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Journal de radiologie (2011) 92, 1113—1121

ARTICLE ORIGINAL COURT / Neurologie

Occlusion de l’artère de Percheron : difficultés du


diagnostic clinique et place de l’IRM. À propos
de six cas
Artery of Percheron occlusion: Value of MRI. A review of six cases

J.L. Lamboley a,∗, F. Le Moigne a, L. Have b,


G. Tsouka b, A. Drouet b, P. Salamand a, L. Guilloton b

a
Service d’imagerie médicale, hôpital d’instruction des Armées Desgenettes, 108,
boulevard Pinel, 69375 Lyon cedex 03, France
b
Service de neurologie, hôpital d’instruction des Desgenettes, 108, boulevard Pinel,
69375 Lyon cedex 03, France

MOTS CLÉS Résumé La vascularisation des thalamus humains repose sur une distribution artérielle
Artère de Percheron ; complexe présentant plusieurs variantes. L’une de ces variantes est l’artère de Percheron,
Thalamus ; qui correspond à un tronc unique vascularisant le territoire paramédian thalamique de manière
Infarctus cérébral ; bilatérale. Cette artère prend son origine du premier segment de l’une des artères cérébrales
IRM postérieures et son occlusion entraîne un infarctus thalamique bilatéral et parfois thalamo-
mésencéphalique. Nous rapportons six observations d’accident vasculaire cérébral (AVC) avec
infarctus bithalamique, imputable à l’occlusion de cette artère de Percheron ; nous illustrons la
complexité du tableau clinique ainsi que le rôle majeur de l’imagerie, notamment de l’imagerie
par résonance magnétique (IRM) cérébrale dans l’établissement du diagnostic positif.
© 2011 Elsevier Masson SAS et Éditions françaises de radiologie. Tous droits réservés.

KEYWORDS Abstract Blood supply to the human thalami is complex and multiple variants exist. The
Artery of Percheron; artery of Percheron is one of those variants and is characterized by a solitary arterial trunk
Thalamus; that branches from one of the proximal segments of either posterior cerebral artery and sup-
Stroke; plies blood to the paramedian thalami. Its occlusion results in bilateral paramedian thalamic
MRI infarction sometimes extending to the midbrain. We report six cases of bithalamic infarc-
tion secondary to occlusion of the artery of Percheron. We will illustrate the complex clinical
symptomatology and underscore the role of imaging, especially MRI, for diagnosis.
© 2011 Elsevier Masson SAS and Éditions françaises de radiologie. All rights reserved.

∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : jllamboley@neuf.fr (J.L. Lamboley).

0221-0363/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS et Éditions françaises de radiologie. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.jradio.2011.08.007
1114 J.L. Lamboley et al.

