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Gilles Dorival

Le Commentaire sur les Psaumes de Nicétas David (début du


10e siècle). Une œuvre inconnue dans un manuscrit de la
Bibliothèque de Leyde
In: Revue des études byzantines, tome 39, 1981. pp. 251-300.

Résumé
REB 39 1981 France p. 251-300
G. Dorival, Le Commentaire sur les Psaumes de Nicétas David (début du 10e siècle). — L'auteur a découvert dans un manuscrit
de Leyde (Hollande) un Commentaire sur les Psaumes inconnu, attribué à Nicétas David ; ce Commentaire peut être daté des
premières années du 10e siècle; il est fortement influencé par la tradition patristique de l'exégèse spirituelle; il met en œuvre des
méthodes scolaires bien attestées dans toute l'Antiquité tardive ; il présente des thèmes byzantins caractéristiques, ainsi la
critique de la musique instrumentale. Il est écrit sous le double patronage du Pseudo-Denys et de Basile de Césarée. Son
originalité consiste dans sa thématique et dans une innovation, la parénèse éthique, qui permet de fusionner le genre de
l'hypomnèma avec le genre de l'homélie. Nicétas David doit sans doute être identifié avec Nicétas le Paphlagonien, l'ami
d'Aréthas. L'auteur édite et traduit l'argument qui inaugure le Commentaire, ainsi que le commentaire sur le psaume 1. Deux
index complètent l'édition.

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Dorival Gilles. Le Commentaire sur les Psaumes de Nicétas David (début du 10e siècle). Une œuvre inconnue dans un
manuscrit de la Bibliothèque de Leyde. In: Revue des études byzantines, tome 39, 1981. pp. 251-300.

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1981_num_39_1_2122
LE COMMENTAIRE SUR LES PSAUMES
DE NICÉTAS DAVID (DÉBUT DU 10e SIÈCLE)

Une œuvre inconnue dans un manuscrit


de la Bibliothèque de Leyde1

Gilles DORIVAL

1. L'invention du Commentaire

Parmi les chaînes exégétiques grecques sur les psaumes, l'une des plus
intéressantes est sans conteste la chaîne de Nicétas d'Héraclée, peut-être
composée à l'Ecole patriarcale de la capitale dans les années 1100 : l'abon
dance et la qualité de ses sources, assez souvent inédites, font d'elle un
monument de l'érudition patristique des 11e et 12e siècles; à ce titre, elle
mériterait d'être publiée un jour ; une telle publication suppose que l'on
repère et que l'on classe les multiples exemplaires de cette chaîne, dissé
minés dans toutes les bibliothèques du monde ; il faudra prêter l'attention
la plus grande aux exemplaires les plus anciens ; voilà pourquoi nous nous

1. Une première version de cette étude a fait l'objet d'une communication prononcée
à l'occasion de la 8e Conférence Internationale des Etudes Patristiques (Oxford, 3-8
septembre 1979). Par la suite, au cours de l'année universitaire 1979-1980, le texte grec
et sa traduction ont été présentés et discutés au cours de plusieurs séances du Séminaire
de grec post-classique de Paris IV que dirige Marguerite Harl. Dans le même temps,
plusieurs lecteurs ont accepté de lire l'ensemble de l'étude et de faire des remarques
critiques. Que tous, auditeurs, membres du Séminaire, lecteurs, soient remerciés pour
leurs suggestions et, parmi eux, tout particulièrement Monique Alexandre, Anne-Marie
Chanet, Gilbert Dagron, Marguerite Harl et Michèle Romano.
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sommes intéressé tout particulièrement à un manuscrit de Leyde, le Leidensis


Vossianus gr. F. A2 ; il s'agit, selon son catalogueur, d'un exemplaire de
la chaîne de Nicétas écrit dans la seconde moitié du 11e siècle. Ce serait
donc l'exemplaire le plus ancien de la chaîne, exactement contemporain
de sa confection ; peut-être même était-il autographe ? A défaut, on pouvait
espérer qu'il apporterait un bien meilleur état textuel que celui du Vat.
Palat. gr. 247, le plus connu et le plus utilisé des exemplaires de la chaîne,
qui est très lacunaire par endroits, et aussi un beaucoup plus grand nombre
de sigles d'auteurs marginaux. Comme il n'était pas possible d'obtenir
un microfilm du manuscrit dans des délais rapides, nous nous sommes
rendu à Leyde en septembre 1978, dans le cadre d'une mission du C.N.R.S.
Et là il a fallu nous rendre tout de suite à l'évidence : l'exemplaire n'avait
rien à voir avec la chaîne de Nicétas ; d'ailleurs le titre même donné au
texte n'avait en commun avec le titre donné habituellement à la chaîne
de Nicétas que les premier et dernier mots : « Nicétas » et « psaume » ;
tout le reste était différent : « De Nicétas dit aussi David, serviteur de
Jésus-Christ, le philosophe, argument sur le psaume 1 ». La suite du texte,
une interprétation des psaumes assez fournie, ne recoupe aucun des Comm
entaires sur les psaumes, aucune des Scholies sur les psaumes, tant
d'époque patristique que d'époque byzantine, qu'ils soient connus en
tradition directe ou par l'intermédiaire des chaînes. Bref, le Vossianus
présente une exégèse des psaumes inédite. Plus encore : cette exégèse est
inconnue de l'érudition moderne ; aucune référence ne lui est faite par les
spécialistes, dans aucune des nombreuses notices consacrées à Nicétas
David. Il faut pourtant dire que notre ignorance moderne n'était pas le
fait de l'érudition byzantine : Nicétas d'Héraclée, au verset 8 du psaume 41
de sa chaîne, cite un extrait qu'il introduit dans son texte sous le nom
de Nicétas Paphlagôn et, en marge des exemplaires, sous le nom de Nicétas
David ; dans cet extrait, on reconnaît un passage du Vossianus au psaume
41, 8. C'est ce Commentaire sur les Psaumes (en abrégé ComPs) byzantin
inédit et inconnu, de la première moitié du 10e siècle, aux riches résonances
patristiques, que nous voudrions présenter ici.

2. Le codex Leidensis Vossianus gr. F. 42


Le ComPs de Nicétas David ne nous est connu actuellement que par
un unique manuscrit, le Vossianus. Ce dernier mérite qu'on s'y arrête un
peu. La description codicologique de K. A. De Meyier est excellente2,

2. K. A. De Meyier, Codices Vossiani Graeci et Miscellanei, Leyde 1955, p. 46-48.


LE COMMENTAIRE SUR LES PSAUMES DE NICÉTAS DAVID 253

à deux points près : 1. une faute d'impression attribue au codex des dimens
ionsde 370 χ 240, soit un format extrêmement allongé ; en réalité il faut
lire 300x240; 2. la datation de la seconde moitié du 11e siècle est irop
tardive ; elle est due au fait que le catalogueur, attribuant à tort le texte
à Nicétas d'Héraclée, se trouva dans la nécessité de faire correspondre
la date de confection du codex avec la chronologie de la vie de Nicétas.
Comme quoi la connaissance du contenu des manuscrits nuit à leur analyse
codicologique ! En réalité le Vossianus ne peut être postérieur au premier
quart du 1 Ie siècle ; mais, comme le montre la comparaison avec les recueils
de fac-similés datés, il est très probablement du dernier tiers du 10e siècle
ou des premières années du 11e siècle ; tel est en tout cas l'avis des spécial
istesque nous avons sollicités, en particulier C. Astruc, Mme Bavavéas,
J. Darrouzès, J. Irigoin et J. Paramelle.
Comment le Vossianus présente-t-il le ComPs de Nicétas David ? Sur
deux colonnes comportant 30 à 34 lignes de 20 à 25 lettres ; cette mise
en page est habituelle au 10e siècle pour les Homélies et les Commentaires ;
l'exégèse est écrite en minuscules, tandis que les versets sont en onciales
de taille moyenne, accompagnés en marge d'un guillemet simple pointé
à gauche (·>). Une particularité de ponctuation doit être signalée : ce qui
correspond à chaque articulation du texte, que nous marquons par le
passage à la ligne, le retrait et l'initiale majuscule, est indiqué par un triple
procédé : un gros point en haut dans le texte ; en face de ce point, dans la
marge, une sorte de trait ondulé, de paragraphos ; enfin l'initiale du
premier mot de la ligne qui suit la ligne où se trouve le gros point en haut
est décalée dans la marge et écrite en majuscule.
L'exégèse de chaque psaume s'achève par une courte doxologie, comme
dans les Homélies, et par un bandeau. L'exégèse de chaque psaume nouveau
est précédée d'un titre qui se présente en général sous deux formes, soit
«du même, interprétation au psaume tant»3, soit «du même, comment
aire au psaume tant »4 ; cependant, parfois le nom de « Nicétas dit aussi
David, serviteur de Jésus-Christ, le philosophe» est précisé à nouveau5.
Ce qu'il faut noter, ce n'est pas tant l'indication « interprétation », qui
est vague, mais le mot « commentaire », qui, lui, renvoie à une terminologie
relativement précise : les Commentaires s'opposent d'abord aux Scholies,
qui sont de courts éclaircissements ponctuels et discontinus ; eux forment
d'amples développements, continus, riches par leur thématique ; nous

3. Par exemple του αύτοϋ ερμηνεία εις τον ΝΑ ψαλμόν.


4. Par exemple του αύτοΰ υπόμνημα εις τον ΙΑ ψαλμόν.
5. Ainsi au psaume 50.
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verrons que l'exégèse de Nicétas relève tout à fait de cette forme littéraire.
Mais les Commentaires (comme les Scholies) s'opposent aussi aux Homélies
(λόγοι, όμιλίοα), non pas, comme on le croit parfois, par leur ampleur et
leur richesse, mais par le but poursuivi : la recherche du sens (littéral,
spirituel, anagogique) d'un texte dans le premier cas, l'édification d'un
auditoire réel ou fictif dans le second cas ; le Commentaire est du côté
de l'information objective (ce qui n'exclut nullement la spiritualité),
l'Homélie du côté de la formation par l'information, au moyen de procédés
protreptiques et parénétiques. Nous verrons que Nicétas reste largement
fidèle à la conception traditionnelle du Commentaire, mais qu'il innove
aussi : il introduit à la fin de chacune de ses exégèses des éléments paré
nétiques et, de cette manière, jette un pont entre le Commentaire et
l'Homélie.
L'ensemble des commentaires de chaque psaume s'achève dans le
Vossianus au psaume 75, versets 8 à 10 : le Vossianus est mutilé. Où
prenait-il fin ? Compte tenu de ses 363 folios actuels, eu égard à l'habituelle
division des Commentaires du psautier en deux tomes, du psaume 1 au
psaume 76, puis du psaume 77 au psaume 150, il est probable que le
Vossianus s'achevait à la fin du psaume 76 ; dans son état actuel, il lui
manquerait la fin du psaume 75 et tout le psaume 76.
Ce qui est probable aussi, c'est que Nicétas a commenté l'ensemble du
psautier. C'est en tout cas l'intention qu'il proclame au début de son
Commentaire. Par conséquent, il a dû exister un second tome, comportant
l'exégèse des psaumes 77 à 150. A l'heure actuelle, nous n'avons repéré
ce second tome nulle part. Nous serions d'ailleurs très reconnaissant à
quiconque pourra nous faire connaître des exemplaires du ComPs de
Nicétas David, actuellement connu partiellement par un unique manuscrit.

3. « L'argument sur le psaume 1 » et le prooimion du psaume 1

3.1. Il n'est pas question de présenter ici l'ensemble du ComPs de Nicétas


David ; on se limitera à l'argument sur le psaume 1 et au commentaire
du psaume 1. Le ComPs s'ouvre par un «argument sur le psaume 1»
(f. 1-2V), qui contient des considérations d'ensemble particulièrement inté
ressantes. Résumons-le succinctement. Il s'ouvre par la citation de Jacques
1, 17 (« toute donation bonne, tout don parfait vient d'en haut et descend
du Père des lumières »), que l'exégète regarde comme la fondation de son
activité et de son entreprise ; tout ce qu'il peut dire de bien ne vient pas de
lui, mais jaillit surabondamment du Père, comme d'une source, et est
dispensé dans l'Esprit par le Logos ; cela ne se produit que si l'exégète
LE COMMENTAIRE SUR LES PSAUMES DE NICÉTAS DAVID 255

est digne de Dieu, se rend digne de Dieu par la sanctification et la purifi


cation ; l'exégèse implique la vie spirituelle et la prière ; en ce sens, elle est
un combat. Et, en l'occurrence, ajoute Nicétas, elle est le plus grand de
tous les combats, ce qui explique son inquiétude ; car ce qu'il entreprend,
c'est d'expliquer les psaumes, qui ne sont pas des mots humains, ni même
des sentences sages de David, mais qui sont les paroles actuelles de Dieu,
prononcées par l'Esprit et adressées, non à l'Ancien Israël, mais à l'Eglise ;
les psaumes sont les « paroles théarchiques de Dieu ». Voilà pourquoi
Nicétas se propose d'exclure dans la suite de son commentaire l'inte
rprétation selon la lettre et selon l'histoire : il s'agit là de méthodes inadé
quates à la majesté divine ; en plus elles ont été convenablement pratiquées
par les prédécesseurs de Nicétas David ; il faut suivre le principe paulinien
d'1 Cor. 2, 13 et «rapprocher les réalités spirituelles des réalités spiri
tuelles » ; tout ce qui, dans les psaumes, est digne de la grandeur de Jésus
doit lui être rapporté ; tout ce qui est inférieur à la perfection de sa sainteté
doit être rapporté à ses saints, qui ont part à sa sainteté ; enfin certains
passages intermédiaires doivent être rapportés à tous les saints, à titre
principal à Jésus, le saint des saints, et en second lieu à la Jérusalem céleste,
où résident les saints. Tels sont donc la méthode et le but de l'exégèse de
Nicétas David ; il se refuse à répéter les anciens ; car c'est superflu ; inver
sement il ne faut pas athétiser leur manière de comprendre, quand elle est
spirituelle ; ce serait inconvenant ; il faut bâtir sur la fondation des saints
pères ; les éclaircissements plus poussés, il faut les demander à Dieu « qui
donne à tous simplement sans faire de reproche», selon Jacques 1, 5 qui
fait ici écho à Jacques 1, 17 du début du ComPs ; le style visera la concision
et la clarté, la pensée, la plausibilité et la vérité ; ainsi Nicétas composera-
t-il un édifice accueillant et beau, dont l'ordonnance, à chaque psaume,
est la suivante : d'abord un prooimion, un exorde, qui dégage la signif
ication (dynamis) et le but (skopos) de chaque psaume ; puis une recherche
mot à mot, qui consiste à étudier la signification de détail en accord avec
le skopos général ; pour finir, une parénèse, une exhortation, concernant
la conduite. Mais avant de passer à l'examen de chaque psaume en parti
culier, il faut savoir quelle est la signification globale (dynamis katholou)
'
des psaumes. Les psaumes forment un sommaire ( synképhalaiôsis ) , une
synopse, de toute l'Ecriture ; ils sont une sorte de condensé de tous les
développements scripturaires : récits historiques, prophéties, passages
doctrinaux, actions de grâces, hymnes, prières, littérature de sagesse,
commandements.
Après ce long passage méthodologique, Nicétas analyse l'origine du
mot «psaume». Ce nom renvoie à l'instrument de musique psaltérion,
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inventé, en même temps que la cithare, la lyre et la harpe, par Ioubal


(selon Gen. 4, 21) ; ces instruments, David leur a donné une nouvelle vie,
lorsqu'il chantait ses psaumes en s 'accompagnant du psaltérion et des
autres instruments pour la plus grande joie de tout le peuple. Pourtant
David n'ignorait pas que seul le culte rationnel (selon Rom. 12, 1) plaît à
Dieu. Mais il agissait comme Moïse avant lui : Moïse avait admis les
sacrifices d'animaux comme remède à l'idolâtrie, en attendant que se
manifeste, en son temps, le culte spirituel. Comme Moïse, David poursuit
un but pédagogique : la musique instrumentale, pour lui, est un remède
à la négligence et à la paresse spirituelles ; le plaisir de la mélodie fait que
les hommes de son temps chantent des hymnes à Dieu ; mais peu à peu,
à travers les âges, les chanteurs passeront du plaisir de la mélodie à la
véritable piété ; ils deviendront eux-mêmes les instruments harmonieux, bien
rythmés, aptes au culte rationnel.
Ici s'achève Γ« argument sur le psaume 1 ». Par une simple phrase de
transition, Nicétas passe au prooimion du psaume 1 . Ce prooimion présente
des considérations méthodologiques et révèle une part des sources patris-
tiques de Nicétas David. Aussi est-il nécessaire de le résumer rapidement,
avant de le commenter conjointement avec Γ« argument sur le psaume 1 ».

3.2. Le prooimion est constitué de deux parties. Tout d'abord la définition du


but du psaume 1 (2V-3V). Ensuite l'évocation du patronage de Basile (3V-4V).
3.2.1. Nicétas passe au «commencement des psaumes», c'est-à-dire au
psaume 1. Il rappelle un principe méthodologique qu'il a déjà énoncé :
il faut commencer par dégager l'argument de chaque psaume, autrement
dit son but ; l'exégèse de détail devient alors aisée, grâce à la mise en œuvre
des règles de la cohérence logique, de l'acolouthie. Le but, l'argument, du
psaume 1 est double : 1. le psaume 1 annonce la révélation de celui qui
est véritablement heureux, le Christ, ainsi que la ruine de ses adversaires ;
2. il présente à l'avance la vie conforme à l'Evangile, la « perfection de
la vie selon Dieu » ; mais cela, il le fait de manière concise : il « ramasse »
en une formule unique, en une seule béatitude, ce que, plus tard, les
Evangiles développent longuement, dans les Béatitudes. Cette double
révélation, seul celui qui est véritablement heureux, qui est au-delà de
tout bonheur et qui veut que l'homme prenne part à sa béatitude, seul
Dieu peut la faire ; c'est Dieu en personne qui prononce le prooimion du
psaume 1, c'est-à-dire les versets 1 et 2 : «Heureux Γ homme qui n'a pas
cheminé dans la volonté des impies, gui ne s'est pas trouvé sur la voie des
pécheurs, qui ne s'est pas assis sur le siège des fléaux, mais dont la volonté
est dans la loi du Seigneur et qui méditera dans sa loi nuit et jour » ; dans
LE COMMENTAIRE SUR LES PSAUMES DE NICÉTAS DAVID 257

le passage qui précède cette citation, Dieu est longuement défini par une
série de noms, d'adjectifs et de participes, qui sont d'abord affirmés tels
quels, puis affirmés sur le mode de l'éminence (superlatifs, composés en
hyper-, substantifs en auto-).
3.2.2. L'énonciation des versets 1 et 2 est immédiatement suivie d'une
longue enumeration de « titres » parallèle à l'énumération précédente ;
elle procède de la même façon, une série de noms, d'adjectifs ou de parti
cipes, parfois d'origine scripturaire, selon la même méthode de l'affirmation
et de l'éminence; mais le réfèrent auquel elle s'applique n'est pas précisé
tout de suite ; toutefois ce ne peut être Dieu, puisque le réfèrent est présenté
comme le plus eminent après le Christ; il est le second de ce dernier;
chacun des termes de 1 'enumeration mériterait un commentaire; c'est
seulement à la fin de l'énumération que le réfèrent est «nommé», sans
toutefois que son nom soit véritablement prononcé, par l'utilisation de
l'adjectif royal (βασίλειος) et du substantif royauté (βασιλεία). Quelle est
la fonction de ce panégyrique de Basile de Césarée ? Nicétas David rappelle
que Basile a commenté les Ecritures et qu'en particulier il a composé un
prooimion des psaumes (autrement dit Γ Homélie 1 sur les Psaumes, qui,
de fait, commente le seul verset 1). Mais, ajoute Nicétas David, le projet
de Basile était de commenter l'ensemble des psaumes. S'il avait pu mener
à terme son projet, son propre travail aurait été inutile. Mais Basile n'a pas
pu accomplir sa tâche, pour deux raisons : 1. il avait d'autres activités
intellectuelles ; 2. les hommes de son temps n'étaient pas dignes de sa
science. Nicétas a comme projet de combler la lacune laissée par Basile ;
pour ce faire, il lui suffira de faire fructifier les semences laissées par l'admi
rablejardinier qu'a été Basile.
Le prooimion s'achève par une invocation adressée à Dieu, source de
toute science, et à ses saints intercesseurs, dont Basile. Sûr de la valeur
de son travail, qui est garantie par Dieu et Basile, Nicétas David demande
l'attention de ses lecteurs, appelés «hommes pieux»; il passe alors à
l'explication de détail du psaume 1, verset par verset; il serait fastidieux
de résumer cette exégèse, à laquelle nous nous contenterons de nous référer
lorsque cela sera utile.

