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L’analyse des risques éthiques : une recherche

exploratoire dans le domaine de la gouvernance


municipale

YVES BOISVERT avec la collaboration de Jean-Patrick Brady,


post-doctorant, Université Laval

Ce texte présente les résultats d’une analyse thématique faite à partir des
matériaux obtenus lors d’une recherche empirique exploratoire portant
sur les risques éthiques dans le domaine municipal1. Plutôt que de nier l’exis-
tence de risques éthiques qui demeurent en son sein, notre partenaire, l’ad-
ministration municipale lavalloise, a accepté de faire face à son histoire, qui
n’a pas toujours été réjouissante en ce qui concerne l’éthique et l’intégrité,
et de collaborer avec une équipe de l’ENAP pour que la recherche permette
de faire avancer les connaissances en ce qui concerne l’éthique et la gouver-
nance municipale. Pour ce faire, nous avons proposé de réaliser un diagnos-
tic des risques éthiques qui s’inscrit dans l’esprit d’un « retour d’expérience
» (Wybo et Wassenhove, 2009). Ainsi, l’objectif de ce type recherche est de
produire, via un travail de réflexivité collective, un bassin de connaissances
pratiques pouvant permettre de mieux comprendre les risques éthiques
présents dans un environnement particulier et de cibler les stratégies
d’atténuation de ces risques. L’objectif ultime de ce type de recherche-
action vise donc à aider les services publics à mieux connaître et gérer
leurs risques éthiques. Pour cette recherche, nous avons voulu profiter du
contexte d’après-crise qui marque notre organisation partenaire pour faire
un retour d’expérience avec ses membres. Dans cet article, nous
présentons les résultats de notre recherche empirique, qui s’est faite de
novembre 2015 à mars 2016, à partir d’entrevues semi-dirigées avec des
acteurs dits stratégiques et des groupes de discussion avec des acteurs
dits opérationnels. Nous croyons que le moment était opportun pour
rencontrer des acteurs internes afin de faire un travail de retour

Yves Boisvert, Ph.D., professeur titulaire, ENAP, Chercheur CERGO (ENAP) &
Chercheur associé CEPEL/CNRS (Montpellier1) yves.boisvert@enap.ca

Canadian Journal of Political Science / Revue canadienne de science politique


51:2 (June / juin 2018) 305–334 doi:10.1017/S0008423918000173
© 2018 Canadian Political Science Association (l’Association canadienne de science politique)
and/et la Société québécoise de science politique

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d’expérience. Le pic de la crise a été vécu au printemps et à l’été 2013, avec


l’arrestation de l’ancien maire Gilles Vaillancourt2 et la mise en tutelle de la
Ville. À l’automne 2013, une nouvelle équipe de direction et une nouvelle
équipe d’élus ont pris place.
Pour que ce travail de retour d’expérience soit concluant, il était
nécessaire de choisir une méthode qui permettait aux acteurs de prendre
du recul sur leur pratique afin de s’engager dans une réflexion critique à
travers laquelle ils livreront le sens qu’ils donnent à cette crise qu’ils
ont vécue directement ou indirectement. L’objectif ultime d’une telle
démarche réflexive est de se donner une compréhension commune et de
provoquer un nouveau « pouvoir faire » collectif (Maesschalck, 2009).
Afin de pouvoir aller le plus loin possible dans ce travail de réflexivité
(Hamel, 2007; Molénat, 2006) avec nos répondants, la méthode qualitative
s’imposait d’elle-même.
Dans ce texte, nous avons croisé les résultats de notre enquête sur deux
axes d’analyse : l’analyse des risques sous l’angle des trois indicateurs
de notre cadre (conduites à risque, facteurs de risque et stratégies
d’atténuation) et l’analyse transactionnelle par les parties prenantes. Nous
présenterons les résultats de façon synthétique afin de faire ressortir la
transversalité des données et leur rattachement à des situations transaction-
nelles particulières. Dans la section discussion, nous mettrons l’accent sur
les stratégies d’atténuation des risques éthiques proposées par nos
répondants afin de faire ressortir la grande différence de ces résultats par
opposition aux propositions traditionnelles des experts institutionnels.

ÉTAT DE LA RECHERCHE SUR L’ÉTHIQUE DU SERVICE


PUBLIC
Lorsque l’on parle de la place que l’on doit donner à l’éthique dans les orga-
nisations du service public, les experts institutionnels (Gagné, 2009;
OCDE, 2000) vantent souvent les mérites des infrastructures de l’éthique,
des codes d’éthique, des formations en éthique ou de la mise en place de
bureaux de l’éthique pour rétablir la confiance dans nos institutions. On
propose alors au législateur de faire des lois (Bégin, 2011) afin d’obliger
les organismes publics à mettre en place des dispositifs dits éthiques pour
freiner la crise de confiance. C’est d’ailleurs ce que l’Assemblée nationale
du Québec a fait en 2010 en adoptant le projet de loi 109, Loi sur l’éthique
et la déontologie en matière municipale. Cette loi prévoit essentiellement
trois choses : l’obligation de développer un code d’éthique et de
déontologie pour les élus, une formation pour les élus et la possibilité,
pour les notaires et avocats spécialisés en droit municipal, de s’inscrire
comme conseillers en éthique auprès du ministère responsable des
Affaires municipales (Prémont, 2016).

