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La représentation de la ville dans

les arts visuels

Prépa Sciences Po
Lycée Clément Marot
17/01/2018
En préambule

L'image [d'une ville] est autant un discours sur la


ville qu'une description de la ville.

Frédéric Poussin
● Introduction : C'est quoi une ville et pourquoi on
veut la représenter ?
● Un regard sur les représentations picturales de
la ville de l'Antiquité au XXe siècle.
● La ville comme matériaux et lieu de création
artistique
● La ville et le cinéma : une reconstruction en
image.
● Conclusion
Mais au fait, c'est quoi une ville ?
● Un concept difficile à définir
● « Le mot ville est un des plus complexes de la
langue française ». Pierre Lavedan auteur
d'une histoire de l'urbanisme.

● « Par un simple agrandissement, le village


n'aurait jamais pu devenir une ville » Lewis
Mumford, historien américain.
Et si c'était ça...
● La démographie ● La ville se caractérise
● L'activité économique par des traits
juridiques, de
● Le primat du sociabilité et de
commerce sur culture.
l'agriculture. ● Rôle primordial de
● …. l'organe urbain =
● Pour Georges Duby, politique
c'est à la fois plus ● Ville = point
simple et plus d'enracinement du
complexe pouvoir.
Le paysage urbain avant le
Moyen-Âge
● Réalisme = conquête de la Renaissance en
même temps que la perspective.

● Mais un réalisme existait également à


l'Antiquité.
● Aucun vestige de la peinture grecque.
● Subsiste un vestige romain.
Cubiculum de la villa de P. Faunius
● Présente des paysages
inspirés de la Grèce.
● On distingue une
composition irrégulière faite
de maisons et de palais.
● Paysage urbain où la ville
n'est pas idéalisé. Vision
pluraliste.
● Fin du IIIé siècle la peinture
des villes et paysages est
passée de mode.
● Avec la chute de Rome se
désintérêt va croissant
Mais pas tout à fait...
Pourtant la ville ne disparaît pas on trouve de nombreuses images
des représentations: de Jérusalem sur les mosaïques
qui ornent les églises, et sur les
pages des bibles, évangéliaires, et
psautiers.

Mais ces images deviennent ce ● Exemple :


qu'elles resteront dans l'art
byzantin et dans l'art d'occident carte de Madaba V.I e. La plus
jusqu'au XIVe siècle: une vieille représentation
représentation symbolique cartographique qui nous soit
"compactée" à l'extrême, une sorte parvenue
de pictogramme.
Carte de Madaba

Mosaïque dans l'église Saint-Georges de


Madaba, en Jordanie
Au moyen Age, la représensation
géométrique
C'est surtout dans l'Espagne Un folio (142) du Codex Vigilanus
wisigothique que domine ce ou Albeldense (Xe siècle)
procédé