L’infarctus simultané bithalamique est rare, en rapport et du comportement de type frontal, ainsi qu’un syndrome
avec une occlusion des artères paramédianes thalamiques de Parinaud.
réunies par un tronc commun. Cette variante anatomique du
réseau vasculaire thalamo-mésencéphalique est également
appelée artère de Percheron [1,2]. La présentation cli- Observation 2
nique est polymorphe, en raison de la variabilité anatomique
des territoires vasculaires et de l’extension des territoires Une femme de 53 ans, aux antécédents d’hypothyroïdie sous
infarcis. Nous rapportons six cas d’infarctus bithalamique hormonothérapie, fut hospitalisée pour la prise en charge
illustrant la complexité de leur présentation clinique et la d’un syndrome occlusif abdominal, révélateur d’une tumeur
place essentielle de l’imagerie par résonance magnétique sigmoïdienne. L’évolution clinique fut rapidement délétère,
(IRM) dans l’établissement du diagnostic. avec apparition d’un syndrome septique sévère par périto-
nite sur perforation sigmoïdienne nécessitant une prise en
charge chirurgicale d’urgence. Au cours de l’intervention
Observation 1 la patiente présenta un collapsus cardiovasculaire durant
15 minutes sans arrêt cardiorespiratoire. Lors du réveil de
Une femme de 70 ans fut prise en charge pour la surve- la patiente, 24 heures après l’intervention, une hémiplégie
nue d’une perte de connaissance brutale. L’examen clinique droite et une aphasie motrice avec manque de mot étaient
initial retrouva un score de Glasgow à 5, un signe de décrites. Le scanner cérébral réalisé dès la découverte des
Babinski à droite et un myosis bilatéral étaient aussi sou- symptômes puis l’IRM encéphalique montrèrent l’existence
lignés. Le scanner cérébral réalisé en urgence deux heures d’un AVC ischémique thalamique bilatéral et isolé (Fig. 2)
après l’installation des troubles se révéla normal, ne met- sans lésion sur l’ARM. La normalité de l’enquête cardiovas-
tant pas en évidence de signe d’hémorragie cérébrale culaire fit retenir le diagnostic d’AVC bithalamique par bas
ni d’ischémie. La biologie et l’examen toxicologique ini- débit sanguin cérébral consécutif au collapsus cardiovascu-
tiaux ne retrouvèrent pas d’étiologie à ce malaise. Son laire. L’évolution fut favorable en une semaine à l’exception
état clinique s’améliora dès les 12 premières heures avec d’une hémiparésie droite persistante.
un retour à un état de conscience normal. Il persista un
tableau neurologique complexe associant un trouble de
la vigilance fluctuant avec une hypersomnie, une altéra- Observation 3
tion des fonctions cognitives et une paralysie oculomotrice
de verticalité. Une dysarthrie et une ataxie complétaient Un homme de 73 ans, polyvasculaire connu avec cardio-
ce tableau clinique, incitant à renouveler l’imagerie à pathie ischémique, triple pontage coronarien et épisode
48 heures. Le scanner cérébral révéla alors une hypoden- d’accident ischémique transitoire (parésie du membre supé-
sité thalamique bilatérale et l’IRM réalisée le jour même rieur droit) fut pris en charge pour l’apparition d’un trouble
confirma une atteinte ischémique bithalamique avec rema- de conscience d’installation brutale, avec score de Glasgow
niements hémorragiques (Fig. 1). Aucune anomalie n’a été à 7, associé à une hémiparésie droite. Le scanner céré-
décelée sur l’ARM cérébrale 3D TOF. L’enquête étiologique bral, réalisé deux heures après le début des troubles, révéla
réalisée permit de découvrir l’existence d’une hypertension une hypodensité au niveau du thalamus gauche (Fig. 3a)
artérielle et d’une dyslipidémie. La patiente évoluera vers avec intégrité du tronc basilaire sur l’angioscanner, et l’IRM
une démence thalamique avec déficit majeur de l’attention cérébrale permit de découvrir qu’il existait une atteinte

Figure 1. a : IRM cérébrale, séquence FLAIR, coupe axiale : œdème cytotoxique des thalamus ; b : imagerie de diffusion en B1000 :
hypersignal thalamique bilatéral ; c : coupe axiale en pondération T2* : présence d’hyposignaux en faveur de remaniements hémorragiques.
Occlusion de l’artère de Percheron : difficultés du diagnostic clinique 1115

Figure 2. a : scanner X cérébral : hypodensité en regard des thalamus ; b : IRM en séquence FLAIR, coupe axiale : œdème cytotoxique avec
hypersignal ; c : imagerie de diffusion en B1000 : hypersignaux bilatéraux dans les territoires thalamiques paramédians ; d : cartographie de
coefficient de diffusion apparent avec chute dans les territoires thalamiques.

ischémique thalamique bilatérale (Fig. 3b). Une thrombo- déficitaire du tronc cérébral avec une paralysie oculomo-
lyse systémique par rt-Pa a été réalisée et l’évolution fut trice verticale. Un scanner cérébral était alors réalisé et
favorable avec toutefois persistance d’une monoparésie du ne montra aucune anomalie pouvant expliquer les troubles
membre supérieur droit. de la patiente. Après un nouveau délai de 24 heures une
IRM cérébrale a été demandée et révéla alors un infarctus
thalamo-mésencéphalique bilatéral (Fig. 4) faisant suspec-
Observation 4 ter une occlusion de l’artère de Percheron. L’ARM 3D TOF
était normale avec intégrité du tronc basilaire. L’évolution
Une patiente de 82 ans, sans antécédent particulier, fut fut favorable avec un retour à un état de conscience normal
hospitalisée en chirurgie pour prise en charge d’une frac- en trois jours et disparition de la paralysie oculomotrice.
ture du col fémoral gauche nécessitant la mise en place Aucun autre déficit neurologique ne fut constaté. Cepen-
d’une prothèse intermédiaire. Un mois après l’intervention, dant, la patiente présentait un tableau anxio-dépressif
alors que l’évolution était satisfaisante sur le plan fonction- associé à des troubles du comportement avec des épisodes
nel, la patiente présentait une détérioration de son état de d’agitation, retentissant sur son autonomie. La patiente
conscience caractérisé par l’installation en trois jours d’un rejoignit finalement un centre de long séjour pour la pour-
coma avec un score de Glasgow à 4 associé à un syndrome suite de la prise en charge.
1116 J.L. Lamboley et al.

