même par un Français, comme elle l'a été jadis par les
rois et les empereurs.
Tout Français ègé de vingt et un ans, à moins d'a-
voir été condamné à une
peine infamante^ est ci-
toyen. Les citoyens fran-
çais n'obéissent qu'aux
lois qu'ils se sont eux-
mêmes données et aux
autorités qu'ils ont char-
gées de faire respecter
ces mêmes lois. C'est en
cela que consiste la li-
berté.
LE SUFFRAGE UNIVERSEL.
— Un citoyen ne peut à
L-'Alsaco et la Lorraine sont en ce
lui tout seul ni faire une
moment sous la puissance de l'étran-
loi, ni créer une autorité :
ger. Mais nous sommes résolus à les
délivrer un jour : La France a tou-
il faut pour cela qu'il
jours fini par chasser ses oppresseurs.
s'entende avec tous les
autres citoyens, c'est-à-dire avec la nation. La nation
seule a le droit de faire les lois et d'établir les auto-
rités : c'est ce droit qu'on appelle la souveraineté
nationale.
Toutes les fois qu'il y a lieu d'exercer la souveraineté
nationale, les citoyens s'assemblent dans leurs comices :
,
c'est-à-dire qu'à un jour donné, ils se réunissent dans
des maisons choisies exprès. Une fois là, au lieu de dis-
cuter eux-mêmes les lois, ce qui serait impossible,
puisquï/y a plustde dix millions de citoyens, ils se
contentent de choisir les hommes qui seront chargés
de diriger les affaires publiques. Gela se fait en vo-
LA NATION. LE SUFFRAGE UNIVERSEL 451

tant, c'est-à-dire en mettant dans une urne un bul-
letin où chacun inscrit le nom de ceux qu'il voudrait
voir choisir. Ceux qui ont le plus de voix; c'est-à-dire
la majorité, sont élus. Les élus sont les représen-
tants de la nation.
Les bulletins de vote s'appellent encore les suffrages;
chaque citoyen ou électeur.a le droit de déposer un
suffrage. Aussi dit-on que la souveraineté nationale
s'exerce par le suffrage universel.
L'UNITÉ DE LA FRANCE, LES DIVISIONS DU TERRITOIRE.
— En principe, la nation tout entière peut seule régler
les allaires pu-
bliques: par con-
séquent, ni un
citoyen isolé, ni
un groupe de ci-
toyens, ni même
une partie de la
France ne peu-
vent à eux seuls
faire des lois ou
créer des auto-
rités. La Fran-
ce est une et Le vote. — Lo lieu où l'on voto s'appelle
collège électoral; le bureau est composé d'un
indivisible. président et do deux assesseurs ; lo scrutin est
Cependant il ouvert do S heures du matin à 6 heures du soir.
y a des affaires
publiques qui intéressent seulement une petite partie
de la nation : ainsi, dans un village, c'est aux citoyens
qui y habitent de juger s'il faut faire tel ou tel chemin,
réparer tel ou tel pont; ceux qui s'en serviront tous les
jours sont plus à même que personne de savoir si la
chose en vaut la peine : ils seront les premiers à en
1

avoir le profit ou le "déboire. En pareil cas, le mieux


est de laisser aux gens du pays le soin de régler leur
affaire, sauf à les surveiller pour qu'ils ne fassent pas
tort à la nation. "
152 NOTIONS D'INSTRUCTION CIVIQUE

En conséquence, on a divisé la France en un certain


nombre de régions, en ayant soin de mettre ensemble
les citoyens qui ont des intérêts communs qu'ils peu-
vent régler entre eux. On a fait ainsi les départe-
ments, qui sont au nombre de 87, y compris le terri-
toire de Belfort.
Ensuite on a fait pour les départements comme on
avait fait pour la France : on les a partagés en régions
plus petites : les arrondissements. Dans les arron-
dissements on a taillé les cantons, et enfin dans les
cantons les communes.

RÉSUMÉ
1. L'instruction civique nous apprend à devenir de
bons citoyens.
2. Tout Français doit connaître ses droits et ses de-
voirs. Cela est de la plus haute nécessité.
.3, La France est une nation libre; elle est composée
d'hommes de môme race, parlant la môme
langue et qui ont défendu leur pays au prix de
leur sang.
4. L'Alsace et la Lorraine sont encore sous la domi-
nation de l'Allemagne, mais nous conservons
toujours l'espoir de délivrer nos compatriotes.
5. La France est en République, elle se gouverne
elle-même.
6. En France, tous les hommes âgés de plus de
vingt et un ans, non privés de leurs droits, sont
citoyens français.
7. La nation, par l'intermédiaire de ses représen-
tants, a seule le droit de créer et de faire
appliquer les lois; c'est ce droit qu'on appelle
la Souveraineté nationale.
LA NATION. LE SUFFRAGE UNIVERSEL 153 *

8. Le suffrage universel est la réunion des votes
exprimés par tous les électeurs.
0. Le vote consiste à mettre dans une urne le nom
du candidat que l'on voudrait voir choisir;
celui qui obtient la majorité des voix est élu.
10. Les élus sont les représentants de la nation; on
les appelle députés ou sénateurs.
11. La France est une et indivisible parce qu'aucune
fraction de ses citoyens autres que ceux choisis
par le suffrage universel ne peut faire des lois
ou créer des autorités.
12. Les autorités locales, les habitants d'un village,
par exemple, connaissent'mieux les besoins de
leur pays; ils sont à même de savoir si tel che-
min ou tel pont doit ôtre construit ou réparé,
s'il vaut mieux faire telle dépense que telle
autre, etc.
13. La France est divisée en 87 départements y com-
pris le territoire de Belfort.
14. Les départements sont eux-mômes divisés en
arrondissements, en cantons et en communes.
On a subdivisé les arrondissements en cantons,
et les cantous en communes.
Exercices oraux ou écrits.
\i.2. Que nous apprend l'instruction civique?
Qu'est-co
' s
que doit connaître tout Français?
3. La France est-elle une nation libre? " !

4. Quelle est la partie de la France qui, en ce moment, est encore


sous la domination de l'étranger?
5. Gomment la France entend-elle être gouvernée?
6. Qu'est-ce qu'un citoyen?
7. Sont-ce les citoyens 'qui font les lois ou les députés et sénateurs
nommés par le suffrage universel?
9.
154 NOTIONS D'INSTRUCTION CIVIQUE

8. Qu'est-co que le suffrage universel?


9. En quoi consiste le vote?
10. Gomment nomme-t-on les élus?
il. Expliquer comment la France est une et indivisible.
12. Pourquoi, dans certains cas, laissc-t-on aux autorités locales le
soin de régler leurs affaires?
13. En combien de départements la Franco est-elle divisée?
14. Comment a-t-on divisé les départements?

Sujets de rédaction pour le certificat d'études


I. Parlez de la France et dites pourquoi elle est une nation libre?
Qu'est-ce qu'un citoyen?
II. Expliquez ce que l'on entend par souveraineté nationale et
dites ce que vous savez de l'organisation du suffrage universel.
III. Dites pourquoi la France est une et indivisible et quelles
sont ses divisions territoriales.

DEUXIÈME LEÇON

LA COMMUNE. LE CANTON. L'ARRONDISSEMENT.


— —
CE QUE C'EST QUE LA COMMUNE. — La Commune
est la plus petite des divisions administratives de la
France : elle est composée en général de plusieurs ha-
meaux, réunis de longue date à un chef-lieu. La plu-
part des communes existent depuis plusieurs siècles;
seulement avant la Révolution de 1789, elles s'appe-
laient paroUses et elles étaient administrées en partie
par les seigneurs, en partie par les agents du roi, jamais
par le suffrage universel.
Toute commune a des propriétés : c'est d'abord la
mairie ou maison commune, l'école, le cimetière, le
marché, les chemins vicinaux; presque toutes ont
aussi une église ou un temple, ou une synagogue, et
un presbytère pour loger le desservant du culte. Elles
peuvent également posséder des terres, des bois, des
maisons, des rentes sur l'État, etc.
LE BUDGET DE LA COMMUNE. — La Commune doit
entretenir les édifices qui lui appartiennent, et surtout
COMMUNE. — CANTON. — ARRONDISSEMENT 455
la mairie et l'école; de même pour les chemins vici-
naux. Ce sont là ses dépenses.
Pour faire face a ces dépenses, il lui faut des re-
cettes : ce sont d'abord ses rentes et le revenu de
ses immeubles, quand elle en a; puis une partie des
impôts que les
contribuables
payent à l'É-
tat, et dont
nous parlerons
plus loin ; en-
fin certaines
taxes mu-
nicipales,
telles, que les
octrois , la
taxe des mar-
chés, celle des
chiens, etc.
Ainsi une
commune a des
recettes et des
dépenses. // La Mairie. à la mairie quo sont instal-
— C'est
faut donc que lés les divers services municipaux : les bureaux de
les recettes, l'était civil, militaire, do la voirio, de l'assistance pu-
blique, etc. Le maire et les adjoints y ont leur ca-
soient égales binet, le conseil municipal y tient ses séances. La
aux dépenses; gravure représente la mairie d'Angoulême.
sinon la com-
mune se trouverait sans argent et ne pourrait plus
payer son instituteur, le secrétaire de sa î.iairie, son
cantonnier, etc. ; elle laisserait les chemins se dé-
grader, l'école tomber en ruines, etc. Il importe donc
que chaque année, la commune fasse le compte de ses
dépenses de l'année suivante,et s'arrange pour avoir
des recettes égales. {C'est là ce qui constitue un budget
en équilibre. h
— Pour administrer les af?
.
LE CONSEIL MUNICIPAL.
456 NOTIONS D INSTRUCTION CIVIQUE

faires communales, les électeurs nomment des con-


seillers municipaux, en nombre proportionnel à
celui des habitants de la commune : les communes de
moins de 500 habitants en ont 10. Lyon en a 54, Paris
en a 80. Pour être élu conseiller municipal, il faut avoir
25 ans et être domicilié dans la commune, ou du moins
y payer une des quatre contribulions directes. Los
conseillers sont élus pour trois ans.
Le conseil municipal se réunit quatre fois par an au
moins, en lévrier,
mai, août et no-
vembre. Il nom-
me un maire qui
est chargé d'exé-
cuter ses volon-
tés.
LE MAIRE, —
Le maire pré-
side les séances
du conseil ; il
dresse le tableau
desrecettesetdes
Lo Conseil municipal se réunit à la mairie, dépenses, c'est-
généralement le soir, pour s'occuper des inté- à-dire le budget.
rêts de la commune. Les séances sont publiques, En outre, il nom-
mais les assistants n'ont pas lo droit de mani-
fester leurs sentiments. me les employés
de la commune,
comme le garde-champêtre et le secrétaire de la mairie;
il veille à la police des rues et à celle des champs.
Le maire est enfin officier de l'état civil : c'est-
à-dire qu'il tient le registre des naissances, des ma-
riages et des décès '. Au moyen de ce registre, on peut
toujours savoir avec certitude quel est l'âge d'une per-
sonne, quels sont ses parents, s'ils sont vivants, etc. ;

1. Voir Notions de Droit usuel, de Droit commercial et d'Eco-


nomie politique, par REVERDY et BURDEAU.
CANTON. ARRONDISSEMENT 457
COMMUNE. — —
cela est très important quand il y a des héritages, pour
savoir à qui ils reviennent. C'est aussi par ce registre
qu'on voit quels doivent être les conscrits de l'année,
do façon à empêcher que pas un d'entre eux n'échappe
au service militaire.
LA TUTELLE DE L'ÉTAT SUR LA COMMUNE. — Le ser-
vice militairo n'est pas une affaire qui regarde la com-
mune; la Franco tout entière est intéressée à ce que
chacun soit soldat à son tour. Lo maire, quand il agit
comme officier
de l'état civil,
n'est donc plus
seulement le
mandataire du
conseil munici-
pal; il agit au
nom de la na-
tion . Ce n'est
pas le seul cas
où cela lui ar-
rive, car il est
chargé en géné- Le tirage au sort a lieu au che.Mieu de can-
ral de veiller à ton, los conscrits sont appelés par oidro alpha-
bétique, pour prendra leur numéro danj l'urno.
l'exécution des
lois.
Le maire est à la fois le chef du conseil municipal
et le représentant de la France dans la commune.
Voilà pourquoi il dépend des deux : le conseil muni-
cipal le nomme, mais le Gouvernement peut le sus-
pendre et même le révoquer, s'il ne remplit pas bien'
ses devoirs envers la nation.
Le conseil municipal lui-même pourrait parfois sortir
du droit chemin : si, par exemple, il créait des impôts
excessifs, s'il faisait des emprunts exagérés, ou s'il
refusait d'entretenir l'école, il risquerait de jeter la
commune dans la misère ou dans l'ignorance : la France
entière en souffrirait. Aussi quand un conseil, veut ôta-
458 NOTIONS D'INSTRUCTION CIVIQUE

blir des droits d'octroi ou emprunter une grosse somme,


il doit demander l'approbation du Gouvernement; de
môme, quand il refuse de faire des dépenses tout à fait
nécessaires, comme celles des écoles, le Gouvernement
les impose à la commune malgré elle.
LES ADJOINTS. — Le maire a auprès de lui un ou
plusieurs adjoints, nommés par le conseil, et chargés
de l'aider, ou même, en cas d'absence, de le remplacer :
il Y a un adioint dans les communes au-dessous de
2 500 âmes, et
deux ou plu-
sieurs dans les
communes plus
grandes.
Il y a en France
environ 36 000
.
communes.
LE CANTON. —
Le canton est
en général une
La justice de paix a son siège au chef-lieu de réunion de plu-
canton. Le juge de paix appelle d'abord les plai-
deurs dans son cabinot pour la conciliation ; sieurs commu-
nes ; cependant
l'affairo ne vient en audience publique que
quand les parties n'ont pu se mettre d'ac-
cord. certaines villes
forment à elles
toutes seules un canton, et n y a même des vines
qu'on a partagées en plusieurs cantons.
Le canton n'est pas, comme la commune, un terri-
toire dont les citoyens gèrent eux-mêmes leurs intérêts
locaux : il est seulement ce^qu'on appelle une division
administrative. Ainsi, il n'y a pas de conseil cantonal.
Seulement, dans chaque chef-lieu de canton, il y a un
juge de paix, un percepteur, un brigadier de gendar-,
merie, des délégués cantonaux, qui sont nommés par
le Gouvernement; nous verrons plus tard quelles sont
leurs fonctions.
Il y a en France environ 2 800 cantons.
COMMUNE. CANTON. ARRONDISSEMENT 459
— —
L'ARRONDISSEMENT.
— L'arrondissement est
formé do cantons, comme le canton est formé de com-
munes. Il a un conseil d'arrondissement composé de un
citoyen par canton et élu pour 6 ans. Le conseil d'ar-
rondissementne fait que répartir les contributiotis
directes entre les communes; il peut aussi exprimer
des voeux pour lo bien de l'arrondissement; mais il
n'a rien à administrer, car l'arrondissement ne pos-
sède rien et ne peut établir aucun impôt : puisqu'il n'a
pas de revenus, il est donc juste qu'il n'ait pas de dé-
penses.
Au chef-lieu d'arrondissement se trouve un sous-
préfet qui est nommé par le Gouvernement et chargé
de veiller sur les actes des maires et de3 conseils muni-
cipaux, de les conseiller au besoin dans les affaires
difficiles, et de les maintenir, s'il le faut, dans le res-
pect des lois.

RÉSUMÉ

1. La commune, la plus petite division administra-


tive de la France, est composée en général de
plusieurs hameaux, avec un chef-lieu.
2. Avant la Révolution, les communes étaient admi-
nistrées en partie par les seigneurs, en partie
par les agents du roi; elles s'appelaient pa-
roisses.
3. La mairie, les écoles, le cimetière, l'église, les
chemins vicinaux et le marché sont des pro-
priétés appartenant à la commune ; elle peut
encore posséder des terres, des bois, des mai-
sons, des rentes sur l'État, etc.
4. Outre les rentes qu'elle peut avoir, les recettes de
460 NOTIONS D'INSTRUCTION CIVIQUE

la commune consistent dans les revenus de ses


immeubles, dans les impôts qu'elle perçoit et
dans les taxes des octrois, marchés, etc. Avec
ses recettes, elle fait face aux différentes dé-
penses qui lui incombent pour l'entretien de
ses édifices et des chemins vicinaux.
5. Pour qu'un budget soit en équilibre, il faut que
les recettes égalent les dépenses.
0. Les électeurs nomment des conseillers munici-
paux; ces conseillers sont chargés d'adminis-
trer les affaires de la commune.
7. Les communes de moins de 500 habitants ont
droit à 10 conseillers. Lyon en a 54, Paris en
a 80. .

