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Nutrition clinique et métabolisme 27 (2013) 123–133

Revue générale

Le goût : physiologie, rôles et dysfonctionnements夽


Taste: Physiology, roles and dysfunction
Laurent Brondel a,∗,b , Agnès Jacquin a,c , Sophie Meillon a , Luc Pénicaud a
a UMR 6265 CNRS, UMR 1324 Inra, centre des sciences du goût et de l’alimentation, université de Bourgogne, 9e , boulevard Jeanne-d’Arc, 21000 Dijon, France
b Service d’hépatogastroentérologie, CHU de Dijon, 21000 Dijon, France
c Service de neurologie, CHU de Dijon, 21000 Dijon, France

Reçu le 8 mars 2013 ; reçu sous la forme révisée le 20 juin 2013 ; accepté le 26 juin 2013
Disponible sur Internet le 7 août 2013

Résumé
Parmi les cinq sens, le goût correspond à une activation sensorielle multimodale permettant de détecter et d’identifier de nombreux stimuli que
sont les saveurs. Il existe actuellement cinq saveurs primaires (sucré, salé, acide, amer, umami) qui peuvent se combiner entre elles pour former
des sensations gustatives plus élaborées. La physiologie de la gustation est complexe. Les substances sapides contenues dans les aliments activent
les récepteurs gustatifs situés dans les bourgeons du goût. Les cellules gustatives ainsi stimulées transmettent le signal au cortex gustatif primaire
ipsilatéral. Les aires corticales secondaires, communes aux sensations olfactives et gustatives, permettent ensuite l’intégration des informations
sensorielles. Les autres sensibilités (la somesthésie avec la sensibilité trigéminale, l’olfaction, la vision et l’audition) interagissent avec la gustation.
Trois rôles principaux sont attribués au goût : la détection et l’identification des aliments, le rejet ou l’acceptation de l’aliment grâce à la composante
hédonique des sensations et enfin, la préparation de la digestion, de l’absorption et du stockage des nutriments. En pathologie, les altérations du
goût sont fréquentes, bien que sous-diagnostiquées, et peuvent aggraver la maladie sous-jacente en induisant une dénutrition. Des anomalies du
goût peuvent être induites par de nombreuses pathologies ou des médicaments. Les mécanismes responsables varient en fonction de la pathologie
et sont souvent mal connus. L’amélioration des connaissances des mécanismes physiologiques qui sous-tendent la gustation permettra de mieux
comprendre les altérations du « goût » en pathologie pour tenter d’y faire face chez les patients à risque de dénutrition.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Gustation ; Médicaments ; Prise alimentaire ; Récepteurs sensoriels

Abstract
The sense of taste involves multimodal sensory activation to detect and identify many flavors. Today, five primary tastes have been identified
(sweet, salt, sour, bitter and umami). These are often combined to form complex tastes. The physiology of gustatory pathways is complex. The
activation of gustatory receptors located in the mouth leads to an ascendant pathway through the neurons of the solitary nucleus in the brainstem and
the neurons located in the thalamus. After the thalamus, the gustative signal modulates the ipsilateral primary taste cortex and then the secondary
taste area. The secondary taste cortex, which combines representations of taste and smell, allows cortical processing and the convergence of
the different sensory pathways. The other sensory modalities, such as somatosensory, olfactory, visual and hearing modalities, also interact with
gustation at different stages of gustative integration. The sense of taste has three main roles: to detect and identify foods that can be eaten, to provide
information in the decision to ingest or reject the food, and to trigger the digestion, absorption and storage of food. Taste problems are frequent
and not diagnosed often enough. If physicians do not take them into account, they can worsen the underlying disease by causing malnutrition.
Many drugs and diseases can cause gustatory loss. The underlying mechanisms are various and often unknown. Increasing our knowledge of
taste physiology could improve our understanding of taste pathology. The main aim is to treat taste problems in order to avoid malnutrition and
aggravation of the underlying disease.
© 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Drugs; Food intake; Gustation; Pathology; Sensory receptors; Taste

夽 10e Journées francophones de nutrition, Lyon, France, 12–14 décembre 2012.


∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : laurent.brondel@u-bourgogne.fr (L. Brondel).

0985-0562/$ – see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
http://dx.doi.org/10.1016/j.nupar.2013.06.002
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1. Introduction