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Résumé. Ce texte présente les résultats d’une analyse thématique faite à partir des matériaux
obtenus lors d’une recherche empirique exploratoire portant sur les risques éthiques dans le
domaine municipal. Pour ce faire, nous avons réalisé un diagnostic des risques éthiques dans
une municipalité canadienne ayant connu une crise importante au niveau de l’intégrité. La recherche
empirique s’est faite de novembre 2015 à mars 2016, à partir d’entrevues semi-dirigées avec des
acteurs dits stratégiques et des groupes de discussion avec des acteurs dits opérationnels.
Notre recherche s’inscrit dans l’esprit d’un « retour d’expérience » (Wybo et Wassenhove, 2009).
Ainsi, l’objectif de ce type recherche est de produire, via un travail de réflexivité collective, un
bassin de connaissances pratiques pouvant permettre de mieux comprendre les risques éthiques
présents dans un environnement particulier et de cibler les stratégies d’atténuation de ces risques.
Pour faire notre analyse, nous avons croisé les résultats de notre enquête sur deux axes d’analyse :
l’analyse des risques sous l’angle des trois indicateurs de notre cadre (conduites à risque, facteurs de
risque et stratégies d’atténuation) et l’analyse transactionnelle par les parties prenantes. Nous
présenterons les résultats de façon synthétique afin de faire ressortir la transversalité des données
et leur rattachement à des situations transactionnelles particulières. Dans la section discussion,
nous mettrons l’accent sur les stratégies d’atténuation des risques éthiques proposées par nos
répondants afin de faire ressortir la grande différence de ces résultats par opposition aux proposi-
tions traditionnelles des experts institutionnels qui se sont penchés sur l’éthique du service public.
Abstract. Empirical data from exploratory research on ethical risks in a municipal environment
were coded thematically. An ethical risk diagnosis was performed in a municipality confronting a
major integrity crisis. A data collection strategy composed of semi-directed interviews with
strategic actors and focus groups of operational actors spanned the period from November 2015
to March 2016.
This research follows a feedback-about-experience model (Wybo and Wassenhove, 2009). Thus,
through collective reflection, this study’s aim is to create a pool of practical recommendations to
enable greater understanding of ethical risks and to target risk mitigation strategies for said risks.
As for our analyses, we intersected our results along two axes: a risks’ analysis from three indi-
cators (risky behaviours, risk factors and mitigation strategies), and a stakeholders’ transactions
analysis. To underline the cross-cutting nature of the data and their contextual links to specific trans-
actions, our results are presented in a consolidated manner. In the discussion section, strategies for
mitigating ethical risks are emphasized in order to highlight an important discrepancy between our
results and conventional suggestions about public service ethics set forth by institutional experts.

En Grande-Bretagne, plusieurs chercheurs se sont intéressés à la portée


qu’a pu avoir, sur les politiques publiques locales, l’adoption de lois simi-
laires, le Localism Act de 2011 et le Local Government Act de 2000. Ces
deux lois créaient des obligations d’actions publiques locales en matière
d’éthique (Macauley et coll., 2014; Cowell et coll., 2011; Greasley,
2007; Lawton et Macauley, 2004; Doig et Schelcher, 2001). En Autriche,
les chercheurs se sont aussi intéressés à la problématique de l’institutionna-
lisation de l’éthique dans la gouvernance municipale (Hoekstra et Kaptein,
2013) de même qu’à l’impact que pouvaient avoir les scandales qui frap-
paient certaines municipalités sur le développement des dispositifs
éthiques (Grimmelikhuijsen et Snijders, 2016). Des chercheurs espagnols
ont également travaillé sur l’impact qu’ont eu les scandales sur le

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développement des infrastructures éthiques des gouvernements locaux


