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Norois

L'évolution géomorphologique des dômes volcaniques


Annie Reffay

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Reffay Annie. L'évolution géomorphologique des dômes volcaniques. In: Norois, n°115, Juillet-Septembre 1982. pp. 403-412;

doi : https://doi.org/10.3406/noroi.1982.4052

https://www.persee.fr/doc/noroi_0029-182x_1982_num_115_1_4052

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Zusammenfassung
Wie die vulkanischen Kegel der Erosion standhalten, wird durch den langen Bestand sogar alter Berge
ans Licht gebracht. Solches rührt mehr von den ursprünglichen Urnrissen der Hänge und der
jerweiligen Gestaltungsart dieser Berge als von der Lithologie her. Die Erosion ist nämlich ein
langsamer Entwickelungsprozess, der mit der Zeit zur Abrasion, Zerstückelung, Aushöhhmg, zum
Einstürzen und Ebnen der vulkanischen Kegel führen kann. Dagegen werden die neuerstandenen
Ketten und die Inselbögen durch die häufigen Sprengausbrüche gewaltig verstellt beim Bergrutsch, bei
der Entstehung von Kratern und Staubschichten.

Résumé
La résistance des dômes volcaniques à l'érosion se traduit par la bonne conservation d'édifices même
anciens. Elle tient au profil originel des versants et aux modalités de mise en place de ces reliefs plus
qu'à la lithologie. L'érosion est un processus lent d'évolution qui, avec le temps, peut conduire au
décapage, au morcellement, à l'évidement et à l'arasement des dômes volcaniques. En revanche, les
éruptions explosives fréquentes que connaissent les chaînes récentes et les arcs insulaires les
défigurent activement, par éboulements, formation de cratères et pulvérisation.

Abstract
Volcanic domes are usually highly resistant to erosion and so produce conspicuous landforms, often of
considerable age. The explanation for this may lie more with convex slope profiles and location than
with rock structure and composition. A lenthy period of erosion can lead to the exfoliation, dissection,
scooping out and planation of domes. But in seis- mically active zones explosive activity in the form of
rock falls, cratering and crushing will alter them very quickly.
Norois, Poitiers, n° 115, juillet-septembre 1982

L'évolution géomorphologique

des dômes volcaniques

par Annie REFFAY


Professeur à l'Université de Limoges

Afin de compléter l'étude des dômes volcaniques (1), nous traiterons


des formes de relief complexes résultant de leur évolution
géomorphologique. Si l'érosion épargne largement ces édifices de roches acides aux
versants raides, en revanche, les éruptions postérieures à leur mise en
place s'emploient activement à les défigurer.

I. — LA RESISTANCE DES DOMES A L'EROSION

Les agents morphogéniques ont peu de prise sur les dômes volcaniques.
Ils n'en modifient guère la physionomie d'ensemble.

A) LONGUE CONSERVATION DES RELIEFS


Des édifices du Quaternaire ancien ont conservé leurs formes
structurales originelles. Tels sont dans l'Ankaratra malgache les « sucs » phono-
litiques, les « dômes en bouchon » trachytiques et les couples hérissées
de l'Antsofimbato et de l'Ambohimadinika qui tous dateraient d'environ
100 000 ans (2). Tels sont l'Ouï et l'Hamada, manifestations du volcanisme
villafranchien de l'Atakor (Hoggar) : leur profil en ogive associé à une
structure à prismes divergents suggère que la surface topographique
actuelle est proche de la surface structurale primitive correspondant à un
cylindre de protrusion (3).
Bien qu'attaqués plus avant par l'érosion, des dômes volcaniques
tertiaires, voire antérieurs, demeurent néanmoins aisément reconnaissables.
Madagascar en offre de nombreux exemples, mio-pliocènes dans
l'Ankaratra, oligocènes dans le nord de la grande île (4). En Antrim (Irlande du