8. Seuls, les électeurs Agés de 25 ans au moins et


payant une des quatre contributions directes
peuvent être élus conseillers municipaux. Les
conseillers sont nommés pour trois ans.
0. Le Conseil municipal doit se réunir au moins
quatre fois par an, en février, mai, août et
novembre.
10. Le maire et un ou plusieurs adjoints, selon l'im-
portance de la commune, sont nommés par le
Conseil municipal.
11. Le maire préside les séances du Conseil municipal,
il fait exécuter ses décisions. Le maire est en-
core officier de l'état civil ; à ce titre, il tient les
registres des naissances, des mariages et des
décès.
\COMMUNE. CANTON. ARRONDISSEMENT
404
— — <

12. Tous les employés de la commune sont nommés.


par le maire.
13. La France entière étant intéressée à ce que cha-
cun soit soldat à son tour, en faisant exécuter
les lois, le maire agit au nom de la nation.
14. Si le maire ne remplit pas bien ses devoirs envers
la nation, le Gouvernement peut le suspendre
et môme le révoquer de ses fonctions.
15. Quand un Conseil municipal veut établir des
droits d'octroi ou contracter un emprunt, il est
tenu d'en demander l'autorisation au Gouver-
nement.
16. Si le Conseil municipal refusait de voter des
dépenses pour des choses nécessaires, comme
l'entretien des routes, des propriétés commu-
nales, etc., le Gouvernement pourrait l'y
obliger.
17. y a en France environ 36 000 communes.
11

18. En général, un canton est la réunion de plusieurs


communes; cependant, certaines villes en
forment un à elles seules. Quelques grandes
villes sont partagées en plusieurs cantons.
10. fc.'ns chaque chef-lieu de canton, il y a un juge
de paix, un percepteur, un brigadier de gen-
darmerie, des délégués cantonaux.
20. Il y a en France & 800 cantons.
21. Comme le canton, qui est formé de communes,
l'arrondissement est formé d'un certain nombre
de cantons. '
462 NOTIONS D'INSTRUCTION CIVIQUE

22. Le Conseil d'arrondissement est composé d'un


citoyen par canton et élu pour six ans. Les
conseillers d'arrondissement ne peuvent émettre
que des voeux et ne votent aucun impôt; ils
sont chargés de la répartition des contributions
directes.
23. Les sous-préfets, qui résident dans chaque chef-
lieu d'arrondissement, sont nommés par le Gou-
vernement, dont ils sont les principaux repré-
sentants, et chargés, à ce titre, de faire respecter
les lois.

Exercices oraux ou écrits.


1. Qu'est-ce qu'une commune et de quoi se compose-t-elle?
2. Quel nom portaient les communes avant la Révolution et corn?
ment étaient-elles administrées?
3. Quelles sont les propriétés de la commune?
4. Parler des recettes et des dépenses delà commune.
5. Qu'est-ce qui constitue l'équilibre du budget?
6. Quels sont les citoyens qui administrentles affaires communales?
7. Est-ce que toutes les communes nomment le même nombre de
conseillers municipaux?
8. Tous les Français peuvent-ils être élus conseillersmunicipaux?
Pour combien dé temps les conseillers sont-ils nommés?-
0. Combien de fois par an et à quelles époques le Conseil muni-
.
cipal se réunit-il?
10. Par qui sont nommés le Maire et los adjoints?
il. Quelles sont les fonctions du Maire?
12. Par qui les employés do la commune sont-ils nommés?
13. Le service militaire regarde-il seulement la communo?
14. Le Oouvernement peut-il suspendro ou révoquer un Maire?
15. Dans quels cas le Conseil municipal est-il obligé do demander
l'approbation du Oouvernement?

16. Si le Conseil refusait de faire certaines dépenses reconnues
urgentes, le Gouvernement pourrait-il les lui imposer?
17. Combien y a-t-il de communes en.France?
18. Qit'est-ce qu'un canton?
19. Coiinaissez-vous le nom des fonctionnaires qui résideut au chef*
lieu de canton ou qui en dépendent?
20. Combien comptons-nous de cantons?
"'' \. LE DÉPARTEMENT 463^
i;
21. De quoi est formé l'arrondissement?
22. Parlez du Conseil d'arrondissement.
23. Par. qui est nommé le sous-préfet et quelles sont ses fonctions?
Sujets de rédactions pour le certificat d'études
I. Qu'est-co qu'une commune? Par qui est-elle administrée?
Parlez du budget, du conseil municipal; du maire et de ses fonc-
tions comme président du conseil municipal et comme officier de
l'état civil; de la tutelle de l'État sur la commune?
II. Dites ce que c'est qu'un canton et quels sont les fonction-
naires
.
qui y résident?
III. Qu'est-ce qu'un arrondissement? Quel est le fonctionnaire
placé à sa tête, ses fonctions et le rôle du conseil d'arrondissement?

TROISIÈME LEÇON
LE DÉPARTEMENT
CE QU'EST UN DÉPARTEMENT. — Le département
est la plus vaste de toutes les divisions du territoire :
il comprend plusieurs arrondissements, une vingtaine
de cantons au
moins,une ou plu-
sieurs centaines
de communes.
Les départe-
ments les moins
peuplés, comme
celui des Hautes-
Alpes, par exem-
ple, comptent en-
core 120000 ha-
bitants; les plus
peuplés, comme
ceux du Nord et C'est à la Préfecture quo demeure le Préfet
de la Seine, en et que se trouvent : le conseil do préfocturoj les
bureaux de tous les services départementaux;
ont de 1 & 3 mil- le bureau de l'inspocteur d'académie, etc., jetc.
lions. La gravure représente la préfecture de Lyon.
LE BUDGET DU DÉPARTEMENT. — Le département a
des dépenses nombreuses : il est obligé d'entretenir les
routes départementales, certains chemins vicinaux,
464 NOTIONS D'INSTRUCTION CIVIQUE

les canaux, s'il s'en trouve sur son territoire, les che-
mins de fer départementaux ou d'intérêt local*, et enfin
les édifices départementaux! ces édifices sont, d'abord,
les hôtels du préfet et des sous-préfets; les bureaux
de l'inspecteur d'académie; les écoles normales d'ins-
tituteurs et d'institutrices; les maisons où se tiennent
la cour d'assises, les tribunaux civils, et les tribunaux
de commerce; les prisons et les casernes de gendar-
merie. Le département se charge souvent volontaire-
ment d'entretenir des asiles pour les vieillards, les in-
firmes ou les aliénés, des fermes modèles, des monu-
ments historiques, etc.
Pour ces dépenses, le département a des recet-
tes : ce sont d'abord les revenus des propriétés qu'il
peut avoir, puis certains impôts qu'il vote et que les
contribuables payent en sus et à proportion de ceux
qu'ils doivent à l'État, c'est-à-dire à la France : on les
appelle pour cette raison les centimes additionnels.
L'Etat vient aussi en aide aux départements les moins
riches par des allocations. Il peuvent également rece-
voir les dons des particuliers. Enfin, dans certains cas,
ils empruntent : c'est quand il s'agit de dépenses con-
sidérables et destinées à rendre des services pendant de
longues années. Ainsi quand on construit une école
normale ou un chemin de fer départemental, qui dure-
ront peut-être plus d'un siècle et qu'il faut payer à l'en-
trepreneur en un ou deux ans, le déparlement em-
prunte pour payer; puis il rembourse petit à petit son
emprunt, il amortit comme on dit, en trente, quarante
années, ou môme davantage. Les emprunts sont des res-
sources dites extraordinaires, car on ne peut y recourir
que très rarement : on dit par suite que le département
a un budget ordinaire et un budget extraordinaire.
LE CONSEIL GÉNÉRAL. — Le département a son
conseil comme la commune; il se nomme le Conseil
général, et il est élu pour six ans à raison de un
conseiller nommé par chaque canton. Il se réunit deux
LE DÉPARTEMENT 465
' Il,

Le département, du Nord a une population do 1730 311 habitants.


Il est divisé en 7 arrondissements, 60 cantons et 6ÔÔ communes.
Sa superficie est de 607 731 heotaros.
466 NOTIONS D INSTRUCTION CIVIQUE

foispar an, après Pâques et au mois d'août. Il vote le


budget du département.
Le conseil général est placé, comme le conseil muni-
cipal, sous la tutelle de l'État. Il nomme son président,
et ce président ne peut pas, comme le maire, être ré-
voque par i Etat.
Mais d'un autre
côté, le départe-
ment est une par-
lie très considé-
rable de la Fran-
ce : si un seul
département
était- mal admi-
nistré, mal pour-
vu de routes,
privé d'écoles
Les séances du Conseil général sont publiques. normales ou
écrasé d'impôts
et de dettes, ce serait un malheur national. Aussi le
Gouvernement est-il représenté par un préfet qui a
auprès du conseil général le rôle du
maire auprès du conseil municipal.
LE PRÉFET. — Le préfet admi*
nistre sous le contrôle du Conseil gé-
néral; il présente le budget à cette as-
semblée, qui doit l'approuver avant que
le Gouvernement ne puisse le déclarer
valable. Le préfet inscrit d'office les
dépenses obligatoires que le conseil
aurait refusées à tort; enfin il soumet au
Gouvernement, pour avoir l'avis des
Chambres, les projets d'emprunt du
conseil général.
Le préfet a auprès de lui, pour l'ai-
der, un secrétaire général et, pour Préfet en costume
l'éclairer, un conseil de préfecture. officiel.
LE DÉPARTEMENT v
467
n
RÉSUMÉ
1. Le département, dont le chef-lieu est le siège de
la Préfecture, est composé des arrondisse-
ments, des cantons et des communes qui en
dépendent.
2. Le département est tenu d'entretenir les routes
départementales, certains chemins vicinaux, les
canaux, les chemins de fer d'intérêt local et les
édifices départementaux.
3. La Préfecture, les écoles normales, les tribunaux,
la gendarmerie, etc., sont des édifices départe-
mentaux.
A. Le département a des recettes qui lui permet-
tent de faire face à ses dépenses. Ces recettes,
sont fournies par les revenus de ses propriétés
et certains impôts produits par les centimes
additionnels.
5. Les départements peu riches reçoivent des
allocations de l'État. Ils peuvent recevoir des
dons et, dans certains cas, contracter des em-
prunts.
6. Les remboursements se font graduellement, en
un nombre d'années convenu au moment de
l'emprunt.
7. De même que la commune a un Conseil, muni-
cipal, le département a un conseil appelé Con-
seil général.
8. Les conseillers sont nommés pour six ans a
raison de un conseiller par canton j ils se réu-
nissent après Pâques et au mois d'août.
168 NOTIONS D'INSTRUCTION CIVIQUE

0. Gomme le Conseil municipal nomme son prési-


dent, qui est en même temps maire de la com-
mune, le Conseil général nomme son président,
mais contrairement au maire, il ne peut être
révoqué par l'État.
10. Le préfet représente le gouvernement auprès du
Conseil général ; il y remplit le même rôle que
le maire auprès du Conseil municipal.
11. Le préfet administre le département; il présente
le budget au Conseil général ; il inscrit d'office
les dépenses obligatoires refusées par le Conseil ;
il soumet les projets d'emprunts au gouverne-
ment.
12. Pour l'aider, le préfet a auprès de lui un secré-
taire général et, pour l'éclairer, un Conseil de
préfecture.
Exercices oraux ou écrits.
1. Qu'est-ce qu'un département et de quoi est-il composé ?
2. Que doit entretenir le département?
( 3. Citez quelques édifices départementaux.
4. Avec quelles ressources le département fait-il face aux dépenses
qui lui incombent?
5. Comment les départements peuvent-ils encore voir augmenter
leurs recettes?
6. Comment se font les remboursements des sommes empruntées
par le département?
7. Le département n'a-t-il pas un Conseil?
8. Pour combien de temps sont élus les conseillers généraux? Quand
se réunissent-ils?
9. Le Conseil général, plac* sous la tutelle de l'Élat, nomme-t-il
son président?
10. Quel est lo rôle du préfet auprès du Conseil général ?
11. Quelles sont ses autres fonctions?
12. Qui le préfet at-il auprès de lui pour l'éclairer et le seconder?
Sujet de rédaction pour le certificat d'études
Dites co que vous savez du département ; de quoi il o»t composé ;
de son budget; du conseil général; du préfet et do son rôle.
LETAT. LA CONSTITUTION 469

QUATRIÈME LEÇON

L'ÉTAT — LA CONSTITUTION

L'ÉTAT.
—-
L'État, c'est Yensemble des citoyens
français, représentés par ceux qui ont été élus pour
s'occuper des affaires de la nation.
LA CONSTITUTION. — Les représentants de la France,
réunis en Assemblée nationale après la guerre,
ont voté, en
1875, la cons-
titution, c'est-
à-dire la loi su-
prême qui règle
l'État français.
La constitution
établit en France
la République
démocratique,
ou gouverne-
ment du suffrage
universel.
Lesuffrage La Chambre des députés - Les députés
siègent au palais du Corps législatif qui porta
universel gou- jusqu'en 1S18, le nom do Palais Bourbon. La
verne par l'in- salle actuelle fut achovée de bâtir en 1832, par
do Joty, architecte. La façado sur le quai, que
termédiaire : représente la gravure a été construite par Poyet
1° des deux en 1803.
Chambres,
qui ont le pouvoir de faire les lois, ou pouvoir légis-
latif; — 2° du président de la République as-
sisté des ministres, qui ont le pouvoir de faire exécuter
les lois, ou pouvoir exécutif. Les deux Chambres s'ap-
pellent encore le Parlement; les ministres, avec le
présidentde la République, constiluentle Gouvernement.
10
470 NOTIONS D INSTRUCTION CIVIQUE

Les deux Chambres sont le Sénat et la Chambre des


députés. Toutes les deux sont élues par le suffrage uni-
versel, mais de deux façons différentes.
LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS. — Les députés sont élus
tous les quatre ans par le suffrage universel direct.
Chaque arrondissement nomme un député. Les arron-
dissements dont la population dépasse cent mille habi-
tants, nomment un député de plus par cent mille ou
fraction de cent mille habitants. Dans ce cas, les arron-
dissements sont
divisés en cir-
conscriptions.
Les électeurs de
l'arrondissement
ou de la circons-
cription votent
en déposant
dans l'urne le
nom du candidat
qu'ils préfèrent :
c'est ce qu'on
appelle le scru-
Palais du Luxembourg. — Construit par tin d'arrondisse-
Jacques do Brosso, sur l'ordre do Marie de Médi- ment. Il y a 576
cis. Les travaux commencés en 1015, furent
terminés en 1629. Lo Sénat siègo au palais du députés, tant
Luxembourg.
pour la France
que pour l'Algé-
rie et les colonies. Mais naturellement le nombre peut
varier à chaque dénombrement de la population.
Le dénombrement se fait tous les cinq ans : chaque
citoyen doit déclarer exactement le nombre de per-
sonnes qui composent la famille habitant sou>i son toit,
afin que l'on sache bien quelle est la population de
son [département 5 sans quoi le département risquerait
de n'avoir pas sa juste part dans la représentation
de la France.
Pour être élu député, il faut avoir 26 ans au moins.
L'ÉTAT. LA CONSTITUTION 174

LE SÉNAT. — Les sénateurs
sont élus dans
chaque département par le suffrage universel indirect;
ils ont en effet des électeurs spéciaux, mais qui sont
eux-mêmes tous élus par le suffrage universel;- ces
électeurs sont : 1° les délégués des conseils munici-
paux; chaque conseil envoie au moins un délégué; les
communes plus grandes en envoient plusieurs; 2° les
conseillers d'arrondissement ; 3° les conseillers géné-
raux; 4° les dé-
putés. Il y a dans
chaque départe-
ment un nombre
de sénateurs fixé
par la loi, qui
varie depuis 1
jusqu'à 10. Il y
a S00 sénateurs
en tout.
Là ou il y a
plusieurs séna-
teurs, le vote a Réunion publique. — En respectant les
lois, qui sont l'expression de la volonté natio-
lieu au scrutin nale, tout citoyen est libro d'organiser dos réu-
de liste. Les sé- nions publiques pour y exposer sos idées.
nateurs sont élus
pour neuf ans; tous les trois ans, le tiers des départe-
ments renouvelle ses sénateurs.
Pour être élu sénateur, il faut avoir 40 ans au moins.
LA LOI. — Les lois peuvent être proposées soit
par le Gouvernement, soit par un député ou un sénateur
quelconque. Elles doivent être votées par les deux
Chambres successivement : le président de la Répu-
blique les promulgue ensuite, en les faisant afficher
sur tout le territoire.
Les lois, étant l'oeuvre de ceux qui représentent régu-
lièrement la nation, doivent être tenues pour l'expres-
sion de la volonté nationale. Nous leur devons
tous respect et obéissance ; si chaque citoyen so mettait
472 NOTIONS D'INSTRUCTION CIVIQUE