4. Connotations byzantines

4.1. La tradition patristique de Γ exégèse spirituelle


L'auteur de la présente étude est un spécialiste de patristique ; en consé
quence, il se propose d'insister surtout sur les résonances patristiques
que présente le ComPs de Nicétas David. Toutefois, pour ne pas fausser
258 G. DORIVAL

les perspectives, il importe de signaler quelques traits qui dénotent que


l'on a affaire à un Commentaire d'époque byzantine, et tout d'abord
l'importance accordée à la tradition patristique, du moins lorsqu'il s'agit
de la tradition de l'exégèse spirituelle. C'est ce que Nicétas David appelle
« la fondation des Pères ». Toutefois, la position de Nicétas par rapport
à cette tradition n'est pas tout à fait claire. Dans l'argument sur le psaume 1,
il affirme qu'il ne sert à rien de répéter les anciens et qu'il faut apporter
des éclaircissements nouveaux ; Nicétas se pose ainsi en novateur conscient.
Toutefois, le prooimion paraît nuancer sérieusement les choses ; s'il innove,
dit-il, c'est parce que la situation l'y contraint : Basile n'a pas mené à
bien son projet de commenter l'ensemble des psaumes. Novateur conscient
ou novateur forcé ? La référence à la tradition patristique reçoit-elle une
traduction réelle ou bien est-elle un lieu commun, une simple clause de
style ? Il faudra examiner la question lorsque nous en viendrons à l'origi
nalité du ComPs. Ce qu'il faut dire déjà, c'est que ce ComPs se situe dans
la grande tradition de l'exégèse spirituelle. Nicétas David refuse l'expli
cation selon la lettre et selon l'histoire pour deux raisons. Une raison
d'opportunité d'abord : de telles interprétations existent et sont satisfai
santes; on aimerait savoir à quels commentaires il songe ; nous aurons
l'occasion de revenir sur ce point. La seconde raison est une raison de
fond : l'explication littérale et historique est inadéquate à la nature des
psaumes, qui ne sont pas des textes historiques, mais qui sont les paroles
mêmes de Dieu, prononcées aujourd'hui même. Cette argumentation
rappelle fortement celle que les tenants de l'exégèse spirituelle chez les
Pères présentaient ; chez Origène, par exemple, il y a la même idée d'inadé
quation entre l'exégèse historico-littérale et l'Ecriture : celle-ci est en
quelque sorte banalisée, aplatie, si on l'interprète à la lettre ; car elle a trait
aux mystères chrétiens, aux doctrines relatives au Père, au Fils et à l'Esprit,
aux réalités spirituelles ; le but de l'Esprit qui inspire l'Ecriture est de montrer
le lien qui existe, non entre des événements, mais entre les réalités spiri
tuelles, passées, présentes et à venir.
Nicétas veut donc pratiquer l'exégèse spirituelle ; et c'est d'ailleurs elle
qu'il met en œuvre concrètement, en bannissant toute remarque historique
ou textuelle dans son ComPs. Pour la réalisation de cette exégèse, il faut
suivre le principe herméneutique donné par Paul en 1 Cor. 2, 13 et « rap
procher les réalités spirituelles des réalités spirituelles ». Ce principe avait
déjà été énoncé par Origène6 ; chez Origène il s'agit d'un procédé d'éluci-

6. ComPs 1, 3, cité par la Philocalie, II, p. 382528 Robinson ; CCels VII, 11 ; ComMt
X, 15; XI, 18; XIV, 14; XVII, 6, etc.
LE COMMENTAIRE SUR LES PSAUMES DE NICÉTAS DAVID 259

dation de passages scripturaires difficiles : pour comprendre un texte


obscur, par exemple un texte où Dieu est appelé « homme », il faut regrouper
les textes analogues employant le même langage, les rapprocher et ainsi
on pourra dégager le véritable sens. 1 Cor. 2, 13 ne fonctionne pas ainsi
chez Nicétas David, chez lequel il a une valeur heuristique plus générale ;
en tant que réalités spirituelles, les textes psalmiques doivent être interprétés
de réalités spirituelles qui leur correspondent ; les plus spirituels d'entre eux
concernent Jésus ; les moins élevés doivent être rapportés aux saints ; les
textes intermédiaires doivent être compris de Jésus et de la Jérusalem des
saints ; Jésus, la Jérusalem céleste, les saints forment ainsi l'ensemble des
êtres spirituels dont il est question dans les psaumes.
En définitive, c'est une interprétation spirituelle très traditionnelle,
centrée sur la personne du Christ, que propose Nicétas David. Plus originale
semble être la justification de cette exégèse. Nous n'avons pas su découvrir
à qui précisément Nicétas David était redevable du principe d'1 Cor. 2, 13
et nous serions reconnaissant à quiconque nous donnera des indications.

4.2. La tradition des méthodes scolaires


La méthode exégétique mise en œuvre ne situe pas seulement Nicétas
David dans la tradition de l'exégèse spirituelle des Pères. Par d'autres
aspects, elle renvoie à des catégories d'analyse d'origine scolaire largement
diffusée dans l'Antiquité tardive7. L'analyse de chaque psaume, nous dit
Nicétas David, commence par un prooimion, qui dégage la signification
et le but de chaque psaume, puis continue par une recherche littérale,
verset par verset, qui établit la signification de chaque unité de sens en
accord avec le but initialement dégagé. Dans aucun Commentaire sur les
psaumes, le schéma d'analyse n'est exposé aussi rigoureusement, mais
aucun de ces éléments n'est nouveau. Le premier temps de l'analyse consiste
à dégager le but de chaque psaume ; ce but, il faut le noter, est explicitement
identifié par Nicétas David à l'argument même du psaume. Une telle
méthode est couramment pratiquée dans la tradition patristique ; Eusèbe
l'utilise systématiquement pour les psaumes d'Asaph8 ; le Pseudo-Atha-
nase9, Hésychius10 et Théodoret11 commencent l'analyse de chacun des

7. Ainsi que l'a bien montré Marie-Josèphe Rondeau, D'où vient la technique
exégétique utilisée par Grégoire de Nysse dans son traité Sur les titres des psaumes ?,
Mélanges H.-C. Puech, Paris 1974, p. 263-287.
8. Psaumes 72 à 82 : PG 23, 821^-836^.
9. PG 27, 60-545 ; sur l'authenticité du texte, cf. G. Dorival, Athanase ou Pseudo-
Athanase ?, Rivista di Storia e Letterat lira religiosa, 1980, p. 80-89.
10. PG21, 649-1344.
11. PG 80, 857-1997.
260 G. DORIVAL

psaumes par la détermination de l'argument du psaume. Une telle méthode


a une origine scolaire ; on la trouve pratiquée également dans la tradition
néoplatonicienne de Jamblique et de l'école d'Athènes : chaque dialogue
a un skopos en fonction duquel doit se comprendre le détail ; toutefois,
dans ce dernier cas, la méthode est systématisée : le skopos est unique ;
par exemple le Timée a pour but unique la science de la nature ; la tradition
patristique n'a pas retenu cette méthode du skopos unique, à l'exception
de Grégoire de Nysse, chez lequel le psautier en son entier a un skopos
unique, l'ascension vers la béatitude12. Chez Nicétas David, il y a éven
tuellement pluralité de skopos; par exemple, le skopos du psaume 1 est
double.
Au moins dans le cas du psaume 1, la détermination du skopos se fait
au moyen d'une autre méthode scolaire traditionnelle, qu'on a appelée
le principe de l'initiale prégnante13 ; le début d'une œuvre contient en
germe l'ensemble de l'œuvre ; ce principe d'explication est bien connu dans
la rhétorique et la philosophie grecques. Si certains, explique Proclus,
affirment que la justice est le skopos de la République, c'est parce que la
justice est la première question posée dans l'ouvrage. De la même façon,
dans la première homélie de Basile Sur les psaumes, c'est le verset 1, et
même les deux premiers mots « bienheureux l'homme », qui porte en lui
le sens de tout le psaume l14; voilà pourquoi, d'ailleurs, il suffit de com
menter le verset 1 pour avoir commenté tout le psaume ; en expliquant
le début d'une œuvre, on a expliqué par avance, en esquisse, toute l'œuvre.
Ce principe, Grégoire de Nysse l'a porté à un degré de systématisation
extrême : le premier mot « bienheureux » détermine la visée de tout le
psautier, qui est de mener l'homme à la béatitude, et pas seulement du
psaume 1. Nicétas David, lui, ne sort pas du cadre pluriel du psautier.
Le second temps de l'analyse, l'exégèse de détail, repose sur le principe
de l'acolouthie, de la cohérence et de la suite logique. Cette acolouthie
revêt un double aspect : 1. les versets s'enchaînent logiquement à l'intérieur
d'un psaume ; 2. chaque verset est un développement du sujet initialement
dégagé ; autrement dit un psaume est un enchaînement logique de versets
qui forment un tout cohérent. Il s'agit là d'un principe d'explication de
textes d'origine scolaire, pratiquée dans les écoles rhétoriques et philoso
phiques ; il est bien illustré dans les Commentaires des psaumes, en parti-

12. Sur les titres des psaumes dans J. McDonough, Gregori Nysseni opera, V, Leyde
1962, p. 24-175.
13. Marie- Josephe Rondeau, art. cit., p. 282-284.
14. PG 29, 209-228.
LE COMMENTAIRE SUR LES PSAUMES DE NICÉTAS DAVID 261

culier chez Eusèbe de Césarée et chez Grégoire de Nysse, mais aussi chez
Hésychius et le Pseudo-Athanase.

4.3. Un thème byzantin caractéristique, le refus de la musique instrumentale


Cette fidélité à la tradition patristique n'est pas le seul trait caracté
ristique de l'époque byzantine qu'on trouve dans le ComPs de Nicétas
David. Parmi les thèmes développés dans l'hypothèse sur le psaume 1, il
en est un qui est typiquement byzantin, et qui est trop bien connu pour
qu'on s'y attarde longuement. C'est l'extrême méfiance de Nicétas à
l'égard de la musique instrumentale ; on sait que cette méfiance allait dans
l'ensemble du monde byzantin jusqu'au refus ; Nicétas doit donc justifier
David d'utiliser des instruments ; David tolère la musique instrumentale,
parce qu'elle est un remède à la paresse et à la négligence spirituelles ; mais
il est bien entendu que la véritable piété se passe des instruments de musique ;
le seul instrument de musique qui plaît à Dieu, c'est le chanteur lui-même ;
pour Nicétas, pas de doute que la musique vocale byzantine représente
un progrès spirituel par rapport à la musique instrumentale du temps
de David.

5. RÉSONANCES PATRISTIQUES

A côté de ces connotations byzantines, le ComPs est riche de résonances


patristiques. L'on a déjà vu la référence à l'exégèse spirituelle des Pères.
A cet égard, on peut signaler que Nicétas David reprend au début de son
ComPs un thème typiquement patristique de l'exégèse spirituelle : selon
lui, il y a un lien indissoluble entre l'exégèse et la vie spirituelle ; l'activité
exégétique est impossible à qui ne se sanctifie pas ; l'exégèse suppose la
piété. On reconnaît là un thème récurrent d'Origène et des Cappadociens.
Mais il y a dans le ComPs des échos patristiques plus précis. Si l'on suit
l'ordre d'apparition de ces échos, l'on peut dire que le ComPs est écrit
sous le double signe du Pseudo-Denys et de Basile de Césarée.

5.1. Nicétas David utilisateur du Pseudo-Denys


Le ComPs s'ouvre par la citation de Jacques 1,17, tout comme la Hiérar
chie Céleste15 ; une seule autre œuvre commence par cette citation : les
Actes anonymes de Barypsabas16. Seraient-ils de Nicétas David, auteur,
nous le verrons, de panégyriques ? Qu'il y ait dans l'ouverture du ComPs
une imitation consciente du début de la Hiérarchie Céleste, on ne saurait

15. Denys l'Aréopagite, La Hiérarchie céleste, SC n° 58, Paris 1958.


16. Ada Sanctorum Septembris, III, Paris et Rome 1868, p. 498-500.
262 G. DORIVAL

en douter, quand on lit les premières pages du Commentaire, nourri du


vocabulaire et de certains thèmes du Pseudo-Denys. Vocabulaire de la
divinité d'abord : Dieu le Père est « bonté originelle », « principe dispen
sateur du bien »17 ; le Christ-logos est « principe de bonté », « hypersage »,
interprète « très révélateur » des paroles1 8 ; l'Esprit Saint est « hypercéleste »i9.
Vocabulaire de la connaissance ensuite : le but est la « connaissance de
la vérité », qui est aussi « connaissance du sacré »20 ; cette connaissance
est «simple», «unitive» et «spirituelle»21; on l'atteint grâce aux
« dits théarchiques », grâce aux « paroles théarchiques de Dieu »22 ; la
métaphore de la lumière et de la révélation est fréquente pour parler de
la connaissance de Dieu. Vocabulaire de l'initiation perfective encore,
dont l'origine est le langage mystérique : Dieu, Père, Fils et Esprit, est
« initiateur à la perfection », « initiateur au sacré »23 ; le Christ « initie
à la perfection » ses disciples ; il a inauguré Γ« initiation perfective »24.
Cet aspect dionysien du vocabulaire est tel que certains hapax légomena
de Nicétas David peuvent, au premier abord, être pris pour des mots du
Pseudo-Denys ; ainsi l'adjectif άγιαρχικός, qualifiant la perfection du Christ
et signifiant à peu près que cette perfection est principe de sainteté. On
trouvera, dans l'Annexe 1 qui est donnée à la fin de notre étude, un choix
de mots caractéristiques communs à Nicétas David et au Pseudo-Denys.
Mais Nicétas David n'emprunte pas seulement son vocabulaire au
Pseudo-Denys. Certains thèmes lui sont, plus ou moins adroitement,
empruntés. Par exemple, à côté du vocabulaire de la lumière hyperlumineuse
qui désigne l'expérience de la connaissance de Dieu, on trouve le thème
de l 'inconnaissance, de la ténèbre et du silence pour décrire l'expérience
mystique ; Dieu est alors l'inconnaissable, le ténébreux, l'indicible ; voici
en quels termes nous est présenté Basile : « (il) comprenait la ténèbre
secrète du silence initiatique, parce qu'il se trouvait hors de toute sensation,
de toute pensée, en un mot de tous les êtres ; (...) il avait accédé à la pro
fondeur de l'hyperinconnaissable »25.
Autre thème récurrent, celui des noms divins, envisagés sous le double

17. αρχηγική άγαθότης (ligne 10), αρχή άγαθοδότις (13).


18. άγαθαρχικός (10-11), ύπέρσοφος (10), έκφαντορικώτατος (16).
19. ύπερουράνιος (26).
20. άληθογνωσία (31), ίερογνωσία (181).
21. απλή et ενιαία (30-31, 284, 393), πνευματική (31).
22. θεαρχικα λόγια (5), θεαρχικαΐ θεολογίαι (27).
23. τελετάρχης (118), ίεροτελεστής (157).
24. τελετουργεϊν (114), τελετουργία (119).
25. Lignes 161-163.
LE COMMENTAIRE SUR LES PSAUMES DE NICÉTAS DAVID 263

aspect de l'affirmation et de l'éminence. D'un long développement sur


Dieu d'où il ressort que c'est Dieu lui-même qui prononce le verset 1 du
psaume 1, on peut tirer les noms divins suivants : bonté, justice, sainteté,
sagesse, grâce, béatitude, essence, divinité, principe, initiateur26. Mais ces
noms divins doivent être appliqués à Dieu sur le mode de l'éminence et
de la transcendance : d'où des définitions comme « essence en soi hyper-
essentielle », « divinité en soi hyperdivine », « bonté en soi hyperbonne »,
« principe hyperprincipiel »27. Il y a ainsi tout un thème de la transcendance
divine qui est fortement affirmé.
Toutefois il ne faudrait pas vouloir retrouver dans le ComPs de Nicétas
David le mouvement même de la pensée dionysienne dans toute sa richesse
et sa cohérence. La hiérarchie du monde si complexe chez le Pseudo-Denys
se réduit ici à une simple opposition entre l'humilité de l'homme et l'émi
nence de Dieu, sans véritables intermédiaires ; la science hiérarchique du
Pseudo-Denys n'a en conséquence pas de véritable place ici : elle se réduit
à deux degrés; ou elle est ou elle n'est pas; autrement dit, il n'y a pas
chez Nicétas David de véritable mouvement dialectique et de stades dans
la connaissance. Par ailleurs, si l'on excepte les noms d'inconnaissable, de
ténèbre et de silence donnés à Dieu dans le passage consacré à Basile,
il n'y a pas de véritable théologie négative, sous la forme de négation de
l'affirmation, chez Nicétas ; il y a en réalité simple juxtaposition de termes,
sans véritable orientation de sens ; les noms divins se présentent sous la
forme d'une enumeration dont la signification n'est pas claire ; on a le
sentiment que Nicétas David aurait pu l'arrêter ou qu'il aurait pu la pour
suivre sans fin. Plus grave même, lorsque Nicétas manipule la négation, il
le fait d'une manière dont le résultat est quelque peu incohérent ; dans le
passage consacré à Basile, il mêle le vocabulaire de l'expérience mystique
comme illumination et révélation d'en haut avec le vocabulaire de l'expé
rience mystique comme inconnaissance ; cela donne le curieux mélange
suivant : « (Basile) connaissait la connaissance de l'hyperinconnaissable
qui est au-delà de l'esprit grâce à l'aveuglement et à l 'inconnaissance
hyperlumineux »28.

5.2. Le modèle basilien


Le second patronage qu'il faut signaler est le patronage de Basile de
Césarée. L'éloge de Basile n'est pas simplement rhétorique. Car c'est à

26. Lignes 134-151.


27. ύπερούσιος αύτοουσία, ύπέρί>εος αύτοθεότης, ύπεράγαθος αύταγαθότης, ύπερ-
άρχιος αρχή.
28. Lignes 163-165.
264 G. DORIVAL

Basile que Nicétas a emprunté le schéma même de son « argument sur le


psaume 1 », ainsi que certains de ses thèmes.
Le titre du ComPs est « argument sur le psaume 1 » ; apparemment
ce titre est erroné : comme on l'a vu, les f. 1-2V forment en réalité une
Préface à l'ensemble des psaumes; la pratique de la Préface en tête d'un
Commentaire sur les psaumes est d'ailleurs habituelle ; la Préface reçoit
des noms divers, prooimion, prothéôria (Théodoret) ou encore hypothesis
sur les 150 psaumes. Faut-il dès lors corriger le titre de Nicétas David
par exemple en «argument sur les 150 psaumes»? En réalité il n'en est
rien. La pratique de faire une introduction générale au psautier à propos
du psaume 1 est attestée chez Origène (Commentaire du psaume 1 dans la
Philocalié). Mais c'est surtout l'Homélie 1 Sur les psaumes de Basile qu'il
faut citer ici29 ; cette homélie analyse le verset 1 du psaume 1 ; elle fait
précéder l'analyse du verset 1 d'un assez long texte qui est en réalité une
Préface au psautier; elle commence par la citation de 2 Tim. 3, 16 « toute
l'Ecriture est inspirée et utile » ; suivent des considérations sur les divers
aspects de cette utilité ; le psautier apparaît ainsi comme un trésor qui
contient toutes les richesses; ensuite seulement Basile passe au comment
aire du psaume 1. On voit que la démarche de Basile et celle de Nicétas
David sont identiques.
Que Nicétas David se soit inspiré de cette démarche fait d'autant moins
de doute que l'on retrouve dans son « argument sur le psaume 1 » un thème
démarqué du thème principal contenu dans le début de l'homélie de Basile.
Nicétas David expose que les psaumes ont une signification générale
(dynamis katholou) : ils forment un condensé de toute l'Ecriture, une
sorte de table des matières ; ils contiennent en effet des récits historiques,
des prophéties, des passages doctrinaux, des actions de grâces, des hymnes,
des prières, de la littérature de sagesse et des commandements. Basile
déclare, lui, que le psautier « prophétise l'avenir, rapporte des histoires,
légifère pour la vie, montre ce qu'il faut faire »30 ; on y trouve aussi « la
parole de Dieu parfaite, l'annonce du séjour du Christ dans la chair, la
menace du jugement, l'espérance de la résurrection, la crainte du châtiment,
les promesses de la gloire, les révélations des mystères ; tout est thésaurisé
dans le livre des psaumes, comme dans un grand trésor public»31 ; bref
le psautier résume l'Ancien et le Nouveau Testament, sous tous leurs
aspects ; chaque psaume peut être catégorisé d'une manière propre.

