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D’après George Martin, il existe deux types d’écrivains : les jardiniers qui
écrivent à l’instinct et cultivent leur histoire au fur et à mesure qu’ils écrivent
et les architectes, qui ont besoin de savoir où ils vont avant de se lancer.
J’appartiens définitivement à la deuxième catégorie, et afin de parfaire mes
connaissances sur l’art de la construction d’histoire, j’ai décidé de lire un peu
de théorie sur le sujet.
Voici donc les notes prises sur le livre « 20 master plots and how to build them »
de Ronald Tobias. Le principe est simple : livrer un guide qui présente vingt
intrigues types, avec leurs spécificités et comment les construire.
Introduction
Quand on parle de structure narrative, on pense roman ou film, mais notre vie de
tous les jours est peuplée d’histoires qu’on raconte (des anecdotes, blagues…) qui
utilisent des structures narratives.
Une bonne intrigue est comme une énigme : elle pose des questions, y répond en en
posant d’autres, et relance ainsi perpétuellement l’intérêt du lecteur.
Quand on écrit, on ne sait pas si la route qu’on prend sera la bonne, mais on sait
en général où l’on va (ou tout du moins, où l’on veut aller). Il est important
d’appliquer des structures à son œuvre et le livre essaye de dégager une vingtaine
de structures assez universelles pour pouvoir être utilisées pour écrire.
Aristote a théorisé ce que doit être une intrigue : une action unifiée qui crée un
tout, composé d’un début, d’un milieu et d’une fin. Le début plante le décor, les
personnages, et l’élément perturbateur. Le milieu introduit les péripéties, ce que
les héros doivent affronter pour atteindre leurs buts. La fin comprend le climax de
l’action et la résolution des questions laissées en suspens.
— Construire les conflits, leur donner de l’ampleur pour garder la tension tout au
long de l’histoire.
— Quand quelque chose arrive, s’assurer que c’est vraiment important et mérite
d’être raconté.
— Quand on introduit un élément qui aura son importance pour la suite, il faut le
faire avec subtilité.
La force directrice
Il faut se dire que chaque auteur a des méthodes, qui fonctionnent pour lui, mais
peut-être pas pour les autres. Pour un écrivain, il est important de se connaître
et de savoir ce qui marche pour soi.
Tout est centré sur les péripéties, sur l’enchaînement des actions, sans grande
interrogation morale et sans que le héros soit vraiment changé à la fin de
l’histoire.
— L’esprit : Tout ce qui est relié à l’intelligence, la fraude, les coups fourrés…
= les intrigues de réflexion.
Avant d’écrire, il faut commencer par décider ce qui est plus important pour nous :
l’action ou les personnages.
Triangles
Chaque personnage va avoir une dynamique avec les autres personnages avec lesquels
il interagit. Plus on ajoute de personnages, plus on multiplie les dynamiques, au
risque de se perdre. À l’inverse, avoir seulement deux personnages principaux est
vite lassant.
Trois est le nombre magique : avec trois personnages principaux, on peut rebondir
rapidement, jongler entre les conflits et avoir de la complexité, sans se perdre.
Mais il faut se rappeler que le duo le plus dynamique reste l’interaction entre le
personnage et l’intrigue. Depuis Aristote, les choses ont un peu changé : Aristote
pensait que la personnalité déterminait les actions, or désormais, on considère que
la manière dont le personnage agit détermine son caractère.
Intrigue 1 : la quête
Un personnage cherche un objet, une personne, ou un lieu. L’une des intrigues les
plus universelles.
Attention à ne pas confondre un objet de quête avec un « Mac Guffin » (terme créé
par Hitchcock pour désigner un objet qui semble avoir de l’importance pour le
personnage, mais au final, n’en a pas pour le réalisateur et par conséquent, pas
vraiment pour l’histoire).
— Les personnages sont toujours en mouvements, ils avancent, tendent vers quelque
chose, mais l’auteur reste aux commandes, il sait où il va et ce qu’il veut faire
voir au lecteur à travers le voyage.
— Acte un : le héros est dans son foyer, quand il fait face à un élément
perturbateur, d’où résulte la décision (ou la nécessité) de partir.
Le héros fait face à un premier conflit, qui raffermit sa volonté, ou lui fait
comprendre ce qu’il cherchait réellement en quittant son foyer.
Le héros voyage rarement seul, lors de cette première péripétie, il rencontre son
ou ses compagnons de voyage.
— Acte deux : le voyage. En littérature, et surtout dans une quête, le voyage est
aussi important que l’aboutissement de la quête.
L’acte deux est consacré aux péripéties qui rendent l’histoire intéressante et font
grandir le personnage.
— Acte trois : la révélation. L’acte trois réponds aux questions posées par l’acte
un. Ce que le personnage découvre n’est pas ce qu’il attendait, ce qui le fait
évoluer, le force à agir de nouveau et à se poser les bonnes questions.
Intrigue 2 : L’aventure
Le protagoniste n’est pas changé par son voyage, l’intrigue ne délivre pas de
messages sur la nature du monde et la condition humaine.
