I LLUMINATIONS

L’ART DE
Cela fait plus de trois décennies que nos illustrateurs explorent le monde de Warhammer,
guidés par la vision unique de John Blanche. Adam Troke s’entretient avec lui de
l’histoire, de l’héritage et de la théorie de l’art de Warhammer.

N
os vies sont une succession de
“premières fois”, dont certaines
restent gravées dans notre mémoire
pendant des années, sinon jusqu’à notre
mort. En ce qui me concerne, c’est le cas
de la première fois où j’ai vu une
illustration pour Warhammer. Je l’avais
sans doute déjà aperçue, mais je ne l’avais
jamais vraiment regardée. Il s’agissait d’une
illustration connue par certains sous le
nom de “Warhammer “ou “Harry the
Hammer”, qui représentait un guerrier du
Chaos brisant la mâchoire d’un squelette
d’un coup de son marteau de guerre, alors
que le fond représentait une mêlée
tourbillonnante. Cette illustration marqua
le début de mon histoire d’amour avec
Warhammer, qui dure encore aujourd’hui.
Les illustrations de Warhammer
jouissent d’un style et d’une qualité
frappants, qui ont su attirer de nombreux
hobbyistes au fil des ans, et tout le génie
de la direction artistique du jeu est à mettre
au crédit de John Blanche. Si vous n’avez
jamais rencontré John Blanche, vous serez
peut-être surpris d’apprendre qu’il s’agit
d’un bonhomme calme, poli et
incorrigiblement joyeux, un vétéran
grisonnant doté d’un sens de l’humour noir
prononcé et d’une passion absolue pour
toutes les illustrations que produit Games
Workshop. Une passion contagieuse,
d’ailleurs, comme en témoigne la lueur qui

“ L’inspiration artistique vient

du jeu lui-même. Nos
illustrations ouvrent une fenêtre
À gauche : Ghal-Maraz,
le marteau de Sigmar, est
sans doute le symbole le plus
emblématique de Warhammer.

”
Au fil des années, nous avons
sur le monde de Warhammer. bien sûr produit des dizaines
d’illustrations de cette arme,
brille dans ses yeux lorsqu’il décrit les et si elles partagent la même
silhouette générale, toutes sont
techniques utilisées pour créer les superbes très différentes les unes des
illustrations qui émaillent nos jeux et nos autres. “Parce qu’il ne s’agit
publications. jamais de portraits fidèles du
Je retrouve donc John, dans une main véritable Ghal-Maraz,“ nous
explique John, “mais de la
un stylo et un carnet pour prendre des représentation que peut s’en
notes, dans l’autre une pile d’illustrations faire un artisan ou un obscur
que j’aime particulièrement. John n’est pas enlumineur impérial. C’est
venu les mains vides, puisqu’il porte un aussi pour cette raison qu’il est
aussi stylisé et ouvragé. Mais
grand porte-documents contenant des la vérité peut être
tirages de divers dessins de toute les tout autre. Qui sait ?”
périodes. Il ouvre précautionneusement

