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II – EMBRYOLOGIE CAUSALE
L’embryologie causale est une science expérimentale qui met en œuvre des techniques
variées : microchirurgie (cautérisation ou brûlure, greffe, ablation), culture de tissus embryonnaires,
utilisation d’agents physiques et chimiques dans le but de mettre en évidence les principes directeurs
du développement embryonnaire.
Seule une analyse sommaire des principaux acquis de l’embryologie causale sera présentée ici,
concernant plus particulièrement : la détermination des territoires embryonnaires, les phénomènes
d’induction embryonnaire et la différenciation cellulaire.
On a longtemps opposé deux théories pour expliquer le mécanisme de l’ontogenèse (genèse de l’être):
- la théorie de la préformation selon laquelle l’œuf contiendrait toutes les parties de l’individu déjà
formé (adulte tout entier contenu dans le germe); le développement embryonnaire ne serait alors qu’une
simple croissance (agrandissement progressif d’une miniature initiale) ;
- la théorie de l’épigenèse selon laquelle la différenciation de l’individu se fait par étapes
successives, selon un enchaînement rigoureux.
L’étude de différents développements embryonnaires semblait apporter des arguments à l’une et à
l’autre théorie du fait qu’il existe, apparemment, deux types d’œufs : les œufs mosaïques et les œufs
régulateurs.
Les œufs mosaïques (ou œufs à mosaïque) se rencontrent surtout chez les Tuniciers (Ascidies)
mais aussi chez nématodes, les annélides, les mollusques et les Cténaires. Dans ce cas, le germe se
présente comme une mosaïque de territoires dont la destinée est orientée très tôt (on parle de champs
morphogénétiques). Leur intégrité est une condition requise pour l’obtention d’un embryon normal. Par
conséquent, l’ablation précoce de certains blastomères (au stade 2 ou au stade 4) conduit à la formation
d’un embryon incomplet [voir figures 9 et 10].
- Expérience de Roux (1888)
Aiguille chauffée :
destruction d’un
blastomère Hémi-gastrula
D
Œuf de Œuf au stade
Poursuite du
grenouille (avec 2 blastomères
développement D : La partie détruite ne se
après brûlure développe pas
croissant gris
Visible) Figure 9. – Expérience de Roux (1888) sur la grenouille
Résultat : La destruction de l’un des deux premiers blastomères par brûlure, conduit à la formation d’un
hémi-embryon.
Conclusion : Chaque blastomère est organo-formateur et sa destinée est prédéterminée.
Les œufs régulateurs (ou œufs à régulation) se rencontrent chez les Echinodermes (Oursins) et
chez la plupart des Vertébrés. Ici, l’œuf est conçu comme une réalisation progressive, chaque étape étant
conditionnée par une étape antérieure plus simple. L’ablation précoce (en début de segmentation) et
même tardive (jusqu’au stade gastrula) de certains blastomères ne paraît pas avoir de retentissement
considérable sur l’embryon. Celui-ci régularise son développement de telle sorte qu’on obtient un
embryon complet quoique petit. Si l’ablation n’est que partielle (constriction partielle), on obtient un
monstre double. Voir régulations au stade deux blastomères et régulations au stade gastrula (figures 11
et 12).
C’est la première étape d’une suite d’interactions embryonnaires. Cette induction commence au
stade blastula chez les Amphibiens. En effet, des signaux inducteurs issus des macromères de
l’hémisphère végétatif à destinée endodermique, agissent sur les micromères de l’hémisphère animal, à
évolution ectodermique, et les transforment en cellules mésodermiques (voir schéma de cette induction).
Micromères à Mésoderme
vocation ectodermique
Macromères à
vocation endodermique
L’induction neurale est le résultat d’une cascade d’événements menant à une spécification de
neurones dans l’ectoderme dorsal, sous l’effet de signaux d’origine mésodermique.
Mésoderme dorsal
Chez les Amphibiens par exemple, ce centre est situé sur le bord dorsal d’une fente selon laquelle
s’effectuent d’importants déplacements de blastomères (par invagination) au moment de la gastrulation.
Cette fente est appelée blastopore. Si on greffe, sur une jeune gastrula d’Amphibien, le bord dorsal (ou
lèvre dorsale) d’un blastopore provenant d’une autre gastrula, on obtient un embryon supplémentaire
induit par cette greffe (SPEMANN, 1918) (figure 13).
Figure 13
Des inductions ultérieures, dites secondaires ont également été mises en évidence en provenance
des organes déjà formés et orientant la suite du développement embryonnaire. Le développement
embryonnaire se présente ainsi comme une suite d’inductions en chaîne, ce qui correspond à une
construction progressive de l’individu ou épigenèse.
3 – Différenciation cellulaire
Bien qu’une seule cellule soit à l’origine de l’individu tout entier et que, par conséquent, toutes les
cellules de l’individu aient le même génotype, le développement embryonnaire est marqué par la
formation de lignées cellulaires à phénotypes distincts (lignée qui sont à l’origine des tissus, des organes
et des appareils) : c’est la différenciation cellulaire.
On considère actuellement ces phénotypes comme produit d’une régulation du génotype par
l’environnement:
- intracellulaire (c’est-à-dire par le cytoplasme)
En effet, derrière d’importantes différences de forme et de fonction, toutes les cellules
d’un organisme donné renferment le même génome et les mêmes informations
génétiques. La différenciation cellulaire ne se fait en effet pas par suppression de
l’information génétique qui n’est pas nécessaire à la cellule, mais par inactivation des
gènes correspondants. Ainsi, dans toute cellule, certains gènes sont inactivés (« éteints
»), d’autres activés (« allumés »).
Diverses molécules jouent le rôle d’« interrupteur » en se fixant (ou pas), sur des séquences
d’ADN spécifiques situées de part et d’autre des gènes.
- extracellulaire (c’est-à-dire par les cellules voisines). Ce phénomène représente, à l’échelle
cellulaire, un autre aspect de l’induction et de l’épigenèse (formation de formes cellulaires
successives).
Cette différenciation cellulaire n’est pas toujours définitive. Elle peut être remise en question,
notamment, chez les espèces capables de régénération.
4 – Régénération
4.1 - Définition
La régénération se définit comme la faculté, pour un animal ayant achevé son développement
(adulte), de reconstituer une partie de son individu, partie dont il a subi, au préalable, l’ablation. La
régénération se présente comme une régulation qui intervient chez un organisme déjà totalement
différencié. Elle s’oppose, de ce point de vue à la régulation embryonnaire qui intervient chez un
organisme non encore différencié. Il n’existe d’ailleurs aucune corrélation entre les espèces dotées
d’œufs à régulation et les espèces capables de régénération.
Dans les groupes supérieurs (Mammifères par exemple), la régénération est très discrète. Elle se
produit cependant au niveau de certaines cellules (neurones), de certains tissus (endomètre : muqueuse
qui tapisse la cavité utérine), de certains organes (le foie, os). Notons que les Mammifères sont incapables
de remplacer des membres perdus. Le plus souvent, l’ablation est simplement suivie d’un processus de
cicatrisation (fermeture de la plaie).