Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
INTRODUCTION
La notion d’entreprise défaillante peut s’avérer complexe et dynamique ainsi qu’il est
difficile à cerner en raison des divers modes d'analyse. Dans sa dimension juridique, elle
peut être définie comme celle qui est engagée dans une procédure de redressement ou
de liquidation judiciaire. Dans sa conception économique plus large, c’est une entreprise
qui n'arrive plus à écouler normalement ses stocks, accumulant ainsi les déficits et
devenant non rentable, ce qui implique une valeur ajoutée négative (GRESSE, 1994).
Selon la vision financière, c’est la situation où l’entreprise se trouve en difficulté
d’honorer ses engagements financiers.
Cet article propose une revue de littérature théorique et empirique de la défaillance des
entreprises. Nous nous intéresserons tout d’abord à l’exploration des différentes notions
liées à ce terme, qualifié de polysémique, et à la présentation de l’histoire de la faillite en
avançant les premières littératures ayant traité la question de la faillite depuis la
civilisation babylonienne jusqu’au début du XIXème siècle. Ensuite, nous nous
consacrerons aux approches théoriques de la défaillance des entreprises en avançant les
aspects économiques, les aspects financiers et les analyses traitées par les gestionnaires.
Enfin, nous avancerons les travaux empiriques des différentes études menées par les
économistes, par les financiers et par les gestionnaires en évoquant les différents
résultats.
Dans l’étymologie latine, le terme « faillite » fallere (induire en erreur), qui vient plus
près de l’italien failita, a été introduit en France au début du XIVème siècle pour donner
l’expression « faire faille à » (manquer à)2. Depuis 1985, la notion de « faillite »
disparaissait du langage juridique français au profit du concept de « défaillance » qui
n’étant plus aujourd’hui une procédure collective. La défaillance serait un terme
approprié pour désigner la situation de cessation des paiements lorsque l’entreprise ne
1
BONNET J. et RENOU-MAISSANT P. [2000], « La régulation macro-économique et sectorielle de la
démographie d’entreprises », Économie et Prévision, 145(4), p.19-40.
2
DESURVIRE D. [1992], « Histoire de la banqueroute et faillite contemporaine », l’Harmattan, p.11.
peut plus faire face à son passif exigible à l’aide de son actif disponible (Crucifix et Derni,
1993).
D’autres substantifs viennent s’ajouter au langage ; comme banca rotta au XVème siècle
pour exprimer la banqueroute des banquiers ou encore « déconfiture », qui remonte à la
fin du XIIème siècle (decoquere) pour exprimer la déception.
En dernier lieu, vient la notion de « l’entreprise en difficulté ». Cette notion couvre une
dimension juridique (procédure de redressement judiciaire), une dimension
économique (valeur ajoutée négative) et une dimension financière (difficulté d’honorer
les engagements financiers).
Une entreprise peut être en difficulté sans nécessairement être insolvable ou en faillite
(Ménard, 1994). Ainsi, Domens (2007) affirme la distinction entre défaillance et
difficulté pour deux raisons. La première réside dans le fait que la procédure collective
ne concerne pas toutes les entreprises en difficultés. Tandis que la deuxième raison
évoque la défaillance comme étant le résultat d’un type précis de difficultés.
L’empire grec était caractérisé par une justice sauvage et arbitraire où le débiteur failli
se trouve déchu de ses droits de citoyenneté mais aussi par l’abandon de sa famille. De
même, chez l’empire romain où la loi se caractérisait par l’atrocité, toute défaillance au
paiement de la dette constituait un crime contre la société et porte atteinte à la dignité
de citoyen. Cependant, avec la montée du christianisme à la France Médiévale, la notion
de fraude était explicitement attachée à la défaillance et la fuite du débiteur devient
l’indice de la faillite. Ainsi, l’intervention de l’Etat devenait une nécessité pour se
prémunir contre le risque des faillis.