Lorsqu’on parle de goût on évoque stricto sensu celui des cinq


sens par lequel l’Homme et les animaux perçoivent les saveurs.
Souvent, le goût se rapporte improprement à la flaveur résultant
des stimulations conjointes olfactives et gustatives, ou même à
une image globale de l’aliment faisant intervenir l’ensemble de
ses qualités sensorielles. Ces qualités stimulent, outre la gusta-
tion et l’olfaction, la somesthésie (texture, chaleur de l’aliment),
la sensibilité trigéminale, la vision et même l’audition. Parfois
aussi on inclut dans le goût la sensation hédonique (préférences,
Fig. 1. Récepteurs linguaux.
aversions) et les facteurs cognitifs (culturels ou gastronomiques)
qu’il fait naître. Dans le langage courant, le goût a une dimen-
sion tout autre encore, correspondant à la faculté de discerner la Les récepteurs gustatifs, à la base de la perception des saveurs,
beauté et les défauts dans les productions de l’esprit, les œuvres sont localisés sur la langue et plus accessoirement sur le palais,
d’art ou les personnes, voire même, en voulant qualifier ce qui le pharynx et le larynx (épiglotte). Sur la langue (Fig. 1), ils sont
a trait à l’existentiel (le goût de vivre). C’est dire si le goût, situés dans les papilles caliciformes (en arrière, formant le V
sensorialité mal connue à la fois délaissée et magnifiée, est une lingual), foliées (en arrière sur les côtés) et fongiformes (épar-
sensibilité qui mérite d’être mieux connue : quelle est-elle ? À pillés à la surface de la langue). Chez l’individu normal, il existe
quoi sert-elle ? Quel est son rôle dans le comportement alimen- environ 5000 papilles, nombre variable d’un individu à l’autre.
taire ? Quelles sont ses modifications en pathologie ? Cet exposé Au niveau des replis que forment les papilles se trouvent des
a pour ambition d’apporter quelques éléments de réponse à ces amas cellulaires sphériques appelés bourgeons du goût. Cha-
questions. cun contient 50 à 100 cellules gustatives qui sont des cellules
neuro-épithéliales. Le renouvellement des cellules gustatives est
extrêmement rapide (dix jours environ), du fait de leur abrasion
2. Le goût : de quoi parlons-nous ? par les aliments, ce qui les distingue de tous les autres récepteurs
sensoriels de l’organisme. Les bourgeons du goût émergent dans
2.1. La sensibilité gustative la cavité buccale par des pores laissant passer les microvillosités
des cellules [6].
Les molécules sapides, molécules chimiques en phase On note quatre types de cellules dans les bourgeons du goût
aqueuse, stimulent les récepteurs gustatifs pour générer les (Fig. 2) [6]. Les cellules gliales ou de type I, les plus nombreuses,
saveurs. Aristote décrivait huit saveurs : le doux, l’amer, qui ont des expansions cytoplasmiques enserrant les autres cel-
l’onctueux, le salé, l’aigre, l’âpre, l’astringent et l’acide [1]. En lules. Elles assurent le maintien d’une certaine homéostasie à
1916, Henning en a retenu quatre : le sucré, le salé, l’acide, l’intérieur des bourgeons du goût. En outre, elles sont sensibles
l’amer [1]. La reconnaissance de ces saveurs fait appel à aux substances sapides salées. Les cellules réceptrices ou de type
l’analogie avec des goûts intégrés dans le patrimoine culturel et II ont des récepteurs sensibles aux substances sapides sucrées,
qui correspondent, non pas à une entité physicochimique, mais amères et umami (chaque cellule est spécifiquement sensible à
plutôt à des descriptions sémantiques. Une cinquième saveur, un seul type de saveur). Activées, elles libèrent un neurotrans-
déjà connue dans la Rome antique, a été ajoutée aux précé- metteur, l’ATP, dans le milieu interstitiel, par un canal pannexine
dentes. Il s’agit de la saveur umami (qui signifie « délicieux » (Panx). Les cellules présynaptiques ou de type III sont spé-
en japonais) [2]. Il a été nécessaire de l’individualiser en tant cifiquement sensibles aux substances acides ainsi qu’à l’ATP
que telle, car cette saveur, issue des préparations culinaires libéré par les cellules réceptrices. Les cellules basales ou de
d’Extrême-Orient et introduite dans la culture occidentale, ne type IV sont des cellules ovoïdes, peu différenciées, précurseurs
pouvait être décrite par aucune autre saveur déjà existante. Elle des cellules précédentes.
est reconnue comme étant le goût du glutamate et correspond Les récepteurs gustatifs, situés sur les microvillosités des cel-
au goût de la sauce soja, du bouillon cube, du Viandox® , de la lules gustatives, sont de type métabotropique ou ionique (Fig. 3)
viande grillée ou de certains fromages. . . On discute actuelle- [6]. Les récepteurs métabotropiques permettent la détection des
ment l’existence d’une sixième saveur liée au goût du gras. En substances sapides sucrées, amères et umami (cellule type II).
effet, un récepteur aux acides gras (CD36) a été mis en évidence Ils sont formés par les récepteurs du goût (taste receptors, TRs)
sur la langue du rat [3] puis celle de l’Homme [4]. À côté de couplés aux protéines G (G protein coupled receptors, GPCRs).
ces saveurs primaires ou élémentaires, s’ajoute la combinaison L’activation de ces récepteurs augmente le taux de calcium
des divers goûts de base entraînant à l’évidence la multiplication intracellulaire d’où la sécrétion d’ATP dans le milieu intersti-
des sensations gustatives élaborées en fonction, d’une part, de tiel, mais aussi la modification de la perméabilité de certains
configurations moléculaires particulières des stimuli et, d’autre canaux ioniques, entraînant la dépolarisation des cellules. Les
part, d’un codage effectué par le système gustatif périphérique. hétérodimères T1R2/T1R3 interviennent dans la détection des
La caractérisation des saveurs n’est donc pas arbitraire ; elle substances sapides sucrées (sucres, édulcorants, certains acides
répond à une réalité neurosensorielle [5]. aminés ou protéines sucrées) ; les récepteurs T2R dans celle
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Fig. 2. Les différents types de cellules du bourgeons du goût.


D’après Chaudhari et Roper [6], reproduction avec l’aimable autorisation de la revue. Glial-type cell : cellule de type gliale ; receptor cell : cellule réceptrice ;
presynaptic cell : cellule présynaptique ; salty : salé ; sweet : sucré ; bitter : amer ; sour : acide.