WHITE DWARF L’ART DE WARHAMMER

cette pochette et commence…
“L’inspiration artistique,” se lance John,
“vient du jeu lui-même. Tu vois, les
illustrations ont un but, qui est d’ouvrir une
fenêtre sur le monde de Warhammer, de
montrer quels sont ses habitants et de
donner une idée de ce que serait une
bataille s’y déroulant.”
Il feuillette ses croquis à la recherche
d’une illustration spécifique. “Au fil des
années, nos dessins ont évolué selon les
utilisations que nous en faisions. L’un de
nos thèmes récurrents reste toutefois le
Guerrier : un individu puissant, isolé, dont
l’apparence et la présence en disent long
sur le monde de Warhammer.”
“Harry est précisément ce genre de
guerrier,” annonce John en se référant à
cette fameuse image, “mais il n’est pas le
seul. Regardez n’importe quel livre de
Warhammer et vous verrez maints
exemples de ce concept. En fait, il suffit de
voir la couverture de nos livres d’armée
pour comprendre. Lorsque vous jouez à
nos jeux, vous vous mettez à la place d’un
général ou d’un champion, et c’est ce que
représentent ces images. Elles sous-
entendent que vous êtes le héros martial
de vos batailles”
“Dans l’édition précédente, nous
avions mis l’accent sur les aspects
macabres du monde de Warhammer, afin
de donner un aperçu de la vie qu’on Ci-dessus : Warhammer, par John
pouvait y mener, et particulièrement dans Blanche. Il s’agit de la couverture
de la première édition du jeu, et
l’Empire. Chacune de ces illustrations nous elle est aujourd’hui aussi marquante
plongeait dans le monde étrange, et évocatrice qu’en 1983.
superstitieux et surréaliste de notre jeu. Il
Ci-dessous : Prince haut elfe de
suffit de contempler le Mausolée Fluvial de Chrace, par Adrian Smith.
l’Empereur Boris ou l’Automorial de
Middenheim pour comprendre que le
monde de Warhammer est totalement
différent du nôtre. En effet, il existe encore
une idée reçue voulant qu’il évoque
l’Angleterre rurale ou l’Allemagne de la
Renaissance, mais un simple coup d’œil à
ces illustrations en a raison. Le monde de
Warhammer est sombre, terrifiant et
passionnant, même s’il est parfois un
pastiche choquant de notre propre univers !”
“L’accent mis sur l’environnement du
monde de Warhammer joue un grand rôle
dans nos plus récentes illustrations,”
souligne John. Le livre de règles contient
une foule d’illustrations inédites, y
compris des pièces en noir et blanc ou
en couleurs sur deux pages. “Vous verrez
que nous nous sommes efforcés de situer
les batailles dans le contexte de
Warhammer, et non sur une bête plaine.
Regardez donc les fonds et vous verrez
d’immenses montagnes dont les parois
sont gravées de crânes, des chateaux si
vastes que leurs flèches touchent les
nuages, et d’autres éléments fantastiques.”
Ci-dessus : Cette série de symboles
et de blasons bretonniens situe la
culture et l’iconographie de ce
pays dans l’environnement
ténébreux de Warhammer.
Ci-dessous : Paladin Bretonnien,
par Adrian Smith.
WHITE DWARF L’ART DE WARHAMMER
John marque un point, certes, et un bref
survol du livre de règles fait ressortir de
nombreux exemples de cette théorie : les
batailles montrées dans le livre de règles se
déroulent manifestement dans un monde
très différent du nôtre. À Warhammer, les
colossales forteresses des nains s’enfoncent
au cœur de la terre, des châteaux d’os se
dressent vers les cieux, et il existe mille
autre bizarreries de ce type. Lorsque John
et les autres artistes ont commencé à
discuter des illustrations à réaliser pour le
nouveau livre, ils ont établi un petit cahier
de charges visant à “warhammeriser” leur
travail. En gros, il incluait les points suivants:
1) Un Environnement Fantastique : Toute
illustration doit inclure une toile de fond
fantastique. Dessiner une montagne ne
suffit pas : l’architecture et le paysage
doivent témoigner de la nature magique
et chaotique du monde de Warhammer.
2) Un Aspect Narratif Fort : L’illustration
doit avoir un point focal racontant une
histoire, qu’il s’agisse d’un duel entre
héros, d’un guerrier s’occupant d’un
camarade blessé, etc.
3) Inclure l’Iconographie : Nos mondes
sont riches en symboles et en icônes
pouvant venir enrichir toute illustration.
4) Des Batailles : Dans l’histoire de
Warhammer, les batailles sont des
affrontements massifs impliquant des
milliers de guerriers. Les illustrations
doivent donc mettre en scène de vastes
régiments, des conflagrations magiques,
et toute la splendeur d’une bataille
de Warhammer.
Discuter avec John des illustrations du
livre de règles nous a rapidement amenés
à parler de la section Le Monde de
Warhammer, un mélange impressionnant
d’illustrations et de mots qui tissent
l’historique des peuples et des nations
du monde de Warhammer.
“Chaque peuple s’exprime à sa façon
en termes d’imagerie,” explique John.
“La double page consacrée aux Bretonniens,
par exemple, offre des blasons et des
symboles qui disent quelque chose sur la
société bretonnienne. Les mythes et les
légendes de cette nation sont illustrés sur
ces boucliers et les bêtes étranges qui les
environnent : ces créatures surnaturelles
indiquent clairement que nous parlons
du Vieux Monde.”
“Mais certaines parties de ce chapitre
suivent un thème qui leur est propre,”
ajoute John. “Considérez la section des
Comtes Vampires, où j’ai dessiné un
véritable portrait de famille de ces derniers,
lequel en dit long sur l’aristocratie de la
nuit. Vous n’y trouverez pas de goules ou
de zombies, car ces bêtes n’ont aucune
importance pour les vampires. Il s’agit
 The art of Warhammer