(Benito et coll., 2015; Quesada et coll., 2015; Jiménez-Sanchez et coll.,
2014; Garcia-Quesada et coll., 2013).
Au cours de la dernière décennie, certaines études ont commencé à
élargir les créneaux d’analyse en cherchant notamment à analyser le rôle
des différentes agences ou différents organismes de surveillance et de
régulation des comportements des agents publics (Siewert et Udani,
2016; Six et Lawton, 2013; Grimmelikhuijsen et Welch, 2012; Huberts et
Six, 2012; Huberts et coll., 2008), ou en tentant de comprendre quel
impact peut avoir un leader local dans le traitement des enjeux de gouver-
nance liés à l’éthique (Streib et Rivera, 2009; Menzel, 2009; Morrell et
Hartley, 2006). Ces recherches ont ouvert le chantier des analyses plus
systémiques dans le domaine de l’éthique du service public en général, et
dans l’univers de l’éthique de la gouvernance municipale en particulier.
L’idée de cette nouvelle perspective n’étant plus d’étudier les dispositifs
éthiques en eux-mêmes, mais plutôt de saisir leur rôle dans le défi de la
gestion des problèmes d’intégrité. Dans le domaine municipal, des recher-
ches comme celles de Six et Lawton (2013), Huberts et Six (2012), Huberts
et coll. (2008) défendent la thèse qu’il faudrait mieux structurer plusieurs
facteurs positifs pour créer un véritable système de gestion de l’intégrité
au niveau local3.
Si ces dernières recherches, plus systémiques, ont eu le mérite d’élargir
les horizons de recherche et d’abandonner des approches de régulation stric-
tement individuelle, elles demeurent trop souvent prises dans le carcan de
l’infrastructure de l’éthique développée par l’Organisation de coopération
et de développement économiques (OCDE) à la fin des années 1990.
Cette approche était très orientée vers des facteurs politiques ou macro-ins-
titutionnels ayant un rapport intrinsèque avec les problématiques de
régulation liées à l’éthique et à l’intégrité. Ces approches négligent cepen-
dant de prendre en compte des facteurs plus généraux qui sont pourtant au
cœur de la réalité des organisations publiques en général, et des instances
municipales en particulier. On pense ici à la culture de gestion, aux sous-
cultures professionnelles, à la structure générale de gouvernance, à la
planification stratégique, etc.
Bref, nous pensons que les interprétations et les analyses de l’éthique
du service public et de la gouvernance municipale ont trop longtemps omis
de reconnaître que les problèmes de conduite ne sont pas le seul fait d’in-
dividus délinquants isolés et des déficiences ou déficits de dispositifs dits
éthiques, ils peuvent aussi simplement découler des problèmes et enjeux
de la réalité quotidienne de la gestion des organisations publiques.

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L’Analyse Des Risques Éthiques 309

Notre cheminement de recherche en éthique du service public


Dans les années 2000, nous avons fait des recherches sur les dispositifs dits
éthiques mis en place par les élus canadiens de tous les paliers de la chaîne
de gouvernance et nous avons démontré que ces dispositifs n’ont pas
nécessairement été très efficaces pour faire diminuer les inconduites et
induire la culture éthique dans les organisations publiques (Boisvert,
2011). Nos résultats de recherche nous ont amenés à faire une nuance
importante face à la tendance lourde en éthique gouvernementale, soit la
nécessité de développer les infrastructures de l’éthique. Nos analyses ont
effectivement démontré que les gouvernements ont tendance à multiplier
les nouveaux dispositifs en réaction aux crises et aux scandales qui les frap-
pent, mais qu’ils ne cherchent pas nécessairement à s’assurer que ces dispo-
sitifs sont fonctionnels et efficients pour s’attaquer au problème sous-jacent
à la crise.
C’est justement pour dépasser cette impasse que nous avons développé
notre chantier de recherche sur le diagnostic des risques éthiques. Avec ce
chantier, nous sommes assurément loin du champ traditionnel de l’éthique
individuelle, qui nous enferme dans une logique orientée uniquement vers
la responsabilité professionnelle et la promotion de l’autorégulation des
comportements. Nous embrassons plutôt une démarche de recherche
orientée vers une éthique dite institutionnelle (Maclure, 2010). Celle-ci
dépasse la réflexion sur l’action individuelle afin de réfléchir sur les facteurs
de l’environnement de travail qui ont une incidence négative sur la qualité
des conduites. Elle nous amène alors à jeter un regard analytique sur le
cadre normatif, la culture organisationnelle, le design institutionnel
(Bégin, 2014) et les processus de gestion.
Ce chantier repose d’abord sur un travail d’analyse des risques
éthiques fait à travers une recherche de type empirique. L’idée derrière
tout cela est que mieux nous comprendrons l’environnement de travail
des employés, mieux nous pourrons saisir la nature des inconduites
récurrentes à ce milieu et, surtout, mieux nous pourrons intervenir sur les
facteurs de l’environnement de travail (intra et extraorganisationnels) qui
posent problème. Les facteurs problématiques en ce qui concerne
l’éthique sont ceux qui facilitent le développement des transgressions ou
empêchent les professionnels d’aller au bout de leur compétence éthique.
C’est dans le prolongement de ce type de diagnostic des risques
éthiques que l’on arrive à faire émerger des stratégies d’atténuation des
risques éthiques identifiés. Ces stratégies interpellent soit la culture organi-
sationnelle, soit les sous-cultures de l’organisation, soit les stratégies de
gestion, soit les structures de gouvernance, soit les dispositifs de
régulation. C’est sur la base de ces stratégies émergentes que l’organisation
devrait élaborer son plan d’action pour passer à l’étape du management des
risques éthiques.