des substances sapides amères ; les récepteurs hétérodimériques Contrairement à une idée répandue, il n’existe pas de zone
T1R1/T1R3 dans celle des substances sapides umami (glutamate spécifique à la détection des saveurs sur la langue [1] : chaque
et aspartate, IMP et GMP). Les récepteurs ioniques permettent saveur est ressentie sur toute la langue, avec cependant une
de détecter le sodium par les cellules gliales (epithelial Na chan- variation quantitative de la sensibilité (corrélée à la densité
nel, ENac) ou les substances sapides acides par les cellules des papilles). Des sensibilités préférentielles peuvent donc
présynaptiques. apparaître localement. Par ailleurs, de nombreuses zones sont
totalement agueusiques. L’ensemble conduit à de grandes dif-
férences interindividuelles de la sensibilité gustative linguale :
certaines familles sont meilleures « goûteurs » que d’autres.
Considérant la perception d’une saveur donnée, celle-ci peut
être générée par de nombreuses substances (la caféine et la qui-
nine, de structures chimiques très différentes, génèrent la même
perception d’amertume). Cela est lié au fait qu’il n’existe pas
un récepteur, mais une famille de récepteurs générant la même
saveur et que chacun de ces récepteurs peut se lier à plusieurs
ligands. Par exemple, pour la détection de l’amer, 25 récepteurs
de la famille des T2R ont été identifiés chez l’Homme, chacun se
liant à deux ou quatre ligands voire pour certains à une cinquan-
taine, ce qui permet la détection de plus de 1000 composés [7].
La mutation de certains récepteurs au sein d’une même famille
explique aussi la variation de la perception des saveurs [8],
en particulier pour les composés amers [9] : le récepteur pour
le phénylthiocarbamide (PTC) et le propylthiouracile (PROP)
peut avoir une mutation (T2R38) qui rend inapte certaines per-
sonnes à détecter ces substances. Bien qu’il existe des variations
ethniques, on peut considérer globalement que 25 % de la popu-
lation ne perçoivent pas ces substances (nontasters) alors que
75 % les perçoivent (tasters), dont un tiers fortement (super-
tasters). De même, une préférence pour les aliments protéiques
a été observée chez certaines personnes, ce qui pourrait être
expliqué, au moins en partie, par des modifications génétiques
Fig. 3. Récepteurs gustatifs métabotropiques et ioniques.
D’après Chaudhari et Roper [6], reproduction avec l’aimable autorisation de la
des récepteurs umami [10].
revue. Sweet, bitter or umami tastant : substance sapide sucrée, amère ou Une fois stimulées, les cellules gustatives transmettent
umami ; taste GPCR : récepteur du goût couplé à une protéine G ; PIP2 : l’information au cortex via différentes voies ascendantes [11] :
phosphatidyl inositol diphosphate ; PLC : phospholipase C ; DAG : diacyl la corde du tympan (branche gustative du nerf facial) pour les
glycerol ; IP3 : inositol 3 phosphate ; Ca2+ store : stockage du calcium deux tiers antérieurs de la langue ; le nerf glossopharyngien pour
(réticulum endoplasmique) ; sour tastant : substance sapide acide ;
proton-sensitive channel : canal sensible au proton ; salt : substance sapide
le tiers postérieur de la langue (en arrière du V lingual) et le
salée. nerf laryngé supérieur (branche du vague) pour le pharynx et
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le larynx. Les neurones font un premier relais dans le noyau (l’astringence dans le vin se découvre quelques secondes après
solitaire situé à la partie dorsolatérale du bulbe, puis dans le la disparition de la saveur sucrée) ; l’activation du système trigé-
noyau ventropostéromédian du thalamus, avant de se projeter minal a la capacité de modifier la sensibilité gustative (la chaleur
sur les aires gustatives primaires ipsilatérales (cortex insulaire augmente la sensation de brûlure des piments alors que le froid
antérieur et cortex operculaire : opercules frontal, rolandique et la diminue, c’est pourquoi la sensation de brûlure induite par un
temporal). Dans la partie rostrale du noyau solitaire convergent aliment très pimenté est calmée par une gorgée d’eau fraîche).
de façon homolatérale les afférences gustatives mais aussi de La sensation trigéminale pourrait être un signal d’alerte pour
nombreuses afférences chémosensibles en provenance du tube un nombre important de stimulations potentiellement dange-
digestif. Les aires secondaires (cortex orbitofrontal et cortex reuses ou irritantes mais également, une source de plaisir liée
cingulaire antérieur), communes aux sensations gustatives et aux apprentissages et aux cultures (sensations rafraîchissantes,
olfactives, permettent l’intégration des informations sensorielles piquantes. . .).
et sont impliquées dans certains processus cognitifs (les mots, les
descriptions et l’attention modulent les sensations gustatives). Il 2.3. Les autres sensibilités
ressort donc que les projections sur le cortex gustatif primaire
sous-tendent les aspects cognitifs de la perception permettant Toutes les sensibilités (sauf l’équilibre) sont impliquées
la détection des caractéristiques discriminatives des saveurs dans le goût. Au premier rang de celles-ci, l’olfaction qui,
(nature et intensité) alors que les aires secondaires sous-tendent par voie rétronasale et avec la gustation, renseigne sur la
les aspects hédoniques globaux induits par l’aliment et contri- flaveur de l’aliment. Les systèmes olfactif et gustatif sont
buent à l’organisation du comportement alimentaire en lien avec complémentaires : le premier permet la détection des molécules
l’hypothalamus [12]. chimiques volatiles, dont la libération est favorisée par la mas-
tication, la destruction de l’aliment en bouche et l’évaporation
2.2. Les sensibilités somesthésiques par la chaleur régnant dans la bouche alors que le second per-
met la détection des molécules chimiques solubles dans l’eau
Les mécanorécepteurs, tactiles, kinesthésiques (tension des et les lipides. À eux deux, ils permettent l’identification d’un
muscles), proprioceptifs (sens des articulations) jouent égale- très grand nombre de substances chimiques. En outre, ces sys-
ment un rôle dans la gustation. Ils informent pour les premiers tèmes, grâce à leurs projections communes au niveau du cortex
sur la texture (sensation de granuleux, de moelleux, de fondant, orbitofrontal et cingulaire [13], se potentialisent : la sensation
d’onctueux. . .) et pour les autres sur la consistance de l’aliment de flaveur est souvent plus complexe que la somme des sen-
(dure, tendre, molle, élastique. . .). À noter que l’activation des sations liées à la saveur et à l’arôme. Par exemple, un odorant
récepteurs du tact par les mouvements de la langue stimule les est moins bien perçu en l’absence de stimulation gustative ; de
récepteurs du goût (il n’y a qu’à remuer la langue dans la bouche même, l’odeur de vanille ou de fraise augmente la sensation de
même vide, pour se rendre compte que les sensations gustatives sucré et inversement. D’ailleurs, il est bien connu qu’un rhume
augmentent. . . c’est ce que font certains lorsqu’ils sirotent un ou que l’obstruction nasale pendant l’ingestion limite la percep-
breuvage). Ces mécanorécepteurs sont situés dans le socle des tion de la flaveur de l’aliment et qu’à l’inverse, pour percevoir de
papilles filiformes localisées sur la face antérieure de la langue façon optimale la flaveur du vin, il convient de le grumer (après
(toute variation de direction des papilles est transmise et ampli- avoir mis du vin en bouche, il faut aspirer de l’air par la bouche
fiée) et dans celui des papilles fungiformes. Les voies nerveuses, avant de le faire ressortir par le nez).
communes à celles de la gustation, se projettent essentiellement La vision influence aussi la gustation. Ainsi un nectar de
dans le cortex gustatif primaire ipsilatéral. poire coloré en vert est perçu comme moins sucré qu’un nectar
Les thermorécepteurs localisés dans les papilles fungiformes incolore ; un vin blanc coloré en vert semble plus acide que
modulent aussi les sensations gustatives : le chaud augmente les le même vin non coloré. Globalement, l’intensité de la flaveur
sensations sucrée et salée, diminue celles de l’amer et de l’acide ; augmente avec la couleur (un vin blanc coloré en rouge est décrit
le chaud augmente la sensation piquante alors qu’il diminue comme un vin rouge), ce qui dépend bien sûr des expériences