(1) [16] et [17]. Les numéros entre crochets renvoient aux références bibliographiques
(2) [12] p. 243-288.
G. Mottet classe les dômes de type piton (correspondant à des cylindres de
protrusion) en trois catégories : aux « dômes en bouchon » caractérisés par leur sommet
plat, il oppose les dômes au sommet convexe, les « aiguilles », qu'il qualifie de « sucs »
si leur taille est réduite et si la hauteur l'emporte sur le diamètre et de « dômes en
aiguille large », bélonites ou plug-domes, s'il s'agit d'édifices plus vastes et moins élancés.
(3) [19] p. 256.
(4) [12] p. 243 ; [20] p. 250-251.
Mots-clés : Reliefs volcaniques. Dômes volcaniques. Reliefs dérivés. Géomorphologie
structurale.
'
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Nord) la coupole rhyolitique de Tardree Hill date du début de l'Eocène


(5) et en Allemagne, le bassin permo-carbonifère de Sarre-Nahe est dominé
par des dômes de lave datant de la fin du Primaire.
Mais, dans des roches aussi anciennes, la conservation des formes
originelles relève presque toujours d'une exhumation ou d'une révélation
relativement récentes. Maints dômes-coulées et coupoles, phonolitiques à
Madagascar, trachytiques dans l'Atakor, sont des crypto-dômes révélés
par l'érosion qui les a dégagés de leur toit, respectivement gneiss du socle
précambrien recouverts de basaltes mio-pliocènes et trapp fini-crétacé-
éocène (6). Les pitons de trachyphonolite proches du faîte de l'Ankaratra
méritent quant à eux l'appellation de dômes exhumés : il s'agit en effet
d'extrusions mio-pliocènes, fossilisées au Villafranchien inférieur par des
coulées d'ankaratrites, lesquelles ont été démantelées par l'érosion
quaternaire (7). Une exhumation récente a permis à de tout petits édifices de
défier le temps : ainsi le volcan d'Albuquerque (Nouveau-Mexique), mis à
jour grâce à la dissection du pediment d'Ortiz (8). A Tardree Hill, le
dégagement de la coupole rhyolitique fossilisée par les basaltes dits «
Supérieurs » serait beaucoup plus ancien : il pourrait avoir débuté à
l'Oligocène, si tel est bien l'âge de la surface d'aplanissement dont le dôme
constitue un des reliefs résiduels (9). Une exhumation ou une révélation d'âge
quaternaire sont certes moins significatives de la résistance d'un dôme
volcanique, encore qu'elles témoignent toujours de la bonne tenue de ces
accumulations de lave par rapport aux terrains encaissants.

B) FACTEURS DE CONSERVATION DES DOMES VOLCANIQUES


Les facteurs de conservation des dômes volcaniques sont d'ordre
structural et topographique.

1) Résistance du matériel rocheux


Tous les dômes volcaniques sont constitués de lave solidifiée, c'est-à-
dire de roche cohérente. Avant d'être mobilisé par les agents morphogé-
niques, ce matériel a dû subir une phase de préparation susceptible de
l'ameublir. Aussi, les dômes ont-ils tendance à se mieux conserver que
les cônes, autres reliefs volcaniques élémentaires, constitués tout ou
partie par des pyroclastites de retombée meubles.
Il reste que maint dôme volcanique apparaît dès sa mise en place revêtu
de débris meubles. Ces derniers peuvent provenir de la fragmentation sur
place d'une carapace externe tôt consolidée, sous l'effet de la poussée
interne du magma. Ils peuvent résulter aussi de l'écroulement d'aiguilles
et d'ailerons et constituent alors un tablier basai de « brèches
d'écroulement » (10). Par ailleurs, tout un réseau de diaclases est associé aux dômes

(5) [13] p. 28-29.