29. PG 29, 209-228.


30. PG 29, 212^.
31. PG 29, 213s.
LE COMMENTAIRE SUR LES PSAUMES DE NICÉTAS DAVID 265

6. L'originalité du ComPs de Nicétas David

6.1. Originalité de la thématique


II ne faudrait pas croire cependant que la dépendance de Nicétas David
à l'égard de Basile soit servile. En réalité Nicétas se dégage de son influence
aussi bien dans son exégèse d'ensemble que dans son exégèse de détail.
Une idée essentielle contenue dans l'Homélie sur le psaume 1 de Basile,
c'est que le prooimion du psaume, c'est-à-dire le verset 1, dégage la signi
fication (dynamis) du livre des psaumes; les mots «heureux l'homme»
sont à l'ensemble des psaumes ce que les fondations sont à la maison, la
quille au navire et le cœur au corps ; autrement dit le psautier en son entier
a pour finalité la béatitude. Rien de tel chez Nicétas David, pour lequel
le psautier a un aspect essentiellement pluriel ; chaque psaume possède sa
dynamis propre et rien n'unifie vraiment l'ensemble des dynameis (du moins
en l'état actuel de notre connaissance du ComPs). Indépendance de Nicétas
David par rapport à Basile dans l'exégèse de détail maintenant. Un exemple
le montrera ; on sait que Basile a commenté le verset 1 du psaume 1 ; dès
lors on pourrait croire que Nicétas n'a rien à en dire, puisqu'il n'y a pas
de lacune chez Basile ; en réalité Nicétas donne un commentaire qui est
fort différent de celui de Basile ; on y trouve des remarques complètement
absentes de l'homélie de Basile ; ainsi, déclare Nicétas, au lieu de « ne pas
cheminer dans la volonté » et de « ne pas se trouver sur la voie », il aurait
été plus correct selon certains que David eût dit l'inverse (« ne pas cheminer
sur la voie », « ne pas se trouver dans la volonté ») ; en réalité l'expression
de David est très heureuse, car elle insiste sur le rejet radical et originel
du mal par le bienheureux du verset 1. Aucune remarque de ce type chez
Basile, qui, lui, est sensible à l'aoriste des verbes : nul ne peut être dit
« heureux » avant d'avoir achevé sa vie sur cette terre.
Novateur par rapport à Basile, Nicétas David l'est également par rapport
aux grands commentateurs du psautier, par rapport à la tradition patris
tique. De ce point de vue, son ComPs contraste fortement avec le ComPs
d'Euthyme Zigabène, d'un siècle postérieur32 ; ce dernier ComPs est, lui,
caractéristique de l'importance de la tradition patristique dans l'exégèse de
détail ; en effet il est pratiquement une chaîne sans sigles d'auteurs ; à peu
près toutes les phrases sont empruntées aux grands Commentaires anté
rieurs, littéralement ou sous forme de résumés, et tout particulièrement au
ComPs de Théodoret. Rien de tel chez Nicétas. Bien entendu il est possible
de faire des rapprochements de thématique; mais l'originalité de l'exégèse

32. PG 128.
266 G. DORIVAL

de détail est frappante. Donnons-en un exemple : le commentaire du


verset 5a du psaume 1 «voilà pourquoi les impies ne ressusciteront pas
au moment du jugement » ; l'interprétation la plus habituelle de ce verset
(mais non la seule), depuis Clément d'Alexandrie, c'est que les impies ne
ressusciteront pas au moment du jugement parce qu'ils sont déjà jugés
et condamnés, conformément à Jean 3, 1833 ; comme l'explique Théodoret,
les impies ressusciteront non pour le jugement (krisis), mais pour la
condamnation (katakrisis)34' ; ainsi que l'expose Didyme, seuls ressus
citeront les pécheurs, pour le jugement, et les justes, pour la vie éternelle35 ;
l'idée de Nicétas David est différente : selon lui, la résurrection de tous
le jour du jugement est indubitable, car elle est attestée par toute l'Ecriture
(Nicétas cite Ecclés. 12, 14, Act. 24, 15, 1 Cor. 15, 52 et 1 Pierre 2, 12);
le rapprochement de Ps. 1, 5a avec Jean 5, 29, qui distingue entre « résur
rection de vie » et « résurrection de jugement », lui fournit la solution ; le
verset 5a présente une omission ; si l'on rétablit le membre de phrase omis,
on obtient : « les impies ne ressusciteront pas au moment du jugement
pour la résurrection de vie » ; ils ressusciteront pour la résurrection du
jugement36. Bien entendu cette exégèse tient du tour de passe-passe, puis
qu'elle fait dire au verset le contraire de ce qu'il énonce littéralement;
mais elle est, semble-t-il, originale. Ce seul exemple ne suffit pas à établir
l'originalité de Nicétas David et il faudrait multiplier les analyses précises.
Cela ne pourra être fait qu'avec la publication du ComPs. Pourtant il
me semble que l'on peut avancer, avec prudence, que Nicétas David, au
sein d'une tradition d'exégèse spirituelle depuis longtemps constituée, est
un novateur. De là d'ailleurs l'intérêt de son ComPs. On peut peut-être
trouver une justification à cette innovation dans une idée présentée par
Nicétas David lui-même : les hommes de son époque sont devenus aptes
à recevoir l'enseignement spirituel dont n'étaient pas encore dignes les
contemporains de Basile37.

6.2. Originalité de la démarche


Mais l'originalité la plus frappante du ComPs de Nicétas David réside
dans une innovation qu'il apporte au cadre traditionnel de Vhypomnèma.
Après la définition du but de chaque psaume et l'analyse littérale par

33. Clément d'Alexandrie, Stromates, II, 69, 1 : GCS 52, Berlin 1960, p. 149.
34. PG 80, 872.
35. Fragment n° 6 dans E. Mühlenberg, Psalmenkommentare aus der Katenen-
überlieferung, I, Berlin et New- York 1972, p. 123.
36. Lignes 365-383.
37. Lignes 177-187.
LE COMMENTAIRE SUR LES PSAUMES DE NICÉTAS DAVID 267

unité de sens selon les règles de l'acolouthie, Nicétas David introduit une
parénèse éthique, indiquée à chaque psaume par une abréviation ; cette
parénèse consiste à récapituler, sous la forme d'exhortations, de conseils,
de bilan moral, l'enseignement de chaque psaume. Je ne connais pas de
parallèle à cette parénèse dans les Commentaires patristiques et byzantins.
Il semble qu'il y ait là une innovation, dont il faut dégager rapidement
la portée. Les psaumes sont la parole actuelle de Dieu, explique Nicétas38 ;
l'existence de la parénèse permet de compléter cette formule : ils sont la
parole actuelle de Dieu pour chacun des lecteurs du ComPs, eux que
Nicétas qualifie de «pieux»39; autrement dit, ils sont une parole qui
interpelle chacun individuellement. Débutant selon la forme du comment
aire traditionnel, chaque exégèse s'achève ainsi selon la forme homilétique.
De cette manière Nicétas David jette un pont entre les deux principales tra
ditions de l'exégèse patristique, qu'il unifie en quelque sorte dans une forme
nouvelle. Son ComPs apparaît ainsi comme l'œuvre d'un véritable créateur.

7. Nicétas David

Est-il possible de préciser qui est « Nicétas dit aussi David, serviteur de
Jésus-Christ, le philosophe » ? On le distingue complètement de Nicétas
de Byzance, le philosophe, auteur d'une Réfutation de la lettre du roi
d'Arménie et d'une Réfutation de Mahomet, qui est d'une génération
antérieure40. En revanche faut-il le distinguer de Nicétas Paphlagôn,
philosophe et rhéteur, disciple et ami d'Aréthas ? C'est en tout cas l'avis
que formulait, il y a vingt ans, J. Darrouzès41. Si l'on suit cet avis, il résulte
un inconvénient pour notre connaissance de l'auteur du ComPs ; en effet,
autant la carrière, l'œuvre et le caractère de Nicétas ami d'Aréthas sont
relativement bien connus, autant la vie et l'œuvre de Nicétas David pré
sentent des zones d'obscurité : il aurait vécu, semble-t-il, au milieu du
10e siècle, aurait été un antiphotien convaincu et aurait été évêque de
Dadybra, en Paphlagonie ; il aurait écrit la célèbre Vie d'Ignace42, un
Martyre de Georges43, les Scholies sur Grégoire de Nazianze44, ainsi qu'un

38. Ligne 24.


39. Ligne 192.
40. PG 105, 587-842.
41. J. Darrouzès, Inventaire des épistoliers byzantins du Xe siècle, REB 18, 1960,
p. 126-127.
42. PG 105, 488-581.
43. Cf. F. Halkin, Bibliotheca hagiographica graeca, I, Bruxelles 1957, p. 214.
44. PG 38, 681-842.
268 G. DORIVAL

Commentaire de VEvangile de Luc connu par des extraits cités dans la


chaîne de Nicétas d'Héraclée sur Luc45. Mais faut-il distinguer les deux
Nicétas ? Depuis quelques années, la tendance est plutôt à les unifier.
Pour R. J. H. Jenkins il y a un seul Nicétas, qui a vécu dans la première
moitié du 10e siècle ; c'est le disciple d'Aréthas ; il est dit « rhéteur» parce
que professeur et « philosophe » par son genre de vie ascétique ; toutefois
il ne fut jamais évêque de Dadybra46. La mise au point la plus récente
sur la question est, à notre connaissance, un article publié en 1975 par
L. G. Westerink47 ; dans cet article, L. G. Westerink édite deux textes
de « Nicétas le Paphlagonien le philosophe » sur la fin du monde ; il fait
précéder cette édition d'une notice sur la vie de Nicétas ; de cette notice,
il ressort que Nicétas le Paphlagonien est le même que celui qui est appelé
« le rhéteur », « le philosophe », « le serviteur de Jésus-Christ » et « David ».
Son importance dans l'histoire de l'hagiographie est considérable : on
connaît de lui au moins cinquante panégyriques, dont plusieurs restent
inédits ; d'autres sont à repérer ; on doit le considérer comme le plus
productif et le plus important des écrivains hagiographes avec Syméon
Métaphraste48. Nicétas a été mêlé de près à l'affaire de la tétragamie,
d'abord aux côtés d'Aréthas contre l'empereur et le patriarche, puis,
lorsqu'Aréthas a fait volte-face, seul contre tous. A la suite de cette affaire,
il se retire (ou doit se retirer) au monastère Agathos, où il passe deux années.
Y a-t-il prononcé ses vœux ? Selon L. G. Westerink, la désignation « Nicétas
dit aussi David », où l'on peut supposer que David est le nom monastique
de Nicétas49, est assez rare dans les manuscrits, ce qui peut correspondre
au fait que Nicétas a prononcé ses vœux relativement tard; toutefois,

45. PG 105, 575-578.


46. R. J. H. Jenkins, A note on Nicétas David Paphlago and the Vita Ignatii, DOP
19, 1965, p. 241-246.
47. L. G. Westerink, Nicétas the Paphlagonian On the End of the World, Essays
in memory of Basil Laour das, Thessalonique 1975, p. 177-195.
48. L'œuvre hagiographique de Nicétas David est partiellement éditée en PG 105,
15-488 (20 logoi) ; les lacunes sont progressivement comblées ; c'est ainsi que, récemment,
J. J. Rizzo {The Encomium of Gregory Nazianzen by Nicetas the Paphlagonian, Bruxelles
1976) a fait connaître le texte grec d'une œuvre hagiographique qu'on ne connaissait
que par une traduction latine de François Combefis {PG 105, 439-488).
49. Mais est-il sûr que David soit le nom monastique de Nicétas ? On peut faire
remarquer, tout d'abord, que, normalement, le nom monastique se substitue purement
et simplement au nom antérieur, ce qui n'est pas le cas ici ; on peut ajouter que, souvent,
le nom monastique et le nom d'origine débutent par la même lettre de l'alphabet. On
peut aussi songer à d'autres hypothèses : Nicétas aurait été surnommé David à cause
de sa belle voix de chanteur ou encore pour avoir commenté le psautier. A notre sens,
la question reste ouverte.
LE COMMENTAIRE SUR LES PSAUMES DE NICÉTAS DAVID 269

ajoute L. G. Westerink, pour se prononcer, il faudrait avoir dressé l'inven


tairecomplet des manuscrits des œuvres de Nicétas. La datation de ses
œuvres est délicate à établir, en dehors de certaines de ses lettres50. La
fin de la carrière de Nicétas n'est pas connue. L'analyse des œuvres de
Nicétas, en particulier celle de sa correspondance, permet à L. G. Westerink
de préciser le caractère, quelque peu « mégalomane », et surtout les idées
théologiques de l'ami d'Aréthas.
Nous voudrions apporter quelques compléments à la figure qu'a des
sinée L. G. Westerink. Tout d'abord, un argument qui n'a pas été signalé,
à notre connaissance, en faveur de l'unité des Nicétas : pour Nicétas
d'Héraclée, qui vit un siècle et demi après Nicétas David, il ne fait pas
de doute qu'il s'agit du même homme ; dans le texte de sa chaîne au psaume
41, 8, il l'appelle «mon homonyme, au double nom, le Paphlagonien »,
tandis qu'en marge l'on trouve « Nicétas dit aussi David » ; l'adjectif
«au double nom» ne peut concerner que «Nicétas dit aussi David»51.
Pour l'érudition de la fin du 11e siècle, il n'y avait qu'un unique Nicétas
David le Paphlagonien. C'est une opinion qui doit au moins être prise en
compte.
Second point concernant l'influence du Pseudo-Denys sur Nicétas David :
dans le manuscrit d'Istanbul, Panaghias 1, aux f. 121V-127V, on lit un pané
gyrique du Pseudo-Denys composé par « Nicétas David le Paphlagonien » ;
cela illustre l'intérêt qu'il portait au Pseudo-Denys. Il faut aller plus loin.
Les représentants du premier humanisme byzantin, tel Aréthas, se sont
intéressés de près au Pseudo-Denys, qu'ils citent. En ce sens on peut dire
que Nicétas David est caractéristique de son temps.
Troisième point concernant les relations entre Aréthas et Nicétas David.
Aréthas a composé une homélie sur le psaume 1, qu'il présente comme
un complément à la première homélie de Basile52 ; en effet, cette homélie
n'a pas été complétée par Basile, contrairement à son intention initiale ;
il est du devoir de l'un de ses successeurs sur le siège de Césarée de compléter
cette lacune (υστέρημα, le même mot que celui employé par Nicétas
David) ; suit le commentaire de chaque verset. Cette homélie a-t-elle un

50. Elles constituent les nos 84 à 89 des Arethae Scripta Minora, II, éd. L. G. Westerink,
Leipzig 1972.
51. Ό δέ ομώνυμος έμοί και διώνυμος Παφλαγών d'après les Athon. Dion. 114
et Xerop. 184 (όμ. κ. διώ. έμοί Vatic. Palatin, gr. 247); Νικήτα του και Δαβίδ dans
tous les manuscrits.
52. Il s'agit du texte n° 3 des Arethae Scripta Minora, I, éd. L. G. Westerink, Leipzig
1968, p. 19-29.
270 G. DORIVAL

rapport avec le ComPs de Nicétas David ? En dehors de la référence


commune à Basile et à sa « lacune », non : la thématique, les citations
et la méthode ne sont pas les mêmes ; même leurs intentions sont diffé
rentes : Aréthas veut combler la lacune du commentaire de Basile aux
versets 2 à 6 du psaume 1, au moyen d'une unique homélie; l'intention
de Nicétas David est beaucoup plus globale : compléter toutes les lacunes
de Basile au psautier. L'impression d'hétérogénéité entre les deux œuvres
est telle que l'on se demande si Nicétas David connaît l'homélie d'Aréthas
(et réciproquement). Toutefois il y a peut-être une allusion à l'homélie
d'Aréthas lorsque Nicétas expose l'inutilité d'une exégèse littérale, puisque
cette tâche a été menée à bien par ses prédécesseurs ; or Aréthas se livre
à une telle exégèse ; par exemple, il commente le redoublement de l'expres
sion ούχ οΰτως au verset 4, il analyse les différents sens du mot κρίσις au
verset 5 (condamnation, procès, discernement intellectuel) ; il y a donc
peut-être une allusion à l'homélie d'Aréthas chez Nicétas David. Mais
s'il y a allusion, il y a du même coup une pointe discrète contre l'homélie
d'Aréthas : Nicétas David en effet critique l'exégèse littérale comme inadé
quate à la réalité profonde des psaumes. De cette manière, l'on aurait un
indice de datation du ComPs : 1. il serait postérieur à l'homélie d'Aréthas,
dont la date est malheureusement inconnue ; toutefois on sait qu 'Aréthas
a occupé le siège de Césarée au tout début du 10e siècle ; 2. puisque le
ComPs contient une discrète critique d'Aréthas, il date probablement de
la période où les relations entre les deux hommes sont quelque peu tendues,
à partir de 907 ; cette date correspond à l'époque où Nicétas a dû se retirer
dans un monastère et où il est devenu, sinon moine, du moins un chrétien
menant un genre de vie proche du monachisme ; on peut imaginer que
Nicétas David a saisi cette opportunité pour composer son ComPs.

8. Edition et traduction de l'« argument sur le psaume 1 » et du


commentaire sur le psaume 1 (f. 1-9)

Notre intention est d'éditer et de traduire l'ensemble du ComPs de


Nicétas David dans les années qui viennent. Il s'agit là d'une tâche de
longue haleine, puisque l'unique manuscrit actuellement connu comporte
363 folios. Aussi proposons-nous ici, à titre de prémices en quelque sorte,
l'édition et la traduction des premières pages du texte.
Le texte grec et la traduction française se font face ; le texte grec est
numéroté toutes les cinq lignes de manière continue. Le Leidensis Vossianus
gr. F. 42 étant un manuscrit unique, nous avons indiqué le passage d'une
page à une autre (c'est-à-dire d'un recto à un verso et d'un verso à un
LE COMMENTAIRE SUR LES PSAUMES DE NICÉTAS DAVID 271

recto) par le signe conventionnel || , et le passage de la première à la seconde


colonne de chaque page par le signe conventionnel |. Nous avons respecté,
autant que possible, la ponctuation du Vossianus, notamment en ce qui
concerne les articulations du texte : chaque fois que le procédé décrit au
début de notre étude (p. 253) est présent, nous sommes passé à la
ligne, même si le développement en cours n'est en fait pas achevé ; en ce
dernier cas, le passage à la ligne ne s'accompagne pas de l'utilisation d'une
ponctuation forte (le point) et de la lettre majuscule (au début du nouveau
paragraphe).
Le Leidensis Vossianus gr. F. 42 est un manuscrit d'une lisibilité parfaite,
à l'exception du folio 1 recto, qui a souffert sans doute de l'humidité :
plusieurs lettres ont çà et là disparu, mais elles se laissent en général facil
ement reconstituer. Il faut ajouter que le Vossianus est un manuscrit soigné ;
il ne contient à peu près aucune faute ni orthographica : nous ne proposons
que deux corrections, aux lignes 161 et 273 du texte grec ; cependant, il y a
quelques erreurs dans l'accentuation (à moins que les principes d'accen
tuation ne soient quelque peu différents des nôtres), ainsi que dans l'util
isation des esprits et des élisions ; comme il est d'usage, nous ne signalons
aucun de ces phénomènes dans l'apparat. Enfin, nous avons suivi le
Vossianus en ce qui concerne la présence ou l'absence du -v éphelcystique.
De ces différentes remarques, il est aisé de conclure à la rareté de la présence
de l'apparat critique.
L'apparat scripturaire est normalement situé sous l'apparat critique ;
les éditions de référence sont la Septante d'A. Rahlfs et le Nouveau Testa
ment de K. Aland et alii ; les citations littérales sont imprimées en italiques ;
les allusions sont imprimées normalement, mais sont précédées de l'indi
cation cf. dans l'apparat.
La disposition de la traduction suit celle du texte grec. Les citations
littérales de l'Ecriture sont traitées dans la page de traduction comme
dans la page du texte grec : elles sont imprimées en italiques. Il y a quel
ques appels de note dans la traduction : ils correspondent à des passages
pour lesquels un éclaircissement a paru indispensable. Dans la mesure du
possible, nous avons tenté de respecter la coloration dionysienne du ComPs
en utilisant, pour les termes caractéristiques, les traductions proposées
par M. de Gandillac (SC n° 58) et par R. Roques, L'univers dionysien :
structure hiérarchique du monde selon le Pseudo-Denys, Paris 1954.
272 G. DORIVAL

Νικήτα του και Δαβίδ δούλου ' Ιησού Χρίστου του φιλοσόφου
ύπόθ·εσις εις τδν α' ψαλμόν