un folio du codex Amaliensis,


conservés à la Bibliothèque Saint
Laurent de l'Escorial, et qui
représentent tous deux la tenue
d'un concile
Codex Vigilanus ou Albeldense (Xe
siècle)
Les villes sont symbolisées par :
_ un rempart en élévation
géométrique;
_ il est percé de portes, et
agrémenté d'un remplissage
décoratif évoquant tantôt un
cloisonné géométrique, tantôt un
appareillage de pierres.
Ces illustrations se réfèrent à des
villes contemporaines réelles. Mais
les plus nombreuses représentent
les villes archétypales de la Bible
La représentation de type maquette
Les enceintes vues en surplomb = la ville
réduite en un enclos. Un petit objet.
● Parfois un seul bâtiment (une tour) symbolise la
ville.
● Assemblages en bande : Préfiguration du
lointain urbain du Xve
Exemple : Pentateuque Ashburnha
(VIIe siècle)
on y voit une scène
de cour ;
● un premier décor
est constitué par
les édifices du
palais
● par-dessus leurs
toits, apparaît la
ville, en
l'occurrence une
rangée d'une
douzaine de petits
bâtiments aux
formes diverses et
juxtaposés sans
symétrie
La résurrection de Druisiana
Au XIVe siècle...
● Durant le XIVe siècle surtout ● L'adoration des
à la fin du siècle et dans les
premières décennies du XVe, mages. Padoue.
ces villes posées sur la crête
des collines lointaines, encore
schématiques mais déjà
attentives aux particularités
de l'architecture, vont se
multiplier sur les fresques,
les panneaux, et les
enluminures. Elles vont
s'imposer comme l'élément
fort, incontournable, d'une
peinture de plus en plus
attentive au contexte paysager.
...période d'évolution stylistique
Première vue panoramique d'une ville. Format déterminé par le
paysage et non plus par le personnage. Importance de la ligne
d'horizon qui correspond au niveau des yeux du regardeur.
Réalisme de la ville de gauche.
Les effets du bon et du mauvais
gouvernement, 1337-1339
Le gouvernement de la ville de Sien
ne
En conclusion pour le XIVe siècle.
● Perfectionnement des images urbaines
panoramiques. Très rare pour le XIVe
● Perfection de l'architecture + dynamisme des
rues.
Au XVe siècle.
● Nouvelle technique dès le XVe. Plus de
précision. Refus des codes du Moyen age
(vues cartographique, décors urbain, paysage
lointain). On recherche de la précision.
● Ecole flamande.
● Gravure destinée aux Atlas.
● Liber Cronicarum
d'Hartmann Schedel
● Fin XIVe début XVe, lors du Gothique
international, habileté et plaisir à dessiner les
ensembles architecturaux.
● Cela explique le goût de la Renaissance pour la
ville et les châteaux.
Ville lointaines et fabuleuse de la
Renaissance
● Paysages urbains très présents à la
Renaissance. Par contre, il ne s'agit quasiment
que de villes imaginaires.
● Représentation mentale d'une ville. Préfigure ce
que fera le cinéma.
● Motifs de la Renaissance : paradis, enfer,
antiquité, orient, montagnes, rochers, collines,
arbres, fruits = lumière.
● Ex : Fra Angelico => potentiel imaginaire fort de
ces villes.
Fra Angelico. Retable Santa Trinita ou
Descente de croix, panneau central
La Renaissance
● Les peintres de la
Renaissance
recomposent des
villes en fonction de
ce qu'elle doit
comporter.
● Ex : Saint Georges et
la princesse de
Trebizonde, 1438.
● Richesse décorative
pour évoquer
l'importance de la
cité. Tours, Toit...
Fra Angelico
● Fra Angelico est le premier à introduire la
géométrie et la perspective dans les villes qui
servent de fond au scène qu'il représente.
● Il préfère l'épure à la profusion pour mieux
mettre en valeur la géométrie des bâtiments
● Ex : La lamentation du corps du Christ de Fra
Angelico.
● Régularité lointaine du mur. Seules quelques
toitures et quelques tours évoquent le
dynamisme de la ville.
La lamentation du corps du Christ
de Fra Angelico
Et pendant ce temps...en Flandres
● Réalisme supérieur aux italiens.
● Dimension onirique toujours présente.
● Jan Van Eyck figure de proue.
● Il pose les jalons de la ville lointaine, rêvée,
recomposée.
● Ex : La crucifixion de Van Eyck (Jérusalem en
arrière plan)
● Ex : La vierge au chancelier Rolin
Des exemples
● La crucifixion de Van ● La vierge du
Eyck chancelier Rolin
● Au XVIe siècle la peinture de ville devient un
genre autonome.
● Pratique iconographique qui consiste à
représenter de manière réaliste l'espace de la
ville.
● La perspective permet de projeter la ville
comme un monde à part entière.
● Au XVIe sont publiées des « vues de villes »
● Description > symbole
● Développement, à la Renaissance, de la
connaissance géographique.
Pour résumer
● La vision des villes était d'abord très restreinte.
● XIV et XV essor du genre. (contemporain du
développement des autres genres _ le portrait,
le paysage...)
● Si développement de la peinture des villes =
développement des villes au XII, XIII, XIV.
● Essor de la vue de la ville au développement de
l'esprit municipal en Italie.
● Les villes italiennes se donnent en image.
● Goût pour représenter l'architecture.
Le XVIIe et XVIIIe siècle