3
Plutarque, au traité : Qu'il ne faut pas emprunter à usure.
Pour Jean-Baptiste Say (1803), le risque de la faillite dépend de deux valeurs : la valeur
personnelle de l’entrepreneur où la faillite est le résultat de l’action d’un homme
incapable et négligent, et la valeur sectorielle où une mauvaise allocation du capital
conduit à la surproduction.
Pour le deuxième volet, la faillite est un moyen de disparition du capital qui permet de
reprendre l’accumulation du capital quand celle-ci était ralentie ou stoppée du fait des
Pour Karl Marx (1867), l’analyse de la faillite trouve ses explications dans la théorie
marxiste des crises par la destruction du capital lorsque les moyens de production
perdent leur valeur d’usage et leur valeur d’échange, et par la centralisation des capitaux
due à l’élimination des petits capitalistes et à l'expropriation des derniers survivants de
la production directe.
En analysant les crises de 1847 et de 1857, Marx et Engels, insistent sur le rôle des
faillites en chaîne qui favorisent la transmission de la crise de la sphère financière à la
sphère industrielle ensuite à la sphère commerciale4. Cette théorie était affinée par
Rudolph Hilferding (1910) sur le plan financier5 et par Eugène Varga (1976) pour le
capitalisme monopoliste.
Selon Mascret (1871), il est préjudiciable d’associer la faillite à une cause unique6. Pour
cet auteur, la conjoncture politique explique en majeure partie l’évolution des faillites
entre 1828 et 1872.
Pour Joseph Alois Schumpeter (1928), l’analyse de la faillite peut être abordée selon
l’idée de l’innovation. En effet, en position de monopole, l’innovation avec succès permet
de créer une valeur supérieure pour un niveau de dépense donné. Cependant, l’imitation
conduit à la disparition de la rente de monopole de l'innovateur. Cette situation ne
pourrait être dépassée que par d'autres vagues d'innovations. D’où l’idée de la
destruction créatrice où les entreprises nouvelles, fondées sur des innovations, se
substituent à des entreprises vieillies et routinières.
Selon John Stuart Mill (1861), l’origine des faillites doit être cherchée dans le
développement des spéculations et dans les erreurs d’anticipation des prix. Les faillites
ont pour fonction économique de détecter les affaires non rentables et d’aider, par là,
aux transferts des capitaux à moindre perte.
4
MARX K. et ENGELS F. [1978], « La crise (recueil de textes) », Paris, p. 169
5
HILFERDING R. [1910], « Le capital financier », trad. frse Paris.
6
MASCRET H. F. [1871], « Tableau synoptique des faillites », dans Dictionnaire des faillites pour année, Paris.
En effet, pour le premier volet, l’entreprise a souvent été associée au monde biologique
et organique. Elle passe par les phases de naissance, de vie et de mort. Ce cycle de vie
est un héritage scientifique de la théorie de l’évolution des espèces et de la sélection
naturelle de Darwin.
Selon Alfred Marshall (1890), les explications proposées des faillites d’entreprises
conduisaient à distinguer deux catégories de risques auxquelles est confronté
l’entrepreneur : les risques personnels ou entrepreneurials et les risques commerciaux7
ou sectoriels.
Pour le deuxième volet, la crise c’est la pierre de touche qui permet de reconnaître la
solidité de l’entreprise (Juglar, 1862). C’est la deuxième phase d’un cycle d’affaire qui
commence par l’expansion et se termine par la liquidation. Durant la période des crises,
les entreprises se retrouvent avec des capitaux sans rentabilité et des excès de stocks.
Aussi, le surinvestissement de spéculation et le manque de réserves financières sont
deux causes majeures qui attirent l’attention sur la violence des crises et sur les erreurs
de gestion commises par les firmes et qui sont souvent mortelles (Juglar, 1862).