Πάσα δόσις αγαθή καϊ παν δώρημα τελειον άνωθεν εστί καταβαινον από
τον πατρός των φώτων, αποστολική και θεόπνευστος έξηγήσατο γραφή.
5 Χρή δε και ημάς θεαρχικών λογίων εξηγήσεως τιθεμένους αρχήν, οΐά τίνα
κρηπίδα στερραν και. θεμέλιον τών ημετέρων λόγων άκλόνητον, την ίεραν
έκείνην προκαταβαλεΐν θεηγορίαν δι' ής ύπομιμνησκόμεθα ή διδασκόμεθα
ώς ουδέν τω αντί. χρηστόν, ουδέν άγαθον δλως ανθρώπων ούδενί, ου λόγος,
ου πραξις, ου διανόημα, δ μη παρά του επουρανίου πατρός, οΐά τίνος πηγαίας
10 και αρχηγικής άγαθότητος, ύπερεκβλύζον δια τής ύπερσόφου και άγα-
θαρχικής του συμφυούς θεού λόγου προνοίας εν τω παρακλήτω χορηγείται,
και τοΰτο σαφώς είδότας ολικώς τε | και συντεταμένως μετ' ευλάβειας άπάσης
προς αυτήν άνατείνεσθαι την άγαθόδοτιν αρχήν χρεών, βίω μέν ήγνισμέ-
νους και άγαν έκκεκαθαρμένους θεοπρεπεΐ, λόγον δέ προς αυτής αιτουντας,
15 πάσης μέν έπιτετηδευμένης άνώτερον φιλοτιμίας, μόνων δέ τών άνωθεν
καταβαινουσών εννοιών, έκφαντορικώτατον και σαφέστατον τών ιερών
λογίων εξηγητήν, δι' οδ δοξασθήσεται μέν ομολογουμένως ό τών απάντων
παροχεύς αγαθών, οίκοδομηθήσεται δέ ή εκκλησία και λαός ο κτιζόμενος
κατά τήν άληθεστάτην του πνεύματος πρόρρησιν αινέσει τον κνριον.
20 "Οθεν έμοί μέν οΰν οΰτω μέγας και πάντων αγώνων μέγιστος ό άγων
επί τήν θείαν άρτι τών θείων ψαλμών άνάπτυξιν προθυμουμένω φόβου τε
κομιδή και αγωνίας πληρουμένω, ώς ουκ άνθρωπίνοις ρήμασιν ούδ' ώς
Δαβίδ εκείνου του υίου Ίεσσαί ή τίνος άλλου τών κατ' αύτον διανοίας
άποφθέγμασιν, άλλ' ώς θεού τω άρτι φωναΐς, ουκ έξ ορούς τινός ώς πάλαι
25 τω παλαίω φωνουμέναις δι' αγγελικών στομάτων 'Ισραήλ, άλλ' ώς εκ τών
f. 1ν ουρανών | δια τοΰ ύπερουρανίου πνεύματος έμβοωμέναις έντεύξεσθαι
μέλλοντι, και ώς θεαρχικαΐς ταύταις προσβάλλοντι θεολογίαις. Διο και
πάσης μέν τής κατά το γράμμα και τήν ίστορίαν ερμηνείας, ώς και τοϊς
προ ημών ίκανώς έκφανθείσης ήδη και ποικίλαις διατρανωθείσης έξηγήσεσι,
30 το περιπέζιόν τε και μέτριον παρήσειν μοι δοκώ" μόνης δέ της απλής και
ενιαίας και πνευματικής άληθογνωσίας, ώς οίον τε και ώς αυτή δίδωσιν ή
χάρις του πνεύματος, νοεραΐς θεωρίαις έπιβατεύοντες, ούτως ήλπίκαμεν
πνευματικά συγκριναι, κατά τον θείον άπόστολον, πνενματικοΐς. "Οσα μέν
θεοπρεπή και μόνης τής Ίησοΰ μεγαλειότητος άξια εις μόνον εκείνον

Codex Leidensis Vossianus gr. F. 42 (= L), f. 1-9


5 οΐτινα L 7 .κ 'νην L 12 όλικω_ τε L | μετευλαβ ..ας L 16 ενν "ν L
17 λογουμένως L 19 αίνέσ , L 20 "θενμοί L 21 προθυμρυμένψ L
LE COMMENTAIRE SUR LES PSAUMES DE NICÉTAS DAVID 273

De Nicétas dit aussi David, serviteur de Jésus-Christ, le philosophe,


argument sur le psaume 1

Toute donation bonne, tout don parfait, vient d'en haut et descend du père des
lumières : voilà ce qu'a expliqué l'Ecriture apostolique et inspirée de Dieu.
Nous aussi, au moment où nous commençons l'exégèse des dits théarchiques,
il faut que nous mettions en tête, comme une solide base et une fondation
inébranlable de nos propos, cette sainte parole de Dieu ; grâce à elle, nous nous
rappelons ou nous apprenons que rien de réellement bien, rien de complètement
bon, n'arrive à aucun être humain, ni parole, ni action, ni pensée, qui ne jaillisse
surabondamment du Père céleste, comme d'une source et d'un principe de bonté,
et qui ne soit dispensé dans le Paraclet par la providence, suprêmement sage et
principe du bien, du logos de même nature que Dieu. Et cela, il faut que nous
le sachions clairement pour atteindre totalement et intensément, avec une piété
complète, le principe qui donne le bien, en étant sanctifiés et parfaitement purifiés
par une vie digne de Dieu, en demandant au principe qui donne le bien le logos,
tandis que tout notre zèle est occupé en haut et que seules les idées d'en haut
descendent, en le demandant comme exégète très révélateur et très clair des
saints dits ; grâce à lui sera glorifié unanimement le donateur de tous les biens
et sera édifiée l'église, tandis que le peuple créé louera le Seigneur, selon la
prédiction très vraie de l'Esprit.
Voilà pourquoi sans aucun doute le combat est si grand pour moi, le plus
grand de tous les combats; car, ce que j'ai à cœur maintenant, c'est la divine
explication des divins psaumes, et je suis rempli complètement de crainte et
d'angoisse ; car je pense que je vais examiner non pas des mots humains, ni même
des sentences spirituelles du grand David, fils de Jessé, ou de quelque autre
comparable à lui ; mais je pense que je vais examiner les paroles actuelles de Dieu,
qui ne sont pas adressées, comme autrefois, depuis quelque montagne, par la
bouche des anges, à l'ancien Israël, mais qui sont prononcées depuis les cieux
par l'Esprit supracéleste ; et je pense que, en ces paroles, je me confronte aux
paroles théarchiques de Dieu. C'est pourquoi il me semble bon d'omettre dans
ce qui va suivre le côté terre à terre et simple de toute interprétation selon la
lettre et selon l'histoire, dans la mesure où cette dernière a été suffisamment
rendue manifeste par nos prédécesseurs et a été rendue claire par des exégèses
variées ; en revanche, en parcourant, autant qu'il est possible et autant que la
grâce de l'Esprit l'accorde, les contemplations intelligentes de la seule connais
sance de la vérité, connaissance qui est simple, unitive et spirituelle, nous avons
pensé de cette manière, selon l'expression du divin apôtre, rapprocher les réalités
spirituelles des réalités spirituelles; tout ce qui convient à la majesté divine et
qui est digne de la seule grandeur de Jésus, nous le lui rapportons saintement

3-4 Jac. 1, 17 18-19 Ps. 101, 19b 33 cf. 1 Cor. 2, 13


274 G. DORIVAL

35 αναφερόντες εύαγώς, δσα δέ των λογίων της άγιαρχικής εκείνου καθυφεΐται


τελειότητος ώς άγιοπρεπή τοις εκείνου μετόχοις αρμοδίως προσανοίσομεν.
"Εστί δέ ά και κοινή πάσι προσανεκτέα τοις άγίοις, προηγουμένως μέν αύτω
δηλαδή τω των αγίων άγίω και νοητω νυμ|φίω Χριστώ, δευτέρως δέ και
τη έπουρανίω του θεού νύμφη, τη των πρωτοτόκων εκκλησία, λέγω Σιών,
40 αναλόγως της των πάντων αγίων άγιότητος, της ιεράς τών λογίων εννοίας
πανιέρως τοις δλοις εφαρμοζόμενης.
"Ωσπερ δέ τοις του θεοΰ τέκνοις ή τε ΰμνησις και ό έ'παινος αναλόγως
της αυτών αρετής εκ τών θεοπνεύστων λογίων προκεκήρυκται, οΰτως εκ
τών αυτών τοις άσεβέσιν κατά το της κακίας αυτών μέτρον ή δυσφημία
45 έπικρεμάννυται και αρά.
Οδτος μέν οδν ό τρόπος και της έξηγήσεως ήμΐν ό σκοπός μήτε πάντη
τοις πρεσβυτέροις ταυτολογεΐν περιττον γάρ· μήτ' οδν τήν εκείνων έ'ννοιαν
άθετεΐν άτοπον γάρ· πνευματικήν τε και ώφέλιμον οδσαν δηλονότι ώς
κατά καιρόν υπ' αύτοΰ του αγίου πνεύματος οίς ηθέλησε χορηγουμένην.
50 Έπί γουν τόρ τών ιερών πατέρων ημείς έποικοδομοΰντες θεμελίω και
εί' τι λεΐπον προς διασάφησιν πλείω της εν τοις λογίοις αληθείας παρά
f. 2 τον δίδοντος θεοΰ πασιν απλώς και μη όνειδίζοντος || αιτούντες και μέντοι
πίστει πιστεύοντες άδιακρίτω λαβείν, εντεύθεν ήδη της προτεθείσης ήμϊν
υποθέσεως άψόμεθα, της τε κατά τήν λέξιν συντομίας και σαφήνειας της
55 τε κατά τήν έ'ννοιαν πιθανότητος και αληθείας ώς οιοί τέ έσμεν πεφροντικοτες,
πάσι τρόποις εύπαράδεκτον καλήν τε και Οτι μάλιστα ήδεΐαν πραγματευσό-
μεθα τη εκκλησία του θεοϋ τήν οικοδομήν, πρώτον μέν τήν εκάστου ψαλμού
δύναμιν δια του προοιμίου και τον δλον προαναθεωροΰντες και άνακαθαί-
ροντες σκοπόν, είτα τήν κατά μέρος έ'ννοιαν προς τον σκοπόν ακολούθως δια
60 της κατά λέξιν έρεύνης ακριβώς άναπτύσσοντες και οΰτως έπί τέλει βραχεϊαν
εις το ήθος παραίνεσιν έπιλέγοντες και οΰτω καταπαύοντες τήν ωδήν.
Προ δέ της κατά μέρος εξετάσεως άναγκαΐον είδέναι καθόλου τίς και
ποταπή ή δύναμις τών ψαλμών, οτι της ιεράς και θεοπνεύστου γραφής
πάσης συγκεφαλαίωσις ήτοι σύνοψις ύπάρ|χειΦ δσα γαρ διεξοδικοΐς εκεί
65 λόγοις άνατέτακται και μακροϊς, είτε ίστορίαι τών θαυμάσιων έ'ργων του
θεοϋ, ε'ίτε μελλόντων προφητεϊαι, ε'ίτε δογμάτων ύψηγορίαι θειοτέρων, εϊτε
δοξολογίαι και ΰμνοι και προσευχαί, εΐ'τ' οδν ήθικαί παραινέσεις και διδασκα-
λίαι, έξείργουσαι μέν της κακίας, ρυθμίζουσαι δέ άνθρωπον προς άρετήν
και τον τέλειον κατά θεόν ύποτυποΰσαι βίον, ταΰτα πάντα συντετμημένως
70 οι ψαλμοί και δια βραχυλογίας παριστώσιν ύπερφυοϋς.

39 Hébr. 12, 23 42 cf. Jn 1, 12 43 cf. Ps. 1, 1-3; 1 Cor. 4, 5; Ephés. 1, 6;


1 Pierre 1, 7 44-45 cf. Ps. 1, 4-6; 2 Pierre 3, 7 (?); Jude 4-16 49 cf. Col. 1,
LE COMMENTAIRE SUR LES PSAUMES DE NICÉTAS DAVID 275

à lui seul ; en revanche, tous les dits qui sont inférieurs à la perfection de Jésus,
qui est principe de sainteté, nous les attribuerons de manière appropriée à ceux
qui ont part à Jésus, dans la mesure où ils conviennent aux saints ; certains propos
encore doivent être rapportés en commun à tous les saints, à titre principal au
Christ lui-même, autrement dit le saint des saints et l'époux intelligible, et, en
deuxième lieu, aussi à l'épouse céleste de Dieu, V église des premiers-nés, je veux
dire Sion, en proportion de la sainteté de tous les saints ; le sens saint des dits
correspond en effet très saintement à tous ensemble.
Mais, si les dits inspirés de Dieu ont annoncé à l'avance hymne et louange
pour les enfants de Dieu en proportion de leur mérite, en revanche, les mêmes dits
tiennent critique et malédiction en suspens sur la tête des impies, selon la mesure
de leur méchanceté.
Voilà donc la méthode et le but de notre exégèse : ne répéter en aucune façon
les anciens ; car c'est superflu ; inversement ne pas rejeter, car ce serait inconvenant,
leur manière de comprendre, quand elle est spirituelle et utile, c'est-à-dire quand
elle est dispensée à propos par l'Esprit Saint lui-même à ceux qu'il a voulus.
Ce qu'il y a de sûr, c'est que nous édifierons sur la fondation des saints Pères
et, s'il y a quelque place pour un éclaircissement plus poussé de la vérité contenue
dans les dits, nous demanderons de le recevoir de Dieu qui donne à tous simplement
sans faire de reproche et assurément nous aurons foi, d'une foi qui n'hésite pas,
que nous le recevrons ; et alors, à ce moment-là, nous aborderons le projet que
nous nous sommes proposé, en ayant le souci, autant que nous sommes capable,
de la concision et de la clarté du style, ainsi que de la plausibilité et de la vérité
du sens ; et nous composerons pour l'Eglise de Dieu un édifice accueillant par
tous ses aspects, beau et très agréable; en premier lieu, dans l'exorde, nous
commencerons par examiner et nous éclaircirons la signification de chaque
psaume, ainsi que son but d'ensemble ; ensuite, au cours de la recherche mot à
mot, nous expliquerons avec soin le sens de détail en accord avec le but d'ensemble ;
et, de cette manière, pour finir, nous ajouterons une courte exhortation concernant
la conduite et, de cette manière, nous mettrons fin au chant.
Mais avant l'examen de détail, il faut savoir quelle est la signification globale
des psaumes ; quelle est-elle ? Elle consiste dans un résumé, c'est-à-dire une vue
d'ensemble, de toute l'Ecriture sainte et inspirée ; tout ce qui se trouve développé
dans l'Ecriture dans des discours étendus et longs, que ce soit les récits des actions
admirables de Dieu, les prophéties sur l'avenir, les considérations sublimes sur les
doctrines très divines, les actions de grâces, les hymnes et les prières, que ce soit
encore les exhortations et les enseignements moraux, qui écartent la méchanceté,
qui conforment l'homme à la vertu et qui ébauchent la vie parfaite selon Dieu,
tout cela les psaumes le présentent de manière condensée et selon une brièveté
surnaturelle.

27 (?) 51-52 Jac. 1, 5 53 cf. Me 11, 24 et Jac. 1, 6


276 G. DORIVAL

Ψαλμούς δέ τους ύμνους και τας αινέσεις ταύτας δια τήνδε κεκλήσθαι
την αίτίαν ψαλτήριον γάρ αυτό δη το μουσικόν όργανον και κιθάραν νάβλαν
τε και κινύραν και τα δμοια, πάλαι μεν εις τέρψιν άνθρώποις δια Ίουβαλ
υιοΰ Λάμεχ καταδεδειγμένα, καθώς φησιν ή γραφή" ό βασιλεύς ταΰτα
75 άνενεώσατο Δαβίδ* βουλόμενος γαρ οία φιλόθεος και φιλάνθρωπος πολλούς
της θείας αίνέσεως κοινωνούς προσπαραλαβεΐν και ταύτη δοξάζειν μεν επί
f. 2ν πολύ τον θεόν, το έκμελές δέ των πολλών ανθρώπων και ράθυμον εις ||
θεοσέβειαν άναπτερουν ίεράν άνακαινίζειν μέν ού παρέργως τα ειρημένα
μουσικά όργανα ωετο δεϊν υπ' αύτοΐς δέ κρουομένοις και ταΐς των δακτύλων
80 ψαυομένοις άφαϊς και εΰηχον συνυπηχοΰσι φθογγήν τους κατ' αυτόν ύμνους
προσήδεν πάνδημον εύφροσύνην ένθεαστικώτατα συγκροτών τας γουν ώδας
ταύτας ψαλμούς δια το ως επί πολύ τω ψαλτηρίω οργάνω χρήσθαι προς την
έξύμνησιν ώνόμαζον το δέ έποίει ούχ δτι πάντως τοΐσδε τοις κρότοις έπιτερ-
πόμενον ήδει τον θεόν.
85 'Αλλ' ώσπερ ό μακάριος Μωυσής πρό αύτου τον νήπιον παιδαγωγών
'Ισραήλ, έπεί μη δυνατώς είχεν άλλως αυτόν της είδωλολατρείας και των
άθεσμών αιμάτων άποστήσαι, συγχωρεί μέν τας θυσίας, εις τον θεόν δέ
ταύτας άναφέρειν νομοθετεί είδώς ως εύκαίρως της πνευματικής λατρείας
αναφαινομένης και αϊ ζωοθυσίαι συγκαταργηθήσονται τω γράμματι, οΰτω
90 και ό θείος Δαβίδ" επειδή πολλήν είδεν την περί τους μουσικούς ήχους και
κρότους της ανθρωπινής ψυχής φιληδονίαν, τούτου χάριν ύ|πό τοις εΐρημένοις
τούτοις όργάνοις ύμνεΐν παρεκελεύετο τον θεόν ίν' ει μή τω τής θεοσέβειας
σκοπώ, τη γουν ηδονή του μέλους τέως προς ομνησιν άναπτερώνται" έ'πειτα,
ήνίκα καιρός, τών περιβομβούντων περιπεφρονηκότες κρότων, αυτοί
95 εαυτούς οι ώιδοί λογικά και ευαίσθητα, εΰρυθμά τε και έναρμόνια δια
λόγου και θεωρίας, ήτοι πίστεως και αγάπης όργανα κατασκευάσαντες,
τω θεώ θυσίας αίνέσεως άνοίσουσι θελητάς, ενδοθεν μέν τον νουν άρρήτοις
έπιψαυόμενοι του πνεύματος έπαφαΐς, λογικήν δέ λατρείαν και αϊσιον
αΐνον δια στόματος άνακρουόμενοι.
100 Επειδή οδν ταΰθ' οοτω καλώς εϊρηται, φέρε δή λοιπόν έπ' αυτήν ήδη
τών θεοπνεύστων ψαλμών χωρώμεν την αρχήν. Πρότερον δέ τίς ή περιοχή
εΐτ' οδν ύπόθεσις του προκειμένου διασκεψώμεθα ψαλμού* αΰτη γαρ επί
πάντων οία σκοπός εύστόχως προανακηρυττομένη σαφή και εύέφοδον τήν
κατά μέρος έξήγησιν γίνεσθαι παρασκευάζει' και προς αυτήν άφορώντες δ τε
f. 3 τών λογίων εξηγητής δ τε τούτων ακροατής και προς || τον σκοπόν τήν
δλην τής ερμηνείας κατευθύνοντες άκολουθίαν ουποτ' αν ευχερώς διαμάρτοιεν
τής αληθείας.

74 cf. Gen. 4, 21 75 cf. 1 Par. 16, 4-42 86 cf. Ex. 32 87 cf. Gen. 9, 4-6
et Lév. 17, 11-14 88 cf. Lév. 1-7 | cf. Rom. 12, 1 96 1 Thess. 3, 6; 5, 8; 1
LE COMMENTAIRE SUR LES PSAUMES DE NICÉTAS DAVID 277

Voici la raison pour laquelle les hymnes et les louanges dont nous parlons
ont reçu le nom de psaumes : les instruments de musique étaient précisément le
psaltérion lui-même, la cithare, la lyre, la harpe et les instruments analogues ; ils
avaient été inventés autrefois pour le plaisir des hommes par Ioubal fils de
Lamech, comme le raconte l'Ecriture ; ces instruments, le roi David leur a donné
une nouvelle vie ; il voulait, en tant qu'ami de Dieu et ami de l'homme, s'adjoindre
beaucoup de participants à la louange divine et de cette manière rendre souvent
grâce à Dieu et faire monter le caractère dissonant et frivole de la masse des
hommes vers la sainte piété ; il pensait qu'il fallait redonner vie de manière
sérieuse aux instruments de musique ci-dessus cités ; il s'accompagnait sur ces
instruments, il en jouait, il les touchait par le contact des doigts et eux faisaient
un écho harmonieux ; David chantait les hymnes qu'il avait composés, en provo
quant la joie de tout le peuple par son inspiration. Donc ces chants, on les appelait
psaumes, parce qu'on utilisait en général pour la cantilation l'instrument psal
térion. Mais si David agissait ainsi, ce n'est pas du tout qu'il croyait que Dieu
prît plaisir à ces notes.
En fait il agissait comme le bienheureux Moïse avant lui, lorsqu'il faisait
l'éducation du jeune Israël : comme il ne lui était pas possible de détacher Israël
de l'idolâtrie et de la consommation défendue du sang en faisant autrement, il
admet les sacrifices, mais il impose comme loi de les offrir à Dieu ; car il savait
que, puisque le culte spirituel se manifesterait en temps opportun, les sacrifices
d'animaux eux aussi deviendraient inutiles en leur lettre. Le divin David agissait
de la même manière : quand il se rendit compte que l'âme humaine prenait plaisir
aux modes et notes de la musique instrumentale, il recommanda d'adresser des
hymnes à Dieu en s 'accompagnant des instruments susdits ; son but était le
suivant : faire que les hommes en ce temps -là soient poussés à chanter des hymnes,
sinon dans un but de piété, du moins par plaisir de la mélodie ; ensuite, lorsque
ce sera le moment, pleins de mépris pour l'accompagnement de notes instru
mentales, les chanteurs, s 'étant transformés eux-mêmes en instruments rationnels,
sensibles, bien rythmés, harmonieux, grâce à l'activité de leur raison et de la
contemplation, c'est-à-dire de leur foi et de leur charité, les chanteurs offriront
à Dieu des sacrifices volontaires de louange ; car leur intelligence au-dedans
est touchée par le contact ineffable de l'Esprit et ils préludent par leur bouche
un culte rationnel et une louange appropriée.
Donc, étant donné que cette question est ainsi réglée correctement, eh bien, arr
ivons-en maintenant au commencement même des psaumes inspirés. Tout d'abord
examinons quel est le contenu, c'est-à-dire l'argument du psaume que nous lisons ;
cet argument, s'il est énoncé en tête, pour tous les psaumes, avec sagacité, comme
but, rend l'exégèse de détail claire et facile. Et si l'exégète des dits, tout comme
leur auditeur, garde les yeux fixés sur cet argument, s'il accorde avec ce but la suite
logique de l'interprétation, il ne pourra jamais facilement s'égarer hors de la vérité.

