Vous êtes sur la page 1sur 30

Tolérance centrale

Sélection thymique

Université Paris Saclay

Pierre Bobé

1
Mise en évidence de la tolérance immunitaire au « Soi »
1938-Traub :
L’injection in utero, ou chez le nouveau-né, du virus LCMV (Chorioméningite Lymphocytaire)
entraîne : a) une infection chronique persistant toute la vie des animaux
: b) une incapacité des animaux adultes à produire des anticorps neutralisants après
réinfection par le LCMV

1949-Macfarlane Burnet postule que l’âge des animaux aux moments de la première
rencontre avec l’antigène est le facteur déterminant de l’induction d’un état de tolérance
immunitaire.

1949-Billigham et Medawar. L’injection de cellules allogéniques durant la période


néonatale induit chez la souris adulte un état de tolérance immunitaire à des greffes de peau
allogéniques.

 Remarque : la tolérance immunitaire peut être induite à un âge plus tardif à condition
2
d’utiliser des doses d’antigènes beaucoup plus fortes.
Tolérance immunitaire par Billigham et Medawar (1949)

Rejet de greffe allogénique de CMH H-2B


par une souris adulte de CMH H-2A

Injection de leucocytes de CMH H-2B à la


souris H-2A durant la période néonatale.
Tolérance de la greffe allogénique H-2B
par la souris adulte H-2A

Rejet de greffe de peau allogénique H-2C


par la souris adulte H-2A injectée en
néonatale avec des leucocytes H-2B.
La tolérance est donc spécifique.

Pour maintenir l’état de tolérance chez ces souris greffées, il faut qu’un petit nombre de
cellules injectées survivent indéfiniment chez le receveur.

3
Tolerance immunitaire au « Soi »

 Etat de non réponse immunitaire induit par l’exposition à un antigène


 La tolérance immunitaire au antigène du soi est induite durant la période néonatale
 L’ exposition répétée à l’antigène maintient cet état de tolérance tout au long de la vie
 La tolérance immunitaire concerne les lymphocytes T et B

Mécanismes de tolérance immunitaire :


Tolérance T
• Délétion centrale intra-thymique ou sélection négative
• Anergie périphérique (TCR/CMH ; B7/C28)
• Délétion périphérique (Bim, Fas/FasL)
• Ignorance de l’antigène (barrière anatomique isolant l’antigène de la circulation / pas ou
peu de diffusion de l’Ag)
• Suppression par les Treg (TCD4+, CD25+, Foxp3+) : CTLA-4, TGF-b, IL-10, IL-35

Tolérance B
• Délétion centrale, Edition du récepteur et Anergie dans la moelle osseuse
• Anergie périphérique
• Défaut de coopération par délétion des lymphocytes T

 Auto-immunité : Perte de tolérance aux constituants du Soi


Plus de 80 maladies auto-immunes d’étiologie le plus souvent inconnue.
4
Les récepteurs B (BCR) et T (TCR)
e, d, g, z = CD3 module de transduction de signal

CD4/CD8

ITAM

ITAM : immunoreceptor tyrosine-based activation motif

CD4 et CD8 augmentent jusqu’à 100 fois l’affinité globale de l’interaction entre le TCR et le
complexe CMH-peptide

 CD4 et CD8 activent des voies de transduction directement par leur domaine intracytoplasmique
6
7
Éducation Thymique

Création d’un répertoire de lymphocytes T utiles et non-autoréactifs

I. Réarrangements des gènes Va/Ja/Ca et Vb/Db/Jb/Cb du TCR


engendrent un répertoire d’environ 1016 TCR différents.

II. Mort des lymphocytes T ayant un TCR incapable d’interagir avec les
molécules de classe I ou II du CMH.
Sélection
positive Survie des lymphocytes T exprimant un TCR capable d’interagir avec
les molécules de classe I ou II du CMH/peptide du soi

Sélection III. Élimination des lymphocytes T exprimant un TCR auto-réactif avec


négaive une avidité/affinité forte pour le complexe CMH/peptide du soi

8
Thymus et Involution thymique

• Pas de lymphocytes T chez les enfants athymiques (microdélétion 22q11 ou syndrome de DiGeorge) ou les souris « nude »
• Croissance du thymus de la naissance (15 g) à la puberté (40 g) puis involution lente avec l’âge (involution adipeuse)
• Le thymus devient macroscopiquement difficile à observer chez les sujets âgés ( ≤ 10 g) avec une réduction significative de
la lymphopoïèse thymique qui semble toucher plus significativement les lymphocytes T CD8 + que CD4+.
• En revanche, division continuelle des lymphocytes T mémoires périphériques  maintien d’un nombre constant de
lymphocytes T

Thymectomie chez l’adulte ou le grand enfant


• Pas de lymphopénie T périphérique après thymectomie mais le répertoire s’appauvrit en lymphocytes T matures naïfs.
• Pas d’immunodéficience grave sauf si déplétion lymphocytaire sévère (chimio ou radiothérapie, infection virale) qui ne
peut pas être compensée par un apport de lymphocytes T matures naïfs.

lymphopoïèse thymique

homoeostasie
Prolifération périphérique Pool de
lymphocytes T mort cellulaire
périphériques
9
Analyse histologique des modifications du thymus humain associées à l’âge

• Taille du thymus relativement conservée au cours du vieillissement


• Mais diminution progressive de la fraction thymique correspondant à l’épithélium et qui est responsable
de la production des thymocytes (en rose).

