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ment ombragé et protégé de l’habita-
tion, ce qui n’est pas le cas des cul-
tures de plein champ. Par ailleurs, le
jardin familial est l’endroit où les
produits sont traités et transformés en
sécurité.
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Les jardins comme moyens d’existence
FIGURE 7 La récolte des figues de Barbarie pour le marché dans le nord du Chili.
Quand besoin est: Les cultivateurs et les jardiniers ont toujours connu de bonnes et de mau-
vaises récoltes. La sécheresse, les maladies et les prix bas des cultures non alimentaires
contribuent à les faire sombrer dans la pauvreté et la pénurie alimentaire. Il est possible de
prévenir ces risques en pratiquant des cultures vivaces qui ne sont récoltées qu’en cas d’ex-
trême nécessité, et où la main d’œuvre investie est moindre pour une rentabilité faible. Dans
le monde entier, les jardiniers bien avisés cultivent des variétés rustiques et économiques sur
les terres stériles. Le jujube (Zizisyphus jujuba) et le tamarin (Tamarindus indicus) poussent
à l’état sauvage et dans les jardins familiaux des régions à saison sèche depuis l’Afrique jus-
qu’à la Chine et aux îles du Pacifique. Les fruits se mangent frais ou plus tard, une fois secs.
L’anacardier offre une grande résistance à la sécheresse et, une fois planté, n’exige que très
peu de soin mais, traditionnellement, les fluctuations de son prix sur le marché international
n’en garantissent pas la rentabilité. En Asie du Sud-Est, les gros investisseurs hésitent à inves-
tir dans l’anacardier. Pourtant, en cas d’échec des cultures marchandes, son fruit devient une
source de revenu en espèces pour beaucoup de jardiniers dans le besoin.
Dans les régions sèches d’Amérique latine, la figue de Barbarie (Opuntia sp.) est plantée en
clôture pour isoler le jardin du bétail. La récolte du fruit est difficile et laborieuse, mais la
plante ne nécessite aucun travail supplémentaire ni intrants. Lorsqu’ils sont à court de nour-
riture ou d’argent, les paysans cueillent les figues et vont les vendre au marché; lorsque les
autres récoltes sont bonnes, ils les ignorent. (Source: C. Landon-Lane)
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en climat humide qu’en climat sec. source de protéines, se nourrissent
Dans un jardin familial, la production des herbes qui poussent dans les
animale aquatique ou terrestre peut étangs d’élevage et des déchets de
engendrer des rendements et des cuisine.
revenus élevés, et améliorer la nutri-
tion de la famille tout en contribuant ■ Gain de rendement et de
à la gestion des déchets et au recycla- temps
ge de l’eau et des substances nutri- Les aller et retour dans les champs
tives. Dans beaucoup de pays, les ani- sont fatigants et constituent une perte
maux sont une source bon marché de de temps inutile. Cultiver un jardin
produits alimentaires de haute valeur familial peut être une activité tout
nutritive, riches en protéines, graisses aussi rentable sans qu’il faille s’éloi-
et éléments nutritifs. En Amérique gner du lieu d’habitation. Elle exige
latine, les cobayes - connus locale- généralement moins d’efforts phy-
ment sous le nom de cuyes – sont siques que la préparation des champs
nourris avec les déchets de cuisine et le désherbage, car la superficie est
auxquels on ajoute un supplément de moins étendue et les conditions de
fourrage frais; en Asie, les escargots, travail sont meilleures.