…...............................................
La ville et la peinture au XIXe
Contexte historique
● Consolidation de la ● Le projet
société bourgeoise haussmanien :
● Fin des travaux de – Renforcer les axes
réaménagement par économiques et
le préfet Haussmann l'ordre public.
– Construction de gare
● Société industrielle
– Développement de
● Développement « Beaux quartiers »
urbain
La ville et la peinture au XIXe
L'exemple des impressionnistes
● Comment reconnaître un impressionniste
– Foi profonde dans le progrès
– Vision positive
– Peinture en extérieur
– Peindre avec la lumière

– Pionniers de la modernité

– Donnent souvent une image optimiste de l'espace


urbain mais...pas tout le temps.
Des exemples en images
● Caillebotte, Le pont
de l'Europe
● Monet, La gare Saint
Lazare
● Pissaro, L'avenue de
l'opéra
Des points communs ?
● Des couleurs claires
● Célébrations de l'architecture et du monde
moderne
● De vastes espaces dégagés
● Qu'en est-il du petit peuple parisien ?
● Une nouvelle image de Paris

● Et si les impressionnistes étaient les peintres


officiels de la ville haussmannienne ?
Le contre exemple : Caillebotte
Analyse
● Un espace saturé de vide
● Austérité
● Des inconnus étrangers les uns des autres
● Les classes sociales se croisent mais ne cohabite pas
● Le paysage urbain de Caillebotte est toujours intrigant.
● Perception nostalgique de la modernité haussmannienne

● Prémices de l'inhumanité des métropoles modernes


La ville et la peinture dans l'art
moderne (XX e siècle)
● Le cas George Grosz
– Peintre dadaïste allemand
– Critique du progrès et du monde moderne
– Des influences : Cubisme. Futurisme.
Expressionnisme
– Un artiste radical ?
George Grosz, Metropolis. 1916
● Une foule. Agitation
● Des lignes
divergentes
● Des personnages
macabres
● Présence de publicité
● Composition
tourbillonnante

● La ville absorbe et
détruit tout.
La ville et la peinture dans l'art
moderne (XX e siècle)
● Le cas Fernand Léger
– Volonté de s'affirmer contre l'impressionnisme et
son « manque de forme »
– Primat à la couleur
– Volonté d'être le peintre de son temps (« Créer l'art
de son époque »)
– Intérêt particulier pour le monde urbain et le monde
ouvrier
La ville, Fernand Léger. 1910
● Difficulté de lecture.
● Un monde compacté
● « intensité
cacophonique »
● Vision fonctionnelle
● Aucun aspect
émotionnel.
● Anonymat de la
civilisation urbaine.
La ville et la peinture dans l'art
moderne (XX e siècle)
● Le cas Hopper
– Contexte : révolution industrielle. Modernité.
Croissance urbaine
– Nostalgie des petites villes ?
– Description de la ville post crise de 1929.

– Un peintre anti-urbain ?
Edward Hopper, The city. 1927
● Washington Square à
New York.
● Lieu vide
● Transformation
urbaine et
architecturale
● Nostalgie
Edward Hopper, Sunday. 1926
● Homme seul. Rue
vide.
● Présage de la
dépression
économique ?
● Mise en image de
l'anomie
durkheimienne ?
● Une ville où l'Homme
perd ses repères.
La ville et la peinture dans l'art
moderne (XX e siècle)
● Le cas Mondrian
– Peintre Hollandais
– Refuse la figuration. Revendique l'abstraction.
– Quitte l'Europe pour les États-Unis en 1940
Broadway Boogie Woogie. 1942
● Lignes. Couleurs.
Géométrie.
● Impression de
dynamisme.
● New-York. Lumière.
● Rythme et musicalité

● La ville devient une


abstration.
La ville comme matériaux et lieu de
création artistique

De la photographie au street art


La ville sujet des photographes
● La photographie arrête le temps d'une manière
« excessive et monstrueuse » pour R Barthes
● La photographie propose un « certain rapport
au réel et un certain rapport au temps ».

