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AND : 5 € – CH : 6 FS – CAN : 9,95 $C - D : 6,0 € - ESP : 6,0 € – ITA : 6,0 € – MAR : 63 DH - ANTILLES : 7,0 € – PORT CONT : 6,0 € - REU : 8,50 € - CAL : 2 200 XPF – BEL/LUX : 6,50 € (Le Figaro Magazine + Madame Figaro)
DU MONT-
SAINT-MICHEL
M 05918 - 2233 - F: 5,00 E
3’:HIKPTB=]UZUU[:?m@m@d@d@a"; LE FIGARO MAGAZINE ÉDITION INTERNATIONALE - N° 2233 du samedi 12 août 2023 - Commission paritaire N° 128 C 82655
Les visages du monde
s’ouvrent à vous !
Île de Pâques Angkor Sydney
LA HAVANE CARTHAGÈNE ÎLE DE PÂQUES PAPEETE SYDNEY ANGKOR HANOÏ & SAMARCANDE
CUBA DES INDES CHILI TAHITI AUSTRALIE CAMBODGE BAIE D’HALONG OUZBÉKISTAN
COLOMBIE VIETNAM
©TMR, depuis 1987 - 349 avenue du Prado - 13417 Marseille cedex 08. Garantie et immatriculation Atout France
IM013100087. Document non contractuel. Photos : D.R., Pixabay, S. Prokudin-Gorskii, Shutterstock. FMR230811
S o m m a i r e
8 Les photographes
30
de célébrités (5/7) Hugo Burnand
Entrées Libres
14 En vue Mette Frederiksen,
la dame de fer du Danemark
16 hommage Hélène Carrère d’Encausse,
un destin français
Esprits Libres
18 ils ont pensé la france (4/6)
maurice barrès,
le héraut de l’union sacrée
22 mise à jour
Magazine
24 police, le malaise persiste Enquête
30 le vatican
la tête dans les étoiles Reportage
38 l’été des maires (5/7) Claudy Olmeta,
maire de Saint-Florent (Haute-Corse) :
“Si on se décourage, on ne tient pas”
42 une épopée mystique
À travers l’ europe (2/4)
les derniers secrets
du mont-saint-michel En couverture reportage Le Vatican a exceptionnellement ouvert au « Fig Mag »
les portes de son observatoire astronomique de Castel Gandolfo.
52 ravel, c’est lui ! Cinéma
Quartiers Libres
42
56 En vue Anaïs Demoustier
58 À l’affiche et la vision télé
de Stéphane Hoffmann
62 spécial europe/italie,
balade céleste
sur la côte almafitaine
Art de vivre
71 portrait au fil de l’eau (5/7)
Paul Bonlarron
73 Auto & techno
74 La table de Maurice Beaudoin
76 cadran
78 Évasion
86 Dernière nouvelle
Stefano Spaziani ; olivier coret/ divergence
Ce numéro comporte un cahier central Jeux de l’été de 16 pages sur toutes les éditions (export inclus) et un
récit L’abbatiale du Mont-Saint-Michel vient de fêter ses 1 000 ans
encart promo abonnement de 4 pages broché au centre du cahier Jeux sur les kiosques du territoire national. et recèle encore de nombreux mystères et secrets.
Aujourd’hui et depuis 60 ans, les Villas Franco Suisse sont reconnues comme un véritable label
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Po r t f o l i o
Hugo
Burnand
Ce portraitiste et photographe
de la famille royale britannique
s’est démarqué par son sens du détail,
ses mises en scène chaleureuses
et toujours très picturales.
S
i vous pensez que la photographie est
u n s p o r t i n d iv i d u e l , u n a r t o ù
l’auteur est seul responsable de sa
création, vous devriez discuter avec
Hugo Burnand. Celui qui a eu le pri-
vilège de photographier le mariage du roi
Charles III (alors prince) et de Camilla Parker
Bowles en 2005, puis celui de William et Kate
en 2011, avant d’immortaliser le couronne-
ment de mai dernier, le dit à qui veut bien l’en-
tendre : « Mes photos, c’est un travail d’équipe.
Il y a plein de domaines où je ne suis pas spécia-
liste, comme l’éclairage, par exemple. Et
comme je veux m’approcher au plus près de la
perfection, j’ai besoin de m’appuyer sur des gens
qui sont à la pointe. » Souvent entouré de cinq
personnes, il agit comme un chef d’orchestre.
« Je peux demander, par exemple, une ambiance
d’un matin de printemps, ou alors la lumière
diffuse d’un tableau de Rembrandt. C’est essen-
tiel, surtout quand tous ces événements se sont
déroulés sous une météo atroce ! »
Pour le portrait officiel de Charles III, qui
illustrera les livres d’histoire pour les siècles à
venir, c’est un léger décalage de l’angle et du
sujet qui fait, selon Burnand, le succès de la
photo. « Mais ma plus grande fierté, c’est
d’avoir réussi à rassembler trois générations
d’héritiers du trône sur la même photo en entou-
rant le roi du prince William et du prince
George. » Comment gère-t-il la pression de
devoir produire, en un laps de temps très court,
des images historiques ? « Je n’y pense absolu-
ment pas, et je me concentre sur des répétitions
quasi militaires pour que le moment venu, tout
soit absolument parfait. » Vincent Jolly
La princesse Anne,
lors de son soixante-dixième
anniversaire, en 2020.
Margaret
et Denis Thatcher
lors de leur
cinquantième
anniversaire
de mariage,
en 2001.
La chanteuse
Victoria Beckham
(à gauche) et la
princesse
Alexandra (à
droite), cousine
de la reine
Élisabeth II.
mette frederiksen
La dame de fer danoise
Elle a le cœur et les convictions à gauche, mais la main politique à droite, et ne tremble pas.
La première ministre danoise, reconduite dans ses fonctions
A
lors d’élections anticipées en novembre dernier, assume son étiquette sociale-démocrate
tout en défendant une politique digne de la droite dure, notamment en matière d’immigration.
hommage
V
ivement la Ma mère en riait. Quand je lui parlais ro m a n t i s m e révo l u t i o n n a i re,
rentrée, avait- des logements de mes c amarades de démontrait la nature sanglante du
elle dit, en me classe plus fortunées, elle répondait : projet communiste, dès les origines,
raccompa- chez nous, ce n’est pas du Louis XV. et bien avant Staline. Cela lui attira
gnant à s a C’est du Louis-caisses. » les foudres d’une gauche universi-
p o r t e. T r a - Voilà quelques mois, en sortant du taire, qui croyait aux bienfaits des
vailler est tel- studio de LCI, après une longue plans quinquennaux, alors que les
lement plus interview, elle m’avait parlé de ses Soviétiques manquaient de tout. À
amusant que hésitations sur l’avenir de la Russie. droite, les attaques n’étaient pas
tout le reste. » C’était il y a trois Il lui revenait en mémoire ce qui fut moins vives. Certains anticommu-
semaines à peine. Ces quelques mots peut-être, à l’âge de 7 ans, sa leçon nistes dénonçaient ses « fautes » avec
me restent dans l’oreille. Ils vont si essentielle : « Notre maître d’école autant de véhémence : elle voyageait
bien à Hélène Carrère d’Encausse. s’était mis à nous enseigner la cam- en URSS pour ses recherches, et elle
Dans son appartement, occupant pagne de Russie. Mais, chaque rechignait à employer l’expression
une aile du palais voulu par Maza- semaine, les exilés russes les plus mystique d’« Empire du mal ». À
rin, le cabinet de travail avait valeur cultivés, amis de mes parents, nous leurs yeux, l’historienne apportait
de pièce principale. Tout en écri- l’apprenaient en parallèle. Dans la des nuances suspectes. Elle admet-
vant, elle pouvait jeter un regard à version française, l’hiver seul avait tait, par exemple, la qualité de
sa droite, sur la place de l’Institut, défait Napoléon. Aucun mérite ne l’enseignement soviétique.
dominée par la Coupole. Elle se revenait aux Russes. Le lendemain, Hélène Carrère d’Encausse fut fran-
souvenait : « Le jour de l’élection à j’écoutais la version russe, tout aussi çaise, superlativement. « J’ai du
l’Académie, j’ai reçu mon second détaillée et convaincante : le génie de sang russe, géorgien, allemand ou
baptême. » Koutouzov avait tout fait ! Qui avait suédois, et pas une goutte de sang
raison ? Et à quel degré ? J’en doute gaulois », se plaisait-elle à rappeler.
l’exemple de racine encore aujourd’hui. » Mais la culture est une patrie. Sym-
Pour Hélène Carrère d’Encausse, la bole du colonialisme pour tant de
culture a pris la forme d’une grâce, peuples, la formule « Nos ancêtres
révélée à 46 ans. Déjà, elle sait lire en les Gaulois » avait été délicieuse à
français et en russe. À compter de ce son oreille d’écolière : « Je trouvais
moment, l’étude lui sera une joie de que Zourabichvili était un nom à
chaque jour. Une façon constante coucher dehors. Je rêvais de m’appe-
de s’élever au-dessus de soi-même. ler Dupond ou Durand. »
Cela deviendra aussi une ambition, Hélène Carrère d’Encausse,
comme naturelle, et sans effort ap- lors d’une de ses dernières interviews, combat pour
parent. Quel chemin parcouru, accordée à Darius Rochebin sur LCI. la langue française
pour une enfant apatride, née dans Sur l’avenir de la France, et sur celui
une famille d’exilés russes, dému- Toute sa vie, Hélène Carrère d’Encausse des démocraties occidentales, l’his-
nie de tout, mais riche d’Ho- aura revendiqué pareille liberté. On torienne ne cachait pas son pessi-
mère, de Gogol, d’Hugo et de Dos- lui reprocha l’absence de certitude misme au cours des derniers mois :
toïevski ! Quai de Conti, parmi les militante. Cette attitude, partagée « Cela ne me fait pas plaisir, croyez-le
portraits d’académiciens, Jean Ra- par tant de dirigeants occidentaux, bien. C’est de la lucidité. L’Europe,
cine trônait en bonne place. Je me avait-elle conduit à trop d’indul- “petit cap du continent asiatique”,
rappelle une conversation sur l’il- gence pour les régimes établis : selon la formule de Paul Valéry, est
lustre devancier et sur les voies de la URSS de Brejnev, Chine de Mao ou peut-être destinée à se réduire inéluc-
carrière littéraire. Racine, orphe- Russie de Poutine ? Sur une étagère, tablement, comme ce fut le cas après
lin sans le sou, formé aux leçons derrière le bureau de l’académi- les deux guerres mondiales. » Elle
austères de Port Royal, avait fait de cienne, une image de Catherine II n’en mettait que plus d’espoir dans le
la littérature le levier d’une réussite veillait comme une icône propitia- combat pour la langue française et
inouïe à la cour de Louis XIV – en toire. Voltaire et Diderot s’étaient-ils pour la tradition classique, afin
trahissant un peu ses maîtres jansé- de même fourvoyés sur l’impératrice d’éviter que la France ne rétrécisse,
nistes. Hélène Carrère d’Encausse prétendument « éclairée », et sur la entre la culture américaine mondia-
n’avait trahi personne. Elle ne re- réalité d’un règne où le servage fut lisée et les puissances montantes de
niait rien de ses origines et ne s’en- encore renforcé ? L’historienne se la Chine et de l’Inde. Je lui deman-
combrait pas d’euphémismes : défendait d’une telle généalogie. « Je dais quelles avaient été ses premières
« Nous n’étions pas défavorisés, n’ai pas varié », affirmait-elle, et elle grandes lectures. C’était l’Iliade et
comme le veut le jargon convenu. rappelait les controverses féroces des l’Odyssée, évidemment. Et elle ajoutait
Nous étions pauvres. Fauchés. Mais années 1960 et 1970. Hélène Carrère le mot de Péguy, l’un de ses favoris :
on ne se plaignait pas. Et surtout, on d’Encausse, critique implacable du « Le journal de ce matin est déjà vieux,
avait des caisses remplies de livres. système totalitaire, imperméable au et Homère est toujours jeune. » ■
L’enracinement de Barrès,
c’est la mémoire des paysages
que l’on a parcourus,
c’est le souvenir des pères
qui ont fait les fils,
c’est savoir habiter le monde
pour savoir d’où l’on vient
Nadar Tallandier/Bridgeman Images
maurice barrès,
le héraut
de l’union sacrée
Un siècle après sa mort, on a du mal à s’imaginer la place de Maurice Barrès
dans l’édification de notre imaginaire national. Exilé dans l’enfer des bibliothèques
pour son antidreyfusisme, on ne lit plus guère cet écrivain « patriote ». Pourtant, quel rôle il joua !
