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« Il nous faut environ 300 nouveaux appartements par

année »
Alors que la Suisse romande regarde avec envie Bulle qui a décroché la venue
d’une usine Rolex dotée de 2400 places de travail, son syndic nous parle des
différents défis qui attendent cette ville de 26'000 habitants. Notre interview
de Jacques Morand.
Voici un an, vous nous parliez d’une croissance démographique constante depuis 40 ans, mais
saine. Ce boom s’est-il confirmé depuis ? La barre des 26'000 résidents permanents a-t-elle été
franchie ?

Oui, en effet. L’année 2022 a été exceptionnelle avec environ 800 personnes de plus, dont 180
réfugiés venus d’Ukraine.

Arrivez-vous à suivre en termes d’équipements publics (écoles, installations sportives, mobilité,


soins, loisirs) ?

Nous arrivons à suivre. Le plus délicat pour nous reste la construction de nouveau sites scolaires, car il
s’agit des investissements les plus importants et que les emplacements destinés à les accueillir ne
sont pas encore prêts. Il faut notamment passer par de longues procédures de plan d’aménagement
de détail (PAD). A terme, trois nouvelles écoles devraient surgir de terre ces prochaines années.

Votre gare a été entièrement refaite, cependant il reste le problème de sa connexion aux grandes
villes romandes, en particulier à l’arc lémanique. Qu’en est-il ?

Une solution rapide n’a pas été trouvée entre la Gruyère et la région lémanique. Il y a la jonction par
le MOB, mais celle par Vevey est plus compliquée. Via Romont, c’est le trajet le plus court pour
Lausanne, environ une heure ; par Palézieux, on met 1h12 et par Châtel Saint-Denis 1h35.

Pour faire face à un tel développement, comment vous organisez-vous ? Faites-vous appel à des
mandataires externes ?

La Ville de Bulle fait appel à de nombreux mandataires externes car nos services techniques n’ont pas
les ressources nécessaires pour effectuer eux-mêmes les projets. Donc nous challengeons les
mandataires pour proposer ensuite les meilleures solutions au Conseil communal.

En matière d’amélioration de la mobilité, les entreprises attendent beaucoup du masterplan de la


zone industrielle de Planchy présenté récemment. Quelles seront les prochaines étapes ?

Le masterplan élaboré par l’association de communes Mobul n’est pas contraignant, bien que cet
outil soit accepté par la Confédération comme vision de l’agglomération. Dès lors, de concert avec le
Canton, nous devons intégrer toutes les données de ce masterplan dans le Plan directeur cantonal,
puis dans le Plan directeur régional, et enfin, qu’elles soient dans les plans d’aménagement locaux des
communes concernées (Bull et Vuadens). Ensuite, les PAD (plans d’aménagement de détail)
permettent de déroger aux règles urbanistiques et d’apporter des solutions sur mesure pour les
entreprises, les usagers et les riverains.

L’arrivée de Rolex va-t-elle vous aider à faire bouger certains dossiers plus rapidement ?
Non. Le PAD Prila-Combes-Sud (du nom des terrains où Rolex va s’installer) a été déposé une
première fois à l’enquête publique en 2018 déjà. Actuellement, seules des modifications mineures
ont été apportées, notamment sur l’aire de rue et la hauteur des bâtiments : avant limitée à 30 m
pour les éléments techniques et désormais à 32 m, mais sans éléments techniques en toiture, ce qui
améliore la qualité visuelle des bâtiments.

Le Conseil général a voté un crédit de 605'000 francs pour mener une étude pour une planification
efficiente du patrimoine bâti communal. Qu’en attendez-vous concrètement ?

Aujourd’hui, le patrimoine bâti communal se compose de 125 immeubles. Cette étude permettra,
d’une part, de mettre en exergue l’utilisation effective actuelle des locaux communaux, leurs
possibles rationalisations ainsi que leurs potentielles affectations en devenir. D’autre part, elle
permettra d’identifier et de planifier finement les investissements requis pour leur entretien ou leur
rénovation.

Parlez-nous aussi de l’élaboration de mandats d’études parallèles pour le réaménagement du


centre-ville. Est-ce une façon de booster le tourisme ?

Ce processus initié le printemps dernier aura un impact très important pour le réaménagement du
centre-ville. Les espaces urbanisés de la ville ne sont pas vieux. Ses aménagements sont de qualité. Ils
donnent satisfaction à une partie de la population, mais pas à tous. Les attentes pour que Bulle
verdisse davantage est un thème du moment, porté par le changement climatique. Nous attendons
de ces futurs projets une vision à long terme de ce que Bulle pourra mettre à disposition de ses
habitants, commerçants et visiteurs, comme espace à vivre de qualité. Cinq zones ont été définies
pour le réaménagement futur, dont deux pourraient devenir piétonnes.