(6) [12] p. 251-253 ; [19] p. 261.
(7) [12] p. 260.
(8) [6] p. 165.
(9) [15] p. 365.
(10) Traduction de l'expression britannique « crumble breccia ». Le terme de brèche
est impropre puisqu'il désigne en l'occurence une formation meuble que le temps certes
peut cimenter, mais lentement.
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volcaniques. Ebauché par la montée différentielle de la lave (diaclases


d'écoulement), il est complété par la contraction qui accompagne sa
consolidation (diaclases de refroidissement) (11). De ce fait, les reliefs sont
sensibles à la gélifraction. Mais les éclats produits ne font que s'ajouter à
la couverture initiale de débris. De gros calibre comme ces derniers, ils
sont difficilement mobilisables par les agents morphogéniques.
Bien que facilitant la pénétration de l'eau dans la masse de la roche,
les diaclases ne sauraient notablement favoriser la désagrégation
granulaire et la décomposition chimique, la composition et la structure de
la lave s'y opposant. Il ne convient pas de surestimer la signification de
la richesse en silice, caractéristique des roches volcaniques acides qui
constituent les dômes. Certes, on peut remarquer que la pédogénèse et
l'altération y progressent moins vite que sur les basaltes (12). Mais pho-
nolites, andésites et trachytes renferment moins de quartz et de silice
totale que les granites, ce qui n'empêche pas ces derniers d'être évidés
à leur contact. C'est plutôt la structure qui, par rapport aux roches
cristallines entièrement constituées de phénocristaux, apparaît comme étant le
facteur de résistance déterminant des roches volcaniques. La prépondérance
de verre et de microcristaux étroitement imbriqués les uns dans les
autres est garante d'un volume réduit de vides intersticiels susceptibles
d'assurer l'imbibition du matériel rocheux.
Cette faible porosité entrave la progression de la désagrégation
granulaire et de la décomposition chimique à partir des plans de diaclases et
de la surface topographique. Des millénaires sont nécessaires pour que des
modelés d'altération se développent aux endroits privilégiés où stagne
l'humidité : telles sont les cannelures qui affectent les versants raides des
dômes de l'Itasy malgache ou les abris sous roche des pitons de l'Atakor
(13).

2) Immunité topographique
L'altération superficielle est également désarmée car l'eau ne stagne pas
sur les dômes, caractérisés par la raideur de leurs versants. En revanche,
on pourrait penser que ces fortes déclivités confèrent aux eaux de
ruissellement une grande puissance érosive, la vitesse de l'écoulement réduisant
l'évaporation et augmentant les débits. Pourtant, les flancs rocheux des
dômes sont exceptionnellement ravinés de barrancos, à la différence de
ceux des cônes de lave. C'est que la convexité des versants paralyse
l'érosion linéaire. L'eau qui ruisselle sur une pente convexe adhère peu à la
surface topographique, du fait même que, tendant à conserver sa
trajectoire d'amont, elle prend littéralement la tangente par rapport à une
déclivité qui augmente vers l'aval. En vertu du même principe, l'eau tend
à creuser une pente concave dont l'angle diminue vers le bas (14). Aussi

(11) [24] p. 196 ; [5] p. 192.


(12) [12] p. 256.
(13) [12] p. 628-629 ; [19] p. 265.
(14) Les ouvrages et articles sur le modelé des versants ne traitent que de la
convexité et de la concavité acquises, mais demeurent muets sur l'évolution morphogénique de
pentes initialement convexes ou concaves. Les seuls propos sur l'immunité de versants
initialement convexes par rapport à l'incision linéaire des eaux de ruissellement, nous
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les versants convexes des dômes volcaniques sont-ils pratiquement dotés


d'immunité vis-à-vis du ruissellement élémentaire.
Les dômes volcaniques sont par ailleurs rarement entaillés par les
vallées de rivières allogènes. Comme l'a remarqué G. Mottet, les modalités
de leur mise en place les soustraient au phénomène d'antécédence. Leur
croissance, trop rapide, ne saurait marcher de pair avec l'incision linéaire
d'un cours d'eau préexistant. Surtout ce dernier, victime de la
vaporisation au contact de la lave chaude, s'interrompt à l'endroit du dôme.
Lorsque, le refroidissement étant suffisamment avancé, le drainage se
rétablit, c'est au prix d'un changement de tracé de la rivière qui contourne
l'obstacle créé par l'édifice volcanique le long de son ancien tracé (15).