FIGURE 8 Dans un jardin potager du Bhoutan, les conditions de vie et d’alimentation sont satisfai-
santes. Preuve en est le bonheur de cette mère qui s’occupe de son bébé et des travaux légers de mai-
son et du jardin. Excellente source de fer, les légumes verts préviennent l’anémie due à une carence
en fer, qui affecte fréquemment les femmes enceintes ou allaitantes. ( Source: C. Landon-Lane)
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C’est un travail moins pénible, en maison pendant cette période: les jar-
particulier pour les femmes et les dins familiaux fournissent une activi-
filles, qui permet d’équilibrer la char- té profitable et relativement aisée qui
ge des travaux du ménage, générale- permet à la mère de s’occuper de la
ment effectués en majeure partie par santé et de l’alimentation de son
les femmes. Des études portant sur les enfant et de la sienne. Une alimenta-
occupations journalières des ménages tion nourrissante est disponible tous
montrent que, même quand les les jours dans le jardin familial et les
hommes et les femmes semblent tra- plats sont fraîchement et soigneuse-
vailler pendant le même nombre ment préparés à la maison. Il est aussi
d’heures chaque jour, les tâches telles plus facile de nourrir un nouveau-né
que préparer les repas, s’occuper des chez soi.
enfants, faire le ménage, s’occuper D’autres activités deviennent plus
des animaux, et aller chercher l’eau et efficaces dans le jardin familial. Les
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FIGURE 9 Compostés correctement, les déchets humains sont une ressource précieuse dans
certaines régions d’Asie. Oasis ou bassin d’eaux usées? Le traitement sans risque des
effluents est une préoccupation majeure dans les communautés pauvres et dans les agglomé-
rations et les villes en pleine expansion. Certains traitements augmentent le risque sanitaire,
mais le traitement dans les étangs d’élevage aquacoles du nord-est de la Thaïlande a contri-
bué à accroître le revenu agricole de façon considérable. Les étangs sont des sources d’eau
pour l’irrigation; les poissons comme la carpe ou la silure et les algues bleu-vert se nourris-
sent des déchets agricoles; les algues et la vase de l’étang servent d’engrais. Il faut que les
planificateurs sachent tirer le meilleur parti des problèmes. Dans les régions sèches comme
le Yémen et dans les communautés reculées du centre de l’Australie, les bassins d’eaux usées
alimentent les jardins de dattiers et de bananiers depuis des générations. Dans de nombreuses
régions d’Asie, les déchets humains correctement traités sont une ressource précieuse pour
les jardins. Dans certaines villes chinoises, des panneaux à l’extérieur des toilettes publiques
invitent les passants à s’arrêter et à déposer leur contribution, qui est vendue aux jardiniers
locaux après traitement. (Source: C. Landon-Lane)
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Les jardins familiaux fournissent la En prévision des inondations qui
possibilité d’éliminer les déchets tout dévastent régulièrement le delta du
en respectant l’environnement. Le Mékong, les vietnamiens construisent
compostage est fréquemment prati- leurs habitations sur des pontons qui
qué pour les déchets du ménage, à flottent quand la terre est inondée.
savoir les déchets de cuisine, le papier Les arbres des jardins familiaux qui
et autres matériaux. sont adaptés aux inondations spora-
Dans les zones inondables, comme diques et aux sols riches, comme les
le delta du Gange au Bangladesh, les palmiers et les durions, continuent
jardins familiaux servent véritable- d’assurer la protection de la maison
ment d’ancre aux habitations. Des même quand elle flotte.
plantes comme le taro, le cocotier et
le palmier des toitures de chaume ■ Amélioration de la position
retiennent le sol quand il est inondé. sociale
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FIGURE 11 En Bosnie-Herzégovine, une
veuve cultive son jardin sur une parcelle que
lui a attribuée la municipalité. Dans les pays
qui ont souffert de la guerre, les marchés ne
fonctionnent souvent pas bien et de nombreux
ménages ont perdus l’accès à la terre. Quand
le conflit a duré longtemps, ceux qui étaient au
combat ont peu d’expérience en matière de
culture. En 1981, aussitôt après la guerre civi-
le en Ouganda, l’UNICEF a remarqué que
l’agriculture urbaine avait effectivement ali-
menté la population des villes en produits non
céréaliers. Dans les années 90 à Bagdad et à
Sarajevo, les habitants se sont tournés vers le
jardin familial pour répondre à leurs besoins
alimentaires et commerciaux. Au Cambodge,
dans un Programme spécial pour la sécurité
alimentaire de la FAO, le jardin familial est
inclus comme moyen de recréer la diversité de
l’approvisionnement alimentaire; à l’aide
d’un prêt de la Banque asiatique de dévelop-
pement, les soldats démobilisés ont été réins-
tallés dans les communautés rurales pour y
aménager des jardins familiaux et y réapprendre à cultiver la terre. (Source: FAO/19932)
FIGURE 12 Des enfants dans un jardin scolaire en Equateur. (Source: FAO/16299/G. Bizzarri)
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famille. Participer un tant soit peu aux rentabilisés par la vente des légumes
travaux du jardin et aux autres activi- en l’espace de six à huit semaines.
