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2.

La notion d’espace disponible (concept


d’accommodation)
La structure et la position des corps sédimentaires sur le profil plate-
forme/bassin dépend de l’espace qui est potentiellement disponible
(accommodation) pour l’accumulation des sédiments entre le niveau de la
mer et le fond. Trois facteurs contrôlent cet espace disponible :
-la subsidence (qui crée constamment de l’espace),
-la variation du niveau marin (eustatisme) qui, selon le sens, augmente ou
diminue l’espace disponible,
-les apports sédimentaires et la production carbonatée qui comblent cet
espace.
Il semble que si l’épaisseur totale des sédiments est une fonction de la
subsidence et des apports sédimentaires, les variations de l’espace
disponible sont, avant tout, sous contrôle des fluctuations du niveau
marin. De ce fait, le déplacement périodique des corps sédimentaires
dans le système plate-forme/bassin ainsi que la présence et la nature des
discordances qui en résultent, reflètent les variations à court et moyen
terme du niveau marin.
3. Un modèle simplificateur mais cohérent
3-1 Présentation du modèle théorique
A partir de la courbe de fluctuations théoriques du niveau marin (fig.4) on peut
calculer, par rapport à la courbe de subsidence de la plate-forme la variation
temporelle de l’espace disponible pour la sédimentation (EDS).
Cependant, plus que la
valeur absolue, c’est la
vitesse de variation des
phénomènes qui est
déterminante.
Pour calculer la vitesse de
création ou de suppression
d’espace disponible
(accommodation potentiel),
il faut donc additionner
algébriquement la vitesse de
variation du niveau marin et
la vitesse de subsidence.
Par rapport à la courbe de variation du niveau relatif de la mer, les points critiques
ne sont donc pas le minima et le maxima (où la vitesse de variation est nulle) mais
les points d’inflexions entre minima et maxima (où la vitesse de variation est
maximale).
Lorsque le niveau
eustatique monte, la vitesse
de changement relatif du
niveau marin augmente
simultanément, c'est-à-dire
que l’on crée, en allant vers
le continent, de plus en plus
d’espace pour la
sédimentation par unité de
temps.
Le maximum de création, par unité de temps, d’EDS est obtenu au point
d’inflexion de la courbe eustatique entre bas et haut niveau marin. Ensuite bien
que le niveau marin continue de monter, la vitesse de création d’EDS va diminuer
et, au moment du plus haut niveau marin, la création d’EDS est uniquement liée à
la subsidence.
Quand le niveau marin
baisse, la vitesse de chute
du niveau marin va
augmenter, réduisant ainsi
progressivement l’espace
disponible pour la
sédimentation. La vitesse
de chute aura une valeur
maximale au point
d’inflexion de la courbe
eustatique entre haut et
bas niveau marin.
Si la vitesse de chute du niveau marin reste inférieure à celle de la subsidence, il
y a simplement réduction de l’espace disponible sur la plate-forme (cycle de
type 2), si elle est supérieure, il y a émersion (cycle de type 1).
Si l’on fait maintenant intervenir les apports sédimentaires (en supposant un taux
constant), ceux-ci vont tendre à combler l’espace disponible en se répartissant vers
le bassin durant les phases de bas niveau marin et sur la plate-forme durant les
phases de remontée. Les sédiments vont ainsi s’organiser en unités génétiques ou
cortèges sédimentaires (system tracts).