Cette thèse est contestée par Jean-Clément Martin8 qui affirme qu’il n’y a pas de lien
impératif entre faillite et faute professionnelle. De plus, pour spécifier l’erreur de
gestion, il ne s’agit pas de retenir les statistiques de faillites pour lesquelles la bonne foi
est à priori admise mais plutôt celles de banqueroutes où la fraude est condamnée.
Kondratieff (1931) matérialise deux phases distinctes du cycle : une phase ascendante
marquée par un excès d’investissement et une hausse des prix et des taux d'intérêt, et
une phase descendante, caractérisée par un déclin de l’activité économique, où les
récessions augmentent la probabilité de faillite des entreprises.
Pour le troisième volet, pour Pareto (1896) la situation optimale est lorsqu’il est
impossible d'augmenter la production d'un bien économique quelconque sans diminuer
celle d'au moins un autre bien. Tout état de déséquilibre a pour conséquence la faillite
des entreprises. Cependant, l'équilibre général dépend de la forme de la fonction de
production. S’elle est à rendements d'échelle décroissants, l’entrepreneur est censé fixer
le prix, en libre concurrence, au niveau du coût marginal. Or, lorsque les rendements
7
RAINELLI, M. [1983] « Entrepreneur et profits dans les ' Principes ' de John Stuart Mill et d'Alfred
Marshall », Revue Économique, vol. 34, n° 4.
8
MARTIN J.-Cl., « Commerce et commerçants de Niort et des Deux-Sèvres aux XVIIIe et XIXe siècles d’après
les dossiers de faillites », Paris, thèse de 1977, p. 287.
sont croissants, le coût marginal est toujours inférieur au coût moyen et donc fixer le
prix au coût marginal conduirait l'entreprise à la faillite.
Pour Walras (1988), l’équilibre général est atteint si, grâce aux prix relatifs, l’offre égale
à la demande sur tous les marchés. Ainsi, dans une économie de concurrence parfaite, le
système de production implique le plein emploi des facteurs de production. Il ne peut
donc y avoir ni chômage, ni surproduction, ni crise. L’entrepreneur n’a de rôle qu’en
situation de déséquilibre puisqu’il disparaît lorsqu’il ne réalise ni perte ni profit.
Pour Keynes, la demande anticipée, nommée « demande effective », est le facteur majeur
qui détermine le niveau de l’emploi. Tout le système repose donc sur les anticipations de
la demande globale. Si elles sont pessimistes, la chute continue des prix, due à la
surproduction, conduit les entreprises à limiter leur production et en conséquence
cessent d'investir, le niveau de l’emploi devient faible, le pouvoir d'achat des ménages
est atteint, ainsi, l'attentisme des consommateurs, reportent à plus tard leur
consommation. Alors, la sous-consommation et une spirale déflationniste conduisent
des entreprises à la faillite.
Le taux d’intérêt est exprimé comme une variable réelle. Il dépend de l’offre et de la
demande de la monnaie. Lorsque les agents demandent de plus en plus de monnaie (la
préférence pour la liquidité), le taux d’intérêt va augmenter et dépasser l’efficacité
marginale du capital. Cela provoque une paralysie des investissements et conduit des
entreprises à la faillite.
9
PARIENTE G. [1968], « La recherche de l'optimum économique ». In: Revue économique. Volume 19, n°5,
pp. 874-893.
En discutant les deux questions avancées par Ronald Coase (1937), à savoir pourquoi la
firme existe-elle ? Et quelle est sa nature ? La firme est considérée comme une réponse
aux insuffisances du marché, car elle constitue un mode de coordination économique
alternatif qui permet de réduire d’une part le coût relatif à la détermination des prix
adéquats, c'est-à-dire le prix d’équilibre, et d’autre part les coûts de négociation et de
conclusion des contrats appelés par la suite coûts de transaction.
