Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
a
Service d’imagerie médicale, hôpital d’instruction des Armées Desgenettes, 108,
boulevard Pinel, 69375 Lyon cedex 03, France
b
Service de neurologie, hôpital d’instruction des Desgenettes, 108, boulevard Pinel,
69375 Lyon cedex 03, France
MOTS CLÉS Résumé La vascularisation des thalamus humains repose sur une distribution artérielle
Artère de Percheron ; complexe présentant plusieurs variantes. L’une de ces variantes est l’artère de Percheron,
Thalamus ; qui correspond à un tronc unique vascularisant le territoire paramédian thalamique de manière
Infarctus cérébral ; bilatérale. Cette artère prend son origine du premier segment de l’une des artères cérébrales
IRM postérieures et son occlusion entraîne un infarctus thalamique bilatéral et parfois thalamo-
mésencéphalique. Nous rapportons six observations d’accident vasculaire cérébral (AVC) avec
infarctus bithalamique, imputable à l’occlusion de cette artère de Percheron ; nous illustrons la
complexité du tableau clinique ainsi que le rôle majeur de l’imagerie, notamment de l’imagerie
par résonance magnétique (IRM) cérébrale dans l’établissement du diagnostic positif.
© 2011 Elsevier Masson SAS et Éditions françaises de radiologie. Tous droits réservés.
KEYWORDS Abstract Blood supply to the human thalami is complex and multiple variants exist. The
Artery of Percheron; artery of Percheron is one of those variants and is characterized by a solitary arterial trunk
Thalamus; that branches from one of the proximal segments of either posterior cerebral artery and sup-
Stroke; plies blood to the paramedian thalami. Its occlusion results in bilateral paramedian thalamic
MRI infarction sometimes extending to the midbrain. We report six cases of bithalamic infarc-
tion secondary to occlusion of the artery of Percheron. We will illustrate the complex clinical
symptomatology and underscore the role of imaging, especially MRI, for diagnosis.
© 2011 Elsevier Masson SAS and Éditions françaises de radiologie. All rights reserved.
∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : jllamboley@neuf.fr (J.L. Lamboley).
0221-0363/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS et Éditions françaises de radiologie. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.jradio.2011.08.007
1114 J.L. Lamboley et al.
L’infarctus simultané bithalamique est rare, en rapport et du comportement de type frontal, ainsi qu’un syndrome
avec une occlusion des artères paramédianes thalamiques de Parinaud.
réunies par un tronc commun. Cette variante anatomique du
réseau vasculaire thalamo-mésencéphalique est également
appelée artère de Percheron [1,2]. La présentation cli- Observation 2
nique est polymorphe, en raison de la variabilité anatomique
des territoires vasculaires et de l’extension des territoires Une femme de 53 ans, aux antécédents d’hypothyroïdie sous
infarcis. Nous rapportons six cas d’infarctus bithalamique hormonothérapie, fut hospitalisée pour la prise en charge
illustrant la complexité de leur présentation clinique et la d’un syndrome occlusif abdominal, révélateur d’une tumeur
place essentielle de l’imagerie par résonance magnétique sigmoïdienne. L’évolution clinique fut rapidement délétère,
(IRM) dans l’établissement du diagnostic. avec apparition d’un syndrome septique sévère par périto-
nite sur perforation sigmoïdienne nécessitant une prise en
charge chirurgicale d’urgence. Au cours de l’intervention
Observation 1 la patiente présenta un collapsus cardiovasculaire durant
15 minutes sans arrêt cardiorespiratoire. Lors du réveil de
Une femme de 70 ans fut prise en charge pour la surve- la patiente, 24 heures après l’intervention, une hémiplégie
nue d’une perte de connaissance brutale. L’examen clinique droite et une aphasie motrice avec manque de mot étaient
initial retrouva un score de Glasgow à 5, un signe de décrites. Le scanner cérébral réalisé dès la découverte des
Babinski à droite et un myosis bilatéral étaient aussi sou- symptômes puis l’IRM encéphalique montrèrent l’existence
lignés. Le scanner cérébral réalisé en urgence deux heures d’un AVC ischémique thalamique bilatéral et isolé (Fig. 2)
après l’installation des troubles se révéla normal, ne met- sans lésion sur l’ARM. La normalité de l’enquête cardiovas-
tant pas en évidence de signe d’hémorragie cérébrale culaire fit retenir le diagnostic d’AVC bithalamique par bas
ni d’ischémie. La biologie et l’examen toxicologique ini- débit sanguin cérébral consécutif au collapsus cardiovascu-
tiaux ne retrouvèrent pas d’étiologie à ce malaise. Son laire. L’évolution fut favorable en une semaine à l’exception
état clinique s’améliora dès les 12 premières heures avec d’une hémiparésie droite persistante.