Figure 3. a : scanner X cérébral : hypodensité bithalamique ; b : IRM de diffusion, coupe axiale, séquence de diffusion en B1000 : hyper-
signaux thalamiques bilatéraux.

Observation 5 Glasgow à 13. Il était apyrétique, sans trouble hémodyna-


mique. Le bilan biologique et l’ECG étaient normaux. La
Un homme de 90 ans, aux antécédents d’HTA, de cardio- recherche de toxique était négative et l’alcoolémie nulle.
pathie valvulaire et d’insuffisance rénale chronique, fut Le scanner cérébral réalisé trois heures après le début
adressé aux urgences pour trouble de la conscience. Il des troubles ne montrait pas d’anomalie en dehors des
avait été retrouvé inconscient par son épouse le matin stigmates de la rupture d’anévrisme ancienne (Fig. 6a).
au réveil. À l’arrivée du SAMU, l’examen clinique mon- Après une évolution rapidement favorable des troubles de
trait un score de Glasgow à 3 avec myosis bilatéral. La la conscience avec un retour à un score de Glasgow à 15 en
glycémie capillaire était normale. Lors de sa prise en moins de 12 heures, un nouvel examen clinique révélait
charge à l’hôpital, l’évolution clinique fut favorable avec une aggravation de l’hémiparésie gauche avec trouble de
retour à un état de conscience normal. Il persistait cepen- la marche, sans déficit sensitif ni atteintes des paires crâ-
dant un syndrome confusionnel avec agitation, anxiété niennes associées. Un nouvel examen tomodensitométrique
et désorientation temporo-spatiale. Le scanner réalisé à fut réalisé sept jours après le début des troubles et montra
l’arrivée du patient, soit une heure après la prise en charge des hypodensités thalamiques et occipitales bilatérales fai-
pré-hospitalière, était sans particularité en dehors d’une sant suspecter des lésions ischémiques récentes (Fig. 6b).
atrophie corticale. Le bilan biologique était normal. L’ECG Le bilan étiologique retrouvait une hypertension artérielle.
montrait une fibrillation auriculaire jusque là inconnue. Une Les troubles neurologiques s’amenderont en une semaine et
IRM cérébrale fut réalisée à 36 heures de la prise en charge le patient retrouvera son état clinique de base.
initiale du patient et montra une ischémie bithalamique
paramédiane (Fig. 5). L’ARM cérébrale était sans particu-
larité. Le doppler des TSA ne retrouvant qu’un athérome Discussion
carotidien mineur, l’étiologie emboligène fut retenue du
fait de la fibrillation auriculaire. Le patient gardera des La vascularisation du thalamus est sous la dépendance du
troubles mnésiques antérogrades ainsi qu’une désorienta- système vertébrobasilaire. Quatre territoires vasculaires
tion temporo-spatiale. sont définis : tubéro-thalamique, inféro-latéral, paramédian
et choroïdien postérieur. Le territoire paramédian est per-
fusé par une artère paramédiane thalamo-subthalamique
Observation 6 postérieure (artère paramédiane) prenant son origine au
niveau de la portion P1 de l’artère cérébrale postérieure,
Un homme de 59 ans fut adressé aux urgences via le SAMU appelée artère communicante basilaire. Les variantes ana-
pour vomissements incoercibles et somnolence, précédés tomiques de la perfusion thalamique ont été étudiées par
de céphalées. Dans ses antécédents, on retient une rup- Percheron ; ce dernier a décrit trois types de vascularisation,
ture d’anévrisme de la carotide interne droite il y a 23 ans à partir du segment P1 de l’artère cérébrale postérieure
pris en charge chirurgicalement avec hémiplégie gauche [1,2]. Les artères peuvent naître de chaque côté de P1 (type
séquellaire, un adénocarcinome rectal opéré en 1990, une I) ; elles peuvent aussi venir de la même artère (type IIA) ou
hypercholestérolémie et un tabagisme actif à 40 PA. À provenir d’un tronc commun (type 2B) lequel va alimenter la
l’arrivée aux urgences le patient présentait un score de partie médiane des deux thalamus. Ce tronc commun porte
Occlusion de l’artère de Percheron : difficultés du diagnostic clinique 1117