— Acte trois : le retour et la conclusion, moins développés que dans une intrigue
de type « quête ».
Intrigue 3 : la poursuite
L’une des intrigues les plus basiques : le jeu de cache-cache. Une personne en
chasse une autre.
— Acte un : On doit savoir qui est le protagoniste, qui est l’antagoniste, il faut
un élément déclencheur, et la chasse est lancée.
Pour que la chasse suscite de la tension, il faut qu’il y ait vraiment du danger à
ce que le chasseur rattrape celui qui fuit, et le poursuivant doit avoir
l’opportunité d’attraper sa proie. Une intrigue de poursuite joue sur le
confinement : la proie peut s’échapper, mais pas trop loin (sinon il n’y a plus
d’intérêt). Il faut aussi garder une partie d’imprévisible, surprendre le lecteur.
Attention à développer les personnages, à éviter les archétypes et les clichés pour
éviter de tomber dans le déjà-vu (ce style d’intrigue est archi-classique, il faut
arriver à innover).
Intrigue 4 : le sauvetage
Ce genre d’intrigues est centré sur le protagoniste, qui veut récupérer une
personne qu’il aime (l’amour qu’il porte est le moteur).
Intrigue 5 : l’évasion
— Acte trois : l’évasion. C’est le moment où tous les plans soigneusement établis
déraillent et où l’incertitude entre en jeu. Cet acte est le plus dynamique des
trois. C’est le moment où le protagoniste regagne du contrôle et où l’antagoniste
en perd.
Intrigue 6 : la vengeance
Un antagoniste commet un crime, soit en prenant comme victime l’un des proches du
protagoniste ou le protagoniste lui-même. Le crime est horrible, il appelle
vengeance et suscite l’empathie du lecteur envers le protagoniste.
— Acte deux : la vengeance. Le héros fait ses plans pour se venger. En général, ils
sont compliqués par une troisième force qui tente de l’arrêter (la police ou un
représentant de l’ordre, le plus souvent).
Intrigue 7 : l’énigme
Les énigmes et les mystères ont un attrait particulier, que l’on soit enfant ou
adulte. Les exemples mythologiques sont nombreux, preuve que ce type d’intrigue
remonte à la nuit des temps.
Une intrigue à énigme pose une question, dont la réponse est souvent cachée en
pleine vue. C’est une intrigue complexe à réaliser, car elle nécessite beaucoup de
savoir-faire pour tromper le lecteur. On doit donner des indices au lecteur, qui
lui permettent de deviner correctement la bonne réponse à la fin (ou au moins de se
dire « bon sang, c’est évident, j’aurais dû le voir »).
Au départ, les personnages des énigmes étaient assez simples, souvent archétypaux
(le roi, la princesse, l’homme du peuple). Au fur et à mesure que le genre du
mystère s’est développé, les personnages ont gagné en épaisseur. Le genre a
développé ses propres codes.
L’intérêt d’une énigme pour le lecteur est de découvrir la vérité avant les
personnages. Il s’investit donc émotionnellement dans la lecture.
— Acte deux : la recherche des indices. On sait quel est le mystère, on cherche
donc des réponses aux questions. C’est le moment où l’auteur doit faire preuve de
virtuosité, et planter les indices, sans qu’ils soient trop apparents.
— Acte trois : la résolution. On répond aux questions posées par l’acte un.
Parfois, les réponses ne sont pas vraiment celles attendues et suscitent d’autres
questions, ou une interprétation de la part du lecteur.
Intrigue 8 : la rivalité
Un rival est un antagoniste qui a les mêmes buts que le protagoniste. Pour que
l’histoire soit intéressante, il faut que les deux personnages soient de force
égale, ou qu’ils aient chacun leurs forces et leurs faiblesses qui se compensent
(c’est plus intéressant car offre plus de possibilités).
C’est une intrigue plutôt émotionnelle, car les personnages sont obsédés par
quelque chose, ont des motivations profondes pour désirer l’objet de leur quête.
— Acte trois : la résolution du conflit, l’un des deux obtient ce qu’il cherchait.
Intrigue 9 : l’outsider
Cette intrigue est similaire à la rivalité, sauf que l’antagoniste est beaucoup
plus fort que le protagoniste, placé dès le début dans une situation de faiblesse.
Ces structures ont une forte résonnance avec le lecteur, parce qu’on s’identifie à
ce personnage faible qui parvient à battre plus fort que lui.
L’outsider est un personnage fascinant parce que le sort joue contre lui, mais
qu’il gagne quand même. Attention toutefois à ne pas se concentrer uniquement sur
la compétition et à veiller à donner des motivations crédibles au personnage.
Intrigue 10 : la tentation
Résister à la tentation est preuve de force morale, mais que faire quand la
tentation est partout ? Quand elle devient une obsession ? La tentation a de
puissants échos symboliques.
Ce type d’intrigue peut exister sans antagoniste, ou avec un antagoniste qui essaye
de tenter le héros.
— Acte deux : le protagoniste doit faire face aux conséquences de ses actes. Plus
il essaye d’échapper à leur poids, plus celui-ci se fait sentir.