B
Propos recueillis par Jean-Louis Thiériot
arrès s’éloigne, mais Barrès nous s’efforçant de faire la synthèse entre la posture analytique
hante. « Prince de la jeunesse », il héritée des Lumières et le grand rêve romantique du retour
fut, dans sa période égotiste du à la terre, il expose dans son roman Les Déracinés (1897)
Culte du Moi et d’un Homme libre, et dans une conférence fondatrice de 1899 La Terre et
l’éveilleur d’une génération, de les Morts ce qui l’anime : il faut écouter « la voix des
Léon Blum à Lucien Herr. Les ancêtres », les « héros représentatifs », les « phares de
misérables combats politiques la patrie », mais aussi les « anonymes » et les « obscurs »
scellèrent les ruptures, mais il car « la terre nous donne une discipline et nous sommes
demeura une grande figure, le prolongement des ancêtres ».
celle de l’unité reconquise dans Rien de plus. L’enracinement de Barrès, c’est la mémoire
« l’Union sacrée ». Ses obsèques des paysages que l’on a parcourus, c’est le souvenir des
nationales le 8 décembre 1923, en présence du président pères qui ont fait les fils, c’est savoir habiter le monde
de la République et du maréchal Foch, escorté par la pour savoir d’où l’on vient et d’où l’on parle, pour « nous
garde bleu horizon des poilus qu’il avait tant aimés, furent sauver d’une anarchie stérile ». Rien d’exclusif dans ces
un grand moment de concorde, à l’égal des obsèques propos. C’est l’antithèse du Blut und Boden germanique,
d’Hugo et de Zola. Et de De Gaulle à Malraux, en passant du « sang et du sol », qui assigne et exclut. Dans Scènes
par Mauriac ou Senghor, ils furent nombreux, tout au et doctrines du nationalisme, il prend soin de préciser :
long du XXe siècle, à exprimer le tribut intellectuel qu’ils « Nous ne sommes point une race, mais une nation ; elle
lui devaient. continue chaque jour à se faire et, sous peine de nous
Quelle idée de la France animait ce fils de la Lorraine, diminuer, de nous anéantir, nous, individus qu’elle
né à Charmes en 1862, à l’ombre des provinces perdues encastre, nous d evons la protéger. »
en 1870 ? Elle tient en quelques mots : enracinement, Si la distinction entre patriotisme – l’amour des siens –
libertés locales, quête d’unité. et nationalisme – la haine des autres – a un sens, elle
Pour comprendre sa philosophie de l’enracinement, s’applique bien à Barrès. Chez ce grand voyageur, envoûté
impossible de distinguer le Barrès écrivain du Barrès par les sortilèges vénitiens, la rigueur espagnole ou les
politique. Jeune homme « fin de siècle », dans la veine de séductions de l’Orient, pas de grandes envolées sur une
Huysmans et de Des Esseintes, il était du parti de la rêverie, exceptionnalité française, un destin singulier qui la
de l’enthousiasme, de l’émotion qui ne se décrit ni en conduirait à guider le monde. « La France est grande et
équation ni en concept. On l’a dit anarchiste. Il fut en l’Allemagne aussi, écrit-il. Le patriotisme d’aujourd’hui
tout cas dandy, esthète, passionné d’art, en lutte contre ne ressemble pas plus au chauvinisme d’hier qu’au cosmo-
« les barbares », les hommes de rimes et de raison qui politisme de demain. Nous avons des pères intellectuels
bridaient sa sensibilité. Mais il a mesuré combien cette dans tous les pays. » Le patriote, « c’est un homme qui sait
pente pouvait être fatale. s’asseoir », en mesurant les legs qu’il a reçus pour regarder
L’enracinement devient alors ce qui canalise les émotions le monde avec les yeux tels que les lui firent les siècles. Il
premières. Dans la veine des écrivains de la racination, n’est qu’à lire le roman d’apprentissage qu’il a écrit sur
Nerval, Fromentin, Senancour ou George Sand, mais en l’éducation de son fils Philippe pour apprécier ce sens ____ u
de la mesure qui est une marque du classicisme français. par le spectacle de la France « dissociée et décérébrée ».
Il lui a donné pour titre : Les Amitiés françaises. Tout un Pour cet adepte de Pascal, l’unité retrouvée est la grande
programme ! cause de la dernière partie de sa vie.
Qui dit enracinement, dit libertés locales. Cette France L’Union sacrée lui en donne l’occasion. D’abord en
des terroirs et des paysages est évidemment incompatible tenant quotidiennement une chronique dans L’Écho de
avec la centralisation, le jacobinisme ou même l’absolu- Paris. Contrairement aux propos insultants de Romain
tisme royal. Humble, elle ne supporte pas l’esprit de Rolland, il ne succombe que rarement aux excès des
système. Il dira un jour : « Je suis avec Saint-Simon contre bobards et de la propagande. Il ne fut pas le « rossignol
Louis XIV. » Raison pour laquelle jamais, malgré de du carnage » qui vocaliserait sur les charniers. Humble-
nombreuses tentatives de Charles Maurras, il ne rejoindra ment, il évoque la souffrance des soldats. Il relaye à la
l’Action française. Pour Barrès, comme pour Péguy, « la Chambre l’abondante correspondance qui lui
République est bien notre royaume de France ». Pour qu’il parvient, y fait adopter le casque Adrian, un traitement
soit beau en ses jardins, il faut le considérer comme une plus rapide du sort des veuves ou la distribution dans
grande famille : « famille d’individus, voilà les communes ; les tranchés de réchauds à alcool. Bref, à sa place, il sert.
familles de communes, voilà la région ; familles de régions, Sans illusions. « La faiblesse de tout cela, dit-il à son fils
voilà la nation ». La conséquence est que « la nationalité Philippe qui a passé vingt-huit mois dans les tranchées,
française est faite de nationalités provinciales. Si l’une de c’est que je ne suis pas moi-même un héros. » La leçon
celles-ci fait défaut, le caractère français perd un de ses sera retenue. Le fils rejoindra de Gaulle à Londres où
éléments ». C’est pourquoi il fut le chantre des provinces il rédigera la première biographie du Général. Et le
perdues d’Alsace-Lorraine avec la série romanesque Les petit-fils, Claude, s’engagera dans les FFL avant de
Bastions de l’Est. Ce n’était pas d’une revanche agressive tomber en 1959 à la tête de ses parachutistes dans le
qu’il parlait, mais de sauver l’âme française dans les terres djebel Harraba.
perdues. Son roman qui narre la renonciation d’une Avec Les Diverses Familles spirituelles de la France (1917),
jeune messine à l’amour d’un jeune Allemand témoigne Barrès tentera de mener à bien une œuvre de réconciliation
d’abord d’un combat spirituel qui a servi de matrice au morale. En un temps où n’existait pas la repentance,
Silence de la mer de Vercors. c’est un post-scriptum, un rectificatif, voire un mea
L’unité du territoire implique celle de toutes les familles culpa, après tant de haines déversées pendant l’affaire
intellectuelles qui l’habitent. Barrès, parlementaire en Dreyfus. À travers des exemples réels, il éclaire l’unité
1889, puis sans interruption de 1906 à sa mort, sait trop profonde du pays. Tous catholiques, protestants, socia-
bien combien la France est divisée contre elle-même. listes, libres penseurs, traditionalistes et juifs concourent
Dreyfusards contre antidreyfusards, républicains à l’œuvre commune. Barrès achève, sur « une image qui
contre monarchistes, anticléricaux contre catholiques, ne périra pas », celle du grand-rabbin de Lyon, tombant
socialistes contre libéraux, le pays au début du XXe siècle au champ d’honneur en tendant un crucifix à un soldat
est une mosaïque de haines. Et Barrès y a largement catholique mourant. Dans l’esprit de Barrès, la synagogue
contribué quand il s’est jeté dans l’arène, pour le pire lors appartient de plein droit et comme une évidence à la
de l’affaire Dreyfus, pour le meilleur quand il parviendra communauté nationale. Quel chemin !
à faire adopter une loi imposant l’entretien des églises Le 24 juin 1920, l’Assemblée nationale votait à l’unani-
de France, malgré la loi de séparation. Mais il est hanté mité l’instauration d’une fête nationale dévolue à Jeanne
d’Arc. C’est le dernier succès public du vieux lutteur,
l’aboutissement d’un long combat. Il voulait Jeanne,
« point de fusion » de toutes les passions nationales car
Barrès tentera de mener à bien il en mesurait le puissant levain d’unité. Catholiques,
royalistes, républicains, socialistes : pour lui, « tous les
une œuvre de réconciliation morale. partis peuvent réclamer Jeanne d’Arc. Mais elle les dépasse
En un temps où n’existait pas tous. Nul ne peut la confisquer. C’est autour de sa bannière,
que peut s’accomplir aujourd’hui, comme il y a cinq siècles,
la repentance, c’est un post-scriptum, le miracle de la réconciliation nationale ».
un rectificatif, voire un mea culpa, Dans notre France du XXIe siècle, en voie d’archipé-
lisation, c’est sans doute ce qui est le plus actuel de
après tant de haines déversées la France selon Barrès. L’engagement à temps et à
pendant l’affaire Dreyfus contretemps, pour l’unité perdue. ■
Jean-Louis Thiériot
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MISE À JOUR
2 UNE UTILISATION
HYDROGÈNE… … GRIS … BLEU MULTIPLE
Aujourd’hui, près de 95 %
Gaz, charbon, de l’hydrogène mondial est
pétrole Oxygène O2 « gris » ou « bleu ». Autrement
dit émetteur de gaz à effet de
serre. Le développement de
Hydrogène l’hydrogène vert ou jaune
électricité
H2 permettrait de décarboner des
… JAUNE …VERT activités comme la fabrication
d’engrais ou d’acier, qui se
servent déjà de la molécule.
Mais surtout, grâce à la pile à
combustible, de transformer
l’hydrogène en électricité et de
Électrolyse l’utiliser massivement dans les
INFOGRAPHIE LE FIGARO
voitures, bus ou camions. Autre
intérêt : le stockage du courant
produit par les éoliennes ou les
panneaux solaires, sous forme
Eau H2O d’hydrogène.
SOURCE : CESER CENTRE-VAL-DE-LOIRE.
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Police,
le malaise
persiste
Les affaires Nahel à Nanterre, puis Hedi à Marseille, ont conduit
à la détention provisoire de deux policiers durant le seul mois
de juillet. Elles ont aussi réveillé une colère qui ne retombe pas :
Yaghobzadeh Alfred/ABACA
un été chaud
Dans les rues de Béziers, l’effet a été immédiat avec un
manque criant de bleu dans les rues. Une situation que le
maire a tenté de gérer en mobilisant l’ensemble de ses
Des CRS portent secours
à un collègue blessé
policiers municipaux, qui sont notamment venus en
par des manifestants le appui lors des interventions des pompiers. « Je suis t iraillé,
1er mai dernier. explique Robert Ménard, entre mon soutien aux forces de
l’ordre et ma réalité de maire. Je dois trouver des solutions ___u
pour maintenir la sécurité dans la ville, mais je v indicte populaire. » Le policier l’assure, le
comprends aussi leur exaspération. Ils sont trai- m alaise parmi les forces de l’ordre, couve
tés comme des moins que rien, alors que l’on depuis très longtemps. « On en a pris plein la
attend beaucoup d’eux. Il faut que les politiques gueule avec les a ttentats, les « gilets jaunes », les
écoutent leurs revendications et trouvent une manifestations contre la réforme des retraites, on
solution car il est u rgent qu’ils reprennent le tra- nous supprime les congés avec la Coupe du
vail. Il ne faudrait pas que ce mouvement dure. Je monde de rugby et bientôt avec les JO 2024. On
suis inquiet car, à la mi-août, nous organisons à est essorés, exposés et surtout on a l’impression
B éziers la Féria et nous attendons près de de risquer notre peau et notre carrière en faisant
800 000 personnes, et il n’est pas question pour notre boulot. »
nous d’annuler ces festivités. » “Il faut
Hugo * est l’un de ces policiers qui a activé le entendre un cri de colère
code 562 dès le début du mouvement. En Le policier, qui se décrit comme habituelle-
poste dans un commissariat parisien, il porte leur colère ment réservé, semble vouloir décharger un
l’uniforme fièrement depuis plus de vingt ans. et trouver trop-plein de frustrations. Il évoque le terrain
Ce métier, il l’a choisi, dit-il, par « vocation » de plus en plus compliqué, la violence, le man-
et « conviction ». Pour lui, la contestation et la
des que de respect à l’endroit des forces de l’ordre,
grève n’ont jamais été un mode d’action envi- solutions” les décisions de justice qu’il peine à compren-
sageable jusqu’à la mise en détention préven- Linda Kebbab,
dre et qui lui laissent cette impression, chaque
tive du policier marseillais. « Cette affaire a syndicaliste. jour un peu plus, de vider un océan à la petite
une résonance particulière pour moi, car j’ai cuillère. « C’est difficile de rester motivé quand
travaillé avec Christophe pendant près de huit on arrête des délinquants que l’on croise libres
années. Je me souviens d’un homme solide sur quelques heures plus tard. C’est un problème.
lequel on pouvait s’appuyer… froid, aussi. Il ne Nous avons en face de nous 40 % de magistrats
montrait jamais ses émotions, mais il a un grand cœur. Il est idéologues, permissifs, qui veulent surtout se faire du flic et
marseillais d’origine et voulait retourner chez lui. Là-bas, préfèrent parfois retourner la justice contre nous pour en
il avait intégré les effectifs de la BAC centre et voulait faire faire un véritable rouleau compresseur. »
du bon travail. Je suis choqué de le savoir en prison, mais Une dynamique qu’entend bien inverser Linda Kebbab,
aussi de la rapidité avec laquelle la magistrate a décidé de déléguée nationale Unité SGP Police-FO, qui, dans le
l’écrouer. J’ai l’impression qu’il paie pour calmer la cadre de ses activités, maintient et entretient le dialogue
Un commissariat de Rennes
incendié lors des manifestations
contre la réforme des retraites.
avec les politiques, mais aussi les magistrats. il est affecté. Le bâtiment a subi des assauts à
Le 27 juillet, elle faisait partie des représen- de nombreuses reprises. Il n’a pas de mots
tants syndicaux reçus par Gérald Darmanin. assez durs pour qualifier ces b andes de jeunes
Si la policière se réjouit de l’écoute et de l’at- excessivement violentes, mais, pour autant, il
tention du ministre de l’Intérieur, elle a aussi se refuse à rejoindre le mouvement de protes-
entendu, dit-elle, que « tout n’est pas à sa tation mené par une partie de ses collègues.
main » et qu’il s’agit aussi et surtout de tra-
vailler de façon collégiale. « Le mouvement de une corporation divisée
protestation des policiers est inédit et très suivi. « Je suis solidaire, bien sûr, assure Karim, mais
Il faut entendre leur colère et trouver des solu- la police ne peut pas s’arrêter de fonctionner.
tions. Nous avons rencontré des parlementaires, “On a Nous faisons partie de ces services régaliens qui
mais aussi des magistrats pour échanger sur le tendance à ne doivent pas faire grève. Les gens ont besoin
sujet. Il ne s’agit pas de mettre les policiers au-
dessus des lois, mais de réfléchir à des solutions l’oublier : de nous. La nuit dernière, par exemple, un
cadavre a été trouvé dans une ville voisine. Le
lorsqu’ils se retrouvent en difficulté. Les collè- le problème, corps a été emmené à la morgue sans aucun pré-
gues ont parfois l’impression d’être en danger et
de risquer leur vie. Ils font usage du LBD pour
ce n’est pas lèvement, ni même un début d’enquête. Aucun
agent n’était disponible. Il s’agit peut-être d’un
s’extirper d’une situation périlleuse et non pas la police, homicide dont l’auteur ne sera pas retrouvé. Et
avec une intention coupable. Il faut l’entendre et
sensibiliser les magistrats à la question des tirs.
ce sont les que faire des victimes qui ont besoin de nous ?
doit-on répondre “code 562” à leur détresse ?