Figure 4. a, b : imagerie de diffusion, coupe axiale, séquence B1000 : infarctus thalamopédonculaire bilatéral ; c, d : cartographie de
coefficient de diffusion apparent avec chute dans ces territoires thalamopédonculaires.

ainsi l’éponyme d’artère de Percheron (Fig. 7). Dans un tiers troubles cognitifs et des troubles oculomoteurs. Le coma et
des cas le territoire tubéro-thalamique est sous la dépen- l’hypersomnie sont retrouvés respectivement dans 47 % et
dance de l’artère paramédiane thalamo-subthalamique, 29 % des cas. Pour les atteintes cognitives, les troubles mné-
étendant ainsi la zone ischémique en cas d’occlusion de siques (antérogrades et rétrogrades) sont présents dans 63 %
l’artère de Percheron [3]. De plus, l’artère mésencéphalique des cas, la confusion et les troubles du comportement dans
supérieure, qui vascularise le mésencéphale, et l’artère 55 % et 29 % des cas. Les troubles oculomoteurs intéressent
paramédiane thalamo-subthalamique peuvent naître d’un la verticalité du regard avec un syndrome de Parinaud dans
tronc commun. Ainsi, l’occlusion de l’artère de Percheron 61 % des cas. Les troubles moteurs et la dysarthrie sont plus
sera toujours responsable d’un infarctus bithalamique para- rares (13 % et 29 %) [6]. La complexité et le polymorphisme
médian mais pourra dans certains cas entraîner une ischémie de cette séméiologie expliquent que l’infarctus bithala-
thalamopédonculaire comme dans notre quatrième dossier mique peut conduire à la constitution brutale de véritables
[4]. Habituellement, cette occlusion présente une étiolo- tableaux de démence [7]. L’évolution des troubles est elle
gie embolique d’origine cardiaque, aortique ou des troncs aussi variable allant du décès à la régression totale (13 % des
supra-aortiques proximaux [5]. cas) [6,8], en passant par des troubles cognitifs et moteurs,
Le tableau clinique d’une telle atteinte demeure extrê- notamment oculomoteurs (21 %), séquellaires. Habituelle-
mement variable. Les signes cliniques les plus fréquemment ment, les troubles graves de conscience régressent dans les
rencontrés comprennent des troubles de la conscience, des heures ou jours qui suivent [6]. La moins bonne régression
1118 J.L. Lamboley et al.

Figure 5. IRM cérébrale en coupe axiale FLAIR (a) et diffusion (b, c) avec œdème cytotoxique thalamique paramédian bilatéral : hyper-
signal B1000 avec restriction de l’ADC.

des troubles cognitifs s’explique par la bilatéralité des apparaissent moins fréquents dans la littérature. Par ailleurs
lésions du fait de la représentation bihémisphérique des nous soulignons dans la deuxième observation, l’absence
fonctions cognitives et de la plasticité cérébrale en cas des principaux signes habituellement rencontrés tels qu’un
d’atteinte unilatérale [9]. Nos six observations illustrent la trouble de vigilance ou une hypersomnie. Dans ce cas, on
diversité des troubles cliniques et la difficulté d’établir le pourrait faire l’hypothèse que l’ischémie bithalamique est
diagnostic, conformément aux données de la littérature. survenue au cours de l’anesthésie générale qui a pu mas-
Des troubles de conscience sont présents dans cinq cas quer d’éventuels troubles de conscience initiaux. Enfin, dans
dont quatre graves. Par trois fois ils ont été révélateurs cinq dossiers, des séquelles étaient présentes, que ce soit
de l’atteinte ischémique. Les troubles des fonctions supé- sous forme de troubles moteurs ou de troubles cognitifs.
rieures (hypersomnie, syndrome confusionnel), les atteintes Seul un patient récupérera entièrement de ses troubles.
mnésiques (antérogrades) et oculomotrices sont respecti- Ainsi, il apparaît qu’aucun signe ou association de signes
vement présents dans deux cas. Les troubles moteurs et ne soient spécifiques de l’infarctus bithalamique. Les cor-
phasiques ont été rencontrés dans trois cas alors qu’ils rélations anatomofonctionnelles des thalamus permettent