Tim. 1, 14; 2 Tim. I, 13 98 cf. Rom. 12, 1


278 G. DORIVAL

"Εοικε τοιγαροΰν δ πρώτος ψαλμός διττόν ήμίν ύπαγορεύειν σκοπόν


τόν τε γαρ αληθώς μακαριώτατον και τών αγίων απάντων άγιώτατον
110 άποκαλυφθησόμενον προαγορεύει και την τών έναντιουμένων αύτω ως
άσεβων ύποφητεύει καταστροφήν όμου δέ και ύποτύπωσιν ήμΐν βίου
τελειότατου και άγιοπρεπεστάτου προανακηρύττει* έδει γαρ τον αρχήν
ΰμνοις θείοις και διδάγμασιν ευσέβειας προκαταβαλλόμενον τέλειόν τε
οντά και τελετουργεϊν τους μαθητιώντας άγαθοπρεπώς έθέλοντα την
115 τελειότητα τούτοις της κατά θεόν προαναφωνήσαι πολιτείας, ίνα προς
αυτήν ώς τέλος αρετής οδσαν πάσης όρώντες εύθυβόλως συντείνοιντο προς
αυτήν.
"Οπερ οδν ύστερον ό πρώτος και μόνος τελετάρχης τών όλων έποίει
Χρίστος της ευαγγελικής προς τους ιερούς μαθητας αρχόμενος τελετουργίας,
120 τούτο προ|λαβόν ενταύθα το πνεύμα του Χρίστου διά του προοιμίου ποιείται
τών ψαλμών δσα γαρ έκεϊ τήν θεολογίαν δια τών καθ' έκαστα πλατύνων
μακαρισμών εύαγγελικώς και άνηπλωμένως ό κύριος νομοθετεί, ταΰτά γε
πάντα συγκεφαλαιούμενον και ένοειδώς άπό τών μήπω χωρειν το πλάτος της
διδασκαλίας δυναμένων άποδιαστέλλον ενταύθα και συμπτύσσον το πνεύμα
125 το άγιον δια βραχυλογίας παρεγγυα, μακάριον είναι φάσκον τόν έκκλίνοντα
μέν άπό του τής αμαρτίας κακού, τω του θείου δέ νόμου προσφυόμενον
άγαθώ' ή γοΰν τών ασεβών μέν και αμαρτωλών και λοιμών παντελής ύπανα-
χώρησις, έπιτεταμένη δέ και επιμελής περί τόν του κυρίου νόμον θέλησις
και έ'φεσις και ή εν αύτω νυκτός και ημέρας ήτοι δι' δλου του βίου μελέτησίς
130 τε γνησία και διαπόνησις τής ψυχής ουδέν άλλο, κατά γε τόν ήμέτερον
νουν, ή ό εύαγγελικώτατος βίος και τρόπος καθίσταται, δς δή και τής
θεαρχικής άγαθότητος και τής του μακαρίου θεωνυμίας κατά μέθεξιν υπό
f. 3ν του φύσει μακαρίου καταξιοΰται θεού. ||
"Εστί γαρ ώσπερ αγαθός και δίκαιος και άγιος και σοφός, φύσει μέν και
135 κυρίως και αληθώς, ό τών δλων θεός ώς άγαθότητος πάσης και δικαιοσύνης
αγιότητας τε και σοφίας υποστάτης και χορηγός* δευτέρως δέ κατά τήν
ύπερβλύζουσαν έξ αύτοΰ χάριν και τους αύτου μετόχους αγαθούς και δικαίους
αγίους τε και σοφούς αναλόγως τής κατ' άρετήν τελειότητος άποδείκνυσιν,
ούτω και μακάριος φύσει μέν και πρώτως εκείνος ό μόνος, ό είς, ό ων και
140 άεί ών και ωσαύτως ών και ύπερων, ή ύπερούσιος αύτοουσία, ή ύπέρθεος
αύτοθεότης, ή ύπεράγαθος αύταγαθότης, ή άείζωος και άίδιος και ύπεράρχιος
αρχή, ό όντως τέλειος και πάσης τών τελειουμένων τελειότητος τελετάρχης,
ό πάσης έξηρημένος και ύπερηρμένος περιπεζιας ύφέσεως και ταπεινότητος
ουσίας τε πάσης και φύσεως ύπερουσίως και ύπερφυώς ύπερανωκισμένος,

127 cf. Ps. 1, 1 128-129 cf. Ps. 1, 2a 129 cf. Ps. 1, 2b


LE COMMENTAIRE SUR LES PSAUMES DE NICÉTAS DAVID 279

Ainsi donc le premier psaume nous paraît indiquer un double but : il prédit
la révélation de celui qui est vraiment bienheureux, du plus saint de tous les saints,
et il prophétise la ruine de ses adversaires, en tant qu'impies ; mais en même
temps il nous annonce à l'avance l'esquisse de la vie très parfaite et très digne
des saints ; il fallait en effet que le psaume qui sert de fondation et de principe
de piété pour les hymnes et les enseignements divins, le psaume qui est parfait,
le psaume qui peut initier les apprentis à la perfection d'une manière qui convient
à Dieu, il fallait que ce psaume leur annonçât la perfection de la vie selon Dieu,
afin qu'ils regardent vers elle, car elle est le terme de toute vertu, et qu'ils se
hâtent vers elle en droite ligne.
Donc, ce que plus tard le premier et le seul initiateur de l'univers, le Christ,
accomplissait en commençant l'initiation évangélique pour les saints disciples,
cela, l'Esprit du Christ le devance ici et l'accomplit dans l'exorde des psaumes;
toutes les lois que le Seigneur expose à la manière de l'Evangile, de façon multiple,
en développant dans ces textes la parole de Dieu à l'aide de l'ensemble des béati
tudes, toutes ces lois, l'Esprit Saint en fait ici le sommaire ; il les énonce et les
ramasse en une formule unique à cause de ceux qui ne pouvaient pas encore
admettre un enseignement développé ; il les recommande de manière concise :
il dit qu'est heureux celui qui s'écarte du mal du péché, celui qui s'attache au
bien de la loi divine ; oui, sont établis ici le total abandon des impies, des pécheurs
et des fléaux, la volonté et le désir intenses et attentifs à la loi du Seigneur, les
sincères méditation et exercice de l'âme dans la loi nuit et jour, autrement dit
pendant la vie entière, rien d 'autre, à notre avis du moins, que la vie et la conduite
les plus évangéliques, vie et conduite que précisément, à cause de la participation
à la bonté théarchique et au nom divin d'heureux, Dieu, qui est heureux par
nature, tient en estime.
En effet le Dieu de l'univers est bon, juste, saint et sage, par nature, au sens
propre et véritablement, dans la mesure où il est créateur et dispensateur de toute
bonté, de toute justice, de toute sainteté et de toute sagesse ; en second lieu, par
la grâce qui jaillit surabondamment de lui, il rend ceux qui prennent part à lui
bons, justes, saints et sages en proportion de la perfection de leur vertu ; de la
même façon, ce Dieu qui est heureux par nature et originairement, ce Dieu qui
est le seul Dieu, qui est unique, qui est, est toujours, est de la même manière et
est au-delà de l'être, lui, l'essence en soi au-delà de l'essence, la divinité en soi
au-delà du divin, la bonté en soi au-delà du bien, le principe qui vit toujours,
éternel, qui est au-delà de tout principe, lui qui est vraiment parfait et qui est
l'initiateur de toute la perfection des initiés, lui qui dépasse et surpasse toute
bassesse et humilité terrestres, lui qui transcende supersubstantiellement et super-
naturellement toute substance et toute nature, lui qui demeure d'une manière
280 G. DORIVAL

145 ό εν πανολβίοις και άμεταβόλοις ίδρύσεσι των δλων ύπεραγνώστως και


άρα|ρότως έστώς αγαθών, ούτος τω οντι μακάριος την φύσιν ών ναι δη και
πάσης μακαριότητος ομολογουμένως υπερκείμενος, κοινωνούς δέ πολλούς
δι' ύπερβολήν χρηστότητος της κατ' αυτόν μακαριότητος έίτ' οΰν άγαθό-
τητος ποιεΐν εθέλων, ποίω δέ τρόπω του τε πράγματος του τε ονόματος της
150 μακαριότητος αύτου τύχοιμεν διδάσκων καί γε χρηστοπρεπώς εν αρχή
τών θεαρχικών τούτων ύμνων ύποδεικνύς ούτωσί προοιμιάζεται.

Μακάριος ανηρ δς ουκ επορεύθη εν βουλή ασεβών και εν δδώ αμαρτωλών


ουκ εστη και επί καθέδραν λοιμών ουκ εκάθισεν άλλ' ή εν τω νόμω κυρίου το
θέλημα αύτοϋ και εν τω νόμω αύτοϋ μελετήσει ημέρας και νυκτός.
155 Ό μακάριος αληθώς καί θείος καί παναγέστατος νους, ή μεγάλη καί
ούρανία της αληθείας φωνή, ό φανότατος ή ύπερφανέστατος της εκκλησίας
λαμπτήρ, ό ίεροτελεστικώτατος, ό ίεραρχικώτατος, ό τών ύπερφαών φωτο
χυσιών σαφέστατος προς ημάς διαπορθμευτής, ό τών ύπερκάλων άγλαιών
f. 4 άξιολογώτατος εξηγητής, ό δεύτε ||ρος της ουρανίου βροντής γόνος, ό τά
160 ένιαίως ήμΐν καί συνεσταλμένως δια του πρώτου θεολογηθέντα πολυφώνοις
θεορρημοσύναις διασαφών, ό τον κρύφιον της ίερομύστου σιγής γνόφον τω
πάσης αίσθήσεως καί νοήσεως καί πάντων απλώς τών όντων εξω γεγονέναι
καταλαβών, καί εις βάθος του ύπεραγνώστου κεχωρηκώς, καί δι' αβλεψίας
ύπερφαοΰς καί άγνωσίας την του ύπεραγνώστου γνώσιν υπέρ νουν αυτός
165 έγνωκώς, καί ώσπερεί πολυχύτοις άστραπαΐς ταΐς οίκείαις καί ήμας
θεηγορίαις φωταγωγών,
ούτος ό Εερώτατος ημών μετά τον μέγαν ίεράρχην άρχιερεύς, μετά τον
πρώτον καθηγεμόνα καθηγητής, μετά τον καλόν άρχιποίμενα καλός ποιμήν,
το δεύτερον σκεύος της εκλογής, ό μέγας τω οντι βασίλειος, το βασίλειον
170 Ιεράτευμα, 6 τής του θεοΰ βασιλείας καί φερώνυμος καί συνώνυμος,
οΰτος εν άλλαις τε πλείοσι τών ιερών γραφών έξηγήσεσι καί δη κάνταΰθα
τω τών ψαλμών προοιμίω την θεοκί|νητον γλώσσαν έπαφιείς άποχρώντως
ταΐς αύτοϋ θεηγορίαις τον ήμέτερον κατηύγασε νουν καί εϊπερ αύτω
έξεγένετο προθυμουμένω πάσαν έξηγήσασθαι τών ιερών ψαλμών την γραφήν,
175 ουθ' ημών οΰτ' άλλων ετι χρεία τυχόν προς ταύτην την έπιχείρησιν ήν ούτω

161 θεορρημοσύναις nos : θ-εορημοσύνοας L

152-154 Ps. 1, 1-2 159 cf. Me 3, 17 167 cf. Hébr. 2, 17 168 cf. Matth.
23, 10 | cf. Jn 10, 11 169 Act. 9, 15 169-170 Ex. 19, 6 cité par 1 Pierre 2, 5
et 9
LE COMMENTAIRE SUR LES PSAUMES DE NICÉTAS DAVID 281

hyperinconnaissable et ferme dans la stabilité pleinement riche et immuable de


tous les biens, ce Dieu qui est par nature réellement heureux, dont on reconnaît
qu'il est au-delà de toute béatitude, qui, à cause de l'immensité de sa générosité,
veut que la multitude prenne part à sa béatitude, c'est-à-dire à sa bonté, qui
enseigne et qui indique généreusement au commencement de ces hymnes théar-
chiques de quelle manière nous pourrons obtenir la réalité et l'appellation de la
béatitude, c'est ce Dieu qui fait l'exorde suivant :

Heureux Γ homme qui n'a pas cheminé dans la volonté des impies, qui ne s'est
pas trouvé sur la voie des pécheurs, qui ne s'est pas assis sur le siège des fléaux,
mais dont la volonté est dans la loi du Seigneur et qui méditera dans sa loi nuit
et jour.
L'esprit vraiment heureux, divin et pleinement saint, la voix grande et céleste
de la vérité, le flambeau très éclatant ou plutôt hyperéclatant de l'église, le
suprême initiateur, le suprême hiérarque, le passeur suprêmement savant qui
nous apporte les illuminations hyperlumineuses, l'exégète suprêmement estimable
des splendeurs hyperbelles, le second fils du tonnerre céleste, l'homme qui expli
quait avec des expressions divines et abondantes les doctrines divines que nous
avait exposées dans une formule unique et de manière brève le premier fils du
tonnerre53, celui qui comprenait la ténèbre secrète du silence initiatique parce
qu'il se trouvait hors de toute sensation, de toute pensée, en un mot de tout ce
qui est, celui qui avait accédé à la profondeur de l'hyperinconnaissable, celui qui,
grâce à l'aveuglement et à l 'inconnaissance hyperlumineux, connaissait par
lui-même la connaissance de l'hyperinconnaissable au-delà de l'esprit, celui qui
nous illuminait nous aussi par ses paroles divines comme par des éclairs multiples,
Lui, le grand prêtre le plus saint après notre grand hiérarque, le maître le plus
saint après le premier guide, le beau berger le plus saint après le beau chef des
bergers, le second vase d'élection, le grand (Basile) vraiment royal, le sacerdoce
royal, lui qui tient son nom de la royauté de Dieu, dont il porte le nom,
C'est lui qui, en se servant de sa langue mue par Dieu dans de très nombreuses
exégèses des Ecritures sacrées, et tout particulièrement ici dans l'exorde des
psaumes54, a illuminé notre esprit d'une manière remarquable par ses paroles
divines ; et s'il lui était arrivé de réaliser son projet, qui consistait à expliquer
toute l'Ecriture des psaumes sacrés, il ne serait sans doute plus besoin ni de nous

53. Le premier fils du tonnerre est Jean, fils de Zébédée (selon Marc 3, 7), que les
auteurs patristiques identifient traditionnellement à Jean l'Evangéliste. La doctrine
exposée dans une formule unique est sans aucun doute « Au commencement était le
logos» {Jean 1,1); cette doctrine, Basile l'a expliquée amplement dans son Homélie 16
{PG 31, 472-481). C'est la raison pour laquelle il peut recevoir le titre de deuxième fils
du tonnerre : il est le frère en théologie de Jean.
54. L'Homélie 1 sur les psaumes {PG 29, 209-228) de Basile consiste en une préface
méthodologique au psautier et un commentaire du seul verset 1 du psaume 1, F« exorde »
du psaume.
282 G. DORIVAL

πνευματικώς τε και θείως και ως αν τις ε'ίποι ούρανίως ό ουράνιος εκείνος


τοις θείοις επέβαλλε νους.
'Επειδή δε ό μεν περί άλλα μυστικά τε και θεία διδάγματα και μυστα-
γωγήματα κατατεινόμενος ταύτην ουκ άπέπλησε την έξήγησιν τάχα δέ
180 ούδ' άξιον εκρίθη τω καιρώ και ταΐς εκείνων γενεαΐς των ανθρώπων τας
έγκεκρυμμένας ταΐς ίεραΐς ταύταις γραφαΐς ίερογνωσίας άποκαλυφθήναι*
ου τολμηρός αν ϊσως ουδέ περιττός νομισθείην εγώ, ει καλών ούτω σπερμάτων
και παρά τοιούτου επιτυχών γεωργού πολυπλασιάζειν έπιχειρήσαιμι τον
καρπόν οΰτε δέ προς αύτου εκείνου ή παντός ανδρός άγαθου και ευγνώμονος
185 μέμψεως άπενέγκαιμι γραφήν, μάλλον δέ οΐμαι και προσεπαινεθήσεσθαι
f. 4ν εϊπερ άξιολό||γους οΰτω και άφορμας παρά του θείου πατρός καλλίστας
λαβών άναπλήσειν ήλπικα τούτου το υστέρημα.
Τοιγαροΰν την πηγαίαν των Ολων έλλάμψεών τε καΐ γνώσεων δια της
εκείνου τε και των πάντων αγίων πρεσβείας έπικαλεσάμενοι κατά την
190 έπιχορηγουμένην ήμΐν προς της ύπεραγάθου τριάδος εννοιαν επί την τών
προκειμένων σαφήνειαν χωρώμεν.
Άξιώ δέ ύμας, ώ άνδρες ευσεβείς, άδίστακτον μέν την διάνοιαν και
συνετήν και εύθή, οξύ δέ μοι και ευήκοον ύποσχεΐν οδς και μετά ακριβείας
τοις λεγομένοις τον νουν έφιστάν.

195 Μακάριος άνήρ δς ονκ επορενθη εν βονλ-η άσεβων και εν όδω αμαρτωλών
ουκ εστη καΐ επι καθέδραν λοιμών ονκ έκάθισεν.
Τών τεχνιτών έκαστος το κατά την αύτου τέχνην έργον εύφυώς άπαρτίσαι
προτιθέμενος πρώτον τα έπιπροσθοϋντα και τήν του γινομένου μορφήν
περικαλύπτοντα μηχανάται περιελεΐν, εϊτα ταΐς παρ' εαυτού τεχνουργίαις
200 κατά | τήν έπιτηδειότητα του προκειμένου τας αρμόζουσας επιμελείας
έπιβάλλων ούτως εις φώς άγει το σπουδασθέν τοΰτο και ό πατήρ ημών ό
εν τοις ούρανοΐς, 6 πνευματικώς ημάς άναγεννών τω θεώ λόγος, δια του
προοιμίου τούδε βαθέως παραδείκνυσιν άμωμους γαρ και τελείους έαυτω
παρισταν βεβουλημένος πρώτον άποδιαστέλλει του χείρονος και ούτω
205 τω κρείττονι προσάγεται, πρώτον έκκλίνειν άπό του κακοΰ παρεγγυα,
είτα τό αγαθόν υποτίθεται ποιεΐν και γαρ ουδέ δυνατόν όλως είναι τήν της
αρετής οίκοδομίαν της κατ' αυτήν εύστοχήσαι τελειότητος, ει μή τα της
κακίας ι'χνη εκ βάθους καρδίας εις τέλος άνασκευασθείη τε και έξαρθείη.
Αύτη μέν ούν καθ' αυτήν ή κακία ούτ' αρχήν ούτε τέλος ώς αόριστος τε
210 και άτακτος έχουσα εν τοις έργαζομένοις αυτήν και αμφότερα έ'χειν υποκρίν
εται.