C’est pourquoi nous organisons à l’automne, émeutiers” Ce n’est pas possible ! » Au poste de police où
avec certains d’entre eux, une séance, avec mises Matthieu Valet, il travaille, Karim s’efforce de mener à bien sa
en situation de stress pour qu’ils expérimentent, syndicaliste. mission malgré les conditions dégradées et
une arme en main, l’effet tunnel, leurs réactions surtout un climat pesant et des tensions entre
au milieu de l’agitation, du bruit, etc. » grévistes et non-grévistes. « Nous sommes tous d’accord,
Karim *, lui, est gardien de la paix en Seine-Saint-Denis. le “petit Hedi” n’est pas un ange. Lorsqu’on évoque son
Policier aguerri et motivé, il patrouille depuis de nom- cas entre nous, il n’y a guère de doute. Il était là pour parti-
breuses années dans les cités difficiles. C’est là, dit-il, ciper aux émeutes. Cependant, les conditions dans les-
qu’il se sent le plus utile. Il a vécu la violence des émeutes quelles il a été blessé doivent être éclaircies, et les collègues
en première ligne, mais aussi au sein du commissariat où de la BAC Marseille doivent prendre leurs responsabilités. ___u
Nous sommes garants du respect des lois et on gues de Marseille, et ils me disent que ce soir-là,
doit s’y plier aussi. Je comprends l’émotion et les geôles étaient pleines. ils ont reçu l’ordre de
le choc, mais parmi les collègues il y a un vrai faire du maintien de l’ordre sans faire de prison-
clivage et des difficultés à se comprendre. Ceux niers… faute de place. Comment faire face à un
qui ont suivi le mouvement se montrent hostiles déchaînement d’une telle violence avec des
ou lancent des remarques blessantes à ceux qui injonctions dénuées de sens ? À Marseille, je
continuent le boulot. Cela risque de laisser des considère qu’ils ont fait ce qu’ils pouvaient et
traces et de fracturer les équipes. » que dans de telles conditions, on peut perdre
Matthieu Valet est un homme pressé. En plus pied. Ça pourrait arriver à n’importe lequel
de gérer la crise sur le terrain, il passe d’un mé- d’entre nous. L’ensemble du corps vit cette
dia à l’autre pour communiquer sur le sujet. “Avec incarcération comme une trahison. Bien sûr, on
Porte-parole et secrétaire national adjoint du l’affaire de ne demande pas l’impunité, mais on ne peut ac-
Syndicat indépendant des commissaires de
police (SICP), il considère légitime ce cri de Marseille, cepter d’être passés au rouleau compresseur de
l’opinion publique. »
colère et ce mouvement car ils traduisent, on n’est pas
selon lui, une profonde crise morale et une
incompréhension entre police et justice. « On dans la urgence : sortir de la crise
Béatrice Brugère est secrétaire générale du
exige tout des policiers et on ne leur fait pas de rationalité, syndicat Unité magistrats SNM FO. Elle ne
cadeau. Un policier, qu’il reconnaisse ou pas son mais dans cultés craint pas de parler ouvertement des diffi-
erreur sur le terrain, se fait systématiquement de fonctionnement entre police et
pilonner. Bien sûr, nous ne sommes pas au-des- l’émotion” justice qui mènent à l’expression de ce malaise
sus des lois et nous comprenons que des sanc- Béatrice Brugère,
parmi les forces de l’ordre. La magistrate
tions s’appliquent quand l’un de nous fait un pas juge. insiste sur la nécessité de rétablir les conditions
de travers. Dans le cas des émeutes de juillet, il de la confiance entre deux institutions qui
faut se souvenir que nos collègues sont intervenus dans un fonctionnent ensemble.
climat insurrectionnel. Ils ont tout fait pour protéger l’es- « Avec l’affaire de Marseille, on n’est pas dans la rationa-
pace p ublic dans des conditions extrêmement difficiles lité, mais dans l’émotion, analyse-t-elle. Notre société a
avec un degré de violence bien plus élevé que celui de la besoin de boucs émissaires. Pourtant, il faut sortir de cette
BERTRAND GUAY/AFP ; Estelle Ruiz/Hans Lucas via AFP ; ERIC GARAULT/Le Figaro Magazine
crise de 2005 en banlieue. Cette affaire, c’est l’arbre qui crise dans le respect des uns et des autres. Le pouvoir politi-
cache la forêt. On a tendance à l’oublier, mais le problème, que demande beaucoup aux policiers, mais ils sont aussi
ce n’est pas la police, ce sont les émeutiers. À cause de ces maltraités. Pour la seule année 2022, 13 d’entre eux sont
violences, rappelons-le, les dégâts sont chiffrés à hauteur morts en raison d’un refus d’obtempérer, contre 2 en 2021.
d’un milliard d’euros et 900 policiers ont été blessés pour La violence est en augmentation, c’est un fait. Face à la dif-
le maintien de l’ordre. » ficulté de leur tâche, il est nécessaire d’évaluer le sujet de
la présomption de légitime défense en renversant par exem-
un manque de considération ple la charge de la preuve, c’est-à-dire que ce serait à la par-
Yannick * est affecté en brigade de nuit dans des quar- tie adverse de démontrer que le fonctionnaire n’a pas bien
tiers difficiles d’une ville des Hauts-de-France. Il a été fait. Il faudrait aussi prévoir des lieux spécifiques pour la
blessé grièvement en service il y a quelques années, mais détention provisoire des policiers mis en cause, comme
il a repris ce travail, qu’il considère comme une vocation. pour tous les autres prévenus, car on ne peut les mélanger
Pour la première fois de sa carrière, il doute. Après l’in- avec des condamnés. Et ces dossiers devraient être traités
carcération du policier marseillais, il a décidé de protes- par des magistrats spécialisés pour apporter un traitement
ter en déposant un arrêt maladie effectif jusqu’à la fin du adapté, et non pas privilégié, à ce genre d’affaires. Autant
mois d’août. « Après cela, on verra, lance-t-il. Le mouve- de propositions, réalistes, ambitieuses et exigeantes, qui
ment est en train de grossir, lentement mais sûrement, car nécessitent une réelle volonté politique et plus d’un man-
nous savons tous que nous pouvons nous r etrouver un jour dat présidentiel. ■ Nadjet Cherigui
à la place de ce policier. Je suis en contact avec des collè- * Les prénoms ont été changés.
quait.
yourart.art
* Ouvrez votre art.
Le télescope réfracteur
Zeiss, 40 cm pour 5 m
de longueur de focale,
construit en 1935.
lE Vatican
LA TÊTE
DANS LES ÉTOILES
C’est l’un des lieux les plus secrets du Vatican.
À Castel Gandolfo se trouve un observatoire où les astronomes du pape
tentent depuis près de cinq siècles de comprendre eux aussi
la vie extraterrestre, le mouvement des étoiles et les cycles de l’Univers.
Objectif : embrasser la création dans toutes ses dimensions.
Reportage de Guyonne de Montjou (texte) et de Stefano Spaziani (photos)
Dans la résidence
d’été du pape,
à Castel Gandolfo.
S
la vie au-delà du monde terrestre. Elles permettent
également de mener des études sur la météorologie, le
i les Martiens existent, alors il doit y avoir magnétisme, les tremblements de terre, les astéroïdes, les
un évangile pour M artiens », s’esclaffe comètes et bien d’autres énigmes que les siècles n’ont pas
Gabriele Gionti, qui nous r eçoit à réussi à élucider. Le frère jésuite qui accompagne notre
l’Observatoire du Vatican par un matin visite appuie sur quelques boutons des années 1970 pour
ensoleillé. Situé à 25 kilomètres au ouvrir ce faîtage de lames de bois, provoquant ce bruit
s ud-est de Rome, ce c entre réunit éprouvé, à la fois fracassant et maîtrisé, qui a résonné
d ’excellents scientifiques au service aux oreilles de chacun des derniers papes. Sur les murs,
d’une singulière théologie, à la fois chré- des clichés montrent les successeurs de saint Pierre dans
tienne et extraterrestre. « S’il y avait une des postures étonnantes : l’un est allongé avec sa calotte
autre forme de vie ailleurs, alors je n’en exclurais pas Dieu. devant la lunette astronomique, un autre – Paul VI –
Ma perspective est plus large que la simple humanité. S elon converse avec Neil Armstrong et ses coéquipiers après
moi, tout l’Univers est divin p uisqu’il assume la c réation. » leurs premiers pas sur la Lune, un autre encore
La tête dans les étoiles, une poignée d’astronomes, de contemple l’immensité du ciel étoilé.
physiciens, de chercheurs t ravaillent sur ces hypothèses à
longueur de journée à Castel Gandolfo, dans la r ésidence des papes très impliqués
d’été du pape, celle où Benoît XVI a terminé sa vie, et que « C’est Pie XII qui a été le plus encourageant pour ces
son successeur François fréquente peu. Ce domaine ver- recherches. Il a offert ce télescope sur ses propres deniers
doyant et calme, parsemé de t errasses plantées et de ver- au Vatican, puis l’a béni », sourit Gabriele Gionti devant
gers engazonnés à perte de vue, dans un silence d’une la photo où on voit le souverain pontife, avec sa cape
douceur propice à la m éditation, distille une atmosphère d’hermine et son aube dentelée, pencher son œil sur le
de jardin d’Éden, e ntre terre et ciel. Deux dômes saillants viseur. « Notre budget est très peu élevé, comparé aux
comme des b ulbes d’églises o rthodoxes surmontent l’un autres observatoires du monde. Il avoisine le million
des r ecoins de son enceinte. d’euros par an. Notre fondation, qui réunit des ___u
Instruments
et morceaux
de météorites
Globe terrestre dans le bureau
et au-delà. des jésuites.
Guy Consolmagno,
spécialiste des
astéroïdes et des
météorites, dirige
l’observatoire.
Gabriele Gionti
L’un des plus anciens présente l’ouvrage
ouvrages de Galilée, d’un astronome
dans la bibliothèque. du Vatican.
ment en perspective. Tout se tient. « Dieu ne parle que de d’une densité inattendue, venu lui raconter l’histoire de
lui-même », écrit Léon Bloy. Même à travers ces petites l’au-delà dans un langage qui lui reste à décrypter.
pierres anthracite alignées dans l’entrée de l’obser- Ainsi, l’hypothèse extraterrestre est loin d’être exclue
vatoire, morceaux d’astéroïdes tombés du ciel sur la par ces scientifiques qui scrutent l’immensité de
Terre, et rassemblés par le marquis de Mauroy (1848- l’Univers. Ils sont prêts à la confirmer. Dans le fond,
1927), fondateur, en 1896, du premier Musée d’histoire l’ambition de ces hommes, dont la compétence acadé-
naturelle du Vatican. Cet ingénieur a arpenté le monde mique est reconnue par les universitaires du monde
pour composer une collection unique de minéraux et de entier, est de mettre leur intelligence au service d’une
météorites qu’il a léguée au pape. meilleure compréhension de l’harmonie qui sous-tend
toute création. Pour eux, tout est un langage de Dieu.
FRÈRES EXTRATERRESTRES « Rien ne nous fait peur. Tout est créé par Dieu. Nous
Ces objets sont c hargés d’un sens que chacun tente voulons comprendre la nature parce que, à travers elle,
d’élucider. « Ne touchez pas, s’il vous plaît, ce fragment nous essayons de comprendre Dieu. La vérité n’entre
de météorite »,prévient le frère Gionti, horrifié de voir jamais en conflit avec la vérité. À force d’en faire, je me
une main se saisir sans délicatesse du petit caillou gris, suis rendu compte à quel point les mathématiques étaient ___u
Photographie
d’une face de la Lune,
qui, par une prouesse Cliché d’une étoile
technologique, brillante et
présente ses cratères. d’une nébuleuse.
La vieille ville a
gardé des traces de
la cité génoise qu’elle
fut au XVe siècle.
“Si on se décourage,
on ne tient pas” Tout l’été, « Le Figaro Magazine » vous emmène
à la rencontre de ces maires de communes touristiques
qui ne prennent pas de vacances. Cette semaine, celui de Saint-Florent,
un village aussi célèbre que jaloux de sa tranquillité.