Coupes de thymus à différents âges après marquage avec des anticorps anti-
cytokératine couplés à la peroxidase et coloration à l’hématoxyline et l’éosine
• cortex (C), medulla (M), espace périvasculaire (P)

Histologic and molecular assessment of human thymus


Laura P Hale Annals of Diagnostic Pathology, 2004, Vol 8: 50-60
10
Utilisation du nombre de TREC par μg d’ADN extrait de lymphocytes T CD3+ comme marqueur
de la thymopoïèse chez les sujets sains agés

Les boucles d’ADN excisées du chromosome lors du


réarrangement des segments VDJ au locus TCR sont
conservés dans les thymocytes thymus sous forme
d’épisome ou TREC (T cell receptor excised circles).

Les TREC ne peuvent pas se répliquer et sont perdus par dilution lors de la phase d’expansion clonale des
lymphocytes T après activation par l’antigène.

Les lymphocytes T périphériques TREC+ sont soit des lymphocytes T matures naïfs venant d’émigrer du
thymus soit des lymphocytes T naïfs à longue-durée de vie n’ayant pas encore rencontrés d’antigène.

Diminution avec l’âge du nombre de lymphocytes T CD3+


matures au stade naïf contenant des TREC.

Histologic and molecular assessment of human thymus


Laura P Hale Annals of Diagnostic Pathology, 2004, Vol 8: 50-60
11
Réarrangements des gènes α et β du TCR et production d’un récepteur
d’antigène fonctionnel

Chaîne α en
configuration CD4− CD8−
germinale

CD4+CD8+

Chaîne β en
configuration CD4− CD8−
germinale

14
Le développement des thymocytes peut être suivi grâce à l’expression
des molécules de surface CD3, CD4 et CD8

4 sous-populations principales de thymocytes

Les thymocytes DP représentent


environ 80% des cellules du thymus. CD4SP CD3+CD4+

T DN T DP matures

précurseurs immatures
CD3-CD4-CD8- CD3+lowCD4+CD8+ CD8SP CD3+CD8+

15
Localisation
- organe lympho-épithélial : combinaison de lymphocytes et de cellules épithéliales
formant le stroma (la trame)
- organe bilobé située dans le médiastin antéro-supérieur
- Chaque lobe est divisé en nombreux lobules séparés par des travées conjonctives.
- Chaque lobule est constitué d’un cortex et d’une médulla.

Sur le plan histologique


- Chaque lobe est entouré d’une capsule conjonctive d’où partent des travées appelées trabécules délimitant
des territoires de taille variables appelés lobules.
- Chaque lobule possède une zone externe, la corticale ou cortex, et une zone plus centrale, la médullaire.

- cortex contient une forte densité de


lymphocytes T immatures.

- médulla contient des lymphocytes T


en quantité moindre, des
macrophages et des "Corpuscules
thymiques de Hassal"
(cellules épithéliales dégénératives)

16
- Organe bilobé
- Chaque lobe est entouré d’une capsule conjonctive d’où partent des travées délimitant des
territoires de taille variables appelés lobules.
- Chaque lobule possède une couche périphérique, le cortex, et une zone centrale, la médulla

Thymus de souris jeune contient environ 108 à 2.108 thymocytes


5.107 cellules CD4+CD8+ sont produites chaque jour ;
90% de ces cellules CD4+CD8+ meurent par défaut de sélection positive
106 à 2.106 lymphocytes T matures (de 2 à 4%) quittent le thymus chaque jour.
17
18
Expression codominante des molécules de classe I et II du CMH à la surface
d’une cellule présentatrice d’antigène

 Les allèles des gènes du CMH sont exprimés de façon co-dominantes

 Les allèles des gènes du CMH sont polymorphes

20
Quelques preuves expérimentales de l’existence d’un
mécanisme de sélection positive et négative

22
Sélection positive des lymphocytes T CD4+ :
interaction entre TCR et molécule de classe II du CMH

23
Sélection positive des lymphocytes T CD8+ suite à l’interaction entre un TCR
et une molécule de classe I du CMH (locus D, allèle b).
Déficits immunitaires combinés sévères (DICS ou SCID severe combined immunodeficiency) : blocage précoce du
développement lymphocytaire.