La théorie des droits de propriété cherche, pour sa part, à montrer comment les droits
de propriété agissent sur les comportements individuels et sur l’efficience des systèmes
économiques. Ces droits ont pour fonction d’internaliser les externalités (Demsetz,
1967). Cette théorie s’est constituée pour montrer la supériorité des systèmes de
propriété privée et à démontrer l’inefficience de l’entreprise publique et de la firme
autogérée10. L’une des raisons qui explique cette supériorité tient au risque de faillite
(Hart et Moore, 1990).
10
CORIAT B. et WEINSTEIN O., [2010], « Les théories de la firme entre «contrats» et «compétences» », une
revue critique des développements contemporains, Revue d'Economie Industrielle, n°129-130, p.57-86.
La théorie de l’agence vient pour compléter celle des droits de propriété. Selon Jensen et
Meckling (1976), les propriétaires et les dirigeants sont liées par une relation appelée
relation d’agence. Les théoriciens de l’agence soulignent que lorsque les intérêts des
deux cocontractants divergent, l’agent cherche à maximiser son intérêt personnel et le
principal se trouve incapable d'évaluer et de contrôler l'action de l’agent. De plus, les
contrats sont par nature imparfaits et incomplets ce qui rend impossible de prévoir par
contrat l'ensemble des événements futurs.
Selon cette théorie, les causes de la défaillance des entreprises sont à rechercher dans le
dysfonctionnement d’un système de relations contractuelles entre agents. Dans ce sens,
seules les entreprises susceptibles de rendre compatibles les intérêts des dirigeants avec
ceux des propriétaires sont censées survivre sur le long terme. Les autres, moins
performantes, étant amenées à disparaître progressivement. Dans cette optique, la
faillite peut se comprendre comme un simple transfert de propriété des actionnaires
vers les créanciers (Guilhot, 2000).
11
HARRIS M.et RAVIV A. [1991], “The theory of capital structure”, The journal of finance, vol 46 n° 1, mars,
pp. 297-355.
justifier l’existence d’une hiérarchie entre les différents modes de financement (Myers,
1984).
L’approche contingente montre que l’échec ou le succès dépend donc des choix des
structures appropriées et de degré d’adaptabilité aux exigences du contexte de
l’environnement. Dans les prolongements de cette théorie, la théorie de la dépendance
aux ressources affirme que la vulnérabilité de l’entreprise résulte de sa capacité à
acquérir des ressources adéquates12. Cela s’explique par la lutte pour les ressources qui
éliminent les entreprises les plus fragiles. Ainsi, suivant la métaphore de la sélection,
12
HATCH M.J et CUNLIFFE A.L. [2006], « Théorie des organisations : de l'intérêt de perspectives multiples »,
traduction de la deuxième édition anglaise par Evelyne Léonard et al. ; 2e éd. - Bruxelles : De Boeck université,
2009, p. 114.
Au niveau macroéconomique, des études ont montré qu’il existe une corrélation
significative entre le nombre de défaillance et les variables macroéconomiques. En effet,
un consensus s’est développé sur le lien entre créations et défaillances d’entreprises
(Longueville 1992, Bordes et Mélitz 1992, Marco et rainelli 1986, Blazy et al. 1993,
Combier 1994, Blazy et Combier 1998). La direction générale du Trésor de la France 14
(2011) démontre, dans une étude sur l’évolution annuelle des défaillances d'entreprises
en date de jugement, des créations d'entreprises et du PIB allant de 1998 à 2009, que le
nombre des défaillances réagit positivement à un choc de créations au bout d'un an et
négativement à un choc positif du PIB. Cependant, cette relation entre défaillance et PIB
à été critiquée par Blazy (1996).
13
DE WIT B. et MEYER R. [2004], « Strategy : Process, Content, Context : an International
Perspective », Thomson Learning, 3rd Edition, 957p.