II. — LES REMANIEMENTS DES DOMES PAR LES AGENTS MOR-


PHOGENIQUES

L'existence de dômes décapés, disséqués, évidés, voire arasés laisse


supposer que leur résistance vis-à-vis de l'érosion a ses limites. Il se trouve en
effet des agents morphogéniques dotés d'une compétence suffisante pour
déblayer le manteau de blocs qui les recouvre si fréquemment. Et la roche
cohérente qui les constitue peut être dotée d'une porosité originelle ou
acquise donnant prise, avec le temps, à une altération productrice de
débris meubles de petit calibre, aisément mobilisables.

A) EFFICACITE CERTAINE DES ACTIONS MARINES ET GLACIAIRES


Des agents de transport ont la compétence voulue pour faire œuvre
d'ablation, en prenant en charge les débris grossiers qui recouvrent les
dômes et en délogeant des volumes rocheux disjoints par les diaclases.

1) Le démantèlement des dômes insulaires


II a été possible d'estimer l'efficacité de l'attaque marine sur les dômes
insulaires des îles Bogoslov (Aléoutiennes). En un siècle et demi,
le dôme hérissé du Vieux Bogoslov, mis en place en 1796, s'est
transformé en un chicot rocheux entaillé par des falaises. Il a été relié
au dôme du Nouveau Bogoslov, apparu en 1883, par des flèches de sable
et de galets. Le matériel de ces accumulations provient vraisemblablement
de la destruction par la mer du tablier basai de « brèche ». Dans ces
formations meubles, les actions mécaniques progressent de façon
foudroyante. Un an aurait suffi pour qu'un dôme du même archipel, mis en
place en 1926, s'entoure d'un anneau de plages faites de sable et de blocs
(16).

les avons trouvés dans la thèse de H. Nonn. « Les régions côtières de la Galice
(Espagne) : étude géomorphologique » (Publications de la Faculté des Lettres de Strasbourg,
Fondation Baulig, tome III, 591 p., 27 tabl., 81 fig., 16 pi. H.T., 26 pi. phot.). L'auteur
écrit à propos du Saut du Jallas dans le massif granitique du Pindo : « Nous nous
permettrons d'insister aussi sur le rôle probable des dalles courbes favorisant la glissade
de eaux et inhibant l'érosion régressive ».
(15) [12] p. 251.
(16) [6] p. 286-287.
ÉVOLUTION GÉOMORPHOLOGIQUE DES DOMES VOLCANIQUES 407

Une fois que la roche en place du cœur du dôme apparaît, les vagues
exploitent les diaclases pour déloger des blocs. Ainsi s'élaborent des
criques étroites et profondes que l'on pourrait qualifier de « calas », (17),
puis des couloirs qui morcellent les édifices volcaniques en un ensemble
de chicots rappelant les tors granitiques. Tels sont les paysages décrits
au Mont Thabor d'Ischia et dont l'élaboration pourrait être imputée à un
haut niveau marin (18).

