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8 cas cliniques en
psychopathologie
de l'adolescent
et du jeune adulte
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Maquette de couverture :
Atelier Didier Thimonier
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Maquette intérieure :
www.atelier-du-livre.fr
(Caroline Joubert)
© Dunod, 2018
11 rue Paul Bert – 92240 Malakoff
ISBN 978-2-10-078574-2
Table des matières
Introduction générale............................................................................................................................................ 9
Partie 1
L’adolescence et le corps
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5. Description et analyse des symptômes......................................................................................... 28
6. Nature de l’accompagnement et effets de la thérapie......................................................... 30
7. Conclusion....................................................................................................................................................... 33
Références bibliographiques...................................................................................................................... 34
Partie 2
Adolescence et structure clinique
5
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Chapitre 5 – Adolescence et perversion................................................................................ 109
1. Introduction................................................................................................................................................... 111
2. La perversion n’est pas l’émergence de la « pulsion » à l’état brut.............................. 113
3. Présentation du cas et anamnèse...................................................................................................... 114
4. Historique de la prise en charge........................................................................................................ 118
5. Contexte de la rencontre avec un sujet adolescent
et analyse de la demande de psychothérapie............................................................................ 120
6. Description et analyse des symptômes......................................................................................... 123
7. Nature de l’accompagnement et effets de la thérapie......................................................... 128
8. Conclusion....................................................................................................................................................... 130
Glossaire.................................................................................................................................................................. 133
Références bibliographiques...................................................................................................................... 134
Partie 3
Adolescence et psychopathologie
6
Table des matières
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Références bibliographiques...................................................................................................................... 200
Partie 4
Adolescence et contexte de vie
7
Liste des auteurs
Sous la direction de :
Avec la collaboration de :
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psychologie, université des Andes Cra. 1#18a-12 Bogotá (Colombie). E-mail :
dm.agudelo932@uniandes.edu.co
Gilles Ambresin. Psychiatre, psychothérapeute, membre en formation de
la Société suisse de psychanalyse. Médecin agréé à l’Institut universitaire de
psychothérapie, département de psychiatrie-CHUV, hôpital de Cery, Bâtiment
Les Cèdres, CH-1008 Prilly (Suisse). E-mail : Gilles.Ambresin@chuv.ch
Yves De Roten. Docteur en psychologie, maître d’enseignement et de recherche
et privat docent à l’université de Lausanne – faculté de biologie et médecine
(Institut universitaire de psychothérapie, site de Cery, CH-1008 Prilly – et
faculté de psychologie (Quartier UNIL-Chamberonne, Bâtiment Anthropole,
CH-1015 Lausanne) ; professeur auxiliaire à l’université McGill de Montréal
(Department of Educational and Counselling Psychology) ; responsable du centre
de recherche en psychothérapie de l’Institut universitaire de psychothérapie
(IUP, hôpital de Cery, CH-1008 Prilly (Suisse). E.mail : Yves.DeRoten@chuv.ch
Jean-Nicolas Despland. Professeur à la faculté de biologie et médecine de
Lausanne spécialiste en psychiatrie et psychothérapie (UNIL). Directeur de l’Ins-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
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Claude Savinaud. Psychologue clinicien et psychanalyste auprès d’adolescents,
ancien professeur de psychopathologie à l’Institut de psychologie et de sciences
sociales appliquées (IPSA) à l’université catholique d’Angers (UCO). Membre
associé de l’équipe de recherche en psychologie clinique (EPC) et affilié au labo-
ratoire multi-sites de l’EA 4050 « Recherches en psychopathologie : nouveaux
symptômes et lien social » (France). E-mail : claude.savinaud@wanadoo.fr
Miguel Sierra Rubio. Docteur en psychopathologie et psychanalyse (Paris 7,
qualifié MCF), psychologue clinicien et psychanalyste. Membre de l’Association
franco-mexicaine de psychanalyse et membre associé au Laboratoire EA4050,
« Recherches en psychopathologie et lien social », Place Recteur Henri le Moal,
35200 Rennes (France). E-mail : miguel.sierra@live.fr
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Introduction
générale
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En France, la notion de « crise d’adolescence » a été employée par Maurice
Debesse en 1941 (psychologue et pédagogue) dans son livre sur la crise
d’originalité juvénile. Ceci a largement contribué à répandre cette notion.
Toutefois, son manque de clarté et son ambiguïté d’origine ont encou-
ragé également son essor. Elle se caractérise par une notion quelque peu
« fourre-tout » entraînant un certain nombre de malentendus. En effet, cette
crise convoque aussi bien la fin d’une étape développementale qui signe un
arrêt dans l’enfance que des manifestations plus ou moins énigmatiques et
les troubles des comportements qui peuvent émerger à cette période. En
général, dans les travaux de recherches actuels et en pratique clinique, nous
nous apercevons qu’elle débute vers 13 ans, peut devenir de plus en plus
précoce et que ses limites sont floues. Il existe bien une crise de l’adoles-
cence dans le sens où le sujet ne va plus être psychiquement après la puberté
comme il était précédemment. Elle serait intrinsèque au psychisme et liée
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à l’impact du somatique pendant la puberté. Il est vrai que l’adolescence
est un âge ou un mode de fonctionnement qui peut durer toute une vie.
Quels sont les adolescents ou les jeunes adultes que les psychologues clini-
ciens rencontrent dans les dispositifs de soins actuels ? De quoi souffrent-ils ?
Pourquoi consultent-ils ? Quelles sont les stratégies thérapeutiques qui
peuvent être proposées ? Et comment construire une étude de cas ?
C’est seulement sur la base de faits cliniques que ces discussions peuvent
être fécondes.
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sente le corps pour un sujet adolescent ou un jeune adulte ayant un
trouble dysmorphophobique ou addictif.
–– L’adolescence et la structure clinique : cette partie distingue différentes
positions subjectives face aux tourments psychiques des adolescents.
–– L’adolescence et la psychopathologie : il s’agira ici de présenter quelques
troubles tels que l’anxiété, la dépression et les troubles du comportement
au regard d’approches thérapeutiques et techniques variés.
–– L’adolescence et le contexte de vie : il y sera question d’adolescents en
situation de harcèlement scolaire.
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Introduction générale
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Chapitre 1
Le visage d’une adolescence :
un cas de dysmorphophobie
en psychothérapie brève
psychodynamique1
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Sommaire
1. Introduction....................................................................................... 19
2. Présentation du cas et anamnèse....................................................... 20
3. Historique de la prise en charge......................................................... 23
4. Contexte de la rencontre et analyse de la demande........................... 24
5. Description et analyse des symptômes.............................................. 28
6. Nature de l’accompagnement et effets de la thérapie........................ 30
7. Conclusion.......................................................................................... 33
Références bibliographiques................................................................... 34
1. Introduction
La puberté transforme un corps infantile en un corps adulte, dont la
fonction sexuelle est bien mise en place. Cette transformation n’est pas
sans conséquences sur le psychisme. Aux prises avec son corps, le pubère
est confronté à une sexualité qui n’est pas un jeu d’enfants, mais qui le
place dans l’embarras sur plusieurs aspects : est-il un homme, une femme ?
Comment faire rencontre avec l’autre sexe ? Qu’est-ce qu’aimer ? Après
l’enfance, le sujet est amené à élaborer les retentissements de ces métamor-
phoses corporelles, en construisant sous la forme d’une crise vitale ce que
nos sociétés occidentales appellent son adolescence.
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convoque trois facettes principales (Miller, 2005) :
–– une sortie de l’enfance, où le corps de quelqu’un d’autre entre en ligne
de compte parmi les objets du désir ;
–– un réaménagement des représentations de la différence des sexes (dont
les bases se trouvent dans le complexe d’Œdipe et de castration) ainsi que
des manières de faire l’homme et de faire la femme, consécutives à celles
qui avaient été précocement ébauchées pendant l’enfance ;
–– une reconfiguration du narcissisme à partir d’une certaine position adulte
qui hantait déjà l’enfant ; cela suppose une ré-articulation entre le moi
idéal (instance imaginaire dont l’origine est le stade du miroir) et l’Idéal
du moi (opérateur symbolique qui règle les identifications).
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dysmorphophobie. La psychothérapie brève d’orientation psychodynamique
a été l’occasion pour cette patiente de s’interroger, après coup et au-delà
de son alibi dysmorphophobique obsessionnel, sur sa position subjective.
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Le visage d’une adolescence : un cas de dysmorphophobie… ■ Chapitre 1
Comme elle n’a jamais vécu de relation amoureuse avec un garçon et qu’elle
a très peu d’amis véritables, une grande partie de sa vie sociale se fait online.
Hormis les réseaux sociaux du moment, Véronika fréquente aussi certains
forums de discussion où, assumant un faux profil, elle aime se moquer des
questions et des réponses « bêtes » que d’autres usagers posent à propos de
la sexualité. Elle pense s’y connaître en la matière grâce aux éclaircissements
que sa sœur lui a jadis donnés : « C’est ma sœur qui m’a pervertie », s’exprime-
t‑elle en dévoilant la nuance pudique de sa morale sexuelle.
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unilatérale – un « bec-de-lièvre », comme l’on dit couramment. Ces fentes
oro-faciales, d’étiologie incertaine, sont des malformations congénitales qui
se configurent entre la quatrième et la douzième semaine de grossesse, au
moment où se réunifient chez le fœtus le maxillaire supérieur, la lèvre et le
palais (Habersaat et al., 2013). Leur fréquence dans la population mexicaine
– estimée à moins de 0,001 % des nouveau-nés – les place au premier rang
de toutes les malformations congénitales du pays (García Rojas, Arévalo
Campos et Aguilar Mariscal, 2017).
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8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
ces filles. Elle s’est sentie « différente », « laide ». Face à un miroir, elle s’est
trouvée « bizarre ». Pour compenser ces vécus gênants, elle mettait en valeur
son courage : « N’importe qui ne pourrait pas dépasser ce problème. » Mais,
finalement, une image pessimiste de sa situation domine : « Le monde est
méchant envers moi ; cela m’arrive à moi et non pas à une autre personne… »
Quelle est l’origine de son défaut facial ? Lors d’un cours de biologie au
lycée, elle a appris que les malformations congénitales telles que la sienne
relèvent souvent soit de l’hérédité soit de la prise de médicaments contre-
indiqués pendant la grossesse (ce qui, d’ailleurs, ne fait pas consensus
parmi les chercheurs). Elle a interrogé à sa mère à ce sujet, qui a répondu
négativement pour la partie génétique. Mais l’insistance de Véronika est
venu réveiller chez sa mère le souvenir d’une situation iatrogène : alors
qu’elle était enceinte et souffrait d’une infection urinaire, le médecin traitant
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lui avait prescrit une substance indue.
L’attention que les parents portent à leur fille cadette – attention exacerbée
du fait de sa particularité corporelle –, et la beauté que l’on reconnaît à la
fille aînée, ont bientôt alimenté la jalousie et une rivalité mutuelle. Véronika
lui donne forme en disant : « Ma sœur est la jolie de la famille, et moi je suis
l’intelligente. » Hélas ! Sa situation scolaire du moment porte atteinte à son
expérience de toute-puissance intellectuelle et vient démentir cette formule.
Elle est donc sans défense face à l’affaiblissement de son propre narcissisme.
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Le visage d’une adolescence : un cas de dysmorphophobie… ■ Chapitre 1
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qui peut demander plusieurs séances au bloc opératoire, à différents
moments du développement, selon l’étendue du trou orofacial et les
parties du visage qui en sont affectées. La priorité est habituellement
octroyée à la fermeture labiale (chléiloplastie), puis à la fermeture du
palais (véloplastie). En guise de trace, une petite cicatrice restera visible
sur la lèvre supérieure de l’enfant.
–– Traitements secondaires : ils reposent sur des interventions ortho-
phoniques visant les difficultés d’élocution de l’enfant, un traitement
orthodontique pour l’établissement d’une bonne oralité alimentaire et
verbale ainsi que des retouches esthétiques diverses.
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8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
chose sans voix, muette. « Ils doivent croire que je n’ai pas de bouche pour
dire ce que je ressens ! », se plaint-elle.
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4. Contexte de la rencontre et analyse de la demande
Véronika est reçue par un psychologue clinicien dans le cadre d’une
pratique libérale. Cette activité suppose d’accueillir un sujet qui a une
demande. Lorsqu’il s’agit d’un adolescent, ce sont souvent les parents ou
l’école qui formulent initialement cette demande, sous la forme d’un souhait
d’évaluation, ou de modification d’un comportement du sujet. Ici, elle émane
directement de Véronika et un tiers de sa famille y a été assez réceptif pour
l’orienter vers ce professionnel et favoriser ce travail thérapeutique.
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Le visage d’une adolescence : un cas de dysmorphophobie… ■ Chapitre 1
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propre deuil. « N’oublie jamais ton papi ! » lui dit celle-ci qui laisse en l’état
la chambre du disparu. De plus, deux mois avant la première consultation,
ce deuil difficile a été réactualisé chez la patiente par le décès d’un grand-
père paternel pourtant moins aimé.
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conduites, ainsi que l’établissement anticipé de la fin d’un traitement.
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Le visage d’une adolescence : un cas de dysmorphophobie… ■ Chapitre 1
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Lorsqu’on indique une psychothérapie brève (qu’elle soit du type
éclaircissement ou du type soutien), il faut déterminer son point focal –
c’est-à-dire, le problème principal à « traiter ».
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qu’elle pouvait faire est qu’une bouche sert à manger. Après tout, n’était-ce
pas dans le désir de l’Autre quand elle est arrivée au monde – qu’elle mange
sans que le trou non fermé de sa cavité buccale l’en empêche ? La plaque
palatine avec laquelle l’orthodontiste avait cloisonné le gouffre vélaire du
bébé bouclait le bord par lequel la pulsion orale vient habiter la fonction
organique. Une partie de la jouissance érotique liée à l’oralité était donc pour
Véronika connectée à la nourriture, sous la forme d’une voracité.
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Le visage d’une adolescence : un cas de dysmorphophobie… ■ Chapitre 1
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doute sur son intelligence, elle pourrait alors être à la hauteur des capacités
intellectuelles du reste de sa famille, elle pourrait être enfin aimée par ses
camarades de classe et les garçons qui lui plaisaient pourraient enfin devenir
amoureux d’elle. En résumé, tous ses efforts pour dépasser sa lassitude et
changer de mentalité vaudraient le coup si la technique médicale arrivait à
métamorphoser son image.
Cela semble cohérent avec son vécu lié à la lassitude à l’égard de son
suivi médical. La cicatrice faciale de Véronika était la preuve réelle que son
corps appartient à l’Autre médical – un Autre dont la « bêtise » avait mis
la patiente en situation anomale et dont le savoir-faire pourrait restaurer
la normalité de la première chose que l’on donne au monde : le visage. La
temporalité de cette restitution était pourtant longue et éprouvante, avec une
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En arrière-plan, il y avait aussi l’opération silencieuse de sa sexualité
adolescente qui questionnait sa place dans le circuit du désir : les garçons
qui lui plaisaient pourraient-ils la désirer malgré sa cicatrice faciale ?
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Le visage d’une adolescence : un cas de dysmorphophobie… ■ Chapitre 1
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–– Faire à la patiente un retour sur sa problématique. Les données
suggéraient, en effet, un moment de crise dans sa vie. La chute de ses
défenses narcissiques rendait angoissant le poids du réel du corps.
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contribué à lui permettre de poursuivre l’élaboration de son deuil.
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Le visage d’une adolescence : un cas de dysmorphophobie… ■ Chapitre 1
Une autre question est apparue durant le traitement et qui n’a pas été
élaborée. Il s’agit de l’issue identitaire que Véronika donnerait à sa crise
d’adolescence. Elle avait, en effet, décidé de s’identifier au versant savant de
l’Autre médical : elle souhaitait devenir chirurgienne plastique spécialisée
dans la correction du bec-de-lièvre et, pour cela, faire des études de médecine
dans sa nouvelle ville. Toutefois, le doute sur sa capacité intellectuelle pour
y réussir l’assaillait de temps à autre ce qui rappelait son doute lors de la
première rencontre avec le thérapeute concernant l’obtention du bac.
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Ces difficultés à traverser les passages clefs de sa vie ont constitué un
trait persistant de la subjectivité de Véronika, et l’ont conduite à consulter
encore des années plus tard, pour entreprendre une psychanalyse. Ce travail
psychothérapeutique aura toutefois permis d’identifier les effets salutaires
de la chirurgie orthognatique et de stabiliser d’une manière plus précise et
ferme son image spéculaire.
7. Conclusion
Ce chapitre a exposé le parcours d’une adolescente en thérapie brève
psychodynamique. Force est constater que, dans cette approche, le motif de
consultation – que l’on pourrait traduire comme un « problème d’adhérence
au traitement médical de sa fente labiale et palatine » – n’a pas été la cible
directe de la psychothérapie. En revanche, la détermination de deux points
focaux, à l’intersection de ce motif de consultation et d’une situation familiale
et sociale particulière, est ce qui a guidé le contrat thérapeutique. Le repérage
de la structure clinique du sujet a imprimé aussi une direction à la cure, qui
se serait avérée tout autre dans le cas d’une dysmorphophobie psychotique.
L’accompagnement de Véronika, tout au long des seize mois qu’ont duré les
séances, lui a assuré un espace où elle pouvait avoir une bouche pour exprimer
son ambivalence envers les autres et, au-delà, envers l’Autre qui était à la
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à l’Autre médical, à un réel du corps dont elle devait s’occuper dans ses
rapports au désir et à la sexualité. L’alibi inconscient que lui épargnait ce
deuxième passage était justement la préoccupation morbide de la cicatrice
sur son visage. Une fois cet exutoire affaibli par la fonction de la parole, le
questionnement adolescent a pu trouver sa place et se prolonger pendant
plusieurs années. Autrement dit, l’adolescence n’est pas une affaire de chro-
nologie, mais un temps logique du rapport de l’enfant aux fils imaginaires,
symboliques et réels qui hantent son développement.
Références bibliographiques
A lexander , F. et F rench , T. M. (1994). psychotherapy. New York : Grune et
Psychothérapie analytique. Principes Stratton.
et applications [1946]. Paris : PUF. E rikson , E. H. (1972). Adolescence et
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Masson. la psychanalyse [1924]. Paris : Payot.
B alint , M. (1975). La Psychothérapie Ferreri, M., Godefroy, M., Nuss, P. et Ferreri,
focale : un exemple de psychanalyse F. (2002). « Dysmorphophobie. Peur
appliquée [1972]. Paris : Payot. de dysmorphie, dysmorphesthésie ».
Bellak, L. et Small, L. N. (1965). Emergency Encyclopédie médico-chirurgicale,
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Le visage d’une adolescence : un cas de dysmorphophobie… ■ Chapitre 1
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hendido en México ». Cirugía plástica, Université Paris Diderot-Paris 7.
27(1), 10-15. Thibault, C. (2007). Orthophonie et oralité :
Lacan, J. (1958-1966). « La direction de la la sphère oro-faciale de l’enfant.
cure et les principes de son pouvoir ». Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson.
In Écrits (p. 585-645). Paris : Seuil.
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Chapitre 2
L’addiction
aux médicaments
chez une jeune adulte1
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Sommaire
1. États de lieux des addictions chez les adolescents
et les jeunes adultes.......................................................................... 39
2. Présentation du cas............................................................................ 42
3. Contexte de la rencontre et analyse de sa demande
de psychothérapie.............................................................................. 45
4. Description et analyse des symptômes.............................................. 50
5. Nature de l’accompagnement et effets de la thérapie........................ 58
6. Conclusion.......................................................................................... 61
Glossaire................................................................................................. 63
Références bibliographiques................................................................... 64
1. États de lieux des addictions chez les adolescents
et les jeunes adultes
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ci provoque, en même temps, d’intenses satisfactions (Assédo, 1986).
–– effets de sevrage.
Bien que cette théorie soit généralement bien admise au sein des commu-
nautés scientifiques internationales et chez de nombreux praticiens, elle
fait toujours l’objet de controverses, car les addictions comportementales
peuvent ne comporter ni syndrome physique de sevrage ni rechute carac-
téristique des addictions aux substances psychoactives.
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8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
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Selon les différentes conceptions psychologiques envisagées, quatre prin-
cipales tendances pousseraient les jeunes à consommer :
1. Une tentative de faire face à la transition vers l’âge adulte. Les pratiques
addictives permettent à certains jeunes d’atténuer les tensions émotion-
nelles et de faire face aux mondes des adultes. Ce sont la qualité des assises
narcissiques du sujet qui vont permettre à l’adolescent de s’adapter aux
événements stressants auxquels il est confronté.