Figure 6. Scanner cérébral en coupe axiale normal à la phase aiguë (a) et montrant sept jours plus tard des hypodensités thalamiques
bilatérales associées à un œdème cortico-sous-cortical occipital bilatéral (b).
Occlusion de l’artère de Percheron : difficultés du diagnostic clinique 1119

diagnostic, en particulier grâce à l’imagerie de diffusion qui


est la technique présentant la meilleure sensibilité dans le
diagnostic précoce des AVC ischémiques [11]. L’IRM retrou-
vera l’infarctus thalamique paramédian bilatéral sous la
forme d’un œdème en hypersignal T2 et diffusion avec une
diminution du coefficient apparent de diffusion à la phase
aiguë. Parfois, une atteinte mésencéphalique symétrique
pourra être associée en raison des variantes vasculaires pré-
cédemment décrites [12], comme le montre l’IRM de notre
quatrième observation. Une étude récente a identifié quatre
tableaux différents en IRM en cas d’occlusion de l’artère de
Figure 7. Variantes de la vascularisation artérielle thalamique
Percheron : une atteinte thalamique bilatérale paramédiane
paramédiane selon la classification établie par Percheron [2]. Type
I : les artères paramédianes naissent chacune des segments P1 des
seule, une atteinte thalamique bilatérale paramédiane avec
artères cérébrales postérieures ; type IIa : les deux artères paramé- lésion mésencéphalique, une atteinte thalamique bilatérale
dianes proviennent du même segment P1 ; type IIb : les artères paramédiane et antérieure et enfin une atteinte thalamique
paramédianes prennent leur origine d’un tronc commun appelé bilatérale paramédiane et antérieure associée à une lésion
« artère de Percheron ». mésencéphalique. Les auteurs insistent également sur le « V
sign », correspondant à un hypersignal FLAIR et diffusion
visible à la partie antérieure du mésencéphale, en regard
de comprendre un tel polymorphisme séméiologique. de la fossette interpédonculaire, témoignant d’une atteinte
L’hypersomnie peut être expliquée par l’atteinte du noyau mésencéphalique [13]. Le scanner peut montrer une hypo-
thalamique intralaminaire appartenant à l’extension ros- densité bithalamique ; mais cet examen est le plus souvent
trale du système d’activation réticulaire ascendant de la pris en défaut à la phase aiguë [14]. L’occlusion de l’artère
région sous-thalamique et thalamique interne. Les troubles de Percheron est visualisable en réalisant une artériographie
mnésiques sont expliqués par la perte de connexion entre sélective avec possibilité de réaliser une thrombolyse intra
le noyau thalamique antérieur et l’hippocampe en raison artérielle [15]. Cependant, en cas de suspicion d’occlusion
d’une atteinte du tractus mamillothalamique lorsque la de l’artère de Percheron, la réalisation d’une angiographie
vascularisation du territoire tubéro-thalamique est sous la conventionnelle n’apparaît pas indiquée car la non visuali-
dépendance de la vascularisation du territoire paramédian. sation de l’artère n’élimine pas son existence, du fait de sa
De plus, l’atteinte du noyau dorsomédial et de la lame possible occlusion et surtout de sa petite taille [12]. Les don-
médullaire interne du thalamus peut entraîner des troubles nées de la littérature n’évoquent aucune étude évaluant la
mnésiques identiques à ceux rencontrés dans le syndrome place de l’angio-IRM dans l’identification de l’artère de Per-
de Korsakof. Les troubles oculomoteurs sont rapportés à cheron, bien que des cas de visualisation de cette dernière