De nos envoyés spéciaux Judith Waintraub (texte) et Rita Scaglia pour Le Figaro Magazine (photos)
T
ous les « pin- faisait deux étages. Il a été rehaussé,
zuti » (les non- en décrochage, pour éviter l’effet
Corses) se le Saint- « barre » et ne pas déparer les ruelles
sont entendu Florent de la vieille ville, au pied de la cita-
expliquer un delle érigée par les Génois en 1439.
jour ou l’autre : HAUTE- Quand le petit Claudy habitait
« Saint-Florent, CORSE l’immeuble avec ses quatre frères et
c’est le Saint- sœurs et sa mère – son père, éleveur de
Tropez corse. » bovins dans les Agriates, est mort
Claudy Olmeta, son maire depuis quand il avait 3 ans –, une école occu-
vingt-deux ans, n’a l’air qu’à moitié 10 km
pait le rez-de-chaussée. Dès qu’il a eu
ravi de la comparaison, même si elle 8 ans, il a fait la plonge pour aider sa
n’est pas dénuée de fondement. Sa mère, tout en poursuivant sa scolarité.
population passe brutalement de Région : Corse Qu’il a arrêtée l’année du bac, avant de
1800 habitants à 20 000 l’été. Son Département : Haute-Corse l’avoir, parce qu’il voulait travailler.
port de plaisance est le premier de Arrondissement :
Corse par sa fréquentation. Il Calvi de la banque à la politique
accueille des estivaliers prestigieux. Intercommunalité : Il est alors parti à Paris. « Je m’étais
On y a vu, il n’y a pas si longtemps, communauté de communes donné trois ans pour me faire une situa-
le yacht de Jeff Bezos. Pas le Koru, le de Nebbiu - Conca d’Oro tion », raconte-t-il. Et trois ans plus
trois-mâts de 127 mètres que le fon- Maire : tard, l’arrivée des rapatriés d’Algérie
dateur d’Amazon vient de se faire Claudy Olmeta (depuis 2001) en Corse lui a offert une opportunité
c o n s t r u i re, m a i s u n e m o d e s t e Code postal : 20217 de revenir au pays. Vignerons, ils
embarcation de 80 mètres, escortée Code commune : avaient besoin d’une banque qui leur
d’une autre de 48 mètres, pour la 2B298 avance de la trésorerie. Claudy
logistique, hélicoptère compris. Gentilé : Saint-Florentins Olmeta est entré au Crédit agricole en
D’autres milliardaires ont aussi Population municipale : Corse et y a fait toute sa carrière.
mouillé l’ancre devant la perle de la 1 688 habitants (+ 5,17 % depuis 2014) En marge de son activité profession-
microrégion du Nebbiu, au sud du Densité : nelle, il s’occupait de jeunes dans une
cap Corse, mais ce qui fait la fierté de 94 habitants/km2 association de loisirs. Du foot et de la
Claudy Olmeta, plus encore que les Coordonnées géographiques : pétanque à la politique, il n’y a qu’un
bateaux magnifiques qui y accos- 42° 40’ 55” nord, 9° 18’ 07” est pas : sollicité pour être candidat aux
tent, c’est le quai d’honneur lui- Altitude : 0 m-356 m municipales en 1977, il a manqué
même, refait à neuf avec « des pavés Superficie : l’élection d’une voix et est devenu
calcaires enfin à niveau ». Un peu 17,98 km2 chef de l’opposition. « Malgré moi »,
plus loin, face au port, il y a l’immeu- Unité urbaine : précise-t-il, d’une voix douce. On
ble où le maire est né, il y a soixante- commune rurale et littorale n’est pas obligé de le croire, au vu de
dix-huit ans. À l’origine, le bâtiment Climat : méditerranéen la suite de son parcours politique. ___u
Il a toujours été réélu depuis 2001, et rage, on ne tient pas », glisse-t-il. Pour à souligner que « les recettes du port
largement, sur son seul nom, bien résoudre les problèmes causés par la ne peuvent servir qu’au développe-
qu’ayant toujours eu sa carte à voiture, cauchemar des villages tou- ment du port, c’est la loi ». Il s’en
droite. « Je n’ai jamais mis d’étiquette ristiques, mais aussi trouver des occupe tout de même de très près.
sur un bulletin, dit-il. Les gens n’en fonds, il a construit des parkings C’est lui qui lui a trouvé un directeur
ont pas besoin pour connaître mes payants l’été. « Les habitants ont professionnel, il y a huit ans.
convictions. » Les quelque compris qu’il fallait des rentrées Depuis qu’il est en poste, David
1 800 Saint-Florentins apprécient d’argent », assure-t-il. L’an prochain, il Donnini a décroché le label Pavillon
sans doute qu’il ait su développer leur y aura des horodateurs en centre-ville. bleu, gage de vertu écologique. Le
ville tout en la protégeant du tou- port emploie une petite douzaine de
risme de masse. La topographie l’a chantiers coûteux salariés à l’année. L’été, pendant
aidé : les alentours de Saint-Florent Grâce à la station d’épuration qu’il a environ deux mois et demi, une tren-
sont pour la plupart en zone inon- mise en service en 2004, Saint-Florent taine de saisonniers viennent prêter
dable inconstructible, ce qui n’a pas n’a pas de problème d’eau. « C’est main-forte pour gérer les 250 arri-
découragé l’extension de l’hôtellerie l’eau la moins chère de Corse », indi- vées quotidiennes de bateaux. « On
et des campings. que Claudy Olmeta, pas peu fier n’a aucun problème de recrutement, il
S’y rendre l’été par la route est une d’avoir dépanné l’an dernier sa pres- y a deux fois plus de candidats que de
épreuve mais, pour le coup, Claudy tigieuse voisine Patrimonio. Mais postes à pourvoir, se réjouit David
Olmeta n’y est pour rien. Il se bat cette station doit être rénovée. Les Donnini. Ce sont beaucoup d’étu-
d epuis sa première élection pour travaux figurent parmi les chantiers diants, que nous formons. Certains
faire financer le projet de contour- prioritaires du mandat en cours, restent ensuite dans le métier. »
nement qui faciliterait l’accès à avec un autre énorme morceau, la Chaque année, dès février, les plai-
Saint-Florent, avec bon espoir d’y restauration de la citadelle. sanciers se ruent pour réserver le gros
parvenir avant la fin de ce quatrième Tout cela coûte cher. Or, si le port de millier d’anneaux et les 250 places de
mandat. « À ce poste, si on se décou- plaisance est florissant, le maire tient passage du port de Saint-Florent.
La philosophie de
Claudy Olmeta (ici
avec David Donnini) :
être sur le pont
tout l’été.
Le port compte
plus d’un millier
d’anneaux.
Les derniers
secrets du
Mont-Saint-Michel
Il existe une ligne claire, tendue de l’Irlande à Israël, qui serait la trace terrestre
du coup d’épée asséné par saint Michel au diable. Sur cet axe, sept sanctuaires sont
consacrés à l’archange. Le Mont-Saint-Michel est le second. À l’occasion
du millénaire de son abbatiale, nous l’avons exploré de fond en flèche, poussant
ses portes fermées au public, mais ouvertes aux légendes et à l’éternité.
Par Marine de Tilly (texte) et Olivier Coret (photos) pour le Figaro Magazine
C
’est décourageant, le sable. Rien n’y e ncore. À la troisième apparition, la demande expresse se
pousse. Tout s’y efface », écrivait Joyce manifeste par un coup d’index archangélique dans le
dans Ulysse. Dans celui de la plus crâne de l’évêque. C’en est assez pour le saint homme, qui
grande baie de France, une cathédrale file chercher truelle et mortier, envoie fissa des clercs au
éternelle se tient pourtant, droite mont Gargan pour récupérer des reliques de l’archange
comme un cierge allumé il y a mille (apparu, par trois fois également, en 492) et édifie l’ora-
ans par un archange, impossible toire dûment réclamé. La première messe y est célébrée
comme un songe venu au monde. un an après, le 16 octobre 709. Aubert établit ensuite un
Posé sur son socle de brume et de collège de 12 chanoines chargés d’accueillir les pèlerins
marées, couronné de lumières surnaturelles qu’aucune au sanctuaire et fait jaillir, tel Moïse au mont Nébo, une
volonté humaine ne saurait imiter, le Mont-Saint-Michel source sur le rocher qui n’en avait point. Le mont Tombe
est une – sinon la – pièce maîtresse du grand musée devient alors le « Mont-Saint-Michel au péril de la mer »,
national français. Si bien que s’ensuit une autre chose car la traversée à pieds secs est corsée.
décourageante : tenter de la décrire. Hugo, Flaubert, Le 9 septembre prochain, à l’occasion du millénaire de
Maupassant, Mérimée, Montherlant, Michelet…, com- l’abbaye (que les frères bénédictins fondent au-dessus de
bien de monstres sacrés l’ont tant et si bien fait, ajoutant l’oratoire trois siècles après lui), la sainte relique du crâne
au prodige de pierres leurs mots, comme des plumes sur troué de saint Aubert, conservée en la basilique Saint-
le château ? « Pyramide des mers » avec « sa tiare de cathé- Gervais d’Avranches, traversera la baie et sera exposée au
drale et sa cuirasse de forteresse », « Chéops d’Occident », mont. Quant à la fontaine miraculeuse, ses vestiges sont
« château de fées planté dans la mer », « manoir fantas- visibles, à marée basse – de préférence en période de
tique », « palais des rêves », « gratte-ciel gothique » où « tout morte-eau, au nord de la presqu’île, à la base du rocher.
se ligue pour nous ravir et pour nous en imposer : c’est grâce
et magnificence, force et subtilité, ampleur et sveltesse »… : Cryptes secrètes, cœurs sacrés
« il faudrait entasser les superlatifs d’admiration comme les Adossé à une petite porte trapue devant laquelle la foule
hommes ont entassé les édifices sur le rocher », tout cela passe sans la voir, son trousseau de saint Pierre à la main,
pour ne pas même arriver à ses pieds. Il n’y a bien que François Saint-James fait une chose étrange : il déclame,
Stendhal pour avoir trouvé le mont « mesquin, petit » et mais en chuchotant. « Notre-Dame-des-Trente-Cierges
paraissant « un pic grandiose aux Normands car ils n’ont vu est un trésor et un secret », répète-t-il jusqu’à ce que le
ni les Alpes ni Gavarnie ». Entre mythes et faits histori- silence règne. La crypte romane du XIe siècle, construite
ques, délires romantiques et solennité de l’âme, le mont a pour supporter le bras nord du transept de l’abbatiale, est
vu se coucher sur ses grèves autant de pages d’écriture que simple, pure, silencieuse comme un miracle. Une nef
de marées. Mais il est un puits sans fond, un royaume sans carrée, une abside et deux travées séparées par un arc,
fin et sans définition dont le premier secret est qu’il n’en quelques bancs, des cierges et une Vierge à l’Enfant
aura jamais plus aucun. Guidés par l’Histoire, un ange, gothique (provenant de l’abbaye normande de Hambye).
les pierres et François Saint-James, « conférencier À l’abrupt de son mur de pierres lisses, saille un morceau
n ormand » (et non pas « guide breton », insiste-t-il), du rocher consacré par l’archange lui-même. Même
embarquons dans le grand mystère millénaire. effleurement derrière l’autel de Notre-Dame-Sous-Terre,
N’en déplaise aux savants logiciens qui tiennent toute où l’on peut, à condition de ne pas en emporter une miette
forme de poésie en épouvante, le Mont-Saint-Michel est (une autre légende raconte qu’un pèlerin-voleur de
né d’un rêve. Rapportée par le récit fondateur du monas- pierre a été terrassé par un mal mystérieux, avant de
tère, Revelatio ecclesiæ sancti Michaelis archangeli in recouvrer la santé une fois son péché confessé et la pierre
monte tumba (révélation de l’église de l’archange saint rendue aux moines), caresser le roc et déposer ses inten-
Michel sur le mont Tombe), rédigé par un moine au tions à l’archange, comme les pèlerins du Moyen Âge qui
début du IXe siècle, la légende dit ceci : à l’époque où y vénéraient ses saintes reliques.
règne le roi franc Childebert, Aubert, évêque d’Avran- Découverte au début XXe siècle par l’architecte des
ches, dort sur ses deux oreilles lorsque saint Michel lui Monuments historiques et restaurée en 1961, Notre-Dame-
apparaît et lui demande de bâtir un sanctuaire en son sous-Terre a été fondée au Xe siècle à l’emplacement exact
honneur sur le rocher qu’on appelle « mont Tombe ». Au de l’église primitive de saint Aubert. Dix siècles plus tard,
matin, Aubert croit à un mauvais coup du Malin (il faut la voilà « sous-terre », « loin de tout soucis du monde »,
dire que ce n’est pas commode, sur ce caillou, dans la comme dit le cantique, à l’abri du hurlement des tempêtes
grande mare). Saint Michel insiste, Aubert se méfie et du bruit qui court autour. Comme souvent au mont de ___u
Le saint Michel
du sculpteur Emmanuel Le crâne troué de
Frémiet est aussi saint Aubert sera exposé
un paratonnerre. au Mont en septembre.
Galerie du cloître de
l’abbaye, « merveille
de la Merveille ».
Frère Théophane et
sœur Ève-Marie
sonnent la cloche.
“Cher saint Michel, je n’ai que deux choses à vous dire : merci.