● La photographie propose alors un instantané


figé qui pourra avoir vocation documentaire ou
mémorielle.
Les premières photographies
● 1er photographie 1826
● Guerre de sécession
● La commune de Paris
Le Paris de Atget
● Atget « recherchait ce qui se perd et ce qui se
cahe, et c'est pourquoi ses images contredisent
la sonorité exotique, chatoyante, romantique
des noms des villes. » W Benjamin
● Victor Fournel, in Paris nouveau et Paris futur
« je suis le cri plaintif et impuissant de Paris qui
s'en va contre Paris qui vient ».
● Atget. Né en 1857. Formation musicale. Débute
la photographie en 1888.
● 1897/1898 crée la commission du Vieux Paris
et entreprend de photographie les quartiers de
Paris appelés à disparaître ainsi que les petits
métiers condamnés par l'essor des grands
magasins.
Le Paris de Brassai
● Photographe hongrois naturalisé français (1899
– 1984)
● Surnommé «l’œil de Paris »
● Photographie Paris la nuit
– Le Paris artistique, populaire, louche, festif...
Commissariat de Police, Brassai.
1930
● Répartition
ombre/lumière
● Perspective
● Les silhouettes
● Le mystère de Paris
Le Paris de Cartier-Bresson
● Photographe français mondialement connu
(1908 – 2004)
● Concept de « l'instant décisif »
● Réalisation de nombreux reportages
● Puis, recherche contemplative et recherche de
la belle image
● Vision d'un Paris insouciant et artistique
Le travail de JR
● Artiste français né en 1983
● Alliage du collage et de la photographie
● Expose librement sur les murs du monde entier
● Revendique une notion d'engagement et de
liberté.
● Redonner la parole à ceux qui ne l'ont pas.

● Se définit comme « un activiste urbain ».


La ville, lieu d'expérimentation
graphique
● Street art = mouvement artistique contemporain
– Graffiti
– Le pochoir
– La mosaique
– L'affichage

– Principalement un art éphémère.


Des influences
● Les affichistes de
l'après-guerre
Ex : Raymond
Savignac
Des influences
● La culture
underground
Ex : Robert Crumb
En France, l'influence de mai 68
Ernest Pignon Ernest, un artiste
majeur
● Artiste français né en 1942
● Dimension politique de son travail.
● Réflexion sur la mémoire, sur le temps, sur les
ombres.
● Propose des collages sur les murs des villes
qui se fondent dans l'architecture.
Aux États-Unis, émergence dans les
80'
● A mettre en parallèle avec l'essor de la culture
Hip-Hop.
● Émergence de deux artistes majeurs :
– Keith Haring
– Jean-Michel Basquiat
Keith Haring
● Débute en taguant le métro new-yorkais, les
rues, les entrepôts..
● Il commence à la craie
● Puis grave les trottoirs de l'east village
● Art proche, facile mais radical
● Malgré le succès a toujours continué de peindre
la rue.
● Mettre en parallèle avec son contemporain
Jean-Michel Basquiat
Banksi
● Artiste anonyme
● Mise les revendications politiques,
humoristiques et poétiques
● Propose ses œuvres dans plusieurs villes du
monde.
● Message libertaire
En résumé
● Ville = lieu d'expérimentation et de créativité
artistique
● L'art photographique comme vecteur mémoriel
● Possibilités narratives importantes

● Ville = lieu d'expression d'une radicalité


artistique
● Alors que les artistes de rues étaient chassés
par la police les municipalités cherchent
aujourd'hui à conserver ces gestes artistiques.

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