2) L'arrachement glaciaire
On conçoit qu'après la mer, les glaciers, dont la compétence est
illimitée, soient les agents mcrphogéniques les plus capables de démanteler
un dôme volcanique. Ils peuvent aisément prendre en charge les blocs de
gros calibre qui, par suite de l'éruption génératrice et de la gélifraction,
jonchent sommets et versants. Ils peuvent, par arrachement déloger les
compartiments de roche en place délimités par les diaclases. Ainsi, des
dômes de phonolite situés au nord du Cantal, de grandes dalles ont été
arrachées. Elles ont formé des traînées de blocs, allongées sur plusieurs
kilomètres dans le sens d'écoulement des glaces, qui parfois ont franchi
les vallées. Elles constituent de précieux jalons pour retracer le
déplacement et l'extension de la calotte cantalienne (19).
En Velay oriental (Haute-Loire), les blocs de phonolite provenant des
« sucs », reconnus comme étant des dômes volcaniques plutôt que des
culots, entrent largement dans la composition des accumulations
abandonnées par les glaciers couverts et les glaciers rocheux (20). Dans l'Atakor,
qui, au cours du Pleistocene, a été soumis à des périodes de froid brèves
mais suffisamment humides pour permettre un englacement local, les
bourrelets morainiques et les glaciers rocheux sont particulièrement
nombreux et fournis dans la région affectée par le volcanisme acide villa-
franchien (21).

B) EFFETS LENTS ET LIMITES DES EAUX CONTINENTALES


Des dômes situés loin des rivages et non englacés ont été eux aussi
dépouillés de leur manteau de débris meubles, voire disséqués, évidés
et aplanis. C'est donc aux eaux courantes qu'il faut imputer leur érosion.
Notons qu'il s'agit toujours d'intrusions anciennes : le facteur temps
intervient donc pour expliquer leur degré avancé d'évolution. Mais, pour
être efficaces, cours d'eau et ruissellement élémentaire ont dû aussi
bénéficier de conditions topographiques et lithologiques particulières.

(17) Le terme espagnol de « cala » est utilisé sur la Costa Brava et aux îles Baléares
pour désigner des échancrures profondes et étroites d'une côte élevée en roches
cristallines ou calcaires, avec le même sens descriptif que le français « calanque ». L'origine de
ces baies peut être variée. Le vocabulaire géomorphologique les concernant mériterait en
conséquence d'être précisé. J. Nicod (« Pays et paysages du calcaire » P.U.F., Sup., 1972,
p. 131-132) qualifie de « véritables » et de « classiques » les seules calanques-rias qui
sont des canyons karstiques submergés. M. Derruau (information orale) propose de
réserver l'appellation de « cala » aux criques résultant de l'exploitation par la mer de
diaclases ou de bandes de broyage, quel que soit le matériel rocheux.
(18) [18] p. 199 et 210.
(19) [22] ; [23] p. 206-212.
(20) [3] ; [23] p. 471-479.
(21) [19] p. 250-255.
408 ANNIE REFFAY

1) De quelques possibilités offertes à l'incision linéaire


Si le creusement de gorges antécédentes est incompatible avec la mise en
place des dômes, en revanche la surimposition leur permet d'être érodés
par des cours d'eau allogènes. Ainsi dans l'Ankaratra, le « tholoïde 1777m »,
crypto-dôme révélé, est traversé en méandres encaissés par la rivière An-
dranomiady et le Tsiafakofely, dôme-coulée exhumé des ankaratrites, est
entaillé par une vallée sur son flanc nord-est. Dans l'Atakor, P. Rognon
mentionne un crypto-dôme disséqué par le réseau de l'Oued Iferdjane
surimposé sur les traps eocenes (22).
En ce qui concerne le ruissellement élémentaire, un cratère, quelles que
soient son origine et sa situation (sur le sommet ou sur les flancs d'un
dôme), favorise la concentration du drainage et introduit les pentes
concaves, vulnérables à l'érosion linéaire. On peut penser que de telles
dépressions structurales sont à l'origine des bassins de réception qui
entaillent « de tous côtés » les dômes-coulées les plus anciens de l'Ankaratra (23).