Et : que dois-je faire pour vous plaire ? ”
faîte de la pyramide, à la place où resplendissait la statue Pierre, gérée depuis deux ans par la Communauté de
colossale dorée de l’archange, on voit se tourmenter quatre Saint-Martin, elle abrite la première « cause spirituelle »
bâtons noirs. C’est le télégraphe. Là où s’était posée une du Mont : le sanctuaire de saint Michel.
pensée du ciel, le misérable tortillement des affaires de ce « Sur les 3 millions de personnes qui viennent chaque
monde. » Sous la pression – entre autres – du poète, année, la moitié monte à l’abbaye et 500 000 s’arrêtent au
Napoléon III ordonne la fermeture des portes de la sanctuaire, dont, à la louche, je dirais 50 000 pèlerins »,
« bastille des mers » en 1863, qui se rouvrent à la vie de résume don Maurice Franc, recteur du sanctuaire. « Que
village et monastique (avec une petite pause en 1905 lors font les autres ? » s’interroge Saint-James. Les boutiques.
de la séparation de l’Église et de l’État), aux pèlerins, et La « perte » est vertigineuse. Mais don Maurice ne s’en
bientôt aux touristes. désespère pas pour autant. « La dévotion a été brisée ici.
On ne vient plus pour saint Michel mais pour acheter des
Au-péril-de-la-foi souvenirs, voir des châteaux et des princesses imagi-
Au cimetière de la petite église Saint-Pierre, accrochée à naires » – et La Mère Poulard, donc. « Mais rien n’est
mi-pente sur le chemin de l’abbaye, une nuée de visiteurs perdu. Gavés de matériel, beaucoup de nos contemporains
se presse autour d’une tombe. En jouant poliment des ont faim de spirituel. Et c’est chez eux qu’il faut semer. Ils
coudes, nous parvenons à en lire l’épitaphe : « Ici reposent entrent comme des touristes, pourquoi ne repartiraient-ils
Victor et Annette Poulard, bons époux, bons hôteliers. Dai- pas en pèlerins ? » Dans le livre d’or du sanctuaire, posé
gne le Seigneur les accueillir comme ils surent accueillir au pied de la statue, un mot écrit en lettres capitales se
leurs hôtes. » Sur le Mont, l’aubergiste et faiseuse d’ome- détache des autres. « Cher saint Michel. Je n’ai que deux
lette est une rock star. Dans l’église, en revanche, autre choses a vous dire : merci. Et : que dois-je faire pour vous
ambiance. Des cierges immobiles, un homme jouant de la plaire ? A. » Au lieu de demander ce que l’archange
cornemuse (?) devant le chœur, la statue en lames d’argent pourrait faire pour lui, A. se demande ce que l’archange
sur âme de bois de saint Michel archange ; la fraîcheur pourrait attendre de lui. « On l’oublie parfois, conclut
d’un refuge modeste et inattendu qui contraste avec la don Claudio, mais saint Michel n’est pas que le guerrier
majesté de l’abbatiale, et la cohue de la Grande-Rue. Sauf ou le justicier. Son épée ne tue pas, elle protège et console.
qu’elle n’a rien de confidentiel, cette église, elle est Elle touche le cœur des gens. Il est la m iséricorde dont le
ouverte aux quatre vents au contraire, c’est le terme « so- monde ne veut plus. Et nous pouvons tous être les apôtres
lennel » du voyage de tous les pèlerins. Dédicacée à saint de cette miséricorde. » ___u
Dans la Grande-Rue,
c’est la cohue. En 2023,
le Mont aura accueilli
près de 3 millions de visiteurs.
À 2H
DE PARIS
©Hello la Roux - Amélie Blondiau
*mon
Cinéma
T
De notre envoyé spécial, Pierre de Boishue
ourner un film peut parfois tourner Une énigme qu’il était temps de percer dans un biopic
au vinaigre. Pas durant les prises digne de son prestige. Et un défi à la mesure d’Anne
de vues du long-métrage d’Anne Fontaine, grande mélomane et fine observatrice des
Fontaine dédié à Maurice Ravel. secrets de l’âme humaine. « Il était complexe et roma-
Dans la maison située à Mont- nesque. Il a vécu une existence incroyable, mais on le
fort-l’Amaury, l’harmonie règne. connaît peu », confie-t-elle. « Il n’était pas prolifique
Des rires résonnent dans le comme Mozart, mais c’était un génie pour tout le
jardin. Raphaël Personnaz, monde », s’exclame le producteur Philippe Carcassonne.
qui incarne le grand homme, a Un angle d’attaque s’est vite imposé. « Nous voulions
franchement de l’allure dans son traiter le “Boléro” comme un personnage, comme le
costume des années 1920-1930. Il est bien entouré. À ses double musical de Ravel lui-même. Ce n’est pas une
côtés se tiennent les non moins élégantes Jeanne Balibar biographie au sens strict », poursuit-il, tout en fixant le
et Emmanuelle Devos, qui campent respectivement ciel qui s’assombrit. Depuis la même terrasse, Anne
la danseuse et mécène Ida Rubinstein et la pianiste Fontaine scrute l’horizon. « Maurice Ravel aimait cette
Marguerite Long. Devant l’entrée de la demeure : une vue sur la vallée verte », confie-t-elle, très convaincante
Talbot jaune et une Renault bordeaux du début du en guide.
XXe siècle, magnifiques. Première impression : ce Boléro,
qui dispose d’un budget de 12 millions d’euros, s’annonce Maison de poupée
une œuvre classe et raffinée. La découverte de la résidence dite du Belvédère permet
Le trio vient de tourner une séquence où le héros de mesurer l’originalité de son propriétaire. On y découvre
s’emporte contre son œuvre la plus célèbre. Et bascule une enceinte d’une étroitesse inouïe. Impossible de se
dans un début d’épuisement mental. « C’est une scène parti- croiser dans les couloirs ! Prière aussi aux individus de
culière, assez bouleversante », annonce Anne Fontaine. grande taille de baisser la tête ! Précaution bien inutile
Doria Tillier, sous les traits de Misia Sert, et Anne Alvaro, pour Ravel, qui ne mesurait qu’un mètre cinquante-
qui interprète la mère de l’artiste, complètent le casting sept… Raphaël Personnaz, qui a perdu 10 kilos pour se
(très féminin) qui a évolué entre la Belgique, la Bretagne et glisser dans sa peau, s’en accommode fort bien avec ses
la région parisienne. Un séducteur, Ravel ? Il n’avait pour- partenaires. La situation est plus délicate pour les
tant pas particulièrement cette réputation. « C’était un vrai t echniciens, contraints d’y exposer un minimum de
coffre-fort sur bien des sujets », sourit Raphaël Personnaz. matériel. « Les conditions ne sont pas faciles, on ne peut pas ___u
Le comédien dans
le jardin de la maison
du compositeur,
dans les Yvelines.
En compagnie de
Doria Tillier, qui
campe Misia Sert, une
autre amie de Ravel.
pénétrer à plus de cinq personnes », déplore l’un d’eux. dissant d’une tondeuse à gazon dans les environs. « C’est
Même le petit rail pour les travelings, disposé à l’étage, une cité aisée, donc les habitants possèdent tous un jardi-
donne le sentiment de prendre une place considérable. nier », plaisantent les acteurs, en off. Ils évoquent aussi,
« C’est la maison de célibataire par excellence », sourit avec une complicité non feinte, des souvenirs de tour-
Anne Fontaine. De nombreux bibelots, visiblement nage. Loin de l’image d’un monde du cinéma cynique et
fragiles, sont disséminés sur les tables. Des huiles, repré- sans cœur ! Le fracas s’arrête enfin. La scène est bouclée.
sentant des membres de sa famille, trônent aux murs. Emmanuelle Devos prend congé.
Apparaît le fameux piano où le maître a donné nais- L’action se déroule maintenant du côté de la rue. Raphaël
sance au Boléro, L’Enfant et les sortilè- Personnaz s’avance avec Jeanne Balibar
ges, Tzigane, Concerto pour la main gau- devant un véhicule de la marque
che. De quoi susciter un certain émoi D o n n e t -Zédel. Fermer sa capote
chez les connaisseurs. « Alexandre Tha- Le public est s’avère un exercice périlleux. Son
raud, qui a officié comme conseiller sur loin d’imaginer propriétaire n’est pas rassuré par la
le film, n’a pas caché son émotion », indi-
que Emmanuelle Devos. Idem pour l’implication totale manipulation effectuée par les assis-
tants. Philippe Carcassonne ne l’est
Raphaël Personnaz, qui a mérité le de toute l’équipe pas non plus. La pluie menace de plus
privilège de s’y asseoir. « Il a pris des e n p l u s. U n a s s i s t a n t d e m a n d e
cours de piano en amont et a bluffé tout qui doit régler d’urgence un tuyau d’arrosage pour
le monde. À tel point que nous n’avons
pas eu besoin de recourir à une dou-
de nombreux aléas «faut anticiper » les effets du crachin. « Il
aussi bloquer la circulation plus
blure », se félicite Philippe Carcas- en un laps bas », clame-t-il en même temps.
sonne. D’autres moments resteront
gravés dans l’esprit du comédien,
de temps record Une autre péripétie survient. On
entend au loin le vacarme provoqué
comme le fait d’avoir dirigé un orches- par une scie à métaux. Où ? L’endroit
tre entier. « Une expérience formidable, est repéré. Ni une ni deux, deux mem-
vraiment physique ! J’ai dû trouver une forme de souplesse bres de l’équipe se précipitent sur place pour réclamer
pour me rendre crédible auprès des musiciens. » un répit à son utilisateur. Difficile d’imaginer, confor-
tablement installé devant un écran de cinéma, le nombre
Complicités d’aléas sur un site de tournage. Nouveau problème :
À Montfort-l’Amaury, l’heure est déjà à la prise à la grille, ils sont accueillis par un chien… et non par
suivante. La cinéaste confirme sa proximité avec ses le maître qui poursuit sa besogne ! Mission finalement
comédiens. « C’est un plaisir de travailler avec Anne », accomplie. Seule la mauvaise lumière aura raison de
glisse Emmanuelle Devos. qui figurait notamment au cette séquence. « Deux heures de retard, cela représente
casting de son Coco avant Chanel. Les échanges ne man- au moins 15 000 euros de perte, se désole la production.
quent pas. Le souci du détail est permanent. Le mot Il n’y a pas eu un jour où il n’a pas plu. » Ce ne sera pas le
« ritournelle » fait débat. En chœur, l’équipe opte pour cas la semaine suivante où la séquence sera enfin mise en
le remplacer par le terme « rengaine ». Une nouvelle boîte. Le très perfectionniste Ravel aurait apprécié… ■
pause est soudain réclamée. La raison ? Le bruit assour- Pierre de Boishue
Anaïs Demoustier
L’art de se réaliser
L’actrice, qui tourne cet été dans une adaptation du « Comte de Monte-Cristo »,
Z
figure à l’affiche du convaincant « La Bête dans la jungle »,
où elle campe une femme déconnectée du monde réel. Tout son contraire…
Chemins de traverse
Ce n’est pas un hasard si elle compte parmi ses cinéastes
préférés Quentin Dupieux qui lui a offert un nouveau
en et appliquée. Les rôle dans Daaaaaali ! (prochainement en salles), dédié
vacances ? Anaïs Demoustier en profite pour lire des au célèbre peintre espagnol. « C’est un antibiopic, où je
scénarios ou plancher sur ses nouveaux rôles, dont le per- joue une journaliste, détaille-t-elle. J’adore Quentin
sonnage de Mercédès qu’elle interprétera dans une adap- Dupieux et ses œuvres si peu formatées. Il s’amuse, il sait
tation du Comte de Monte-Cristo par Alexandre de La oser. Il peut tout me proposer : je dirai oui ! » Autre coup
Patellière et Matthieu Delaporte. Les interviews ? Elle s’y de cœur : Katell Quillévéré, qui a fait appel à elle dans
prête de bonne grâce, avec le sourire. Et dès les premières Le Temps d’aimer (sortie le 29 novembre). « Un très beau
minutes, elle donne le sentiment d’aimer passionnément portrait de femme », glisse Anaïs Demoustier qui a la
son métier quand on l’interroge sur ses rôles majeurs et les chance de pouvoir choisir ses apparitions. « Il faut
réalisateurs qui l’ont marquée. « Le premier d’entre eux fut veiller à ne pas lasser le public et prendre le temps de
Michael Haneke qui m’a donné ma chance dans Le Temps retourner à la vraie vie », confie la jeune mère de famille,
du loup alors que je n’avais que 14 ans, dit-elle. Il m’a appris peu encline à brûler les étapes malgré ses succès.
la rigueur, durant un tournage qui a duré deux mois et demi, Une prudence qui ne l’empêche pas d’envisager un jour
et a agi comme un déclic sur moi. » l’écriture d’un scénario et sa réalisation, ni de rêver à des
Deux décennies plus tard, elle retrouve un autre metteur collaborations avec des pointures étrangères. « J’aime-
en scène autrichien : Patric Chiha. Dans son film rais travailler avec Ryusuke Hamaguchi, qui sait aborder
étrange et profond *, inspiré d’un ouvrage d’Henry les rapports amoureux dans le style de François Ozon,
James, elle interprète une jeune femme qui fait la affirme-t-elle. Ou Joachim Trier. Je suis fan également de
connaissance d’un beau ténébreux (Tom Mercier) pour Nanni Moretti. Chaque tournage est une aventure
le moins opiniâtre et braqué. Ne va-t-il pas la persuader, humaine enrichissante, qui demande parfois de la dexté-
durant vingt-cinq ans, de l’imminence d’un événement rité car on se met au service d’un point de vue. Ne croyez
mystérieux au lieu de se projeter en sa compagnie dans pas que les acteurs sont des personnes narcissiques. »
la vie réelle ? Un récit digne du Désert des Tartares, où Rien ne lui plaît plus que les réalisateurs « qui prennent
la notion d’attente est tout, sauf synonyme d’ennui. des chemins de traverse pour parler du monde ». Un
« Le film raconte la descente aux enfers d’une jeune pre- monde qui passionne celle qui dévore les journaux sur
mière, qui mène une vie sociale tout à fait normale, et qui internet, mais fuit les réseaux sociaux depuis longtemps.