A) chez les souris SCID :


 La migration des précurseurs de la moelle osseuse vers le thymus se déroule normalement
 Pas de réarrangements fonctionnels du TCR dans le thymus et du BCR dans la moelle osseuse
 Pas de thymocytes CD4+CD8+
 Pas de lymphocytes T CD4+ et CD8+ en périphérie

B) chez les souris SCID rendus transgéniques pour un TCRαβ reconnaissant un peptide présenté par
une molécule de classe I du CMH (locus D, allèle b soit H-2Db) (Scott et al., Nature (1989)

Souris transgène :TCRab anti-peptide/H-2D


b
SCID H-2D
d

Présence de thymocytes CD4+CD8+ exprimant le TCRab anti-peptide/H-2Db ;


 Pas de lymphocytes T en périphérie

transgène TCRab anti-peptide/H-2D


b
souris
SCID H-2D
b

Présence de thymocytes CD4+CD8+ exprimant le TCRab anti-peptide/H-2Db 24


Présence de lymphocytes T CD8+CD4– en périphérie
Exclusion allélique

 Expression exclusive de l'un des 2 allèles codant les chaînes H et L des Ig et de la chaîne β
du TCR.

 Le locus de la chaîne α du TCR ne subit pas d'exclusion allélique certains lymphocytes T


peuvent exprimer deux types de TCR.

25
Problème méthodologique

Comment suivre le devenir d’un seul lymphocyte T exprimant un TCR donné ?

• Construire une souris transgénique pour un gène α et gène β d’un TCR déjà réarrangé.

• Par exclusion allélique, l’allèle transgénique empêchera tout autre réarrangement dans les précurseurs T.

Une forte proportion des lymphocytes T porteront le même TCR transgénique.

26
Construction d’une lignée de souris H-2Db transgénique pour un TCR ab (Vb8.2) anti-peptide H-Y présenté par H-2Db.

Les ADNc codant pour le TCR proviennent d’un clone de lymphocytes T CD4 –CD8+ spécifique de l’antigène mâle H-Y.

H-Y, ensemble de protéines codées par le chromosome Y

27
A
Proportion de thymocytes CD4+CD8+ chez des souris
femelles normales ou transgéniques pour la chaîne α et/ou β
du TCR anti-H-Y/Db.

CD8+CD4–

B C
Nombre total de thymocytes

108 -
Sélection négative
107 -

106 -
CD8
transgène exprimé : tb tab tab
Proportion de thymocytes CD4+CD8+ chez des males
transgéniques pour les chaîne α et β du TCR anti-H-Y/Db. mâle mâle femelle

28
Souris doubles transgéniques TCR/Bcl-2

Bcl-2

32
Strasser et al. 1994
Rôle de l’épithélium thymique dans la sélection positive

33
35
Mort des lymphocytes T au cours de leur développement thymique et
de leurs fonctions périphériques

Apoptose dépendante de Bim Apoptose dépendante de Bim


et de la voie
Fas / Fas ligand
36
APS-1 : Polyendocrinopathie auto-immune de type I
ou
APECED : Auto-immune Polyendocrinopathy-Candidiasis-Ectodermal Dystrophy

pathologie auto-immune résultant d’un défaut de sélection négative

• Décrits dans les années 1960-70, affecte différents organes endocriniens : glandes parathyroïde et
thyroïde, cortex des glandes surrénales, pancréas et gonades.

• Présence d’auto-anticorps dirigés contre les organes endocriniens entraînant une disparition progressive
des fonctions au cours de l'évolution de la maladie.

• Caractéristiques cliniques très hétérogènes

• Syndrome rare touchant les enfants: la majorité des cas sont signalés avant l‘âge de 5 ans ou au plus tard
en début de l'adolescence.

• Transmission autosomique récessive

• Prévalence augmentée : Finlandais (1/25000) ; Sardes (1/14000) ; Juifs iraniens (1/9000)

• Sex ratio est 1,5-2,4 femmes / 1 homme. 38


 gène AIRE (autoimmune regulator) qui code pour un facteur de transcription (Nature Genetics 1997).

49 mutations différentes de AIRE induisant un syndrome APECED ont été déjà identifiées

 Souris déficiente en facteur de transcription AIRE  absence d’expression ectopique des antigènes
périphériques tissulaires au niveau de l’épithélium de la médulla du thymus  syndrome APECED

 AIRE stimule l’expression de molécules tissulaires normalement exprimées en périphérie.

 AIRE responsable de la sélection négative de lymphocytes T auto-réactifs dans le thymus

 AIRE est exprimé au niveau de l’épithélium de la médulla du thymus ainsi qu’au niveau des cellules
dendritiques et des monocytes du thymus.

thymocytes

expression dans les cellules épithéliales thymiques (TEC)

Analyse des transcrits AIRE par RT-PCR


dans les populations cellulaires thymiques 39
Participation des cellules originaires de la moelle osseuse dans la sélection négative

alloreconnaissance
directe

40

Vous aimerez peut-être aussi