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Dans ce chantier sur la gestion des risques éthiques, nous avons déjà
fait des études exploratoires dans différents domaines du service public
québécois : les organisations policières, la santé et les services sociaux, le
milieu de l’éducation (une commission scolaire et des directions
d’établissements scolaires)4. L’objectif ultime de notre démarche de recher-
che est de pouvoir cartographier les risques les plus récurrents qui se retrou-
vent partout dans le service public et de préciser ceux qui seraient
davantage sectoriels, c’est-à-dire des risques particuliers à certains types
de services publics.

UN CADRE DE RECHERCHE PRAGMATIQUE


Pour nous guider dans notre travail de recherche sur les risques éthiques,
nous avons élaboré un cadre de diagnostic simple, mais efficace, qui
permet de faire ressortir rapidement la perception des répondants et de
l’analyser. Comme les répondants ne sont pas des spécialistes de
l’éthique, il faut éviter d’avoir un cadre de diagnostic trop complexe et
d’utiliser un langage trop hermétique si on souhaite obtenir de l’information
de qualité. Le cadre utilisé doit faciliter la prise de parole pour qu’ils puis-
sent identifier et nommer les problèmes et les enjeux éthiques rencontrés
tout au long de leur parcours professionnel. Ce cadre s’inspire des écrits
spécialisés en matière d’éthique et de gouvernance (Anti-Corruption
Resource Center, Organisation de coopération et de développement
économique, Transparency International) et s’organise autour de trois
axes : les conduites à risque, les facteurs de risque et les stratégies
d’atténuation des risques éthiques.

Les axes d’analyse sous-jacents au diagnostic des risques éthiques


Ce cadre d’analyse nous amène d’abord à relever les conduites à risque qui,
parce que négligées ou banalisées, vulnérabilisent les organisations et
ouvrent la porte à la menace de voir surgir une crise organisationnelle
(Roux-Dufort, 2010). Ces conduites problématiques se présentent sous la
forme de transgressions, c’est-à-dire des conduites allant à l’encontre des
différentes balises normatives qui enserrent la conduite des agents
publics, mais qui ne sont ni stigmatisées ni sanctionnées. Elles interpellent
l’éthique dans la mesure où elle fait l’évaluation de la qualité (morale) des
conduites des individus dans un contexte donné. Les conduites à risque vont
à l’encontre de ce qui est attendu du professionnel, elles révèlent des acteurs
qui ont de la difficulté à s’autoréguler ou à assumer leurs responsabilités
(Boisvert et coll., 2009). Les conduites sont dites à risque puisqu’elles ne
sont pas encore perçues ou pas encore dénoncées, mais elles ne sont pas
moins menaçantes pour l’organisation. C’est d’ailleurs ce qui les distingue

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des conduites inadéquates qui sont dénoncées, publicisées et stigmatisées :


on qualifiera alors ces conduites d’immorales, de déviantes ou de
délinquantes (Becker, 1985).
Lorsque révélées et publicisées, les conduites inadéquates seront des
préalables aux perturbations organisationnelles qui engendrent le scandale
(Shrisvastava, 1987). Ces conduites perturbatrices fragilisent le lien de
confiance que les parties prenantes auraient pu avoir envers les institutions
et les agents publics (Lewis et Gilman, 2012). En éthique organisationnelle,
le bris de ce lien de confiance constitue toujours une menace pour leur
légitimité décisionnelle (Boisvert, 2002). Les conduites problématiques se
manifestent souvent à travers le détournement des pouvoirs détenus par
les agents publics dans l’exercice de leurs fonctions au sein de l’organisa-
tion. Il s’agit alors d’abus volontaire de fonction ou de négligence active
ou passive. Dans tous les cas de figure, il y a un déni de responsabilité
professionnelle.
Les conduites à risque ne se produisent jamais de façon désincarnée,
elles se font toujours à l’intérieur des situations légitimes de travail. Il
s’agit de situations d’action qui marquent le quotidien de travail des
employés d’une organisation et qui varient d’un secteur à l’autre et même
d’une fonction à une autre. Bien sûr, on pourra chercher à baliser les situ-
ations d’action afin d’atténuer la portée du risque, c’est alors que l’on
s’intéressera aux facteurs de risque, car c’est sur eux que l’on peut intervenir
pour faire diminuer le risque.
Ainsi, les facteurs de risque sont des éléments qui, dans l’environne-
ment du travail, ont un impact sur la qualité des conduites des membres
de l’organisation et qui participent à favoriser ou à freiner la production
de conduites problématiques. Les facteurs peuvent donc avoir un impact
négatif ou positif. Lorsque l’on parle des facteurs de risque, on cible les
facteurs négatifs qui facilitent, voire favorisent, le développement des trans-
gressions. Ce sont des éléments que les responsables malfaisants ont souvent
négligés ou même ignorés (ils n’ont jamais fait l’objet d’évaluation en termes
de risques éthiques). C’est souvent le cumul de ces négligences qui va pro-
voquer les crises dans les organisations (Roux-Dufort, 2000). Dans
d’autres organisations, les facteurs de risque sont connus des responsables
malveillants, puisque ce sont souvent eux qui les ont mis en place pour faci-
liter le détournement de pouvoir et d’intérêts à leur avantage. Les catégories
de facteurs de risque les plus fréquentes sont culturelles, structurelles et de
gestion. Il peut également y avoir des facteurs périphériques de nature
politique, économique ou sociétale qui viendront mettre une pression
particulière sur le comportement des acteurs.
Le diagnostic des risques éthiques porte une attention particulière aux
facteurs de risque ayant un impact négatif sur l’organisation, car ceux-ci
créent des zones de vulnérabilité. C’est parce que l’on peut intervenir
sur ces facteurs négatifs que l’on tente de comprendre les meilleures