tés familiales leur permet de contri- L’accès limité à la terre, qui caractéri-
buer facilement et en toute sécurité à se souvent les familles pauvres, ne
l’approvisionnement alimentaire et au doit cependant pas constituer une
revenu du ménage. contrainte majeure car seule une peti-
Les pauvres ont facilement accès te parcelle suffit pour développer un
aux systèmes des jardins familiaux. jardin familial.
S’il est vrai que cultiver un jardin à Les inégalités entre les sexes exa-
des fins de subsistance est une pra- cerbent la vulnérabilité des femmes à
tique courante et utile pour les la pauvreté et la malnutrition, aug-
ménages, les jardins permettent d’en- mentent les difficultés qu’elles ont à
gendrer rapidement un revenu non gagner leur vie – notamment chez les
négligeable. Une très modeste somme mères chefs de famille – et affaiblis-
FIGURE 13. Des élèves apprennent le compostage au Honduras. L’apprentissage social favo-
rise l’innovation et la sensibilisation à des pratiques agricoles durables et à bas prix. (Source:
FAO/18907/G.Bizzarri)
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peut être une source importante de travail. Dans certaines régions
revenu indépendant pour les femmes, d’Afrique gravement affectées par le
particulièrement dans les ménages VIH/sida, les jardins familiaux appro-
qui ont une femme à leur tête ou dans visionnent en nourriture les familles
lesquels les hommes sont absents monoparentales ou celles où les
pendant longtemps, ou dans les parents ont disparu. La répartition tra-
contextes culturels où par tradition les ditionnelle du travail et des responsa-
femmes subviennent aux besoins ali- bilités est telle que ce sont souvent les
mentaires de la famille grâce à leur hommes qui s’occupent de la vente
La commercialisation Des acheteurs loyaux et fidèles. Des prix plus élevés grâce à un
approvisionnement régulier et de qualité. L’intégration de la pro-
duction et des entreprises de commercialisation.
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des récoltes vivrières les plus impor- mité des habitations de la communau-
tantes ou des denrées de base, et qui té et que leur superficie est relative-
exercent leur contrôle sur le revenu ment petite, qu’ils sont potentielle-
ainsi engendré. Le revenu provenant ment viables à partir d’un investisse-
des jardins gérés par les femmes per- ment modeste et conviennent à un
met à celles-ci d’acheter ce dont elles large éventail de la population.
ont besoin pour améliorer leur condi- L’interaction sociale propre au village
tion sociale dans les familles et les favorise les échanges des technolo-
communautés socialement dominées gies liés aux cultures et à l’élevage, et
par les hommes. des compétences et des concepts en
matière de gestion des affaires. Les
■ Une meilleure formation semences, les poussins et les alevins
L’acquisition des compétences est sont disponibles à bas prix; les débu-
rendue plus facile dans les jardins tants peuvent s’initier aux pratiques
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FIGURE 14 Valeur ajoutée, à Sumatra, en Indonésie: cuisson au four de gâteaux de manioc
et d’aliments à vendre dans la rue. (Source: C. Landon-Lane)
à partir des travaux réalisés dans les pétences permet d’élargir rapidement
jardins. Par rapport à la formation tra- les options pouvant améliorer les
ditionnelle, la participation favorise moyens d’existence des familles de
davantage l’apprentissage social, qui petits exploitants.
