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Reffay Annie. L'évolution géomorphologique des dômes volcaniques. In: Norois, n°115, Juillet-Septembre 1982. pp. 403-412;
doi : https://doi.org/10.3406/noroi.1982.4052
https://www.persee.fr/doc/noroi_0029-182x_1982_num_115_1_4052
Résumé
La résistance des dômes volcaniques à l'érosion se traduit par la bonne conservation d'édifices même
anciens. Elle tient au profil originel des versants et aux modalités de mise en place de ces reliefs plus
qu'à la lithologie. L'érosion est un processus lent d'évolution qui, avec le temps, peut conduire au
décapage, au morcellement, à l'évidement et à l'arasement des dômes volcaniques. En revanche, les
éruptions explosives fréquentes que connaissent les chaînes récentes et les arcs insulaires les
défigurent activement, par éboulements, formation de cratères et pulvérisation.
Abstract
Volcanic domes are usually highly resistant to erosion and so produce conspicuous landforms, often of
considerable age. The explanation for this may lie more with convex slope profiles and location than
with rock structure and composition. A lenthy period of erosion can lead to the exfoliation, dissection,
scooping out and planation of domes. But in seis- mically active zones explosive activity in the form of
rock falls, cratering and crushing will alter them very quickly.
Norois, Poitiers, n° 115, juillet-septembre 1982
L'évolution géomorphologique
Les agents morphogéniques ont peu de prise sur les dômes volcaniques.
Ils n'en modifient guère la physionomie d'ensemble.
(1) [16] et [17]. Les numéros entre crochets renvoient aux références bibliographiques
(2) [12] p. 243-288.
G. Mottet classe les dômes de type piton (correspondant à des cylindres de
protrusion) en trois catégories : aux « dômes en bouchon » caractérisés par leur sommet
plat, il oppose les dômes au sommet convexe, les « aiguilles », qu'il qualifie de « sucs »
si leur taille est réduite et si la hauteur l'emporte sur le diamètre et de « dômes en
aiguille large », bélonites ou plug-domes, s'il s'agit d'édifices plus vastes et moins élancés.
(3) [19] p. 256.
(4) [12] p. 243 ; [20] p. 250-251.
Mots-clés : Reliefs volcaniques. Dômes volcaniques. Reliefs dérivés. Géomorphologie
structurale.
'
404 ANNIE REFFAY
2) Immunité topographique
L'altération superficielle est également désarmée car l'eau ne stagne pas
sur les dômes, caractérisés par la raideur de leurs versants. En revanche,
on pourrait penser que ces fortes déclivités confèrent aux eaux de
ruissellement une grande puissance érosive, la vitesse de l'écoulement réduisant
l'évaporation et augmentant les débits. Pourtant, les flancs rocheux des
dômes sont exceptionnellement ravinés de barrancos, à la différence de
ceux des cônes de lave. C'est que la convexité des versants paralyse
l'érosion linéaire. L'eau qui ruisselle sur une pente convexe adhère peu à la
surface topographique, du fait même que, tendant à conserver sa
trajectoire d'amont, elle prend littéralement la tangente par rapport à une
déclivité qui augmente vers l'aval. En vertu du même principe, l'eau tend
à creuser une pente concave dont l'angle diminue vers le bas (14). Aussi
les avons trouvés dans la thèse de H. Nonn. « Les régions côtières de la Galice
(Espagne) : étude géomorphologique » (Publications de la Faculté des Lettres de Strasbourg,
Fondation Baulig, tome III, 591 p., 27 tabl., 81 fig., 16 pi. H.T., 26 pi. phot.). L'auteur
écrit à propos du Saut du Jallas dans le massif granitique du Pindo : « Nous nous
permettrons d'insister aussi sur le rôle probable des dalles courbes favorisant la glissade
de eaux et inhibant l'érosion régressive ».
(15) [12] p. 251.
(16) [6] p. 286-287.
ÉVOLUTION GÉOMORPHOLOGIQUE DES DOMES VOLCANIQUES 407
Une fois que la roche en place du cœur du dôme apparaît, les vagues
exploitent les diaclases pour déloger des blocs. Ainsi s'élaborent des
criques étroites et profondes que l'on pourrait qualifier de « calas », (17),
puis des couloirs qui morcellent les édifices volcaniques en un ensemble
de chicots rappelant les tors granitiques. Tels sont les paysages décrits
au Mont Thabor d'Ischia et dont l'élaboration pourrait être imputée à un
haut niveau marin (18).
2) L'arrachement glaciaire
On conçoit qu'après la mer, les glaciers, dont la compétence est
illimitée, soient les agents mcrphogéniques les plus capables de démanteler
un dôme volcanique. Ils peuvent aisément prendre en charge les blocs de
gros calibre qui, par suite de l'éruption génératrice et de la gélifraction,
jonchent sommets et versants. Ils peuvent, par arrachement déloger les
compartiments de roche en place délimités par les diaclases. Ainsi, des
dômes de phonolite situés au nord du Cantal, de grandes dalles ont été
arrachées. Elles ont formé des traînées de blocs, allongées sur plusieurs
kilomètres dans le sens d'écoulement des glaces, qui parfois ont franchi
les vallées. Elles constituent de précieux jalons pour retracer le
déplacement et l'extension de la calotte cantalienne (19).
En Velay oriental (Haute-Loire), les blocs de phonolite provenant des
« sucs », reconnus comme étant des dômes volcaniques plutôt que des
culots, entrent largement dans la composition des accumulations
abandonnées par les glaciers couverts et les glaciers rocheux (20). Dans l'Atakor,
qui, au cours du Pleistocene, a été soumis à des périodes de froid brèves
mais suffisamment humides pour permettre un englacement local, les
bourrelets morainiques et les glaciers rocheux sont particulièrement
nombreux et fournis dans la région affectée par le volcanisme acide villa-
franchien (21).