l’astringence ; le froid diminue les saveurs amère et sucrée. antérieures du sujet. Même la couleur du contenant influence
Une des sensibilités somesthésiques est particulière. Il s’agit le goût : une boisson au chocolat servie dans une tasse orange
de la sensibilité trigéminale à la base des sensations de piquant semble avoir un goût plus intense que la même boisson servie
(pétillant des boissons gazeuses), d’irritant (poivre ou moutarde dans une tasse blanche.
qui. . . montent au nez), d’astringent, d’âpreté (tanins du vin) ou L’audition, enfin, joue un rôle sur la gustation : on salive
de goût métallique (cresson, certains fromages dits « bleus »), de devant. . . le croustillant d’une chips ou le craquant d’une pomme
« resserrement des gencives » (noix), ainsi que certaines sensa- et au-delà d’une exposition à 60 décibels, l’acuité gustative dimi-
tions de brûlure (piments), de chaleur (cognac) ou de fraîcheur nue.
(pastille de menthe). Cette chémosensibilité, peu discrimina-
tive, est liée aux terminaisons sensitives libres du nerf trijumeau 2.4. Alors, le goût c’est quoi ?
innervant les deux tiers antérieurs de la langue et le palais.
Des interactions existent entre le système trigéminal et les sys- Au sens large du terme, c’est une activation sensorielle mul-
tèmes gustatif et somesthésique : les saveurs acide et amère timodale qui par un mécanisme central permet la détection et
peuvent augmenter l’astringence alors que le sucré la masque l’identification de très nombreux stimuli [14]. La diversité des
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récepteurs sensoriels mis en jeu dans « le goût » (chémorécep- certaines hormones augmentent alors que d’autres diminuent la
teurs gustatifs, olfactifs et trigéminaux, récepteurs somesthé- sensibilité gustative, ce qui permet d’établir un lien étroit entre la
siques, récepteurs de la vue et de l’audition) permet la création perception des saveurs et le contrôle endocrinien de la prise ali-
d’une image sensorielle globale de l’aliment basée et renfor- mentaire, la satiété et l’état métabolique [17]. En effet, la leptine
cée par les apprentissages. La complémentarité des systèmes et l’insuline (hormones anorexigènes) diminuent la perception
sensoriels permet ainsi l’identification d’un très grand nombre des saveurs sucrées alors que le glucagon-like peptide-1 (GLP-1)
de substances (650 molécules dans le cacao, 800 composés à la et les endocannabinoïdes (hormones orexigènes) l’augmentent.
base des arômes de café, 300 substances dans l’arôme de fraise et
250 dans l’arôme de banane). En outre, ces systèmes sont extrê- 3. Perception et sensations gustatives ?
mement sensibles puisqu’ils permettent la détection de quelques
partie par million (ppm) d’une substance donnée. La sphère orale Les récepteurs sensoriels donnent naissance aux sensa-
peut donc être considérée comme un véritable chromatographe tions, phénomènes psychophysiques conscients permettant
situé à l’entrée du tube digestif, chromatographe extrêmement d’identifier les stimuli externes ou internes. Il est classique de
performant et sensible, permettant de garantir l’ingestion des reconnaître trois composantes dans la sensation [18] : la nature
nutriments sains ou le rejet des substances toxiques. du stimulus, son intensité et le plaisir qu’il procure. De ce fait,
La gustation a toutefois ses limites. Les récepteurs une fois l’information envoyée et traitée par le cerveau, il est
n’échappent pas au mécanisme d’adaptation et le cortex à possible de décrire la sensation gustative en termes de qualité
celui de l’habituation. L’adaptation indique que, selon la durée (est-ce sucré, salé, amer, acide. . .), d’intensité (est-ce très ou peu
d’exposition ou la répétition de la stimulation, les récepteurs sont salé. . .) et d’hédonisme (est-ce plaisant ou pas). La séméiolo-
de plus en plus sensibles à une substance donnée (sensibilisation) gie des troubles du goût (dysgueusies) distingue d’ailleurs les
ou au contraire le sont de moins en moins (désensibilisation). altérations du goût en fonction des anomalies de chacune de ces
À titre d’exemple, la sensation de brûlure induite par un ali- composantes (Fig. 4) comme indiqué par Kettaneh et al. [19] :
ment très pimenté augmente lorsque celui-ci est mangé toutes une anomalie peut porter sur l’identification de la saveur (une
les minutes (sensibilisation), mais diminue si l’aliment pimenté saveur apparaît à la place d’une autre [hétérogueusie] ou appa-
est mangé à nouveau après un intervalle libre d’une dizaine raît sans raison [phantogueusie]), sur l’intensité de la saveur
de minutes (désensibilisation). L’habituation, quant à elle, (agueusie, hypogueusie ou hypergueusie), ou sur la sensation
implique le cortex, notamment le cortex orbitofrontal. Lors de hédonique qu’elle induit (mauvais goût [cacogueusie] ou goût
l’habituation, les sensations gustatives diminuent progressive- métallique [torquegueusie]).
ment au cours de l’ingestion mais sont restaurées par l’attention La conscience ne se limite pas à la sensation ; elle incor-
ou par l’application d’un phénomène permettant la déshabitua- pore le message sensoriel aux informations venues d’autres
tion, qui peut être un temps d’arrêt, un évènement extérieur, modalités sensorielles et compare, à chaque instant, ces mes-
l’introduction d’un nouvel aliment. . . C’est un peu comme si on sages au stock mnésique pour donner lieu à la perception [18].
oubliait le goût de l’aliment en train d’être mangé. Ce mécanisme De ce fait, la perception correspond à la fonction par laquelle
est mis en évidence par les techniques d’électrophysiologie l’esprit se représente les objets qui l’entourent selon l’état
ou d’imagerie cérébrale fonctionnelle [14,15] : le cortex orbi- interne et les expériences. On conçoit donc l’importance des
tofrontal s’active au début de l’ingestion d’un aliment puis facteurs cognitifs, des habitudes, des expériences, des appren-
progressivement s’inactive au fur et à mesure de l’ingestion ; tissages, de l’environnement et de la culture dans la perception
il se réactive à l’introduction d’un aliment nouveau. du goût et sa construction, ainsi que de l’importance des facteurs
La seconde limite du « goût » est son manque de fidélité. En internes (faim, état nutritionnel, douleur. . .), de l’attention, de
effet, une faible concentration de sel peut donner une saveur l’humeur. . . Au total, le goût d’un aliment peut être agréable
sucrée alors qu’une forte concentration peut donner un goût indépendamment de sa flaveur car il rappelle une situation
amer ; les substances acides peuvent engendrer une saveur sucrée de l’enfance, le caractère agréable de l’environnement ou les
ou amère ; la saveur sucrée masque l’acidité ; la saccharine ou besoins nutritionnels du sujet.
l’aspartame (édulcorants) ont une saveur sucrée à faible concen-
tration mais une saveur amère à forte concentration ; le glutamate 4. Rôles du goût
renforce les autres saveurs (raison pour laquelle le glutamate est
utilisé dans l’industrie agro-alimentaire comme exhausteur de Trois rôles principaux sont attribués au goût (dans la suite de
goût). En outre, et indépendamment des différences interindivi- cet article, il sera fait référence à l’image globale du goût).
duelles, les habitudes alimentaires peuvent modifier le goût : les
personnes avec une alimentation très relevée en sel voient leur 4.1. Le goût permet tout d’abord de détecter et d’identifier
sensibilité au salé diminuer et inversement, les personnes ayant les aliments sur le point d’être ingérés
une alimentation peu sucrée (personnes atteintes de diabète)
voient leur sensibilité aux saveurs sucrées augmenter. Les aliments sont analysés lors d’une première expérience
La perception du goût varie enfin avec l’âge et l’imprégnation ou sont reconnus lors des expériences ultérieures. Si plusieurs
hormonale. À partir de 50–60 ans, le vieillissement physiolo- milliers de composés chimiques sont détectés par le goût, seule-
gique des récepteurs du goût et de l’olfaction altère la détection ment cinq saveurs, voire six avec le goût du gras, renseignent
des flaveurs et diminue le plaisir de manger [16]. Par ailleurs, sur l’intérêt de l’aliment. A priori, le faible nombre de saveurs
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Fig. 4. Sémiologie des dysgueusies.