2) L'altération préalable
Ces derniers édifices se caractérisent également par une profonde
altération. Les arènes provenant des phonolites ou des trachytes se révèlent
aisément mobilisables par le ruissellement, comme l'attestent les petits
cônes de déjection frangeant les dômes au débouché des bassins de
réception. Dans l'Atakor, P. Rognon a signalé de multiples exemples de dômes,
soit évidés (Tajerjiste, Imadouzène), soit dépouillés de leur enveloppe
externe (Takroumt, Teferit ouam Aharoua), soit arasés (bassin du haut
Oued In Daledj). Il a pu remarquer que la roche correspondant aux
dépressions internes ou aux glacis d'érosion qui entament ou recoupent ces
édifices était très altérée (24).
Cette altération relève de deux facteurs. L'un tient à la porosité
originelle de la roche, inhérente à sa structure : le faible pourcentage de verre,
la présence de gros amas de minéraux ferro-magnésiens repérés dans
les trachytes de l'Imadouzène et du Takroumt sont responsables de
l'importance du volume des vides intersticiels. L'autre facteur d'altérabilité du
matériel des dômes volcaniques relève d'une dévitrification sous l'action de
fumeroles. Selon P. Rognon, ce phénomène serait largement responsable
de la fragilité des trachytes qui constituent le cœur de l'Imadouzène.
Appliquée à un édifice récent, l'altération relevant d'une porosité
originelle ou acquise a des effets géomorphologiques fort limités. Au Tarumaï
(Hokkaïdo) où l'activité fumerollienne est intense, le tholoïde hérissé de
1909 a conservé une grande fraîcheur de formes (25). Au Puy de Dôme, la
porosité du trachyte (26) qui expose la roche à la microgélifraction est
vraisemblablement responsable de la présence, au sommet de la
montagne, d'un sol suffisamment épais (80 cm) pour être sujet à un colluvion-
nement actif. L'attestent les tuiles romaines qu'il renferme, lesquelles

(22) [12] p. 251-253 et 258-260 ; [19] p. 261.


(23) [12] p. 243-249.
(24) [19] p. 261-265 ; voir figures 80 et 82.
i25) [4] p. 43-47.
(26) [11] ; [5] p. 190 ; [2] p. 68-69 .
ÉVOLUTION GÉOMORPHOLOGIQUE DES DÔMES VOLCANIQUES 409

recouvraient le temple de Toutatis et dont certaines sont descendues d'une


centaine de mètres en moins de deux millénaires (27). Mais ce dynamisme
de versant n'a pas sensiblement modifié depuis 8300 ans la silhouette du
célèbre volcan.
Un dôme constitue souvent un édifice potentiellement fragile, parce
qu'il est diaclasé à l'échelle métrique et poreux à l'échelle du centième de
millimètre. Mais ces aptitudes à l'altération météorique sont rarement
exploitées, faute d'une situation et d'une topographie adéquates permettant
aux agents morphogéniques de transport d'exercer leur action d'ablation.

III. — LES TRANSFORMATIONS DES DOMES PAR LES ERUPTIONS

L'érosion est un processus relativement lent d'évolution pour les dômes


volcaniques. Continentale, elle agit à l'échelle du million d'années. Marine,
elle peut être efficace à l'échelle du mois. Mais quelques heures, et,
parfois, quelques minutes suffisent à une éruption pour détruire ces édifices
de lave visqueuse ou pour en modifier profondément la physionomie.
Nous avons déjà mentionné le rôle partiellement destructeur joué par
l'éruption génératrice : écroulement d'aiguilles, d'ailerons, de fronts de
coulées par avalanches ardentes ; apparition de cratères de retrait,
d'effondrement, d'explosion (28). Les mêmes dynamismes interviennent lors
des éruptions ultérieures, avec une efficacité souvent plus grande, car ils
ne sont plus contrecarrés par la montée du magma visqueux qui tendait
à en oblitérer les effets.