(17) Le terme espagnol de « cala » est utilisé sur la Costa Brava et aux îles Baléares
pour désigner des échancrures profondes et étroites d'une côte élevée en roches
cristallines ou calcaires, avec le même sens descriptif que le français « calanque ». L'origine de
ces baies peut être variée. Le vocabulaire géomorphologique les concernant mériterait en
conséquence d'être précisé. J. Nicod (« Pays et paysages du calcaire » P.U.F., Sup., 1972,
p. 131-132) qualifie de « véritables » et de « classiques » les seules calanques-rias qui
sont des canyons karstiques submergés. M. Derruau (information orale) propose de
réserver l'appellation de « cala » aux criques résultant de l'exploitation par la mer de
diaclases ou de bandes de broyage, quel que soit le matériel rocheux.
(18) [18] p. 199 et 210.
(19) [22] ; [23] p. 206-212.
(20) [3] ; [23] p. 471-479.
(21) [19] p. 250-255.
408 ANNIE REFFAY
2) L'altération préalable
Ces derniers édifices se caractérisent également par une profonde
altération. Les arènes provenant des phonolites ou des trachytes se révèlent
aisément mobilisables par le ruissellement, comme l'attestent les petits
cônes de déjection frangeant les dômes au débouché des bassins de
réception. Dans l'Atakor, P. Rognon a signalé de multiples exemples de dômes,
soit évidés (Tajerjiste, Imadouzène), soit dépouillés de leur enveloppe
externe (Takroumt, Teferit ouam Aharoua), soit arasés (bassin du haut
Oued In Daledj). Il a pu remarquer que la roche correspondant aux
dépressions internes ou aux glacis d'érosion qui entament ou recoupent ces
édifices était très altérée (24).
Cette altération relève de deux facteurs. L'un tient à la porosité
originelle de la roche, inhérente à sa structure : le faible pourcentage de verre,
la présence de gros amas de minéraux ferro-magnésiens repérés dans
les trachytes de l'Imadouzène et du Takroumt sont responsables de
l'importance du volume des vides intersticiels. L'autre facteur d'altérabilité du
matériel des dômes volcaniques relève d'une dévitrification sous l'action de
fumeroles. Selon P. Rognon, ce phénomène serait largement responsable
de la fragilité des trachytes qui constituent le cœur de l'Imadouzène.
Appliquée à un édifice récent, l'altération relevant d'une porosité
originelle ou acquise a des effets géomorphologiques fort limités. Au Tarumaï
(Hokkaïdo) où l'activité fumerollienne est intense, le tholoïde hérissé de
1909 a conservé une grande fraîcheur de formes (25). Au Puy de Dôme, la
porosité du trachyte (26) qui expose la roche à la microgélifraction est
vraisemblablement responsable de la présence, au sommet de la
montagne, d'un sol suffisamment épais (80 cm) pour être sujet à un colluvion-
nement actif. L'attestent les tuiles romaines qu'il renferme, lesquelles
(29) [1] p. 97-98, 247-248 ; [6] p. 162 ; [10] p. 114 ; [21] p. 26-27.
(30) [12] p. 247-249 ; [6] p. 166, 177 ; [9] 61 A ; [24] p 192.
(31) [25] photographies.
(32) [10] p. 114.
(33) [7] p. 192 ; [6] p. 171.
A la suite de C.A. Cotton, G.A. Macdonald, C. Oilier, nous réservons
l'appellation de « tholoïdes » aux dômes mis en place dans un cratère.
(34) [6] p. 158, 169-170, 178 ; [14] p. 25 ; [18] p. 66 ; [1] p. 92-93.
ÉVOLUTION GÉOMORPHOLOGIQUE DES DÔMES VOLCANIQUES 411
CONCLUSION
RÉSUMÉ
La résistance des dômes volcaniques à "érosion se traduit par la bonne
conservation d'édifices même anciens. Elle tient au profil originel des
versants et aux modalités de mise en place de ces reliefs plus qu'à la
lithologie. L'érosion est un processus lent d'évolution qui, avec le temps,
peut conduire au décapage, au morcellement, à l'évidement et à l'arasement
des dômes volcaniques. En revanche, les éruptions explosives fréquentes
que connaissent les chaînes récentes et les arcs insulaires les défigurent
activement, par éboulements, formation de cratères et pulvérisation.
SUMMARY
Volcanic domes are usually highly resistant to erosion and so produce
conspicuous landforms, often of considerable age. The explanation for this
may lie more with convex slope profiles and location than with rock
structure and composition. A lenthy period of erosion can lead to the
exfoliation, dissection, scooping out and planation of domes. But in seis-
mically active zones explosive activity in the form of rock falls, cratering
and crushing will alter them very quickly.
ZUSAMMEMFASSUNG
Wie die vulkanischen Kegel der Erosion standhdlten, wird durch den
langen Bestand sogar alter Berge ans Licht gebracht. Solches rilhrt mehr
von den ursprunglichen Urnrissen der H'dnge und der jerweiligen Gestal-
tungsart dieser Berge als von der Lithologie her. Die Erosion ist n'dmlich
ein langsamer Entwickelungsprozess, der mit der Zeit zur Abrasion, Zers-
tiickelung, Aushdhhmg, zum Einstiirzen und Ebnen der vulkanischen Kegel
fiihren kann. Dagegen werden die neuerstandenen Ketten und die Insel-
bogen durch die hdufigen Sprengausbriiche gewaltig verstellt beim Ber-
grutsch, bei der Entstehung von Kratern und Staubschichten.