Pour mener à bien cette démarche, nous avons intégré la population sur la base d’un questionnaire
auquel 1850 personnes ont répondu. Deux tiers des participants sont des Bullois et le reste sont des
ressortissants de la Gruyère. Aujourd’hui, nous avons sélectionné quatre équipes en concurrence sur
une vingtaine de candidats pour travailler sur les cinq périmètres concernés. Chacune pourra
prochainement présenter un projet pour chaque périmètre, puis nous en retiendrons deux. Enfin, les
deux équipes finalistes seront challengées par le groupe d’experts et la population. Et, pour finir, les
meilleurs projets seront choisis. La démarche est assez novatrice pour Bulle, d’autant qu’il y a des
commerçants qui n’ont pas la même vision que d’autres franges de la population.

Qu’entendez-vous par là ?

Aujourd’hui, il y a beaucoup trop de personnes qui passent en ville de Bulle sans forcément s’y
arrêter : nous subissons environ 50% de trafic de transit. A cela s’ajoute le problème des citoyens qui
tournent au centre-ville à la recherche de places de parc. Il y a pourtant la gare qui est désormais
dotée d’un grand parking souterrain, ainsi que le parking en ouvrage de Bulle Centre. Mais nous
devrons travailler sur la durée et le prix du stationnement en surface.

Concernant votre allusion au tourisme, si nous voulons réellement faire de Bulle une ville touristique,
il faut que les commerces soient ouverts. Or, aujourd’hui, certains restaurateurs ferment le dimanche
et le lundi. Nous sommes prêts à demander au canton de reclasser le centre-ville en ville touristique,
mais uniquement à condition que les commerçants et les restaurateurs s’engagent à changer leurs
heures d’ouverture. Le Groupement des commerçants Bulle-La-Tour-de-Trême va réaliser un sondage
à ce propos. Après, s’ils s’engagent, il y aura alors des démarches politiques à mener et un concept
touristique à développer.

Quid de la zone sportive de Bouleyres ?


Elle est en train de se réaliser selon un mandat d’études parallèles (MEP) accepté voici quelques
années déjà. Un skatepark et un pumptrack ont d’ores et déjà été inaugurés en 2022. Aujourd’hui, le
centre équestre s’y trouve, mais il devrait quitter ce site à terme. Ses propriétaires ont d’ores et déjà
signé une promesse de vente de leur terrain avec la Ville de Bulle. Prochainement, une halle dédiée
au padel-tennis abritant deux courts verra le jour dans la zone sportive, à côté du Centre de tennis.
Quant à la rénovation du stade de football, un crédit pour la poursuite des études sera demandé en
décembre au Législatif communal.

Parmi les zones appelées à connaître un important développement, il y a celle du Terraillet. Où en


sommes-nous ?

Cette zone de 150'000 m2 a été mise en zone de construction voici près de 40 ans. A terme, elle
devrait accueillir quelque 3000 personnes. Aujourd’hui, les propriétaires se sont mis d’accord et un
PAD a été mis à l’enquête. Il y a déjà eu un remaniement parcellaire entre les propriétaires. Chaque
lot va effectuer un MEP qui va permettre de définir chaque immeuble. Des bureaux d’architecture
vont pouvoir postuler et un jury devra ensuite choisir parmi eux.

La Ville de Bulle est propriétaire d’un terrain sur lequel une école sera construite. Dès que le PAD
entrera en force, les différents MEP seront lancés. Certains propriétaires sont pressés de construire,
mais il faudra que le marché ait le temps d’absorber ces futurs habitants, en sachant qu’il nous faut
environ 300 nouveaux appartements par année à Bulle pour faire face à l’augmentation
démographique, grosso modo.

Bulle accueille-t-elle enfin des infrastructures de l’administration cantonale fribourgeoise ?

Pas grand-chose. La Ville de Bulle accueille différents services de l’Etat, comme le Registre foncier,
l’Office des poursuites ou la Police de proximité. Mais cela reste relativement peu en regard de ce que
Bulle représente dans le canton. La Gruyère s’en sort très bien, de par sa structure et sa position
géographique, elle est en plein essor. Ce sont les gens qui font la force d’une région. Le politique ne
sert qu’à mettre en place les conditions cadres pour que les choses puissent se faire.

Propos recueillis par Serge Guertchakoff

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