2. Les pratiques addictives peuvent être mises en lien avec les changements
pubertaires du jeune. Ici, les addictions résultent d’un conflit relationnel
entre parents et adolescent et seraient considérées comme la conséquence
directe du processus de l’adolescence. En effet, l’éveil des pulsions à l’ado-
lescence ainsi que ses impacts psychiques provoquent, dans l’entourage,
des vécus parentaux énigmatiques en lien le plus souvent avec un trau-
matisme, un deuil ou encore une dette transgénérationnelle (Scroccaro,
2015, 2017). Dans ce type de situation, l’intensité du vécu toxicoma-
niaque répéterait le traumatisme provoqué par la puberté dans le sens
d’un blocage (Richard, 1998).
3. Une substitution d’une relation affective particulière. Le jeune, en consom-
mant, aurait une relation d’emprise sur un objet. Cette pratique aurait une
fonction substitutive d’une relation insupportable, vécue comme un danger
considérable pour son autonomie (Catry, Marcelli et Gervais, 2006).
4. Enfin, les consommations d’un jeune seraient caractéristiques d’une forme
très particulière de relation subjective au risque. À savoir une conduite
ordalique, c’est-à‑dire un extrême besoin de valider son existence en
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L’addiction aux médicaments chez une jeune adulte ■ Chapitre 2
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donnant une place au sein des conflits psychiques qui les sous-tendent.
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8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
On retrouve :
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suite à une prescription médicale, par exemple une pseudo-addiction
dans le cadre d’une douleur chronique ;
–– une réelle addiction médicamenteuse impliquant tout type de médica-
ment avec un comportement compulsif de prise.
2. Présentation du cas
Mlle L. est une jeune femme célibataire de 23 ans, tunisienne, sans enfant,
divorcée à l’âge de 20 ans. Elle vit actuellement chez sa mère depuis ce
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L’addiction aux médicaments chez une jeune adulte ■ Chapitre 2
récent divorce. Elle est d’apparence très fine et soignée. Elle a été hospita-
lisée récemment pour un sevrage thérapeutique aux médicaments opioïdes
et benzodiazépines. Au cours de son anamnèse, on apprendra également
qu’elle a été hospitalisée deux fois auparavant pour ces mêmes raisons,
à chaque fois dans différents établissements où elle a réussi à s’arrêter
successivement pendant 8 mois.
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–– des actes d’automutilations ;
–– une anorexie ;
–– une tentative de suicide ;
–– des abus sexuels pendant son enfance par deux membres de sa famille ;
–– une fausse-couche,
–– un père décédé quand elle avait 9 ans d’un accident dans les transports
en commun.
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8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
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Outre les différents symptômes physiques liés à la consommation de ces
produits, cela lui pose problème car elle ressent que les relations avec sa mère
se dégradent depuis son installation à son domicile. Le sujet des consom-
mations des médicaments est source de conflit à la maison. Elle qualifie
sa mère de « dépressive » et cette dernière souhaite que sa fille arrête de
consommer des médicaments. Aussi, depuis un an, ses douleurs physiques
et psychiques sont si intenses qu’elle est inapte à travailler. Auparavant, elle
exerçait dans la restauration.
Stanton Peele (1975), dans son ouvrage Love and Addiction, met en évidence
le fait que certains sujets deviennent dépendants d’une expérience et non d’une
substance chimique. Selon lui, tout psychotrope ayant un rôle d’analgésique
est susceptible d’entraîner une dépendance puisque, sous l’effet du produit,
le sujet se détourne de sa source d’angoisse. À l’aide de la prise de toxique, le
sujet trouverait dans une situation angoissante une satisfaction substitutive,
prévisible et possédant un pouvoir renforçateur immédiat. Autrement dit, une
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L’addiction aux médicaments chez une jeune adulte ■ Chapitre 2
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Elle fume depuis l’âge de 16 ans un paquet de cigarettes par jour et depuis
deux mois utilise une cigarette électronique.
Elle se dit également soutenue par une grande sœur vivant dans le nord-
ouest de la France qui l’aide moralement et financièrement.
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8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
Les psychologues dans leur pratique peuvent être donc saisis par des
demandes complexes où les symptômes se présentent en premier lieu par
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des demandes plutôt d’ordre médical, voire social. Le clinicien travaillant
dans une institution médico-psycho-sociale situe alors son acte au croise-
ment de ces deux réalités en complément d’une approche plus singulière.
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L’addiction aux médicaments chez une jeune adulte ■ Chapitre 2
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À la suite de son divorce, elle a fait le choix de retourner chez sa mère.
Elle évoque que, petite déjà, elle prenait des médicaments dans la pharmacie
familiale sous le regard inerte de sa mère. Celle-ci est dépressive depuis
toujours, semble-t‑il, et ses troubles se sont majorés depuis le décès de son
mari. Mlle L. consomme les mêmes benzodiazépines que sa mère qui semble
complice de l’installation de cette dépendance chez sa fille. Lorsqu’elle en
parle, les propos de Mlle L. font écho à une forte identification à cette femme.
Elle a une certaine difficulté de tisser une demande en son propre nom.
Toutefois, lorsqu’une personne vient consulter une institution ou un
professionnel, elle exprime rarement d’emblée un souhait de réaliser une
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8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
Houari Maïdi (2003), dans son livre La Plaie et le Couteau, évoque que les
sujets ayant des conduites à risques tentent de se défendre contre un destin
marqué par la culpabilité. D’une certaine façon, un sujet addict serait une
victime. Selon lui, dans cette clinique, il y aurait deux types de constella-
tions familiales caractérisées par des confusions de rôles, des générations
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et identités. Dans ce contexte, les relations intrafamiliales et les attitudes
éducatives parentales joueraient un rôle décisif dans l’installation de ces
conduites. Ces constellations familiales particulières se distingueraient
soit par le « trop », c’est-à‑dire qu’elles se manifesteraient par des actes de
violences agis, soit, à l’inverse, dans un « pas assez » dans la circonstance de
dépression maternelle par exemple.
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L’addiction aux médicaments chez une jeune adulte ■ Chapitre 2
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toute la durée d’un sevrage, y compris hospitalier. De même, cette personne
peut continuer à être accueillie dans le cadre d’entretiens ou d’ateliers théra-
peutiques spécifiques dans le but de consolider un arrêt.
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8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
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En résumé, il existerait une variété de profils de pratiques addictives chez les
adolescents ou les jeunes adultes. Nous allons voir aussi que leur usage peut
également prendre un sens particulier en fonction de leur structure psychique.
Pour cela, nous nous intéresserons tout d’abord à ses douleurs, à la dimen-
sion du traumatisme. Nous nous étudierons ensuite particulièrement la
fonction de ses addictions. Enfin, nous tenterons de dégager quelques
éléments de sa structure clinique.
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L’addiction aux médicaments chez une jeune adulte ■ Chapitre 2
L’anamnèse de Mlle L. nous apprendra qu’elle a perdu son père lors d’un
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accident à l’âge de 9 ans. À ce propos, Freud, en 1926 soulignera que la
douleur est consécutive à la perte d’objet (l’angoisse est plus liée quant
à elle au danger que cette perte peut entraîner). Autrement dit, la douleur
signe le deuil. Elle renvoie à la perte d’une personne aimée. Et peu importe
que cet objet soit perdu par l’effet de la nécessité ou par sa propre initiative.
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8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
Mlle L. semble jouir de ces douleurs. Tout porte à croire que ces symp-
tômes trouveraient une explication dans son histoire infantile mais quelque
chose s’est cristallisé ne permettant pas de tarir ses douleurs. De même, ses
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douleurs physiques et ses symptômes de sevrage se manifestent par une
extrême activité narcissique qui augmenterait sans cesse l’intensité de la
douleur.
4.2 Le traumatisme
Nous pouvons également apporter une lecture des remaniements de
l’adolescence à travers la problématique du traumatisme psychique. En
effet, selon la psychanalyse lacanienne, le traumatisme à l’adolescence peut
prendre des formes diverses.
1. Il peut porter tout d’abord sur les conséquences de l’irruption d’une jouis-
sance sexuelle nouvelle et sur l’irruption du réel de la puberté dans le
corps.
2. Il résulterait aussi de l’inexistence du rapport sexuel. En effet, elle dévoile
qu’il n’existe pas de savoir préalable inscrit dans l’organisme qui dirait
à l’homme ou la femme comment faire avec l’Autre sexe. De ce fait,
certaines impasses subjectives adolescentes mettent en évidence que cette
rencontre avec l’Autre sexe reste toujours énigmatique pour le sujet, car
elle ne le complète pas, tout au contraire, car elle y introduit un manque.
Dans ce sens, elle semble toujours traumatique par la remise en jeu de la
castration du sujet et de celle de l’Autre.
3. On observe aussi qu’au moment de la puberté, le sujet se tourne alors
vers l’Autre (le père, la mère) pour qu’il lui dise comment faire avec cette
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L’addiction aux médicaments chez une jeune adulte ■ Chapitre 2
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Mlle L. vit quotidiennement comme si sa survie psychique et somatique
dépendait d’un Autre.
Lacan (1969) dans Note sur l’enfant montre justement que l’enfant peut se
trouver en place de répondre à ce qu’il y a de symptomatique dans la struc-
ture familiale (c’est-à‑dire dans son rapport à l’Autre). Dans la névrose, le
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8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
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relation précoce.
Selon Gerard Szwec (1993), les conduites à risque seraient justement liées
à une recherche de calme et de satisfaction pulsionnelle. Il illustre cela en
évoquant que la prise d’auto-calmants serait l’ersatz du jeu de la bobine.
Le jeu du fort-da (ou jeu de la bobine) est lié à la présence et à l’absence de
la mère. C’est une manière pour l’enfant de faire face au niveau imaginaire
à l’angoisse du départ de la mère. L’enfant joue avec l’image de la mère qu’il
éloigne ou fait revenir à sa guise. Il se rassure par son pouvoir et supporte
ainsi mieux son absence.
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L’addiction aux médicaments chez une jeune adulte ■ Chapitre 2
Par ailleurs, chez certains sujets, il est possible qu’à un certain niveau de
perception, la dimension du calme et de la jouissance puisse se confondre.
Ainsi, chez ces personnes se sentir exister, jouir, mourir, deviendrait une
seule et même réalité.
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sions individuelles, environnementales et familiales, il convient de penser
qu’aucun facteur familial ne peut être considéré à lui seul comme un élément
de causalité linéaire puisque la question de la causalité prête souvent à confu-
sion et nécessité d’être approchée en clinique. En pratique, les parents ne
sont pas responsables de tous les maux de leur enfant. L’expérience indique
plutôt que les enfants peuvent subjectiver parfois les symptômes des parents
en les reprenant à leur compte (Scroccaro, 2015, 2017).
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8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
Pour Bergeret (1981), chez les sujets présentant une addiction (quel que
soit le type d’addiction), la problématique dépressive se profile toujours,
mais repose sur des paradigmes structuraux différents. Selon lui, il s’agirait
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d’« addiction essentielle », c’est-à‑dire de comportements d’addiction au
vrai sens du terme puisque l’expression comportementale représente le
symptôme le plus visible et le plus caractéristique.
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L’addiction aux médicaments chez une jeune adulte ■ Chapitre 2
Selon Freud (1888), les sujets hystériques sont fortement prédisposés à des
troubles de l’activité nerveuse. Pour lui, les traumatismes, les intoxications
(plomb, alcool), le chagrin, les émotions ou encore les maladies seraient des
facteurs qui entraîneraient des éruptions d’affection hystérique aiguë.
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De même, dans la névrose hystérique, le lieu d’expression du conflit est
le corps. Elle présente un caractère excessif par des douleurs très intenses
décrites par les malades comme ressenties « au plus haut degré » et qui
peuvent être accompagnées par une anesthésie et des paralysies. Selon
lui, « toute inclination érotique parvient à se développer pleinement en
même temps que les douleurs, et […] ces douleurs semblent permettre une
compréhension du processus dans le sens de la théorie de la conversion »
(p. 101). Hormis, les effets de ces produits et du sevrage, chez Mlle L. il
n’existe aucune raison médicale de ses symptômes somatiques, ce qui peut
faire penser à une conversion hystérique, c’est-à‑dire à une tentative de réso-
lution d’un conflit psychique inconscient dans des symptômes somatiques,
sans lésions organiques. Chez Mlle L., sa douleur psychique se transformerait
alors en douleur corporelle.
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8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
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–– il existe une indifférence de cette patiente à l’égard de ses symptômes ;
–– elle effectue un nomadisme médical et pense que personne ne peut la
comprendre ;
–– cette inconsistance de l’Autre est vécue comme un véritable trauma-
tisme et correspond à une caractéristique majeure de la production de
ses symptômes ;
–– ses automédications seraient secondaires à un trouble psychique ;
–– de plus, ses réactions sont apparues dans un contexte affectif conflictuel
où elle s’est sentie « délaissée » par sa mère et son ex-mari.
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L’addiction aux médicaments chez une jeune adulte ■ Chapitre 2
dimension de son conflit laisse, si on peut dire, Mlle L., dans une place vide.
C’est à cette place qu’apparaît une certaine mise en abîme de sa subjectivité.
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À travers la lecture de ce cas, il semble également nécessaire d’aborder
avec cette patiente la question de son insertion professionnelle et aussi
celle de ses relations familiales. Freud souligne, dans le roman familial des
névrosés, en 1909 : « Que l’individu au cours de sa croissance se détache de
l’autorité de ses parents, c’est l’un des effets les plus nécessaires mais aussi
les plus douloureux du développement » (p. 253).
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8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
Par ailleurs, il semble que cette patiente répète des expériences trauma-
tiques auxquelles elle paraît être soumise comme à une fatalité, alors qu’il
conviendrait d’en explorer les ressorts dans l’inconscient.
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précise qu’il s’agit là d’un des principaux obstacles empêchant d’envisager
un traitement.
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L’addiction aux médicaments chez une jeune adulte ■ Chapitre 2
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6. Conclusion
Les symptômes les plus visibles de Mlle L. sont ses douleurs physiques
liées au sevrage ainsi que son nomadisme médical utilisé pour pallier ses
douleurs. Elle est passée d’un désir d’abstinence totale à une demande
plus précise celle d’arrêter seulement le même médicament que sa mère
consomme. Cette demande pourrait alors se formulerait ainsi : « Aidez-moi
à me séparer de ma mère ! »
61
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
Le poids de cette histoire reste archivé sur le corps Mlle L. Tout se passe
comme si chaque période de fragilité qu’elle traverse venait à la fois ébranler
son appareil psychique et signer des décompensations sur son corps. Et il se
trouve que la clinique en addictologie fait justement ressortir ces dessous
du corps pubertaire traumatique et pulsionnel.
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donc encore davantage : quand la séparation d’avec l’objet donne-t‑elle de
l’angoisse, quand donne-t‑elle du deuil et quand, peut-être, seulement de
la douleur ? » (p. 283).
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L’addiction aux médicaments chez une jeune adulte ■ Chapitre 2
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pas simplement liés à des vécus traumatiques ou à des fantasmes plus
archaïques.
Or il semble que c’est par la répétition dans le transfert qu’il nous est
possible d’aborder ces mécanismes et leurs conséquences.
Glossaire
Benzodiazépines : médicaments psychotropes faisant partie de la caté-
gorie des anxiolytiques.
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8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
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Chapitre 3
Adolescence et psychose1
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Sommaire
1. Introduction....................................................................................... 71
2. Présentation du cas et anamnèse....................................................... 74
3. Circonstances immédiates de consultation........................................ 76
4. Rencontres avec la famille................................................................. 77
5. Description et analyse des symptômes pendant la prise en charge.... 78
6. Nature de l’accompagnement et effets de la thérapie........................ 85
7. Discussion.......................................................................................... 86
Références bibliographiques................................................................... 87
1. Introduction
Ce cas exemplifie une prise en charge de sujets adolescents chez qui
des phénomènes psychotiques se manifestent au point de provoquer une
décompensation. Dans ce cas particulier, que nous appellerons B., il s’agit
d’un cas de psychose infantile structuré sur un mode « dysharmonique1 »,
légèrement déficitaire, avec notamment un niveau intellectuel de l’ordre de
70 (arriération légère), dans lequel l’aspect de désadaptation et de trouble
cognitif paraissait prépondérant dans un premier temps.
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notoirement insuffisants pour diagnostiquer spécifiquement ces troubles et
que la stratégie « conservatrice » des CFTMEA puis de la CFTMER 20152
était beaucoup plus réaliste, eu égard à l’historique des recherches sur les
modes d’organisation des psychoses infantiles (reprenant notamment les
travaux classiques qui différenciaient, d’un côté, les autismes à carapace, de
l’autre, les psychoses infantiles schizophréniformes franches, et enfin des
modes de stabilisation déficitaires (pseudonévrotiques ou caractérielles.)
lésions provoquant une arriération (entendue en général comme étant de légère à moyenne), des
troubles psychiques soit névrotiques graves soit psychotiques, des troubles du comportement,
le tableau clinique pouvant osciller et l’attention du clinicien étant davantage concentrée sur la
question de l’évolution que sur celle du « diagnostic immédiat ». En ce qui concerne les psychoses,
ce diagnostic inclut les formes « prépsychotiques » (psychoses non déclenchées mais repérables
lors d’un entretien clinique précis), les psychoses infantiles « pseudonévrotiques », les psychoses
« pseudopsychopathiques », les fausses débilités psychotiques.
2. Les classifications CFTMEA sont des classifications françaises des troubles psychiques de l’en-
fance et de l’adolescence qui se sont succédé depuis 1968 ; en 1968 est publiée une classification
française des troubles mentaux tenant compte de la 8e édition de la classification internationale
CIM ; par la suite, sous l’impulsion de R. Misès, seront publiées une série de classifications des
troubles de l’enfant et de l’adolescent (CFTMEA) tenant compte de l’évolution de la CIM ;
en 2015 est publiée une classification française étendue aux autres âges de la vie (CFTMER 2015).
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8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
Quelques rappels sur les présupposés théoriques qui sont les nôtres :
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–– non-fonction d’objet a (perte de la scansion signifiante, d’un objet sépa-
rateur ou limitant, déstructurant la temporalité dans les phénomènes
maniaco-dépressifs), sur le modèle de la « fuite des idées » ;
–– phénomènes de type carapace autistique, avec la mise en place de phéno-
mènes isolés et contradictoires (stéréotypies/isolement).
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Adolescence et psychose ■ Chapitre 3
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a intérêt à les envisager comme présentant nécessairement une certaine
multiplicité. Cette multiplicité implique bien entendu une certaine pluralité
dans les types d’interventions que nous devons réaliser.
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8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
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2. Présentation du cas et anamnèse
Il s’agit d’un jeune adulte (20 ans), que nous désignerons par la lettre
B., second d’une fratrie de deux, reçu en secteur de psychiatrie suite à une
demande de ses parents.
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son âge, son allure extérieure ne laissant pas transparaître sa pathologie.
Lors des premiers entretiens, le diagnostic de dysharmonie d’évolution
psychotique, avec un versant déficitaire est connu, mais la question d’une
activité délirante n’apparaît pas d’actualité. Aux tests de Wechsler, on
note les résultats suivants : Quotient Intellectuel Verbal : 71 ; Quotient
Intellectuel Performance : 72. Lecture et écriture sont acquises ; le sujet
est capable d’écrire des phrases simples compréhensibles, l’orthographe
est mal assurée ; en revanche la lecture ne peut aller au-delà d’énoncés
simples, le sujet se disant incapable de suivre la complexité d’une histoire
au-delà de quelques lignes. Il est par ailleurs bénéficiaire d’une allocation
adulte handicapé.
–– La naissance de l’enfant est associée pour la mère à un conflit conjugal
majeur ; émigrée à l’étranger, la mère est à l’époque mariée à un homme
tenant un salon de B. La mère évoque également un rejet de cette grossesse
lié à son vécu de détresse : elle est allée jusqu’à ce qu’elle présente comme
des manœuvres contraceptives « externes » (mouvements saccadés, chute
dans l’escalier).
1. Les instituts médico-éducatifs (IME) ont pour mission d’accueillir des enfants et adolescents
handicapés atteints de déficience intellectuelle quel que soit le degré de leur déficience. L’objectif
des IME est de dispenser une éducation et un enseignement spécialisés prenant en compte les
aspects psychologiques et psychopathologiques et recourant à des techniques de rééducation.
On distinguait, parmi ces établissements, les externats (EMP) et les internats (IMP). Les IMPRO
avaient pour objectif d’orienter vers une activité rémunérée, le plus souvent dans le secteur
protégé.
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un ImPro. Deux mois après leur départ, B. présente un certain nombre de
troubles du comportement, en compagnie de certains jeunes du foyer : il
s’enivre, provoque du scandale, d’une façon telle que les responsables du
foyer décident son exclusion. B. s’adresse alors à ses parents et les rejoint
dans leur nouveau domicile. La situation devient alors intenable, le beau-
père ne supportant pas la présence de B.