donc de l’image que les vampires ont

d’eux-mêmes, des êtres majestueusement
sombres. Les vampires de Warhammer sont
des monstres sans âme qui se vautrent dans
la cruauté et la destruction, et n’accordent
aucune attention à leurs serviteurs. Bien
entendu, nous les voyons tels qu’ils sont
réellement : des monstres maléfiques et
décrépits. L’entropie pèse de plus en plus
sur eux au cours de leur existence, en les
rendant de moins en moins humains.”
“La double page consacrée aux démons
du Chaos suit le même format, à savoir
plusieurs portraits des différents types de
démons. Ici, toutefois, les plus puissants
des serviteurs des dieux de la ruine sont
représentés aux côtés des plus humbles.
Ceci est délibéré : je voulais que ces pages
donnent l’impression d’avoir été dessinées
par un scribe impérial représentant des
images d’horreur venues du royaume du
Chaos. Chaque image explore la personnalité,
la couleur et la bizarrerie des démons du
Chaos : c’est le genre de travail qui peut
pousser un homme à la folie !”
Un autre sujet est revenu à maintes
reprises pendant notre conversation : la
riche histoire du monde de Warhammer,

“ L’histoire du monde de
Warhammer est si fantastique
que nous voulons lui rendre
hommage.

”
et la manière dont elle se développe dans
les illustrations de John et de ses confrères.
Le livre de règles contient une foule de
nouvelles pièces évoquant les plus célèbres
événements de l’histoire du monde.
“Nous avons voulu creuser un peu
plus l’histoire du monde de Warhammer,”
avoue John, me montrant une image de
Sigmar luttant avec les Unberogens. “Celle-
ci est riche et magique, et nous voulions
lui rendre un hommage dans certaines
illustrations. Paul Dainton (qui a réalisé
le dessin en question) a représenté Sigmar
comme un guerrier héroïque, dans un style
classique que nous avons adopté dès le
début, entouré de fiers guerriers et de
majestueuses montagnes. La comète à
deux queues qui illumine le ciel au-dessus
de Sigmar ne laisse aucun doute sur
l’identité du guerrier, et la nature du
monde dans lequel il évolue.”
L’un des aspects fascinants de cette
illustration est Sigmar même. Il est
accompagné par une garde rapprochée
d’Unberogens, les ancêtres des citoyens
impériaux actuels. Leur armure est
visiblement archaïque, leurs armes sont

À droite : Le Thaumodivinateur des Collèges de Magie,

par Dave Gallagher. Cette illustrations confirme la nature
surréaliste de l’Empire : les rues bondées, l’architecture
gothique et la technologie démente.

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Ci-dessus : Roi des Tombes.
Ci-dessous : Une galerie de
portraits de généraux du monde
de Warhammer.
Page de droite, en haut : Sigmar
et les Unberogens affrontant
les orques, par Paul Dainton.
Page de Droite, en bas : John
a creusé la nature profonde
des comtes vampires…
WHITE DWARF L’ART DE WARHAMMER
primitives et rustiques, mais leur
équipement trahit parfois ce que
deviendront leurs descendants : les
cuirasses sont basiques, mais bien faites,
et leurs boucliers arborent le symbole du
marteau ou de l’Empire. Il s’agit clairement
de proto-impériaux, et les orques qu’ils
affrontent témoignent eux aussi d’un
certain primitivisme. Cette illustration
“historique” n’est pas un cas isolé,
beaucoup d’autres évoquent des âges
passés et représentent par exemple des
hommes-lézards
“
défendant leur cité-
temple contre des
Nos artistes sont
démons, des hauts traditionnalistes… et ce
elfes contre des nains
et, ne parlons même
pour de bonnes raisons.
pas d’un dessin
montrant des rois des
tombes, de leur vivant, affrontant les
légions nécromantiques de Nagash !
John résume merveilleusement le
contexte de ces illustrations historiques
grâce à l’explication suivante :
“Le contraste formé par les différents
dessins élargit l’horizon de notre monde,
non seulement au présent mais aussi dans
le passé, en un panorama somptueux.”
Lorsque nos artistes se préparaient à
réaliser de nouvelles illustrations pour
Warhammer, ils sont partis à Londres
visiter les musées afin d’explorer la
manière dont les maîtres du passé traitaient
les batailles épiques, les paysages
grandioses et autres sujets qu’ils allaient
devoir représenter à leur tour.
Accompagnés de Phil Kelly, le maître
d’œuvre du chapitre historique, ils ont
ainsi parcouru des galeries de tableaux
classiques pour en ramener inspiration et
enthousiasme. Leur coin du Studio est
meublé de piles de livres divers
reproduisant des œuvres de Turner et de
Constable (qui comptent beaucoup de fans
parmi nos illustrateurs pour leur manière
unique de représenter les paysages) mais
aussi de Vasily Surikov et Don Troiani, qui
excellent dans la représentation de scènes
de bataille épiques.
“Nos artistes sont
des traditionnalistes,”
des indique John lorsqu’il
aborde le matériel et
”
les sources qu’ils ont
mis à contribution.
“Nous réalisons
pratiquement toutes
nos œuvres avec de la peinture à l’huile,
de l’acrylique et des encres, et ce pour de
bonnes raisons. Le Vieux Monde, de même
que ses peuples et ses armées, est
archaïque et anachronique. Tout ce qui y
est créé est manufacturé. Même dans
l’Empire, les tapisseries sont tissées à la
main, les peintures et les sculptures sont
aussi réalisées sans machines. Nos
illustrations reflètent cet état de fait et
donnent à Warhammer son aspect
archaïque. Autre raison : nous pratiquons
tous une variante de la méthode de
l’Actor’s Studio : lorsque j’invente un
personnage, je me mets à la place d’un
archiviste impérial ou d’un enlumineur
bretonnien cherchant à retranscrire les
horreurs qu’il a vues et les merveilles
 Vyktros von Kreiger Atrophus
Le Sang-bleu de Vanhaldenschlosse La Griffe de Hel Fen

