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croupion-20230315
La Tunisie retrouve un Parlement croupion
L’ARP, version IIIe République, a donc interdit, lundi, l’accès à la plénière aux
journalistes locaux et internationaux. Seules une télévision et l’agence de presse
publiques ont pu retrouver le magnifique palais beylical du Bardo. Les médias ont
protesté devant les barrières des policiers. Vice-présidente du syndicat des
journalistes, Amira Mohamed, a dénoncé un « scandale » : « Aujourd’hui, il y a
une dérive vers l’autoritarisme, le citoyen ne pourra pas savoir ce qui se passe
dans l’hémicycle. »
Fatma Mseddi, élue de Sfax, la capitale économique, a justifié ce choix de façon
à éviter de « véhiculer une image qui n’est pas appropriée du Parlement ». Peut-
être a-t-elle raison. La télévision nationale a baissé le son lorsque le doyen de
l’Assemblée, qui présidait la séance inaugurale, a hésité sur les modalités
d’élection du trio de la future présidence. L’arrestation d’un député accusé de faux
et usage de faux, juste après la prestation de serment, n’a pas été diffusée. « Je
suis pour l’application de la justice à tous, mais il faut respecter les institutions,
enrage le député Hichem Hosni. Nous avons passé trois barrages policiers avant
d’arriver dans la salle de la plénière, pourquoi n’a-t-il pas été arrêté avant ?».
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Pour Hatem Nafti, auteur de l’essai Tunisie. Vers un populisme autoritaire ? cette
arrestation n’était pas forcément organisée, mais reste un « message fort » qui fait
écho aux menaces proférées par le président Kaïs Saïed lors d’un déplacement
lundi matin : « Que les députés n’oublient pas qu’ils sont responsables devant le
peuple et que le peuple pourra leur retirer la confiance dans un an.» La
Constitution de 2021 prévoit en effet la révocabilité des élus. « Le président n’a
pas confiance dans ce Parlement, estime Hatem Nafti. La pluie de décrets
présidentiels, publiés à la veille de la séance inaugurale, en est la preuve. »
Le point commun des nouveaux députés, c’est qu’ils adhèrent tous – même
s’ils ne l’avouent pas - à l’idée que la Tunisie a besoin d’un pouvoir fort
Hatem Nafti, essayiste.
Kaïs Saïed perd effectivement son droit de légiférer dès le début des travaux de
l’Assemblée. Mais celle-ci va consacrer les quinze prochains jours à la rédaction
de son règlement intérieur. Avec une question, soulevée dimanche par le président
: y aura-t-il ou non des blocs parlementaires ? « Le président n’en veut pas. Il est
contre les strates intermédiaires car cela pervertit l’expression du peuple selon
lui », explique Hatem Nafti. Mais pour le député Hichem Hosni, ce n’est pas
envisageable et la déclaration du président a été mal interprétée : « Le chef de
l’État s’adressait aux groupes parlementaires formés par l’argent sale et la
corruption. »
Composé majoritairement d’élus indépendants - les partis politiques n’avaient pas
le droit de faire campagne -, ce quatrième Parlement depuis la révolution de 2011
a des reflets mauves, la couleur fétiche de l’autocrate Ben Ali au pouvoir de 1987
à 2011. « Le point commun des nouveaux députés, c’est qu’ils adhèrent tous -
même s’ils ne l’avouent pas - à l’idée que la Tunisie a besoin d’un pouvoir fort :
il faut un chef qui décide car le peuple n’est pas mûr pour la démocratie », juge
Hatem Nafti. Selon une enquête du média Alqatiba, une quarantaine de députés
parmi les 154 élus sur 161 sièges (sept circonscriptions n’ont pas organisé
d’élection, faute de candidat) auraient une filiation avec le Rassemblement
constitutionnel démocratique, parti unique de l’ancien régime. Deux députés ont
d’ailleurs déjà exercé ces fonctions avant 2011.