14
TRESOR-ECO, Document n°84, Février 2011 (http://www.tresor.economie.gouv.fr/file/325817.pdf)
Quant aux travaux s’intéressant aux cycles et aux crises, Fama (1986) et Wilson (1997)
observent aux Etats Unis d’Amériques que les niveaux des défaillances est cyclique et
particulièrement importants pendant la phase de la récession. Ainsi, le niveau des
défaillances dépend des périodes d’expansion et de récession (Carey, 1998) et au niveau
des fluctuations économiques (Galai, 2000 ; Crouhy et Mark, 2001). Ainsi, le taux de
défaillance est influencé par le niveau du taux d’intérêt (Wadhwani, 1986 et Davis,
1987).
A l’instar de ces facteurs, Blazy et Combier (1998) ajoutent le levier financier. Cette
question de levier a été abordée par de nombreux travaux empiriques (Bardos, 1990,
Bloch et al., 1995) qui montrent que les économies d’impôts augmentent avec
l’endettement et les coûts de faillite augmentent également. Levasseur et al. (1998)
montrent que les firmes au plus haut levier financier connaîtront les difficultés
d'exploitation les plus graves lors d'une récession économique et sont les plus
menacées.
Ce lien entre endettement et défaillance à été abordée par Davis (1986) sur des données
internationales, par Simmons (1989) sur des données de Grande-Bretagne et
particulièrement par Bordes et Mélitz (1992) sur des donnés françaises. Le degré de
dépendance vis-à-vis des banques augmente aussi la chance de défaut par rapport aux
entreprises qui disposent du soutien de leurs groupes (Bauer, 1993).
Ainsi, une stratégie absente ou erronée (Sharma et Mahajan, 1980), une diversification
absente ou excessive (Hambrick et D’Aveni, 1988), la dépendance commerciale et
technologique (Marchesnay, 1988), l’absence d’une stratégie d’innovation (Picory,
1995 ; Van Caillie et al., 2006) et un système d’information déficient et une structure de
production inadéquate (Blazy, 2000) sont des causes majeures des défauts
d’entreprises.
Malecot (1991) affirme que la défaillance des entreprises peut être expliquée par la lutte
concurrentielle qui contraigne l’entreprise à adopter une norme de production
compatible avec elle. Cette idée est également adoptée par Jacquemin (1985) qui, dans la
défense de l’hypothèse néoclassique de maximisation de profit, estime qu’une force
concurrentielle écarte automatiquement les entreprises qui n’adoptent pas un
comportement adéquat à la maximisation de leurs profits.
D’autres études, telles que celles réalisées sur des échantillons des PME (Kaplan, 1948;
Mayer et Golstein, 1961; March et Simon, 1964; Shenker, 1973), montrent que les
variables personnelles traduisent les causes profondes du problème de défaillance des
entreprises.
Dans ce sens, Lamontagne et Thirion (2000) ont démontré que l’âge des dirigeants-
créateurs ainsi que leurs aptitudes personnelles (Lalonde, 1985; Lalonde et D'amboise,
1985) sont des variables déterminantes dans la survie de l’entreprise. En effet, ceux
ayant plus de cinquante ans ont deux chances sur trois de voir leurs entreprises survivre
plus de trois ans16. Francoz et Bonneau (1995) aboutissent à la même conclusion et
soulignent que le créateur qui réussit le mieux est précisément âgé entre 40 à 49 ans.
Fabre et Kerjosse (2006) confirment ce résultat pour les nouveaux entrepreneurs ayant
de 30 à 40 ans qui réussissent 1,5 fois mieux que ceux ayant moins de 30 ans.
Concernant la variable sexe, selon Lamontagne et Thirion (2000), être homme ou femme
n’a pas d’incidence significative sur la réussite de l’entreprise. Cependant, plus
récemment, Fabre et Kerjosse (2006) informent que les femmes réussissent moins bien
que les hommes17.