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stratégies d’atténuation pour mettre fin à ces déviances et délinquances. On


cherche alors à comprendre les meilleures stratégies pour intervenir sur un
facteur particulièrement problématique afin de réduire les risques de trans-
gression qui en découlent et de rétablir le lien de confiance avec les parties
prenantes. Habituellement, les stratégies proposées ciblent les risques qui
vulnérabilisent le plus l’organisation. On propose alors de cibler les secteurs
et les fonctions qui présentent les risques les plus élevés en ce qui concerne
la production des conduites les plus problématiques. Le leadership sera
alors essentiel pour mettre un terme à des conduites longtemps tolérées et
incrustées au plus profond de la culture de l’organisation; il s’agit là
d’une donnée essentielle pour sortir de la crise (Roux-Dufort, 2000). Le
leader imposera le changement et mobilisera les membres de l’organisation
afin que ces derniers intègrent les changements nécessaires dans le travail
quotidien. Au niveau politique, on sait que les élections qui suivent un scan-
dale se font autour des enjeux d’intégrité et sur les promesses de change-
ment. Selon Brenton (2012), les leaders politiques ont un avantage
certain à proposer du changement en matière d’éthique et d’intégrité s’ils
veulent rétablir les liens de confiance avec les citoyens; ils doivent travailler
avec un programme axé sur une « politique de la confiance ».
Pour faciliter le travail d’entrevue et d’analyse, nous croiserons, dans
un deuxième temps, les résultats obtenus grâce au précédent cadre sur les
risques éthiques avec une perspective transactionnelle. Il s’agira alors de
faire évaluer par nos répondants les risques sous-jacents aux transactions
avec les parties prenantes : les responsables des différentes instances de
la gouvernance municipale, les fournisseurs, la clientèle interne et externe
et les employés.

Les sphères de transaction à surveiller en matière de gestion des risques


éthiques
L’analyse des risques éthiques de la gouvernance dans le milieu municipal
se penche sur la clarté des fonctions et des mandats ainsi que sur les rôles et
responsabilités des différents acteurs de la chaîne de gouvernance de ce
secteur, mais elle s’interroge surtout sur le type de rapport de pouvoir
qu’exerce le politique sur son administration publique. Plusieurs questions
se posent alors. Par exemple, les acteurs connaissent-ils bien la chaîne de
gouvernance dans laquelle ils s’inscrivent? Y a-t-il un partage des pouvoirs
et des responsabilités? Y a-t-il une reddition de comptes efficace et
cohérente? Est-ce que chacune des parties respecte la dynamique de poids
et contrepoids (« checks and balances »)? Est-ce une gouvernance descen-
dante (de type « top-down ») et unidirectionnelle ou de type collaboratif?
Dans une analyse comme celle de la Ville de Laval, le volet gouvernance
sera des plus intéressants.

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L’Analyse Des Risques Éthiques 313