• CSM = Cône Sous-Marin, PBN = Prisme de Bas Niveau, ST = Surface Transgressive, IT


= Intervalle Transgressif, SIM = Surface d’Inondation Maximale (IC = Intervalle de
Condensation), PBP = Prisme de Bordure de Plate-forme, LS = Limite de Séquence.
Ces cortèges sédimentaires
sont constitués de séquences
élémentaires appelées, suivant
les auteurs, séquences de
haute résolution, séquences
génétiques ou paraséquences.
Il s’agit de « briques
élémentaires » de la
stratigraphie séquentielle.
D’une épaisseur comprise en
général entre 1 et 10 m, elles
correspondent aussi à un
cycle complet de variation du
niveau marin mais
d’amplitude inférieure et
d’une durée de l’ordre de 20 à
400 Ka.
Le concept de variation de l’espace disponible (accommodation) est donc aussi
applicable à cette échelle.
Enfin, les cortèges
sédimentaires sont, eux aussi,
regroupés en séquences
sédimentaires limitées à leur
base et à leur sommet par des
discordances.
Celles-ci sont en général
engendrées par la baisse rapide
du niveau marin et
correspondent au moment où le
potentiel de création d’espace
disponible sur la plate-forme est
minimal.

Lorsque la diminution de l’EDS provient d’un simple comblement par les


apports sédimentaires (taux de sédimentation > taux de subsidence) on parle
parfois de régression simple ; au contraire si cette diminution est liée à une baisse
eustatique on emploie alors le terme de régression forcée.
3-2 Les modalités d’empilement des paraséquences (stacking
pattern)
• Les rapports taux d’apports sédimentaires / taux de création d’espace
vont permettre de définir trois types d’empilement des paraséquences
sédimentaires (fig.5).
• Si le rapport = 1, on observera un empilement vertical des
paraséquences (aggradation).
• Si le rapport <1, les sédiments gagneront sur le continent
(rétrogradation) et l’on observera des onlaps. Ce dispositif est
typiquement celui de l’IT.
Figure 5 :
Représentation
schématique du mode
d’empilement des
paraséquences au
cours d’un cycle de
troisième ordre
(d’après Cross, 1988).
Les abréviations sont
les mêmes que pour la
figure 3.
Si le rapport > 1, les sédiments comblent tout cet espace et gagnent vers le
bassin (progradation), on observe alors des offlaps et des downlaps. Ce
dispositif est typiquement celui du prisme de haut niveau marin.

En fait, lorsque le niveau marin est bas, il y a soit érosion, soit un simple transit
sédimentaire (by-pass) sur la plate-forme. La tendance du système littoral est
donc à la progradation maximale. D’une façon plus générale, les rapports
sédimentation / érosion dépendent du niveau de base (base level). Ce concept est
à l’origine géomorphologique, c’est le niveau en dessous duquel un cours d’eau
ne peut plus creuser. Cela peut être le niveau de la mer pour un fleuve mais aussi
le niveau d’un confluent, d’un lac ou d’une dépression endoréique pour une
rivière. En stratigraphie séquentielle, on l’assimile, d’une façon abusive,
systématiquement au niveau de la mer.
Cross (1988) et son école ont généralisé le concept de niveau de base en
l’assimilant à une surface au dessous de laquelle il y a sédimentation et au dessus
de laquelle il y a érosion quelque soit le milieu (fig.6). Par l’intermédiaire de ce
concept de niveau de base, on peut utiliser, assez paradoxalement, les variations du
niveau marin pour contrôles des séquences en domaine continental. Divers travaux
ont montré l’intérêt stratigraphique d’une telle approche.

Figure 6 : Le concept de niveau de base, relation au bilan du flux sédimentaire (d’après


Homewood et al. 1995).
3-3 Constitution d’une séquence génétique dans le cas d’une
sédimentation silicoclastique

a) Les différents cortèges sédimentaires (fig.7)

• Le modèle de stratigraphie sismique a d’abord été appliqué à la


sédimentation silicoclastique.
 Dans ce cas, au cours d’un cycle eustatique de type 1 (avec émersion) on
pourra successivement distinguer :
• Le prisme de bas niveau PBN qui repose typiquement sur une limite de
séquence de type 1 (LS1) avec émersion en haut de plate-forme. Il se
dépose durant la phase de chute rapide du niveau marin jusqu’à la première
partie de la remontée. Le sommet du PBN est marqué par une surface
d’inondation marine, la surface transgressive (ST) qui traduit une migration
rapide de la ligne de rivage vers le continent.