va se laisser aspirer peu à peu, précise la comédienne. J’ai « Il y a des gens que je trouvais formidables… et que j’ai
été séduite par le côté romanesque de cette histoire. On trouvé si décevants en découvrant leurs publications »,
traite beaucoup au cinéma les amours contrariées, plus rare- soupire-t-elle, sans se départir de sa bonne humeur.
ment les amours manquées. » Même originalité au niveau Pierre de Boishue
du décor, puisque l’action se déroule dans une immense * La Bête dans la jungle, en salles le 16 août.
musique
D
eux des plus expertes formations du
baroque français font revivre avec élo-
quence autant d’opéras de la fin du
Grand Siècle. Les Talens Lyriques de
Christophe Rousset s’attaquent une
énième fois à Lully (1), qui donnait en 1678 un Psyché
consacrant alors sa toute-puissance dans le domaine
lyrique (par le privilège royal de 1672). L’orchestre
brille de toute sa fibre lullyste tandis que la fable
mythologique, déroulée sur un livret de Thomas
Corneille, est admirablement servie par la clarté
majestueuse de Bénédicte Tauran (Vénus) et d’Am-
brosine Bré (Psyché). Marin Marais fut un d isciple Hervé Niquet.
avéré de Lully et c’est presque dix ans après sa mort
qu’il présenta en 1696 la tragi-comédie Ariane et
B acchus, alors que le goût de l’époque se portait Christophe Rousset.
plutôt sur la pastorale et le ballet. Hervé Niquet et son
Concert Spirituel, augmentés des Chantres du
CMBV, illustrent cette fidélité – exigeante et contras-
tée – avec magnificence et en s’appuyant sur un très
judicieux petit chœur orchestral ainsi qu’une distri-
bution parfaite, la soprano Judith van Wanroij en
tête dans le rôle d’Ariane (2). Difficile de résister au
charme et à l’émotion de ces deux pièces que deux
indispensables éditeurs nous p er mettent de
redécouvrir. Bruno Guermonprez
(1) Jean-Baptiste Lully : Psyché/Christophe Rousset
& Les Talens Lyriques (Château de Versailles Spectacles/Outhere).
(2) Marin Marais : Ariane et Bacchus (alpha/Outhere).
la vision télé
de stéphane hoffmann
QUEL EST LE TUBE DE L’ÉTÉ 2023 ?
Il n’y en a pas : nous manquons d’airs.
L ongtemps la télévision
servit les chansons.
C’est fini. Les chanteurs
n’y chantent plus, c’est réservé
aux amateurs de ces télé-crochets
Quand on aime la rengaine,
on se branche sur Melody qui,
ce week-end, propose
notamment un « Champs-Élysées »
de 1983 avec Daniel Balavoine,
auparavant, le 21 avril, Charles
Trenet est l’unique invité
de Drucker et chante,
avec un grand orchestre,
treize chansons, dont huit
Henri Buffetaut Presse, Eric Larrayadieu/ Les Talens Lyriques 2018
spectacle
goûtez la goulue !
E
lle a été la reine de Paris. À présent, c’est une femme déchue, alcoolique et démunie.
La vie de Louise Weber dite « La Goulue » * fut pourtant ébouriffante et l’audacieuse
comédienne Delphine Grandsart, seule en scène, la retrace avec humour, douleur,
nostalgie et une incroyable énergie. Immortalisée par son ami Toulouse-Lautrec à qui elle est
restée fidèle jusqu’à la fin, la danseuse de French cancan a connu un destin aux mille visages
que l’auteur Delphine Gustau a choisi de nous raconter à l’envers : de sa triste fin sur la butte
Montmartre à sa carrière de dresseuse de fauves, de son triomphe au Moulin Rouge à son
enfance de petite orpheline élevée chez les sœurs. Chaque fois, sa personnalité hors du commun,
sa gouaille légendaire, fait d’elle un être à part, de ceux qui n’aspirent qu’au bonheur et à la liberté. Oui, La Goulue était
libre, spirituelle, seule la mort de son jeune fils la laissa à jamais inconsolable et accéléra sa chute. Dans une mise en scène
de la comédienne et de l’auteur, Delphine Grandsart s’amuse à faire interagir le public, l’invectivant parfois, l’encourageant
surtout à devenir le complice consentant de cette scandaleuse plus complexe qu’il n’y paraît. Laurence Caracalla
* Le Lucernaire, Paris 6e. Jusqu’au 20 août.
polar
baignade surveillée
A
bandonnée par sa mère, Maya a eu une adolescente agi-
tée, puis a fait un long séjour au centre psychiatrique pour
détenus de Congdon, non loin de Duluth, Minnesota.
Après avoir poursuivi des études universitaires, elle est
aujourd’hui orthophoniste dans ce même établissement, et doit
EC
TIO
N
prendre en charge un nouveau venu. Un cas étrange : disparu dix
L
ans plus tôt avec son père dans l’immense territoire de forêts et de
É
-
- S
question a été interpellé après avoir tué une vieille dame dans un
ZI
FI
A G
RO
MA
film
détenu reste totalement mutique. Forte de sa propre histoire,
bizarre autant qu’étrange
Maya va tout faire pour percer les mystères qui l’entourent. Et si
E
n épousant un fils de bonne famille possible l’aider… Quand la thérapeute s’avère
marocaine dont elle attend un enfant, aussi traumatisée que son patient, on peut
Itto pensait échapper au destin peu s’attendre au pire. C’est ce que cherche la jeune
réjouissant d’une modeste Berbère des campa- romancière Mindy Mejia en nous plongeant
gnes. Tout juste allait-il falloir supporter une jusqu’au cou dans des eaux t roubles de ce thriller
belle-famille moyennement accueillante. Une psychologique * sombre et touffu.
broutille, comparé au plaisir de pouvoir désor- Philippe Blanchet
mais tout acheter – la bonne nourriture, les * En eaux troubles, de Mindy Mejia, Mazarine, 344 p.,
loisirs, les gens. Jusqu’au jour où des éléments 22,90 €. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean Esch.
naturels inexplicables surviennent dans le pays,
bousculant le cours des choses. Soudain isolée livre
de ses proches, confrontée à des événements où mystère dans l’ohio
la fortune et la foi ne sont que de peu de recours,
E
victime d’hallucinations et de visions qui n’en n 2002, la police découvre une autre identité ? Dans un livre
sont peut-être pas, Itto va entamer, entourée dans la banlieue de Cleve- haletant qui se lit comme un
d’animaux aux comportements étranges, un land le cadavre de Joseph polar *, Thibault Raisse revient
périlleux voyage sur les routes de l’Atlas et en Chandler, un retraité mutique et sur un épais m ystère que ni la
elle-même. secret sans histoire. Si sa mort police locale ni les détectives
Plusieurs plans à couper le souffle, une atmos- n’est pas suspecte (suicide), sa privés ni les journalistes améri-
phère à la fois onirique, fantastique et ultra- vie l’est. Il n’a laissé aucune cains n’ont résolu.
PHILIPPE WOJAZER, Ad Vitam, sp
réaliste, un propos social et religieux audacieux empreinte de lui et on découvre Et avance une hypo-
qui évite néanmoins la caricature, une comé- que le vrai Joseph Chandler était thèse propre à exciter
dienne étonnante (Oumaïma Barid) : le premier un enfant mort à 8 ans après la les imaginations…
film de Sofia Alaoui *, aux faux airs de Melancholia, guerre. Qui était cet inconnu ? J.-Ch. B.
est un coup de maître. Jean-Christophe Buisson Que cachait-il ? Qu’a-t-il fait * L’Inconnu de Cleveland,
* Animalia, déjà en salles. durant un quart de siècle sous 10/18, 201 p., 6,90 €.
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Carnets de voyage
Spécial Europe/Italie
Balade céleste
sur la Côte
Amalfitaine
Au sud de Naples, cette côte légendaire se déroule
sur une quarantaine de kilomètres entre une mer céruléenne
et des montagnes aux vallées verdoyantes.
Couvertes de vergers en terrasses, celles-ci dissimulent des sentiers
et des villages perchés, témoins d’une histoire millénaire
et de traditions préservées.
Par Sarah Chevalley (texte) et Laurent Fabre pour Le Figaro Magazine (photos)
D
ominé par des rochers accidents ne sont plus rares. Les autorités locales
aux formes singuliè- réfléchissent à des solutions pour protéger et réglemen-
res, un sentier abrupt ter ces chemins qui furent pendant des siècles les seuls à
serpente à flanc de relier les vallées entre elles. Bergers, fermiers, femmes
m o n t ag n e. S u r s e s chargées de marchandises arpentaient ces sentiers
pentes dévalent des ardus, avec pour seuls compagnons des mules ou des
v ignes et des murets chevaux rustiques. La route nationale côtière, réputée
en pierres sèches, sur- pour ses virages en épingle à cheveux et son étroitesse,
montés de pergolas en n’a été inaugurée qu’en 1853. Certains villages sont
bois de châtaignier. restés isolés jusqu’aux années 1960 comme Scala, situé
Elles ploient sous au-dessus d’Amalfi, là où tout a commencé il y a plus de
d’énormes citrons, les mille cinq cents ans.
sfusato d’Amalfi, à la
chair épaisse et au goût suave. Le long du chemin, des Une république maritime
maisons et des terrasses abandonnées racontent un née dans les montagnes
monde disparu, laissant le maquis dense et odorant Surplombant deux vallées plantées d’agrumes, Pontone
reprendre ses droits. Le silence de l’aube est à peine trou- est un hameau endormi dont la charmante place
blé par un tintement de clochettes. Un troupeau de circulaire abrite une petite église et un bar où quelques
chèvres se faufile sur un passage étroit pour rejoindre les marcheurs boivent un café avant de reprendre leur
sommets des monts Lattari. Des cailloux roulent sous montée. Cette bourgade paisible est une fraction de
leurs pattes, mélange de calcaire et de pierre ponce, héri- Scala, village composé de six hameaux étalés sur une
tage de l’éruption du Vésuve en 1979. Le redoutable vol- dizaine de kilomètres carrés. Connectés entre eux par
can n’est qu’à quelques encablures, de l’autre côté de la des milliers de marches, ils sont situés à l’emplacement
plus actifs d’Occident. Avant la première croisade, les Açores. Au fond de la vallée se dresse un impressionnant
marchands amalfitains avaient obtenu du calife mur de mousses fossilisées où ruisselle de l’eau formant
d’Égypte l’autorisation de construire à Jérusalem un des stalactites. En quittant cette nature préhistorique, le
couvent ainsi qu’un hôpital portant le nom de Saint- sentier remonte vers la lumière. Le bleu étincelant de la
Jean Baptiste. La communauté religieuse des Hospita- mer Tyrrhénienne perce à travers les pins maritimes. Sur
liers de Saint-Jean fondée par frère Gerardo Sasso, une corniche s’avancent majestueusement les vestiges
n oble de Scala, était née. Le futur ordre de Malte d’une église du XIIIe siècle. À mi-chemin entre Pontone
adopta les armoiries d’Amalfi, une croix à huit poin- et Minuta, une autre fraction de Scala, la basilique de
tes, éclipsant ses origines païennes. Les échanges avec Sant’Eustachio fut l’une des plus belles du sud de
le monde musulman ont fortement influencé la l’Italie. Sur l’abside encore debout, les motifs d’arcs
république maritime dont il ne reste que les r uines de croisés et les demi-lunes témoignent des influences
l’arsenal, récemment transformé en musée. sicilienne, arabe et normande. Entre ses ruines sécu-
Détruite par un tsunami au XIVe siècle, Amalfi n’a plus laires, où les visiteurs se font rares, l’atmosphère est
rien de la capitale commerciale qu’elle fut presque un propice à la contemplation. Au coucher du soleil, la mer
siècle durant. Ravissante station balnéaire, elle est enva- se couvre d’un manteau argenté. Sur le promontoire
hie par les visiteurs qui arrivent par cars entiers pour voisin, les tours des palais de Ravello forment des
admirer son dôme néogothique et siroter un Spritz aux ombres élégantes.
terrasses des cafés. Pour s’extirper du tumulte, il suffit de
se perdre dans les passages couverts longeant la rue prin- Le refuge
cipale. Emplis de silence et de fraîcheur, ils évoquent des Anglais romantiques
ceux des médinas. Véritables labyrinthes, ces galeries « Plus rapproché du ciel qu’écarté du rivage », écrivait
débouchent sur des volées de marches polies par les André Gide à propos de Ravello dans L’Immoraliste.
ans menant au pittoresque village voisin d’Atrani, Comme de nombreux artistes, l’écrivain était tombé
minuscule port de pêche aux maisons cubiques pastel, sous le charme de ce village médiéval dont les demeures
de plantes rares débouchent sur un belvédère en au patrimoine mondial de l’Unesco en 1997. L’institu-
apesanteur au-dessus de la mer, bordé d’une enfilade de tion internationale a c onsidéré que, sur ce territoire
bustes antiques. Ce balcon, rebaptisé « la terrasse de côtier d’une grande beauté naturelle, l’homme avait su
l’infini », laisse sans voix. Longtemps confidentiel, il est transformer le p aysage de façon harmonieuse, sans le
aujourd’hui l’un des sites les plus recherchés par les détruire. Abandonnée au profit des métiers du tourisme,
instagrameuses en vacances sur la côte amalfitaine. P arées la culture « héroïque » des vergers en pente semble
de leurs plus belles robes, elles se font immortaliser, posant séduire à nouveau les jeunes. Pour Andrea Ferraioli,
à côté des statues. Cette nouvelle façon de voyager, qui a président de l’association Distretto Turistico Costa
beaucoup accru la notoriété de la côte, ne met pas à l’hon- d’Amalfi, regroupant une centaine d’acteurs locaux, il
neur ses particularismes. Pourtant, d epuis quelques est essentiel de créer des liens entre l’agriculture et le tou-
années, le retour aux sources est une tendance qui séduit risme. Le succès rencontré par le Sentier des citrons, un
de plus en plus d’entrepreneurs locaux. antique chemin muletier, reliant Minori à Maiori, a
incité des habitants à revenir s’installer dans les maisons
à la recherche de saveurS en hauteur, le long du parcours. L’éloignement ne fait
et de traditions oubliées plus peur, au contraire. À Tramonti, un village composé
Avec son panier en osier sous le bras, Giacomo Miola de 13 hameaux disséminés entre des collines verdoyan-
arpente les ruelles verticales de Praiano, suivi par un p etit tes aux faux airs helvétiques, la vie s’écoule doucement.