peut sembler dérisoire. Il n’en est rien car chaque saveur porte 4.2. Le goût, par sa composante hédonique, permet ensuite
en elle un rôle informatif majeur. Ainsi, une saveur amère per- de rejeter ou d’accepter l’aliment en bouche
met de signaler un produit dangereux, toxique ou, en tout cas,
suspect pour l’organisme (dans la nature, les poisons, les sub- C’est en effet le plaisir qui, lorsque l’aliment est disponible,
stances nocives ou avariées ont généralement une saveur amère). guide ou non le comportement ingestif : à l’instant présent,
Cette aversion pour l’amer est génétiquement codée : chez les l’aliment est source de plaisir ou de déplaisir, le désir de l’ingérer
nouveau-nés ou les singes, une substance amère déposée sur la est élevé ou au contraire est faible, l’ingestion se fait, ne se fait
langue conduit à l’ouverture de la bouche et à la protrusion de pas ou cesse. Quatre mécanismes liés aux sensations hédoniques
la langue (éléments permettant de rejeter l’aliment en bouche) permettent de rejeter ou d’accepter l’aliment (Fig. 5). Le premier
ainsi qu’à l’apparition d’une mimique de dégoût (permettant est la satiété conditionnée [20]. Schématiquement, les aliments,
d’informer les congénères). Les autres saveurs renseignent sur identifiés par leurs qualités organoleptiques, sont associés aux
l’intérêt potentiel des aliments. Ainsi, la saveur sucrée signale effets postingestifs qu’ils produisent (il y a association entre
un aliment riche en glucides et donc, source d’énergie. Une atti- le goût d’un aliment et les conséquences physiologiques de son
rance innée pour les substances sucrées est mise en évidence ingestion). De ce fait, une « table de composition nutritionnelle »
comme l’indique la mimique des nouveau-nés ou des singes se construit de façon inconsciente au fur et à mesure des inges-
lorsque du sucre est déposé sur leur langue (la bouche se ferme, tions. Par la suite, le plaisir attendu par la présentation d’un
il existe des mouvements de succion, le visage se détend et sou- aliment au début du repas dicte la quantité désirant être ingérée
rit). La saveur umami indique un aliment riche en protéines, et cela, à la « cuillère près ». Le deuxième mécanisme dans lequel
utile pour l’organisme par ses rôles anaboliques. Le goût du le plaisir influence la prise alimentaire est le système de récom-
gras complèterait la détection des macronutriments en signa- pense ou reward system [21]. Celui-ci a plusieurs composantes :
lant l’arrivée d’un aliment lipidique riche en énergie. La saveur le liking (on aime ou on n’aime pas l’aliment du fait de ses qua-
salée indique un aliment susceptible d’intervenir sur la balance lités organoleptiques), sous-tendu par les opiacés endogènes et
hydro-électrolytique et la saveur acide sur un aliment pouvant les endocannabinoïdes ; le wanting (on a envie ou pas d’ingérer
influencer l’équilibre acidobasique. l’aliment) ce qui implique la sécrétion de la dopamine au niveau