contribue substantiellement à engen- Les plans de crédit de groupe éta-
drer des innovations. Par exemple, blis à partir de fonds renouvelables
dans les fermes-écoles, les exploi- sont devenus un outil prisé et relati-
tants apprennent à travailler ensemble vement efficace au service de la
sur des pratiques agricoles écono- réduction de la pauvreté dans le déve-
miques et durables. L’amélioration du loppement rural. En général, les
transfert et de l’acquisition des com- groupes sont composés de quatre à
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six femmes, qui, chacune à leur tour, ainsi, toute formation de soutien dis-
utilisent le prêt de 30 à 50 dollars EU pensée dans ce domaine peut facile-
pour financer les petites entreprises ment et efficacement atteindre un
associées aux jardins familiaux. La grand nombre de personnes.
formation concernant les techniques
de gestion des affaires est rendue per- ■ Valeur ajoutée aux moyens
tinente par l’utilisation de l’informa- d’existence et aux échanges
tion concrète relative au jardin fami- commerciaux
lial et au budget du ménage des Les jardins familiaux rentables
membres du groupe. En Asie, environ ouvrent des débouchés aux fournis-
60 pour cent optent pour l’élevage; seurs d’intrants, aux fabricants, aux
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petites entreprises de transformation, qualité des produits, cette activité
aux négociants et autres fournisseurs fournit une alimentation suffisante et
de services, tout en engendrant des abordable à une grande partie de la
revenus qui sont, en majeure partie, population urbaine.
dépensés dans la communauté. La fourniture des intrants agricoles
Ajouter une valeur aux produits des est fréquemment entre les mains de
cultures et de l’élevage par la trans- grandes sociétés publiques ou privées
formation, l’entreposage et la fabrica- qui n’offrent qu’une gamme limitée
tion permet d’augmenter les options de produits de haut volume comme
qui s’offrent aux ménages ruraux les engrais et les semences des princi-
dans le choix de leurs moyens d’exis- pales cultures telles que le riz et le
tence. Le lait, les plumes et les fibres maïs. Inversement, dans les jardins
fournis par la volaille et les animaux familiaux, on a besoin d’un apport
sont généralement transformés en varié en semences de qualité de
articles destinés à la vente grâce à des légumes et d’herbes aromatiques,
procédés maison. La transformation d’arbres fruitiers greffés, de jeunes
des produits périssables permet de les animaux à engraisser, de matériaux
conserver plus longtemps, réduit les pour se protéger contre les insectes et
pertes dans le transport et assure l’ap- les animaux nuisibles et modifier
provisionnement régulier des mar- l’environnement, et de services de
chés. La création des petites entre- type paravétérinaire. Cette diversité
prises multiplie les possibilités d’em- de la demande crée des débouchés
ploi et de moyens d’existence dans commerciaux supplémentaires pour
les communautés rurales. Beaucoup les entreprises locales.
de micro-entreprises deviennent des Les écoles, les centres de forma-
sociétés prospères, souvent si spécia- tion, les instituts de recherche et les
lisées qu’il est difficile d’imaginer services de vulgarisation profitent
qu’elles ont fait leurs débuts dans un aussi de cette demande en intrants, en
jardin familial. services et en produits. Quand la
Beaucoup de petits vendeurs ambu- recherche et le développement s’ap-
lants et de tenanciers de gargotes pliquent aux innovations réalisées
gagnent leur vie et nourrissent leur dans les jardins familiaux, ils aboutis-
famille en préparant et en vendant des sent souvent à des utilisations com-
aliments. En Malaisie, par exemple, merciales rentables. Beaucoup de
la préparation et la vente d’aliments variétés améliorées de fruits et de
dans la rue emploient plus de 100 000 légumes qui se vendent bien sur les
personnes et produisent plus de 2,2 marchés d’aujourd’hui ont été, à l’ori-
milliards de dollars EU de chiffre gine, identifiées par des jardiniers
d’affaire annuel. Compte tenu de la perspicaces et compétents.
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