Intrigue 11 : la métamorphose
Intrigue 12 : la transformation
— Acte trois : le protagoniste fait face à un autre incident qui permet de terminer
pleinement sa transformation. Il comprend ce qui lui est arrivé exactement. Une
telle réalisation a souvent un coût.
Intrigue 13 : La maturité
Pour rester réaliste, le processus doit être lent, une étape à la fois, une leçon à
la fois. Se concentrer sur la psychologie du personnage, sur l’effet qu’ont sur lui
les changements.
L’acte un se termine par un élément perturbateur qui vient ébranler les certitudes
du personnage et introduire du danger dans sa vie bien ordonnée.
— acte deux : Le personnage va souvent commencer par nier ce qui lui est arrivé,
avant de tenter d’agir, souvent en commettant des erreurs car il ne sait pas
comment s’y prendre.
Intrigue 14 : l’amour
L’amour est l’une des plus grandes thématiques dans la fiction, et comme la fiction
se nourrit de conflits, rien n’est simple. L’amour rencontre toujours des
obstacles.
Ce type d’intrigue joue fortement sur les personnages, qui du coup ont tendance à
être universels (proches d’archétypes) pour parler au plus de lecteurs possibles.
Là où l’auteur peut jouer pour une bonne histoire d’amour, c’est sur les sentiments
: il faut les dépeindre de la manière la plus juste possible, sans trop appuyer les
effets.
Note : dans le cas de deux personnages qui ne s’aiment pas, l’événement déclencheur
est celui qui, au lieu de les séparer, les rapproche.
— Acte deux : le protagoniste tente d’abattre les obstacles qui s’opposent à son
amour.
Note : pour deux personnes qui ne s’aiment pas, c’est le contraire, ils essayent de
s’éloigner, mais le sort les rapproche.
— Acte trois : la résolution. La fin peut être heureuse, comme tragique, tout
dépend du genre dans lequel on écrit (comédie ou drame).
Rien n’est plus fort émotionnellement que l’amour interdit. On considère que
l’amour est une force qui peut tout vaincre, mais il se heurte aux lois et aux
codes sociaux. L’amour interdit peut regrouper différents types : différence de
rangs, familles opposées, inceste, adultère…
L’inceste : Toujours un très fort tabou, qui fait que ce genre d’histoire finit
toujours très mal.
Romances « mai – décembre » : romance entre une personne âgée et l’une plus jeune.
Intrigue 16 : le sacrifice
L’idée de sacrifice est vieille comme le monde et reste présente. Dans les temps
anciens, on sacrifiait au nom des dieux. De nos jours, on sacrifie plutôt au nom
d’idéaux (l’amour, la liberté…). Le sacrifice a un coût énorme pour le
protagoniste, que ce soit sa vie, quelqu’un qu’il aime, ou ses valeurs morales.
— Acte trois : Le sacrifice proprement dit. Cette phase doit se concentrer sur le
sacrifice pour le protagoniste et les effets du sacrifice sur son entourage. Le
sacrifice est porteur de valeurs morales fortes, le personnage se transcende pour
faire ce qui est juste.
Intrigue 17 : la découverte
La découverte est la quête accomplie par un personnage pour découvrir qui il est.
C’est une intrigue de personnage, souvent associé à l’enfance ou à l’adolescence,
car c’est le moment où l’on découvre qui on est vraiment. Attention à ne pas être
trop démonstratif et à montrer au lecteur ce qu’il devrait croire. Ce genre
d’histoire nous intéresse parce que l’auteur nous montre la lutte interne d’un
personnage, ses choix et pourquoi il les fait.
— Acte deux : le changement est amorcé, le protagoniste s’interroge sur sa vie, ses
motivations, ses choix. C’est le moment le plus compliqué à écrire, car il faut
insister sur la lutte interne, les tourments du personnage. Il va essayer de nier
ce qui arrive, de repartir en arrière, s’interroger…
Les personnes marginales, et qui repoussent les limites, exercent une fascination
sur nous, à la fois par la transgression, mais aussi parce que tout le monde peut à
un moment ou à un autre se retrouver marginalisé. Ces intrigues racontent le déclin
psychologique d’un personnage et ont une très forte résonnance émotionnelle, car on
voit la descente d’un personnage, en se disant que ça pourrait être nous.
L’histoire d’une personne humble qui parvient à la gloire fascine autant que celle
d’une personne puissante qui tombe dans la déchéance. Ce genre d’intrigue se
structure autour d’un personnage à l’ego très puissant. Ce personnage doit être
charismatique et très fort, il doit attirer le lecteur.
Le personnage doit être actif, et non subir les actions du monde. Que ce soit pour
l’ascension que pour la chute, le lecteur doit saisir que le protagoniste est
responsable de son état de par ses actions.
Conclusion de l’auteur
Ce livre n’est pas un livre de recettes à suivre absolument, mais plutôt une sorte
de guide pour comprendre comment une intrigue fonctionne. Ces conseils sont à
garder à l’esprit, mais ne doivent pas nous empêcher d’écrire ni d’expérimenter.
Une petite liste des questions à se poser quand on travaille sur une intrigue
— Où commence l’histoire ?