187 cf. Col. 1, 24 195-196 Ps. 1, 1 201-202 Matth. 6, 9


LE COMMENTAIRE SUR LES PSAUMES DE NICÉTAS DAVID 283

ni d'autres pour cette entreprise ; tant était spirituelle, divine et, pourrait-on dire,
céleste, la manière dont cet esprit céleste comprenait les choses divines.
Mais, parce qu'il s'étendait sur d'autres enseignements et mystères divins et
mystérieux, il ne réalisa pas cette exégèse55 ; peut-être aussi l'époque et les géné
rations des hommes de ce temps-là avaient-elles été jugées indignes de la révélation
des sciences sacrées cachées dans ces écritures sacrées ; aussi ne me considérera-
t-on peut-être pas comme audacieux ni extravagant si, moi qui ai reçu des semences
si belles de la part d'un tel jardinier, j'entreprends d'en multiplier les fruits; et
peut-être n'encourrais-je, de sa part à lui, comme de la part de tout homme
bon et sensé, aucune critique ; je crois plutôt que l'on m'adressera des louanges
si, moi qui ai reçu du père divin des éléments d'une telle valeur et si magnifiques,
j'ai l'espoir de compléter la lacune de Basile.
Ainsi donc invoquons la source de toutes les illuminations et connaissances
par l'intercession de la prière de Basile et de tous les saints ; et, grâce au sens
qui nous a été dispensé par la trinité hyperbonne, passons à l'explication des
versets.
Je vous demande, ô hommes pieux, de m 'accorder une attention résolue,
intelligente et droite, une ouïe fine et docile, et d'appliquer avec discernement
votre esprit aux paroles de l'Ecriture.

Heureux Γ homme qui n'a pas cheminé dans la volonté des impies, qui ne s'est pas
trouvé sur la voie des pécheurs, qui ne s'est pas assis sur le siège des fléaux.
Chacun des artisans qui se propose d'exécuter correctement le travail de son
art entreprend d'abord d'ôter ce qui cache et dissimule la forme de l'objet à
venir ; puis il applique à ses créations les soins adaptés selon le caractère propre
de ce qu'il se propose et de cette manière il amène à la lumière ce qu'il a entrepris ;
c'est cela que notre Père qui est aux deux, le logos qui nous régénère spirituell
ement pour Dieu, montre avec profondeur dans cet exorde ; Dieu, qui voulait
produire pour lui-même des hommes irréprochables et parfaits, sépare d'abord
du mal et ainsi amène au bien ; il recommande d'abord de s'écarter du mal, puis
conseille de faire le bien ; de fait il est absolument impossible que la demeure
de la vertu atteigne la perfection de la vertu, si les traces de la méchanceté ne
sont pas détruites et extirpées du fond du cœur pour finir.
Plus précisément, la méchanceté, prise en tant que telle, n'a ni commencement
ni fin, dans la mesure où elle est non-définie et non-ordonnée ; mais, en ceux
qui l'accomplissent, elle feint d'avoir l'un et l'autre.

55. Basile n'a commenté (sous forme d'homélies) que quelques psaumes. Sur les
17 homélies qui nous ont été transmises sous son nom, seules 14 sont considérées comme
authentiques (sur les psaumes 1, 7, Ubis, 28, 29, 32, 33, 44, 45, 48, 59, 61 et 114).
284 G. DORIVAL

Και καθάπερ επί του άγαθοΰ πρώτον οίον αρχή τις και πρώτη κίνησις
προς τόν κατά θεόν βίον ή προς τούτο γίνεται βουλή, είτα της του καλού
f. 5 βουλής ενεργούμενης και ώσπερ || όδόν τίνα και δρόμον τας κατ' αυτήν
215 έξανυούσης πράξεις, έπειδαν υπερβάσα τήν μεσότητα προς τω άκρω γένηται
τη τελειότητι προσβαίνει της αρετής, οΰτως ή αμαρτία και το κακόν,
μάλλον δε ό έργον τδ άνομεΐν προτιθέμενος αυτό, άπό βουλής άρξάμενος
πρότερον πονηράς και δια πάσης όδου και πράξεως άνομου προκεκοφώς,
εις τήν αναλογούσαν ταΐς κατ' αυτόν ένεργείαις τελειότητα δηλαδή τω
220 χρόνω μή έπικοπτόμενος καταντά.
Ή μεν ούν αρχή του κακοΰ βουλή εϊρηται άσεβων οδός δε αμαρτωλών,
ή τών ανόμων μεταξύ τής αρχής και τοϋ τέλους θεωρούμενη τρίβος* λοιμών
δε καθέδρα, ή καθ' εξιν τινά δυσκίνητον ή άκίνητον τής κακίας προσεδρεία
και οιονεί τελεσιουργία δι' άκρας του κακοΰ μετοχής τοις τής άπωλείας
225 υίοΐς έγγινομένη προσηγόρευται.
Το δε τής ασεβείας όνομα κυριώτερον μέν επί τών πολυθεΐαν ή άθείαν
πρεσβευόντων θεωρείται* πολλαχοΰ δε τής γραφής και επί τών | δυσσε-
βούντων αίρεσιωτών και επί τών άχρι χειλέων μόνον εύσεβεΐν ο ίο μένων,
βίω δε και τοις εργοις τήν εύσέβειαν άπηρνημένων, τουνομα τάττεται.
230 Αμαρτωλοί δε εμπαλιν κυρίως μέν οι πιστεύειν ορθώς λέγοντες, τοις
δε έ'ργοις αρνούμενοι* καταχρηστικώτερον δε και οί περί τήν πίστιν άθε-
τοΰντες αμαρτωλοί κατονομάζονται' λοιμοί δε ομοίως οι κατ' άμφω το
άκρον κεκληρωμένοι τής κακίας επί τοσούτον ώστε μή μόνους αυτούς άπόλ-
λυσθαι βούλεσθαι άλλα πάσι τρόποις και τους εγγίζοντας αύτοΐς προς τόν
235 κατ' αυτούς του πτώματος ολισθον συνεπωθεΐν.
Μακάριος ούν άνθρωπος δς τών είρημένων τριών καθάπαξ τήν κοινωνίαν
άπεστράφη μήτε τη τών ασεβών έπακολουθήσας βουλή μήτε τή όδω τών
αμαρτωλών το τής διανοίας έπιστηρίσας 'ίχνος μήτ' ουν ταΐς καθέδραις
συνεδριάσας τών λοιμών.
240 Δόξειε μεν ούν ϊσως τισί κυριώτερον είναι φάναι το μή στήναι μέν επί
τής βουλής, το μή πορευθήναι δε επί τής όδοΰ ώστε μακάριον είναι λέγειν
f. 5ν τόν μήτε κατά τήν βουλήν στηρι||χθέντα μήτε κατά τήν όδόν πορευθέντα
τών κακών.
Τίνος ούν ένεκεν ούτω ταΐς λέξεσιν έχρήσατο, σφόδρα προσφυώς, έμοί
245 γοΰν δοκούν, και τής ακριβείας τοΰ πνεύματος άξίως ; Μακαρίζει γαρ ου
τόν εν τή βουλή μή στάντα τών ασεβών, άλλα τόν μηδέ τήν αρχήν πεπορευμέ-
νον εκεί όπου κατά τοΰ θεοΰ ή τής εντολής αύτοΰ βουλή ήτοι διάσκεψις
συνίσταται, ώστε μηδέ τήν πρώτην ει δυνατόν τοΰ κακοΰ ταΐς άκοαΐς

224-225 cf. Jn 17, 12; 2 Thess. 2, 3 227-228 cf. 2 Tim. 2, 16-18 228-
LE COMMENTAIRE SUR LES PSAUMES DE NICÉTAS DAVID 285

Et, en ce qui concerne le bien, c'est tout d'abord la volonté dirigée vers lui
qui est comme le commencement et le premier mouvement vers la vie divine;
ensuite, quand la volonté du bien accomplit et achève ses actions comme une
route et un chemin, alors, toutes les fois qu'elle dépasse la moyenne et atteint
le sommet, elle parvient à la perfection de la vertu ; de la même façon, le péché
et le mal, ou plus exactement celui qui se propose comme œuvre précisément de
faire l'iniquité, commence d'abord par la volonté mauvaise; il avance par toutes
les voies et les actions iniques et aboutit, sans éprouver de regret, à la perfection
proportionnée à ses actes, autrement dit au temps.
Donc c'est le commencement du mal qui est appelé volonté des impies ; la
voie des pécheurs, c'est le cheminement des iniques que l'on observe entre le
commencement et la fin ; le siège des fléaux, c'est ainsi que se trouve appelée
l'assiduité à la méchanceté sur le mode d'une disposition difficile ou impossible
à modifier, ainsi que, pour ainsi dire, son accomplissement qui, par suite de la
participation totale au mal, se fixe chez les fils de la perdition.
Quant au nom d'impiété, il s'applique au sens propre aux hommes qui cultivent
le polythéisme ou l'athéisme ; mais en beaucoup de passages de l'Ecriture, le
nom est attribué aux hérétiques à la piété pervertie et à ceux qui projettent d'être
pieux seulement des lèvres, mais qui, dans la vie et par leurs actes, renient la piété.
A l'inverse les pécheurs au sens propre sont ceux qui disent qu'ils ont une
foi droite, mais qui la renient par leurs actes ; mais on dénomme aussi pécheurs,
en un sens large, ceux qui sont des négateurs de la foi. Il en va de même en ce qui
concerne les fléaux : ce sont ceux qui ont hérité à un double titre du degré extrême
de la méchanceté, à tel point qu'ils ne veulent pas être les seuls à se perdre, mais
que, par tous les moyens, ils entraînent aussi ceux qui s'approchent d'eux à
glisser avec eux-mêmes dans leur chute.
Heureux, par conséquent, l'homme qui s'est détourné une fois pour toutes
de la participation aux trois catégories susdites, qui n'a pas suivi la volonté des
impies, dont la pensée n'a pas fixé le pied sur la voie des pécheurs, qui n'a pas
siégé sur le siège des fléaux.
Or, pour certains, il serait sans doute plus conforme au sens propre de dire
ceci : d'une part ne pas se trouver dans la volonté, d'autre part ne pas cheminer
sur la voie ; dès lors il faudrait dire qu'est heureux celui qui ne s'est pas fixé
en ce qui concerne la volonté et qui n'a pas cheminé en ce qui concerne la voie
des méchants.
Pourquoi donc le psalmiste a-t-il utilisé de telles expressions, d'une manière
que je trouve tout à fait appropriée et digne de l'acribie de l'Esprit ? Car David
proclame heureux, non pas celui qui ne s'est pas trouvé dans la volonté des
impies, mais celui qui n'a absolument pas cheminé là où se forme la volonté
(ou l'esprit de doute) contre Dieu et son commandement; aussi n'accueillera-t-il
même pas le premier assaut du mal contre ses oreilles, s'il est possible qu'il se

229 cf. ls. 29, 13 ; Matth. 15, 8-9; Me 7, 6


286 G. DORIVAL

ύποδέξεσθαι προσβολήν. Μακαρίζει ου τον μη πορευθέντα μηδ' έξηνυκότα


250 των αμαρτωλών την όδόν, άλλα τον μηδέ την αρχήν το ΐχνος της ψυχής
έρείσαντα ή στηρίσαντα κατ' αυτήν ούτω γαρ ακραιφνώς ό τοιούτος και
της άπό τών λοιμών λύμης άμιάντως υπεξηρημενος γνησίως προσφυήσεται
τω καλώ* και γαρ ό άριστα προς τήν της αμαρτίας άπομαχεσάμενος αρχήν
και του οφεως τήν κεφαλήν άνελών τών άπό του ουραίου και του της κακίας
255 τέλους | σπειρημάτων ήτοι συνελιγμάτων ήκιστα φροντιεΐ.
Έν τούτοις ό θειος λόγος τήν επιπροσθοΰσαν τη ψυχή μοχθηρίαν και
προς θεοειδεΐς μορφοποιίας άνεπιτηδειότητα περιελόμενος έξης ευθύς τό
κάλλος άναλάμπει της αρετής ούτω φάς·

Άλλ' ή εν τω νόμω κυρίου τό Θέλημα αύτοϋ και εν τω νόμω αύτοϋ μελε-


260 τήσει ημέρας και νυκτός.
Επειδή δύο δύο κατά τον του Παροιμιαστοΰ λόγον και εν κατέναντι
τέτακται του ενός (το γαρ άνω τω κάτω και το δεξιόν τώ άριστερώ και τό
αγαθόν αντίκειται τω κακω), ανάγκη και τον άνθρωπον αύτοκίνητον τήν
φύσιν γενόμενον, προς άρετήν τε και κακίαν έθελουσίοις έφορμοΰντα ροπαΐς,
265 πή μέν τό κρεΐσσον, πή δέ τό ήσσον αίρετίζειν και πή μέν τω νόμω του
πνεύματος, πή δέ τω της σαρκός έφεπόμενον αναλόγως της αυτεξουσίου
ροπής προς τό κατ' αυτόν έραστόν συντείνεσθαι ταϊς σπουδαΐς. €Ο τοίνυν
της κακίας δν ε'ίρηται τρόπον εαυτόν έκκαθηράμενος, επειδή τό παθητικόν
f. 6 της ψυχής όλον | τών πολύπαθων και μεριστών ενεργειών τε και ζωών
270 έν Χριστώ Ίησοΰ άπανέστησας, εξ ανάγκης τω άμερίστω και άπαθεΐ και
άτρέπτω λόγω άκλινεϊ και άνενδότω περιφύεται πόθω* ό δέ πόθος ύπέκ-
καυμα τούτω πόθου μείζονος καθίσταται, ό δέ πάλιν τοΰ υπέρ αυτόν
κάκεΐνος τοΰ ύπεραίροντος, κλίμακος τρόπον ύπόθεσις γινόμενος και έρως
έ'ρωτι ό θειότερος τώ ύφειμένω ύφαπτόμενος ήμέραν έξ ημέρας τήν φιλόθεον
275 επί τό τέλειον έπαίρειν οϊδε ψυχήν.
Οδτος ό λόγος ό τοϋ θεοΰ νόμος εστίν, ό νόμος τοϋ πνεύματος της ζωής
δς εν Χριστώ Ίησοϋ ήλευθέρωσέν με, κατά τον θείον άπόστολον, τοϋ
νόμου τής αμαρτίας και τοϋ Θανάτου, ό νόμος κυρίου ό άμωμος, ό πάλαι μέν
νηπιώδεις και ατελείς δια σκιοειδών τύπων και θυσιών ποικίλων και παντοίων
280 συμβολικών επιτηδευμάτων επιστρέφων εις θεοσέβειαν ψυχάς, ύστερον δέ
νυν δια τοΰ άμνοΰ τοΰ θεοΰ τοΰ τήν άμαρτίαν αϊροντος τοΰ κόσμου πολλώ

273 κάκεΐνος nos : κάκεΐνο L

259-260 Ps. 1, 2 261-262 Sir. 33, 15b 276-278 Rom. 8, 2 281 cf. Jn
1, 29
LE COMMENTAIRE SUR LES PSAUMES DE NICÉTAS DAVID 287

produise ; il proclame heureux, non pas celui qui n'a pas cheminé sur la voie
des pécheurs, non pas celui qui ne l'a pas parcourue en entier, mais celui dont
l'âme n'a pas du tout posé ni fixé le pied sur elle; car un tel homme, qui est à
ce point purement et saintement à l'écart de la ruine des fléaux, est vraiment
attaché au bien ; et de fait celui qui a combattu très courageusement contre
l'emprise du péché et qui a coupé la tête du serpent, celui-là ne s'inquiétera pas
du tout des replis ou des enroulements que font la queue et le terme de la méchanc
eté.
Et, en ce genre d'hommes, le divin logos a enlevé la perversité qui aveugle
l'âme, ainsi que l'inaptitude aux représentations dignes de Dieu; aussitôt à la
suite il fait resplendir la beauté de la vertu en ces termes :

Mais dans la loi du Seigneur (se trouve) sa volonté et dans sa loi il méditera
jour et nuit.
Puisque, selon le mot de l'auteur du livre des Proverbes56, (les choses vont)
deux par deux et se trouvent Γ une en face de Vautre (et de fait le haut s'oppose
au bas, la droite à la gauche, le bien au mal), inévitablement l'homme, qui se
meut de lui-même par nature, qui se dirige vers la vertu et la méchanceté selon
des inclinations volontaires, choisit tantôt le bien, tantôt le mal ; inévitablement,
comme il suit tantôt la loi de l'Esprit tantôt celle de la chair, en proportion de
l'inclination de son libre-arbitre, il consacre son zèle à ce qui lui plaît. Ainsi donc
celui qui se trouve purifié de la méchanceté selon la manière susdite, une fois
que toi, Dieu, tu as débarrassé dans le Christ Jésus toute la partie passionnée
de son âme des activités et des genres de vie divisibles et aux passions multiples,
alors inévitablement il s'attache au logos indivisible, impassible et immuable
avec un désir inflexible et indéfectible; or le désir chez lui est le combustible
d'un désir plus grand ; à son tour ce dernier est le combustible d'un désir supérieur,
et celui-ci d'un désir plus élevé ; il devient ainsi un fondement, comme dans
une échelle ; et un amour plus divin est allumé par l'amour qui est plus bas ;
jour après jour, il sait élever l'âme amie de Dieu vers la perfection.
Ce logos est la loi de Dieu, la loi de l'Esprit de la vie, qui dans le Christ Jésus
m'a délivré, comme le dit le divin Apôtre, de la loi du péché et de la mort, la loi
du Seigneur qui est irréprochable, celui qui, depuis longtemps, convertit les âmes
infantiles et imparfaites grâce à des types obscurs, des sacrifices variés, des activités
symboliques très diverses, celui qui, plus tard, aujourd'hui, par l'agneau de Dieu

56. La tradition patristique attribue les Proverbes à Salomon et le Siracide (ou Sagesse
de Sirach) à Jésus fils de Sirach. Nicétas David, en attribuant au premier ce qui est une
citation du second, commet une erreur. Peut-être peut-on l'expliquer en remarquant
que l'extrait du Siracide donné ici est un proverbe qui, à ce titre, pourrait avoir sa place
dans le livre des Proverbes; Nicétas David n'a pas soigné sa référence.
288 G. DORIVAL

κρείττους πνευματικάς τε και | αγίας θυσίας νομοθετών, καί των τυπωτικών


μεν καί προσύλων μορφοποιιών καί σκιών της ταπεινότητος άνυψών, προς
τήν άσχημάτιστον δέ καί άμορφον άπλήν τε καί ένιαίαν γνώσιν της αληθείας
285 μεθιστών.
*Ός εάν ουν καθαρώς το οίκεΐον της ψυχής θέλημα περί τε την πράξιν
περί τε τήν θεωρίαν του τοιουδε νόμου μετά πίστεως Ίησοΰ Χρίστου καί
συνεργίας συντετακώς ημέρας τε καί νυκτός, ήτοι παρ' δλον τον της αύτου
ζωής χρόνον, συνεχέστατα καί φιλοπονώτατα εν αύτω έσχόλακε μελετών
290 καί το θείον έξερευνώμενος βούλημα τίνι όμοιωθήσεται καί τί το τέλος
αύτω τής άπαρατρέπτου κατά ταΰτα διατριβής, άκούσωμεν.

Kai εαται ώς το ξύλον το πεφυτευμένον παρά τας διεξόδους των υδάτων,


δ τον καρπόν αύτοΰ δώσει εν καιρώ αύτοϋ και το φύλλον αυτοϋ ουκ απορ-
ρυήσεται και πάντα ό'σα αν ποιτ\ κατευοδωθήσεται.
295 "Ωσπερ ξύλον, φησίν, ούκ εν άνίκμω καί άγόνω γή καθεστώς, παρ'
f. 6ν υδάτων δε διαβάσεσι πεφυτευμένον, κάκεΐθεν συμμέτροις | νοτίσι κάτωθεν
μεν τας ρίζας πιαινόμενον καί τρεφόμενον, άνωθεν δε ταϊς ήλιακαΐς άκτίσι
καί τή ούρανία δρόσω θαλπόμενον καί γόνιμον ταύτη δεικνύμενον, τον
οίκεΐον εύκαίρως άποδίδωσι καρπόν.
300 Ούτως ό τοις θείοις λογίοις καί τω νόμω κυρίου έμβαθύνων ταϊς μελέταις
τον νουν, ώς λογικόν εν παραδείσω θεοΰ ξύλον πεφυτευμένον καί έρριζωμένον
τη εκκλησία του θεοϋ, τοις μεν θεοπρεπεστάτοις καί γραφικοΐς θεωρήμασι
καί ρήμασι καί ταΐς του αγίου πνεύματος άποκαλύψεσιν ώσπερ υδάτων τινών
άειζώοις τε καί άενάοις τό τής καρδίας βάθος πιαίνεται προχοαΐς, ώς εξ
305 ηλίου δε του θεαρχικωτάτου καταλαμπόμενος Χρίστου ναι δη καί τοις
ούρανίοις αύτοΰ χαρίσμασι δροσούμενος ή ζωούμενος, ώραΐόν τε καί τρόφιμον
τόν από τής πράξεως καί τής θεωρίας προίσχων του λόγου καρπόν, εν τω
προσήκοντι καιρώ τούτον οΐς έστιν άξιον εις μετάληψιν προτείνει.
Άλλα τών μεν δρωμένων τουτωνί ξύλων ή | έπανθοΰσα τών φύλλων
310 περιβολή, επειδή έπίκηρον ελαχεν ούσίαν καί φύσει ρευστήν, άπορρυίσκεταί
τε κατά τάχος καί περί τήν γήν ετησίως καταρρεΐ* του λογικού δε ξύλου
καί νοερού επειδή αυτό τε κρεΐττον φθοράς καί ακήρατος ό τούτου καρπός,
οΐόν τις τροφή τω τών δλων προσφερόμενος γεωργώ, δια τοΰτο δή καί ή
επακολουθούσα οι δόξα καί χάρις, οία φύλλων νοητών έπικόσμησις, αμείωτα
315 μένει παντελώς καί ακατάβλητα, τω μακρώ του αιώνος συμπαρεκτεινόμενα
διαστήματι.
Καί επειδή πάντα οσα ό τοιούτος προαιρείται δραν ούχ έαυτώ άρέσαι
βουλόμενος ποιεί, εαυτού δέ έξεστώς δλος καί του νομοθετούντος αυτόν
θεοϋ δλος ών, πάντα προς τήν εκείνου βούλησιν απευθύνει καί τήν έντολήν,
LE COMMENTAIRE SUR LES PSAUMES DE NICÉTAS DAVID 289

qui enlève le péché du monde, institue comme loi des sacrifices bien supérieurs,
spirituels et saints, celui qui élève au-dessus de la bassesse des représentations
et des ombres figurées et matérielles, celui qui fait passer à la connaissance sans
figure, sans forme, simple et unitive de la vérité.
Or celui qui a tendu purement la volonté propre de son âme vers la mise en
action et la contemplation d'une telle loi, avec la foi en Jésus-Christ et avec son
aide, celui qui, jour et nuit, c'est-à-dire toute la durée de sa vie, a passé son temps
en elle continuellement et activement, en méditant et en approfondissant la divine
volonté, à qui sera-t-il comparé et quel sera pour lui le terme de son inébranlable
occupation en cela ? Ecoutons-le.