Cicatrix, l’Écorcheur de Rois

Commandeur du Pic du Loup

Alberacht Nictus La Comtesse Charlotta Jacoba

Le Faucheur de Drakenhof La Reine du Val des Tourments

Mannfred von Carstein Madame Elize von Carstein

Le Maître des Arts Noirs Doyenne de l’Abbye Rouge

Mundvard le Cruel Dhrox, la Bête de Krudenwald Markos von Carstein L’Étrangleur Voloch II
Le Maître des Ombres Magus Excelsoir Noctis Le Fléau du Bief de l’Aver Le Roi de l’Ost des Tombes

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42 WHITE DWARF ILLUMINATIONS, THE ART OF WARHAMMER

Ci-dessus : Un Thane nain
en armure de Gromril.
Ci-dessous : La bataille des Mille
Piliers, par Alex Boyd. Notez les
énormes canons ancestraux, les
gigantesques machines skavens
et l’architecture souterraine.
Page de Gauche : La horde
des ogres, par Adrian Smith.
qu’on lui a rapportées. Ceci me permet de
découvrir de nouvelles choses sur l’univers
de Warhammer, et chaque illustration est
un nouveau voyage.”
“Et je crois que cela vaut aussi pour la
peinture des armées,” estime John,
“lorsque nous peignons des figurines, nous
nous plongeons dans une armée, en
imaginant comment elle va se comporter
sur le champ de bataille, et ce que cela
peut faire d’être un orque ou un guerrier
du Chaos évoluant au milieu des combats.
En tout cas, c’est comme ça que nous
raisonnons ici au Studio.”
Cette évocation d’appropriation de
l’œuvre et de medium traditionnels me
pousse à demander si nos artistes seraient
prêts à s’intéresser à de nouvelles
technologies, comme la peinture digitale et
autres. “Oh, nous n’avons pas peur du
progrès,” riposte john, “mais nous veillons
toujours à l’utiliser de manière adaptée à
notre sujet. Adrian Smith est très doué pour
ce genre d’exercice : il est très difficile de
distinguer ce qu’il a réalisé à l’aide d’un
ordinateur de ce qu’il a fait à main levée.
Confondre ainsi le spectateur fait partie du
plaisir du jeu. Mais en règle générale, nos
illustrations ne bénéficient jamais de
beaucoup plus qu’un petit lifting digital, et
seulement après coup. Nous voulons attirer
les lecteurs grâce à l’authenticité et à la
sincérité de notre art, lui offrir un aperçu
du contexte de nos jeux.”
Le Studio ne cesse jamais de produire
de nouvelles illustrations pour
Warhammer. Au moment où j’écris ces
lignes, quelques jours après avoir parlé
avec John, de nouveaux croquis et
peintures apparaissent sur les chevalets de
l’enclave des illustrateurs au sein du
Studio.
“C’est une tâche sans fin,” prophétise
John lorsque j’évoque les nouvelles œuvres
de Dave Gallagher, Paul Dainton, Alex
Boyd, Nuala Kinrade et Kevin Chin. “Ici,
nous évoquons et invoquons le monde de
Warhammer. Nous l’ouvrons pour que
notre Hobby soit toujours plus “réel” et
plus passionnant.”
Vous pouvez découvrir d’autres
illustrations à cette adresse :
www.games-workshop.com
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