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Faut-il traiter
un taux élevé de BNP ?
Apport et pièges du dosage
des peptides natriurétiques de type B
dans la prise en charge des dyspnées
aiguës aux urgences
P. RAY MD, PhD.
Points essentiels
■ Le BNP et le NT-proBNP sont des biomarqueurs performants de l’insuffisance
cardiaque en urgence.
■ De nombreuses autres causes sont associées à une augmentation du BNP,
surtout chez les patients âgés et polypathologiques.
■ Néanmoins, la prise en compte de la probabilité empirique pré-test d’insuffisance
cardiaque permet d’améliorer l’apport diagnostique de ces 2 biomarqueurs.
■ Une valeur ne doit pas décider isolément d’un traitement (diurétiques ou vaso-
dilatateurs) sous réserve de complications potentielles iatrogènes délétères.
Correspondance : Service d’Accueil des Urgences de Tenon, Groupe Hospitalier Tenon - AP-HP,
UPMC - Paris 6, 4 rue de la Chine, 75020 Paris; E-mail : patrick.ray@tnn.aphp.fr
valeur supérieure à 450 pg/ml pour un patient de moins de 50 ans, 900 pg/ml
pour un patient âgé entre 50-75 ans et 1 800 pg/ml chez un sujet âgé de plus de
75 ans. Pour le BNP, la valeur d’exclusion est de 100 pg/ml et de 500 pg/ml
comme valeur prédictive positive très forte. De plus, la valeur prédictive postive est
d’autant plus forte que la valeur de BNP/NT-proBNP est élevée par rapport à la
valeur-seuil.
L’utilisation du BNP ou du NT-proBNP permet probablement d’améliorer la prise
en charge du patient. Ainsi, des travaux (études d’impact ou interventionnelles)
ont montré que pour les patients consultant pour dyspnée, l’utilisation dès les
urgences du dosage de NT-proBNP améliorait leur devenir : en pratique, diminu-
tion de la durée de passage aux urgences et diminution de la ré-hospitalisation et
des coûts associés. Dans un travail suisse (BASEL study), 227 patients de 70 ans en
moyenne ont été pris en charge de façon usuelle et 225 patients bénéficiaient du
dosage de BNP (Triage®) associé à des recommandations thérapeutiques en fonc-
tion des taux de BNP (l’algorithme proposé sur la figure est proche de celui utilisé
dans ce travail) (6). Le BNP permettait de réduire de façon significative le pourcen-
tage d’hospitalisation (75 % vs 85 %) notamment en soins intensifs, la durée
d’hospitalisation (8 vs 11 jours) et les coûts d’hospitalisations (– 27 %), malheu-
reusement sans modification de la mortalité (sauf dans le sous-groupe de patients
âgés de plus de 70 ans où la mortalité chutait significativement de 17 % à 9 %).
D’autres études d’impact ne sont pas aussi enthousiasmantes. Néanmoins, le
dosage est recommandé devant une suspicion d’ICA par l’European Society of
Cardiology depuis 2007 (7-9).
Suspicion d’ICA
Dosage du NT-proBNP
Pathologie Concentration
Pathologies cardiaques :
• insuffisance cardiaque Forte augmentation
• syndrome coronarien aigu Augmentation
• tachycardie supraventriculaire (ACFA) Augmentation
Pathologies pulmonaires :
• embolie pulmonaire Normale ou Augmentation
• BPCO Normale ou Augmentation
• hypertension artérielle pulmonaire primitive Normale ou Augmentation
• SDRA Normale ou Augmentation
Autres pathologies :
• insuffisance hépatique avec ascite Augmentation
• insuffisance rénale (aiguë ou chronique) Augmentation modérée ou importante
• choc septique Augmentation
• hémorragie méningée/AVC Normale ou Augmentation
• anémie Normale ou Augmentation
• obésité Normale ou Diminution
En revanche, il est vrai que certaines situations sont très difficiles. Un patient âgé
vient aux urgences pour détresse respiratoire avec 38 °C de température et une
radiographie (de mauvaise qualité) suggère des opacités alvéolaires plutôt bila-
térales, avec une légère hyperleucocytose à 11 000 et un BNP à 1 000 pg/ml.
Comment faire pour différencier une ICA, soit une pneumonie grave, soit même
les deux en même temps ? Une pression artérielle élevée (> 140 mmHg de
systolique) est fortement en faveur d’une ICA et nous suggérons de débuter
alors les vasodilatateurs à petites doses (1 mg toutes les 5 minutes) dont les
effets sont relativement réversibles et d’éviter les diurétiques pourvoyeur d’hypo-
volémie franche ; alors qu’une PA inférieure à 100 mmHg (spontanément) est
fortement en faveur d’un sepsis associé (aux urgences, le choc cardiogénique est
devenu beaucoup plus rare que les sepsis graves) et doit suspendre toute injec-
tion de diurétiques et au contraire favoriser l’administration d’un remplissage (là
encore, un remplissage « doux » est nécessaire sous la forme de 250-500 de
sérum physiologique sur 30 minutes, éventuellement répétées). Une autre situa-
tion difficile est la constatation chez un patient souvent âgé d’une d’anémie et
d’une fibrillation auriculaire avec un BNP élevé. Souvent, la séquence chrono-
logique a été anémie (chronique ou sub-aiguë) compliquée d’un passage en
fibrillation auriculaire rapide elle-même conséquence d’une poussée d’ICA. Ces
patients sont hypovolémiques et prescrire des diurétiques sans « réfléchir » aux
mécanismes (la transfusion est probablement nécessaire, même lentement ; de
même que le ralentissement de la fréquence cardiaque). Enfin, les insuffisances
rénales aiguës des personnes âgées souvent hypovolémiques initialement et
compliquées d’insuffisance rénale en partie organique (nécrose tubulaire aiguë)
sont assoxiées à des taux extrêmement élevées de NT-proBNP (mais aussi de
BNP). Cependant, la part importante de déshydratation – au moins initialement –
peut nécessiter à l’arrivée de réhydrater prudemment le patient et non d’admi-
nistrer des diurétiques qui risque d’aggraver l’hypovolémie.
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