à désobéir aux lois qui lui déplaisent, il n'y aurait plus


de nation, et c'en serait fait de la France.
Mais d'un autre côté, les lois peuvent toujours être
améliorées; il suffit de nommer des députés et des
sénateurs décidés à le faire et capables d'en venir à
bout. Chaque citoyen peut travailler à cela : il a la li-
berté de penser ce qu'il lui plaît, la liberté de
parler, d'écrire, de
faire des réunions, pour
amener les autres à son
avis.
LE L'ÉTAT.
BUDGET DE —
Les députés ont le droit
de voter le budget les pre-
miers : les sénateurs ne
peuvent le voter qu'en-
suite. Les citoyens no
doivent pas l'impôt tant
qu'il n'a pas été voté par
les deux Chambres. On
voit par là que le Parle-
CARNOT (Sadl). - Né a Limo- ment est toujours le maî-
ges, le. H août 1337, fut élu prési- tre suprême ; car s'il re-
dent de la République le 3 décembro
1887, en fusait de voter l'impôt, il
remplacement do M. Jules
Orôvy. n'y aurait plus d'argent
dans les caisses de l'Etat,
et le Oouvernement serait réduit à néant.
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE.
— Tous les sept
ans, les deux Chambres se réunissent en Assemblée na-
tionale pour nommer le Président de la Répu-
blique.
Le président de la République est lo chef de l'État:
il représente la France devant les chefs des puissances
étrangères; il présente des projets de loi aux Chambres,
il promulgue les lois qu'elles ont votées, et il fait les
décrets nécessaires pour en assurer l'exécution ; il
commande aux armées do terre et do mer ; il nomme
L'ÉTAT.
— LA CONSTITUTION US
aux emplois civils et militaires. Il exerce tous ces pou-
voirs avec l'assistance des ministres, qu'il choisit
lui-même, mais qui sont obligés de donnée leur démis-
sion si les Chambres blâment leurs actes.
LE CONSEIL DES MINISTRES. — Les ministres forment
un conseil qui est présidé tantôt par le président de
la République, tantôt par l'un d'entre eux, que l'on
appelle le président du conseil. Ce conseil des mi-
nistres, ou cabinet, gouverne la France, sous le con-
trôle des deux Chambres.
LE DROIT DE DISSOLUTION. — Si le président de la
République est en désaccord grave avec la Chambre
des députés, il peut, moyennant une autorisation spé-
ciale du Sénat, la dissoudre : dans ce cas, les électeurs
sont réunis dans le délai do deux mois.
Si les Chambres se trouvaient dissoutes ou dispersées
contrairement à la loi, il y aurait coup d'État. Aus-
sitôt, les conseils généraux remplaceraient les Chambres
pour défendre la loi menacée : ils se réuniraient d'ur-
gence et délégueraient deux conseillers par département :
l'Assemblée de ces délégués prendrait les mesures né-
cessaires pour maintenir l'ordre, spécialement pour
réunir l'Assemblée nationale et lui rendre tous ses droits.
L'auteur du coup d'État serait jugé par le Sénat, qui
s'érigerait en cette occasion en Haute Cour de
Justice.
RÉSUMÉ
1. L'État, c'est l'ensemble des citoyens français.
2. La Constitution est la loi suprême qui règle l'État
français. Elle a été promulguée en 1875 et a
établi en France la République.
3. Le Suffrage universel gouverno par l'intermé-
diaire des deux Chambres, qui font les lois, et
du président, de la République, qui a le pou-
voir exécutif, assisté des ministres.
10.
474 NOTIONS D'INSTRUCTION CIVIQUE

4. La Chambre des Députés est une Assemblée com-


posée des représentants de la nation, élus pour
quatre ans, par le Suffrage universel direct.
5. Pour pratiquer le vote, les électeurs déposent dans
une urne le nom du candidat qu'ils préfèrent.
6. Il y a actuellement 576 députés; mais comme leur
nombre varie suivant le chiffre de la popula-
tion, il peut n'être pas toujours le môme.
7. On connaît le chiffre de la population, en faisant
le dénombrement. Il a lieu tous les cinq ans.
8. Pour faciliter le dénombrement, chaque citoyen
doit déclarer le nombre de personnes compo-
sant sa famille et habitant avec lui, ainsi que
le nombre de ses serviteurs. Cette opération se
fai *unt pour chaque département, on détermine
ainsi le nombre de députés auquel chaque dé-
partement a droit.
0. Pour être élu député il faut avoir 25 ans au moins.
10. Ceux qui votent pour nommer les membres du
Sénat sont : 1° les délégués des Conseils muni-
paux ; 2° les Conseillers d'arrondissement ; 3»
les Conseillers généraux ; 4° les Députés. Tous
ceux-là ont été, eux-mêmes, nommés par le
Suffrage universel.
11. Il y a en France 300 sénateurs.
12. Les sénateurs sont nommés pour 0 ans. Tous les
3 ans le tiers des départements renouvelle ses
sénateurs. Pour être élu sénateur il faut avoir
40 ans au moins.
13. Les lois sont d'abord proposées par le Gouverne-
L'ÉTAT. — LA CONSTITUTION 475
ment ou par un député ou un sénateur, puis
votées par la Chambre et le Sénat et enfin
promulguées par le président de la République.
14. Nous devons aux lois respect et obéissance parce
qu'elles sont l'expression de la volonté nationale.
15. Les citoyens ne doivent l'impôt que lorsqu'il a été
voté par les deux Chambres.
16. Pour nommer le président de la République les
deux Chambres se réunissent en une seule
assemblée nationale nommée Congrès, ce qui a
lieu tous les sept ans.
17. Le président de la République est le chef de
l'Etat; il représente la France, choisit les minis-
tres, propose des lois, les promulgue, nomme
aux emplois civils et militaires, commande aux
armées de terre et de mer.
18. Le Conseil des ministres, ou Cabinet, est composé
de tous les ministres, il est présidé tantôt par
le président de la République tantôt par le pré-
sident du Conseil.
19. Si le président de la République est en grave
désaccord avec la Chambre des députés, il
peut la dissoudre. Les électeurs sont réunis
alors, environ deux mois après, pour nommer
d'autres députés.
20. On appelle coup d'État la dissolution et la disper-
sion des Chambres, opérées contrairement à la
loi et en ayant recours à la violence. L'auteur
d'un coup d'État serait jugé par le Sénat qui
s'érigerait alors en Haute-Cour de justice.
476 NOTIONS D'INSTRUCTION CIVIQUE

Exercices oraux ou écrits.


1. Qu'est-ce que l'État?
2. Qu'est-ce que la Constitution ? Quand a-t-el!o été établie ?
3. Comment gouverne le Suffrage universel ?
4. Qu'est-ce que la Chambre des Députés ?
5. Comment les électeurs votent-ils ?
6. Combien y a-t-il de Députés? Le nombre en est-il variable?
7. Comment connaît-on le chiffre de la population en France?
8. Que font les citoyens pour faciliter le dénombrement ?
9. Quel âge faut-il avoir pour être élu député?
10. Quels sont ceux qui votent pour élire les membres du Sénat ?
il. Combien y a-t-il, en France, de Sénateurs ?
12. Quel âge faut-il avoir pour être élu sénateur?
13. Quelle part les Députés, les Sénateurs et le président de la
République prennent-ils à la confection d'une loi ?
14. Pourquoi devons-nous respect et obéissance aux lois ?
15. A quel moment les citoyens doivent-ils l'impôt déterminé par
une loi ?
16. Comment nomme-t-on le président de la République ?
17. Quel rôle remplit le président de la République ?
18. Comment est composé le Conseil des ministres?
19. Dans quel cas la Chambre peut-elle être dissoute ?
20. Qu'appellc;t-on coup d'État ? Par qui est jugé l'auteur d'un
coup d'État?
Sujets de rédaction pour le certificat d'études
I. Qu'est-ce quo l'État? — Qu'est-ce que la Constitution et par
qui a-t-elle été volée? Comment le suffrage universel gouverne-t-il?
II. Expliquez à un de vos amis en quoi consiste le pouvoir légis-
latif; le pouvoir exécutif. Dites-lui ce que c'est que la Chambre des
députés et le Sénat, leur rôle dans le gouvernement de la France,
la façon dont leurs membres sont élus.

CINQUIÈME LEÇON

LES MINISTÈRES. — MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LES MINISTÈRES. — Chaque ministre est chargé


spécialement d'une partie des affaires du pays : le pré-
sident de la République ne peut, en chaque genre d'af-
faires, accomplir aucun acte sans obtenir la signature
d'un ministre, apposée sur l'acte au bas de la sienne.
Nous avons autant de ministères que de grands ser-
LES MINISTÈRES 477
i
.
vices publics : AFFAIRES ÉTRANGÈRES. — GUERRE. —
MARINE. INTÉRIEUR. INSTRUCTION PUBLIQUE. — JUS-
— —
TICE. — TRAVAUX PUBLICS. — AGRICULTURE. — COMMERCE ;,
ET INDUSTRIE. — FINANCES. — COLONIES 1. — CULTES. —
POSTES ET TÉLÉGRAPHES. BEAUX-ARTS.

Les ministres ont parfois, pour les seconder, des
sous-secrétaires d'État qui sont pris ordinaire-
ment parmi les députés.
MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES.
— Le minis-
tère des Affaires étrangères entretient les
relations de la France avec les autres puissances. Il
négocie les traités de paix, les alliances, les traités de
commerce. Il exerce son contrôle sur les pays qui sont
placés sous le protectorat de la France, comme la
Tunisie il Madagascar. Il protège les Français qui
habitent U l'étranger et leur fait rendre justice au besoin.
En un mot, il maintient les droits et l'honneur de la
France en face du monde entier.
Il a pour l'aider deux sortes d'agents :
1° Des agents politiques, à raison de un auprès de
chaque puissance : on les nomme ambassadeurs, mi-
nistres plénipotentiaires, ou chargés d'affaires, suivant
l'importance de leurs postes ;
2* Des agents commerciaux, qui sont les consuls,
dont la fonction spéciale est de protéger notre com-
merce avec l'étranger et de rendre la justice à nos
nationaux, c'est-à-dire aux Français qui résident
en dehors de la France.

RÉSUMÉ

i. Chaque ministre est chargé d'une partie des


affaires du pays.

1. Les Colonies, les Cultes, les Postes et Télégraphes et les


Beaux-Arts sont tantôt rattachés à un ministère, tantôt a un
autre.
478 NOTIONS D'INSTRUCTION CIVIQUE

2. Les ministères sont les Affaires étrangères ;


: 1°
2° la Guerre; 3° la Marine; 4° l'Intérieur; 5° l'Ins-
truction publique; 6° la Justice; 7° les Travaux
publics ; 8° l'Agriculture ; 9° le Commerce et
l'Industrie ; 10° les Finances; 11° les Colonies;
12° les Cultes; 13° les Postes et Télégraphes;
14° les Beaux-Arts ;
3. Le ministère des Affaires étrangères entretient les
relations de la France avec les autres puis-
sances, 's'occupe des pays placés sous notre
protectorat et protège les Français à l'étranger.
4. Les agents chargés d'aider le ministre des Affaires
étrangères sont : 1° des agents politiques,
ambassadeurs, ministres plénipotentiaires ou
chargés d'affaires.; 2° des agents commerciaux
qui sont les consuls.

Exercices oraux ou écrits.


1. Quels sont les fonctions de chaque ministre ?
2. Citez les principaux ministères ?
3. Quelles sont les fonctions dû-ministre des Affaires étrangères?
4. Quels sont les agents qui aident le ministre des A 11 aires étran-
gères dans son rôle à l'extérieur ?
Sujet de rédaction pour le certificat d'études
Expliquez à l'un de vos parents les fonctions des ministres;
donnez-lui les noms des principaux ministères et faites-lui con-
naître les attributions du ministère des Affaires étrangères.

SIXIÈME LEÇON
MINISTÈRE DE LA GUERRE

Le ministre de la guerre est chargé de re-


cruter l'armée, dé l'instruire, de l'entretenir et de la
faire servir à la défense du territoire et des lois.
MINISTÈRE DE LA GUERRE 479
SERVICE MILITAIRE.
— Tout Français doit le service
militaire pendant vingt-cinq ans, de vingt et un à qua-
rante-six ans, à moins qu'il ne soit exempté pour cause
d'infirmité ou
dispensé comme
soutien de fa-
mille.
Il commence
par servir dans
l'armée active
pendant trois
ans. Il passe en-
suite dans la ré-
serve de l'armée
active,oii il reste
pendant sept
le.rap- Lo ministère de la Guerre, boulevard Saint-
ans; on Germain, a Paris.
pelle deux fois
pendant cette période pour prendre part à des manoeu-
vres chacune d'une durée de vinet-huit jours, afin
de se remettre au courant du
métier militaire. Il fait partie de
l'armée territorialependant six
ans, et alors on ne le rappelle
sous les drapeaux que pour
treize jours tous les deux ou
trois ans. Enfin il est dans la ré-
serve de l'armée territoriale
pendant neuf ans.
La France compte 38 millions
d'habitants, mais l'Allemagne en
a 45 millions. Les Allemands
ont donc le nombre pour eux,
il nous faut y suppléer en appre-
nant tous sans exception le mé-
Soldat d'infanterie de ligne tier do soldat, et en devenant
en tenue de campagne. plus disciplinés, meilleurs mar-
180 NOTIONS D INSTRUCTION CIVIQUE

cheurs, meilleurs tireurs, meilleurs manoeuvriers que


les Allemands. Le salut de la France est à ce prix.
L'ORGANISATION DE L'ARMÉE. — L'armée française
est divisée en dix-neuf corps, répartis sur tout le
territoire et en Algérie,
et commandés chacun
par un général de corps
d'armée. Un corps d'ar-
mée comprend deux
divisions, commandées
par des généraux de
division; et une divi-
sion comprend deux
brigades^ commandées
par des généraux de
brigade.
Dans chaque bri-
Dragon (cavalorio do ligne). gade, il y a de l'infan-
terie, de la cavalerie.
de l'artillerie et du génie.
La brigade se compose de deux régiments; chaque
régiment est commandé par un colonel, assisté d'un
lieutenant-colonel.
Le régiment d'infanterie se divise en bataillons, le ré-
giment de cavalerie en esca-
drons, le régiment d'artillerie
en batteries.
A la tête de chaque batail-
lon d'infanterie est un com-
mandant ou chef de bataillon;
dans la cavalerie et l'artillerie,
le commandant ou chef d'es-
cadron a sous ses ordres deux
escadrons de cavalerie ou trois
batteries d'artillerie. Artillerie (servant a choval.)
Chaque bataillon se subdi-
vise en quatre compagnies et chaque escadron en
MINISTERE DE LA GUERRE 181

quatre pelotons; chaque batterie compte six canons.


La compagnie, l'escadron et la batterie sont
commandés par un capitaine, assisté de trois officiers
du grade de lieutenant ou de sous-lieu
tenant et de sous-officiers que secondent
les caporaux ou brigadiers.
L'armée comprend en outre la gen-
darmerie. Ce corps d'élite sert à la fois
au ministre de l'Intérieur^ pour assurer le
bon ordre et le respect des lois; au mi-
nistre de la Justice, pour arrêter les mal-
faiteurs; et au minisire de la Guerre, pour
saisir les déserteurs, et, en temps de
guerre, les soldats fuyards.
Tout soldat doit l'obéissance pas-
sive à ses supérieurs en tout ce qui con- Gendarme en
cerne le service; il leur doit le respect grande tenue.
en toutes circonstances. Les infractions à
ces deux devoirs sont punies de châtiments terribles,
inscrits dans le code militaire, et qui sont appliqués
par les con-
seils de guer-
re. Sans Une
discipline in-
flexible, il n'y a
pas d'armée
digne de ce
nom.
LE DRAPEAU.
1—
Chaque régi-
ment reçoit d
mains du prési
dent de la Ré-
La brigade du général Lapasset brrilo ses

drapeaux à Metz, pour no pas les laisser aux publique un
Prussiens. drapeau tri-
colore : ce dra-
peau le suit a la guerre et lui représente ïimagelde la
II
182 NOTIONS D INSTRUCTION CIVIQUE

Patrie. Un régiment qui laisse prendre son drapeau


par l'ennemi est déshonoré, à moins que ses hommes
ne se soient fait hacher tous pour le défendre.
Bazaine a livré aux Allemands les drapeaux des ré-
giments, enfermés dans Metz : son
nom sera maudit des Français du-
rant des siècles.
Quand un régiment s'illustre par
un fait de guerre digne de mémoire,
son drapeau est décoré de la
Légion d'honneur.
LA FORCE MILITAIRE DE LA FRANCE.
— La France possède déjà plus d'un
million et demi de soldats suffisam-
ment instruits, avec le nombre né-
cessaire de fusils et de canons. Elle
est en mesure de se faire respecter,
si ses soldats savent se montrer à
la hauteur de leurs ancêtres : les
Lo drapeau roprêsente vainqueurs de Tolbiac, de Bou-
l'imago de la patrie. vincs, d'Orléans, de Bocroy, de
Denain, de Fontenoy, de Valmy,
d'Austerlitz, d\Iena, et de bolférino. Mais 1 héroïsme
de nos troupes au Tonkin et au Dahomey peut nous
rassurer : le sang français n'a pas dégénéré.