Le beau-père part alors pour surveiller des réparations réalisées par une
entreprise dans une maison de campagne au bord de la mer, en indiquant
qu’il souhaite, à son retour, « voir le problème résolu ».
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à se déplacer sans problème en vue de consultations. Les bonnes relations du
couple sont pourtant présentées comme perturbées par l’existence même de
B. La mère insiste volontiers pour que B. vienne chez eux ; en revanche son
époux actuel supporte mal cette présence, même s’il l’admet en principe.
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5. Description et analyse des symptômes
pendant la prise en charge
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même que sa famille et les cliniciens savaient bien que des symptômes et
des problématiques psychotiques étaient présents « quelque part », mais
tous, à leur façon, tendaient à les minimiser, ne serait-ce que dans l’espoir
de ne pas « souffler sur les braises ». L’accent est alors mis sur les déficits
cognitifs et les aspects caractériels, dont il est noté, toutefois, qu’ils n’ap-
paraissent que dans le conflit avec le beau-père, aucune difficulté n’étant
notable avec le personnel soignant ou avec les autres patients après une
semaine d’« observation ».
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avec qui il tente de se battre. Il est alors vu presque immédiatement par
l’interne à qui il explique que cet infirmier l’a insulté, que c’est intolérable.
Ces faits sont infirmés par les personnes présentes. Un traitement neuro-
leptique est instauré. Nous le rencontrons le lendemain, et il nous explique
qu’il a entendu distinctement une voix qui lui disait : « Tu es un monstre,
tu as du poil gris. »
Parallèlement, il explique qu’il est attiré par les jeunes filles, d’une façon qui
nous interpelle ; en effet, il ne s’agit pas simplement d’un « intérêt personnel »
à leur égard dont il fait état, ce sont des « messages » qu’il reçoit, émanant
de jeunes filles « lorsqu’elles parlent entre elles ». Il pense que très souvent,
dans leurs conversations entre elles, elles parlent de lui, et lui envoient des
messages selon lesquels il doit s’occuper d’elles. D’un côté, il présente cela
comme une sorte d’obligation générale qui lui serait rappelée ; mais, de
l’autre, ces messages ont visiblement une valeur hallucinatoire et délirante,
au sens où il les présente comme impératifs, le visant personnellement.
Ces phénomènes se concentrent par ailleurs sur son corps et, spéci-
fiquement, sa peau. Il explique en effet qu’il sait, au moins depuis son
adolescence, que sa peau est anormale. Cette révélation lui est parvenue
notamment en lien avec ce qu’il décrit comme des pratiques masturbatoires
et des rituels de lavage pouvant durer plus que de raison. Selon lui, ces deux
pratiques compulsives ont fini par « abîmer sa peau » irrémédiablement. En
outre, pour lui, la pilosité contribue à donner une allure monstrueuse à son
épiderme. À noter qu’aucune particularité n’est notable concernant le grain
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Adolescence et psychose ■ Chapitre 3
de sa peau ou sa pilosité ; les discrètes remarques qui lui sont faites par nous
à ce propos ne changent rien à son inquiétude délirante.
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–– l’orienter vers les ressources personnelles sur lesquelles il doit pouvoir
s’appuyer pour élaborer une stabilisation.
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d’un soudain désintérêt pour le « style vestimentaire », il apparaît dépeigné,
alors qu’il arborait toujours une mèche impeccable et une coiffure irré-
prochable. Il sait que son père, avec lequel il n’a plus aucun contact depuis
des années, était coiffeur. Lui-même se plaît à répéter des expressions
qui concernent l’esthétique, comme « beau comme un œuf ! ». Je l’invite
à commenter les styles vestimentaires des personnes de son entourage, ce
qu’il fait avec grand intérêt et je finis par lui faire remarquer son laisser-
aller vestimentaire, à propos de quoi il exprime un sentiment de honte et
de confusion. Il finit par reprendre à son compte cette particularité comme
un trait qui lui est véritablement personnel, qui lui impose en quelque sorte
une ligne de conduite éthique.
82
Adolescence et psychose ■ Chapitre 3
Parallèlement, nous pouvons noter que les séjours dans sa famille s’ac-
compagnent d’une recrudescence évidente des vécus dysmorphophobiques.
Il est donc décidé qu’il ne passera pas de nuit en famille et ira simplement
une fois par semaine déjeuner avec eux.
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à certains égards comparables, logés pour la plupart dans des appartements
thérapeutiques ou indépendants, qui se retrouvent souvent, ont des activités
communes, organisent des sorties et des excursions ensemble.
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sager la façon dont il organisera et réalisera son arrivée en train, prendra
un autocar, les différentes activités auxquelles il pourra s’inscrire. Nous
envisageons également de façon détaillée les différents incidents qui pour-
raient survenir, et comment il pourrait y répondre à chaque fois. Ce séjour
se passera finalement sans difficultés.
84
Adolescence et psychose ■ Chapitre 3
propres choix par rapport aux différents signifiants qui marquent sa situa-
tion dans le monde. Invité à discuter les circonstances de cet événement
psychique, il indique qu’en fin de week-end, il tend à s’ennuyer et que cette
« invocation » est une façon de rompre cette monotonie.
Nous notons le même jour, lors d’une rencontre fortuite avec son infir-
mier référent, que B s’est plaint auprès de lui de s’ennuyer pendant les
week-ends et que des activités ont pu être organisées dans ce sens.
Nous restons en contact avec des infirmiers du service, qui nous indi-
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quaient, trois ans après notre départ, que la stabilisation de B. s’est continuée
plusieurs années de suite malgré cet arrêt et qu’il a pu trouver ultérieure-
ment un emploi de magasinier.
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8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
7. Discussion
1) Sur le choix du traitement : B. était habitué aux types de dialogues
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impliqués par les psychothérapies analytiques ; il « se racontait » assez faci-
lement, a engagé d’emblée une relation de confiance, même s’il n’a pu parler
plus franchement de ses symptômes qu’avec un temps d’hésitation.
3) On note le caractère positif des relations avec les parents ; la mère était
certainement la plus participante et s’est montrée réceptive aux proposi-
tions d’adapter les contacts familiaux aux nécessités thérapeutiques. Elle n’a
notamment pas objecté lorsqu’il s’est agi de limiter les visites, alors même
que nous évitions d’être trop explicite sur les vécus délirants que ces visites
favorisaient.
86
Adolescence et psychose ■ Chapitre 3
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Chapitre 4
Adolescence névrotique1
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Sommaire
1. Introduction....................................................................................... 93
2. Trauma et adolescence....................................................................... 93
3. Enjeux narcissiques et du moi-corps.................................................. 96
4. L’archaïque-infantile et le pubertaire................................................. 96
5. Traitement à l’adolescence névrotique.............................................. 97
6. Observation clinique........................................................................... 100
7. Conclusion.......................................................................................... 104
Glossaire................................................................................................. 105
Références bibliographiques................................................................... 106
1. Introduction
Il y a de réelles analogies entre l’organisation névrotique et le processus
psychique de construction et de subjectalisation à l’adolescence. Dans les
deux occurrences, les scènes refoulées, à valence notamment sexuelle,
peuvent surgir « après-coup ». Dans les organisations névrotiques comme
à l’adolescence, qui a aussi la configuration d’une « névrose » adolescente,
il est question de théâtre de la réitération de la névrose infantile et de la
prédominance de l’angoisse de castration. Dans les deux cas, le facteur
essentiel est le conflit psychique, un antagonisme inéluctable entre le moi
et les pulsions sexuelles. De même, à l’adolescence, la problématique du
narcissisme est fondamentale. Celle-ci se déploie sous différentes formes,
attractions ou interrogations : d’auto-engendrement psychique1, du double,
de l’auto-envie, de l’idéalité2. Dans cette perspective, quelles pourraient être
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certaines spécificités cliniques d’une souffrance psychique de type névro-
tique à l’adolescence ?
2. Trauma et adolescence
D’emblée, il faut souligner l’impact de l’évidence traumatique à la période
de l’adolescence3. Nous le soutenions dans nos précédents travaux, l’advenue
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
1. Dans cette optique, Philippe Gutton parle de « travail de création » intersubjectal à l’adolescence.
2. J’ai développé ces différents aspects du narcissisme à l’adolescence dans mon livre (Maïdi,
2012).
3. Idem. Chapitre intitulé « Le corps traumatique de l’adolescence pubertaire », p. 20.
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de ce qui a été enfoui dans l’inconscient, une forme de révélation par un
fait nouveau, une scène pubertaire, qui donne sens à un vécu traumatique
antérieur et ancien situé dans l’enfance. Ainsi, ce ne sont pas les seules
« effractions » du mouvement pubertaire qui sont traumatiques, mais la
potentialité explosive traumatique générée par le collapsus entre l’archaïque-
infantile et le pubertaire. Il y a comme un processus de condensation entre
ces deux moments primordiaux de la vie du sujet. De ce fait le pubertaire
est un révélateur au sens photographique de l’archaïque-infantile. Dans
cette perspective, il est possible d’affirmer que l’adolescence pubertaire est
une incontestable deuxième naissance psychique du fait précisément du
processus de changement. Cette métamorphose exige un travail d’aména-
gement adapté de l’instinct génital dans la vie psychique.
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Adolescence névrotique ■ Chapitre 4
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–– Et les traumatismes sexuels intrapsychiques gouvernés par le sentiment
éprouvant d’un « corps étranger interne » à l’origine d’une permanente
excitation difficile à faire disparaître et à convertir en pulsion. Le trau-
matisme se définit distinctement par le fait qu’un corps étranger interne
trouble et bouleverse la psyché par la défaillance à le maîtriser et à le
symboliser. Ainsi, la séduction traumatique est un traumatisme créé par
la séduction sexuelle. Celle-ci est également vue comme le résultat de
tout traumatisme. On peut dire que tout traumatisme constitue un ébran-
lement narcissique. Son origine peut être ou non directement sexuelle.
Cependant, un traumatisme touchant pleinement le psychisme ou l’inté-
grité corporelle peut engendrer un traumatisme qui engage conjointement
des effets de type sexuel particulièrement au moment du changement
imposé par les modifications pubertaires.
1. Idem.
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concerne le moi dans son ensemble. D’où l’intérêt, me semble-t‑il, de parler
plus amplement de l’image du moi-corps (Maïdi, 2006). Ordinairement, le
moi paraît intriqué au corps. La psyché fait corps avec le corps. Elle semble
incorporée et ne pourrait se représenter à elle-même diversement qu’au
travers d’« image » corporelle. Effectivement, à l’adolescence, le corps et
son image sont constamment des mises en scène de la psyché, et la psyché,
pensons-nous, est le « corps du problème » (2006).
4. L’archaïque-infantile et le pubertaire
L’archaïque et le pubertaire, l’histoire et l’actuel, interagissent de manière
concomitante, en collapsus, à l’adolescence. De la sorte, il n’y a pas de
96
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psychopathologique, dominée parfois par le breakdown lauférien (Laufer,
1984), le travail d’adolescence et de sublimation devient problématique ou
dans une impasse.
97
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
recommandés. Il faut en effet éviter ce qui peut être ressenti par l’adolescent
comme des mouvements de séduction-intrusion-passivation, une certaine
moralisation et, donc, la précipitation d’une rupture possible du travail
technique psychothérapique entrepris. En séance, dans une atmosphère
analytique, la relation interpsychique, inter-subjectalisante, peut parfois se
limiter à des « conversations ordinaires » (Winnicott, 1968), un « jeu » verbal
ou une forme de dialogue socratique psychanalytique afin de susciter et de
faire émerger les aptitudes psychiques à penser par associations, à consi-
dérer l’importance de la répétition à travers les mécanismes de transfert,
à poursuivre chez l’adolescent son autocréation ou création de soi (self-
creation) et à libérer ses potentialités d’inventivité.
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Gutton (2006). Il faut dégager et désassujettir le pubertaire de l’emprise de
l’infantile. De ce point de vue, les mécanismes de dégagement (working-off
mechanisms) (Maïdi, 1996) de Edward Bibring (1943)1 peuvent être d’un
authentique apport thérapeutique. Notons que les mécanismes de dégage-
ment sont à séparer des mécanismes de défense. Ces derniers n’ont pour
dessein que la réduction impérieuse des tensions, suivant le principe de
déplaisir-plaisir. De la sorte, les compulsions de défense, involontaires et
inévitables, sont sous le contrôle et la contrainte des processus primaires
alors que les mécanismes de dégagement, qui se présentent comme une
figure de la sublimation2, sont commandés par les processus secondaires3.
Ceux-ci facilitent pour le sujet son détachement de la représentation
irrecevable et de ses identifications contraignantes et aliénantes. Notons
brièvement que les mécanismes de dégagement, comme le mentionne
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exigences instinctuelles, et tout autrement une opération de dégagement
du moi par rapport à ses propres activités défensives.
99
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
Par ailleurs, il est à rappeler que dans la psyché tout s’enchevêtre par
connexion, condensation et donc surdétermination dans l’organisation
psychique, en l’occurrence névrotique problématique, et dans le mode d’être
et d’agir de l’adolescent dans sa jeune existence. On pourrait pareillement
dire, au-delà du corps (Maïdi, 2003)1 qui est une question fondamentale
à l’adolescence, l’inconscient c’est le destin. Le sujet est ici prédestiné à être
entravé et empêché car un trauma originaire de type carentiel narcissique
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précoce, une épreuve dès la naissance et non de la naissance, a été au centre
de la problématique organisationnelle névrotique. Cette première expé-
rience traumatique primordiale a largement composé le destin de vie et ses
contingences à l’adolescence.
6. Observation clinique
Marie est âgée de dix-neuf ans. Je l’ai rencontrée une dizaine de fois dans
le cadre de mon exercice libéral en cabinet. De taille relativement petite et
assez « forte », présentant une surcharge pondérale, elle consulte car elle
a « besoin d’aide » et la sensation vague de « ne pas être bien ». Elle dit : « Je
ne sais pas comment exprimer mes sentiments. Je n’arrive pas à être complè-
tement moi-même. » Elle souffre de ne plus avoir « l’envie », de ne « plus
avancer comme avant », de subir la passivation et la grande morosité. Elle se
sent « déçue » d’elle-même, de ne plus s’accepter. Elle révèle être « remplie
de colère » qu’elle garde au-dedans d’elle-même et éprouve un sentiment
de tristesse, de désolation, de négativité, voire de destructivité. Elle se sent
faible et déprimée et « n’arrive pas à remonter le moral ». Ce qui l’énerve et
1. Dans mon livre La Plaie et le Couteau, je défendais plus amplement : « Le corps, c’est le
destin. » Assurément, le corps dans sa globalité anatomo-physique, qui plus loin de l’héritage
biologique, va comme patrimoine souverain, capital et unique, déterminer en grande partie l’iti-
néraire destinal de la personne au cours de son existence. Finalement, le destin est pré-institué.
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Adolescence névrotique ■ Chapitre 4
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Confrontée à une forme d’inquiétante étrangeté liée à cette difficile situa-
tion, Marie affirme ne pas se reconnaître dans ce qu’elle fait dans le sens,
ici aussi, d’un « Je est un autre ». Selon l’adolescente, ces éléments décrits
comme « négatifs » et dysphoriques sont apparus après le décès, il y a six
mois, du grand-père paternel alors qu’elle était en séjour « humanitaire »
assez loin à l’étranger. Elle ne veut pas croire à sa mort en expliquant qu’elle
est croyante et pense que son grand-père qui est un modèle important
« est toujours là ». Après le décès de son grand-père, Marie avoue avoir
régulièrement « fait la fête », mais maintenant, elle se sent perdue. Après
un mouvement de défense maniaque et une révolte de circonstance, il y a
actuellement un moment d’épreuve mélancolique qui impose un retour-
nement de la haine contre soi – centrée sur le corps – par substitution
de la haine qui devait se diriger contre l’objet perdu. Le corps est contré
et attaqué. À côté de ce contre-corps ou contre-mort, pour la patiente,
admettre la disparition du grand-père, c’est abandonner et perdre irrémé-
diablement son « idéal de vie ».
101
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
qu’elle ressent sans perdre la face. Elle est devant un vrai dilemme : « Être
ou ne pas être ? » Être soi-même ou choisir d’« être comme si » dans le sens
d’un « faux-self » ? À ce propos, elle s’autocritique et dit avec affliction
d’elle-même : « Je ne suis qu’un personnage, un rôle à tenir1. » Sur le plan
relationnel et social, elle se sent obligée de parler sans rien dire au sens
lacanien ou pour ne pas dire, car elle craint d’être transparente, d’exhiber
ses sentiments, de « se mettre à nu et sans défense ». Il est peut-être aussi
question ici de l’ineffable, d’un éprouvé sans nom. Ainsi, parler devient un
acte « corporel » incontrôlé, une forme d’agir irrépressible. Il existe une
vraie dualité entre le désir et sa réalité, entre le dedans et le dehors, entre
le monde interne et le monde externe. Il faut « toujours garder pour soi »
et se forcer pour ne pas libérer les « ressentis ». Il faut secrètement être sa
« propre confidente » en favorisant une position et une relation narcissiques
plus satisfaisantes.
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Dans une épreuve de désidéalisation défensive et culpabilsante, pour « tuer
le mort », c’est-à‑dire aussi de dépasser l’archaïque-infantile phallique et
essayer de le faire réellement disparaître, l’adolescente se dit affligée d’être
en colère à l’égard de son grand-père décédé. Elle lui reproche de ne pas
avoir été suffisamment reconnaissant, attentionné et disponible pour pouvoir
« être » et discuter avec elle. Elle a « l’impression d’avoir perdu quelque chose
depuis un bon bout de temps », d’avoir été abandonnée par son grand-père
idéalisé, voire idolâtré. C’est ici, pensons-nous, l’expression douloureuse
d’une difficulté à distancer l’archaïque-infantile phallique et idéal absolu.
Sur un plan affectif, Marie a tendance à nouer des relations avec des
garçons plus âgés. À seize elle fréquentait un jeune homme âgé de vingt-
huit ans et présume qu’elle n’a pas été suffisamment aimée. Elle s’interroge
pourquoi se met-elle au service des autres ? Pourquoi se place-t‑elle corps
et âme « au niveau du désir de l’autre » et néglige-t‑elle son propre désir ?
1. Depuis de nombreuses années, je soutiens l’idée d’une « fatigue de ne pas être soi ». Cette
difficulté à conquérir désespérément son vrai-soi est encore et peut-être davantage éprouvée à la
période de l’adolescence. Avant la psychanalyse, déjà Victor Hugo (1866) dans Les Travailleurs
de la mer écrivait : « N’être jamais soi, faire illusion, c’est une fatigue. »
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Adolescence névrotique ■ Chapitre 4
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détail ». C’est un corps haï, anti-narcissique, maltraité, fécalisé. Il est le
souffre-douleur parce qu’il représente l’inconciliable, le négatif de soi ou
le faux-soi. C’est un corps sale, répudié, inapproprié dans les deux sens du
terme, non adéquat et non attribué à soi-même. C’est un corps cloacal qui
génère le dégoût et l’écœurement.
1. Le clivage on le retrouve également, par exemple, dans la différence avec sa sœur, deux ans
plus jeune, plus belle, plus mince, etc. D’ailleurs pour séduire les garçons, dira Marie : « Ma sœur
elle les attire et moi je les capture. »
2. La maladie de Hirschsprung est une maladie génétique, rare qui affecte une naissance sur
5 000, principalement des garçons (80 %). Elle est le plus souvent diagnostiquée dans les toutes
premières semaines de vie. À la naissance, l’intestin est obstrué. Ce qui oblige une double opéra-
tion chirurgicale.
103
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
Plus tard, vers l’âge de treize ans, Marie a « pris d’un seul coup beaucoup
de poids ». Pendant cette période, qui correspondrait à l’avènement puber-
taire, la jeune fille a demandé à rencontrer un gastro-entérologue pour
une constipation chronique. Ces consultations médicales ont objectivé la
nécessité d’une nouvelle chirurgie lors de laquelle on lui a « coupé un bout
de l’intestin ». « J’ai toujours eu ce problème », dit-elle, avec une certaine
résignation face à cette sorte de destin inexorable de l’occlusion intestinale
et de la perte contrainte de l’intégrité corporelle. Seul un travail de sublima-
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tion, une rectification fondamentale dans la destinée pulsionnelle, pourrait
être un rempart contre l’éprouvé négatif d’un corps abîmé dès la naissance.
