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LE LIEU SACRÉ DE LA PRIÈRE1

Le cœur ou le sein de la mère de Dieu est le lieu où le Christ naît de nouveau. Elle est le
moule du Christ et de Dieu, dans lequel est moulu et transformé, celui qui se donne
entièrement à elle.
À cause de la sensibilité de notre nature, l'endroit où nous nous trouvons n'est pas indifférent.
On peut plus facilement prier dans un lieu sacré – par exemple dans une église – que dans
une fabrique. Celui qui habite dans le cœur de la mère de Dieu, se tient constamment –
même dans le vacarme de la vie quotidienne ou dans le roulement des machines – dans un
lieu sacré. Guardini développe cette pensée dans son explication précieuse du rosaire. Il met
en valeur que l'orientation permanente de la personne qui prie envers Marie équivaut à un
séjour dans ces lieux sacrés et qu'on peut plus facilement et plus recueilli converser avec Dieu
et le Christ. Grignion décrit plus chaleureusement son secret, comme un homme qui puise ses
pensées de sa propre expérience profonde: (…)
«On doit faire tout par Marie, c'est-à-dire qu'on doit s'habituer petit à petit à se recueillir dans
son for intérieur, pour se faire une petite idée ou une image spirituelle de Marie. Elle doit être
pour l'âme le lieu de la prière, là où elle présente à Dieu toutes ses prières. Marie est un lieu
saint, oui le saint des saints, dans lequel les saints sont formés et moulus.»
Romano Guardini écrit2 :
«Le Christ en nous.
«Demeurer dans le domaine de cette figure est quelque chose de saint et de grand. Pour les
choses réellement nobles, on ne se demande pas leur utilité, car elles ont leur sens en elles-
mêmes. C'est ainsi qu'il est infiniment sage de respirer dans cette pureté, d'être en paix et en
sécurité dans cette union avec Dieu.
«Avec cela nous touchons ce qui a été dit au début de ce livre. L'homme a besoin d'un
espace de silence sacré où le souffle de Dieu souffle, et dans lequel il rencontre les grandes
figures de la foi. Cet espace est au fond l'inaccessibilité de Dieu lui-même, qui s'ouvre à
l'homme dans le Christ. Toute prière commence dans ce fait que l'homme devient tranquille,
qu'il rassemble ses pensées dispersées, qu'il se rende compte de son péché dans la
contrition et oriente son cœur vers Dieu. S'il fait cela, il lui ouvre alors l'espace sacré; non
seulement en tant que domaine de silence intérieur et de recueillement spirituel, mais comme
quelque chose qui vient de Dieu.
«Nous avons besoin de cet espace; de façon constante, mais particulièrement alors lorsque le
bouleversement des temps rend un peu évident, ce qui l'est en fait toujours, mais qui est
caché par le progrès de la vie extérieure et le repos de l'ambiance générale, à savoir
l'absence d'un chez soi de l'existence. Ensuite on exige de l'homme un courage particulier:
non pas seulement la disponibilité de se priver de beaucoup de choses et de réaliser
quelque chose de plus grand que d'habitude, mais de persévérer plus sans avoir un lieu fixe
qui, dans d'autres circonstances, n'est pas tangible. C'est ainsi qu'il a besoin plus que jamais
de ce lieu fixe dont nous parlons. Non pas pour se terrer, mais plutôt pour trouver de
nouveau le sens des choses, devenir tranquille et plein de confiance. C'est pour cette raison
que le rosaire est si important dans les temps comme les nôtres – naturellement à condition
que tout ce qui est mou et excessif soit rejeté, et qu'il (le rosaire) soit pris dans sa force claire
et originelle. D'autant plus important qu'il n'a pas besoin de préparation particulière, et que la
1
Extrait de JBr, 1952, II, p. 174-175. Cité dans Die religiösen Übungen. 1997, 2ème Partie, p. 151-153.
Traduction, mars 2002.
2
Guardini, Romano Der Rosenkranz Unserer Lieben Frau, Würzburg 21949, p. 33-35.

1
personne qui prie n'est pas obligée de produire des pensées auxquelles elle n'est pour le
moment ou absolument pas capable. Elle entre dans un monde ordonné, rencontre des
images connues et trouve des chemins qui la conduisent à l'essentiel.
«Le rosaire porte le caractère de "séjourner". En lui est la sécurité d'un monde tranquille, sacré,
un monde qui se réunit autour de la personne priante. Cela devient particulièrement visible, si
nous le comparons par exemple avec le chemin de croix. Ce dernier a la figure d'un chemin.
La personne priante suit le Seigneur, d'une "station" à une autre, et a à la fin le sentiment d'être
au but. Le rosaire n'est pas un chemin, mais un espace, et il n'a pas de but, mais une
profondeur. Séjourner en lui, fait du bien».

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