RÉSUMÉ

1. Le ministre de la Guerre est chargé de recruter


l'armée, de l'instruire, de l'entretenir.

2. Tout Français doit le service militaire pendant


vingt-cinq ans. Dans deux cas seulement il peut
être exempté de ce service : 1° s'il est infirme,
2° s'il est soutien de famille.
MINISTÈRE DE LA GUERRE 183
3. Un Français sert dans l'armée active pendant trois
ans.
-
4. Dans la réserve de l'armée active pendant sept ans.
5. Dans l'armée territoriale pendant six ans.
6. Dans la réserve de l'armée territoriale pendant
neufans.
7. Notre nation ne compte que 38 millions d'habitants,
ce qui est peu. Nous devons donc suppléer au
nombre par notre habileté et notre discipline/
8. L'armée française ' est divisée en dix-neuf corps,
commandés chacun par un général de corps
d'armée.
9. Un corps d'armée comprend deux divisions et
une division comprend deux brigades ; la bri-
gade comprend deux régiments commandés
chacun par un colonel.
10. Un régiment d'infanterie se divise en bataillons ;
un régiment de cavalerie en escadrons; un
régiment d'artillerie en batteries.
11. A. la tête de chaque bataillon se trouve un chef de
bataillon ; à la tête de deux escadrons ou de trois
batteries se trouve un chef d'escadron.
12. Chaque bataillon se divise en quatre compagnies,
chaque escadron en quatre pelotons, chaque
batterie en six canons.
13. La Gendarmerie est un corps d'élite qui appar-
tient à l'armée; il sert a la l'ois les ministères
de l'Intérieur, de la Justice et de la Guerre.
14. Les devoirs d'un soldat sont l'obéissance passive
184 NOTIONS D'INSTRUCTION CIVIQUE

et le respect. Si un soldat manque à ses devoirs,


Il est traduit devant un Conseil de guerre.
15. Le drapeau est l'image de la patrie. Chaque régi-
ment a le sien.
16. Parfois quand un régiment s'est illustré par
quelque grand fait d'armes ou par un courage
héroïque, son drapeau est décoré de la Légion
d'honneur.
17. La France possède un million et demi de soldats
armés et équipés, ou pouvant être armés et
équipés immédiatement.
Exercices oraux ou écrits.
1. Quelles sont les fonctions du ministre de la Guerre?
2. Pendant combien de temps un Français doit-il le servico mili-
taire? Dans quels cas est-il exempté ?
3. Combien de temps sort-il dans l'armée active ?
4. Combien de temps appartient-il à la réserve de l'armée active?
5. A l'armée territoriale?
6. La réserve de l'armée territoriale?
.7. Quelle est la population de notre nation ?
8. En combien de corps l'armée française est-elle divisée?
9. Que comprend un corps d'armée ?
10. Comment se divisent : un régiment d'infanterie ? — de cava-
lerie? — d'artillerie ?
11. Quel nom porte l'officier placé à la tète d'un bataillon? — d'un
escadron ?
12. En quoi se divise un bataillon, un escadron, uno batterie?
13. Qu'est-ce que la Gendarmerie?
li. Quels sont les devoirs d'un soldat? Qu'arrive-t-il s'il manqueïi
ses devoirs ?
15. Que représente le drapeau ? Tous les régiments en ont-ils un?
10. Dans quel cas décore-t-on un drapeau ?
17. Combien la Franco possèdct-elle de soldats ?
Sujets de rédaction pour le certificat d'études
I. Dites ce que vous savez du servico militaire.
II. Donne/, des détails sur l'organisation de l'armée et dites pour-
quoi sans discipline il n'y a pas d'armée.
III. Le drapeau est l'image do la patrie, dites pourquoi? Parlez
de la force militaire de la France?
MINISTÈRE DE LA MARINE 185

SEPTIEME LEÇON
MINISTÈRE DE LA MARINE. MINISTÈRE
— LES COLONIES. —
DE L'INTÉRIEUR

MINISTÈRE DE LA MARINÉ.
— Le ministre de la
Marine commande à l'armée de mer. Celle-ci se com-
pose de deux sortes de troupes : les marins, l'infan-
terie et l'artillerie de marine.
L'infanterie et l'artillerie de marine se recrutent
comme l'armée de terre. Elles font le service des colot
nies, qui est
pénible, mais
souvent glo-
rieux.
.

Les marins
.
.
se recrutent
principalement
parmi les ins-
erils mariti-
mes: tout
homme né sur
le littoral de la
Ministère de la Marine. — Ce ministère est
mer, ou môme installé au coin droit do la ruo Royale, sa façado
à l'intérieur, principalo regarde la placo do la Concorde.
qui s'engage sur
un bateau de commerce, doit se faire inscrire à la di-
rection du port auquel appartient son bateau; dès lors,
il est à la disposition du ministre de la Marine, de l'âge
de dix-huit ans à celui de cinquante ans. On l'appello
d'abord trois ans sur la flotte de l'État pour lui ap-
prendre le métier; et plus tard, on le rappelle selon les
besoins du service. En revanche, sur ses vieux jours, il
touche une petite pension et, après lui, sa veuve est
également secourue par l'État.
186 NOTIONS DINSTRUCTION CIVIQUE

LES COLONIES. — Les Colonies sont administrées


par le sous-secrétaire d'État des Colonies, sous la haute
direction du ministère auquel les Colonies sont ratta-
chées. Cependant l'Algérie a à sa tête un gouverneur
général, qui dépend du ministre de l'Intérieur.
MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR. — Le ministre de
l'Intérieur nomme les préfets et
les sous-préfets, les secrétaires gé-
néraux et les conseillers de préfec-
lure; il suspend et révoque les mai-
res qui ont manqué à leurs obliga-
tions envers l'État; il soumet à l'ap-
probation du président de la Répu-
blique ou des Chambres les propo-
sitions des conseils municipaux,
quand elles en ont besoin pour de-
venir valables. C'est donc lui qui
exerce la tutelle de l'État vis-à-
vis des départements et des commu-
nes; aussi ce ministère est-il celui
où il se fait le plus de politique
Marin dos équipages proprement dite,
de la flotte. car c'est par lui que
l'État fait sentir sa direction partout.
Le ministre de l'Intérieur a encore dans ses attribu-
tions : la Sûreté générale, c'est-à-dire la haute
police; les Prisons; l'Assistance publique avec
les bureaux de bienfaisance et les hospices et hôpi-
taux. Ainsi l'État n'agit pas seulement, dans ce minis-
tère comme gardien sévère des lois : il est aussi le pro-
tecteur de la sécurité des citoyens, le soutien des pauvres
honnêtes, le refuge des malades et des infirmes.

11ÉSUMÉ

1. Le ministère de la Marine s'occupe de l'armée de


mer. Il exerce le commandement sur elle et
MINISTÈRE DE LA MARINE 187
.

sur les troupes dont elle est formée: marins,


infanterie et artillerie de marine.
2. L'infanterie et l'artillerie de marine se recrutent
comme l'armée de terre et font le service des
colonies. Les marins se recrutent parmi les
inscrits maritimes.
3. On appelle inscrit maritime, tout homme né sur
le littoral de la mer, ou môme à l'intérieur qui
s'engage sur un bateau de commerce et qui s'est
fait inscrire à la direction du port auquel
appartient son bateau. Il sert, comme marin,
pendant trois ans et est à la disposition du
ministre de la Marine, de dix-huit à cinquante
ans.
4. Les Colonies sont administrées par un sous-secré-
taire d'État, sous la haute direction du minis-
tère auquel elles sont attachées.
5. Le ministre de l'Intérieur veille au bon ordre
administratif, à la sûreté du pays. 11 nomme
les préfets, les sous-préfets, les secrétaires
généraux et les conseillers de préfecture.
0. Le ministre de l'Intérieur peut suspendre ou révo-
quer les maires, et il soumet à l'approbation
des Chambres certaines propositions des Con-
seils municipaux.
7. Lo ministère do l'Intérieur a sous sa haute dépen-
dance la Sûreté générale ou haute police, les
Prisons et l'Assistance publique.
Exercices oraux ou éorits.
1. De quoi s'occupe le ministère de la Marine et sur qui exerce-t-
il son commandement?
2. Comment se recrutent l'infanterie et l'artillerie de marine et
les marins?
188 NOTIONS D'INSTRUCTION CIVIQUE

•S, Qu'appelle-t-on inscrit maritime?


4. Par qui sont administrées les Colonies ?
5, Quelles sont les fonctions du ministre de l'Intérieur? Quelles
nominations fait-il ?
0, Quel est lo rôle du roinistro de l'Intérieur vis-à-vis des maires et
dos conseils municipaux?
7. Quels sont les services qui dépendent du ministèro de l'Inté-
rieur?
Sujets de rédaction pour le certificat d'études
I. Parlez de l'armée do mer, de son recrutement; do l'insc.jp-
tion maritime.
II. Sur qui et comment le ministre de l'Intérieur exerce-t-il la
tutelle do l'État?
III. Expliquez pourquoi le ministère do l'Intérieur est le protec-
teur de la sécurité des citoyens, le soutien des pauvres honnêtes,
le refuge des malades et des infirmes.

HUITIÈME LEÇON
MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES BEAUX-ARTS
ADMINISTRATION DES CULTES

Le ministère de l'Instruction Publique


veille à ce que tous les Français reçoivent l'instruction,
sans laquelle on ne peut être ni un citoyen utile ni
une mère de famille éclairée et capable : c'est là l'ins-
truction primaire. // offre aussi aux plus intelligents
une instruction plus élevée qu'on appelle l'enseigne-
ment secondaire et l'enseignement supérieur.
ENSEIGNEMENT PRIMAIRE.
— Tout Français est
obligé d'aller à l'école, de six à treize ans, pour
.y apprendre la lecture, l'écriture, le calcul, les éléments
de l'histoire de France, de la géographie, d< sciences
>
physiques et naturelles, du droit usuel et de l'économie
politique, etpouryrecevoirl'instructionmoraleetcivique.
Les délégués cantonaux sont généralement
des pères de famille choisis par le Gouvernement pour
veiller à ce que tous les enfants reçoivent l'instruction
primaire.
Tout élève avant de sortir de l'école peut se présenter
MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE 189

a l'examen du certificat d'études primaires et recevoir


un diplomo attestant qu'il a convenablement satisfait
a cet examen.
L'instruction étant obligatoire, il a fallu la mettre
à la portée de tous : chaque commune a donc été as-
treinte a se procurer une maison d'école au moins, avec
l'aide de l'Etat qui fait la plus grande partie des frais
dans les communes pauvres. Il y a aussi une école dans
les hameaux qui
sont à plus de
trois kilomètres
du chef-lieu de la
commune. Il y a
80000 écoles pri-
maires en Fran-
ce :1a République
en moins de 8 ans
en a bâti ou re-
fait a neuf plus
de 30000. C'est
Tout élôvo avant de sortir do l'école devrait se
grâce à elle que présenter aux examens du certificat d'études.
tous les enfants
de la France ont des écoles à leur disposition.
L'enseignement primaire est gratuit : de cette façon,
sur les bancs de l'école il n'y a ni pauvres ni riches;
les enfants de la France sont tous égaux dans la
maison d'école. La plupart des communes ont deux
écoles, une pour les filles et une pour les garçons.
Beaucoup ont, en outre, une école maternelle, qui reçoit
les enfants de trois à six ans. Enfin un nombre de plus
en plus grand de communes entretiennent un cours pri-
maire supérieur ou une école primaire supé-
rieure pour donner aux élèves les plus intelligents
une instruction plus élevée, qui leur permet souvent
d'arriver à dos positions meilleures, mais qui a surtout
pour objet de leur ouvrir l'esprit et de leur inspirer le
goût désintéressé du savoir.
il.
490 NOTIONS D'INSTRUCTION CIVIQUE

L'enseignement primairo est donné par les institu-


teurs, qui sont nommés par les préfets.
ENSEIGNEMENT SECONDAIRE. — L'enseignement
secondaire classique a pour but do former ceux
qui doivent pousser leur instruction au delà du strict
nécessaire, il dure jusqu'à l'âge de 18 ans environ ot se
termine par un examen appelé baccalauréat. Pour
passer cet examen et obtenir lo baccalauréat, il faut
connaître à fond
les matières de
l'enseignement
primaire et, en
outre, une ou
deux langues an-
ciennes (latin et
grec), une langue
vivante (alle-
mand, anglais,
italien ou espa-
gnol), l'histoire
Kxamen du doctorat es sciences. de tous les
temps, la géomé-
trie, l'algèbre, les éléments de la philosophie, etc.
On peut toutefois, en suivant les cours de l'enseigne-
ment secondaire moderne, remplacer les langues
anciennes en apprenant deux langues vivantes à la
fois. L'enseignement secondaire est donné dans Une
centaine de lycées et environ deux cent cinquante
collèges, par les professeurs de l'État munis de di-
plômes élevés qu'on appelle licence, agrégation, doc-
torat.
ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR.
— L'enseignement su-
périeur se donne dans les facultés par des professeurs
qui ont tous le grade de docteur. Il y a diverses caté-
gories de facultés : facultés des lettres, des sciences,
de droit et de médecine. Elles ont pour but de fournir
des professeurs, des avocats, des médecins; mais sur-
MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUDLIQUE 191

tout elles travaillent à recruter des savants, qui, dans


les laboratoires, dans les bibliothèques, dans les hôpi-
taux, feront avancer la science, pour le plus grand profit
de l'humanité et la plus grande gloire do la France,
Ce sont les professeurs do facultés qui décernent après
examen les diplômes universitaires de bachelier, licen-
cié, agrégé et
docteur.
ENSEIGNEMENT
SECONDAIRE DES
JEUNES FILLES.
— Jusqu'à ces
dernières an-
nées, l'État ne
s'était pas oc-
cupé do donner
aux jeunes fil-
les une instruc-
tion plus élevée
que l'enseigne- La Sorbonne. - C'est à la Sorbonne que
ment primaire. se trouvent les facultés des sciences, des
Gependantelles lettres et de théologie; l'École des Hautes
sont en général études, etc. Le vice-recteur do l'académie do
Paris habite la Sorbonne.
aussiintelligen-
tes que les garçons, et d'ailleurs, il est très nécessaire,
pour qu'un jour, devenues mères de famille elles diri-
gent les éludes de leurs enfants, qu'elles aient des
notions de tout. La République, dans cette pensée, a
créé des lycées et des collèges de jeunes filles,
avant peu d'années, l'enseignement secondaire des
jeunes filles sera l'égal en son genre de celui des
garçons.
Les trois enseignements, primaire, secondaire et
supérieur, constituent l'Université.
— En outre, le Gouver-
ÉCOLES DU GOUVERNEMENT.
nement entrelient des écoles spéciales : ainsi l'École
normale supérieure, qui forme des professeurs pour
i92 NOTIONS D'INSTRUCTION CIVIQUE

les lycées et les facultés; l'École polytechnique,


qui, complétée par l'École des ponts et chaus-
sées, l'École des Mines et l'Ecole d'applica-
tion de l'artillerie et du génie de Fontaine-
bleau, forme des ingénieurs civils et militaires et des
officiers d'artillerie, l'École navale qui forme les
officiers de marine; l'École forestière, qui forme les
conservateurs, inspecteurs et gardes
généraux des Eaux et Forêts chargés
de veiller à l'exploitation des bois
de l'État et des communes, au re-
boisement des montagnes dénu-
dées, etc., etc., l'École militaire
de Saint-Cyr, qui forme les of-
ficiers de l'infanterie et de la cava-
lerie, etc.
BOURSES.
— Les enfants laborieux
et intelligents dont les parents ont
peu de ressources, peuvent obtenir
de l'État, après concours, une
bourse, c'est-à-dire une place
gratuite dans une école primaire
Élève de l'Ecole supérieure, dans une école profes-
polytechnique. — sionnelle, bien
C'est à la suito d'un ou encore dans un
concours très difficile collège ou un lycée et plus tard
qu'on est admis à l'école. dans faculté école supé-
La durée des études est une ou une
de trois ans. rieure. Il existe ainsi plus de 25 000
jeunes gens dont l'instruction et
l entretien sont aux Irais de rhtat. Bien entendu, si
leur travail et leur conduite cessaient d'être exem-
plaires, ils seraient privés de leur bourse. Aussi la plu-
part sont-ils des élèves excellents et deviennent plus tard
distingués, soit comme professeurs, ingénieurs, officiers,
fonctionnaires, soit comme contremaîtres, chefs de
commerce ou d'industrie. Ainsi tous les talents nais-
sants sont mis au jour et cultivés, de façon à profiter
à la France.
MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE 193