Il s’agit assurément et normalement de soutenir la sublimation-création au
sens de détournement des pulsions agressives funestes qui sont transposées
et introjectées dans une perspective autosadique ou masochique narcissique
de mort et d’étayer de réelles et indispensables modifications économiques.
La sublimation permet de dévier et d’éviter temporairement l’énergie auto-
destructrice, de se détourner de l’emprise de l’archaïque-infantile et de
recouvrer une liberté d’être adolescent.
Avec Marie, nous nous sommes séparés avant les vacances estivales.
À la rentrée, j’ai pris de ses nouvelles par téléphone. Étudiante, elle se sent
actuellement mieux, davantage sereine, en ayant repris avec un certain
enthousiasme sa formation à l’université. Même si elle pense qu’elle ne
pourra jamais suivre les traces de son grand-père pour réaliser son rêve
silencieux, elle suivra néanmoins la même culture universitaire du défunt
qui est exalté par l’adolescente.
7. Conclusion
En définitive, dans un cadre idéal thérapeutique, l’élaboration active et
créative à deux, la perlaboration des deux protagonistes, cherchent à aider
l’adolescent à sortir du négatif interne et externe, à se subjectaliser et à se
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Adolescence névrotique ■ Chapitre 4
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nous. » Nous sommes ce que nous faisons de ce que les autres ont voulu
faire de nous. La psychothérapie et le soin psychique cherchent à aider l’ado-
lescent présentant une organisation névrotique embarrassante à devenir un
être-sujet. Dans cette optique, la question est moins de guérir mais plutôt
de favoriser le processus de subjectalisation et de la création de soi ainsi
que l’acceptation de l’altérité dans la sécurité, de découvrir et de vivre la
pacification au lieu de la passivation.
Glossaire
Angoisse de castration : inhérente au complexe de castration, l’angoisse
de castration est liée à la séparation, la perte de l’objet narcissiquement
idéalisé, à la fois dans les toutes premières relations de l’enfance (relations
primordiales) et dans d’autres expériences vécues (angoisse morale traduite
comme une angoisse de séparation d’avec la conscience morale que repré-
sente le surmoi, par exemple).
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Névrose infantile : la névrose infantile est le prototype de la névrose
adolescente ou celle de l’adulte. Cependant dans l’enfance cette névrose
est dynamique et en mouvement. Ici le symptôme paraît immédiatement
lié à une situation de conflictualité, comme un arrangement temporaire et
nécessaire dans l’organisation de la personnalité.
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Adolescence névrotique ■ Chapitre 4
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naires. Paris : Gallimard.
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Chapitre 5
Adolescence et perversion1
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Sommaire
1. Introduction....................................................................................... 111
2. La perversion n’est pas l’émergence de la « pulsion » à l’état brut.... 113
3. Présentation du cas et anamnèse....................................................... 114
4. Historique de la prise en charge......................................................... 118
5. Contexte de la rencontre avec un sujet adolescent et analyse
de la demande de psychothérapie....................................................... 120
6. Description et analyse des symptômes.............................................. 123
7. Nature de l’accompagnement et effets de la thérapie........................ 128
8. Conclusion.......................................................................................... 130
Glossaire................................................................................................. 133
Références bibliographiques................................................................... 134
1. Introduction
La psychanalyse ne s’est intéressée que tardivement, dans les années 1950-
1960, aux processus psychiques spécifiques de l’adolescence. Son abord des
problématiques psychopathologiques les inscrit dans une perspective dyna-
mique, en tenant compte de leur évolutivité probable et de leurs prémisses
infantiles. Le champ de ces troubles est ouvert à une lecture intersubjective
des symptômes, évidemment en rapport avec la sexualité, comprise au sens
large du terme. Le contexte familial et social de leur apparition prend une
place importante dans une reconstitution de l’histoire individuelle du sujet,
à travers l’analyse approfondie des mécanismes psychiques.
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psychosociale » installée, incoercible1. Ce point de vue normatif est peu
compatible avec une approche « compréhensive » du problème. La fixité du
trouble rend son abord psychothérapique improbable, du fait de l’absence
de souffrance exprimée. Sa consonance moralisatrice ne permet pas une
appréhension psychologique rigoureuse du concept, dégagée des préjugés
socioculturels d’un moment historique donné. D’autre part, ce qu’on
retient habituellement des fonctionnements pervers, ce sont les aspects
de contrainte, de répétitivité, d’actes dont la violence peut être manifeste
comme dans le sadomasochisme. Mais elle peut aussi être latente, comme
dans les séductions exercées sur des personnes vulnérables ou dépendantes
(par exemple, pédophilie, voyeurisme, exhibitionnisme).
111
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qu’elle semble une manière singulière de désarticuler le fantasme inconscient
avec le champ du langage. La perversion en souligne les failles, introduites
dans la sexualité par l’impossibilité de la fonder sur un rapport d’équivalence
entre les sexes, au prix de sa déshumanisation.
112
Adolescence et perversion ■ Chapitre 5
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causalité du passage à l’acte. Il est vrai que ces éléments « traumatiques »
font rarement défaut dans la reconstruction clinique de trajectoires indivi-
duelles. Mais ils doivent être relativisés. Quelle que soit la similarité de leur
histoire personnelle, tous les adolescents ne passent pas automatiquement
par l’acte transgressif. Il suffit d’observer la diversité des formes d’expres-
sion de cette « sexualité hors-norme », de constater son imprédictibilité en
termes de défaillances éducatives ou socioculturelles pour se convaincre de
l’inanité de toute tentative de « profilage » préventif à partir de ces critères.
Cependant, le recours à l’acte3 (Balier, 1999) n’est jamais exclu pour sortir
d’impasses développementales pubertaires, et quelques adolescents « choi-
sissent » d’emprunter cette voie (parmi d’autres : somatisations, conduites
à risque, etc.) pour combattre une déréliction plus violente encore.
113
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conséquent, il ne peut prétendre être l’exemple type de toutes les formes
de violences sexuelles chez l’adolescent dans leur ensemble, qui peuvent
ressortir d’autres dynamismes psychopathologiques. Il n’expose qu’un aspect
parmi d’autres du sadisme sexuel, ressortissant de la dimension de l’emprise
perverse, ce que nous développerons à la lumière de l’exposé du cas.
Il a violé quatre jeunes filles de son âge, dans un laps de temps d’un an
environ.
114
Adolescence et perversion ■ Chapitre 5
pe, avec la tête que tu as, tu ferais mieux de te foutre en l’air… ») montre la
volonté d’emprise sur les victimes : D. nous dit que c’était pour les empêcher
de porter plainte, et qu’il ne mesurait pas la gravité de ses paroles. (Il les
mesure maintenant au vu des dossiers d’expertise des victimes qu’il a pu
consulter.)
D. et sa mère évoquent un passé de violences exercées par lui sur elle, qui
l’avaient amenée à demander une aide éducative (crises de colère de plus
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en plus fréquemment accompagnées de menaces physiques). Ses exigences
(vêtements de marque, friandises puis sorties) étaient impérieuses. Cette
mère dit qu’elle n’a pas pu envisager une vie personnelle, tant D. faisait
pression sur elle.
D. est fils unique, elle est seule à en assurer la charge avec les ressources
modestes de son travail.
115
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
En lien avec les faits reprochés, la mère de D. fait référence à une histoire
d’amour de son fils avec une voisine de son âge qui l’aurait perturbé au point
qu’elle est intervenue pour faire cesser cette relation d’« emprise » (sic). Elle
énonce sa conviction d’un « détournement d’enfant » : « Ce n’était pas à elle
(la jeune fille) d’imposer sa loi à mon fils. »
D. parle volontiers de cette relation chaste, mais pense que sa mère exagère
la manipulation que cette jeune fille exercerait sur lui : « Je la laisse dire… »
Il lui reste sentimentalement très attaché et continue à avoir des contacts
téléphoniques avec elle, malgré l’interdiction faite par le juge de l’usage de
portables. Il retrace cette « histoire sentimentale » comme le résultat d’un
attrait d’abord porté sur la vie aisée et cultivée de cette famille du voisinage
dans laquelle il s’est senti accueilli assez jeune, comme camarade de classe et
ami intime de la fille de la maison. Leur complicité dans les jeux et dans les
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intérêts intellectuels en décalage avec son propre milieu lui a ouvert l’esprit,
avec le sentiment d’une « dette » envers elle (et ses parents) qui écartait toute
velléité de séduction. Il ne nie pas que l’idée lui ait traversé l’esprit, mais ce
désir s’est imposé pour lui comme impossible à réaliser, voire « impensable ».
D’après lui, elle est au courant des raisons de ses démêlés avec la justice,
mais « elle le comprend et ne lui en veut pas ». Djamil donne à penser que la
jeune fille elle-même place cette relation « fraternelle » au-dessus de toute
loi. Elle ne peut se rabaisser aux normes communément admises.
116
Adolescence et perversion ■ Chapitre 5
Quand nous reprenons avec D. ses conflits avec les autorités éducatives,
il reconnaît jouer avec les « limites » et ne pas être conscient de dépasser les
bornes de tolérance des adultes. En même temps, il indique que ses trans-
gressions sont bénignes et il se révolte contre l’excès d’autorité exercé sur lui.
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D. nous fait part d’une période de sa vie où il s’est senti valorisé par l’in-
térêt que lui portait un éducateur sportif de son quartier, qui l’avait presque
« arraché des griffes de sa mère » pour l’inscrire dans un club de basket. Par
contre, les aides en milieu ouvert (AMO) menées ponctuellement à domicile
par les éducateurs spécialisés n’ont pas créé de lien durable.
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pensionnaires classiques.
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considère que c’était un « jeu » de sa part. Prise de panique, elle demande
son expulsion du collège, ce qu’il semble regretter tout en s’étonnant avec
amusement de produire un tel effet « sur une femme de cette trempe ».
Après le jugement, D. laisse filtrer que ces jeunes filles sont « victimes […]
aux yeux de la justice » et il ajoute : « Je sais que je ne devrais pas dire ça… »
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se centre sur les raisons « symptomatiques » de cette rencontre, abordées
par le patient adolescent ou son entourage avec ses propres mots. Il n’y
a donc pas d’objectifs assignés à la séance, pas de contenu à recueillir en
priorité et pas de présupposés pédagogiques sur la dynamique sollicitée et
le but de cette offre d’écoute.
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et familiale et lui donner ainsi qu’à son entourage, la possibilité d’en saisir
la portée et les ressorts cachés, tout en soutenant la reconnaissance de leur
dimension délictueuse.
Ceci ne veut pas dire que la manière dont les problèmes vont être abordés
dans les entretiens conduit spontanément à la mise au jour de leurs « causes
profondes », et c’est à l’expérience du clinicien de faire la part, dans ce qui
est dit, ou tu, de ce qui peut être relevé et donner lieu à un développement
ultérieur, ou rester en suspens. Le refus, le silence maintenu face à une
question ou les dérivations vers des rationalisations plus ou moins morbides
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que sa réponse, et donc qu’il suffit de laisser en suspens la place de l’objet
de cette demande tout en répondant « présent » à son adresse, pour accéder
à la possible mise en route d’un travail psychique. Notre expérience de
thérapeute d’adolescents nous indique que le transfert2 est « déjà là », sur
la personne du « psy » interpellé par sa question, et qu’il s’agit dans un
premier temps de lui donner la place de se développer dans des limites
acceptables, y compris dans sa forme négative d’une haine du tiers qu’on
cherche à suborner ou à exclure.
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maternel. Maître de l’objet, il peut se sentir le maître du monde. On peut
évoquer ce « narcissisme phallique1 » comme l’agent favorisant le sadisme
en contrepoint de l’impuissance infantile. Il reste à déterminer pourquoi
ce narcissisme exacerbé conserverait toute sa virulence chez un adolescent
dont la maturité physique et psychique ne le prive plus de moyens de s’ex-
primer positivement dans un environnement social élargi.
1. Notion empruntée à E. Jones par A. Eiguer pour différencier la « perversion narcissique » des
perversions classiques.
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survalorisation de la fonction phallique liée à la nouveauté de l’éprouvé
génital (orgasmique) et aux capacités physiques et langagières élargies qui
permettent de se dégager des prescriptions du monde adulte. Mais cette
phase « maniaque » d’excitation entre souvent en concurrence avec des
périodes de doute, de honte du corps sexué, accentuées par la réémergence
des fantasmes œdipiens refoulés1.
1. Cf. Gutton Ph. (op. cit.) qui fait de l’adolescence le moment d’un retour traumatique des
fantasmes incestueux et parricides de l’enfance, du fait de l’accession à la sexualité mature (scènes
pubertaires).
2. L’angoisse de castration à l’adolescence n’est plus l’effet de l’impuissance de l’enfant par rapport
à ses fantasmes œdipiens, mais le résultat d’une identification secondaire résultant de l’accession
à une position sexuée mature qui suppose un renoncement à la bisexualité infantile.
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moi. L’adolescence est la période de la traversée du « désenchantement2 »
du monde, de la « morosité3 ». Cet état psychique douloureux peut être
évacué par des recherches d’excitation sur un mode « maniaque » (conduites
à risques) ou donner lieu à un repli sur soi, une fuite dans la rêverie, des idées
suicidaires. La dépressivité passagère de l’adolescent est plutôt le signe d’un
remaniement en cours qu’un trait pathologique, sauf si elle perdure comme
fonctionnement de base de la psyché. Elle peut être totalement « abrasée »
par un retrait de la libido sur le corps (addiction).
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il se rend maître en prenant l’initiative de la séparation dans le jeu. Cette
entrée figure la première séparation avec la mère, mais aussi la répétition
signifiante comme dépassement du trauma.
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Adolescence et perversion ■ Chapitre 5
phallus de la mère, ne peut lui être disjoint. Ceci éclairerait par ailleurs la
fonction de la victime comme substitut métonymique de l’objet possédé-jeté
et le fétichisme, prototype du fonctionnement pervers, comme production
d’un phallus imaginaire détachable, venant combler le manque dans l’Autre
maternel. « L’accessoire » devient l’essentiel ! Dans un article précédent1, nous
avons évoqué la possibilité que la « victime » soit cet objet fétichisé, subissant
une rétorsion contre la dépendance qu’il suscite. Dans le cas présent, c’est
plutôt dans le clivage de l’objet entre un idéal féminin, et un objet de répul-
sion, que cette ambivalence vis-à‑vis du fétiche est maintenue.
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« conjointement » par la mère et le fils de cette fonction séparatrice occupée
par le père. Le fait qu’elle soit énoncée n’entraîne pas une « forclusion » de
ce signifiant2, mais plutôt un désaveu partagé de son importance comme
objet de désir de la mère, au-delà de son propre enfant, ce qui conduirait
ce dernier à se situer comme objet exclusif, mais sur le mode du pastiche,
de l’imposture d’une virilité d’apparat, de chevalier servant. La représenta-
tion de la transgression du tabou de l’inceste se produit donc sur une scène
tragi-comique ouverte à tous, y compris à la justice qui est défiée d’y mettre
bon ordre. L’absence de Tiers (incarné par une figure paternelle) favorise le
maintien dans une toute-puissance « ludique », mais qui dérive en fonction-
nement sadique dès que l’objet menace de se dérober à sa portée. La menace
d’agression incestueuse qu’induit la maturité sexuelle du fils retentit dans
l’imaginaire maternel avec ce géniteur secret dont elle fut l’objet de séduc-
tion. Le passage à l’acte sexuel violent est une mise en acte « symbolique »
de cette substitution de l’enfant au séducteur, virtuellement incestueux, à un
déplacement près sur un objet « indifférencié ». Certains éléments cliniques
amenés par la mère sur le conflit violent qui l’opposa à son propre père (alors
que sa sœur proche était complaisante) et sa fuite très jeune de la maison qui
l’oblige à se débrouiller seule, vont dans ce sens. Nous avons interrogé les
processus psychiques qui conduisent à nier les mouvements d’affects haineux
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psychanalytiques d’adolescents violents
Les thérapies d’orientation psychanalytique conduites sous mandat de
justice posent des problèmes évidents au cadre et à la façon d’établir les
conditions d’un « contrat thérapeutique ». En effet, initialement, le patient
n’exprime pas forcément d’autre souffrance que celle d’être « obligé » de
venir aux entretiens. Feindre de l’ignorer ne pourrait qu’entretenir un doute
sur l’effectivité de la mise au travail psychique. On devra donc élaborer cette
contrainte comme un paramètre initial, qui ne dépend pas du thérapeute
mais de la situation qui pousse le patient à consulter. Il peut pour un temps
considérer qu’il n’y est pour rien, ce qui peut conduire à un arrêt de la cure
et son renvoi vers une décision de justice concernant ce refus.
1. Freud, S. (1912). « Sur le plus général des rabaissements de la vie amoureuse », in La Vie
sexuelle, Paris, PUF, p. 55-65.
128
Adolescence et perversion ■ Chapitre 5
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La particularité des mouvements transférentiels avec ce type de problé-
matique consiste en la difficulté à maintenir une distance suffisante pour
résister aux emprises multiples, par la peur infligée comme par la collusion
recherchée dans une relation « en miroir » : « Vous êtes comme moi, vous
pensez comme moi (ou alors vous êtes contre moi). » On pourrait carac-
tériser ce type de transfert de « maternel », avec tout son aspect archaïque,
indifférencié, par opposition au transfert « paternel » névrotique, qui
introduit d’emblée une coupure entre le sujet et l’Autre par la fonction
symbolique du langage et son homologie avec le symptôme névrotique.
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8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
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reconnaître comme objet affecté, donc pourvu d’affects qu’il ne maîtrise pas.
Ainsi, la dernière remarque – « Je sais que je ne devrais pas dire ça » – peut
être entendue, au premier abord, comme un déni de plus sur sa culpabilité
et la réalité de ses actes délictueux, mais elle peut aussi marquer la recon-
naissance d’une Loi qui n’est plus subordonnée à son désir, qui ex-iste, quoi
qu’il en pense.
Rien que cela serait un progrès dans sa capacité à contrôler ses actes en
fonction de limites qui ne dépendent pas que de lui (ou de sa mère).
8. Conclusion
L’accompagnement d’une problématique d’adolescence axée sur un
mésusage de la fonction sexuelle suppose qu’on ait accompli un certain
travail personnel sur cet aspect de la vie psychique.
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Adolescence et perversion ■ Chapitre 5
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risque, de confusion.
1. Harrault, A., Savinaud, C. (2015). « La prise en charge des adolescents A.V.S. : le Sujet et/ou la
Loi ? », in Les Violences sexuelles d’adolescents : fait de société ou histoire de famille ?, Toulouse,
Érès, p. 199-219.
131
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
sujet de l’inconscient. Il ne sait pas ce qu’il cherche à travers ses actes, mais
il possède un « savoir » sur la sexualité. La difficulté à s’identifier à cet autre
semblable peut être accentuée par la confrontation à la différence des sexes
qui rend le désir de l’autre inconnaissable. L’empathie nécessaire à cette
identification se reporte prioritairement sur l’alter ego. L’identité de genre
ou groupale favorise les mouvements transgressifs induits par la distan-
ciation des repères parentaux. Il est probable que pour un certain nombre
de cas, la poursuite d’une activité sexuelle infantile au-delà de la latence se
manifeste dans la confusion entre l’enfant tout-puissant que l’adolescent
a été, et l’omnipotence qu’il croit acquérir en accédant au statut d’adulte. Si
cette puissance lui est refusée, l’anxiété devant cet échec peut le pousser à en
chercher la preuve par l’acte, comme un démenti « pervers » à la reconnais-
sance de la Loi. En ce qui concerne notre cas clinique, il semble bien qu’au
moment où on le rencontre, un tel processus est en cours, dont on ne peut
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prévoir l’issue à l’avance. L’installation dans une position psychopathique
n’est pas assurée, même si l’engagement sur ce chemin reste probable. Cela
dépendrait à la fois d’une rencontre avec cet Autre qui lui propose de déplier
son symptôme, le temps d’une psychothérapie et, au-delà, de sa capacité à ne
pas fuir devant la difficulté à se faire « reconnaître » comme sujet, en étant
identifié à cet acte. C’est le sens de notre pratique clinique, de lui permettre
de « choisir » son symptôme, et d’en assumer la responsabilité.
Comme toute prise en charge d’adolescent, celle que nous avons relatée
comporte par sa brièveté un aspect d’inachevé, d’indéterminable du point
de vue de la durée des effets qu’elle a pu produire. Avec le recul de l’expé-
rience clinique auprès d’adolescents, on peut avancer sans trop de risque de
se tromper que l’effet d’une véritable rencontre, même brève et temporaire,
dans un contexte de crise aiguë, se mesure dans l’après-coup et non dans
l’objectivation immédiate des « progrès » attendus ou espérés à court terme.