Au sujet des risques éthiques en matière de transactions avec les four-


nisseurs, la qualité et l’intégrité de la gestion des deniers publics constituent
le principal enjeu éthique. À cet égard, on retrouve principalement des
transgressions comme la fraude, la corruption, les conflits d’intérêts, le
favoritisme ou la mauvaise utilisation des ressources. Ici aussi, il sera
intéressant de voir comment les acteurs de cette ville qui a connu une
crise aussi importante nous parlent de ce type d’inconduites. On se deman-
dera aussi si les acteurs publics sont conscients des bonnes pratiques en
matière de gestion des deniers publics. Se sentent-ils interpellés par la cor-
ruption? Ont-ils été témoins de fraude? Se soucient-ils de bien utiliser les
fonds publics? On voudra aussi savoir si leur milieu professionnel a été
passif face au système de déviance mis au jour par l’Unité permanente
anticorruption (UPAC) et la Commission d’enquête sur l’industrie de la
construction (CEIC).
Le questionnement sur les risques éthiques relativement à la gestion
des transactions avec les partenaires nous fera visiter l’univers des liens
que développent les administrations municipales avec de nombreux orga-
nismes à but non lucratif (OBNL) afin d’offrir des services particuliers
aux citoyens. On verra alors émerger des questions sur l’équité de traite-
ment des dossiers de ces OBNL, sur les transferts de responsabilités vers
ces derniers, sur les mécanismes d’octroi de subventions et les indicateurs
développés pour soutenir les choix de subventions. On contestera aussi
les mécanismes de reddition de comptes qui se font en suivi des attributions
de ces subventions.
Dans le domaine municipal, on ne peut nier que les transactions avec
les promoteurs immobiliers constituent une zone à risque de très haut
niveau. On doit alors se poser des questions sur de potentiels conflits
d’initiés et sur les dispositifs mis au point pour les freiner, questionner la
rigueur des processus d’évaluation des terrains municipaux à transiger, exa-
miner les processus d’attribution des permis de construction ainsi que la sur-
veillance des chantiers de construction. Il faut se demander si tous les
promoteurs sont traités équitablement ou si certains bénéficient de
privilèges. La question du dézonage sera aussi au cœur des échanges, car
il s’agit d’une action publique stratégique de grande valeur pour une
municipalité et déterminante pour le développement des projets privés.
Pour ce qui est des transactions avec les citoyens, cela s’observera
notamment autour de l’offre de services à la collectivité et à ses
membres. On doit ici se demander quelle place prend le service à la
clientèle dans la culture du travail; tenter de voir si les services offerts
sont à la hauteur de ce qui est offert dans d’autres municipalités; vérifier
si les citoyens sont traités de façon équitable et respectueuse partout sur
le territoire; finalement, la confidentialité des renseignements personnels
pourrait aussi faire l’objet de questionnements.

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314 YVES BOISVERT

Les risques éthiques en lien avec la gestion du personnel concernent les


transactions directes entre les employés ou entre l’organisation et ses
employés. Cela touche donc directement au climat de travail, au sentiment
d’appartenance et à la capacité ou non de communiquer avec les employés,
ainsi que la volonté de travailler en interdisciplinarité. On se posera alors la
question de savoir si les employés entretiennent de bonnes relations entre
eux, si les gestionnaires soutiennent adéquatement leurs employés, si le
climat de travail est marqué par une forme ou une autre de harcèlement,
si la gestion disciplinaire est utilisée adéquatement dans les différents servi-
ces, si le courage managérial est au rendez-vous en cette matière et si les
critères d’embauche et de promotion sont objectifs et équitables.
Finalement, les risques éthiques identifiés par rapport aux transactions se
répercutent dans quatre sphères d’activité de gestion : la gestion des insti-
tutions, la gestion des deniers publics, la gestion de l’offre de service et
la gestion du personnel.

MÉTHODOLOGIE ET ANALYSE DES DONNÉES EMPIRIQUES


Afin de pouvoir aller le plus loin possible avec nos répondants dans ce
travail de réflexivité au cœur de la démarche (Hamel, 2007; Molénat,
2006), la méthode qualitative s’imposait d’elle-même (Paillé et
Mucchielli, 2012; Beaud et Weber, 2003; Becker, 2006). Dans un
premier temps, nous avons rencontré 25 répondants entre le 20 octobre
2015 et le 7 janvier 2016 afin de recueillir les témoignages des participants
à cette étude. Ces rencontres ont été planifiées et réalisées sur une base
volontaire. Le profil des répondants est le suivant : ce sont tous des
membres de l’organisation « Ville de Laval »; en ce qui concerne le
genre, nous avons rencontré 17 hommes et 8 femmes; en ce qui concerne
les fonctions, nous avons interviewé 5 membres de la haute direction
(4 membres de la direction générale et un membre du Comité exécutif),
16 membres de directions de services ou d’entités spécialisées et 4 cadres
opérationnels. En ce qui concerne les années d’ancienneté à la Ville de
Laval : 12 personnes avaient eu leur poste depuis la tutelle (2013), 5
avaient de 4 à 10 ans d’ancienneté, 2 avaient entre 11 et 20 années de
service et 6 travaillaient pour la Ville de Laval depuis plus de 20 ans5.
Dans un deuxième temps, nous avons tenu 5 groupes de discussion,
d’une durée moyenne de 2 heures, entre le 17 mars et le 21 avril 2016.
Ces groupes de discussion nous ont permis de rencontrer 39 employés
dits opérationnels, provenant de 6 services différents. Le profil des
répondants est le suivant : cadres opérationnels, cols blancs, professionnels
ou cols bleus; en ce qui concerne le genre, nous avons rencontré 20 femmes
et 19 hommes; 11 avaient moins de 10 ans d’ancienneté, 20 avaient de 10 à
20 ans d’ancienneté et 8 avaient plus de 20 ans d’expérience de travail dans