Il existe, pour les jeunes filles aussi bien que pour les
garçons, des bourses d'enseignement primaire supérieur
et d'enseignement secondaire.
ADMINISTRATION DES BEAUX-ARTS. — Cette adminis-
tration a à sa charge le soin de conserver nos musées,
nos monuments;
elle encou-
rage les ar-
tistes en ache-
tant les sculptu-
resetles tableaux
qui le méritent
et en subvention-
nant certains
théâtres. L'É-
cole des
Beaux-Arts
qui forme des ar-
chitectes, des Élèves de l'École militaire de Saint-
peintres, des Cyr. — Les élèves se recrutent au concours ils
sculpteurs, des sont destinés ou à l'infanterie ou a la cavalerie.
graveurs; le
Conservatoire de musique et de déclamation
qui forme des musiciens et des acteurs dépendent du
ministère des Beaux-Arts.
ADMINISTRATION DES CULTES.
— Le ministre des Cultes
a sous son contrôle les divers cultes subventionnés par
l'État : catholique, protestant, israélite et musulman;
ce dernier toutefois n'est subventionné qu'en Algérie.
L'administration des Cultes est rattachée tantôt au mi-
nistère de l'Instruction publique, tantôt au ministère de
la Justice.
RÉSUMÉ.
1. Le ministère de l'Instruction publique a pour
mission de faire donner au moins l'instruction
primaire à tous les citoyens.
194 NOTIONS D'INSTRUCTION CIVIQUE

S. Il y a trois ordres d'enseignement : i° l'enseigne-


ment primaire, élémentaire et supérieur ;
2° l'enseignement secondaire et 3° l'enseigne-
ment supérieur.
3. L'instruction primaire est obligatoire, c'est-à-dire
que tout enfant français est obligé d'aller à
l'école, depuis l'âge de six ans jusqu'à l'Age de
treize ans.
4. Les délégués cantonaux' sont des pores de famille
qui ont pour mission de veiller à ce que tous les
enfants reçoivent l'instruction primaire.
5. Le certificat d'études primaires est accordé aux
bons élèves qui, ayant été appliqués et assidus
pendant plusieurs années, ont subi avec succès
les épreuves d'un examen.
6. Toute commune a une école, parce que l'instruc-
tion primaire est obligatoire et nul ne doit
pouvoir s'excuser de son ignorance en disant
qu'on ne lui a pas donné les moyens de s'ins-
truire.'
7. Le Gouvernement de la République a donné à la
France plus de 30 000 écoles, en huit ans. Il y
a, en France, au total 80 000 écoles.
8. L'enseignement primaire est entièrement gratuit,
ce qui rend tous les écoliers vraiment égaux et
vraiment frères.
9. Les écoles maternelles sont fondées pour les petits
enfants de trois à sept ans.
MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE 195
10. Les écoles primaires supérieures donnent un
enseignement plus complet que celui des
écoles élémentaires ; elles ont surtout pour
objet de donner aux élèves le goût désintéressé
du savoir.
11. L'enseignement primaire élémentaire et primaire
supérieur est donné par les instituteurs et
les institutrices.
12. L'enseignement secondaire classique procure une
instruction très étendue et qui n'est pas indis-
pensable. 11 se distingue surtout de l'enseigne-
ment primaire supérieur en ce qu'il fait con-
naître les éléments du latin, du grec et de la
philosophie.
13. L'enseignement secondaire moderne se distingue
surtout de l'enseignement secondaire classique
en ce qu'il remplace l'étude des langues an-
ciennes par celle plus approfondie des langues
modernes : anglais, allemand, etc., etc.
14. L'enseignement secondaire classique et l'ensei-
gnement secondaire moderne sont donnés dans
les lycées et collèges.
io. Les élèves qui ont achevé leurs éludes dans les
lycées et collèges peuvent se présenter à un
examen appelé baccalauréat. Les professeurs
qui enseignent dans les lycées et collèges ont
des diplômes élevés qu'on nomme licence, agré-
gation, doctorat.
16. L'enseignement supérieur est donné dans les fa-
cultés par des professeurs ayant tous le grade
de docteur.
190 NOTIONS D'INSTRUCTION CIVIQUE

17. Il y a quatre catégories do facultés qui sont : les


facultés des Lettres, des Sciences, de Droit et
de Médecine. Elles ont pour but de former des
savants de tout ordre, des professeurs, des
avocats, des médecins.
18. L'enseignement secondaire des jeunes filles est
donné dans les lycées et collèges fondés pour
elles depuis plusieurs années et où elles sont
instruites [par des daines professeurs munies
de diplômes spéciaux et quelquefois par des
professeurs des lycées de garçons.
19. On appelle Université l'ensemble des trois ensei-
gnements primaire, secondaire et supérieur.
20. Les écoles spéciales entretenues par le Gouverne-
ment, sont celles où l'on prépare les jeunes
gens à des carrières diverses. Les principales
sont l'École Normale supérieure qui forme des
professeurs, l'École Polytechnique qui forme
des ingénieurs, des officiers d'artillerie-, du
génie, l'École de Saint-Cyr qui forme des offi-
ciers d'infanterie et de cavalerie, etc., etc..
21. L'État donne à certains jeunes gens l'instruction
supérieure gratuite lorsque ceux-ci sont des
élèves laborieux et intelligents, mais qui, faute
de ressources, devraient renoncer à poursuivre
leurs études. Ils passent alors un concours et
ceux qui sont admis reçoivent une bourse, c'est-
à-dire une place gratuite dans une école, un
lycée, une faculté, une école spéciale. »

22. L'administration des Beaux-Arts est chargée du


soin de conserver et d'enrichir les collections
MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE 197
d'oeuvres de peinture, do sculpture, do dessin
en tout genre contenues dans les musées
nationaux. Elle veille à l'entretien des monu-
ments, subventionne certains théâtres et encou-
rage les artistes. L'école des Beaux-Arts et
le Conservatoire de musique et de déclamation
dépendent du ministère des Beaux-Arts.
23. Le ministre des Cultes exerce son contrôle et son
autorité sur les cultes subventionnés par l'État.
Ce sont les cultes catholique, protestant, israé-
lite et musulman.
Exercices oraux ou écrits.
i. Quelle est la mission du ministère de l'Instruction publique ?
2. Combien y a-t-il d'ordres d'enseignement?
3. Qu'entend-on quand on dit que l'instruction primaire est obli-
gatoire ?
4. Qu'appelle-t-on délégués cantonaux?
5. A qui est accordé le certificat d'études primaires ?
6. Pourquoi toute commune doit-elle avoir une écolo ?
7. Combien le gouvernement de la République a-t-il donné d'écoles
à la France et combien en avons-nous en tout ?
8. L'enseignement primaire est-il gratuit?
9. A qui sont destinées les écoles maternelles ?
10. Quel est le but des écoles primaires supérieures ?
il. Par qui est donné l'enseignement primaire élémentaire et pri-
maire supérieur ?
12. Quel genre d'instruction donne l'enseignement secondaire clas-
sique ?
13. Comment l'enseignement secondaire moderne se distingue-t-il
de l'enseignement secondaire classique ?
14. Où sont donnés l'enseignement secondaire classique et l'ensei-
gnement secondaire moderne?
15. Quels sont les diplômes qu'ont les élèves et les maîtres de l'en-
seignement secondaire ?
16. Où et par qui est donné l'enseignement supérieur ?
17. Combien y a-t-il de catégories de facultés ? Quel est leur but ?
18. Où est donné l'enseignement secondaire des jeunes filles ?
19. Qu'appelle-t-on Université?
'20. A quoi servent les écoles spéciales? Citez les principales ?
21. Dans quel cas l'Etat donne-t-il l'instruction secondaire ou supé-
rieure gratuite ? Qu'est-ce qu'une bourse ?
198 NOTIONS D'INSTRUCTION CIVIQUE

22. De quels soins ost chargée l'administration dos Beaux-Arts !


33. Quel est le rôle du Ministre des Cultes?
Sujets de rédaction pour le certificat d'études
I. Dites quel est le rôle du ministère de l'Instruction publique et
ce que vous savez de l'organisation de l'enseignement primaire. —
II. Expliquez l'organisation et lo but de l'enseignement secon-
daire, classique et moderne; do l'enseignement supérieur et de l'en-
seignement secondaire dos jeunes filles.
III. Énumérez les grandes écoles du gouvernement et dites ce
que vous savez des bourses de l'État, de l'administration des
Beaux-arts et do l'administration des Cultes.

NEUVIÈME LEÇON
MINISTÈRE DE LA JUSTICE
Le ministre de la Justice, qu'on appelle en-
core Garde des Sceaux, veille à ce que la justice soit
partout rendue.
LES TRIBUNAUX.— Les tribunaux sont chargés de ren-
dre la justice. Il
y en a de trois
sortes :
i° Les tribu-
naux crimi-
nels chargés de
juger les contra-
ventions aux
lois, qui regar-
dent les tribu-
naux de simple
police ou juges
Les tribunaux correctionnels jugent les délits
comme les coups et blessures, les vols, les es-
de paix; les dé-
croqueries, etc. lits qui sont jugés
par les tribunaux
correctionnels ; et les crimes, qui appartiennent à la
Cour d'assises;
2° Les tribunaux civils qui jugent les contesta-
lions entre particuliers ; c'est d'abord le juge de paix
du canton, qui a pour mission d'arranger les choses à
MINISTÈRE DE LA JUSTICE 199
l'amiable et d'empêcher des procès toujours longs et
coûteux; puis lo tribunal de première instance;
3° Les tribunaux de commerce, qui jugent les
difficultés survenues entre commerçants.
LES COURS D'APPEL. — Celui qui est mécontent d'un
jugement porté dans une affaire le concernant, peut le
faire juger à nouveau par un tribunal supérieur, qu'on
nomme la Cour d'appel : il y a en France 20 Cours
d appel. Toute-
fois on ne peut
pas appeler des
arrêts de la Cour
d'assises.
LA COUR DE CAS-
SATION. —Enfin,
on peut encore
déférer un juge-
ment à la Cour
de cassation,
qui est chargée
de maintenir les La cour do cassation maintient les tribunaux
tribunaux dans dans la plus scrupuleuse obsorvation do la loi.
une scrupuleuse
observation de la loi.
L'INDÉPENDANCE DES JUGES.
— Les juges, pour
être impartiaux, doivent être indépendants
de tout le monde. Aussi le ministre de la Justice n'a
pas le droit de les révoquer ni de les frapper; ils sont
inamovibles. Ils ne peuvent être punis, s'ils font une
faute, que par la Cour de cassation, c'est-à-dire par des
magistrats tout à fait indépendants. Quand le ministre
de la Justice croit qu'il y a lieu de poursuivre une per-
sonne, il s'adresse à des magistrats spéciaux, qu'il nomme
et révoque à sa volonté : procureurs généraux, procu-
reurs de la Bépublique et substituts, qui font juger
l'accusé, et qui plaident contre lui au nom de la loi.
Mais après cela les juges prononcent l'arrêt qu'ils croient
200 NOTIONS D'INSTRUCTION CIVIQUE

devoir prononcer : ils n'en doivent compte qu'a leur


conscience.
LE JURY. — Le tribunal chargé de juger les crimes :
la Cour d'assises,
qui peut prononcer des
peines allant jusqu'aux
travaux forcés a perpé-
tuité et à la mort, n'est
pas composée seulement
de magistrats. Elle com-
prend d'abord un jury,
composé de 12 citoyens
tirés au sort sur une liste
de gens de bonne répu-
tation : le jury est chargé
Procureur de la République, de dire si l'accusé est cou-
pable ou non du crime
qui lui est imputé. Les trois juges viennent ensuite et
appliquent la loi, s'il y a lieu. Ainsi, en Cour d'assises,
on est jugé par de simples citoyens : c'est ce qu'on ap-
pelle être jugé par sef. pairs*

RÉSUMÉ

i. Le ministre de la Justice veille à ce que la justice


soit partout rendue. On l'appelle aussi Garde
des Sceaux.
2. Il y a trois sortes de tribunaux : les tribunaux
criminels, les tribunaux civils et les tribunaux
de commerce.
3. Les tribunaux criminels sont de trois sortes : le
tribunal de simple police qui juge les contra-
ventions ; le tribunal correctionnel qui juge les
délits ; la Cour d'assises qui juge les crimes.
MINISTÈRE DE LA JUSTICE 201

4. Les tribunaux civilsjugent les contestations entre


particuliers etles tribunaux de commerce jugent
celles qui surviennent entre les commerçants.
5. La Cour d'appel est un tribunal supérieur qui
juge une seconde fois les causes lorsque l'une
des deux parties est mécontente du jugement
en première instance.
6. 11 y a en France 26 Cours d'appel.

7. La Cour de cassation est chargée de maintenir les


tribunaux dans une stricte observation de la loi.
8. On a rendu les juges indépendants en les rendant
inamovibles, ce qui leur permet de juger les
causes avec plus d'équité puisqu'ils n'ont ja-
mais à craindre d'être révoqués.
9. Ceux qui sont chargés de découvrir les coupables
et de les livrer à la justice sont les procureurs
généraux, procureurs de la République et subs-
tituts, nommés par le ministre de la Justice
qui peut aussi les révoquer.
10. Le Jury est une assemblée formée de douze hon-
nêtes citoyens dont les noms sont tirés au sort.
Ils doivent déclarer, devant la Cour d'assises, si
les accusés qu'on leur présente sont coupables
ou non.
11. La Cour d'assises peut prononcer des peines
allant jusqu'aux travaux forcés et à la mort.
12. En Cour d'assises, c'est le jury qui juge et ce sont
les juges qui appliquent la loi.
Exercices oraux ou écrits.
1. Quelle est la fonction du ministre de la Justice ? Quel nom lui
donne-t-on aussi ?
202 NOTIONS D INSTRUCTION CIVIQUE

2. Combien y a-t-il de sortes de tribunaux ?


3. Combien y a-t-il de sortes de tribunaux criminels ? Quelles sont
les attributions de chacun ?
4. Que jugent les tribunaux civils et les tribunaux de commerce ?
5. Quel est lé rôle de la Cour d'appel?
6. Combien y a-t-il en France de Cours d'appel ?
7. De quoi la Cour de cassation est-elle chargée?
8. Par quel moyen a-t-on rendu les juges indépendants et pour-
quoi faut-il qu'ils le soient ?
9. Quels sont les magistrats chargés de découvrir les coupables et
de les livrer à la justice ? Par qui sont-ils nommés?
10. Qu'est-ce que le Jury?
il. Los peines que prononce la Cour d'assises sont-elles graves?
12. Qui est-ce qui juge, en Cour d'assises ?
Sujet de rédaction pour le certificat d'études
Expliquez à une personne qui l'ignore, l'organisation de la justice
en France; les tribunaux, les cours d'appel, la Cour de cassation,
les magistrats du parquet, le jury.