Fig. 5. Mécanismes de la gustation permettant d’accepter ou de rejeter un aliment grâce à son caractère hédonique.
L. Brondel et al. / Nutrition clinique et métabolisme 27 (2013) 123–133 129

Tableau 1 connu que les qualités organoleptiques des aliments stimulent les
Réponses céphaliques anticipatoires pré-absorptives. secrétions salivaires mais aussi gastriques, biliaires et pancréa-
Effets Organes impliqués tiques permettant, la lubrification de la bouche, la dissolution
Salivation Bouche
des stimuli chimiques, la dégradation des aliments et l’action
Sécrétion acide des enzymes digestives (amylase, lipase). Le goût agit aussi
Sécrétion de gastrine sur la motricité digestive (la saveur amère diminue la motricité
Sécrétion de lipase digestive et la vidange gastrique). Des sécrétions hormonales
Vidange gastrique sont induites par le goût comme la sécrétion céphalique réflexe
Sécrétion de ghréline Estomac d’insuline qui prépare le stockage des aliments glucidiques. Des
Insulinosécretion adaptations du débit splanchnique, de la fonction rénale et du
Sécrétion de peptides
tissu adipeux sont aussi observées pour favoriser l’absorption
Sécrétion d’enzymes digestives Pancréas ou minimiser les perturbations du milieu intérieur induites par
Sécrétion biliaire Vésicule biliaire le repas (maintien de l’homéostasie).
Motricité intestinale Le goût est donc unique parmi les systèmes sensoriels car,
Sécrétion de CCK Intestin outre la reconnaissance de la qualité et de l’intensité des ali-
ments, il est naturellement associé, par les aspects hédoniques
Diurèse et natriurèse Rein
qu’il fait naître, aux choix, aux préférences, aux aversions ali-
Débit splanchnique Cœur et vaisseaux mentaires mais aussi au contrôle des volumes ingérés, à la
Faim et satiété (ghréline, Estomac diversification de l’alimentation, tous ces éléments étant à la base
leptine ?) du comportement alimentaire. Le goût prépare enfin la digestion,
l’absorption et le stockage des nutriments dès le contact des ali-
ments dans la cavité buccale, avant même leur arrivée dans le
central ; la composante cognitive, enfin, qui est à la base des tube digestif.
préférences [22,23] et des aversions qu’elles soient innées (néo-
phobies) ou acquises [24,25]. Le troisième mécanisme, dans 5. Altérations du goût en pathologie
lequel le plaisir lié au goût intervient, est le rassasiement senso-
riel spécifique [26,27]. Il se décline ainsi : lorsqu’un aliment est Souvent négligées et sous-diagnostiquées, les altérations du
mangé ad libitum, le niveau du plaisir induit diminue progressi- goût sont fréquentes et graves en pathologie : elles peuvent
vement jusqu’à devenir si faible qu’il n’incite plus à poursuivre aggraver une anorexie et participer à l’installation d’une dénu-
l’ingestion. Cette réduction du plaisir est spécifiquement liée à trition. Le manque de considération des altérations du goût
l’aliment ingéré ; elle ne modifie quasiment pas le plaisir induit par rapport à d’autres handicaps est frappant : on admet aisé-
pour d’autres aliments à condition qu’ils aient des caractéris- ment qu’une personne malentendante ait un faible penchant
tiques sensorielles différentes. Ce mécanisme limite la quantité pour l’opéra, qu’une autre malvoyante n’apprécie pas le cinéma,
ingérée (prévenant le risque d’intoxication si l’aliment mangé mais on ne considère pas l’importance du handicap gustatif des
est avarié) tout en favorisant la diversité alimentaire (réduisant personnes qui en sont atteintes. Pourtant, on l’a vu, le goût per-
alors le risque de carences). À chaque repas, pour chaque plat, le met, encourage, dirige l’ingestion, fonction vitale. Perdre le goût
rassasiement sensoriel spécifique se met en place, ce qui, avec devient une authentique infirmité. Ne dit-on pas « perdre le goût,
la distension gastrique, indique la fin de l’ingestion. Le qua- la saveur de vivre » ! En pratique médicale courante, la considé-
trième mécanisme faisant intervenir les sensations hédoniques ration et la prise en charge thérapeutique des troubles du goût
liées au goût est l’alliesthésie négative [28,29]. Celle-ci joue un suscitent un regain d’intérêt comme en atteste la revue bibliogra-
rôle dans la période postprandiale participant alors aux méca- phique de Desport et al. publiée en 2011 [32]. Pour les identifier,
nismes de satiété (ou période interprandiale d’absence de faim). les méthodes d’explorations sont décrites par ailleurs [33,34].
En effet, l’absorption des substances sucrées, salées ou riches en
acides aminés modifie l’état interne et, par la suite, diminue le 5.1. De nombreuses pathologies induisent des anomalies
plaisir pour la solution ingérée (même si celle-ci a été apportée du goût
à l’insu des sujets par voie intragastrique) interdisant alors toute
reprise de sa consommation. De nombreuses pathologies induisent des anomalies du goût
comme indiqué dans le Tableau 2. On retrouve bien sûr des
4.3. Le goût permet enfin de préparer la digestion, causes locales (glossites, prothèses dentaires, traitements de
l’absorption et le stockage des nutriments canal dentaire. . .), des carences nutritionnelles (carences en
vitamines du groupe B ou en zinc), des insuffisances hépa-
Les stimulations sensorielles en relation avec le goût tiques ou rénales chroniques, des intoxications, auxquelles on
déclenchent toute une série de phénomènes sécrétoires et peut associer la radiothérapie de la tête et du cou, des trauma-
moteurs, appelés réponses céphaliques réflexes ou réactions anti- tismes de la face, des cancers et des syndromes inflammatoires
cipatoires (Tableau 1) [30,31]. Ces réflexes, pour certains innés, chroniques, ainsi que des causes neurodégénératives (mala-
pour d’autres conditionnés, préparent la digestion et l’absorption die d’Alzheimer. . .), psychiatriques (syndrome dépressif. . .)
des nutriments. Ainsi, depuis les travaux de Pavlov, il est bien ou endocriniennes (insuffisance surrénale, diabète. . .) [32–34].
130 L. Brondel et al. / Nutrition clinique et métabolisme 27 (2013) 123–133