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L’Analyse Des Risques Éthiques 315

l’organisation6. Cette recherche exploratoire a respecté un protocole très


strict en ce qui concerne l’éthique de la recherche, protocole qui a été
approuvé par le Comité d’éthique de la recherche de l’ENAP7.
Habituellement, la formule du diagnostic des risques éthiques est
utilisée dans des organisations qui ne vivent pas de grandes turbulences
en ce qui concerne l’éthique. Dans le présent cas, le contexte est différent
et a exigé une certaine adaptation. Comme nous étions dans une organisa-
tion qui venait de connaître une crise importante, nous avons dû être très
vigilants pour respecter nos engagements en éthique de la recherche.
Nous avons donc transformé toutes les informations concernant les prati-
ques délinquantes explicitement présentées, et souvent liées à des noms,
en risques éthiques. Ainsi, nous avons neutralisé la charge subjective des
énoncés, en les traduisant en conduites pouvant potentiellement surgir à
tout moment dans une organisation municipale. Cette transformation est
tout à fait conforme à la volonté préventive au cœur de notre démarche
de diagnostic des risques éthiques qui, faut-il le rappeler, cherche à aider
les organisations municipales à mieux gérer leurs risques éthiques et à
éviter ainsi de se retrouver en situation de crises internes susceptibles de
les faire glisser vers un scandale.
Pour faciliter ce travail d’analyse, nous avons opté pour la méthode
dite thématique. Cette méthode nous a d’abord amenés à thématiser les
informations transmises par les répondants. Puis, de façon ascendante,
nous avons fait une analyse afin de regrouper les résultats de l’analyse
thématique dans des rubriques (Paillé et Mucchielli, 2012). Cette
méthode était tout à fait adaptée à notre matériel et à nos préoccupations
en matière d’éthique de la recherche, car elle nous a permis de faire un
important travail d’objectivation des informations communiquées par les
répondants. Cette façon de faire nous a permis de nous déprendre du
piège de la subjectivité qui est toujours présent lorsque nous travaillons
avec du matériel perceptuel. Cette approche analytique nous a amenés à
nous concentrer sur les idées qui étaient au cœur des exemples et illustra-
tions donnés par les répondants et à mettre l’accent sur les informations
récurrentes et éventuellement généralisables dans le domaine de la gouver-
nance municipale. Les sous-thèmes illustrent justement des exemples
classiques qui font image pour mieux comprendre la thématique.
De façon plus précise, voici les étapes ayant mené à l’analyse des
entrevues : transcription des entrevues et identification de chaque transcrip-
tion à l’aide d’un code numérique/synthèse des groupes de discussion et
identification par un code numérique de ces derniers; lecture et début d’ana-
lyse des transcriptions et des synthèses des groupes de discussion; traite-
ment et organisation du contenu des transcriptions en fonction des trois
axes du cadre d’analyse principal; émergence des thèmes et sous-thèmes
pour chacun des trois axes; regroupement des thématiques dans des rubri-
ques qui cherchent à faire un travail de pré-conceptualisation; rédaction

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316 YVES BOISVERT

d’une synthèse thématique/rubrique; rédaction de synthèse des rubriques


dans une logique comparative entre les résultats des entrevues et ceux
des groupes de discussion; rédaction de synthèse thématique en lien avec
l’analyse transactionnelle et identification des secteurs à risque. Dans le
présent article, nous allons nous limiter à présenter les résultats de ce
dernier niveau d’analyse.
Pour rester le plus près possible de la théorie ancrée8, nous avons
limité, dans les premières phases de l’analyse, notre interférence analytique
aux trois axes qui sont au cœur de notre cadre d’analyse : conduites à risque,
facteurs de risque et stratégies d’atténuation. Nous avons donc fait émerger
les thématiques et nous avons fait des regroupements analytiques autour de
certains thèmes (pour chacun des trois axes d’analyses) et sous-thématiques
(on illustre les conduites les plus à risque qui étaient présentées, les facteurs
de l’environnement perçus comme les plus problématiques ainsi que les
stratégies présentées comme les plus intéressantes) en restant le plus respec-
tueux possible du contenu de nos entrevues.
Comme nous l’avons dit en introduction, nous avons croisé ici les
résultats des deux axes d’analyse présentés plus haut : l’analyse des
risques sous l’angle des trois indicateurs de notre cadre (conduites à
risque, facteurs de risque et stratégies d’atténuation) et l’analyse transac-
tionnelle par les parties prenantes. Nous présentons les résultats de façon
synthétique afin de faire ressortir la transversalité des données et leur ratta-
chement à des situations transactionnelles particulières. Même si la lecture
des tableaux des prochaines pages peut s’avérer ardue, nous avons voulu
présenter cette synthèse des données thématiques pour partager avec le
lecteur le matériel qui nous a permis de poursuivre l’analyse dans la discus-
sion des résultats afin qu’il puisse en comprendre les bases.