C’est ce qui rend ce travail psychothérapique inévaluable avec des critères
quantitatifs. Sa valeur peut se mesurer à l’émergence d’une « subjectivation »
perceptible dans la manière dont le sujet change de discours, même si ses
actes lui restent pour un certain temps ou pour toujours incompréhensibles,
et qu’il sache qu’il lui faut faire avec « ça ».
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Adolescence et perversion ■ Chapitre 5
Glossaire
Clivage : ce mécanisme psychique est central dans la position perverse.
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Il maintient séparés, sans aucune liaison logique, deux aspects contradic-
toires de l’objet : l’objet du fantasme et la réalité, qui peuvent être investis
séparément, par l’amour et la haine. Ainsi la mère, objet d’ambivalence,
est à la fois reconnue comme « castrée », sans pénis, et pourvue, grâce au
« fétiche », de cet attribut imaginaire qui confère à tout substitut féminin
la possibilité d’être investie sans angoisse.
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8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
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scène fantasmatique, bascule dans le réel. Le recours à l’acte a pour fonction
d’éviter ce naufrage en permettant, par la violence, d’assurer au sujet une
« survie » qui lui éviterait d’entrer dans la psychose.
Références bibliographiques
Balier, C. (1999). Psychanalyse des compor- Coutanceau, R. et al. (2016). Victimes et
tements sexuels violents. Paris : PUF. auteurs de violences sexuelles. Paris :
Balier, C., Ciavaldini, A. et Girard-Khayat, M. Dunod.
(1996) Rapport de recherche sur les Freud, S. (1962). Trois essais sur la théorie
agresseurs sexuels. Paris : éd. D.G.S. de la sexualité. Paris : Gallimard.
Blos, P. (1970). Les Adolescents. Paris : Freud, S. (1971). Essais de psychanalyse.
Stock. Paris : Payot.
Bonnet, G. (2006). « La perversion transi- Freud, S. (1970). La Vie sexuelle. Paris : PUF.
toire à l’adolescence ». Adolescence,
24, 3, 555-571.
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Adolescence et perversion ■ Chapitre 5
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Chapitre 6
Un cas de psychothérapie
brève et intensive
pour une adolescente
déprimée à l’hôpital1
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Sommaire
1. Introduction....................................................................................... 141
2. Présentation du cas et anamnèse....................................................... 143
3. Historique de la prise en charge......................................................... 144
4. Contexte de la rencontre avec un sujet adolescent puis l’analyse
de sa demande de psychothérapie...................................................... 144
5. Description et analyse des symptômes.............................................. 148
6. Nature de l’accompagnement et effets de la thérapie........................ 149
7. Commentaires sur le processus thérapeutique................................... 166
8. Conclusion.......................................................................................... 167
Références bibliographiques................................................................... 168
1. Introduction
Au sein de l’hôpital psychiatrique se pose souvent la question de la place
de la psychothérapie : comment la psychothérapie s’intègre-t‑elle dans
les prises en charge hospitalières aiguës, lorsque la symptomatologie est
bruyante, lorsque la dimension psychiatrique prend beaucoup de place ?
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Il est vrai qu’une des caractéristiques de l’hôpital est cette fonction d’ac-
cueil de la symptomatologie aiguë, qui nécessite, dans la réalité pragmatique,
d’aider le patient à contenir sa souffrance et d’accompagner ou tolérer son
mouvement régressif. Dans cette fonction spécifique, on pourrait dire que
l’hôpital s’adresse davantage au corps et à l’accueil de la réalité physique du
patient. Celui-ci est accueilli dans un lieu où il va manger, dormir, passer
tout son temps, ce qui est une des composantes puissantes du traitement
hospitalier. Il va pouvoir s’horizontaliser dans cet espace, s’y coucher, et
les impératifs constants de verticalisation et de fonctionnement, exigés par
notre société, vont pouvoir être, pendant l’espace de son séjour, suspendus :
l’hôpital est un lieu qui accueille l’homme dans tous ses états. C’est peut-être
cette adresse au corps et ce relatif mouvement de désinvestissement de la
seule parole comme élément contenant et digérant la souffrance psychique,
qui constitue une dimension importante du traitement hospitalier. Ainsi,
il est vrai que la thérapie par la parole classique n’est pas prévalente au sein
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
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Un des modèles psychothérapeutiques né de cette adaptation est celui
de la crise (de Coulon, 1999), qui propose des traitements de durée brève,
souvent prédéfinie, à des patients momentanément déstabilisés par rapport
à leur fonctionnement habituel. L’idée est d’explorer avec eux, à l’aide d’outils
psychanalytiques, les circonstances de l’occurrence de cette déstabilisation,
et de formuler une hypothèse de crise, leur permettant de remettre en sens
et en perspective le moment difficile traversé, pour les aider à envisager des
nouvelles modalités de sortie de l’épisode de crise.
142
Un cas de psychothérapie brève et intensive… ■ Chapitre 6
C’est dans le cadre d’une PPDH que le thérapeute rencontre Léa, une
adolescente hospitalisée pour la première fois en raison d’une dépression
sévère. Nous nous proposons d’utiliser l’exemple de cette prise en charge
pour illustrer comment une psychothérapie psychodynamique brève et
intensive à l’hôpital permet d’aborder et de remettre au travail certaines
tâches développementales caractéristiques de l’adolescence, et de permettre
à cette jeune femme de traverser cet épisode de crise existentielle. En effet,
ce dispositif de psychothérapie brève, intensive et limitée dans le temps
convient bien au travail nécessaire dans cette phase spécifique de l’adoles-
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cence : les problématiques d’émancipation vont pouvoir y être revécues et
retravaillées du fait même du cadre proposé.
La patiente a une sœur de neuf ans son aînée, qui serait pour elle une
« seconde mère » et qui aurait été jusque-là très protectrice envers elle.
Le père de Léa aurait une consommation d’alcool excessive, l’ayant mené,
notamment dans le passé, à des actes agressifs envers sa femme et la fille
aînée ; Léa serait la seule femme de la famille à être épargnée de la violence
paternelle.
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progressive dégradation de sa situation psychique.
144
Un cas de psychothérapie brève et intensive… ■ Chapitre 6
déroule sur une durée d’un mois, intensive car trois séances hebdomadaires
sont proposées au patient. Quatre semaines à trois séances complètent ce
traitement de douze séances de psychothérapie, d’une durée de 45 minutes
chacune.
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universitaire de psychothérapie – qui se consacre à la recherche et à l’en-
seignement de la psychothérapie dans plusieurs axes (psychanalytique,
familial-systémique et comportemental cognitif) – et une unité hospitalière
spécialisée dans la prise en charge des troubles de l’humeur (Section « Karl
Jaspers » du Service de psychiatrie générale). Dans ce cadre, l’ambition de
l’introduction de ce module de soins psychothérapeutique était triple :
145
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par des superviseurs psychanalystes individuels et encadrées par des
séminaires de formation, avec des patients hospitalisés sévèrement
symptomatiques – une clinique très formatrice. Cela permet également
aux thérapeutes en formation de se confronter à la fréquence intensive
de trois séances par semaine, accompagnés par un superviseur aîné.
Du fait de l’aspect de formation et de l’exigence de la recherche d’avoir
un certain nombre de thérapeutes inclus (pour contrôler l’effet de
cette variable), le thérapeute est le plus souvent « extérieur » à l’équipe
soignante. Il ne connaît rien du patient, de son histoire et des circons-
tances l’ayant mené à être hospitalisé. Il sait uniquement que le patient est
hospitalisé, qu’il souffre de dépression et qu’il a accepté de s’engager pour
une PPDH. Ce cadre permet une rencontre qui n’est pas contrainte ou
« aveuglée » par l’éblouissement de la crise et de ce qui l’accompagne en
milieu hospitalier. Par exemple, lors de l’accueil à l’hôpital, la souffrance
du patient prend souvent la forme, notamment au début de son séjour,
d’une auto-agressivité décompensée, qui nécessite une réflexion et des
adaptations soigneuses du cadre. Ainsi, la prévention du risque suicidaire
peut prendre beaucoup de place et susciter des réponses essentiellement
pragmatiques, qui captivent le patient et l’équipe hospitalière, au détri-
ment de la possibilité de les mettre en sens ou de les comprendre comme
une réponse à une histoire douloureuse, qui peine à être mise en mots.
Le thérapeute de PPDH peut s’appuyer, avec son patient, sur l’équipe
hospitalière. La réalité est soigneusement prise en compte et soignée
par ses collègues, ce qui laisse le champ libre à la psychothérapie pour
interroger ces aspects sans trop « y être pris ».
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Un cas de psychothérapie brève et intensive… ■ Chapitre 6
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de pairs ou d’intervisions.
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8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
Lors de cet entretien, le thérapeute note que Léa est une jolie jeune
femme, très avenante, souriante et sympathique dans le premier contact,
bien apprêtée. Dans ce premier contact, son apparence, son sourire et son
dynamisme, ainsi que son jeune âge l’interrogent. Que fait-elle à l’hôpital ?
Et que penser, dans ces premiers instants, de la dépression sévère décrite par
ses collègues de l’hôpital ? La dépression et la souffrance seraient donc dès
le début cachées, fardées, et donc difficilement accessibles ? Ou feintes, mais
dans quel but ? Ou discontinues et déconnectées d’un ressenti véritable et
profond ? Dès lors, la rencontre psychothérapeutique est en tout cas amorcée.
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Un avantage de cette manière de procéder est de permettre à des patients,
qui n’en auraient jamais fait la demande spontanée, de se voir proposer
un espace de parole libre. Ces modalités d’indication de la PPDH ont pu
permettre aux thérapeutes de rencontrer des patients qui ne semblaient s’être
jamais donné le droit/l’opportunité de parler de leur souffrance à un tiers.
Dans bon nombre de cas, leur parole n’avait pas jusque-là, semble-t‑il, suffi-
samment de valeur ; et leur entourage, pas forcément de façon consciente,
a soutenu cet enfermement dans le silence ou dans l’expression uniquement
physique et douloureuse de leur souffrance. Beaucoup de patients, lors du
processus d’indication, sont ainsi dans un premier temps angoissés : « Mais
que vais-je pouvoir dire pendant ces séances », ou : « Je n’ai rien à dire, est-ce
que je vais trouver de quoi remplir les séances ? » Pourtant, dans la grande
majorité des cas, la parole libre surprend les patients et les thérapeutes.
Certains patients semblent s’entendre parler pour la première fois et confient
dans cet espace des choses jamais « dites », à eux-mêmes et à un tiers.
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Un cas de psychothérapie brève et intensive… ■ Chapitre 6
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Nous pouvons noter cependant que la patiente sortira de l’hôpital au
cours de sa PPDH, pour rejoindre son domicile. Elle reprendra par la suite
son suivi habituel, puis la recherche d’un nouvel emploi. Depuis, il n’y a pas
de eu nouvelle hospitalisation à notre connaissance et pas de rechute docu-
mentée. Nous n’aurons pas de contact avec la thérapeute de la patiente,
comme le propose le cadre habituel de la PPDH.
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8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
« crise avec ses parents », qui n’auraient pas accepté sa relation sentimentale,
et dit ne jamais avoir vécu sa vie « comme elle l’entendait ».
Elle m’annonce que cet homme est un homme marié, avec des enfants,
qui travaille dans la même clinique vétérinaire. Cette relation y aurait suscité
des rumeurs : « C’était l’attraction du moment. »
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Léa dit ressentir depuis quelques mois des idées noires, ressentir un vide
émotionnel, une tristesse et une culpabilité. Elle dit avoir coupé les ponts
avec sa famille pour cette relation.
Sa famille n’aurait pas accepté que Léa quitte son ex sud-américain, avec
lequel elle était en lien depuis 5 ans. Celui-ci est présenté comme beau, le
garçon idéal du village et de bonne famille.
« J’ai été une fille parfaite, déjà mariée à 13 ans. Je n’ai jamais eu le droit
à l’erreur. »
La patiente s’est alors fait dire par son amant que sa famille était « une
famille de malades, qui veulent la marier ». Léa dit alors s’être retrouvée
seule contre tous, et a pensé au suicide.
150
Un cas de psychothérapie brève et intensive… ■ Chapitre 6
Léa associe sur sa mère qui se serait toujours « mêlée de ses affaires ». Je
lui demande comment elle comprend cette association. Elle me répond que
sa mère aurait toujours pensé que sa vie lui « appartenait ».
« Je n’avais pas d’identité et aujourd’hui la seule que j’ai est celle d’une
fille qui sort avec un gars marié. »
Comme chat sur braise, elle indique rapidement que son père abusait
de l’alcool, tandis que sa mère était dépressive. Ses deux parents n’auraient
jamais été heureux selon elle : la famille a dû se réfugier parfois de la violence
du père. Mais Léa ajoute que le plus important pour sa mère était de protéger
l’image de la famille. Elle aurait dit à sa fille, comme pour excuser la violence
de son mari : « Tu sais, tous les enfants vivent ça. »
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Je dis à la patiente : « Vous n’étiez pas d’accord avec elle. »
La patiente pleure et dit qu’elle en a reparlé avec sa sœur, qui était protec-
trice avec elle quand le père cassait tout. Léa dit se souvenir d’images où il
frappait sa sœur et sa mère, jamais elle.
On dit souvent que dans la première séance, on peut lire et voir se dérouler
le résumé de toutes les difficultés à venir, une sorte de « bande-annonce » du
processus à venir. Les thèmes fondamentaux y sont successivement abordés,
sans être développés, et sans que les liens ne soient encore explicites et fiables,
mais l’essentiel est là, « à nu ». Dans cette première séance, Léa me raconte
comment s’est construite sa dépression, dans ce contexte d’une émancipation
complexe et d’une relation sentimentale entrant en conflit avec son entou-
rage familial. L’individuation et la séparation paraissent périlleuses, voire
impossibles à vivre. Elle lie la violence de cette crise à la violence familiale et
à ses difficultés à se construire dans cet environnement peu sécurisant. Elle
esquisse ses difficultés à se distinguer de ses figures d’identification parentales,
sur un mode du « tout ou rien ».
151
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
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par ma réponse, elle me dit « ne pas avoir de médecin de famille ».
Elle paraît déçue et je lui indique que ce cadre a pour but de « lui laisser
la place ici ».
La patiente dit avoir croisé une amie enceinte. Elle associe sur son souhait
de former une famille et d’être maman. « Je pensais qu’avoir un enfant me
permettrait d’être heureuse. » Elle enchaîne en commentant ce désir : « C’est
juste pour combler quelque chose. Je suis jeune mais j’ai toujours voulu me
marier tôt. » Je lui demande comment elle comprend ce désir. Elle parle de
sa famille intrusive, qui privilégiait son ex : « Lui, c’était le projet, la date du
mariage était déjà prévue. »
Elle parle de son amant, qui lui avait confié un désir d’enfant avec elle :
« Je me suis projetée avec lui, c’était un bon père. » Plus tard, je demande
à la patiente si elle cherche un bon père. Elle me répond en disant qu’elle
aimerait pouvoir ne pas vivre la vie que ses parents ont eue. Ils auraient trop
travaillé, elle parle de temps gâché et perdu. Ils n’auraient jamais montré leur
affection à leurs enfants. La patiente commente qu’il est pourtant important
d’être fier de ses enfants : « Ma mère, quelquefois, on lui reprochait son
manque d’affection. […] Mon père, avec lui, on a jamais été cadré, on ne
savait pas se comporter en société. »
152
Un cas de psychothérapie brève et intensive… ■ Chapitre 6
Elle associe sur le rituel du baiser de son père au lit, qui la bordait le soir,
et pleure. « Encore aujourd’hui, j’en ai besoin. » Elle se reprend, dit que c’est
enfantin, et reparle de sa relation avec cet homme marié, dont elle attendait
aussi qu’il lui souhaite bonne nuit avant de dormir. Je lui indique qu’il y a
un rapprochement ambigu entre ces deux relations dans son discours. Elle
se dit « fière de cet homme marié dans ses deux rôles, celui de l’homme et
celui du père. Je trouvais ça fantastique. Son tout me fascine. »
Cet homme aurait quitté Léa en lui reprochant une rupture de confiance
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avec elle. Déjà durant la relation, il était très jaloux de son ex.
153
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
auprès de lui. Mais elle dit en même temps que sa sœur était la fille parfaite la
famille. « J’ai jamais trouvé ma place. Je me suis toujours sentie différente. »
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se situe dans le rapprochement et la séduction, avec une teinte incestuelle
inquiétante dans ce début de travail. La patiente dit avoir pu, dans le
contexte de crise actuel, repenser à son enfance, et interroge son identité et
sa filiation, sa différence et ses ressemblances avec ses parents.
Elle revient ensuite en détail sur la naissance de la relation avec cet homme
au travail et des rumeurs qui ont suivi. Elle dit s’être fait rabaisser et peut
s’énerver en séance et décrire les choses inacceptables qu’elle a vécues. Cet
homme aurait mieux vécu qu’elle cette période. La patiente dit « avoir dû
tout accepter de sa part ». Il lui disait : « Si je quitte ma femme, c’est pour
quelque chose de parfait. »
154
Un cas de psychothérapie brève et intensive… ■ Chapitre 6
La honte de la mère est mise en lien avec une tendance de la patiente à des
conduites d’allure masochiques dans sa relation récente. Une répétition de
la violence qu’elle semble identifier/mettre en mots à cette occasion, et un
insight quant à son rôle actif dans cette situation.
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6.5 Cinquième séance
Léa commence la séance en me disant qu’elle a vu « sa psy d’avant » hier.
Nous parlons du couple à trois, que nous formons, elle, sa psy et moi.
L’image du couple à trois était déjà venue dans nos séances. La patiente
dit trouver ces liens flagrants. Elle dit que sa psy lui donnerait des conseils,
pour la rassurer, mais il n’y aurait pas tous ces liens : ici, en séance, elle se
sentirait réfléchir sur elle-même.
Avec elle, Léa dit avoir été « démolie » par ses trois ou quatre premières
séances. Je lui dis que le rapprochement avec cette femme semble avoir des
conséquences différentes du rapprochement avec un homme. Léa me parle
de sa psy, qui serait belle, coquette et souriante. Léa dit se sentir mal à l’aise
et inférieure à elle. « J’ai de la honte de lui dire que je vais mal. J’idéalise les
femmes pas comme moi. »
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8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
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La patiente, qui arrive d’habitude en avance et m’attend en salle d’attente,
arrive ce jour-là avec un retard de 15 minutes.
La suite du rêve : « J’avais avec moi les photos de lui et sa femme ensemble.
Je les regardais et ça faisait mal. Pour finir, je suis partie à moto avec une
autre patiente que j’ai connue à l’hôpital. Sur l’autoroute, à grande vitesse.
Je lui disais : “Tiens-toi !” »
La patiente dit que c’était bizarre de voir cet homme se marier, alors
qu’elle est dans la salle. C’était aussi bizarre que cet ex soit présent, même
s’il ne disait rien.
156
Un cas de psychothérapie brève et intensive… ■ Chapitre 6
La mère de la patiente lui aurait souvent dit d’un même air « méchant » :
Tu veux vivre la même vie que tes parents ? La patiente dit qu’elle ne trouve
pas son rôle car elle n’a pas été conçue dans un couple aimant. Je lui dis
qu’elle a revisité ces questions dans son rêve et dans sa relation avec cet
homme.
Il est intéressant de noter que la patiente amène un rêve mis en lien avec
cette psychothérapie brève. Cette reprise d’une production onirique pourrait
témoigner du fait que le processus thérapeutique est en cours. La valence
possiblement agressive du premier retard de la patiente ne sera pas inter-
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prétée. La violence et la complexité du discours maternel sur l’amour et
sa relation au père sont explorées. Les défenses maniformes semblent bien
actives dans le rêve, sous la forme de la fuite à moto à grande vitesse.
Je lui dis qu’elle demande mon avis sur cette relation, comme celui de sa
mère ; et je relève son interrogation sur le « 100 % ». Je lui dis qu’elle a peut-
être envie d’avoir mon avis, mes règles, et peut-être en même temps envie
de les fuir.
La patiente dit avoir envie de faire confiance à « 100 % », pour être sûre,
pour éviter « la double face » des gens, pour savoir ce qu’ils veulent. Elle
m’interroge du regard : « Je suis trop négative, je vois toujours du mal dans
ce que les gens font. » La patiente associe avec ces fêtes, où les personnes
s’offrent des cadeaux par obligation, sans plaisir. « Par exemple à Noël, on
voit pas pourquoi s’offrir des cadeaux. C’est un peu un péché. »
157
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
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lui. […] Ce ne serait pas ma vie, ce serait le rêve à ma mère. »
La patiente revient sur son ex, apprécié de toute sa famille. Même l’amant
de la patiente était jaloux de cet ex, qu’il décrivait si beau. Je lui dis : « Tout
le monde voulait cet ex pour lui. » La patiente après un temps de pause, dit :
« Oui, un peu oui, sauf moi. » Elle lui a pourtant réécrit ce vendredi dernier,
ajoute-t‑elle.