un retour à un état de conscience normal. Il persista un
tableau neurologique complexe associant un trouble de
la vigilance fluctuant avec une hypersomnie, une altéra- Observation 3
tion des fonctions cognitives et une paralysie oculomotrice
de verticalité. Une dysarthrie et une ataxie complétaient Un homme de 73 ans, polyvasculaire connu avec cardio-
ce tableau clinique, incitant à renouveler l’imagerie à pathie ischémique, triple pontage coronarien et épisode
48 heures. Le scanner cérébral révéla alors une hypoden- d’accident ischémique transitoire (parésie du membre supé-
sité thalamique bilatérale et l’IRM réalisée le jour même rieur droit) fut pris en charge pour l’apparition d’un trouble
confirma une atteinte ischémique bithalamique avec rema- de conscience d’installation brutale, avec score de Glasgow
niements hémorragiques (Fig. 1). Aucune anomalie n’a été à 7, associé à une hémiparésie droite. Le scanner céré-
décelée sur l’ARM cérébrale 3D TOF. L’enquête étiologique bral, réalisé deux heures après le début des troubles, révéla
réalisée permit de découvrir l’existence d’une hypertension une hypodensité au niveau du thalamus gauche (Fig. 3a)
artérielle et d’une dyslipidémie. La patiente évoluera vers avec intégrité du tronc basilaire sur l’angioscanner, et l’IRM
une démence thalamique avec déficit majeur de l’attention cérébrale permit de découvrir qu’il existait une atteinte
Figure 1. a : IRM cérébrale, séquence FLAIR, coupe axiale : œdème cytotoxique des thalamus ; b : imagerie de diffusion en B1000 :
hypersignal thalamique bilatéral ; c : coupe axiale en pondération T2* : présence d’hyposignaux en faveur de remaniements hémorragiques.
Occlusion de l’artère de Percheron : difficultés du diagnostic clinique 1115
Figure 2. a : scanner X cérébral : hypodensité en regard des thalamus ; b : IRM en séquence FLAIR, coupe axiale : œdème cytotoxique avec
hypersignal ; c : imagerie de diffusion en B1000 : hypersignaux bilatéraux dans les territoires thalamiques paramédians ; d : cartographie de
coefficient de diffusion apparent avec chute dans les territoires thalamiques.
ischémique thalamique bilatérale (Fig. 3b). Une thrombo- déficitaire du tronc cérébral avec une paralysie oculomo-
lyse systémique par rt-Pa a été réalisée et l’évolution fut trice verticale. Un scanner cérébral était alors réalisé et
favorable avec toutefois persistance d’une monoparésie du ne montra aucune anomalie pouvant expliquer les troubles
membre supérieur droit. de la patiente. Après un nouveau délai de 24 heures une
IRM cérébrale a été demandée et révéla alors un infarctus
thalamo-mésencéphalique bilatéral (Fig. 4) faisant suspec-
Observation 4 ter une occlusion de l’artère de Percheron. L’ARM 3D TOF
était normale avec intégrité du tronc basilaire. L’évolution
Une patiente de 82 ans, sans antécédent particulier, fut fut favorable avec un retour à un état de conscience normal
hospitalisée en chirurgie pour prise en charge d’une frac- en trois jours et disparition de la paralysie oculomotrice.
ture du col fémoral gauche nécessitant la mise en place Aucun autre déficit neurologique ne fut constaté. Cepen-
d’une prothèse intermédiaire. Un mois après l’intervention, dant, la patiente présentait un tableau anxio-dépressif
alors que l’évolution était satisfaisante sur le plan fonction- associé à des troubles du comportement avec des épisodes
nel, la patiente présentait une détérioration de son état de d’agitation, retentissant sur son autonomie. La patiente
conscience caractérisé par l’installation en trois jours d’un rejoignit finalement un centre de long séjour pour la pour-
coma avec un score de Glasgow à 4 associé à un syndrome suite de la prise en charge.
1116 J.L. Lamboley et al.
Figure 3. a : scanner X cérébral : hypodensité bithalamique ; b : IRM de diffusion, coupe axiale, séquence de diffusion en B1000 : hyper-
signaux thalamiques bilatéraux.