Tableau 2 Tableau 3
Pathologies responsables de troubles du goût. Médicaments responsables de troubles du goût.
Causes fréquentes Causes moins Causes peu fréquentes Antibiotiques Anticonvulsivants Agents anti- Antipsychotiques
fréquentes Ampicilline Carbamazépine inflammatoires Clozapine
Azithromycine (Tégretol® ) Auranofine (Leponex® )
Infections buccales et Facteurs nutritionnels Cause psychiatrique (Zithromax® ) Phenytoïne (Ridauran® ) Trifluoperazine
péribuccales (ex., carence (ex., dépression, Ciprofloxacine (Dilantin® ) Colchicine (Terfluzine® )
(ex., candidose, vitaminique [B2 , B12 ] anorexie, boulimie) (Ciflox® ) Antihistaminiques Déxaméthasone Antithyroïdien
gingivite, herpès ou en éléments-trace Épilepsie ou migraine Clarithromycine et (Décadron® ) Propylthiouracil
simplex, glossite, [zinc, cuivre], (aura gustative) (Zeclar® ) décongestionnants Sel d’or (Proracyl® )
parodontites, malnutrition, Sclérose en plaques, Griséofulvine Chlorphénamine (Allochrysine® ) Anxiolytiques
sialadénite) insuffisance rénale AVC, tumeur, (Fulcine® ) Loratadine Hydrocortisone Diazépam
Paralysie faciale chronique, hémorragie Métronidazole (Clarityne® ) Pénicillamine Zopiclone
idiopathique, insuffisance hépatique Dégénérescence (Flagyl® ) Pseudo éphédrine (Trolovol® ) Hypolipémiants
appareils [cirrhoses]) neurologique centrale Ofloxacine (Actifed® ) Agent anti-manie Fluvastatine
buccodentaires Cancer, sida, tumeurs (ex., Alzheimer, (Floxine® ) Antihypertenseurs, Lithium (Lescol® )
(ex., matériaux de ou lésions associées Parkinson) Tétracycline diurétiques et Antinéoplasiques Lovastatine®
remplissage, aux voies gustatives Neuropathie Antidépresseurs médicaments Cisplatine Pravastatine®
prothèses dentaires) (ex., cancer de la périphérique Amitriptyline cardiaques (Cysplatyl® ) Myorelaxants
Traitements dentaires cavité buccale, Syndrome de Sjögren (Elavil® ) Acétazolamide Doxorubicine Baclofen
(ex., extraction tumeurs de la base du Xérostomie Clomipramine (Diamox® ) (Adriblastine® ) (Lioresal® )
dentaire, traitement de crâne, Pathologie (Anafranil® ) Amiloride Carboplatine Dantrolène
canal) amygdalectomie) endocrinienne Désipramine (Modamide® ) Cyclophospha- (Dantrium® )
Âge, ménopause Traumatisme crânien (ex., insuffisance (Pertofran® ) Bétaxolol mide (Endoxan® )
(ex., fracture et surrénale, syndrome Doxépine (Bétoptic® ) 5-fluorouracile
blessure de la face) de Cushing, diabète, (Sinéquan® ) Captopril Méthotrexate
Exposition aux l’hypothyroïdie, Imipramine (Lopril® ) Vincristine
produits chimiques panhypopituitarisme, (Tofranil® ) Diltiazem (Oncovin® )
toxiques pseudohypoparathy- Nortriptyline (Tildiem® ) Antiparkinsoniens
(ex., benzène, acétate roïdie, syndrome de Enalapril Lévodopa
de butyle, disulfure, Kallmann, syndrome (Rénitec® ) (Modopar® ,
chlore, acétate de Turner) Hydrochlorothia- Sinemet® )
d’éthyle, Burning mouth zide (Esidrex® )
formaldéhyde, syndrome Nifédipine
séléniure (Adalate® )
d’hydrogène, acide Nitroglycérine
sulfurique, (Nitrolingual® )
trichloréthylène) Propranolol
Exposition aux agents (Avlocardyl® )
industriels Spironolactone
(ex., solvants, chrome, (Aldactone® )
plomb, cuivre)
Radiothérapie de la D’après Bromley SM [33].
tête et du cou
D’après Bromley [33].
Tableau 3. Ceux-ci appartiennent à de multiples classes
thérapeutiques (antibiotiques, antidépresseurs, anti-
histaminiques et décongestionnants, antinéoplasiques,
À part, le burning mouth syndrome (BMS), affection idiopa- antipsychotiques. . .) [32,33,36]. Certaines anomalies sont
thique caractérisée par une sensation de brûlure continue de la liées au goût du médicament, d’autres aux modifications de
muqueuse buccale, en particulier linguale [35]. Classiquement, la salive (anticholinergiques, chimiothérapie), aux altérations
le BMS s’accompagne de perturbations gustatives (quantitative des récepteurs (antiseptiques, diurétiques, anticalciques. . .) ou
ou qualitative) et d’une xérostomie subjective. Par définition, à la neurotransmission (antiparkinsoniens, benzodiazépines).
aucune modification macroscopique de la muqueuse buccale En règle, les altérations sont réversibles à l’arrêt du traitement.
n’est observée. Favorisé par le diabète et les carences vitami- À part, le zinc souvent prescrit dans les hypogueusies car
niques, le BMS survient le plus souvent, mais pas exclusivement, celui-ci est utile pour la gustine [37], métalloprotéine salivaire
chez des femmes péri- et post-ménopausées, dans un contexte facilitant le contact des ligands aux cellules gustatives et la
anxiodépressif. neurotransmission entre cellules gustatives et aires corticales.