une atteinte du mésencéphale, notamment par atteinte du sur des ARM 3D TOF aient été rapportés [16]. Ainsi, face
noyau du III [3]. Les troubles du comportement évocateurs à une ischémie bithalamique ou bi thalamopédonculaire,
d’un syndrome frontal se justifient par l’interruption de la une occlusion de l’artère de Percheron doit être évoquée,
boucle thalamo-fronto-limbique en cas d’atteinte du terri- même en l’absence de preuve angiographique. L’imagerie
toire tubéro-thalamique [10]. Les troubles mnésiques sont vasculaire non invasive (angioscanner ou angio-IRM) des
le fait de l’atteinte du tractus mamillothalamique (faisceau troncs supra-aortiques et des vaisseaux intracrâniens reste
de Vicq d’Azyr). Les déficits sensitifs associés s’expliquent cependant indispensable dans le cadre du bilan étiologique,
par l’atteinte de la partie médiane du noyau thalamique comme dans tout accident vasculaire cérébral. Elle doit
ventral postérieur qui est sous la dépendance du territoire être réalisée dans le même temps [17] et permettra notam-
vasculaire paramédian ou inféro-latéral. Le mutisme akiné- ment d’éliminer une obstruction du tronc basilaire devant
tique se rencontre en cas d’atteinte thalamopédonculaire les troubles de conscience souvent sévères rencontrés dans
bilatérale. L’ataxie et les mouvements anormaux corres- l’occlusion de l’artère de Percheron.
pondent à une atteinte du pôle supérieur du noyau rouge [4]. Selon nos observations, l’IRM a toujours permis d’établir
Le rôle des différents noyaux thalamiques dans les troubles le diagnostic, notamment en phase aiguë (deux heures). Son
phasiques demeure méconnu. Ces troubles phasiques se ren- délai de réalisation allait de deux heures à 96 heures, et de
contrent en cas d’atteinte du territoire tubéro-thalamique. 24 à 96 heures si on ne tient pas compte de l’observation 3 où
Si l’atteinte prédomine à gauche, les troubles du langage le patient est pris en charge dans une unité de soins intensifs
se manifesteront par un manque de mots, troubles de la neurologiques ou « stroke unit ». Ainsi l’obtention d’une IRM
compréhension et paraphasie. Si l’atteinte prédomine à cérébrale en urgence reste encore difficile. Or, dans une
droite, la dysphasie sera en rapport avec des troubles de pathologie aussi déroutante que l’occlusion de l’artère de
la mémoire visuelle [3]. Percheron, l’IRM occupe une place importante pour éviter
La complexité et la diversité de la présentation cli- l’errance diagnostique, d’autant plus que le scanner peut
nique de l’occlusion de l’artère de Percheron expliquent être faussement rassurant. En effet, sur les quatre scan-
la difficulté de porter le diagnostic sur les seules don- ners réalisés à la phase aiguë (d’une à trois heures après le
nées de l’examen physique. La présentation des éléments début de la symptomatologie), un seul a montré l’atteinte
du tableau clinique et paraclinique souvent déroutante thalamique. À l’extrême, le scanner s’est avéré négatif à
est source d’une errance diagnostique et d’un retard thé- 72 heures. Enfin, il a été rapporté un cas d’occlusion de
rapeutique. Les examens radiologiques complémentaires, l’artère de Percheron avec une IRM cérébrale normale réa-
en particulier l’IRM cérébrale, permettent de redresser le lisée 95 minutes après le début des premiers symptômes,
1120 J.L. Lamboley et al.

avec une séquence de diffusion utilisant un b à 1000 s/mm2 . Déclaration d’intérêts