Ainsi, dans une étude expérimentale, Camerer et Lovallo (1999) montrent que l’excès de
confiance, les erreurs de gestion et l’aptitude du dirigeant peuvent expliquer l’échec de
son projet. Ces facteurs qui traduisent une gestion inefficace accélèrent le processus de
défaillance dans les entreprises à organe de direction rigide (Argenti, 1976).
Bardos (1995) a montré une liaison décroissante entre le taux de mortalité des
organisations et leurs tailles. Marchesnay (1993) a confirmé ce résultat en disant que la
majorité des entreprises défaillantes sont de petite, voire de très petite taille. Cette
liaison est due, selon Blazy (1995), aux effets issus de la taille sur les économies
d'échelle, l'effet d'expérience ou le pouvoir de négociation à l'égard des partenaires
commerciaux.
L'âge des firmes est un facteur important de la défaillance d'entreprises (Barron, West
et Hannan, 1994). En effet, comme l’indique l’étude statistique de Combier et Blazy
(1997), les jeunes entreprises restent très vulnérables et peuvent être menacées par la
15
CONAN J. et M. HOLDER [1979], « Analyse des causes de faillite des PMI », Thèse d'Etat, Université
ParisDauphine, CEREG, cités par DAIGNE, 1986.
16
LAMONTAGNE, E. et THIRION, B. [2000], « Les facteurs de survie, les qualités du projet priment sur celles
du créateur », Insee Première, n°703.
17
FABRE V. et KERJOSSE R. [2006], « Nouvelles entreprises, 5 ans après », Insee Première, n°1064.
défaillance. Ce résultat est confirmé par de nombreuses études telles que celle menée
par l’INSEE18 et celle réalisée par l’observatoire des défaillances de COFACE19 sur des
données françaises. Ainsi, les entreprises familiales, les entreprises non cotées et les
sociétés dont la forme juridique prévoit une responsabilité des associés limitée aux
apports sont les plus touchées par la défaillance que les autres entreprises (Pastré,
1997).
Les travaux menés par Picory (1994) spécifiquement sur un échantillon de PME ont
confirmé les adeptes de la théorie de contingence selon lesquels les structures
mécaniques seraient mieux adaptées aux environnements stables et inversement pour
les structures organiques. De la même façon, Lawrence et Lorsch (1989) ont également
montré que certaines structures sont plus adaptées que d'autres à certains
environnements et ont nié l’existence d’une structure organisationnelle idéale20.
CONCLUSION
Au terme de cet article, Il découle de cette revue de littérature théorique et empirique
que l’analyse de la défaillance des entreprises en terme de causes réelles et effectives
n’est pas faciles à cerner en raison de ce concept qui est apparait à la fois polysémique,
polymorphe, dynamique, transversal et difficile à contourner. En effet, plusieurs
concepts sont employés pour marquer une telle situation d’échec, à savoir la faillite, la
cessation de paiement, la défaillance, la banqueroute, la déconfiture et l’entreprise en
difficulté. Ainsi, une multitude d’approches d’analyse viennent pour éclaircir ce
phénomène et qui portent principalement sur le volet juridique qui représente le
premier volet intéressé par la problématique de la faillite, ensuite, l’économique, la
finance et la gestion.
Ainsi, les travaux empiriques tentant d’expliquer la défaillance des entreprises varient
entre les études économiques cherchant d’expliquer ce phénomène par des variables
micro et macroéconomiques et par des variables liées à la structure du marché. Quant
aux investigations intéressées par le volet financier, ils traitent principalement les
questions relatives aux contraintes financières, aux problèmes d’investissement et au
levier financier. Cependant, les études empiriques stratégiques, managériales et
18
Voir document n°16, juillet 2012,
(http://www.insee.fr/fr/insee_regions/guadeloupe/themes/antiane_echos/aechos16/Aechos_16_ga.pdf)
19
Voir les publications économiques de COFACE, observatoire des créations et défaillances (2010),
(http://www.pharmaciens-cotedor.com/assets/files/Infos%20professionnelles/coface-observatoire-creations-
defaillances.pdf)
20
LAWRENCE P., LORSCH J. [1989], « Adapter les structures de l’entreprise ; intégration ou différentiation »,
Editions d’organisation, Paris.