groupe d’Américains, pendu à ses lèvres. Dans l’anfrac- Réputé pour la production de caciocavallo, un fromage
tuosité des murs, il débusque du pissenlit, du r omarin ou dont la fabrication artisanale a peu évolué depuis
du fenouil sauvage qui serviront ensuite à préparer un l’Antiquité, et celle du tintore rosso, un vin issu de r aisins
repas au Mama’s, un restaurant Slow Food dans les récoltés dans les vignobles centenaires, Tramonti cultive
hauteurs du village. Ce designer de Positano, passionné ses traditions. Originaire du village, Roberto di Martino a
d’histoire et de cuisine, a décidé de créer le concept de décidé de s’y installer après avoir été propriétaire d’un bar
« gastronomic trekking » pour reconnecter les visiteurs à Maiori, sur la côte. C’est dans une a ncienne charcuterie
au territoire et à ses origines. « On parle tout le temps de du village qu’il a choisi d’ouvrir une petite trattoria,
nourriture, mais personne ne sait d’où viennent les pro- Putechella, proposant uniquement des spécialités locales.
duits », se désole-t-il. Grâce à ses tours, on découvre « Je ne supportais plus de vivre dans l’un des plus beaux
notamment l’histoire du fameux citron sfusato, arrivé de endroits du monde sans pouvoir en profiter », confie cet
Terre sainte au Xe siècle pour soigner le scorbut. C’est entrepreneur dynamique qui e spère attirer des voyageurs
aussi du monde arabe qu’ont été i mportées les cultures en curieux, désireux de découvrir une autre côte amalfitaine
terrasses, qui ont valu à la côte amalfitaine un classement où ruralité rime avec hospitalité. ■ Sarah Chevalley
3 4
5 6
On aime la profusion
Y aller
de fleurs et ces terrasses Pour s’imprégner de l’univers de l’homme
Air France (09.69.39.36.54 ; Airfrance.fr) d’où l’on regarde de théâtre, le restaurant Maestro’s offre une
relie quotidiennement Paris-Orly à Naples.
À partir de 360 € l’aller-retour.
la mer scintiller bonne entrée en matière. 100 € le déjeuner.
À faire
organiser son voyage hypercolorées. C’est le parti pris de cet Une randonnée sur le Sentier des
Donatello (01.55.87.85.85 ; Donatello.fr), hôtel de 38 chambres, situé sur les dieux ! et dans la Valle delle Ferriere,
le spécialiste de l’Italie du Groupe Kuoni hauteurs de Praiano. Le raffinement est les deux itinéraires phares de la côte
France propose un itinéraire au volant dans chaque détail, des nuances de blanc amalfitaine. Pour le premier, partez à l’aube
sur la côte amalfitaine à partir de 2 540 € (une quinzaine), en passant par les plaids ou en fin d’après-midi pour apprécier
par personne. Ce tarif comprend les vols en cachemire et les serviettes de bain ce parcours sublime sans la foule avec
aller/retour sur Air France, la location de Etro… Le petit déjeuner sur le toit terrasse Simona Ravaglia (340.544.94.489 ;
voiture, 4 nuits aux Palazzo Pascal, Palazzo avec vue sur Capri est un must. À partir de Simona.ravagliagae@gmail.com), guide
Avino, Borgo Santandrea et Casa Angelina, 1 071 € en chambre vue mer avec balcon. professionnelle francophone, sensible
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Notre sélection Au cœur d’Agerola, dans la cour d’un par Peter Hoogstaden, un Néerlandais
d’hébergements palais noble du XVIIIe siècle, La Corte degli tombé amoureux du sud de l’Italie, Genius
Situé à Minuta, Palazzo Pascal (00.39. Dei § (324. 843.75.79 ; Lacortedeglidei.it). Loci Travel (089.791.896 ; Genius-loci.it)
089.85.83.12 ; Palazzopascal.com) est un L’originalité des recettes régionales propose des séjours itinérants à pied ou à
5 étoiles ouvert en 2019. Attenant à une revisitées par le chef Petronilla Naclerio, vélo, incluant notamment le Sentier des
église médiévale sur une ravissante place, et l’élégance du décor sont la garantie dieux et la Valle delle Ferriere. À partir de
l’hôtel rouge pompéien abrite 7 suites, dont d’un dîner mémorable. Compter 50 €. 450 € par personne pour 6 jours avec
certaines avec terrasse, toutes avec vue &
Fore Porta (339.243.64.50 ; l’hébergement et le transport des bagages.
sur la mer. Le jardin en pente donnant sur Agriturismoamalfi.it), accessible à pied Une balade et un cours de cuisine pas
Ravello, Atrani et Amalfi accueillera bientôt uniquement, par le sentier de la Valle delle comme les autres à Praiano avec
un parcours botanique médicinal. À partir Ferriere, cette ferme biologique spécialisée Giacomo Miola, fondateur de Gastronomic
de 472 € la nuit, petit déjeuner compris. dans la production de citrons sfusato, est Trekking (Gastronomictrekking.com).
À Ravello, le Palazzo Avino @ aussi un restaurant. Mena, la propriétaire, y Après avoir arpenté les escaliers bordés de
(00.39.089.81.81.81 ; Palazzoavino.com) prépare entre autres mets, un succulent plantes et de fleurs sauvages où Giacomo
est le palace familial que l’on choisit autant risotto au citron. 30 €. De mars à novembre. récolte des herbes, vous vous mettrez
pour sa vue que pour sa décoration raffinée À Praiano, Kasai (089.87.41.08) se aux fourneaux, puis dégusterez le fruit
et son service hors pair. Au Rossellinis, distingue par sa jolie déco vintage et sa de votre travail. 200 € le tour privé de 5 h.
restaurant gastronomique 1 étoile terrasse avec vue sur la mer, de l’autre côté
au Michelin, les linguine avec émulsion de la rue. Les recettes gastronomiques shopping
d’oursins et de petits calamars frisent la reflètent la philosophie du propriétaire, Sur les hauteurs de Positano, Soso
perfection. On aime la profusion de fleurs, Costabile Pane : « Je ne veux pas d’une (089.87.53.27 ; Sosopositano.it) revisite avec
le style mauresque et les terrasses carte avec des grands discours. La seule humour l’art de la céramique. Lampes aux
où l’on regarde la mer scintiller en sirotant chose qui compte c’est de voir les clients lignes arabisantes et sculptures animalières
un martini. À partir de 1750 € en chambre saucer leur assiette ». On rend en effet colorées à partir de 75 €. Non loin de là,
Deluxe vue mer, petit déjeuner compris. son assiette « propre » ! À partir de 45 €. en descendant vers la mer, La Bottega di
Perché à 90 m au-dessus de la mer, Borgo Surplombant la baie de Positano, la Villa Brunella (089.87.52.28 ; Brunellapositano.it)
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Borgosantandrea.it) descend en terrasses Villatreville.com) en met plein la vue. La intégralement dans son atelier, les chemises
verticales jusqu’à la baie de Conca demeure de Franco Zeffirelli, transformée en lin naturel qui ont fait la réputation
dei Marini. La décoration est une ode en hôtel de 16 suites, est à l’image de son du style Positano dans les années 1960.
à l’esprit 1950 avec des rééditions uniques ancien propriétaire, baroque et fastueuse. À partir de 90 € la chemise. S. C.
de Gio Ponti, dans un univers en bleu
où les motifs géométriques revisitent l’art Naples
de la mosaïque amalfitaine. Chambres et
suites, restaurants et bars ont été pensés Vésuve
pour faire entrer la lumière éclatante de
la Costiera, avec en point d’orgue la plage Procida
privée, l’une des rares de la côte. À partir Ischia
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de 900 € la nuit, petit déjeuner inclus. LATTARI Tramonti
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Casa Angelina (00.39.089.813.13.33 ; Nocelle Maiori
1. Scala
2 2. Pontone
Casangelina.com). Au pays de la majolique, Positano 3
3. Ravello
Amalfi
il fallait oser le minimalisme d’un décor Praiano
entièrement blanc, juste rehaussé d’un Capri
Îles Galli
Mer
Tyrrhénienne
parquet blond et de sculptures 10 km
Il est des voyages qui restent à jamais gravés dans les mémoires…
Celui-ci en fera sans nul doute partie.
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fragile équilibre une beauté et une grâce qui nʼappartiennent quʼà lui.
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A r t d e v i v r e
Paul Bonlarron
Seigneur des coquillages
De son enfance en Bretagne passée à farfouiller entre algues et rochers pour y trouver des
merveilles, le designer a tiré une passion et désormais un savoir-faire devenu sa spécialité.
L
e milieu aquatique me fas- p oétique, symbolique aussi, avant un émail à partir de poudre de
cine. Il est opaque, source de d’arriver à la question du décoratif. » coquillages… Hermès, avec Petit H,
tant de légendes : tout ce qui l’a invité, l’hiver dernier, à investir sa
en sort pour être observable gravure au vinaigre boutique et ses vitrines. Cette fois-ci,
finit par mourir et disparaître. Les La collecte, méthodique, se réalise il a imaginé « une fontaine de rocaille,
coquilles sont les vestiges matériels de comme un procédé à part entière de toute en assiettes brisées à la Picas-
ces rêveries qui habitent la mer », son travail. Objectif : « Recréer l’his- siette ou à la Gaudí. »
confie Paul Bonlarron. Deux ans toire dans l’histoire, s’ancrer sans Au fil des coquilles, le voici résident
seulement que le jeune designer est copier. » Les trésors maritimes trou- du Mobilier national, avec lequel il
diplômé, mais le voilà déjà très solli- vés feront l’œuvre. « Je chine mes présente, en ce moment, à la Design
cité. De hasard en opportunité, coquilles. Par les voies classiques de la Parade, un cabinet de curiosités à la
notre spécialiste du conchylium pos- seconde main, et dans des recoins dont sauce illusionniste, vaste meuble tout
tule au concours de la Design Parade le secret n’appartient qu’à moi, du côté en anamorphoses. Mais c’est pour
de la villa Noailles et se voit reçu en de l’Atlantique ou de la Méditerranée, mieux se jeter, à nouveau, à l’eau. Pro-
2022. La Toilette aux coquillages, pour y trouver un type précis, certaines chaine étape, étudier la technique du
qu’il présente, naît de la référence à formes bien définies ou encore des sur- vitrail aux coquillages, importée par
la chaumière aux coquillages de faces lavées par la mer. L’architecture les colons espagnols aux Philippines.
Rambouillet et aux grottes italien- de mes projets se construit avec cette On se quitte sur l’idée d’un projet
nes, comme celles des îles Borro- palette, reflet du littoral français. » idéal : un nymphée, petite grotte arti-
mées. Sans oublier les rocailleurs de Sans oublier de longues recherches ficielle abritant une fontaine, à l’ori-
la Renaissance au XIXe siècle… « Il techniques : il invente un système de gine consacrée aux nymphes a ntiques.
Aglaé Poisson ; sdp
y a tant de lectures à faire de la nacrage des coquillages thermique- Ça coule de source. Elsa Cau
c oquille : la première maison du ment, sans apport chimique et à « Le Jardin secret de bleu chardon »,
monde qui définit les notions d’inté- nuances inégales ; redécouvre la gra- Paul Bonlarron et le Mobilier national,
rieur et d’extérieur, une lecture vure au vinaigre sur les lambis ; crée villa Noailles, jusqu’à fin septembre.
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Essai
I
l y a des modèles qui agissent comme des aimants.
Héritière des roadsters anglais de la génération des
yéyé et à l’origine du renouveau du cabriolet à la fin
des années 1980, la MX-5 est de cette veine. Voici une
auto qui n’engendre pas la mélancolie. L’essayer, c’est
l’adopter. À son bord, le charme opère à chaque fois.
Certes, ce roadster, comme toutes les voitures sportives, est
rivé au ras du sol – on descend littéralement –, mais une fois
installé dans le siège baquet, il faudra une bonne raison
pour en être délogé. Malgré le poids des années et un sys-
tème multimédia qui ne répond plus aux canons actuels, la
quatrième génération de la MX-5 reste tout à fait d’actualité.
Au fil du temps, elle n’a rien perdu de sa simplicité d’usage.
Avec moins de 4 mètres de long, le roadster japonais est
facile à appréhender et à stationner. La capote en toile
tourne le dos à l’électronique. Toutes les opérations sont
manuelles et s’effectuent très facilement d’une seule main.
Capote ouverte, l’habitacle parfaitement isolé des remous
d’air, même sur l’autoroute, permet de tenir une conversa-
tion sans hausser la voix.