Ainsi, la normalité d’une IRM réalisée à la phase précoce
n’élimine pas le diagnostic et doit faire réaliser un nouvel Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en
examen cérébral dans les 48 heures [18]. Les faux néga- relation avec cet article.
tifs de l’imagerie de diffusion dans les 24 premières heures
d’un AVC ischémique d’origine artérielle a été évalué à 5,8 %
et concernent les infarctus du tronc cérébral ainsi que les
atteintes lacunaires, notamment corticales et des territoires Références
postérieurs [19].
Devant une atteinte bithalamique à l’imagerie, cer- [1] Percheron G. The anatomy of the arterial supply of the human
tains diagnostics différentiels doivent être discutés, en thalamus and its use for the interprétation of the thalamic
particulier celui de thrombophlébite des veines cérébrales vascular pathology. Z Neurol 1973;205:1—13.
internes [20]. Le diagnostic pourra être redressé à l’IRM [2] Percheron G. Arteries of the human thalamus: II. Arteries and
car l’œdème bithalamique pourra être diffus et intéres- paramedian thalamic territory of the communicating basilar
artery. Rev Neurol 1976;132:309—24.
ser les autres noyaux gris centraux. S’agissant d’un œdème
[3] Schmahmann JD. Vascular syndromes of the thalamus. Stroke
vasogénique, il pourra présenter un coefficient apparent 2003;34:2264—78.
de diffusion normal ou augmenté. Après injection de pro- [4] Castaigne P, Lhermite F, Buge A, Escourolle R, Hauw JJ, Lyon-
duit de contraste, on visualisera un défaut d’opacification Caen O. Paramedian thalamic and midbrain infarct: clinical and
des veines cérébrales internes [21]. D’autres étiologies neuropathological study. Ann Neurol 1981;10:127—48.
peuvent aussi être discutées : il peut s’agir de causes [5] Krampla W, Schmidbauer B, Hruby W. Ischaemic stroke of the
métaboliques comme l’encéphalopathie de Gayet-Wernicke artery of Percheron. Eur Radiol 2008;18:192—4.
qui résulte d’une carence en vitamine B1. Un diagnos- [6] Monet P, Garcia PY, Saliou G, Spagnolo S, Desblache J, Franc
tic et un traitement précoces évitent l’installation d’un J, et al. Accident vasculaire ischémique bithalamique : existe-
syndrome de Korsakoff. La triade clinique habituelle asso- t-il un tableau évocateur ? Étude radioclinique. Rev Neurol
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cie un syndrome confusionnel, une démarche ataxique et
[7] Koutsouraki E, Xiromerisiou G, Costa V, Baloyannis S. Acute
une ophtalmoplégie. L’IRM montre à la phase aiguë des bilatéral thalamic infarction as cause of acute dementia and
hypersignaux T2 et FLAIR du noyau médiodorsal des tha- hypophonia after occlusion of the artery of Percheron. J Neurol
lamus, de la substance grise périaqueducale et des corps Sci 2009;283:175—7.
mamillaires. La myélinolyse extrapontique, le plus sou- [8] Krolak-Salmon P, Croisile B, Houzard C, Setiey A, Girard-Madoux
vent accompagnée d’une myélinolyse centropontique, est P, Vighetto A. Total recorvery after bilatéral paramédian tha-
secondaire à une correction trop rapide de la natrémie lamic infarct. Eur Neurol 2000;44:216—8.
chez un patient dénutri ou carencé. La clinique associe [9] Hermann DM, Siccoli M, Brugger P, Watcher K, Mathis J, Acher-
classiquement une quadriplégie d’installation rapide à un mannP, et al. Evolution of neurological, neuropsychological and
syndrome pseudobulbaire. L’IRM retrouve des anomalies du sleep-wake disturbances after paramedian thalamic stroke.
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hypersignal T2. La maladie de Creutzfeldt-Jacob sous sa viour: effects of anatomically distinct strokes. Neurology
forme « nouveau variant » peut aussi entraîner des lésions 2006;66:1817—23.
bithalamiques. Cliniquement, on constate un syndrome [11] Naggara O, Létourneau-Guillon L, Mellerio C, Belair M, Pruvo
extrapyramidal, des myoclonies et des troubles des fonc- JP, Leclerc X, et al. IRM de diffusion et encéphale. J Radiol
tions supérieures. Il s’y associe des dysesthésies ainsi que 2010;91:329—51.
des troubles psychiatriques. L’IRM montre un hypersignal [12] Matheus MG, Castillo M. Imaging of acute bilateral paramedian
T2 et FLAIR bilatéral du pulvinar parfois étendu aux noyaux thalamic and mesencephalic infarcts. AJNR Am J Neuroradiol
dorsomédians réalisant le signe de la « crosse de hockey », 2003;24:2005—8.
très évocateur. Pour finir, on pourra également citer les [13] Lazzaro NA, Wright B, Castillo M, Fischbein NJ, Glastonbury
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