DIXIÈME LEÇON
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS.
— MINISTÈRE DE L'AGRI-
CULTURE. — MINISTÈRE DU COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE.—
ADMINISTRATION DES POSTES ET TÉLÉGRAPHES.
.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS. — Le ministère
des Travaux publics construit et entretiennes voies
de communication: routes nationales, ponts, canaux,
chemins de ter;
il dirige les tra-
vaux de cons-
truction des
porls, il surveille
l'exploitation
des mines et des
voies ferrées.
Dans chaque
département, il
y a un ingé-
nieur des
Les ingénieurs des Ponts et Chaussées sont Ponts et
chargés do la préparation ut do l'exécution
des travaux. Chaussées,
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS 203
chargé des voies de communication; il a sous ses ordres
des conducteurs des Ponts et Chaussées et des
agents voyers ; ces derniers sont spécialement affec-
tés aux routes départementales et aux chemins vicinaux.
MINISTÈRE DE L'AGRICULTURE.
— Ce ministère com-
prend d'abord l'administration de l'Agriculture pro-
prement dite, qui organise les concours régionaux, ré-
compense les cultivateurs et éleveurs qui ont fait faire
des progrès à leur art, et répand les découvertes scien-
tifiques utiles par le moyen de ïInstitut agronomique,
et des écoles d'agriculture. Puis vient l'administration
des Forêts, qui, par ses conservateurs, inspecteurs,
gardes géné-
raux et gardes
forestiers,
veille à l'ex-
ploitation des
bois de l'État
et des commu-
nes^ reboise les
montagnes dé-
nudées, etc.
MINISTÈRE DU
COMMERCE ET DE
L'INDUSTRIE. —
Leministre deChaque commune importante a un bureau
du Com- postes et télégraphes.

merce et de l'Industrie est chargé des intérêts


commerciaux et industriels; il organise les expositions
nationales et internationales, il crée et dirige les écoles
d'apprentissage et les écoles d'études commerciales,
destinées à fournir des contremaîtres et des commis
intelligents à nos manufacturiers et à nos négo-
ciants, etc. Il communique avec les Chambres de
commerce formées dans chaque département par
les négociants les plus rccommandables, et qui lui
exposent les voeux et les besoins de leur région.
204 NOTIONS D'INSTRUCTION CIVIQUE

ADMINISTRATION DES POSTES ET TÉLÉGRAPHES. —L'ad-


ministration des Postes et Télégraphes, à la tête de la-
quelle est placé un Directeur général, dépend du minis-
tère du Commerce et de l'Industrie. Ce service établit
et entretient les communications postales et télégraphi-
ques. A cet eflet, dans chaque département, il y a un
directeur des Postes et Télégraphes ; dans
chaque commune importante, il y a un bureau, avec
un receveur ou une receveuse, autour de ce bu-
reau rayonnent des facteurs qui vont porter les lettres
et les dépêches à domicile, et qui recueillent les lettres
dans les boites. La même administration entretient des
services de bateaux et des câbles télégraphiques pour
communiquer avec les pays d'outre-mer.

RÉSUMÉ

1. Le ministère des Travaux publics fait construire


et entretenir les voies de communication. Il
nomme les ingénieurs chargés dans les dépar-
tements d'sssurer ce service.
2. Les ingénieurs des Ponts et Chaussées ont sous
leurs ordres des conducteurs des. Ponts et
Chaussées. Les agents voyers ont pour fonction
d'entretenir les routes départementales et les
chemins vicinaux.
3. Le ministère de l'Agriculture protège et favorise
les travaux agricoles et les agriculteurs.
4. La principale institution due au ministère de
l'Agriculture est celle des Concours régionaux,
où les cultivateurs et les éleveurs de bétail
exposent leurs plus beaux produits. Des récom-
penses sont décern/ ** aux plus méritants.
MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS 205
5. Les bonnes connaissances agricoles se répandent
par l'office de l'Institut agronomique où sont
faits des cours sur la science agricole; et parles
écoles d'agriculture fondées dans les dépar-
tements.
6. L'administration des Eaux et Forêts veille, comme
son nom l'indique, sur les étangs, les forêts, les
bois qui sont la propriété de l'État.
7. Le ministre du Commerce et de l'Industrie s'oc-
cupe des intérêts du Commerce et de l'Industrie.
11 organise les Expositions, crée des écoles
professionnelles, commerciales ou d'appren-
tissage.
8. Les Chambres de commerce sont des réunions de
commerçants notables qui étudient les ques-
tions commerciales propres à la région où ils
habitent et qui communiquent leurs observa-
tions au ministre du Commerce et de l'Indus-
trie. Il y a une Chambre de commerce dans
toutes les grandes villes.
9. L'administration des Postes et Télégraphes s'oc-
cupe d'assurer les communications entre toutes
les villes, villages et hameaux de la France et
de l'étranger.
10. Toutes les villes et les communes de quelque
importance ont un bureau de poste et télé-
graphe, à la tête duquel est placé un receveur
ou une receveuse.
11. Le service à domicile des lettres et des dépêches •
télégraphiques est fait par des facteurs.
12
206 NOTIONS D'INSTRUCTION CIVIQUE

12. Dans chaque département, il y a un directeur


des Postes et Télégraphes qui dirige et com-
mande le service de ce département.
13. Les communications postales par bateaux et
câbles sous-marins sont organisées par l'ad-
ministration des Postes et Télégraphes.
Exercices oraux ou écrits.
1. Quelles sont les fonctions du ministère des Travaux Publics ?
2. Quels sont les fonctionnaires que les ingénieurs ont sous leurs
ordres ?
3. Que fait le "ministère de l'Agriculture?
A. Quelle est la principale institution due au ministère de l'Agri-
culture ?
5. Comment se répandent les bonnes connaissances agricoles ?
6. Quel est le rôle de l'administration des Eaux et Forêts?
7. De quoi s'occupe le ministre du Commerce et de l'Industrie?
8. Qu'appelle-t-on Chambres de commerce?
9. Quelles sont les fonctions de l'administration des Postes et Télé-
graphes?
10. Toutes les villes ont-elles un bureau de poste et télégraphe ?
11. Par qui est fait le service des postes à domicile?
12. Qui dirige ce service dans chaque département?
13. De qui dépend le service postal par bateaux et câbles sous-
marins ?
Sujets de rédaction pour le certificat d'études
I. Dites quelles sont ict attributions du ministère des Travaux
publics.
II. Parlez du ministère de l'Agriculture, de son rôle et des ser-
vices qui en dépendent.
III. Expliquez l'utilité du minisrère du Commerce et de l'Indus-
trie et de l'Administration des Postes et Télégraphes.

ONZIÈME LEÇON
MINISTÈRE DES FINANCES
MINISTÈRE DES FINANCES.
— Le ministre des Finan-
ces tient les comptes de la France. C'est lui qui
dresse le budget ei qui le présente aux Chambres. Il est
chargé de faire rentrer les impôts. Il a mission enfin de
veiller à ce que l'État puisse toujours faire face à ses
engagements, et ait toujours à point nommé, en chaque
MINISTPRE DES FINANCES 207

lieu du territoire où il le faut, l'argent nécessaire


pour payer chacun de ses créanciers, fonctionnaires,
rentiers, entrepreneurs, etc., dès qu'ils se présentent
au guichet.
LES IMPOTS. — Les ressources de l'État sont de
trois sortes ' :
1° Les revenus et bénéfices que l'État tire de son
domaine, par exemple de ses forêts, et des industries
qu'il exerce : le
transport des let-
tres et dépêches,
la fabrication et
la vente du ta-
bac, de la pou-
dre, etc.
2° Les con-
tributions di-
rectes qui sont
au nombre de
quatre ; la con-
tribution fon- Les inspecteurs des Finances sont chargés de
cière, que payent vérifier les comptes des agents des Finances.
les propriétaires
des terres; la. patente que payent les commerçants;
la taxe des portes et fenêtres, qui est prélevée sur
les propriétaires des maisons d'habitation ; la cote per-
sonnelle et mobilière, que chacun acquitte en propor-
tion de son loyer.
La cote foncière, qui est de cent soixante-dix mil-
lions environ, est répartie par les Chambres entre les
départements; dans chaque département, le Conseil gé-
néral la répartit entre les cantons; dans chaque canton,
le Conseil d'arrondissement la répartit à son tour entre
les communes; dans chaque commune enfin, il y a des

Voir Notions de Droit usuel, de Droit commercial et d'Eco-


1.
nomie politique, par REVERDY et BURDEAU, p. 78-80.
208 NOTIONS D'INSTRUCTION CIVIQUE

citoyens choisis exprès pour faire la répartition entre


tous les propriétaires d'après l'étendue et la valeur de
leurs biens.
Les trois autres contributions directes sont réparties
d'une façon analogue.
Chaque contribuable est averti d'avance de la somme.
pour laquelle il est taxé : on lui envoie un bordereau,
et il a le droit de
réclamer.
Les contribu-
tions directes
doivent être ac-
quittées, chaque
mois, chez le
percepteur,
qui est générale-
ment au chef-
lieu de canton.
3° Les contri-
Les fraudeurs et les contrebandiers, en pri-
vant le Trésor des droits de douano, volent leurs
butions indi-
concitoyens. rectes se parta-
gent en deux es-
pèces : les unes sont des impôts sur les capitaux,
ainsi les droits d'enregistrement et de timbre, qu'on
paye chaque fois qu'on vend une propriété, ou qu'on
l'hypothèque, ou qu'on hérite ; ainsi encore le droit de
1

3 0/0 sur le revenu des valeurs mobilières (obligations


de chemins de fer, actions, etc.).
Les autres sont des impôts de consommation : on les
paye sans s'en apercevoir, en achetant de la viande, du
sucre, du pain môme, et de mille autres façons. Ces
impôts fournissent la moitié environ des revenus de
l'État, à peu près un milliard et demi.
Les revenus de l'État sont recueillis, dans chaque

1. Consulter Notions de Droit usuel, de Droit commercial et


d'Économie politique, par RKVKRDY et BURDEAU.
MINISTÈRE DES FINANCES 209
département, par un trésorier payeur général,
qui est chargé de s'en servir aussitôt pour payer les
créanciers de l'État.
LE CONTRÔLE DES FINANCES. — Lescomptes des agents
des finances sont contrôlés de temps en temps par des
inspecteurs. Ils sont aussi vérifiés chaque année, à
Paris, par la Cour des Comptes.
LE DEVOIR DE PAYER L'IMPÔT. — Quoique les impôts
forment une somme énorme, trois milliards par an, les
contribuables français les acquittent très régulièrement,
ils sont même généralement en avance pour les contri-
butions directes. D'un autre côté, le contrôle des recettes
et des dépenses est si bien organisé qu'il est presque
impossible de voler un sou des deniers de l'État.
Ceux qui essayent de se soustraire aux impôts sont
appelés fraudeurs; ainsi ceux qui font la contrebande
en grand ou en petit, en faisant passer des ballots de
tabac sans les déclarer à la douane, ou en faisant passer
Une livre de beurre sans la déclarer à l'octroi volent
tout le monde : car, comme il faut bien que l'État
se procure toujours ses trois milliards d'impôts, ce que
l'un ne paye pas retombe à charge aux autres.

RESUME

1. Le ministre des Finances tient les comptes de la


France, dresse le budget, le présente aux
Chambres, fait rentrer les impôts et fait les
paiements nécessaires à tous ceux que l'État
fait travailler.
2. Les ressources de l'État sont : 1° les revenus et
bénéfices de ses domaines et de ses industries;
2° les contributions directes ; 3° les contribu-
tions indirectes.
12.
210 NOTIONS D'INSTRUCTION CIVIQUE

3. Les revenus et bénéfices des domaines et indus-


tries sont les sommes rapportées par la vente
du bois des forêts, de la poudre, du tabac, etc.

4. Les contributions directes sont : la contribution


foncière, la patente, la taxe des portes et fenê-
tres, la cote personnelle et mobilière.
5. Quand on doit payer les impôts, on reçoit un
bordereau qui indique le montant de la somme
qu'on doit verser.
6. C'est chez le percepteur qu'on acquitte le mon-
tant des impôts. On peut le payer par fractions,
un douzième chaque mois.
7. Les contributions indirectes comprennent les im-
pôts sur les capitaux, le revenu de l'enregis-
trement et du timbre, l'impôt sur les valeurs
mobilières et enfin les impôts sur les articles
de consommation journalière.

8. C'est le trésorier payeur général qui, dans chaque


département recueille les revenus de l'État.
9. Pour contrôler les comptes des agents des finances,
l'État a créé des Inspecteurs des finances.

10. La Cour des Comptes est un conseil qui vérifie les


écritures de tous les agents des finances.
11. Nous avons le devoir de payer les impôts sans
lesquels la France serait pauvre et ne pourrait
plus rien faire pour le bien-être des citoyens,
la sécurité et la grandeur du pays.
LA FRATERNITÉ HUMAINE 211

12. Ceux qui essayent de se soustraire aux impôts


sont les ' fraudeurs et les contrebandiers. Ce
sont de véritables voleurs que la loi punit
sévèrement.
Exercices oraux ou écrits.
1. Quelles sont les occupations du ministre des Finances ?
2. Quelles sont les ressources de l'Etat?
3. De quoi se composent les revenus des domaines et industries
de l'État ?
4. Quelles sont les contributions directes?
5. Quand doit-on payer les impôts ?
6. Chez qui acquitte-t-on les impôts ? Comment doit-on les payer?
7. Que comprennent les contributions indirectes ?
8. Quel est le fonctionnaire qui recueille les revenus de l'Etat
dans chaque département ?
9. Quels sont ceux qui contrôlent les comptes des agents des fi-
nances ?
10. Qu'est-ce que la Cour des Comptes ?
11. Pourquoi devons-nous payer l'impôt ?
12. Comment doit-onjuger ceux qui veulent se soustraire aux impôts?
Sujet de rédaction pour le certificat d'études
Expliquez quelles sont les ressources de l'État. Parlez des contri-
butions directes et indirectes, du contrôle des finances et du rôle de
la Cour des Comptes. Faites comprendre pourquoi en volant l'État,
les fraudeurs volent tout le monde.

DOUZIÈME LEÇON
LA FRATERNITÉ HUMAINE
Mes cnfanls, les hommes ne sont pas seulement
nos égaux, et il ne suffit pas de les respeclcr. Ils sont
aussi nos frères, et il faut tâcher de les aimer,
et de vous faire aimer d'eux.
Il y a des personnes que vous aimez tout naturelle-
ment : ce sont vos parents, parce qu'ils vous ont
donné la vie, qu'ils vous aiment et vous soignent; vos
voisins, parce qu'ils sont serviables et que vous êtes
habitués à eux.
2i2 NOTIONS D'INSTRUCTION CIVIQUE

Vous aimez même toutes les personnes du village,


tous les habitants du département, et enfin tous vos
compatriotes qui vivent dans le même pays, sur la
terre de France. Ce que je vous dis là vous étonne!
— Mais, monsieur, comment est-ce que nous pouvons
les aimer? nous ne les avons jamais vus.
Comment vous pouvez les aimer? Écoutez-moi,

Jacques : aimez-vous votre grand'mère, qui est morte
quand vous aviez six mois?
— Oh! oui, monsieur, maman médit toujours qu'elle
n'a jamais connu de femme meilleure; elle m'aimait
beaucoup, et, en mourant, elle avait mis de côté des
jouets et des livres pour me les donner : elle disait que
cela me ferait penser à elle. Et puis il y a son portrait à
côté de mon lit; c'est une belle vieille dame, avec des
cheveux blancs; quand on la regarde, elle a l'air de
vous sourire.
— Vous voyez, Jacques : vous aimez votre grand'mère,
et quand on vous parle d'elle, vous avez presque envie
de pleurer. Et cependant autant vaut dire que vous ne
l'avez jamais vue. Eh bien ! c'est à peu près de la même
façon que vous aimez tous vos compatriotes, tous les
enfants de la terre française. Vous vous rappelez, quand
il y a eu de si grandes inondations dans le A/ft#,jevous
ai lu alors dans le journal tous les malheurs de ces
pauvres gens, les villages dévastés, les récoltes et les
bestiaux noyés, une partie des familles tuées : vous
aviez les larmes aux yeux; et quand j'ai passé dans vos
rangs pour faire la quête, afin d'envoyer à ces malheu-
reux, vous avez tous donné quelque chose, les uns des
sous, les autres des habits, chacun selon ses moyens et
de bon coeur.
Et quand je vous ai parlé des Alsaciens et des
Lorrains, qui ont été obligés de fuir de leurs dépar-
tements pour échapper aux brutalités des Prussiens !
Quand je vous ai raconté comment ils allaient, par ban-
des, quittant les maisons où ils avaient toujours vécu,
LA FRATERNITÉ HUMAINE 213

avec leurs valises sur le dos ou leurs meubles chargés


sur des charrettes, pour venir demander l'hospitalité à
Nancy, à Paris,
jusqu'en Algé-
rie!... Alors aussi
vous avez eu pi-
tié de ces infor-
tunés. Et même
vous, Jacques,
vous disiez que
vous vouliez un
jour faire la
guerre aux Prus-
siens, pour qu'ils
rendent à ces Les Alsaciens et les Lorrains furent obligés
de fuir de leurs départements pour échapper aux
' pauvres gens brutalités des Prussiens.
leurs terres et
leurs maisons. Et tous vos camarades ont applaudi, et
ils ont dit qu'ils iraient avec vous.
— C'est vrai, monsieur! C'est vrai! Nous l'avons dit,
et nous le ferons.
— C'est que tous ces gens-là, les inondés du Midi et
les exilés d'Alsace-Lorrainesont des Français comme
vous. Ils parlent la même langue; leurs pères ont été
amis desvôtres, et tousse sont depuis des siècles toujours
défendus ensemble contre les mêmes ennemis. Voilà
pourquoi il vous est facile de les aimer.