Le prisme de bas niveau peut comporter 3 ensembles (fig.8) :


.le cône sous-marin CSM souvent associé à des érosions de canyons sur la pente et des
creusements de vallées sur la plate-forme ;
.le prisme inférieur de bas niveau (PIBN) caractérisé par la présence de turbidites et de
coulées de débris ;
.le prisme supérieur de bas niveau (PSBN) qui présente, vers le bassin des
« downlaps » sur les deux cortèges précédents, et vers le continent, pour les
derniers dépôts, des onlaps sur la limite de séquence. Simultanément à son dépôt,
les vallées incisées de la plate-forme se remplissent de sédiments fluviatiles,
estuariens ou marins peu profonds.

• CSM = Cône Sous-Marin, PIBN = Prisme Inférieur de Bas Niveau, ST = Surface


Transgressive, IT = Intervalle Transgressif, SIM = Surface d’Inondation Maximale, PSBN
= Prisme Supérieur de bas niveau, LS = Limite de Séquence, SC = Sables Côtiers.
L’intervalle transgressif (IT) qui surmonte la surface transgressive et se dépose
durant la remontée rapide du niveau marin. Il est caractérisé par une rétrogradation
et son dispositif en onlaps vers le continent ; cependant vers le bassin, on peut
observer des terminaisons en downlaps sur la surface transgressive. Le sommet de
l’intervalle transgressif correspond à la surface d’inondation maximale (SIM). En
allant vers le bassin, la surface d’inondation maximale passe à des niveaux
condensés (IC, fins niveaux d’hémipélagites et de pélagites à très faible taux de
sédimentation, puis à des hiatus sédimentaires). L’IT correspond donc à la période
de sédimentation minimale de tout le système.
Le prisme de haut niveau PHN (highstand system tract, HST) représente la fin de
la montée eustatique, son étal et le début de la baisse. Il se développe largement
sur la plate-forme. Sa base est aggradante mais la majeure partie de ce cortège est
progradante. Il présente donc des downlaps sur la SIM et les dépôts de l’intervalle
transgressif. Au sommet du PHN, la chute rapide du niveau marin va induire une
limite de séquence de type 1 ou 2 suivant les cas.

Dans une séquence de type 2 (sans émersion), le premier cortège à se déposer sur
la limite de séquence est le prisme de bordure de plate-forme, PBP suivi d’un
intervalle transgressif et d’un prisme de haut niveau.
b) Les surfaces particulières
Il existe au sein de la séquence, un certain nombre de surfaces « clefs » à
signification particulière qu’il sera important de savoir reconnaître (fig.5 et 7).
Il s’agit tout d’abord de limite de séquence, LS1 dans le cas d’une émersion sur la
plate-forme et LS2 (moins nette) sans émersion (sequence boundary SB1 et SB2).
Au cours de la montée du niveau marin, la migration des sédiments vers le
continent (rétrogradation) provoque des recouvrements en « onlap » sur la limite
de séquence. Chaque avancée se caractérise par une surface d’inondation, la
première à paraître est dite surface de transgression, ST (transgressive surface
TS), elle marque la limite entre le PBP ou le PBN et l’IT.
Entre l’intervalle transgressif et le prisme de haut niveau, c'est-à-dire au moment
ou la création d’espace est la plus rapide, il se développe vers le bassin des hiatus
sédimentaires ou au moins des niveaux de condensation de sédiment (IC) qui
permettent de mettre en évidence la surface d’inondation maximale, SIM
(maximum flooding surface, MFS) qui sépare l’IT et le PHN.
Cette SIM est particulièrement discriminante à l’intérieur de la séquence
puisqu’elle marque le renversement des tendances évolutives de la rétrogradation
vers la progradation (soit en termes plus simplement géologiques de la
transgression vers la régression).
c) Relation cortèges sédimentaires (system tracts) et faciès lithologiques.
Implications chronostratigraphiques
La figure 7 montre qu’il y a une indépendance des cortèges et des paraséquences
par rapport aux faciès lithologiques. Chaque paraséquence comporte à la fois des
faciès marins ouverts, des faciès côtiers et des faciès de plaine littorale.
Figure 7 : Le modèle de stratigraphie séquentielle : représentation d’une séquence de troisième ordre, évolution des
cortèges sédimentaires et répartition des lithofaciès dans le cas de dépôts silicoclastiques (d’après Vail et al. 1977). Les
abréviations sont les mêmes que pour la figure 3.
Ceci conduit à deux conclusions importantes :
 Un faciès ne permet pas de caractériser une paraséquence ou un cortège
sédimentaire. C’est l’agencement spatio-temporel des faciès successifs qui
permet de le faire ;