Figure 4. a, b : imagerie de diffusion, coupe axiale, séquence B1000 : infarctus thalamopédonculaire bilatéral ; c, d : cartographie de
coefficient de diffusion apparent avec chute dans ces territoires thalamopédonculaires.
ainsi l’éponyme d’artère de Percheron (Fig. 7). Dans un tiers troubles cognitifs et des troubles oculomoteurs. Le coma et
des cas le territoire tubéro-thalamique est sous la dépen- l’hypersomnie sont retrouvés respectivement dans 47 % et
dance de l’artère paramédiane thalamo-subthalamique, 29 % des cas. Pour les atteintes cognitives, les troubles mné-
étendant ainsi la zone ischémique en cas d’occlusion de siques (antérogrades et rétrogrades) sont présents dans 63 %
l’artère de Percheron [3]. De plus, l’artère mésencéphalique des cas, la confusion et les troubles du comportement dans
supérieure, qui vascularise le mésencéphale, et l’artère 55 % et 29 % des cas. Les troubles oculomoteurs intéressent
paramédiane thalamo-subthalamique peuvent naître d’un la verticalité du regard avec un syndrome de Parinaud dans
tronc commun. Ainsi, l’occlusion de l’artère de Percheron 61 % des cas. Les troubles moteurs et la dysarthrie sont plus
sera toujours responsable d’un infarctus bithalamique para- rares (13 % et 29 %) [6]. La complexité et le polymorphisme
médian mais pourra dans certains cas entraîner une ischémie de cette séméiologie expliquent que l’infarctus bithala-
thalamopédonculaire comme dans notre quatrième dossier mique peut conduire à la constitution brutale de véritables
[4]. Habituellement, cette occlusion présente une étiolo- tableaux de démence [7]. L’évolution des troubles est elle
gie embolique d’origine cardiaque, aortique ou des troncs aussi variable allant du décès à la régression totale (13 % des
supra-aortiques proximaux [5]. cas) [6,8], en passant par des troubles cognitifs et moteurs,
Le tableau clinique d’une telle atteinte demeure extrê- notamment oculomoteurs (21 %), séquellaires. Habituelle-
mement variable. Les signes cliniques les plus fréquemment ment, les troubles graves de conscience régressent dans les
rencontrés comprennent des troubles de la conscience, des heures ou jours qui suivent [6]. La moins bonne régression
1118 J.L. Lamboley et al.
Figure 5. IRM cérébrale en coupe axiale FLAIR (a) et diffusion (b, c) avec œdème cytotoxique thalamique paramédian bilatéral : hyper-
signal B1000 avec restriction de l’ADC.
des troubles cognitifs s’explique par la bilatéralité des apparaissent moins fréquents dans la littérature. Par ailleurs
lésions du fait de la représentation bihémisphérique des nous soulignons dans la deuxième observation, l’absence
fonctions cognitives et de la plasticité cérébrale en cas des principaux signes habituellement rencontrés tels qu’un
d’atteinte unilatérale [9]. Nos six observations illustrent la trouble de vigilance ou une hypersomnie. Dans ce cas, on
diversité des troubles cliniques et la difficulté d’établir le pourrait faire l’hypothèse que l’ischémie bithalamique est
diagnostic, conformément aux données de la littérature. survenue au cours de l’anesthésie générale qui a pu mas-
Des troubles de conscience sont présents dans cinq cas quer d’éventuels troubles de conscience initiaux. Enfin, dans
dont quatre graves. Par trois fois ils ont été révélateurs cinq dossiers, des séquelles étaient présentes, que ce soit
de l’atteinte ischémique. Les troubles des fonctions supé- sous forme de troubles moteurs ou de troubles cognitifs.
rieures (hypersomnie, syndrome confusionnel), les atteintes Seul un patient récupérera entièrement de ses troubles.
mnésiques (antérogrades) et oculomotrices sont respecti- Ainsi, il apparaît qu’aucun signe ou association de signes
vement présents dans deux cas. Les troubles moteurs et ne soient spécifiques de l’infarctus bithalamique. Les cor-
phasiques ont été rencontrés dans trois cas alors qu’ils rélations anatomofonctionnelles des thalamus permettent
Figure 6. Scanner cérébral en coupe axiale normal à la phase aiguë (a) et montrant sept jours plus tard des hypodensités thalamiques
bilatérales associées à un œdème cortico-sous-cortical occipital bilatéral (b).
Occlusion de l’artère de Percheron : difficultés du diagnostic clinique 1119
[20] Ameridou I, Splilioti M, Amoiridis G. Bithalamic infarcts: embo- of findings, and diagnostic pitfalls. Radiographics 2006;26:
lism of the top of basilar artery or deep cerebral venous 19—41.
thrombosis? Clin Neurol Neurosurg 2004;106:345—57. [22] Brami-Zylberberg F, Méary E, Oppenheim C, Gobin-Metteil MP,
[21] Leach JL, Fortuna RB, Jones BV, Gaskill-Shipley MF. Imaging Delvat D, De Montauzan-Rivière I, et al. Atteintes bilatérales
of cerebral venous thrombosis: current techniques, spectrum des noyaux gris chez l’adulte. J Radiol 2005;86:281—93.