RÉSUMÉ

1. Il ne suffit pas à un bon citoyen de respecter ses


semblables. Il doit aussi les aimer, parce qu'ils
sont ses frères et ses égaux.
2. Les personnes que nous aimons tout naturelle-
ment sont nôtre père, notre mère, qui nous
214 NOTIONS D'INSTRUCTION CIVIQUE

ont donné la vie, puis tous nos parents et


enfin nos voisins et nos compatriotes.
3. Nous devons aimer nos compatriotes, quoique
nous ne les connaissions pas tous, parce qu'ils
travaillent comme nous à la grandeur de la
France et parce que nous bénéficions de leurs
efforts.
4. Nous devons surtout aimer nos compatriotes
malheureux, ceux chez lesquels survient quel-
que terrible catastrophe, ceux qui par suite de
la guerre ont été séparés de nous et qui regret-
tent la mère-patrie. Nous devons toujours leur
venir en aide s'ils font appel à notre bon coeur.

Exercices oraux ou écrits.


1. Suffit-il, pour être bon citoyen, de respecter ses semblables ?
2. Quelles sont les personnes que nous aimons tout naturellement?
3. Devons-nous aimer nos compatriotes quand bien même nous
ne les connaissons pas ?
4. Quels sont ceux de nos compatriotes que nous.devons aimer
surtout ?
Sujet de rédaction pour le certificat d'études
Pourquoi devons-nous aimer tous les Français et nous faire
aimer d'eux. Donnez des exemples à l'appui.

TREIZIÈME LEÇON
IL FAUT AIMER TOUS LES HOMMES

Mais ce n'est pas tout encore. Il faut aimer tous


les hommes, »K!«ic ceux qui ne sont pas Français.
— Comment, monsieur! il faudrait donc aimer aussi
les Prussiens, les Bavarois, tous ces hommes d'Alle-
magne qui ont tant fait de pillages et de massacres en
IL FAUT AIMER TOUS LES HOMMES 215

France, et qui font encore tant souffrir les Français d'Al-


sace-Lorraine ?
— Bien sûr, mes enfants, vous ne pouvez pas aimer
ceux qui oppriment lés Français. Et, cependant, ce sont
des hommes.
— De vilains hommes en tout cas, monsieur.
Écoutez-moi bien, mes enfants. Si quelqu'un vous
attaquait, vous vous défendriez de toutes vos forces. Si
un gredin tombait sur votre frère, vous vous jetteriez
sur le misérable, et il serait à plaindre entre vos mains.
Mais une fois que vous l'auriez mis à terre, de façon
qu'il fût hors d'état de vous nuire, à vous et aux vôtres,
alors vous réfléchiriez peut-être que ce criminel est un
homme. Et si vous appreniez qu'il a été poussé au crime
par la misère ou par de mauvais conseils, alors, au lieu
de le haïr, vous le plaindriez. Vous souhaiteriez que la
leçon lui servît et qu'il revînt à l'honnêteté.
Eh bien! voilà justement comment il faut vous con-
duire envers les ennemis de la France. Ils vous
ont volé vos frères d'Alsace-Lorraine, il faut tout pré-
parer pour leur délivrance. Mais ensuite, quand vous
aurez eu le bonheur d'accomplir cette grande oeuvre, il
ne faudra pas chercher à rendre aux ennemis le mal
pour le mal. Non ! il faudra tâcher de faire une bonne
paix, qui efface les haines passées et dont toute l'huma-
nité profitera.
Souvenez-vous de ceci, mes enfants : c'est que les
Français ont toujours mis leur gloire à servir thu-
manité. Et l'humanité, cela comprend tous les peuples.
En effet, chaque peuple a ses qualités à lui : tous con-
tribuent, à leur manière et selon leur capacité, au pro-
grès de l'humanité. // faut donc les respecter tous, à
condition qu'ils respectent d'abord la France.
Si l'un d'eux est injuste envers elle, il faut se lever pour
le punir, d'abord parce que, pour un Français, la France
passe avant tout, mais aussi pour lui apprendre une
vérité que je vais voiis dire ; la voici :
210 NOTIONS D'INSTRUCTION CIVIQUE

« Toutes les nations sont égales; il n'y en a


pas d'inférieures ni de supérieures. 11 n'y en a pas qui
soient faites pour souffleter les autres, et il n'y en a pas
non plus qui soient faites pour recevoir des soufflets.
Les peuples se doivent mutuellement respect et assis-
tance comme les citoyens d'un môme pays ; car si les
citoyens sont les membres de la nation, les nations sont
les membres de l'humanité! »
Celte vérité, mes amis, la France l'a toujours pro-
clamée et défendue : au XYIU0 siècle, quand elle envoyait
ses enfants combattre pour l'indépendance des États-
Unis, comme en 1859, quand ses soldats mouraient pour
rendre l'Italie libre. La France a toujours pensé
à l'humanité; pour être bon Français, ne séparez
jamais ces deux mots, et criez avec moi :

VIVE L'HUMANITÉ ! VIVE LA FRANCE !

RÉSUMÉ

1. Nous ne devons pas seulement aimer nos compa-


triotes, mais aussi tous les hommes, môme les
étrangers, parce que tous les hommes sont
frères.

2. Quand des hommes se déclarent nos ennemis,


nous sommes rais dans l'obligation de les em-
pêcher de nous nuire. Mais cela fait, nous n'a-
vons pas le droit de les opprimer et de les faire
souffrir.

3. La gloire des Français a toujours été de servir


l'humanité et de faire triompher la civilisation
sur la barbarie.
LE JEUNE SOLDAT 217
4. Nous devons respecter tous les peuples, à la con-
dition qu'ils respectent la France,
5. Nous devons toujours nous souvenir que toutes
les nations sont égales et qu'elles composent
l'humanité, comme les citoyens composent une
nation.
Exercices oraux ou écrits.
1. Outre nos compatriotes, qui devons-nous nous efforcerd'aimer?
2. Comment devons-nous agir contre les hommes qui se déclarent
nos ennemis?
3. Quelle a toujours été la gloire des Français?
'i. A quelle condition devons-nous respecter les peuples qui nous
entourent ?
5. De quoi devons-nous toujours nous souvenir par rapport à co
qui concerne nos relations avec les autres peuples?
Sujet de rédaction pour le certificat d'études
Pourquoi faut-il aimer tous les hommes, même ceux qui ne sont
pas Français? Quelle conduite faut-il tenir envers les ennemis do
la France? Pourquoi toutes les nations sont-ellc* édiles? Montrée
comme quoi la France a toujours pensé à l'humanité.

QUATORZIÈME LEÇON
LE JEUNE SOLDAT

(Imité de LAMENNAIS).

Jeune soldat, où vas-tu?


Je vais combattre pour les enfants de la Patrie.
Que tes armes soient glorieuses et bénies, jeune sol-
dat!
Jeune soldat, où vas-tu?
Je vais combattre pour la justice, pour la sainte cause
de la nation, pour les droits sacrés des opprimés.
Que tes armes soient glorieuses et bénies, jeune
soldat!
Jeune soldat, où vas-tu?
13
218 NOTIONS D'INSTRUCTION CIVIQUE

Je vais combattre pour délivrer mes frères, pour bri-


ser leu.*s chaînes et les chaînes du monde.
Que tes armes soient glorieuses et bénies, jeune
soldat !
Jeune soldat, où vas-tu?
Je vais combattre contre les hommes iniques pour
ceux qu'ils renversent et foulent aux pieds, contre les
maîtres pour les esclaves, contre les tyrans pour la
liberté.
Que tes armes soient glorieuses et bénies, jeune
soldat !
Jeune soldat, où vas-tu?
Je vais combattre pour que tous aient sur terre une
patrie, et que la patrie soit libre!
Que tes armes soient triomphantes et bénies, jeune
soldat !

RÉSUMÉ

Le soldat combat pour les enfants de la Patrie,


pour la justice, pour la nation, pour les oppri-
més. 11 combat pour que tous aient sur terre
une patrie et pour que la patrie soit libre.
DÉCLARATION

DES DROITS DE L'HOMME ET DU CITOYEN

VOTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN 17d0.

Les représentants du Peuple français, constitués en


Assemblée nationale, considérant que l'ignorance, l'ou-
bli ou le mépris des droits de l'homme sont l'unique
cause des malheurs publics et de la corruption des gou-
vernements, ont résolu de rétablir, dans une déclaration
solennelle, les droits naturels, inaliénables, imprescrip-
tibles et sacrés de l'homme, afin que cette déclaration,
constamment présente à tous les membres du corps so-
cial, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs;
afin que les actes du Pouvoir législatif et ceux du Pou-
voir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés
avec le but de toute institution politique, en soient plus
respectés; afin que les réclamations des citoyens, fondées
désormais sur des principes simples et incontestables,
tournent toujours au maintien de la Constitution et au
bonheur de tous.
En conséquence, l'Assemblée nationale reconnaît et
déclare, en présence et sous les auspices de l'Être su-
prême, les droits suivants de l'homme et du citoyen :
ARTICLE ie*. Les hommes naissent et demeurent libres et
égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être
fondées que sur l'utilité commune.
ART. 2. Le but de toute association politique est la
conservation des droits naturels et imprescriptibles de
l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sû-
reté et la résistance à l'oppression.
ART. 3. Le principe de toute souveraineté réside essen-
22Ù DROITS DE L'UOUUB ET DU CITOYEN

tiellement dans la Nation ; nul corps, nul individu ne


peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.
ART. A. La liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit
pas à autrui ; ainsi l'exercice des droits naturels de cha-
quo homme n'a de bornes que celles qui assurent aux
autres membres do la société la jouissance de ces mômes
droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par
la loi.
ART. 5. La loi n'a le droit do défendre que les actions
nuisibles à la société. Tout ce qui n'est pas défendu par
la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint
à faire co qu'elle n'ordonne pas.
ART. G. La loi est l'expression de la volonté générale ;
tous les citoyens ont droit de concourir personnellement
ou par leurs représentants à sa formation. Elle doit être
la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle pu-
nisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux, sont
également admissibles à toutes dignités, places et em-
plois publics, selon leur capacité et sans autre distinction
que celle de leurs vertus et de leurs talents.
ART. 7. Nul homme ne peut être accusé, arrêté, ni
détenu, que dans les cas déterminés par la loi, et selon
les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, ex-
pédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitrai-
res, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou
saisi en vertu de la loi, doit obéir à l'instant, il se rend
coupable par la résistance.
ART. 8. La loi ne doit établir que des peines stricte-
ment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu
d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit,
et légalement appliquée.
ART. 9. Tout homme étant présumé innocent, jusqu'à
ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispen-
sable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas néces-
saire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement
réprimée par la loi.
ART. 10. Nul ne doit êtro inquiété pour ses opinions,
DROITS DE L'HOMME ET DU CITOYEN 221

môme religieuses, pourvu que leur manifestation ne trou-


ble pas l'ordre public établi par la loi.
ART. 11. La libre communication des pensées et des
opinions est un des droits les plus précieux de l'homme;
tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer libre-
ment, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les
cas prévus par la loi.
ART. 12. La garantie des droits de l'homme et du ci-
toyen nécessite une forco publique ; cette force est donc
instituée pour l'avantage do tous, et non pour l'utilité
particulière do ceux auxquels elle est confiée.
ART. 13. Pour l'entretien do la force publique et pour
les dépenses d'administration, une contribution commune
est indispensable ; elle doit être également répartie entre
tous les citoyens, en raison de leurs facultés.
ART. 14. Chaque citoyen a le droit do constator par
lui-même ou par ses représentants la nécessité de la con-
tribution publique, de la consentir librement, d'en suivre
l'emploi, d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recou-
vrement et la durée.
ART. 15. La société a le droit do demander compte à
tout agent public de son administration.
ART. 16. Toute société dans laquelle la garantie des
droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs
déterminée, n'a point de constitution.
ART. 17. La propriété étant un droit inviolable et sa-
cré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la né-
cessité publique, légalement constatée, l'exige évidem-
ment et sous la condition d'une juste et préalable indem-
nité.

13.
TABLE DES MATIÈRES

PREMIERE PARTIE

INSTRUCTION MORALE
AVERTISSEMENT 5 II. La tempérance 6<>
NOTE DES *.MTKCH# 6 III. La politesse c*
CHAPITRE PREMIER. — L'ins- IV. La franchise CJ
truction morale. PREMIER RÉCIT. Sauvé par la gymnas-
tique, récit d'un soldat 10
I. L'école 1 DEUXIÈME RÉCIT (suite du précèdent!.. 71
||. Qu'est-ce qu'il Importe lo plus do 8 TROISIÈME RÉCIT (fin du précèdent).-. 72
«avoir
III. Les premiers des devoir» .•
sont •••
les CHAPITRE Vil.-La maisonnée.
devoirs de famille 10 — Serviteurs. — Animaux do-
PREMIER REÇU- Une leçon do morale
dans la rue 10
mestiques.
DEUXIÈME RÉCIT. Abraham Lincoln,
I. Devoirs envers les serviteurs de la
président des Ktats-l'nis 12 maison 77
CHAPITRE H. — Les devoirs en- II.etOn doit s UT domestiques politessis
bonté.
vers les parents. — L'obéis- III. La douceur envers les animaux., ta
7*
sance. PREMIER RÉCIT. Lo secret do M. Ora-
I. L'Obéissance aux parents. — Il faut ponne M2
obéir par bon sens 15 DEUXIÈME RÉCIT. Le domestique de-
II. L'obéissance aux parents (suite). venu propriétaire 8V

— Il fuit obéir par reconnaissance CHAPITRE VIII.— Tout homme


et par devoir
PREMIER H ici r. Punition des enfants
16 doit travailler.
indignes à Athènes 18 I. La loi du travail 83
DEUXIÈME RÉCIT. Jacques le vrai riche. 19 II. Le travail des bras et le travail de
CHAPITRE III. — La désobéis- PREMIER tète 90
RÉCIT. Histoire d'un atelier
— Les
sance.d'après devoirs des en- L'apprentissagede Louis 93
fants le Code. DEUXIÈME RÉCIT. Histoire d'un atelier
l.Lcsenfantsdésobéissantset ingrats. 23 (suite). IM morale de viaitrc
II. Les devoirs des enfants d'après le Franche 95
Code civil 25 TROISIÈME RÉCIT. Histoire d'un atelier
III. Les devoirs des enfants majeurs. 27 (suite). Une leçon d Basset 96
IV. Les devoirs des enfants envers'
leurs parents Agés
PREMIER RÉCIT. Lo fils méchant et puni
88
CHAPITRE IX.
travail
21 I. La liberté
et -
du
LA liberté du
commerce.
DEUXIÈME RÉCIT, (fin du précédent).. 30 II. La libertédu travail ]Co
TROISIÈMERÉCIT. Le fils empoisonneur 31 III. La libertédu travail autrefois .... 101
QUATRIÈME uÉcir (fin du précèdent).. 32 IV. Le libre échange du commerce 103
CHAPITRE IV. —Les devoirs de PREMIER nÉcir. Histoire d'un atelier loi
l'écolier. (suite). Au Bùn Marché 10G
I. Devoirs envers l'instituteur 36 DEUXIÈME RÉCIT. Histoire d'un atelier
II. L'instituteur est un magistrat — 37 (suite). La concurrence est l'âme du
III. L'école d'autrefois et l'école d'au- progrès 103
jourd'hui 33 TROISIÈME RÉCIT. Histoire d'un atelier
IV. Les maîtres d'autrefois et les (suite). Quel rapport il peut >/ acoir
maîtres d'aujourd'hui 41 entreleprix d'un déjeuner et un em-
PREMIER RÉCIT. La dernière leçon de pereur 110
français.—Récit d'un petit Alsacien. 43 QUATRIÈME RÉCIT (suite du précèdent). 111
DEUXIÈME RÉCIT (fin du précèdent).-• 45 CHAPITRE X.
— Le travail et le
CHAPITRE V. — L'enfant juste capital.
et bon.— Camarades.—Frères I. L'ouvrier et le patron 116
et soeurs. — Personnes d'âge. II. La propriété et l'épargne 118
I. Frères et soeurs. — Camarades— 49 PREMIER RÉCIT- Histoire d'un atelier
II. Devoirs envers les camarades (tuitej El (suite). La grève au Bon Marché... 120
III. Aines et cadets . l'égalité 5t DEUXIÈME nÉcir. Histoire d'un atelier
IV. L'obéissance aux atnés-.- £6 (fin '. Lu oucrivrs capitalistes 121
V. Devoirs envers les vieillards 57 CHAPITRE XI. — Le respect des
PREMIER RÉCIT. La jeunesse de Scdainc j,3 Sersonnes, des propriétés,
DEUXIÈME RÉCIT. Les vieillards a
Sparte 59
es consciences.
CHAPITRE VI. Le de I. L'égalité des hommes.—L'esclavage 127
- respect IL L'esclavage est inexcusable 129
soi-même. III. Le respect des personnes 130
1. L'hygiène et la gymnastique 63 IV. Le respect des propriétés 133
TABLE DES MATIERES 223