A) TYPES D'ERUPTIONS POSTERIEURES A LA MONTEE DES DOMES


VOLCANIQUES
Les dômes volcaniques postérieurement à leur mise en place peuvent
être affectés par des éruptions péléennes et vulcano-péléennes semblables
à celles qui leur ont donné naissance. Les trois manifestations essentielles
en sont : de violentes explosions accompagnées d'émission de cendres et
de gaz sous forme d'un panache de fumée à grand développement vertical ;
des nuées ardentes descendantes, retombantes ou débordantes
transportant au gré de leur dynamisme des pyroclastites homométriques ou hété-
rométriques ; la montée de dômes de lave visqueuse qui n'est pas
toujours un signe de fin d'éruption. Sont exposées à cette activité magmatique
répétée les régions où s'affrontent les plaques lithosphériques, chaînes
récentes et arcs insulaires.
Mais les dômes indonésiens, japonais, centre et sud-américains, ainsi
que les dômes des plateformes sont menacés par d'autres types
d'éruptions : des éruptions phréatiques, comme en connaissent périodiquement
la Soufrière de la Guadeloupe ou le Lassen Peak (Californie) ; des
éruptions stromboliennes avec émission de lapillis basaltiques, telles qu'elles
se sont produites au Taravvera (Nouvelle-Zélande) en 1886 et au Cross Hill
(île de l'Ascension) ; des éruptions hawaïennes ou ultra-hawaïennes
fossilisant le relief pré-existant sous des coulées et nappes basaltiques, comme

(27) Information orale obligeamment communiquée par M. Derruau que nous


remercions bien vivement.
(28) [16] et [17].
5
410 ANNIE REFFAY

en Ankaratra, en Antrim ou en Arménie (29). Mais ce dernier type, effusif,


d'activité volcanique contribue plutôt à la conservation des dômes, alors
que tous les autres, explosifs, modifient leur physionomie et vont jusqu'à
les détruire.

B) TYPES DE TRANSFORMATIONS SUBIES PAR LES DOMES VOLCANIQUES


La montée de nouveaux dômes à travers d'autres plus anciens n'a point
non plus d'effet destructeur. Les exemples connus au Maroparasy dans
l'Ankaratra et au Lassen Peak en Californie montrent que les édifices
de la seconde génération sont des pitons de petite taille, créateurs de
simples bourgeonnements sur des coulées pré-existantes (30).
Les éruptions explosives sont généralement précédées et accompagnées
de séismes, lesquels ébranlent les dômes préalablement mis en place et
déclenchent des éboulements aux dépens de leurs excroissances ou de
leur matériel diaclasé. On peut qualifier ces phénomènes d'avalanches
ardentes, puisqu'ils accompagnent l'activité volcanique. Dans les régions
humides, ces éboulements peuvent aisément se transformer en lahars
chauds. Ainsi, la dernière phase d'activité de la Soufrière de la
Guadeloupe en 1976 s'est accompagnée, sur le versant oriental de la montagne
de coulées de gros blocs. Il semble qu'une dynamique semblable a eu
raison du Tateiwa, soit de l'aiguille qui accidentait le flanc nord-est du O Usu
(Hokkaido), et alimenté les lahars qui ont dévasté ce même versant lors
de l'éruption de 1977 (31).
Qu'elles soient phréatiques ou magmatiques, les éruptions explosives,
à condition d'être de puissance modérée, ont pour effet de créer et
d'entretenir des cratères. Ces derniers revêtent des formes variées.
Circulaires étaient ceux qui échancraient les sommets du Lassen Peak et du
Ko Usu avant leurs dernières éruptions, 1914-1917 et 1977 respectivement
(32). Allongés, parce que calqués sur des fractures sont ceux que l'on peut
toujours observer à la Soufrière de la Guadeloupe et au Tarawera.
Si les explosions ont une puissance suffisante et si elles se répètent,
elles aboutissent à la destruction des dômes. Les nuées ardentes de 1929
qui ont accompagné la mise en place du tholoïde sommital actuel de la
Montagne Pelée ont entraîné la destruction presque totale de celui de
1902, dont il ne reste plus qu'un informe chicot (33). Les grands volcans
andésitiques, remarquables par la régularité de leur forme conique, tels
le Mont Egmont de Nouvelle-Zélande et maint appareil indonésien,
seraient autant constitués par des pyroclasties de retombée que par les
débris de tholoïdes successifs, mis en place dans leurs cratères centraux
ou adventifs (34). Des archipels, tels Santorin et les îles Bogoslov, voient