 Pour corréler différentes coupes ou sondages, il faut relier les différentes


paraséquences, ce qui revient à relier entre eux des faciès de nature différente.
La reconnaissance des surfaces « clefs », traduisant les variations du niveau
marin, est donc une démarche capitale pour les corrélations.
Enfin la représentation des séquences génétiques en coupe temps (fig.7) montre
l’importance des lacunes dans l’enregistrement sédimentaire. En aucun point, que
ce soit sur la plate-forme ou dans le bassin, il n’est possible d’obtenir une
succession stratigraphique complète. L’établissement d’une échelle stratigraphique
complète nécessite donc un va et vient incessant entre plate-forme et bassin.
1 : Corrélation classique en
lithostratigraphie : on relie
alors les isofaciès (on
remarquera que l’on néglige
une discontinuité à l’intérieur
de faciès de shoreface dans
les sondages A, B, C).
2 : Corrélation en
stratigraphie séquentielle :
on met en évidence 4
séquences que l’on corrèle
entre elles, ce qui met en
évidence un dispositif
sédimentaire progradant. Il
ne faut donc plus corréler les
iso-lithologies et les iso-
faciès mais les
enchaînements verticaux de
séquences dont on voit
progressivement changer
l’épaisseur et l’organisation
des faciès.
4. Les variations temporelles du niveau marin
au cours des temps géologiques

• A partir des données sismiques, Vail et son équipe ont publié diverses
versions d’une charte de variations du niveau marin connue sous le nom de
courbe de Vail ou courbe d’Exxon. Cette courbe est complexe et
correspond à la superposition de 5 ordres de variations dont les périodicités
sont plus ou moins bien définies. La figure 9 montre les fluctuations
d’ordre 1 et d’ordre 2. Ces cycles peuvent se déconvoluer en cycles de 3e
ordre d’une durée de 1 à 5 Ma. C’est l’ordre de variation correspondant aux
séquences génétiques précédemment décrites. Des cycles de durée
inférieure, de quatrième (500 000 à 200 000 ans) et de cinquième ordre
(200 000 à 100 000 ans) ont été décrits par de nombreux auteurs tant dans
les séries néritiques que pélagiques où ils correspondent aux paraséquences.
Leurs périodicités sont compatibles avec celles des fluctuations climatiques
de type Milankovitch qui fonctionnent bien avec les terrains du quaternaire.
Figure 10 : Evolution du niveau
marin (cycles eustatiques) au
cours du Phanérozoïque
(d’après Vail, Mitchum et
Thomson, 1977). Mise en
évidence de deux cycles de 1er
ordre (courbe en pointillé) et de
13 principaux cycles de 2e
ordre (supercycles). Les
modèles récents ont réduit
l’échelle des variations par
rapport à celle de cette figure.
Au maximum du second cycle
de 1er ordre (Crétacé
supérieur), le niveau de la mer
est de 200 à 250 m plus élevé
que le niveau actuel. Au cours
de l’Ordovicien la différence de
niveau était de l’ordre de 150 à
200 m. Les importantes
fluctuations du Miocène au
Quaternaire sont dues en partie
au glacio-eustatisme.

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