V. ta liberté de conscience.—La tolé- du précédent). III


TROISIÈME RÉCIT (suite
rance en matière religieuse 135 QUATRIÈME RÉCIT (fin du précèdent). 1V3
PREMIER RÉCIT. Kasper le •.'.uanier-. Il» CINOEIÈME RÉCIT. Lo massacre de
DKIXIÈME ftt.cit(suite du^••écédentj.. HO Vassy 14

DEUXIEME PARTIE

INSTRUCTION CIVIQUE
Prélimiinires |19 des Beaux-Arts. — Administration
PREMIÈRE LEÇON des Cultes 188
La nation. — Le suffrage universel. NEUVIÈME LEÇON
— Le citoyen i',0 Ministère de la Justice 198
DEUXIÈME LEÇON DIXIÈME LEÇON
La commune. — Le canton.*— L'ar- Ministèro des Travaux public*. — Mi-
rondissement lo» nistère de l'Agriculture.—Ministère
TROISIÈME LEÇON du Commerce et de l'Industrie. —
Le département ICI Administration des Postes et Télé-
QUATRIÈME LEÇON graphes 202
L'Mat. — La Constitution 1C9
ONZIÈME LEÇON
CINQUIÈME LEÇON Ministère des Finances 206
Les ministères. — Ministère'des Af- DOUZIÈME LEÇON
faires étrangères KG La fraternité humaine 211
SIXIÈME LEÇON TREIZIÈME LEÇON
.Ministère de la Guerre *. 118 Il faut aimer les hommes 21!
SEPTIÈME LEÇON QUATORZIÈME LEÇON
Ministère do la Marine.—LesColonies.
Ministère do l'Intérieur 185 Le jeune soldat (imité de Lamennai*. 217
— Déclaration des Droits de l'homme ri
HUITIÈME LEÇON du citoyen, votéo par l'AssembSv
Ministère de l'Instruction puolique et nationale en 1789 219

Paris. — Inip. Alcido PICARD et KAAX. — 793. K. P.


ALC1DE PICARD ET KAAN, ÉDITEURS. - PARIS
ÉCRITURE
MÉTHODE REVERDY
MÉTHODE D'ÉCRITURE REVERDY, adoptée pour les écoles des villes
de Paris, Lyon, Bordeaux, Marseille, Rouen, Nantes, Toulouse,
Montpellier, Le Mans, Grenoble, Limoges, etc., et portée sur les
listes départementales. 10 cahiers, cursive, ronde et bâtarde,
Imprlmé8surlrè8 beau papier blanc, le cent Ofr.

N. B. — Les 10 cahiers Reverdy sont envoyés franco, en spéci-


men, aux membres do l'enseignement, contro 0 fr. 60 en timbres-posto.
CAHIER DU MAITRE DE LA MÉTHODE D'ÉCRITURE REVERDY,suivant
pas à pas les exercices de nos cahiers en les accompagnant d'ex-
{)lications et de démonstrations. Le maître n'a qu'à reproduire la
eçon au tableau, en exposant les principes indiqués.Apres la leçon,
les élèves, ayant sur le cahier d'écriture et 80U8 les yeux ce qui
vient de leur être expliqué, font de rapides progrès.
i volume in-4° couronne, cartonné 2 fr.
PLUMES REVERDY, — Fabriquées spécialement pour la Méthode
d'écriture Reverdy, en acier de qualité supérieure. La boîte de
144 plumes 1 fr. 25

N* 1, pointes grosses.
N° 2, pointes moyennes.
N* 3, pointes Anes.

MÉTHODE NATIONALE D'ÉCRITURE


Par A.-P. DE LAMARCHB, officier de l'instruction publique, adoptée
pour les écoles de la ville de Paris et portée sur les listes dépar-
tementales.
10 cahiers de cursive, le cent 4 fr. 50
N. B. Les 10 cahiers sont envoyés franco, en spécimen, aux mem-
bres de l'enseignement, contre 0 fr. 45 en timbres-poste.

DESSIN
MÉTHODE LACABEi Le dessin enseigné dans toutes les écoles de
France. Cours conforme au programme officiel du 29 janvier 1881.
14 cahiers sur papier teinté avec tracé, texte explicatif, exercices
gradués. Le cent 9 fr.
N. B. — Les 14 cahiers Lacabe sont envoyés franco, en spécimen,
aux membres do l'enseignement, contre 0 fr. 75 en timbres-poste.
Non seulement les modèles imprimés de façon à imiter le crayon,
sont gradués et à la portée de l'enfant, parce qu'ils reproduisent des
objets usuels, mais encore les textes qui sont placés entête de chaque
page sont un aide précieux pour le maître comme pour l'élève.
Aloide PIOARD et KAAN, Éditeurs
11, RUE SOl't'FLOT, PARIS

MÉTHODE ADOPTÉE POUR LES ÉCOLES DES VILLES DE PARIS, LYON, BORDEAUX,
MARSEILLE, ETC.

ENSEIGNEMENT PRATIQUE ET SIMULTANE


LECTURE, ÉCRITURE, ORTHOGRAPHE, DESSIN
3?ar IM. 3E3. OT7ISS.A.RT
ANCIEN MEMBRE DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
MEMBRE DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE LA SEINE
INSPECTEUR PMMAIRE A PARIS
CI1EVAL1EH PB LA LÉGION D'HONNEUR

XJA AIÈTIIODE COMPREND ;


Cinq Tableaux, format grand-aigle (1»03X0"76); prix de la collec-
tion en feuilles 5 »
Cinq Tableaux, collés sur toile, vernis, montés sur gorge et rouleau. 15 »
Premier Livret, Etude des hures et do leurs combinaisons simples.
1 joli volume in-16, contenant '15 vignettes et des notions élémentaires
de dessin,d'après la méthode de M. LACABE, directeur d'École normale. > 30
Deuxième livret, Etude des sons et des articulations composés. 1 jo,i
volume in-16 cartonné, contenant 16 gravures, un grand nombre
d'exercices récapitulatifs, et des lectures courantes syllabées et
non syllabées, ainsi que des notions élémentaires de dessin d'après *
la méthode de M. I^CABE, directeur d'École normale «50
Premier degré de lectures courantes (3# livret). Morale, connais-
sances usuelles, maximes, petites poésies, orthographe et rédaction,
leçons orales, petits exercices grammaticaux. Avec 90 vignettes et
des notions élémentaires de dessin, d'après la méthode de M. LACVIE,
directeur d'École normale. Ouvrage répondant au programme officiel
du 27 juillet 18S2. 1 joli volume in-13 cartonné » 60
Deuxième degré de lectures courantes (4* livret). — [Cours élémen-
taire et moyen). Morale, organisation de la France, connaissances
usuelles, maximes, fables, poésies, orthographe et rédaction, leçons
orales, petits exercices littéraires et grammaticaux, lexique- Avec
120 vignettes et des modèles de dessin (objets usuets), d après la
méthode do M. LACABE, directeur d'École normale. Ouvrage répon-
dant au programme du 37 juillet 18S5. 1 beau volume in-18 cartonné. » 90
SPÉCIMEN DES CARACTÈRES EMPLOYÉS DANS LES TABLEAUX

Pub. 104.
ALCIDE PICARD ET KAAN, EDITEURS, PARIS

.A.. O H .A. X» .A. 2& B T


JEAN~FELBER Professeur d'Histoire an Lycée Likual

HISTOIRE D'UNE FAMILLE ALSACIENNE


LA GUERRE FRANCO-ALLEMANDE. — EXCURSIONS A TRAVERS LA FRANCE
DESCRIPTIONS. — LE SENTIMENT DE FAMILLE
L'AMOUR DE LA PATRIE.
— LE SOLDAT

LECTURES GOURANTES
Divisées en 192 leçons avec notes, mots expliqués, devoirs de rédaction, etc.
à l'usage des classes élémentaires, des lycées
ei collèges et des cours moyen et supérieur des écoles primaires

Ouvrage adopté par la Commission du Ministère de l'Instruction publique

pour les bibliothèques scolaires

Un fort volume ln-18 de 372 pages


CONTENANT :
100 vues de villes, sites, monuments;
74 scènes d'après le texte;
22 portraits de grands hommes avec notices
biographiques ;
110 gravures expliquées sur les leçons de choses ;
17 cartes d'ensemble ou régionales.
D'après les dessins de Beuzon, Notor, Massé, etc.
F*r»i3C cartonné
: 1 fr». 50

Ce n'est passeulement un récit de la guerre de 1870-71 que


l'auteur a eu l'intention d'écrire ; mais bien un LIVRE DE
LECTURES sur tout ce qu'un petit Français doit connaître de
notre beau pays. Le. r- Krrre franco-allemande, quoique suffi-
samment racontée, ne- ' ut qu'une place restreinte dans ce bel
ouvrage.
ALCIDE PICARD ET KAAN, EDITEURS. ~ PARIS

RÉCITATION
CONSEILS PÉDAGOGIQUES — MAXIMES — MORCEAUX EXPLIQUES
DICTION

La Laitière et lo Pot au lait.


Gravure extraite de DELAVIBRRB et DE I.AMARCHE. — Exercices de mémoire.
Cours moyen.
N. B. — Le cours de récitation de MM. Delapierre et de Lamarche
est bien approprié à l'âge des enfants auxquels il s'adresse; les
morceaux expliqués, les conseils pédagogiques, tout dans ce cours
est compris et combiné de façon à être aussi utile aux maîtres
qu'aux élèves.
DELAPIERRE et DE LAMARCHE — Exercices de mémoire (cours
élémentaire). Récitation de poésies d'un genre très simple. Prin-
cipaux auteurs cités : La Fontaine, Florian, Nadaud, Ratisbonne,
Chantavoine, etc. 1vol. in-18,cart. 17 vignettes Prix. » 30
— Exercices de mémoire (cours moyen). Récitation de fables, de
petites poésies et de quelques morceaux de prose. Principaux au*
teurs cités: La Fontaine,Florian,Voltaire,Victor Hugo,Lamartine,
Edmond About, André Theuriet, Thiers, George Sand, Augustin
Thierry, Michelet, Erckmann-Chatrian, Saint-Marc Oirardin, etc.
1 vol. in-18, cartonné, 28 vignettes, » 60

— Exercices de mémoire (courssupérieur). Récitation expressive de


morceaux choisis en prose et eu vers, de dialogues, de scènes em-
pruntées aux classiques. Principaux auteurs cités : F. de Neuf-
château, La Fontaine, J.-J. Rousseau, Florian, Th. Gautier, Thiers,
Boileau, Buffon, H. de Bornier, Bossuet, Racine, Mmo de Sevigne,
V. Hugo, Bernardin de Saint-Pierre, A. de Musset, Voltaire.
Molière, Renan, Collin d'Harleville, Fénelon, Ch. Frémine, Remy
Belleau, Ducis, Malherbe, Chateaubriand, Mme Deshoulières,
J. Claretie, Béranger, Marc Monnier, F. Coppée, V. de Laprade,
A. Daudet. 1 vol. in-18, cartonné, 28 vignettes. » 80
' Ces trois cours sont adoptéspar la ville de Paris pour ses écoles
et portés sur les listes départementales.
Alolde PICARD et KAAN, Éditeurs
11, RUE SOUFFLOT, PARIS

Dlllii
OUVRAGES ADOPTÉS POUR LES ÉCOLES DE U VILLE DE PARIS ET PORTÉS SUR

M
LES LISTES DÉPARTEMENTALES.

DE SYSTÈME MÉTRIQUE

ET DE GÉOMÉTRIE
Rédigé conformément aux programmes officiels du 27 juillet 1882
PAR

UNE SOCIÉTÉ D'INSTITUTEURS


SOUS LA DIRECTION DE

M. B. COMBETTE
litiet êltu l'tcolt iwoeal» supirietn

Agr.Vjide malhômati^nea — Inspecteur général de l'Instruction pulli^cs
chmlier de la Ifgk» tTLoDieur.

COURS ÉLÉMENTAIRE — Ouvrage composé sur un plan entière-


ment nouveau, contenant 115 figures et 730 problèmes et exercices do
calcul mental et écrit, 1 volume in-12, cartonné » 80
PROBLÈMES ET EXERCICES COMPLÉMENTAIRES. — (10S1
problèmes et exercices). Commerce, agriculture, industrie, vie usu<>l le ;
ouvrage destiné aux élèves des cours élémentaires et aux élèves de
1" année du cours moyen, 1 volume in-12, cartonné » 45
30URS MOYEN ET SUPÉRIEUR à l'usage des candidats au cer-
tificat d'études primaires, contenant 3,000 exercices et problèmes
donnés dans les examens du brevet élémentaire et du certificat
d'études primaires : Commerce, industrie, agriculture, vie usuelle,
etc., illustré de 166 gravures. 1 fort volume in-18, cartonné 1 GO
COURS MOYEN ET SUPÉRIEUR (livre du maître) donnant la
solution raisonnée des nombreux problèmes et exercices contenus
dans le livre de l'élève. 1 fort volume in-12, cartonné 2 60
CHOIX DE PROBLÈMES donnés dans les divers examens du certi-
ficat d'études primaires ou du brevet de capacité, recueillis et mis en
ordre par MM. E. Combette et E. Cuissart, ancien membre du conseil
supérieur de l'Instruction publique, inspecteur primaire a Paris, che-
,
valier de la Légion d'honneur. 1 volume in-12, cartonné.
CHOIX DE PROBLÈMES (livre du maître). Un fort volume in-18
..... 1 25
donnant la solution raisonnée de tous les exercices et problèmes
contenus dans le uvre_de l'élève , 3 tfO,
Pub. 105.
;. ÀLOIDK P1CAUD ET KAAN, KDlTlïlîH^. ^PÀHî^

MÉTHODE CUISSART

Enseignement pratique et simultané de la lecture) de l'écriture,


dé l'orthographe et du dessin :
Cinq tableaux, format grand aigle (tm,0j x"G cent.) la collection en
feuilles, 5 fr. Montés sur toile, gorge et rouleau 15 ».
.
Premier livret. Etude des lettres et de leurs combinaisons simples.
In-16, 35 gravures, cartonné » 30
Deuxième livret. Etude des sons cl des articulations composés, j:* er*
cices. l'elites lectures courantes, ln-16,76 grav., cartonné. » 50
Premier degré de lectures courantes (3° Livret). Morale. LCÇOKS
do choses, exercices de mémoire, de grammaire, de style, avecOOgrav.
et modèles de dessin. In-18 jesus, cartonné. » 60
Deuxième degré de lectures courantes.(4« Livret). — {Cours élé--
mentaire et moyen.) - Morale. — Connaissances usuelles. —
Fables et poésies. — .Leçons orales.— Exercices littéraires et
grammaticaux. — Illustré d'an grand nombre de vignettes et modèles
de dessin (objets usueh). 1 vol. in-18 jésus, cartonné....
Ces quatre ouvrages sont adoptés par la ville de Paris pour ses
» 90

écoles et portés sur les listes départementales.

Octobre.
Gravure extraite do tes Saisons cl les Mois.
CUISSART et CAVAYK. —

CUISSART ET CAVAYÉ. — Les Saisons et les Mois. Livre do leçons


de choses rédigé conformément aux programmes officiels, (Cours
élémentaire et moyen.) Illustré de 253 gravures expliquées. 1 vol.
in-18, cartonné I 20
Adopté par la ville de Parti pour ses écoles et porté sur les listes
départementales.

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