(29) [1] p. 97-98, 247-248 ; [6] p. 162 ; [10] p. 114 ; [21] p. 26-27.
(30) [12] p. 247-249 ; [6] p. 166, 177 ; [9] 61 A ; [24] p 192.
(31) [25] photographies.
(32) [10] p. 114.
(33) [7] p. 192 ; [6] p. 171.
A la suite de C.A. Cotton, G.A. Macdonald, C. Oilier, nous réservons
l'appellation de « tholoïdes » aux dômes mis en place dans un cratère.
(34) [6] p. 158, 169-170, 178 ; [14] p. 25 ; [18] p. 66 ; [1] p. 92-93.
ÉVOLUTION GÉOMORPHOLOGIQUE DES DÔMES VOLCANIQUES 411

sans cesse leur configuration changer, parce que la montée puis


l'explosion de dômes au cours d'éruptions successives entraînent des variations
fréquentes dans le nombre et la physionomie de leurs îlots (35).

CONCLUSION

L'évolution géomorphologique des dômes volcaniques dépend de leur


appartenance aux grands domaines morpho-structuraux.
Les plus éphémères sont les dômes des arcs insulaires faiblement
émergés, exposés à la fois à l'abrasion marine et aux éruptions explosives,
phréatiques et magmatiques. Ce sont aussi les tholoïdes des grands cônes
andésitiques à activité quasi-permanente, que leur situation dans un
cratère condamne inexorablement.
Les plus durables sont les dômes des régions de plateformes. Au centre
des cratons, les éruptions présentent une fréquence moins grande qu'en
bordure de plaque ; le volcanisme acide, extrusif et explosif, n'est que
l'épiphénomène d'une activité essentiellement effusive et basaltique, se
prêtant à la mise sous scellés des dômes. Ces derniers, qu'ils soient
originels, révélés ou exhumés, n'ont à redouter que la lente et difficile attaque
de l'érosion continentale.
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(35) [6] p. 286-287.


412 ANNIE REFFAY

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RÉSUMÉ
La résistance des dômes volcaniques à "érosion se traduit par la bonne
conservation d'édifices même anciens. Elle tient au profil originel des
versants et aux modalités de mise en place de ces reliefs plus qu'à la
lithologie. L'érosion est un processus lent d'évolution qui, avec le temps,
peut conduire au décapage, au morcellement, à l'évidement et à l'arasement
des dômes volcaniques. En revanche, les éruptions explosives fréquentes
que connaissent les chaînes récentes et les arcs insulaires les défigurent
activement, par éboulements, formation de cratères et pulvérisation.

SUMMARY
Volcanic domes are usually highly resistant to erosion and so produce
conspicuous landforms, often of considerable age. The explanation for this
may lie more with convex slope profiles and location than with rock
structure and composition. A lenthy period of erosion can lead to the
exfoliation, dissection, scooping out and planation of domes. But in seis-
mically active zones explosive activity in the form of rock falls, cratering
and crushing will alter them very quickly.

ZUSAMMEMFASSUNG
Wie die vulkanischen Kegel der Erosion standhdlten, wird durch den
langen Bestand sogar alter Berge ans Licht gebracht. Solches rilhrt mehr
von den ursprunglichen Urnrissen der H'dnge und der jerweiligen Gestal-
tungsart dieser Berge als von der Lithologie her. Die Erosion ist n'dmlich
ein langsamer Entwickelungsprozess, der mit der Zeit zur Abrasion, Zers-
tiickelung, Aushdhhmg, zum Einstiirzen und Ebnen der vulkanischen Kegel
fiihren kann. Dagegen werden die neuerstandenen Ketten und die Insel-
bogen durch die hdufigen Sprengausbriiche gewaltig verstellt beim Ber-
grutsch, bei der Entstehung von Kratern und Staubschichten.

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