La patiente dit s’être sentie forte quand elle a rompu, comme elle ne
l’aurait jamais été. Je lui dis que j’entends son plaisir dans ces mots, et la
patiente dit être fière d’avoir réussi à rompre : « C’était insupportable cette
relation fusionnelle avec ma famille. Je voulais partir avec lui dans un autre
pays. Avec cet ex ce n’était pas possible de partir. Mais seule oui. »
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Un cas de psychothérapie brève et intensive… ■ Chapitre 6
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6.8 Huitième séance
La patiente dit avoir « réfléchi énormément à cet homme marié » (son
amant). Elle dit s’être aperçue d’avoir « laissé des choses passer » dans cette
histoire, et a commencé à lui écrire une lettre. La patiente dit vouloir lui
expliquer qu’elle a été blessée et a souffert.
La patiente revient alors pour la première fois sur les circonstances diffi-
ciles de son admission à l’hôpital, que je découvre alors.
Elle met en lien, dans la suite de ses associations, le désir d’écrire cette
lettre avec ses difficultés de communication avec sa famille. « Aujourd’hui,
j’arrive pas… Je m’éloigne de ma famille. J’arrive pas à communiquer avec
eux, j’arrive pas à dire ce que je ressens. »
159
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
Je lui dis qu’il s’agit de penser et de travailler sur cette colère, pour la
déposer au bon endroit. La patiente dit ne pas parvenir à tout dire en une
séance par semaine à sa psy habituelle. Je lui indique qu’elle n’a peut-être
pas assez de séances, et qu’elle peut en demander plus.
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de la patiente, peut-être pour introduire une suite et un tiers. On voit que
Léa a l’idée d’écrire une lettre pour parler de ses sentiments, mettre en mots
sa colère et sa tristesse. Cette lettre nous paraît être à la fois un fruit et
un prolongement de notre travail de psychothérapie, elle est également un
tiers entre elle et moi. Il est intéressant de noter que c’est uniquement à la
huitième séance que j’entends parler des circonstances d’entrée de la patiente
à l’hôpital, jusqu’ici, nous étions « pris » par un récit qui se déroulait sur
une autre scène. Si cette psychothérapie brève n’avait pas eu lieu au sein de
l’hôpital qui a pris en compte et soigné la réalité et l’urgence, nous aurions,
elle et moi, été possiblement « pris » par ces éléments de réalité accaparants.
160
Un cas de psychothérapie brève et intensive… ■ Chapitre 6
Je lui dis que les séances peuvent lui permettre de s’entendre penser et
de sortir ces choses.
Léa associe sur les réflexions de sa mère concernant son poids et son
alimentation. Sa mère lui disait qu’elle « bouffait » et était « déjà assez grosse
comme ça ».
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Lorsque Léa a rencontré cet homme marié, elle a perdu beaucoup de
poids. Sa mère lui aurait alors dit, à sa grande surprise : « Tu étais mieux
avant. »
Je lui dis que cet amant était « non contaminable » par sa mère. La patiente
m’explique comment elle estime que ce sont ses parents qui ont pourtant
réussi à « gâcher » sa relation. Dans la suite de cette séance, nous abordons
le fait que cette relation excitante, car interdite, ait pu être une lutte contre
une dépression qui dure depuis longtemps.
161
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
Léa dit avoir souffert le reste du week-end, s’être sentie nulle, alors que
lui « s’en sort comme un roi ».
Je lui dis qu’il y a une attaque d’elle dans cette histoire. La patiente dit lui
en avoir beaucoup voulu. La patiente évoque la rivalité forte avec la femme
de cet homme, qu’il a finalement choisie.
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également donné lieu à une crise familiale. Sa mère n’a jamais accepté le
copain de sa fille, qui, selon Léa, faisait « du mal à sa sœur ». Elle me raconte
cet épisode.
Je m’exclame auprès de Léa : « Mais c’est la même histoire. […] Dans cette
famille, c’est difficile de quitter le nid. »
162
Un cas de psychothérapie brève et intensive… ■ Chapitre 6
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Je lui parle de la fin de notre travail et de la séparation à venir, qui est
peut-être crainte.
La patiente associe sur les patients qu’elle a croisés alors qu’elle était
hospitalisée, et la question de la dépendance. Je lui parle de sa dépendance
à cet homme et de sa moto dans le rêve, comme désir de partir vite et loin.
Léa associe sur le fait qu’elle aurait ressenti que cet homme avait besoin
d’elle, de son aide, de sa présence, et nous parlons de son besoin d’être là
pour quelqu’un.
Léa parle alors de sa grand-mère paternelle, qui habite chez ses parents
depuis deux ou trois mois, (ce qui coïncide avec les dates de l’acmé de la
crise qu’elle a vécue.)
163
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
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en fin de vie. Cette arrivée précède de peu les difficultés de Léa et toute cette
crise autour de son émancipation, de son désir d’être en couple, de devenir
mère. Elle occupe sa chambre dans la maison. Les forces de vie et de mort
réapparaissent, encore une fois mais d’une nouvelle manière, pour éclairer
la crise, même si les liens entre les difficultés de cette grand-mère et la crise
de Léa ne sont pas encore explicites. Ils ont uniquement été ouverts.
Léa me dit : « J’ai sorti beaucoup de choses, maintenant, c’est pas en moi,
c’est dans votre cahier. » Et Léa ajoute qu’il n’y a pas eu de conclusion, qu’il
lui faudrait un retour.
Je lui dis qu’elle aimerait que quelqu’un lui dise quoi faire et quoi penser,
en même temps qu’elle n’en a pas envie, et a plutôt le souhait de faire seule.
164
Un cas de psychothérapie brève et intensive… ■ Chapitre 6
Léa lui dit qu’un compliment ne lui suffit pas, il lui en faut tout le temps,
et toujours davantage. Elle me dit : « Ah là, on retombe sur le 100 %… »
Léa associe sur le fait de se souvenir des traits d’un visage connu, et je
lui demande si elle craint que je l’oublie. La patiente associe sur les trans-
missions avec sa psychothérapeute habituelle. Elle craint de ne pas pouvoir
réaborder avec elle « le sujet en profondeur ».
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Arrêter douze séances d’un coup est difficile, me dit-elle, mais elle verra
dorénavant sa psychothérapeute deux fois par semaine.
Léa associe sur son amant, et je lui fais remarquer qu’elle en parle avec
des termes plus contrastés. Elle me dit que c’est « parce qu’il a dépassé les
limites et qu’il n’y avait plus le choix ». Elle continue de parler de lui, et de sa
jalousie vis-à‑vis du couple qu’il forme avec sa femme, et je mets à nouveau
en mots sa colère à son égard.
C’est la dernière séance. Léa dit avoir fait du bon boulot, elle veut préserver
l’idéal de notre travail et la séparation est abrupte. Il y aurait l’idée d’en-
chaîner sur de l’acupuncture pour la patiente et j’associe, sans le lui dire,
au désir qu’elle aurait de se faire un tatouage et/ou de se piquer dans les
suites de notre séparation. Je pense aussi aux relations entre la crise actuelle
et le vécu corporel de cette patiente adolescente ; corps qu’elle aurait besoin
d’explorer/de s’approprier. La patiente dit avoir une image « plus mitigée »
des personnes de son entourage, même si la nostalgie du 100 % n’est pas loin.
La crise liée à la fin de notre travail psychothérapeutique permet de rouvrir
et d’élaborer, dans l’interaction de transfert avec le thérapeute, les émotions
vécues lors de la séparation traumatique de la patiente d’avec son amant.
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8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
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gements physiques (corps sexué, identité sexuelle, gestion des pulsions
instinctives) est au cœur de la problématique de la patiente avec le début
de ses relations amoureuses et sexuelles.
166
Un cas de psychothérapie brève et intensive… ■ Chapitre 6
8. Conclusion
Sur le plan symptomatique, on note, au cours des séances, une progressive
amélioration du tableau dépressif de la patiente. Celle-ci gagne notamment
en « mobilité émotionnelle » et aborde des émotions de colère, de frustra-
tion, qu’elle peut se permettre de vivre et partager en séance.
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existe une amélioration des troubles du sommeil et de l’appétit. La patiente
prend soin d’elle à nouveau et reprend ses activités.
Elle peut, dans l’espace des séances, se reconstruire un récit de ce qui lui
est arrivé et retrouver une position d’équilibre plus respectueuse par rapport
à ses difficultés. L’interaction de transfert avec le thérapeute lui permet de
revisiter les thèmes problématiques dans un travail psychothérapeutique
intime et sécurisé, porté par la structure hospitalière en ce qui concerne les
questions urgentes de réalité.
167
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
Références bibliographiques
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Un cas de psychothérapie brève et intensive… ■ Chapitre 6
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Chapitre 7
Adolescence, anxiété
et trouble du comportement1
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Sommaire
1. Introduction....................................................................................... 173
2. Présentation du cas............................................................................ 174
3. Contexte de la rencontre et analyse de la demande........................... 177
4. Description et analyse des symptômes.............................................. 179
5. Nature de l’accompagnement et bénéfices de la thérapie.................. 187
6. Conclusion.......................................................................................... 195
Annexe.................................................................................................... 196
Glossaire................................................................................................. 197
Références bibliographiques................................................................... 200
1. Introduction
L’anxiété est une problématique omniprésente dans la société actuelle.
Les adolescents ne dérogent pas à la règle et semblent particulièrement
touchés par les états anxieux. La prévalence d’un trouble de l’anxiété selon
le critère du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux est
de 6,5 % chez les enfants et adolescents (Polanczyk, Salum, Sugaya, Caye,
et Rohde, 2015). Cependant, les fluctuations émotionnelles et identitaires
propres à l’adolescence rendent parfois difficile l’authentification d’un
trouble lié à la psychopathologie. Ainsi, les adolescents qui ne rentrent
pas dans les critères diagnostiques des troubles anxieux passent pourtant
régulièrement par des périodes de stress important. Relation conflictuelle
avec les parents, pression scolaire, pression sur l’image de soi et réseaux
sociaux, problématiques amoureuses, changements corporels, sont autant
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de difficultés qui entraînent des états d’anxiété chez les adolescents (Richter,
2006). Ces manifestations ne relèvent pas toujours de dysfonctionnements.
Par exemple, une dispute avec les parents peut aussi bien signifier un déficit
de compétences sociales qu’un stade dans l’acquisition de compétences
d’affirmation de soi.
173
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
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2. Présentation du cas
2.1 Anamnèse
Joan (nom fictif) est un jeune de 15 ans qui semble à première vue enthou-
siaste et joyeux. Pourtant, Joan présente des troubles du comportement
depuis l’enfance notamment dans sa relation provocatrice avec autrui. Il
semble particulièrement en proie à des états anxieux qui se traduisent par
des comportements verbaux agressifs envers ses proches. À cause de ses
problèmes de comportement en classe, de ses mauvais résultats scolaires et
des problèmes familiaux, la famille de Joan, soutenue par l’équipe pédago-
gique et la psychologue scolaire de son école, lui propose une consultation
chez un psychiatre à ses 11 ans. Joan est envoyé dans un institut théra-
peutique éducatif et pédagogique (ITEP) en France. Les jeunes de cette
institution cohabitent au quotidien et reviennent chez eux le week-end.
La mise en institution lui a été présentée comme un moyen d’adapter les
apprentissages à son niveau et lui apprendre à mieux se comporter.
Joan est souvent dans les reproches et la critique. Il n’hésite pas à énerver
son entourage, à insulter et provoquer gratuitement pour s’amuser. Il fait
toutefois preuve d’intelligence et a des résultats scolaires corrects. Il utilise
l’ironie et le sarcasme et, selon ses éducateurs, il sait frapper là où ça fait
mal chez ses camarades (reproche des caractéristiques de personnalité ou
physiques). Joan a un comportement plus agité lorsqu’il se retrouve en
groupe. En effet, il se montre moins mature avec d’autres jeunes – essaie de
174
Adolescence, anxiété et trouble du comportement ■ Chapitre 7
grimper sur les murs, jette des objets, claque violemment les portes, coupe la
parole des autres, énonce des blagues douteuses et s’oppose facilement aux
règles – ce qui marque clairement son manque d’inhibition. Il énonce aussi
le besoin « de bouger, de ne pas s’ennuyer ». Il a peur de l’image ennuyante
qu’il pourrait donner à autrui en restant calme. Parfois, il essaie de bien se
faire voir auprès des adultes en complimentant ces derniers et en voulant
donner l’impression qu’il est plus intelligent et meilleur que les autres de son
groupe. Il a une relation clivante avec ses éducateurs souhaitant se faire voir
comme un jeune parfait avec certains et se comportant systématiquement
de façon intolérante avec d’autres.
Joan possède généralement une attitude calme lorsqu’il est seul bien qu’il
se déclare toujours stressé. Il lui arrive ponctuellement d’avoir des crises,
qu’il qualifie comme un moment où « il en a marre de tout ». Pendant ces
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crises, il peut se révéler violent envers lui et les autres. Joan dit perdre le
contrôle. Il a déjà énoncé le fait de s’être auto-agressé physiquement (scari-
fications) mais l’annonce avec sourire et fierté. Pour se calmer, Joan énonce
avoir besoin de se retrouver seul, élément difficile dans l’institution où il vit
collectivement avec d’autres jeunes.
175
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
Ses parents ont divorcé pendant son enfance et son père a depuis complè-
tement délaissé le milieu familial. Ce dernier est agent de police alors que sa
mère est employée dans la mairie de sa commune. Joan, fils unique, aimerait
le revoir mais il n’en a que rarement l’occasion (une fois par mois, quand
son père accepte). Selon Joan, son père est très distant et ne lui accorde
pas d’importance. A contrario, Joan est très proche de sa mère notamment
depuis la découverte du cancer de celle-ci. La maladie s’est développée il
y a un an et le traitement par chimiothérapie, dont les symptômes ont été
visibles par la perte des cheveux et une fatigue intense, a provoqué chez lui
une forte anxiété. Joan craint de perdre sa mère à tout moment. L’annonce
de ce cancer a été pour lui un véritable choc. Il souhaite prendre soin d’elle et
voudrait revenir toute la semaine à sa maison pour s’en occuper. Il a toute-
fois conscience que cela demanderait beaucoup d’énergie pour sa maman
alors que celle-ci doit se reposer. Il a beaucoup discuté avec elle de sa mort.
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Joan a peur de l’oublier si jamais elle ne s’en sortait pas. Il aimerait être
moins méchant avec les gens de son entourage afin de protéger sa mère des
conséquences négatives de son comportement. En effet, Joan et sa mère ont
fréquemment rendez-vous avec les éducateurs concernant ses altercations
avec les autres jeunes.
176
Adolescence, anxiété et trouble du comportement ■ Chapitre 7
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3. Contexte de la rencontre et analyse de la demande
3.1 Contexte de la rencontre
Joan a demandé un suivi auprès de la psychologue de l’institution sur sa
propre initiative (appuyé par l’ensemble de l’équipe). Sa demande explicite
était de se sentir mieux dans sa peau (diminuer son anxiété permanente et
son sentiment de mal-être). Il voulait avoir moins d’ennuis avec les autres
et être plus sage. Sa motivation au changement semblait être entre la phase
de contemplation et de préparation (Prochaska et DiClemente, 1992). C’est-
à‑dire qu’il présentait parfois une ambivalence quant au fait de changer ses
attitudes parce qu’il était conscient des lourds efforts que cela impliquait
(ce qui correspond au stade de contemplation) et, d’autres fois, il semblait
plutôt avoir tendance à demander explicitement de l’aide pour changer son
comportement notamment lorsque celui-ci pouvait avoir des répercussions
sur sa mère (ce qui correspond davantage au stade de préparation).
Il y avait, d’une part, une forme de désirabilité sociale dans le fait d’avoir
ce suivi (« je veux être sage », c’est-à‑dire une mise en valeur de ses efforts,
nous verrons par la suite en quoi cela est typique de son fonctionnement),
et, d’autre part, une réelle envie de changement causée par la souffrance
qu’il éprouvait vis-à‑vis de la situation actuelle. Ce suivi individuel avait une
fréquence d’une fois tous les quinze jours. Joan y abordait essentiellement
177
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
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de participer à ces groupes, ce qu’il a accepté. Le travail sur ses habiletés
sociales et son impulsivité semblait directement toucher sa problématique
(liée à ses difficultés relationnelles). L’objectif était qu’il puisse travailler 1)
sur son attitude envers les autres (règles de savoir-vivre dans un groupe), et
2) sur son anxiété et son mal-être (technique de pleine conscience).
Dans cette étude de cas, nous allons principalement nous attarder sur son
attitude et son évolution dans le contexte de ce groupe et voir comment la
pleine conscience a pu l’aider.
178
Adolescence, anxiété et trouble du comportement ■ Chapitre 7
Les séances avaient lieu une fois par semaine pendant cinquante minutes.
Le nombre total de séance effectuée sur l’année était de seize. Le programme
proposé aux jeunes était divisé en deux parties. Les six premières séances
étaient consacrées à de la psychoéducation aux émotions compte tenu des
difficultés de pratiquer directement de la pleine conscience avec des jeunes
atteints de troubles du comportement. En effet, les jeunes présentant ce
type de problématique ont souvent très peu de connaissance concernant le
fonctionnement d’une émotion, leur rôle et leur identification. Avant même
de parler de la gestion émotionnelle par la pleine conscience, il semblait
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important de leur communiquer l’utilité et le sens de ce travail. De plus,
l’apprentissage des règles du groupe, du savoir-être en séance et des compé-
tences attentionnelles minimales pour exercer la pleine conscience (écouter
les instructions, s’asseoir convenablement, cesser d’interagir avec les autres
en temps voulu) a été également travaillé pendant ces six séances.
179
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
Domaine émotionnel
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Joan présente à première vue une apparence de forte assurance mélangée
à une anxiété qui rend son humeur instable. En effet, cette forme de fierté est
vite mise à mal lorsque les règles de l’institution ne lui conviennent pas ou
que l’un de ses camarades ou éducateurs se comporte d’une façon qu’il n’ap-
précie pas. Joan peut alors ressentir de la frustration et de la colère envers
les personnes concernées. Il vit alors la situation avec une profonde injustice
et essaie, par des comportements souvent déplacés, d’obtenir le dernier
mot. Joan peut faire également preuve de dédain envers certains jeunes
qu’il trouve inintéressants. Il semble avoir besoin d’amis qui le confortent
dans une image positive de lui-même (en tant que leader, intelligent…). Il
énonce aussi vivre des périodes mélancoliques. Durant ces moments, qui
surviennent souvent quand il pense à sa mère, il ressent une grande tris-
tesse mélangée à de la peur. Il annonce parfois se sentir si mal qu’il en vient
à vouloir se faire du mal. Sa colère peut également se transformer en mal-
être généralisé (un sentiment de ras-le-bol général contre tout le monde).
Il lui arrive de pleurer mais il ne veut pas que les autres le voient. Joan peut
aussi éprouver de la culpabilité lorsqu’il se comporte de façon inappropriée.
Avec les adultes, il essaie de se racheter et de récupérer leur considération
en manifestant une attitude totalement inverse qui peut se révéler exagérée.
Enfin, Joan semble constamment en proie à une forte anxiété. Celle-ci est
souvent le déclencheur de ses comportements de violences verbales.
180
Adolescence, anxiété et trouble du comportement ■ Chapitre 7
Domaine corporel
Joan peut se mettre en colère quand il n’obtient pas ce qu’il veut ou pour se
faire remarquer. Dans ce cas, il rougit très fort et son corps se raidit. Il décrit
un bouillonnement intérieur, des sensations de chaleur et a le sentiment de
perdre le contrôle de son corps (« hors de lui »). Joan est capable de décrire
avec de nombreux détails ses sensations corporelles. Il dit stresser et avoir
une boule dans le ventre quand les choses ne se passent pas comme il l’aurait
souhaité, la gorge serrée quand il est triste et un état de relaxation quand il
se sent bien. Il est également conscient d’avoir une sorte d’énergie négative
en lui, une anxiété importante qui l’empêche de rester sans rien faire.
Domaine cognitif
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Joan accorde beaucoup d’attention à ce que les autres pourraient penser
de lui mais essaie de s’en cacher. Il se dit, par exemple, qu’il doit avoir une
certaine attitude pour être apprécié des autres. Il se compare aux autres et
semble avoir une hiérarchie dans ses amis du plus fréquentable au moins
fréquentable. Joan énonce également avoir des inquiétudes sur le fait de se
retrouver seul. Il se pose des questions sur son avenir et se préoccupe de
son image en tant que jeune d’un ITEP (« De toute façon, on est tous des
handicapés ici »).