Et il sera comme Γ arbre planté le long des voies d'eaux, qui donne son fruit en
son temps et dont le feuillage ne tombera pas; et tout ce qu'il fera réussira.
Voici ce que dit l'Ecriture : lorsqu'un arbre ne se trouve pas dans une terre
sèche et infertile, mais qu'il est planté auprès de cours d'eau, lorsque, grâce à
l'humidité bien mesurée qui en émane, il enrichit et nourrit en bas ses racines
et lorsqu'il est réchauffé en haut par les rayons du soleil et par la pluie du ciel
et qu'ainsi il est rendu fécond, il produit son fruit au bon moment.
11 en est de même pour celui qui, grâce aux méditations, immerge son esprit
dans les dits de Dieu et la loi du Seigneur : tel un arbre raisonnable planté dans
le paradis de Dieu et enraciné dans l'église de Dieu, il enrichit la profondeur de
son cœur grâce aux contemplations et aux paroles très divines de l'Ecriture, ainsi
que grâce aux révélations de l'Esprit saint, qui sont comme des irrigations toujours
vives et perpétuelles ; il est illuminé par le Christ divin, comme par le soleil, il
est humecté de pluie, c'est-à-dire vivifié, par ses bienfaits célestes, il fait sortir
le fruit mûr et nourricier du logos qui est produit par l'action et la contemp
lation et, au moment opportun, il le tend à ceux qui le méritent pour qu'ils le
partagent.
Mais la frondaison florissante des feuilles de nos arbres a une existence éphémère
et par nature fugitive ; aussi elle tombe vite et choit sur la terre tous les ans ; au
contraire l'arbre raisonnable et intelligent est en lui-même supérieur à la corrup
tion et son fruit est impérissable, lui qui est offert comme une nourriture au
jardinier de l'univers; c'est pourquoi la gloire et la grâce, qui l'accompagnent
comme une parure de feuilles intelligibles, demeurent sans connaître le moindre
amoindrissement, ni la moindre chute, et durent aussi longtemps que le long
intervalle du siècle.
Et, étant donné que tout ce qu'un tel homme choisit de faire, il ne le fait pas
pour son plaisir, mais que, tout entier hors de lui-même, tout entier appartenant
au Dieu qui l'instruit de sa loi, il règle tout sur la volonté et le commandement

292-294 Ps. 1, 3
290 G. DORIVAL

320 τούτου δή χάριν προς πασαν αύτοϋ πράξιν κατευοδουται και συνεργεϊται
προς θεοΰ.
Μέχρι μεν τούτου τον θεοπρεπή βίον και τέλειον εν θαυμάσια βραχυλογία
διατετυπωκώς, επειδή δια της του εναντίου παραθέσεως τό εναντίον σαφέστε-
f. 7 ρον | διαγινώσκεται, των άσεβων εφεξής ύποφητεύει την καταστροφήν
325 ούτω λέγων.

αλλ'
Ούχ όντως οι ασεβείς ονχ όντως η ώσεϊ χνοϋς δν εκρίπτει άνεμος
από πρόσωπον της γης' δια τοντο ονκ άναστήσονται ασεβείς εν κρίσει
ονδε αμαρτωλοί εν βονλη δικαίων.
"Εστί περίσσεια τω σοφω νπερ τον άφρονα, φησίν ό εκκλησιαστής,
330 ώς περίσσεια τον φωτός νπερ το σκότος' και γαρ ώσπερ τό ήλιακόν τόδε
φως, της αισθητής κτίσεως τό κάλλιστον πέλον και τερπνότατον, ου φωτίζει
και περιθάλπει μόνον, άλλα και ζωογόνον τινά τοις γινομένοις δύναμιν
ένίησι και διακρίνει και ένοΐ και άνανεοΐ και άναθάλλειν ποιεί και ήδεσθαι
και ζήν, πάν δε τουναντίον εν τω άντικειμένω θεωρείται σκότω* σκοτοΐ
335 γαρ πασαν όψιν και ψύχει και μαραίνει και άγονα δρα και συγκρίνει και
παλαιοί και κατασήπει και άηδίζει και κατανεκροΐ" ούτω δή και τοις
μακαρίοις και τοις άσεβέσιν άντιδιεσταλμένη κατά διάμετρον εκεί καθέστη-
κεν ή διατριβή, ώσ|περ αύτοΐς ό βίος καν τω νυν αίώνι πολύ κατά πάντα
διεστήκει τρόπον.
340 Τοις μεν γαρ μετά τήν εντεύθεν έκδημίαν φώς ούράνιόν τε και άυλον
και άδιάδοχον έπανατέλλει και ή τούτω συνεζευγμένη διηνεκής ευφροσύνη
και άνεκλάλητος χαρά, τους ασεβείς δε σκότος εξώτερον εντεύθεν διαδέχεται
τουτέστι βαθύτατον και ζοφερώτατον ώσπερ γαρ τα μεν δια καθαρωτάτου
αέρος και διαφανούς ύλης τω αισθητω φωτί περιλαμπόμενα σώματα κατα-
345 φωτίζεται, δσα δ' αν τύχοι παχυτέροις σώμασιν υποκείμενα σκοτίζεται
και αναλόγως της των έπιπροσθούντων παχύτητος τον ζόφον υποδύεται,
οΰτω ψυχαί πάσαι νου και λόγου μετασχουσαι, δσαι μεν ουδέν γήινον
ουδέν πάχος είτ' οδν άχθος κακίας δια πονηρών έπισύρονται πράξεων,
λεπταί δε και κοΰφαι και θεοειδεΐς ή άγαθοειδεΐς και καθαραί του νυν
350 αιώνος έκδημοΰσιν, έ'σω περί τον των Ολων θεόν τό άληθινόν και άρχίφωτον
f 7ν αναλαμβάνονται φώς και της ύπερφαους αύτοΰ κρυφιό||τητος και λαμπρό-
τητος αναλόγως της αυτών καθαρότητος κατατρυφώσιν δσαι δε πολλω τω

οΰποτ'
βάρει και
αν τό
πάχει
άληθινόν
τών άσεβημάτων
καταθεάσασθαι
κατασπώμεναι
δύναιντο φώς*
λυθεΐεν
ουδείςτου
γαρσώματος,
τών μη

355 καλώς εντεύθεν και άξίως εκείνου του φωτός παρεσκευασμένων εκεί, ουδέ

326-328 Ps. 1, 4-5 329-330 Eccl. 2, 13 342 cf. 1 Pierre 1, 8 | cf. Matth. 8,
LE COMMENTAIRE SUR LES PSAUMES DE NICÉTAS DAVID 291

de Dieu, et voilà pourquoi, dans toute son activité, il réussit et il reçoit l'aide
de Dieu.
Jusqu'ici le psalmiste a décrit dans une expression admirablement concise la
vie divine et parfaite ; mais, étant donné que le contraire est compris plus clairement
par la comparaison du contraire, le psalmiste prophétise à la suite la ruine des
impies en ces termes :

// n'en va pas de même des impies, il n'en va pas de même, mais ils sont comme
la baie qu'emporte le vent depuis la terre; voilà pourquoi les impies ne ressusciteront
pas au moment du jugement, ni les pécheurs dans le conseil des justes.
Il y a, dit l'Ecclésiaste, supériorité du sage sur le fou, comme il y a supériorité
de la lumière sur Γ obscurité ; de fait cette lumière du soleil, la réalité la plus belle
et la plus agréable de la création sensible, n'éclaire pas et ne chauffe pas seulement,
mais elle envoie aussi une puissance de fécondité dans les êtres ; elle sépare,
donne l'unité, renouvelle, fait refleurir, crée l'agrément, fait vivre, tandis que
c'est tout le contraire qu'on constate dans le cas de l'obscurité qui s'oppose à
la lumière : elle obscurcit toute vision, elle refroidit, elle affaiblit, elle rend stérile,
elle opère la confusion, elle vieillit, elle pourrit, elle cause le désagrément, elle
fait mourir ; il en va de même pour les heureux et les impies : leur existence dans
l'autre monde est présentée de manière contradictoire, diamétralement opposée,
tout comme leur vie dans ce siècle-ci différait de toutes les façons.
En effet, pour les premiers, après le départ d'ici-bas, il y a la lumière céleste,
immatérielle et perpétuelle qui se lève et, couplés avec elle, la joie continue et le
plaisir inexprimable; les impies, eux, c'est l'obscurité extérieure, c'est-à-dire très
profonde et très ténébreuse, qui les accueille au sortir d'ici-bas. Car, de même
que, sous l'effet de l'air très pur et de la matière diaphane, les corps resplendissent
de lumière sensible et sont illuminés, mais que tout ce qui se trouve soumis à
des corps épais est obscur et revêt la ténèbre proportionnellement à l'épaisseur
de ce qui s'interpose, de même pour toutes les âmes qui ont eu part à l'esprit
et au logos : toutes celles qui ne traînent rien de terrestre, aucune épaisseur,
c'est-à-dire aucun poids dû à la méchanceté, sous l'effet d'actes mauvais, mais
qui quittent le monde d'aujourd'hui en étant subtiles, légères, semblables à Dieu
ou au bien, pures, toutes ces âmes sont enlevées jusqu'à la lumière véritable,
principe de la lumière, du Dieu de l'univers et elles jouissent de son secret hyper-
lumineux, ainsi que de sa splendeur, proportionnellement à leur pureté; mais
toutes les âmes qui sont délivrées du corps, alors qu'elles sont attirées vers le
bas par le formidable poids et la formidable pesanteur de leurs impiétés, toutes
ces âmes ne pourront jamais contempler la lumière véritable ; car aucun de ceux
qui n'ont pas ici-bas subi un entraînement beau et digne de cette lumière de
là-haut, aucun de ceux qui n'ont pas conformé l'homme intérieur au fils de la

12 ; 22, 13 ; 25, 30 350-351 cf. 1 Jn 1, 9 et 2, 8


292 G. DORIVAL

των μη ταΐς ίεραΐς άκτΐσι της θεογενεσίας δια πίστεως ακραιφνούς και
πολιτείας ειλικρινούς εις υίον φωτός και ημέρας τον εντός άνθρωπον κατηρ-
τισμένων τω ύπερφαεστάτω της μεγαλοπρεπούς δόξης εκείνης ένατενίσαι
φωτί, κάν δτι μάλιστα την άρετήν εντεύθεν ύποκρινόμενος και τοις των
360 ανθρώπων έπαίνοις μετεωριζόμενος, εαυτόν τοις υίοΐς παρενείροι τοϋ
φωτός κεναΐς έλπίσιν έξαπατώμενος' κατ' άναλογίαν δέ της αύτοΰ πονηρίας
έκαστος και της ένδοτάτω των μακαρίων φωτοειδους καταστάσεως άποπε-
σεΐται και τον εξώτερον ήτοι βάθιστον των άσεβων κατακριθήσεται | σκότον
εις δν χνοός τρόπον άτίμως έκριπτόμενος έξαπολεΐται.
365 Και γαρ ώσπερ ό κατά τας λεωφόρους των ανθρώπων τοις ποσί λεπτυ-
νόμενος χνοΰς, βιαίας ανέμου θυέλλης και καταιγίδος αθρόως έμπεσούσης,
αίρεται θάττον ή λόγος και της των όρώντων βψεως απορρίπτεται και
άπόλλυται, ούτως εν ήμερα θεού κρίσεως και επισκοπής, άναστήσονται
μεν πάντες ευσεβείς τε ομοίως και ασεβείς δτι σύμπαν το ποίημα, φησίν,
370 αξει δ θεός εις κρίσιν.
Πώς ούν ενταύθα δια τοντο εφη ουκ άναστήσονται ασεβείς εν κρίσει ;
*Η δήλον ώς ούκ άναστήσονται εις ανάστασιν ζωής άλλ' εις άνάστασιν
κρίσεως ;
"Ωστε κατά το άκόλουθον διττή ν ήγητέον την άνάστασιν, την μέν κοινή ν
375 και πασιν ομοίως εθνεσι, πάσιν άνθρώποις δικαίοις τε και άδίκοις άνωθεν
ήξειν δια της εσχάτης σάλπιγγος προσδοκωμένην, την εκ γης χώματος,
λέγω μετά σώματος παλινζωίαν.
"Αλλη δέ ταύτης πολύ θειοτέρα και υψηλότερα, ή προς τον αέρα και τον
f. 8 ούρανόν εν νεφέλαις προς κύριον αρπαγή, μόνοις ίδιοτρόπως || άποκειμένη
380 τοις άγίοις, ή κατά Παυλον τον μέγαν διηνεκής συναυλία και συζωία μετά
του Χρίστου* ταύτην ούκ άναστήσονται τήν άνάστασιν ασεβείς εν καιρώ
κρίσεως ούδ' αδ εν βουλή ήτοι συναγωγή και εκκλησία δικαίων αμαρτωλών
παίδες συνεδρεύσουσιν.
Κατά δέ τό του είρημένου χνοός υπόδειγμα, επειδή καταπεπατημένην
385 ούτοι και άτιμον θεώ πεπόρευνται τρίβον επί της γης, δια τοΰτο άοράτω
δυνάμει και πνεύματι σφοδρω τότε, ώς άνέμω και καταιγίδι, των της
θεοτελους αναστάσεως τέκνων άποδιαστέλλονται και αφορίζονται* της των
δικαίων δέ βουλής και τιμής άποδιοπομπούμενοι τη κατ' αυτούς άπωλεία
και τοις οίκείοις αυτών παραπεμφθήσονται της σκοτίας άφανισμοΐς.

390 "Οτι γινώσκει κύριος οδόν δικαίων και οδός άσεβων άπολειται.
"Ωσπερ εγνω κύριος τους οντάς αντον κατά τα λόγια, εγνω δέ ου καθάπερ

357 cf. Luc 16, 8 368 Matth. 10, 15 | 1 Pierre 2, 12 369-370 Eccl. 12, 14a
371 Ps. 1, 5a 372-373 Jn 5, 29 375 cf. Act. 24, 15 376 cf. 1 Cor. 15, 52 |
LE COMMENTAIRE SUR LES PSAUMES DE N1CÉTAS DAVID 293

lumière et du jour, grâce aux rayons sacrés de la naissance en Dieu par la foi pure
et la conduite parfaite, au point de contempler la lumière hyperlumineuse de
cette gloire magnifique, aucun de ceux-là, même s'il feint parfaitement la vertu
et est exalté par les louanges humaines, aucun de ceux-là ne pourra s'introduire
parmi les fils de la lumière ni s'abuser de faux espoirs ; mais, proportionnellement
à sa méchanceté, chacun cherra hors de l'état lumineux et très intérieur des
heureux et sera condamné à l'obscurité extérieure, c'est-à-dire très profonde, des
impies ; à la lumière de la baie, il sera expulsé vers elle ignominieusement et
disparaîtra.
De fait, quand une violente tempête de vent, un ouragan, survient brusquement,
la baie écrasée sur les routes par les pieds des hommes s'élève plus vite qu'on ne
peut le dire ; elle est emportée hors de la vue des témoins et disparaît ; de la même
façon, au jour du jugement et de la visite de Dieu, tous les gens pieux, tous les
gens impies aussi, ressusciteront, parce que, comme le dit l'Ecriture, Dieu conduira
toute œuvre au jugement.
Comment donc le psalmiste a-t-il pu dire ici voilà pourquoi les impies ne ressus
citeront pas au moment du jugement ? N'est-ce pas bien évidemment qu'ils ne
ressusciteront pas pour la résurrection de la vie, mais seulement pour la résurrection
du jugement ?
De là vient que, selon la logique, il faut penser que la résurrection est double ;
la première est générale ; elle surviendra d 'en-haut pour tous les peuples sembla-
blement, pour tous les hommes justes et injustes ; elle est attendue au son de la
trompette finale ; c'est la résurrection hors de la terre du tombeau, je veux dire
la nouvelle vie avec le corps.
L'autre résurrection est beaucoup plus divine et élevée que celle-là : c'est
l'enlèvement vers l'air et vers le ciel dans les nuées, vers le Seigneur; elle est
exclusivement réservée aux seuls saints ; c'est le fait d'habiter et de vivre cont
inuellement avec le Christ, selon l'expression du grand Paul ; de cette résurrection,
les impies ne ressusciteront pas au jour du jugement, pas plus que les enfants des
pécheurs ne siégeront dans le conseil, c'est-à-dire l'assemblée et l'église des justes.
Mais, à l'exemple de la baie dont il a été question, étant donné que tous ces
gens-là ont suivi sur terre un chemin sans aucune valeur, indigne de Dieu, voilà
pourquoi ils sont mis à l'écart et séparés ce jour-là des enfants de la résurrection
divinement parfaite par une puissance invisible et un souffle véhément, comme
par un vent, un ouragan ; ils sont chassés du conseil et de l'honneur des justes
et ils seront livrés à la perdition qui les saisira et aux disparitions qui s'opéreront
pour eux sous l'effet de l'obscurité.

Car le Seigneur connaît la voie des justes et la voie des impies disparaîtra.
De la même façon, le Seigneur a connu ceux qui sont de lui selon les dits ; mais

cf. Dan. 12, 2 379 cf. 1 Thess. 4, 17 380 cf. Ephés. 2, 5 ; Col. 2, 13 387 cf.
Luc 20, 36 390 Ps. 1, 6 391 2 Tim. 2, 19 ; cf. Nombr. 16, 5
294 G. DORIVAL

ημείς μετά το εις γένεσιν έλθεΐν ού γαρ ούτως οΐδεν 6 ουσιώδη, μάλλον
δε | ύπερούσιον, άπλήν τε και ένιαίαν των δλων τήν γνώσιν προαιωνίως
εν έαυτώ προειληφώς· μαθήσει γαρ ήμεΐς καί άπό του άτελοΰς επί τα
395 τελειότερα προκοπαΐς ως οίοι τέ έσμεν των γινομένων θηρεύομεν τήν
γνώσιν.
Ό δέ τα πάντα κατασκευάζων θεός, τα πάντα προ της αυτών γενέσεως
είδώς, ώσπερ αυτούς προέγνω τους δικαίους δι' ευθύτητα νου και καρδίας,
αύτοκινήτως άποστραφησομένους μεν το κακόν, α'ιρετιουμένους δέ το καλόν,
400 ούτω και τας επί της γης πορείας αυτών και τας τρίβους τάς τε σωματικας
προγινώσκει και τάς νοεράς' και είδώς δτι μόνον το όντως άγαπητόν οι
μακάριοι ήγαπηκότες προς μόνον τοΰτο συντόνως άπονεύσουσι, βασιλείαν
αύτοϊς άσάλευτον και ούράνιον οία κληρονομίαν άκήρατον και άμάραντον
εν δικαιοσύνη θεοπρεπεΐ προητοιμάσατο.
405 Τούτων μεν ούν τήν όδον ού κατά ψιλήν τίνα πρόγνωσιν μόνον ό κύριος
έπίσταται, άλλα και ένεργουμένην άγαπα, δ δεύτερον έστι τοϋ γινώσκειν
f. 8ν σημαινό ||μενον ως το ενρες χάριν ηαρ εμοι καί εγνων σε τιάρα ηάντας'
γινώσκει τοίνυν και στέργει ταύτην ως άγαθήν, ως ώφέλιμον, ώς σωτήριον,
ώς αίώνιον, ώς παρ' αύτοΰ νενομοθετημένην και τους αυτήν ορθώς όδεύειν
410 έθέλοντας αύτώ τω θεώ άναγεννώσαν και υπέρ αυτόν άνω τιθεΐσαν τόν
ούρανόν.
ΟΙδεν δέ και τών ασεβών τήν όδον ώς ουδέν άγαθοΰ ουσαν, ώς επισφαλή,
ώς έπικίνδυνον, ώς φιλαυτίας καρπόν, ώς άγνοιας ή άπονοίας ή οίήσεως
και ασεβείας μεστήν διό ού φιλεΐ ταύτην, άλλα μισεί* διό και πασι λογίοις
415 θείοις, πάσαις διδασκαλίαις προφητών, αποστόλων, ιεραρχών καί γε
πάντων δικαίων δια στόματος παραγγέλλει καί μαρτύρεται ταύτης άπανιστα-
μένους τήν ευθείαν δραμε'ιν είδότας ώς ούκ έ'στιν δι' άλλης ή της τών δικαίων
όδοΰ του μόνου άγαθου θεοΰ καί δικαίου τυχεϊν.
Καί γαρ τών ασεβών ή οδός ή θεοϊς καί δαίμοσι λατρείας αναφερόντων
420 θεοστυγεΐς ή έαυτοΐς ζώντων καί πάθεσι καταφθειρομένων άνομώτατα
άμα αύτοϊς εν ημέρα κρί|σεως συναπολεΐται, της τών δικαίων μακαριωτάτης
λήξεως ήτοι καταπαύσεως άπολισθαίνουσα.