Pour le cas du Maroc, le champ d’investigation portant sur cette question est marqué par
un énorme vide empirique. En effet, les travaux de recherche portant sur ce sujet sont, à
notre connaissance, peu nombreux ou si elles existent, elles n'ont pas été publiées à
l’exception des études menées dans le cadre des recherches académiques de thèses de
doctorat et qui portent principalement sur le volet descriptif plus qu’analytique21.
RÉFÉRENCES
Alchian, A., Demetz, H., 1972. Production, information costs, economic organization.
American economic review.
Bain, J., 1956. Barriers to new competition. Harvard university press, cambridge, ma.
Conan, J., Hodler, M., 1979. Analyse des causes de faillite des pmi. Thèse d'Etat,
université parisdauphine, cereg, cités par daigne, 1986.
Coriat, B., Weinstein, O., 2010. Les théories de la firme entre «contrats» et
«compétences», une revue critique des développements contemporains. Revue
d'Economie Industrielle, n°129-130, p.57-86.
De Wit, B., Meyer, R., 2004. Strategy : process, content, context : an international
perspective. Thomson learning, 3rd edition, 957p.
21
Voir thèse de doctorat de MANIANI Abdelhadi (2009), « La défaillance des entreprises au Maroc »,
Université Mohamed V – Agdal.
22
Office Marocain de Propriété Industrielle et Commerciale.
Domens, J., 2007. Les défaillances d’entreprises entre 1993 et 2004. PME/TPE, en bref,
n° 23, ministère de l’économie, des finances et de l’emploi – dcaspl.
Fabre, V., Kerjosse, R., 2006. Nouvelles entreprises, 5 ans après. INSEE première, n°1064.
Harris, M., Raviv, A., 1991. The theory of capital structure. The journal of finance, vol 46
n° 1, mars, pp. 297-355.
Hatch, M.J, Cunliffe, A.L., 2006. Théorie des organisations : de l'intérêt de perspectives
multiples. Traduction de la deuxième édition anglaise par evelyne léonard et al. ; 2e éd. -
bruxelles : de boeck université, 2009, p. 114.
Lamontagne, E., Thirion, B., 2000. Les facteurs de survie, les qualités du projet priment
sur celles du créateur. INSEE première, n°703.
Lawrence, P., lorsch, J., 1989. Adapter les structures de l’entreprise ; intégration ou
différentiation. Editions d’organisation, paris.
Malecot, j.f., 1991. Analyse historique des défaillances d’entreprises : une revue de la
littérature. Revue d’économie financière, vol. 19, p. 205-226.
Martin, J.-CL., 1977. Commerce et commerçants de Niort et des deux-sèvres aux XVIIIe et
XIXe siècles d’après les dossiers de faillites. Paris, thèse de doctorat. P. 287.
Marx, K., Engels, F., 1978. La crise (recueil de textes). Paris, p. 169
Mascret, H., F., 1871. Tableau synoptique des faillites. Dans dictionnaire des faillites pour
année, paris.
Mason, E., S., 1939. Price and production policies of large-scale enterprise. American
economic review, vol.29, n°1.
Rainelli, M., 1983. Entrepreneur et profits dans les ' principes ' de John Stuart Mill et
d'Alfred Marshall. Revue économique, vol. 34, n° 4.
Samuelson, P.A., 1939. Interaction between the multiplier analysis and the principle of
acceleration. Review of economic studies.
Varga, E., 1976. La crise économique sociale politique. Paris, rééd. P. 161
Williamson, O., Е., 1979. Transaction costs economics: the governance of contractual
relations. Journal of law and conomics, 22, p 233-261.