5.2. Nombreux sont les médicaments qui peuvent 5.3. En pathologie, les mécanismes conduisant aux
également entraîner des troubles du goût altérations du goût sont variés

Nombreux sont les médicaments qui peuvent également En pathologie, les mécanismes conduisant aux altérations du
entraîner des troubles du goût comme mentionné dans le goût sont variés, nombreux, parfois intriqués et pas toujours bien
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connus [32,34,38]. Par exemple, il peut exister une mauvaise réceptrices), la peroxydation des cellules épithéliales (par dimi-
présentation de la substance sapide aux récepteurs du fait d’une nution des vitamines C et E), le goût amer des drogues et les
altération de la salive (hyposialie par syndrome de Gougerot- troubles psychothymiques en relation avec la gravité de la patho-
Sjögren ou par traitement atropinique. . . ou inversement, salive logie [44].
épaisse par candidose ou affection bactérienne), de troubles C’est la saveur amère qui est la plus souvent altérée par
dentaires, d’une mucite avec xérostomie suite à une radiothéra- les cancers ou leurs traitements [45,46] : les seuils de sen-
pie locorégionale, d’une glossite suite à une chimiothérapie. . . sibilité sont souvent diminués d’où une exacerbation de la
Il peut ensuite exister une altération des cellules gustatives sensation amère [41,47], mais ils peuvent aussi être augmen-
ou des mécanismes de transduction (glossite inflammatoire ou tés [48,49] s’associant alors à une hypogueusie plus ou moins
infectieuse, radiothérapie et antimitotiques conduisant à une sélective. Pour les autres saveurs, les altérations sont diverses,
diminution du nombre de récepteurs, diminution des protéines non stéréotypées, avec augmentation ou diminution des sen-
G dans la pseudoparathyroïdie, altération des canaux ENac par sations. À part, la présence d’un goût métallique dans la
l’amiloride, diminution de la libération intracellulaire du cal- bouche qui est une sensation fréquemment ressentie notam-
cium par les anticalciques. . .) ou de la transmission (altération ment lors de la consommation de viande rouge. Les anomalies
du codage par les antiparkinsoniens, les antisérotoninergiques, de la gustation au cours des cancers ne portent pas seule-
les benzodiazépines. . .). Une atteinte des voies nerveuses ment sur la nature ou l’intensité de la sensation. Elles peuvent
afférentes peut aussi expliquer certains troubles du goût rele- aussi induire des modifications des sensations hédoniques : pré-
vant alors de causes chirurgicales (carcinome oropharyngé, férence accrue pour les substances salées [50] ; dégout des
chirurgie dentaire, traumatisme de la face. . .) ou médicales protéines [51] ; appauvrissement de la sélection des aliments
(neuropathie post-grippale, paralysie faciale a frigore, her- contribuant à la diminution des apports [41,52] ; apparition
pès, porphyrie, lupus. . .). Une atteinte centrale peut également d’aversions (constatées chez 30 à 50 % des patients sous radio-
induire des troubles du goût (tumeur, accident vasculaire céré- ou chimiothérapie) [53–55]. Enfin, une anorexie, une satiété
bral ou hématome, sclérose en plaque, maladie de Parkinson ou précoce, des problèmes oraux et des nausées sont presque
d’Alzheimer. . .). Enfin, toute modification de la salive (compo- systématiquement associés aux altérations chimiosensorielles
sition ionique, pH, richesse en mucus et en protéines) entraînée [40,56,57].
par de nombreux facteurs tels que la rhinorrhée postérieure, les Au final, plusieurs études ont mis en évidence que les
infections et antiseptiques locaux, les tumeurs buccales, peut altérations du goût constatées au cours des cancers prédisent
altérer la gustation. À ces causes locales, il faut ajouter les la diminution des apports alimentaires conduisant à un défi-
causes générales dont les mécanismes sont plus ou moins bien cit protéino-énergétique, à la perte de poids et à l’altération
compris. C’est le cas des maladies endocriniennes, des insuf- de la qualité de vie des patients [41,43,58,59]. De ce fait,
fisances hépatocellulaire et rénale, des troubles nutritionnels il devient impératif de prendre en compte les phénotypes
et surtout des syndromes inflammatoires (avec augmentation chimiosensoriels dans le but d’ajuster les propriétés des ali-
du facteur de nécrose tumorale TNF␣, des interleukines, des ments à la nature des altérations du goût afin de répondre
oxydants, l’implication des médicaments anti-inflammatoires, au mieux aux besoins et aux recommandations diététiques
l’activation corticale du fait de la douleur, de l’anorexie. . .). [40,43].

5.4. Les troubles du goût en cancérologie méritent d’être


soulignés 6. Conclusion

Selon les auteurs, ces troubles touchent 15 à 100 % des Parmi les systèmes sensoriels, la gustation est l’un des
patients [39–41]. Ils sont surtout fréquents dans les cancers avan- plus élaborés. Elle permet la détection et l’identification des
cés (même sans traitement actif) mais peuvent parfois apparaître composés alimentaires à ingérer ou à éviter, ainsi que la
précocement et précéder les traitements [42]. Tous les types de genèse des sensations hédoniques. En cela, elle est aidée par
cancers peuvent donner des altérations gustatives mais les can- ses interactions avec les autres systèmes sensoriels. La gus-
cers de la sphère ORL, gastrodigestifs et pulmonaires sont au tation est également la première étape de la digestion, de
premier rang [43]. Les causes sont multifactorielles en relation l’absorption et du stockage des nutriments. Ainsi le goût n’est
avec un déficit en micronutriments (zinc, vitamine A, vitamine pas une simple sensation hédonique entrant dans la canonique
PP), les infections et la mauvaise hygiène buccale (infection, épicurienne de la gastronomie ; il est fondamental pour le
tabac, alcool), la bouche sèche, la salive collante, les mucites, comportement ingestif puisqu’il oriente les apports énergétiques
les lésions nerveuses et, du fait des traitements, les altérations des et le choix des macronutriments pour maintenir les fonctions
cellules réceptrices (diminution de leur nombre, modification de vitales.
leur structure, mauvais codage) [44]. Certains mécanismes sont L’amélioration des connaissances des mécanismes physiolo-
assez spécifiques des maladies néoplasiques notamment après giques complexes qui sous-tendent la gustation devrait permettre
chimiothérapie comme la destruction des pores des bourgeons de mieux comprendre les altérations du « goût » en pathologie.
du goût, la mauvaise reconnexion des synapses aux cellules Le but ultime est de tenter d’y remédier pour éviter la dénutrition
présynaptiques, la sensibilisation des neurones de la corde du des patients qui détériore leur état général et les affaiblit dans la
tympan (sans modification du seuil de détection des cellules lutte contre la maladie.
132 L. Brondel et al. / Nutrition clinique et métabolisme 27 (2013) 123–133

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