"Οπερ ίνα μή καί ήμΐν γένηται μετά το τήν ζημίαν παθεΐν εις αίσθησιν
κατά τους νηπίους ιοΰσι της συμφοράς, έλώμεθα τών δικαίων τήν όδόν,

423 ήίΗκ(όν) mg. L


402-403 cf. Hébr. 12, 28 403 cf. 1 Pierre 1,4 404 cf. Matth. 25, 34 407
Ex. 33, 12 et 17 417 cf. Is. 26, 7; 33, 15; 40, 3; 45, 13 et 16; Os. 14, 10
LE COMMENTAIRE SUR LES PSAUMES DE NICÉTAS DAVID 295

il ne les a pas connus comme nous nous connaissons après notre venue dans la créa
tion ; car ce n'est pas de cette manière que sait celui qui, avant les siècles, a conçu
à l'avance en lui-même la connaissance de l'univers, connaissance essentielle, ou
plutôt au-delà de l'essence, simple et unitive ; car nous, nous sommes à la chasse de
la connaissance des objets créés, autant que nous le pouvons, au moyen de l'in
struction et des progrès que nous faisons depuis l'imperfection jusqu'au parfait.
Mais Dieu qui établit toutes choses, qui sait toutes choses avant leur création,
a connu à l'avance que les justes eux-mêmes, à cause de la droiture de leur intel
ligence et de leur cœur, se détourneraient du mal et choisiraient le bien de leur
propre mouvement ; de la même façon, il connaît à l'avance leurs trajets et leurs
chemins sur terre, tant les corporels que les intelligents ; et comme il savait que
les heureux qui n'aiment que ce qui est vraiment aimable se dirigeraient de toute
leur tension vers ce dernier seulement, il leur avait préparé à l'avance, dans la
justice divine, le royaume solide et céleste, tel un héritage intact, qui ne flétrit pas.
Donc, la voie de ces heureux, le Seigneur ne se contente pas de la connaître par
une simple connaissance à l'avance, mais en plus il aime qu'elle se réalise, ce qui est
le second sens de connaître ; ainsi tu as trouvé grâce à mes yeux et je t'ai connu plus
que tous ; ainsi donc cette voie, il la connaît et il l 'apprécie : elle est bonne, utile, salu
taire, éternelle, Dieu l'a instituée comme loi, elle régénère, par Dieu lui-même, ceux
qui veulent la suivre droitement, elle les place en-haut au-delà du ciel lui-même.
Mais Dieu connaît aussi la voie des impies; elle n'est rien de bon, elle est
glissante, elle est dangereuse, elle est fruit de l'égoïsme, elle est pleine d'ignorance,
de folie, de vanité, d'impiété. C'est pourquoi il ne l'aime pas et il la hait ; c'est
pourquoi encore, par tous les divins dits, par toutes les instructions des prophètes,
des apôtres, des hiérarques, sans compter celles de tous les justes, il fournit de
sa bouche l'ordre et le témoignage de quitter cette voie-là et de courir sur la
voie droite, tout en sachant qu'il n'est pas possible d'atteindre le seul Dieu bon
et juste par une autre voie, sinon la voie des justes.
Et de fait la voie des impies qui consacrent des cultes que Dieu hait aux dieux
et aux démons, qui vivent pour eux-mêmes, qui sont corrompus par les passions
dans une existence sans loi, cette voie disparaîtra en même temps qu'eux au jour
du jugement ; elle s'écartera de la part bienheureuse des justes, c'est-à-dire le repos.

Pour qu'un tel sort ne nous arrive pas à nous aussi, pour que nous ne prenions
pas conscience du désastre seulement une fois le châtiment subi, ainsi qu'il arrive
chez les enfants57, choisissons la voie des justes; cessons de frayer avec les

57. Nicétas David fait ici allusion à un proverbe attesté sous des formes voisines
dans toute la littérature grecque depuis Homère (ainsi Iliade 17, 33; Hésiode, Travaux,
218; Hérodote 1, 207; Eschyle, Agamemnon, 177, 249-250; Choéphores, 313; Sophocle,
Oedipe à Colone, 143 ; Platon, Banquet 222b 7 ; Scholies à Homère, Iliade 17, 33). II
semble que, dans le proverbe, le mot nèpios signifie le plus souvent « sot » ; mais, comme
chez Nicétas David, le mot est toujours employé au sens d'enfant, nous avons choisi
ici de conserver cette dernière traduction.
296 G. DORIVAL

425 άποστώμεν της μετά των αμαρτωλών διατριβής, την γνωστήν τω θεώ
πολιτείαν, την άρεστήν, την άγνήν και άπόδεκτον αύτώ πορείαν της αρετής
αντί της θεομισους και βδελυκτής των άσεβων αναστροφής προελώμεθα, τον
αληθώς έμφιλόσοφον βίον αίρετίσωμεν, ούκ άρτι τω βίω παρεισκρινόμενον,
ου νυν τής νομοθεσίας καταρχόμενον άρχαΐον το δώρον* παλαιός ό νόμος,
430 άνωθεν εκ πατέρων παραδεδομένος, δια προφητών, δι' αποστόλων, μάλλον
δε δια του κυρίου και θεού και σωτήρος ημών Ίησοϋ Χρίστου' κατά γενεαν
και γενεαν ή θεουργος ήμΐν άνακαθαίρεται τής σωτηρίας οδός.
ΛΗν ούχ οΐόν τε γνησίως και είλικρινώς μετελθεΐν, ει μη τω προοιμίω
του ψαλμού τόν νουν έπερείδοντας και πασαν μεν βουλήν πρώτον άπορρα-
f. 9 πίζοντας | ασεβών και πασαν είσήγησιν ή παραίνεσιν άθέμιτον, εκ δαιμόνων
ή ανθρώπων ύποτιθεμένην, τέλεον τής ημετέρας άποκρουομένους ακοής,
ως μη δύνασθαι χώραν καθ' ημών λαβείν τον έχθρόν εκ πρώτης άποστυ-
γούμενον προσβολής,
πασαν δε όδον τών αμαρτωλών ήτοι παν είδος πολιτείας άποστρεφο μένους
440 κακής, ώς μηδ' 'ίχνος ψυχής έθέλειν έρεϊσαι το σύνολον ή στήσαι κατ' αυτό,
προς δε και τας τών έξοχωτάτων εν αύτοΐς ύπεροχας και πρωτοκαθεδρίας
ώς λοιμικας και του κακοΰ μεταδοτικας αρρώστιας άποφυγγάνοντας, οΰτω
καθ' ήσυχίαν προσλιπαρεΐν τω θεώ.
Ούτω γαρ εμπράκτως τε και έμφιλοσόφως τον θείον μελετώντες νόμον
445 και έν αύτώ καθαιρόμενοι μεν άπαν αίσχος και πασαν την εξ αμαρτιών
προστριβεϊσαν τή ψυχή κηλίδα, φωτιζόμενοι δε φώς γνώσεως καθαρωτέρας
και τελεωτέρας, τελετουργούμενοι δέ κρείττοσι και μυστικωτέραις θεουργίαις,
καρποφορήσο|μεν τον άξιόθεον και άξιέπαινον τω ήμετέρω γεωργώ καρπόν,
έν Χριστώ Ίησοΰ τω κυρίω ημών ω ή δόξα και το κράτος άμα τω πατρί και
450 τω άγίω πνεύματι, νυν και άεί και εις τους αιώνας τών αιώνων αμήν.

441 cf. Matth. 23, 6 446 cf. Os. 10, 12

Annexe 1. Index des mots communs au Pseudo-Denys


et À Nicétas David

Nicétas David est nourri du vocabulaire et des idées du Pseudo-Denys. L'Index


qui suit en est une illustration : il propose un choix d'environ 250 mots communs
à ces deux auteurs. Parmi ces mots, certains sont très caractéristiques ; leur
présence chez Nicétas David ne peut être le fait du hasard, mais résulte d'une
influence claire du Pseudo-Denys. Les autres mots, eux, sont moins caractéris
tiques ; à eux seuls, ils ne suffiraient pas à situer Nicétas David dans la mouvance
LE COMMENTAIRE SUR LES PSAUMES DE NICÉTAS DAVID 297

pécheurs ; au genre de vie des impies haï par Dieu et abominable, préférons la
conduite remplie de la connaissance de Dieu, la conduite qui lui est agréable, le
chemin de la vertu qui est pur et qui a les faveurs de Dieu ; adhérons à la vie
vraiment philosophique, à une philosophie qui n'est pas entrée dans la vie
seulement récemment, qui n'a pas inauguré la législation aujourd'hui ; ancien en
est le don ; antique est la loi, qui a été transmise d'en-haut depuis les Pères s 8, par
les prophètes, les apôtres, ou plutôt par Jésus-Christ notre seigneur, Dieu et sau
veur ; de génération en génération, la voie divinisante du salut nous est déblayée.
Cette voie il n'est pas possible de la suivre réellement et purement si nous
ne fixons pas notre intelligence sur l'exorde du psaume, si nous ne refoulons pas
d'abord toute volonté des impies, si nous ne repoussons pas complètement de
notre oreille toute incitation et exhortation criminelles, suggérées par les démons
ou par les hommes (et ainsi l'ennemi ne pourra pas trouver une occasion contre
nous et sera repoussé dès son premier assaut) ;
Cette voie, il n'est pas possible de la suivre, si nous ne nous détournons pas de
toute voie des pécheurs, c'est-à-dire de toute espèce de conduite mauvaise (et
ainsi notre âme ne pourra pas fixer le pied ni se tenir sur elle), si, en plus, nous
n'abandonnons pas les distinctions honorifiques et les premiers sièges qu'appréc
ient, chez eux, les élites, comme des faiblesses pestilentielles et qui ont part au
mal, et si, de cette manière, nous ne nous attachons pas à Dieu dans la tranquillité.
De cette manière, en effet, en méditant la loi divine activement et philoso
phiquement, en nous purifiant, grâce à elle, de toute infamie et de toute la souillure
que les péchés ont infligée à l'âme, en nous illuminant de la lumière de la science
très pure et très parfaite, en étant initiés par les œuvres de Dieu excellentes et
très mystérieuses, nous offrirons à notre jardinier le fruit digne de Dieu et qui
mérite la louange, dans le Christ Jésus, notre Seigneur, à qui sont la gloire et la
puissance, en même temps qu'au Père et à l'Esprit Saint, maintenant et toujours
et pour les siècles des siècles. Amen.

58. Les « Pères » sont ici bien entendu les Patriarches de l'Ancien Testament.

du Pseudo-Denys ; mais le fait qu'ils soient employés dans le voisinage des mots
caractéristiques justifie qu'on les donne ici. Le présent Index a pu être constitué
grâce à A. van den Daele, Indices Pseudo-Dionysiani, Louvain 1941.
On doit ajouter que les autres œuvres de Nicétas David, ses Vies de saints
comme ses Scholies à Grégoire de Nazianze, sont nourries de vocabulaire
dionysien. Il s'agit donc ici d'un phénomène général, qui, il faut le souligner,
n'est pas attesté chez le seul Nicétas David : l'œuvre d'Aréthas témoigne de la
même influence.
Les chiffres renvoient aux lignes du texte grec.
298 G. DORIVAL

αβλεψία 163 βραχυλογία 70, 125, 322


άγαθαρχικός 10-11
άγαθοδότις 1 3 γνήσιος 130
άγαθοειδής 349 γνόφος 161
άγαθοπρεπής 112 γόνιμος 298
άγαθότης 10, 132, 135, 148-149
άγιοπρεπής 36, 114 διακρίνω 333
άγιότης 136 διάνοια 23, 238
άγνοια 413 διασαφέω 161
άγνωσία 164 διασάφησις 51
άγονος 295, 335 διάστημα 316
άθετέω 48, 231-232 διεξοδικός 64
άίδιος 141 δυσφημία 44
ακίνητος 223
άκλινής 271 ειλικρινής 357
ακόλουθος 374 έκδημέω 350
ακολούθως 59 έκκαθαίρω 268
ακραιφνής 356 έκφαίνω 29
άκρος 215, 224, 233 έκφαντορικός 16
άκτίς 356 έλλαμψις 188
άληθογνωσία 31 έμπαλιν 230
αμέριστος 270 έναρμόνιος 95
άμετάβολος 145 ενατενίζω 358
άμορφος 284 ενέργεια 219, 269
άναθάλλω 333 ένεργέω 214, 406
άνακαθαίρω 58-59, 432 ένθεαστικός 81
ανακαινίζω 78 ενιαίος 31, 284, 393
άναλάμπω 258 ένιαίως 1 60
αναλογία 361 έννοια 16, 40, 47, 55, 59, 190
αναλόγως 40, 42, 138, 266, 346, 352 ένοειδώς 123
άνανεόω 75, 333 ένόω 333
άναπτερόω 78, 93 έξαιρέω 143
άνάπτυξις 21 έξέτασις 62
αναπτύσσω 60 έξις 223
άνατείνω 13, 65 έξίστημι 318
ανένδοτος 271 έπαίρω 275
άνεπιτηδειότης 257 έπακολουθέω 237, 314
άντίκειμαι 263 επαφή 98
άξιόθεος 448 έπιβατεύω 32
αόριστος 209 έπιπροσθέω 198, 256, 346
απαθής 270 έπιτηδειότης 200
άπαράτρεπτος 291 εραστός 267
απαρτίζω 197 έρευνα 60
άπλοϋς 30, 284, 393 έρως 273
άποδιαστέλλω 124, 204, 387 εύαγώς 35
άποκάλυψις 303 εφαρμόζω 41
άπολίσθαίνω 422
άπορραπίζω 434-435 ζωογόνος 332
άραρότως 146
αρχηγικός 10 ηλιακός 297
άρχίφωτος 350
ασχημάτιστος 284 θεαρχικός 5, 27, 132, 151, 305
άτακτος 210 θείως 176
ατελής 279, 394 θεογενεσία 356
άτρεπτος 271 θεοειδής 257, 349
άυλος 340 θεοκίνητος 172
αύτοαγαθότης 141 θεολογέω 160
αύτοθεότης 141 θεολογία 27, 121
αυτοκίνητος 263 θεοπρεπής 14, 34, 302, 322, 404
αύτοκινήτως 399 θεορρημοσύνη 161
LE COMMENTAIRE SUR LES PSAUMES DE NICETAS DAVID 299

θεοτελής 387 παθητικός 268


θεουργία 447 παναγής 1 55

!
θεουργός 432 πανιέρως 41
θεωνυμία 1 32 πανόλβιος 145
θεωρία 32 et passim πάντη 46
περιθάλπω 332
ΐδρυσις 145 περικαλύπτω 199
ιεράρχης 167, 415 περιοχή 100
ιεραρχικός 157 περιπέζιος 30, 143
ίερογνωσία 181 περιφύω 271
ίερομύστης 161 πηγαίος 9, 188
ιερός 167, 356 πνευματικός 31, 48, 88, 282
ίεροτελεστικός 1 57 πνευματικώς 176, 202
ίχνος 208, 238, 250, 440 πόθος 271
πολιτεία 115, 357, 426, 439
καθάπαξ 236 πολύπαθης 269
καθηγεμών 168 πολύφωνος 1 60
καθόλου 62 πολύχυτος 1 65
καταλάμπω 305 προαιωνίως 393
κατανεκρόω 336 προγιγνώσκω 398, 401
κατάπαυσις 422 προκοπή 395
καταστροφή 324 προσάγω 205
καταυγάζω 1 73 προσβάλλω 27
κατονομάζω 232 πρόσυλος 283
κηλίς 446 προσφύω 126, 252
κίνησις 212
κοινωνία 236 ρευστός 310
κοινωνός 76 ροπή 264, 267
κομιδη 22
κρύφιος 161
κρυφιότης 351 σιγή 161
σκοτίζω 345
λαμπρότης 351-352 σκότος 334, 342, 363
ληξις 422 σκοτόω 334
λογικός 95, 98, 301, 311 συγκεφαλαίωσις 64
σύμμετρος 296
μαθητιάω 1 1 4 συμπτύσσω 1 24
μακαριότης 147 συμφυής 1 1
μεγαλειότης 34 συνεργέω 320
συνεργεία 288
μέθεξις 132
μεριστός 269 σύνοψις 64
μεσότης 215 σωματικός 400
μεταδοτικός 442 σωτήριος 408
μετάληψις 308
μετοχή 224 τελειότης 36, 115, 138, 142, 207, 216,219
μέτοχος 36 τελειόω 142
μορφή 198 τελεσιουργία 224
μορφοποιία 257, 283 τελετάρχης 118, 142
μυστικός 178, 447 τελετουργέω 114, 447
τελετουργία 1 1 9
νοερός 32, 312, 401 τρόφιμος 306
νόησις 1 62 τυπωτικός 282
νοητός 38, 314
ύπεράγαθος 141, 190
οϊησις 413 ύπεράγνωστος 163, 164
ολικώς 1 2 ύπεραγνώστως 145
ουραίος 254 ύπεραίρω 143, 273
ούρανίως 176 ύπεράρχιος 141
ουσία 144, 310 υπερβαίνω 215
ουσιώδης 392 υπερβολή 148
300 G. DORIVAL

ύπέρειμι 140 ύφίημι 274


ύπέρθεος 140 υψηλός 378
ύπέρκαλος 158
ύπέρκειμαι 147 φιλάνθρωπος 75
ύπερουράνιος 26 φιλαυτία 413
όπερούσιος 140, 393 φιλόθεος 75, 274
ύπερουσίως 144 φωταγωγέω 1 66
υπεροχή 441 φωτοειδής 362
ύπέρσοφος 10 φωτοχυσία 157-158
ύπερφαής 157, 164, 351, 358
ύπερφανής 156 χορηγέω 11, 49
ύπερφυής 70 χορηγός 136
ύπερφυώς 144
ύποτυπόω 69 ψύχω 335
ύποτύπωσις 111
υφεσις 143 ωφέλιμος 48, 408

Annexe 2. Index des hapax légomena et des mots nouveaux

Par hapax, on entend les mots qui, dans l'état actuel de nos connaissances,
ne sont attestés que chez Nicétas David, et cela à une seule reprise. Par mots
nouveaux, on entend les mots dont la première attestation paraît être le ComPs
de Nicétas David.
1. Hapax
άγιαρχικός (ligne 35) Cet adjectif de coloration dionysienne ou maximienne est
absent tant chez le Pseudo-Denys que chez Maxime. On notera
que, dans son Panégyrique de Thomas (PG 105, 127-146),
Nicétas David emploie l'adjectif άξιαρχική (145e), qu'on a
proposé de corriger en άγιαρχική.
συγκαταργέω (89)
συνέλιγμα (255 )
χρηστοπρεπώς (150) On notera que Nicétas David emploie l'adverbe χριστοπρεπώς,
qui est un hapax, dans ses Scholies à Grégoire de Nazianze
(PG 38, 776). Faut-il corriger le texte du ComPs ? Il ne le
semble pas. Nicétas David utilise volontiers des adverbes en
-πρεπώς : on rapprochera χρηστοπρεπώς d'άγαθoπpεπώς par
exemple.
2. Mot nouveau
άτυορρυίσκομαι (310) Le verbe est attesté au 12e siècle chez Anne Comnène (Alexiade,
XIV, V, 3) et chez Eustathe.

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