Domaine comportemental
181
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
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tions très clivées (meilleurs amis pour la vie, pires ennemis pour toujours).
Il est constamment mêlé à des histoires de disputes (conflits amoureux,
chantage, menaces, rébellion contre les éducateurs, crises violentes…).
182
Adolescence, anxiété et trouble du comportement ■ Chapitre 7
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également chez Joan une extériorisation démesurée de sa souffrance. C’est
en partie pour cette raison qu’il peut avoir des crises durant lesquelles il
est atteint d’un accès de fureur ou de tristesse qui l’amènent à des scarifi-
cations. Il montre ses cicatrices au plus grand nombre en espérant que cela
suscite des réactions. À noter que cette forme d’expression de la souffrance
est toujours en lien, dans son imaginaire, à une forme de force, de mise en
valeur. Pour lui, la scarification est synonyme de virilité et symbolise le fait
de savoir dépasser la douleur. De la même façon, la rage, qu’il peut parfois
exprimer, ne donne pas l’apparence d’être faible. Ainsi, des extériorisations
émotionnelles beaucoup moins valorisantes selon lui (pleurs, aveu d’inca-
pacité à surmonter des difficultés…) sont cachées aux yeux d’autrui. Joan
essaie de contrôler sa réputation pour garder une image sociale valorisante
de lui-même. Tout ce tableau clinique engendre une réelle anxiété de fond
chez Joan. Il ne se voit qu’à travers les yeux des autres et ne peut supporter
l’indifférence. Ainsi, il est constamment préoccupé par sa relation avec les
autres, ce qui, paradoxalement, l’entraîne vers des difficultés relationnelles.
Il ne semble pas être véritablement un jeune hyperactif mais plutôt un
garçon mal dans sa peau en proie au doute et à la souffrance intérieure. En
agissant sous l’emprise de son anxiété, il alimente ce cercle vicieux.
183
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
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se confier et, dans certains contextes, de lâcher prise avec ses émotions en
s’exprimant plus librement sur ses ressentis émotionnels. Enfin, Joan est un
jeune plein de dynamisme et attachant. Il sait facilement se faire des amis
et possède beaucoup d’énergie.
Pour mieux interpréter notre modélisation, voici les quelques règles que
nous avons suivies :
Variables médiatrices
Variables conséquences
184
Adolescence, anxiété et trouble du comportement ■ Chapitre 7
Agressivité
(auto et hétéro)
Surinvestissement de la
relation maternelle
Difficultés
Insécurité affective relationnelles
Recherche de
valorisation
inadéquate
Estime de soi menacée
Non intérêt
du père
Instrumentalisation
des relations à
autrui/manipulation
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Figure 7.1 – Modélisation holistique de la dynamique psychologique de Joan
185
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
Quand il Quand il Auto-attribution
ne voit pas pense au de l’état de santé
sa mère cancer de de sa mère :
pendant sa mère, « J’aggrave l’état de
une longue à sa mort santé de ma mère
période. éventuelle. à cause de mon
comportement. »
Pensées
répétitives :
ruminations
anxieuses sur la
mort de sa mère.
Intolérance
à la détresse
émotionnelle.
Quand il Lorsqu’il est Affirmation de la
a déjà réussi face à autrui domination.
à s’imposer avec la Écarts entre les
face à une possibilité sois :
personne d’affirmer valeur de soi
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ou quand il son statut de associée au
connaît très domination. statut social/à
bien une Quand il l’influence sur
personne doit obéir autrui, croyances
(ne pas à une règle en une hiérarchie
perdre la avec laquelle relationnelle ;
face). il n’est pas importance donnée
d’accord. au soi socialement
prescrit.
186
Adolescence, anxiété et trouble du comportement ■ Chapitre 7
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en rien son manque affectif et l’enferme dans une image de jeune caracté-
riel aux relations sociales compliquées et à l’image sociale dévalorisée. Par
ailleurs, et pour redorer son image, Joan recherche de la valorisation par
des attitudes inadéquates, comme une affirmation de sa domination – qui
engendre à son tour de l’agressivité – mais aussi par une instrumentalisa-
tion de la relation à autrui qui peut finalement se retourner contre lui et
provoquer des conflits sur le long terme.
5. Nature de l’accompagnement
et bénéfices de la thérapie
187
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
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valeurs et objectifs. La pleine conscience s’appuie principalement sur des
exercices de respiration, de méditation et de prise de conscience corporelle.
De nombreuses études ont par ailleurs démontré son intérêt clinique pour
les populations jeunes (Borquist-Conlon, Maynard, Brendel, et Farina, 2017 ;
Kallapiran, Koo, Kirubakaran, et Hancock, 2015 ; Zenner, Herrnleben-Kurz,
et Walach, 2014 ; Zoogman, Goldberg, Hoyt, et Miller, 2015). En outre, ces
recherches montrent que les interventions basées sur la pleine conscience
(IBPC) diminuent la symptomatologie dépressive, le stress et l’anxiété chez
les enfants et adolescents. C’est pourquoi, il a été proposé à l’institution de
mettre en place ce type d’intervention.
Rappelons toutefois que les six premières séances étaient centrées sur de
la psycho-éducation aux émotions alors que les dix suivantes se focalisaient
spécifiquement sur des techniques de pleine conscience.
188
Adolescence, anxiété et trouble du comportement ■ Chapitre 7
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de lui faire prendre conscience que la considération d’autrui pouvait être
atteinte sans nécessairement passer par un rapport de force, qu’il n’avait
pas besoin de jouer un rôle pour être apprécié ou de se montrer supérieur
pour avoir de l’importance. Par exemple, le fait de donner des conseils,
d’écouter/d’être écouté ou de partager collectivement et calmement des
émotions pouvaient être des alternatives plus constructives à son attitude
de domination jusqu’alors basée sur la hiérarchie sociale.
Objectif éducatif/pédagogique
Objectifs psychothérapeutiques
189
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
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Le deuxième processus qui a pu être abordé au milieu du programme
de pleine conscience était les pensées répétitives. Pour cela, un accent a été
mis sur le paradigme selon lequel une pensée n’est pas un fait. Par plusieurs
activités et exercices de méditation (observations des pensées qui passent),
les jeunes étaient invités à se détacher des pensées répétitives pour revenir
dans l’instant présent. Cet entraînement était particulièrement difficile pour
Joan qui avait rapidement des pensées plus anxiogènes que ses camarades
(mort de sa mère, finir tout seul…). Cependant, l’exercice prenait tout son
sens lorsque Joan réussissait à s’extraire de ses ruminations et à accepter
l’idée que des pensées négatives pouvaient être présentes sans que cela
influence directement son comportement. En lien avec cet entraînement
sur les pensées répétitives, le processus d’auto-attribution causale a été
travaillé par la défusion cognitive. Par exemple, lors d’une marche en pleine
conscience, il était proposé à Joan de se centrer sur son corps et ses sensa-
tions corporelles plutôt que suivre ce que lui disait sa tête afin d’enrayer ses
interprétations abstraites et analytiques.
Finalement, le processus d’écarts entre les sois a été travaillé par des exer-
cices de méditation sur la bienveillance. L’objectif de ces exercices de pleine
conscience était d’apprendre à se considérer comme une personne à part
entière avec des qualités et des défauts, possédant le droit d’être aimé pour
ce que l’on est. Autant dire que cela venait précisément toucher la difficulté
de Joan à s’auto-apprécier sans passer par un comportement d’assurance
superficielle (c’est-à‑dire se détacher du regard d’autrui pour s’apprécier
tel qu’il était). Cet entraînement au lâcher-prise sur soi-même permettait
190
Adolescence, anxiété et trouble du comportement ■ Chapitre 7
de remettre en question son identité sociale pour faire resurgir ses vraies
valeurs et des attitudes réellement choisies, réfléchies et plus authentiques.
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capable de faire des efforts pour tirer des bénéfices du groupe. Joan a refusé
catégoriquement et a promis qu’il se comporterait mieux. Un changement
d’attitude a pu finalement être observé dans les dernières séances.
191
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
avéré que Joan les pratiquait régulièrement. Il n’en touchait que rarement
un mot pendant les groupes mais pouvait revenir très précisément dessus
lors de son suivi individuel.
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proposés les yeux fermés. Par ailleurs, il se confiait davantage sur sa situa-
tion personnelle (confiance dans le groupe), reconnaissait plus facilement
sa part de responsabilité lorsqu’il s’emportait (plutôt que de blâmer systé-
matiquement les autres).
192
Adolescence, anxiété et trouble du comportement ■ Chapitre 7
L’ensemble des scores de Joan est présenté dans le tableau 7.2 ci-dessous.
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T1 T2 T3
Impulsivité 54 62 62
Dépression 55 49 51
Hyperactivité (éducateurs) 29 19 10
Psychopathologie internalisée et externalisée
34 37 23
(éducateurs)
Pleine conscience 75 83 82
Anxiété (sous échelle) 65 48 43
193
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
les éducateurs ont observé une réduction générale des troubles du compor-
tement de Joan. L’absence de changement au niveau de l’impulsivité perçue
par Joan est contradictoire avec les observations réalisées par les éducateurs
et les thérapeutes du groupe. Une des explications pourrait provenir de la
prise de conscience de Joan de ses propres comportements déplacés et de
son impulsivité. Enfin, L’IBPC semble aussi avoir impacté l’anxiété de Joan
en la diminuant légèrement.
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aimé que « ça bouge plus »), il proposa d’ajouter plus de jeux et moins de
temps calme où il s’ennuie. Par ailleurs, Joan énoncera que cela lui a fait du
bien, qu’il a pu se calmer et se relaxer quand il en avait besoin surtout par
rapport à des situations de stress intense. Il dit utiliser encore les techniques
de respiration qu’il a apprises et arrive davantage à profiter du moment
présent (moins stressé). De façon intéressante, Joan évoque également avoir
pu éviter de nombreux conflits en appliquant la méthode des trois minutes
de respiration. Il dit aussi que cela l’a aidé à mieux vivre la maladie de sa
mère en essayant de profiter pleinement du temps qu’il passe avec elle.
194
Adolescence, anxiété et trouble du comportement ■ Chapitre 7
6. Conclusion
Plusieurs éléments de cette présentation de cas semblent essentiels
à garder à l’esprit. Premièrement, la compréhension d’un patient est le
premier pas, nécessaire, dans une intervention thérapeutique. En effet,
comprendre que l’insécurité affective était la base du problème d’anxiété
de Joan nous a aidés à répondre à ses comportements insolents d’une façon
plus appropriée.
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Deuxièmement, il semble important d’identifier le sens donné à l’anxiété
des jeunes. Celle-ci est régulièrement liée à une situation, un événement
ou une peur plus profonde. L’anxiété n’est souvent que la partie visible
de l’iceberg qui fait état du mal-être du patient (sinon les techniques de
relaxation auraient déjà résolu le problème depuis longtemps). Il est donc
généralement utile de trouver son origine pour mieux adapter l’intervention
thérapeutique. Chez les jeunes, la plupart des problématiques d’anxiété, en
plus de la réussite scolaire, sont reliées à leurs relations interpersonnelles :
problématiques familiales, déceptions amoureuses ou conflits avec des amis.
195
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
Annexe
Tableau 7.3 – Détail du programme de psychoéducation aux émotions
et de pleine conscience
Thème Objectifs principaux Exercice principal
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Partie 1 : Psychoéducation aux émotions
Séance 1 Présentation et • Introduction aux règles Exercice du photo-
introduction de groupe langage
• Apprendre à se connaître
• Explication des objectifs
du programme
Séance 2 Rester attentif • Développer ses capacités Le jeu du voleur
d’écoute (jeu développant
• Rester attentif durant les l’attention aux bruits)
interactions avec les autres
Séance 3 Introduction aux Appréhender la notion La marche des
émotions d’émotion et leur utilité émotions
Séance 6 Introduction aux • Exploration des cinq sens Jeu des cinq sens
sensations du corps • Comprendre le lien
entre les émotions et les
sensations corporelles
Partie 2 : Programme de pleine conscience (PC)
Séance 1 La PC et le pilote Entraîner son attention Exercice du raisin sec
automatique dans la vie quotidienne
196
Adolescence, anxiété et trouble du comportement ■ Chapitre 7
Séance 2 La PC et l’attention Améliorer la conscience du Le jeu du miroir
corporelle (1) corps
Séance 3 La PC et l’attention Améliorer la conscience du Scan corporel
corporelle (2) corps
Séance 4 La PC et l’attention Développer la flexibilité Méditation sur les
focalisée attentionnelle sons
Séance 5 La PC et le non- Être capable de reconnaître Exercice : est-ce un fait
jugement (1) un jugement ou un jugement ?
Séance 6 La PC et le non- Être capable de se La marche méditative
jugement (2) désengager de ses
jugements
Séance 7 La PC et les pensées Identifier les pensées Extraits de films
(1) et leur relation avec les (Vice-versa, le
émotions Guerrier pacifique)
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Séance 8 La PC et les pensées Développer la capacité Méditation sur les
(2) à tolérer les pensées et les pensées
émotions associées
Séance 9 La PC et l’acceptation Accepter les situations qui Méditation sur
ne sont pas contrôlables le lâcher-prise
Séance 10 Ce n’est qu’un Résumé de ce qui a été vu Exercice des souvenirs
début… durant le programme et marquants
ce de qui est important de
retenir.
Glossaire
Analyse processuelle : description de la dynamique globale des
processus psychologiques des patients et du lien avec le maintien de leurs
problématiques.
197
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
Écarts entre les soi : vécu subjectif de la différence estimée entre son soi
perçu et son soi idéal ainsi que son soi perçu et son soi socialement prescrit.
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Extériorisations émotionnelles : comportements ou attitudes obser-
vables qui informent de l’état émotionnel du sujet (expressions faciales,
pleurs, cris…).
198
Adolescence, anxiété et trouble du comportement ■ Chapitre 7
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Régulation émotionnelle : capacité à gérer ses émotions, à adapter leur
intensité et leur fréquence.
199
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
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201
Chapitre 8
Processus transdiagnostiques
et harcèlement scolaire :
le cas d’un adolescent
agresseur1
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1. Par Lina María Saldarriaga et Diana María Agudelo. Traduction de l’espagnol : Miguel Sierra
Rubio.
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Sommaire
1. Introduction....................................................................................... 207
2. Le bullying et l’empathie : le cas des agresseurs................................ 209
3. Modèles cliniques pour la compréhension du bullying......................... 212
4. Présentation du cas............................................................................ 213
5. Motifs de la rencontre et présentation des interventions.................. 215
6. Préalable de la rencontre et choix du modèle thérapeutique.............. 217
7. Description et analyse des symptômes : le processus d’évaluation.... 221
8. Résumé de l’accompagnement et de ses effets.................................. 224
9. Conclusion.......................................................................................... 227
Glossaire................................................................................................. 228
Références bibliographiques................................................................... 229
1. Introduction
Le phénomène du harcèlement scolaire a été l’un des sujets les plus étudiés
ces dernières années dans le domaine de la santé mentale en particulier chez
les enfants et les adolescents. Le harcèlement scolaire (également appelé le
bullying) se définit comme une situation dans laquelle un individu est victime
d’agressions ou de maltraitances de la part d’une ou plusieurs personnes.
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comparativement à la victime, l’agresseur a plus de ressources de type
social, physique ou psychologique.
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Ce modèle, dans lequel on différencie les rôles accomplis par les jeunes
dans le harcèlement scolaire, relève l’importance d’analyser la genèse de ces
comportements et les conséquences du bullying pour ses différents acteurs.
208
Processus transdiagnostiques et harcèlement scolaire… ■ Chapitre 8
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lation de son impulsivité et le développement de son empathie affective.
Quant au groupe de pairs, les entraînements viseront à fournir des habilités
sociales, surtout en assertivité, pour augmenter leur capacité à dépasser le
rôle d’observateurs et à faire face aux situations d’intimidation. À cela se
rajoute, un entraînement en stratégies – aussi nommées actions universelles
– pour la prévention des comportements de harcèlement.
209
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D’autres efforts ont été faits pour comprendre certains mécanismes
notamment collectifs et individuels du harcèlement scolaire.
Il semble aussi que le manque d’empathie est l’un des facteurs les plus
déterminants des épisodes d’agression scolaire réitérée. L’empathie se
210
Processus transdiagnostiques et harcèlement scolaire… ■ Chapitre 8
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des victimes (composante affective). Ceci est un indicateur important
surtout pour d’éventuelles interventions thérapeutiques.
211
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3. Modèles cliniques pour la compréhension du bullying
À propos des situations de harcèlement scolaire, les deux contributions
les plus importantes du modèle cognitivo-comportemental sont celles
d’aider à comprendre les raisons qui poussent les élèves à agresser ou être
agressés, ainsi que le développement de stratégies pour les aider à modifier
ces comportements.
Selon Beck (1964), il existe un cycle qui explique la plupart des compor-
tements des individus ; celui-ci commence lorsqu’une situation donnée
déclenche (plusieurs fois automatiquement) une pensée ou une croyance.
À partir de ladite pensée, une réponse émotionnelle est produite qui
débouche sur un comportement particulier.
212
Processus transdiagnostiques et harcèlement scolaire… ■ Chapitre 8
Comportement Émotion
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Analyser ces informations à partir de ce modèle aide les professionnels
à comprendre les comportements et les difficultés que les élevés présentent
et qui sont souvent en cause lors de conflits débouchant sur des situations
de harcèlement scolaire. On analysera plus en détail ces phénomènes selon
le point de vue du modèle cognitif de Beck à partir d’un cas clinique.
4. Présentation du cas
J.P. est un adolescent âgé de 15 ans, étudiant en troisième dans une
école privée d’une petite ville de Colombie. Il est le deuxième enfant d’une
famille de classe moyenne, sa sœur aînée a 16 ans et son frère cadet 9 ans.
Ce dernier, diagnostiqué avec un autisme de sévérité moyenne, a reçu un
traitement thérapeutique d’approche cognitivo-comportemental et est
actuellement intégré dans une école régulière1 où ses résultats scolaires et
de socialisation sont assez proches de ceux obtenus par les enfants n’ayant
pas ce trouble. Leurs parents travaillent dans la finance et sont absents tout
au long de la journée. Les trois enfants passent beaucoup de temps seuls
à la maison lorsqu’ils rentrent de l’école. Les relations entre les frères et la
1. [N. du T.] Par opposition aux écoles spécialisées, une école régulière est celle où les élèves
atteints de différents handicaps ou troubles développementaux sont intégrés à des classes ordi-
naires, en convivialité avec des camarades qui n’ont pas un handicap ou un trouble déclaré.
213
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
Les professeurs du collège ont réalisé plusieurs entretiens avec J.P. à cause
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des épisodes réitérés d’agressions. Selon leur récit, ils ont observé que les
comportements de J.P. sont agressifs et abusifs envers d’autres enfants –
notamment envers les plus petits. Même s’ils n’ont pas mené une évaluation
plus formelle à ce sujet, ils en concluent que J.P. a peu de reconnaissance des
émotions et des besoins des autres enfants. Lorsqu’il agresse les personnes,
J.P. a du mal à reconnaître qu’il a eu tort, à s’excuser et à réaliser des
conduites de réparation. Il semble éprouver de la difficulté à être empa-
thique envers ses camarades. Quand les enseignants lui demandent de se
mettre dans la peau des autres lors d’une situation impliquant sa propre
agressivité, il tend à répondre par des monosyllabes et dit habituellement
qu’il ne sait pas ce qu’ils ressentent ou qu’il ne peut pas l’imaginer. Lorsque
les professeurs lui demandent pourquoi ses camarades se comporteraient
d’une certaine façon, il attribue une intention hostile aux autres personnes.
214
Processus transdiagnostiques et harcèlement scolaire… ■ Chapitre 8
Ses parents ont été convoqués à l’école. C’est en général son père qui vient
au rendez-vous avec le directeur. Dans ces occasions, celui-ci réprimande
sévèrement J.P. devant les autorités scolaires, en utilisant des mots déso-
bligeants, voire des insultes, lorsqu’il s’adresse à son fils. D’ailleurs, le père
a tenté plusieurs fois de gifler l’adolescent, ce qu’a empêché un professeur
ou le principal. Face à ce comportement paternel, J.P. devient défiant et
défensif, accusant les autres élèves de provoquer ses réactions et montrant
une absence de reconnaissance du dommage ou de sentiments de culpabilité
pour ses actions.