High-Tech
Quand le VTT se prend pour une moto
A
vec ses lignes arrondies évoquant les motos des automatique sur ce type de cycle. Ajoutez un cadre en
années 1960, sa couleur verte caractéristique fibre de carbone, une fourche à amortisseurs, des
des Land Rover de 1948, il ne laisse personne freins hydrauliques et une tige de selle télescopique et
i ndifférent. Le VTT électrique Alti- vous obtenez un véhicule de luxe des-
tude x Valeo, de l’annécien Heritage, tiné aux amateurs de tout-terrain
embarque le meilleur du style et de la comme aux esthètes. Pour ne rien
technologie pour s’aventurer sur des gâcher, l’ensemble est pratiquement
sentiers escarpés. Il bénéficie d’un fabriqué à 100 % en France. Malheu-
moteur Bosch revendiquant le couple reusement, son prix élevé (11 990 € ;
Service de Presse
la table de
maurice beaudoin
U
ne brasserie portant le
nom d’un céphalopode
fossile dont la coquille
ressemble à une corne de bélier,
qui élève ses bières dans des fûts
de grands vins et spiritueux…
On aurait facilement pu croire
à une lubie de paléontologue
œnophile, le crâne labouré
d’implants. Il n’en est rien.
Car Simon Lecomte a davantage
la carrure d’un demi de mêlée
du XV de France que celle
Alexandre Couillon, d’un rat de bibliothèque. Formé
noirmoutier en œnologie à Beaune, il est
devenu brasseur à la philosophie
Depuis l’obtention de sa troisième étoile, le chef quadra de maître de chai, prêtant à
affiche souvent complet. Sa belle cuisine enchante. l’orge ce que l’on donne aux
D
raisins. En 2018, ayant découvert
ébut 2023, Alexandre salants, les pins maritimes qui une ancienne grange vierge
Couillon a obtenu 3 étoi- peuplent son quotidien. Le chef n’a du XVIIe siècle, il installe sa
l e s, s e u l d e l ’ a n n é e pas fait les grandes maisons, comme brasserie à Sens, petit hameau
promu à ce niveau. Au la plupart de ses confrères, à part un de Sennecey-le-Grand, en
bout de l’île de Noir- court passage à Eugénie-les-Bains, Bourgogne. Il lui faudra plusieurs
mois de travaux afin de faire du
moutier, face à la Vendée, lui et Céline, chez Michel Guérard. Faute de bâtiment un lieu d’accueil pour
sa femme, sont allés au bout de leur temps. Le restaurant familial le récla- quelques cuves, dont les liquides
rêve. Alexandre a grandi dans cette île. mait, le chef, ce devait être lui. en fermentation spontanée sont
Leur succès, leurs trois étoiles, comme Ils sont là, tous les deux, Alexandre bercés au rythme du calendrier
leurs interrogations et leurs soucis, ce et Céline. Comme à leurs débuts. lunaire et maritime. Dans le
sont lui et son épouse, indissociables. Rien ne change. Et si ça marche, c’est verre, une mousse douce comme
Ces trois étoiles, ils les partagent. pour ça. Il prépare toujours le un duvet, loin de ces pressions
La mer est le principal « fournisseur » maquereau de petite pêche, betterave de PMU dont l’amas de mousse
de La Marine. Ses poissons, il les achète et persil ; le merlan, petit lait aux débordant sur l’avant-bras vous
à la criée du port de Noirmoutier, fleurs de sureau et asperges blan- consigne à la disgrâce. Des
bières sans amers de malt, mais
devant chez lui. Impossible de trou- ches ; le pagre, oignons confits, la aux arômes proches de grands
ver plus frais. Sa carte, ce sont laitue sur la braise, condiments du crus des plus nobles climats.
d’abord les poissons arrivés par les jardin ; le turbot, blettes ligotées et Alicia Dorey
bateaux du matin, face à sa maison. jus de tête ; la laitue de mer, sarrasin Brasserie-ammonite.com
et caramel, agrumes.
Le restaurant des parents Sur un terrain de 4 000 m² poussent
La salle à manger du restaurant est légumes et condiments, cueillis
simple : 6 tables espacées, pour parti- chaque jour. Voilà donc une formi-
ciper à un festival de la mer. En dable réussite, en partant de pas
vedette, l’huître noire froide, pochée grand-chose… Ajoutons un hôtel de
Erika, le homard et caviar, sur un flan quelques chambres pour passer la
au bouillon de crabe vert… nuit et profiter d’un savoureux petit
Avec Céline, Alexandre a simple- déjeuner. Alexandre Couillon, un
ment repris le restaurant de ses « travailleur de la mer », dont l’achar-
p arents. À respectivement 22 et nement aurait plu à Victor Hugo.
23 ans. Sur le port de l’Herbaudière, La Marine, 3, rue Marie-Lemonnier,
tout au bout de l’île. il n’a jamais 85330 Noirmoutier-en-l’Île (02.51.39.23.09 ;
quitté l’océan, les dunes, les marais
sdp
Alexandrecouillon.com).
A U
V E
O U
N PRÉSENTE
Cadran
F
rida Kahlo le disait si bien pensé pour séduire autant les femmes
en son temps : « Chaque que les hommes.
tic-tac est une seconde de Ces nouveaux modèles Flagship
la vie qui passe, s’enfuit et Heritage arborent un cadran bombé
ne se répète pas. Et il y a en inspiré du modèle original de 1957, en
elle tant d’intensité, tant d’intérêt, opalin argenté, argenté soleillé ou bleu
que l’unique problème est de savoir la soleillé. On retrouve au dos, frappé sur
vivre. » C’est cette soif intense de le fond vissé de la montre, l’emblème
vivre et d’aimer, d’apprécier chaque de la collection Flagship Heritage :
seconde comme si c’était la meilleure une caravelle sur m édaillon or.
ou la dernière que Longines insuffle
c o n s t a m m e n t à s e s c r é at i o n s Calibre
horlogères. dernier cri
Mais ce n’est pas parce que le temps Ce trio de garde-temps hors du
passe toujours trop vite que les temps est animé par un mouvement
garde-temps ne doivent pas faire de mécanique à remontage automati-
leur mieux pour demeurer intempo- que L899.5 doté d’une complication
rels. C’est justement le cas des trois phases de Lune. À 6 heures, cette
modèles Flagship Heritage qui fonction astronomique est couplée à
viennent d’être dévoilés. Un nom et l’aiguille de l’indicateur de date
un style tout droit surgis de la fin des reprenant les couleurs de la lune, des
années 1950. index et des aiguilles des heures,
minutes et secondes en fonction des
modèles pour hommes modèles. Ce calibre dernier cri,
comme les femmes proposant 72 heures de réserve de
Autant de porte-drapeaux atempo- marche, est doté d’un spiral en
rels mettant en scène une nouvelle s ilicium mariant résistance aux
fonction phases de Lune, au sein aux poignets les plus fins. Ce boîtier c h a m p s m ag n é t i q u e s e t h a u t e
d’un boîtier redessiné de 38,5 mm de redessiné, associant finitions sati- précision. Judikael Hirel
diamètre seulement. De quoi cor- nées-brossées et cornes raccourcies Longines Flagship Heritage,
respondre à l’air du temps comme et chanfreinées, a clairement été prix selon modèle (Longines.com).
Focus
Only Watch 2023, le beau pour faire le bien
C ’est un concept
unique dans
l’univers des
ventes aux enchères
caritatives : Only Watch,
adjugées le 5 novembre
prochain, à Genève,
sous le marteau de
Christie’s, les amateurs
horlogers français
d’Only Project. Édition
après édition, le concept
n’a cessé de prendre de
l’ampleur. L’argent récolté
permet, cette année, de
imaginée par Luc pourront les admirer du premiers essais de type 1.
Pettavino, à Monaco, 27 au 30 septembre lors D’une Gérald Genta
fête sa dixième édition. du Monaco Yacht Show. inédite à une Bulgari Octo
Cette année, 62 montres « Only Watch est une vente taillée dans le marbre,
uniques ont été imaginées caritative biennale de d’une Louis Vuitton un sol fertile. On découvre
pour la bonne cause par pièces uniques, en faveur en hommage à Einstein les pièces une à une
73 marques reconnues de la recherche sur une à un pendentif horloger et quand on les met toutes
ou encore jeunes. thérapie pour la myopathie signé Tiffany & Co, ensemble, c’est vraiment
Un véritable arc-en-ciel de Duchenne, une maladie ce millésime 2023 bat époustouflant », se réjouit
horloger. Si ces pièces génétique », précise Tess des records de créativité. Luc Pettavino. J. H.
d’exception seront Pettavino, directrice « Ce sont des racines dans Onlywatch.com
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D e r n i è r e n o u v e l l e
Tout l’été, une nouvelle inédite par une plume du « Figaro » ou du « Figaro Magazine »
I
l était tout ce que je rêvais portée de main, même l’avenir. le sillage du film More, dont la cita-
d’être : beau, élégant, désin- Ibiza n’était pas encore cette gigan- delle de la vieille ville fut le décor
volte. De longs cheveux tesque boîte de nuit bruyante et blême, la musique des Pink Floyd
b l o n d s, d e s y e u x b l e u vulgaire qu’elle est devenue. Des sonna le glas de notre insouciance.
marine, un sourire ravageur, milliers de corps tatoués ne s’agi- Héroïne, LSD, les drogues dures en
il promenait avec noncha- taient pas comme des zombies sur furent le tombeau. Sur le bateau du
lance sa silhouette seigneuriale le des rythmes syncopés jusqu’à retour, les hippies quittaient l’île
long du port. Tunique rose, mauve l’aube. Au milieu des années 1970, par grappes entières.
ou turquoise, chemise à jabot, bot- l’île était un paradis préservé où Bien des années plus tard – j’écrivais
tes indiennes, il arborait ce mélange venaient se poser, paisibles et indo- d a n s l e s j o u r n a u x – , Je e m e
de teintes pastel qui donnait aux lents, de grands enfants rêveurs qui t éléphona. Il était de passage à
hippies le sentiment de vivre au aspiraient à un monde meilleur. Paris, repartait le soir même pour la
milieu des fleurs. Il s’appelait John Repliés dans de vieilles fermes de Suisse. Il me donna rendez-vous au
Lee, son entourage le surnommait l’arrière-pays, on les voyait peu la Café de la Paix. En voyant un 4 x 4
« Jee ». Il devait avoir cinq ou six journée. Ils jouaient de la guitare, se garer à cheval sur le trottoir, je sus
ans de plus que moi. J’en avais dix- se baignaient nus dans des criques que c’était lui. Il avait un quart
sept, je venais de passer mon bac. À isolées en exhalant des vapeurs de d’heure de retard, il était pressé. Il
peine l’avais-je eu en poche que haschich ou de patchouli. Les plus n’avait pas tellement changé : les
j’avais embarqué avec quelques extravagants s’égayaient en fin de cheveux plus courts, la taille fine, le
amis pour Ibiza où ma famille pos- journée sur le port d’Ibiza. Nous teint hâlé. Il portait un costume en
sédait une maison, perchée sur une buvions des cocktails en admirant lin, une montre Cartier au poignet,
colline, non loin de la crique de leur allure chamarrée. Dentelles, travaillait dans la finance ; il avait
Cala Bassa. Mon père, qui était un broderies, sandales tressées, des épousé l’héritière d’un maréchal
véritable aventurier – pas seule- filles bronzées ondulaient dans d’Empire, rencontrée à Ibiza. Il par-
ment de ceux qui vont au bout du des robes amples. lait vite, possédait une maison sur le
monde, mais de ceux qui vont au Jee régnait sur cette scène de théâ- lac, se moquait de ce qu’était devenu
bout de leurs idées – l’avait rachetée tre. Lorsqu’il s’arrêtait à notre le monde. En l’écoutant, je sentis
à un type qui avait commencé à la t able, nous éprouvions le senti- monter en moi une immense tris-
construire. Des murs blancs peints ment, glorieux, d’être admis à sa tesse : il avait troqué son détache-
à la chaux, des volets bleus, pas c o u r. N o u s n’ é t i o n s p l u s c e s ment pour du m épris. Je ressentis ce
d’eau courante, ni d’électricité, curieux anodins rougis par le soleil, glissement comme une trahison.
nous nous nourrissions d’amour et mais les membres privilégiés d’une Il me quitta précipitamment, non
d’eau fraîche. caste singulière. Je ne me souviens sans avoir proposé de régler l’addi-
D è s l ’ a r r i v é e, b i e n q u e n o u s plus de quoi nous parlions. Tout tion. Après un long moment de
n’ayons ni l’âge, ni le permis, nous était si léger. Jee plaisantait, récitait réflexion, je hélai le serveur. Avec la
louions en ville des scooters à un des poèmes qu’il écrivait. Un soir, il désinvolture qu’ont les gens qui ont
concessionnaire peu regardant. m e p r é s e n t a E l m y r d e H o r y. tout perdu et ne veulent rien en lais-
Nous roulions sans casque sur des J ’appris plus tard que ce peintre ser paraître, j’abandonnai sur la
Quentin Crestinu
pistes en terre au milieu des vignes. enjoué était le plus grand faussaire table un majestueux pourboire.
Quand l’envie nous en prenait, vers d’art du XXe siècle. * Prochain livre à paraître :
la fin de l’été, on s’arrêtait pour Ce fut le dernier été de la légende Une certaine désinvolture (nouvelles),
grappiller du raisin. Tout était à d’Ibiza. Le vent avait tourné. Dans Le Rocher, 4 octobre.
PRÉSENTE
Orthographe : un ou deux f ?
a - agra__er
b - le ta__etas
c - gi__ler
d - s’escla__er
Conjugaison : au présent
de l’indicatif.
a - se vêtir : tu te.................
b - valoir : je.........................
c - convaincre : elle.............
d - absoudre : ils..................
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