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se mettre en colère à la maison pour des choses sans importance. Le père
tolère très peu qu’il ait du mal à arrêter ses accès de colère, ce qui le conduit
à donner des châtiments sévères et à proférer des menaces répétées. Il le
bat ce qui a pour seul effet d’augmenter la rage de l’adolescent. Dans ces
moments, la mère accomplit souvent le rôle de médiatrice en essayant de
séparer son mari et l’adolescent.
D’ailleurs, les parents rapportent également que J.P. est souvent énervé
à cause de ces situations, et s’en souvient avec beaucoup d’irritation lorsqu’il
revendique quoi que ce soit devant eux. Ce n’est que dans de très rares
occasions qu’il se montre ému des sentiments de ses parents et de sa fratrie
face à son comportement, notamment lorsque son frère cadet est impliqué.
Mais ces sentiments n’apparaissent pas quand J.P. s’en prend à ses cama-
rades d’école.
5. Motifs de la rencontre
et présentation des interventions
215
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
C’est ainsi que J.P. est arrivé dans ce dispositif particulier, qui offre une
consultation ouverte (c’est-à‑dire non exclusive pour des cas de bullying), et
a été reçu par un psychologue du programme de Master. La supervision a été
réalisée par un enseignant de l’université et par une psychologue spécialisée
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dans la prise en charge du harcèlement scolaire.
Selon les dires de ses parents, c’est le conseil des professeurs du collège
qui a demandé ses rencontres avec la psychologue, car il considère que
les conduites d’agression de J.P. envers ses camarades sont des situations
de harcèlement scolaire ou bullying qui nécessitent une prise en charge
spécialisée.
En effet, les enseignants qui ont suivi une formation à ce sujet ont repéré
chez J.P. les signes suivants d’alerte de harcèlement scolaire :
1. [N. du T.] Une différence essentielle entre le système universitaire français et celui de la
Colombie est que dans ce dernier le titre de psychologue est obtenu après les études de licence
(Bac + 5 généralement) et leurs respectifs stages. Les études de niveau Master (qui s’étendant
souvent sur deux ans) constituent ensuite une spécialisation dans un certain domaine de la
psychologie (clinique, scolaire, du travail, sociale…) mais ne sont pas nécessaires à l’exercice
professionnel de base.
216
Processus transdiagnostiques et harcèlement scolaire… ■ Chapitre 8
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Ainsi, une fois la situation de J.P. évalué par le collège, son comportement
a été considéré comme un délit par la loi, raison pour laquelle il a été remis
à la police de l’enfance et l’adolescence. J.P. n’a pas encore reçu la convo-
cation formelle pour l’audience qui fait suite à cette attaque mais il est très
probable qu’il recevra une sanction de type pédagogique.
6. Préalable de la rencontre
et choix du modèle thérapeutique
Durant cet entretien, il a été observé que les interactions entre les parents
et J.P. confirment le rôle de médiation de la mère et l’attitude autoritaire
du père face à laquelle J.P. réagit habituellement de façon agressive. On
soulignera néanmoins que, durant cet entretien, même s’il a été anxieux
217
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de J.P. ;
–– et trois entretiens avec ses parents, pour les informer sur les stratégies de
traitement de la conduite disruptive de leur fils, améliorer le maniement
des limites et favoriser le développement de leur empathie envers J.P. et
l’empathie de leur fils envers les autres personnes ; ces entretiens ont été
basés sur des stratégies telles que la communication assertive, l’identifi-
cation des émotions et l’autorégulation émotionnelle.
218
Processus transdiagnostiques et harcèlement scolaire… ■ Chapitre 8
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–– on peut, par exemple, déceler une pluralité de troubles, alors qu’en réalité
les symptômes correspondent à un seul et même trouble ;
–– certains troubles sont assignés à une catégorie diagnostique incorrecte ;
–– on peut également se tromper à cause de l’existence de symptômes qui
sont communs à plusieurs troubles ;
–– et finalement, un trouble représente parfois la complication d’un autre
trouble préalable.
Ainsi dans le cas de J.P., au lieu de réfléchir sur un trouble comme tel, l’ap-
proche transdiagnostique permet d’aborder les problèmes de l’adolescent
dans son ensemble, c’est-à‑dire au-delà d’une étiquette clinique déterminée.
De cette manière, les difficultés de J.P. pour la régulation émotionnelle,
l’empathie et la tolérance à la frustration sont entendues comme réactions
débordées de rage et d’agressivité en rapport avec sa perception d’injustice,
219
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
Un autre objectif du travail thérapeutique avec J.P. fut centré sur le déve-
loppement de l’empathie. Comme on a mentionné au début de ce chapitre,
la recherche autour de l’empathie dans le harcèlement scolaire a montré que
les agresseurs présentent des déficits importants dans la dimension affec-
tive de l’empathie (Endresen et Olweus, 2002 ; Jollife et Farrington, 2001 ;
Warden et Mackinnon, 2003). C’est pourquoi dans ce cas on a proposé
à l’agresseur des stratégies thérapeutiques visant la reconnaissance des
émotions, pour qu’il arrive à les désigner et les exprimer de manière plus
assertive. Ceci à travers des exercices de modélisation, de reconnaissance
et de modulation émotionnelle.
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Quant à l’approche thérapeutique avec le groupe de pairs selon le modèle
proposé par Salmivalli (2010), les interventions ont consisté en des séances
de travail en groupe où l’on a proposé aux camarades de classe de J.P. deux
situations pour prévenir d’une part les actes d’agression et d’autre part la
passivité lors de ces agressions. La première, dérivée du programme KiVa1,
également dénommée « actions universelles », offre un entraînement par
des moyens virtuels tels que les jeux vidéo. Le but de ces actions est d’aider
les élèves à identifier des conduites d’agression et des formes de réponse
à celles-ci. De plus, elles ont vocation à amplifier le répertoire des actions
dans les espaces où le harcèlement arrive habituellement. La deuxième
condition a été l’entraînement en habiletés de communication assertive. Ces
habiletés cherchent à favoriser la mobilisation des comportements de dépôt
de plainte et de recherche d’aide lors d’éventuels épisodes de bullying, tout
en favorisant le développement de réseaux d’appui plus solides au collège.
220
Processus transdiagnostiques et harcèlement scolaire… ■ Chapitre 8
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malgré son trouble – serait un garçon aimable et sage et sa fille aînée une
jeune fille responsable et intelligente. La mère, réprimandée par son mari
à cause de sa « faiblesse », a pleuré à deux reprises.
1. [N. du T.] Les adjectifs castillans alcahuete et son féminin alcahueta proviennent d’une racine
arabe. Ils désignent tout d’abord une personne qui arrange, cache ou facilite une relation amou-
reuse généralement illicite ; par métonymie, l’adjectif s’applique à toute personne ou chose qui
dissimule ou cache quelque chose. Dans certains pays de l’Amérique Latine, il est fréquent
d’entendre l’expression à propos des parents trop permissifs. Ainsi, le père de J.P. reprend ce
mot pour qualifier l’attitude de complicité de sa femme par rapport aux bêtises de ses enfants :
elle serait complaisante envers eux en cherchant à dissimuler ou justifier devant lui les compor-
tements répréhensibles de leurs enfants.
221
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
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du type Likert qui se classent en trois dimensions :
–– « Attention émotionnelle » : évaluation de la capacité pour ressentir
et exprimer les émotions de façon adéquate (e. g. « Je fais beaucoup
d’attention aux sentiments ») ;
–– « Clarté émotionnelle » : évaluation de la perception sur la compré-
hension des propres états émotionnels (e. g. « J’arrive à comprendre
mes sentiments ») ;
–– « Réparation émotionnelle » : évaluation de la capacité perçue pour
réguler les propres états émotionnels de façon concrète (e. g. « Quand
je suis triste, je pense à tous les plaisirs de la vie »).
–– Dans cette échelle, J.P. a obtenu des scores inférieurs à 21 pour les trois
dimensions : Attention aux sentiments, Clarté émotionnelle et Réparation
des émotions. Ces scores montrent une basse reconnaissance des
émotions propres et de celles des autres.
–– Échelle pour l’évaluation des habilités sociales (Consejería de Salud,
Junta de Andalucía, 2011). Cet instrument est composé par 12 items qui
sont notés par un chiffre entre 1 et 7 ; il donne un score global des habilités
sociales, ainsi qu’un score spécifique pour chacune de ces dimensions :
–– « Habilités communicatives ou relationnelles » : perception sur
les habilités pour communiquer et se mettre en relation avec les
personnes (e. g. « J’ai du mal à faire connaissance avec une personne
inconnue »).
–– « Assertivité » : perception sur la capacité pour exprimer les idées
propres ou pour demander des renseignements de façon adéquate et
222
Processus transdiagnostiques et harcèlement scolaire… ■ Chapitre 8
sans être agressif (e. g. « Si j’ai l’impression que quelqu’un est fâché
avec moi, je lui demande pourquoi »).
–– « Habilités pour la résolution des conflits » : perception sur la capa-
cité pour résoudre les situations interpersonnelles conflictuelles de
manière adéquate (e. g. « J’ai l’habitude d’arbitrer les disputes entre
mes camarades »).
–– Dans cette échelle, J.P. a obtenu les scores suivants : Habilités commu-
nicatives et relationnelles = percentile 70 ; Assertivité = percentile 45 ;
Habilités pour la résolution des conflits = percentile 75. Ces résultats
montrent que la difficulté la plus grande de J.P. se localise au niveau de
son assertivité, bien qu’il dispose des stratégies adéquates pour la réso-
lution des conflits et de bonnes habilités communicatives. Il est alors
probable qu’il n’utilise pas ces deux dernières à cause de l’absence de
reconnaissance des émotions des autres et des retentissements de ses
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actions sur eux.
–– Échelle de difficultés de régulation émotionnelle (Gratz et Roemer,
2004 ; adaptation hispanophone de Hervás et Jodar, 2008). Cette échelle
mesure divers aspects associés avec l’incapacité de réguler ses émotions.
Elle est composée de 36 items du type Likert. Dans cette échelle, J.P.
a obtenu un score de 83. Ceci indique une valeur haute par rapport à la
moyenne de référence. Ce score signale les difficultés de J.P. notamment
sur des aspects tels que la conscience (haut rejet de ses émotions et des
émotions des autres) et une haute interférence de l’état émotionnel sur
sa conduite.
En résumé, ces évaluations confirment que les difficultés les plus impor-
tantes de J.P. sont dans les domaines de l’identification et de la régulation
de ses émotions, ainsi qu’au niveau de la reconnaissance des émotions des
autres. À ceci s’ajoute une faible empathie expliquant l’absence de culpabi-
lité envers ses actions agressives et son impossibilité de se connecter avec
le mal-être des autres (même quand il en est à la cause). Lors de ses accès
de colère, il éprouve une certaine difficulté à canaliser son état émotionnel,
celui-ci le maintient dans des pensées négatives et cela limite aussi ses capa-
cités de résolution de conflits.
223
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
Dans cette perspective, voici le schéma (fig. 8.2) construit avec le psycho-
logue et J.P.
Situation Pensée automatique
Voir que son nouveau camarade « C’est injuste, je suis le meilleur
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est meilleur en sport. de la classe en sport. »
Voir que son père le réprimande « C’est injuste : pourquoi il n’y a que moi
seulement lui et non pas son frère qui reçois des réprimandes, si mon frère
et sa soeur. et soeur ont aussi des mauvais
comportements ? »
Comportement
Émotion
Agresser les autres
Rage
de manière
Haine
répétée.
Figure 8.2 – Modèle cognitif développé avec J.P.
224
Processus transdiagnostiques et harcèlement scolaire… ■ Chapitre 8
par les membres de sa famille ou par les enseignants, a réveillé chez lui des
émotions de haine et de rage. Sur la base de ces émotions, il a pu identifier
qu’il réagissait de manière violente, en agressant de façon répétée d’autres
personnes pour « se venger de cette injustice ».
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donc faite conjointement avec le patient et le thérapeute, en réfléchissant
à une situation dans laquelle J.P. ressentait de la rage ou de la colère parce
qu’il la percevait comme injuste.
Afin de lui offrir plusieurs possibilités, un jeu de rôles lui a été également
proposé. Ce dernier avait pour objectif de lui donner une appréhension
cognitive d’une situation hypothétique et de l’aider à s’adapter à une situa-
tion stressante (Creed, Reiswebwer et Beck, 2011).
Les réussites de J.P. dans ces procédures ont été très importantes. Bien
qu’au début il se soit montré un peu réticent à considérer les différentes
possibilités, il a réussi après plusieurs tentatives, à se concentrer sur l’exer-
cice du modèle.
225
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
Cela met au jour une clef importante dans le travail avec les adoles-
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cents agresseurs en contexte clinique, notamment grâce au déploiement
d’outils permettant de nouveaux apprentissages grâce aux modèles
transdiagnostiques.
226
Processus transdiagnostiques et harcèlement scolaire… ■ Chapitre 8
Enfin, des séances ont été effectuées avec le groupe des pairs, comme le
suggère le programme proposé par Salmivalli (2010).
Ces exercices ont montré que les élevés ont été capables d’identifier
plus facilement les situations de harcèlement scolaire et notamment des
réponses adéquates face à ce type de situations. Un autre point important
du travail avec les pairs fut la présentation des concepts d’empathie et de
régulation émotionnelle, ainsi que des stratégies similaires à celles travaillées
en contexte thérapeutique avec J.P. Cette intervention n’a pas été évaluée
auprès des groupes de pairs (et nous n’avons pas mesuré le nombre du dépôt
de plainte dans ce collège) mais les élèves ont déclaré se sentir plus outillés
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face à une situation de harcèlement scolaire.
9. Conclusion
Le cas présenté ici montre de manière simple comment l’approche trans-
diagnostique en thérapie cognitivo-comportementale donne des outils
intéressants pour accompagner une situation de harcèlement scolaire,
notamment lorsque le patient y endosse le rôle d’agresseur.
Les stratégies utilisées, aussi bien dans l’espace thérapeutique que dans le
contexte scolaire, ont montré une certaine compréhension des dynamiques
du harcèlement scolaire.
227
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
Glossaire
Agression physique : type d’agression dans laquelle on donne à une
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personne des coups de poing, des coups de pied ou des coups avec un objet.
228
Processus transdiagnostiques et harcèlement scolaire… ■ Chapitre 8
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sont compris et maniés à partir d’un éventail de processus cognitifs et
comportementaux qui les expliquent ou les maintiennent.
Références bibliographiques
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Processus transdiagnostiques et harcèlement scolaire… ■ Chapitre 8
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Conclusion
générale
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L’ensemble du matériel clinique analysé dans cet ouvrage provient d’his-
toires de vie et de formations psychiques mises au jour durant différentes
interventions psychothérapeutiques.
Elle confirme que la construction d’un cas prend son sens à partir d’un
accompagnement psychologique. Lors des rencontres avec un patient, les
cliniciens sont à chaque fois confrontés à une situation unique, qui demande
une solution précise et un traitement chaque fois différent.
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n’ont pas été réalisées dans les mêmes contextes professionnels et les
demandes de soins n’étaient pas les mêmes. Par ailleurs, selon les dispo-
sitifs cliniques envisagés (activités libérales, consultations psychologiques
ouvertes dans une université, centre d’addictologie, soins sous mandat de
justice, institut thérapeutique éducatif et pédagogique, hôpitaux psychia-
triques…) le processus psychothérapique peut prendre des formes diverses.
Ainsi selon les travaux de Benjamin Roux et Pierre Phillipot basés sur
l’approche cognitivo-comportementale en Belgique, l’apprentissage de
237
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
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sexualité. L’objectif thérapeutique est de permettre au sujet « de choisir son
symptôme et d’en assumer la responsabilité » (Claude Savinaud), de « devenir
un être sujet », de l’aider « à se subjectaliser ». Dans cette optique, la question
n’est pas de « guérir de son symptôme mais plutôt de favoriser le processus
de subjectalisation » (Houari Maïdi).
238
Conclusion générale
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être liés à des positions parentales particulières telles que :
239
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
Quand bien même cette clinique procède au cas par cas et hésite à établir
des typologies, au travers de la plupart des cas exposés ici nous avons pu
remarquer que la dimension du traumatisme psychique et les passages
à l’acte concernent souvent les jeunes. Mais ces données doivent être nuan-
cées car il existe, une variété de formes d’expression et de manifestations
de la psychopathologie.
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–– des réflexions personnelles sur ses choix amoureux, amicaux, scolaires
et/ou professionnels.
240
Conclusion générale
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psychiques. En général, les jeunes viennent en consultation soit à leur propre
initiative soit à la demande d’un tiers (entourage familial ou professionnel).
Parfois, la demande s’inscrit comme telle, d’autres fois elle n’est pas claire-
ment formulée. De plus, certains auteurs postulent que les manifestations
symptomatiques en acte peuvent être considérées comme un type de
demande d’aide, qui n’a pas besoin d’être expliquée pour être entendue. Et
la fixité d’un trouble psychique entraîne parfois un abord psychothérapique
difficile, du fait de l’absence de souffrance exprimée (Claude Sauvinaud). Il
semble aussi que les sujets passent par différentes phases de motivation et
que certains aient déjà trouvé, par leurs symptômes, une solution provisoire
à leur problème (Nathalie Scroccaro).
Miguel Sierra Rubio livre le cas d’une adolescente ayant une malformation
congénitale et s’interroge sur le rôle de la puberté et de son incidence sur
le corps de cette jeune femme. Il propose une intervention de psychothé-
rapique brève d’orientation psychodynamique dans sa pratique libérale au
Mexique. Cette approche qui est dérivée de certains courants psychanaly-
tiques reste actuellement peu pratiquée en France.
241
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
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joug du principe de déplaisir – plaisir, semblent être une piste de clinique et
de recherche particulièrement intéressante pour repérer les retentissements
psychiques névrotiques propres à cette période de vie.
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Conclusion générale
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Saldarriaga Lina María et Agudelo Velez Diana María décrivent le cas
d’un adolescent agresseur pratiquant le harcèlement scolaire. Elles notent
que des difficultés liées à la régulation émotionnelle, à la reconnaissance
des émotions et au manque d’empathie sont souvent associées chez ces
jeunes. Elles soulignent l’importance de prendre en compte les réalités du
contexte scolaire dans l’espace thérapeutique des patients. Pour remédier
à ces situations, elles proposent de combiner des approches individuelles
(consultations psychologiques) et collectives en incluant les élèves, les
parents et les professionnels impliqués dans ce type de situation.
243
Index des notions
A crise 142
actions universelles 209 crise d’adolescence 11
addiction 37, 41, 61 crise dysmorphophobique délirante
affects dépressifs 125 80
agressivité 185, 187 crises d’angoisse 144
anxiété 173 culpabilité 48
approche holistique et processuelle D
174
décompensation 71
après-coup 94, 105
défenses narcissiques 31
archaïque 96
déni 112, 130
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archaïque-infantile 92
dépression 12
assertivité 209
dépressions masquées 126
auto-agressivité 117
deuil 25
auto-attribution causale 190
diagnostic psychopathologique 78
auto-calmant 54
diagnostic thérapeutique 78
automédications 44
différence des sexes 19
B douleur 42, 50
blessures narcissiques 95 dysharmonie d’évolution psychotique
bullying 209 71, 74
dysmorphophobie 17
C
carences narcissiques 94 E
clivage 111, 133 écarts entre les sois 186, 190
compétences psychosociales 195 empathie 223
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
245
8 cas cliniques en psychopathologie de l'adolescent et du jeune adulte
G moi-corps 93
génitalité 131 moi idéal 19
gestion émotionnelle 173 motivation 177
groupes de parole 147
N
H narcissisme 19, 34
harcèlement 229 narcissisme phallique 123
harcèlement scolaire 207 Narcissisme phallique 133
honte 46 névrosés 61
hyperactivité 193 nomadisme médical 43
hystérie 58
P
I passage à l’acte 81
Idéal du moi 19 passage à l’acte auto-agressif 144
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idée fixe 29 passages à l’acte 116
identité 30, 96 Pensée automatique 224
image du corps 113 perlaboration 167
image spéculaire 28 perversion 111
impulsivité 178, 193 phénomènes élémentaires
inhibition 198 psychotiques 72
246
Index des notions
psychothérapies analytiques 86 T
pubertaire 92, 96 théorie holistique 186
puberté 239 tolérance marquée 43
pulsion 110 transfert 59, 63
transfert clivant 129
R
trauma 93
recours à l’acte 113, 134
traumatismes sexuels 95
rectification subjective 32
trouble du déficit de l’attention/
refoulement 112
hyperactivité 199
S troubles mentaux 55
sadisme 114
V
soins psychiques 241
vécu parental 64
souffrance psychique 49
victime 48, 130
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stabilisation 83
viol 116
stratégie thérapeutique 243
violence 48, 56, 114, 124
subjectivité 33
sublimation 99
supervision 141
247