LES SPHÈRES DE TRANSACTION À SURVEILLER EN


MATIÈRE DE GESTION DES RISQUES ÉTHIQUES

DISCUSSION DES RÉSULTATS


Réflexion générale sur nos résultats
Lorsque l’on interprète les résultats obtenus dans notre recherche, on peut
dire que la richesse du contenu et les nuances des propos de nos
répondants nous éloignent considérablement de la représentation simpliste
des transgressions de base qui est faite au moment de l’éclatement des scan-
dales. Loin des mobilisations partisanes qui produisent des discours trop
souvent polarisés, voire manichéens, afin de mieux détourner le scandale
en une simple « affaire » qui ne serait que le fruit de discours partisans
(De Blic et Lemieux, 2005), nos répondants nous ont plutôt expliqué que

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L’Analyse Des Risques Éthiques 317

Transactions entre les instances de gouvernance


Conduites à risque Facteurs de risque Stratégies d’atténuation

–Pressions politiques –Centralisation des pouvoirs // –Gestion du changement et


–Décisions et actions contrai- gestion descendante « top- leadership
res aux normes down » et contrôle politique –Travail en mode amélioration
–Complicité de gestion –Culture et structure en silos continue
–Intimidation et harcèlement –Utilisation de la réputation et –Séparation des pouvoirs
des réseaux du maire (politique et administratif)
–Manque d’intégrité profes-
sionnelle (complaisance, –Structure organisationnelle –Filtre administratif pour les
connivence, négligence) problématique demandes politiques
–Instrumentalisation des –Déficit de l’environnement –Transparence et gestion fluide
employés (manipulation) normatif et Charte de la ville de l’information
centralisatrice –Bonification de la communi-
–Déficit des dispositifs et outils cation interne et promotion de
de contrôle la collaboration
–Culture politique autoritaire –Éclatement de la structure en
et déficit démocratique silos
–Centralisation de l’informa- –Planification et mise en place
tion et manque de de divers processus rigoureux
transparence –Standardisation des pratiques
–Administration municipale –Bonification de la gestion des
minimaliste («sous-staff») marchés publics
–Culture du travail axée sur le –Nouveau design du cadre de
silence, le laxisme et la gouvernance
complicité passive
–Bonification du cadre
–Absence de reddition de normatif
comptes
–Révision des structures et
–Culture de la gestion nouveau design
problématique : pas d’auto- organisationnel
nomie, pas de responsabilité
–Promotion d’une culture de
–Puissance syndicale et l’éthique et de l’intégrité
convention trop avantageuse
pour les employés –Mise en place du Bureau de
l’intégrité et de l’éthique
–Contrôle de services (BIEL) et d’une ligne de
stratégiques par des firmes dénonciation
externes
–Bonification de stratégie de
–Des employés en dette avec le vérification et de contrôle
politique pour l’emploi
–Renforcement de la
obtenu
démocratie
–Problèmes de communication
interne –Collaboration intermunicipale
–Changement de la charte de la
ville

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318 YVES BOISVERT

Transactions avec les fournisseurs


Conduites à risque Facteurs de risque Stratégies d’atténuation

–Collusion/corruption –Déficit des dispositifs et outils –Bonification de la gestion des


–Conflits d’intérêts/proximité de contrôle marchés publics et la
public et privé –Faiblesse de l’environnement centraliser

–Favoritisme/décisions normatif et Charte –Mise en place d’un service


arbitraires –Austérité, plancher d’emplois spécialisé en acquisitions
et diminution de l’expertise rigoureux et performant
–Décisions et actions contraires
aux normes interne –Embauche de spécialistes
–Culture et structure en silos internes pour faire des
–Système de ristournes et finan- évaluations complètes des
cement politique illégal –Externalisation des services fournisseurs pour les marchés
–Pressions politiques et orienta- publics et augmentation de et de bonnes estimations
tion des décisions l’interface privé et public
–Mise en place d’un service
–Implication des élus dans la –Centralisation de l’informa- d’intégrité et une ligne de
distribution des contrats tion et manque de dénonciation
transparence
–Influence des fournisseurs pour –Bonification de la stratégie et
dicter les règles du jeu –Mauvaise gestion du lobbying des mécanismes de vérification
–Transgression par les fournis- –Absence de sens critique, et contrôle
seurs et refus de rendre des silence et passivité –Poursuite des firmes et entre-
comptes –Focus opérationnalisation et prises qui ne respectent pas les
–Obtention illégale des infor- travail en mode urgence contrats
mations privilégiées et confi- –Normalisation des –Encadrement du lobbying
dentielles par les entrepreneurs transgressions –Gestion serrée de l’externali-
–Abus des contrats gré à gré –Culture de la peur sation et des relations avec les
–Complicité passive des ges- –Culture de protection des fournisseurs
tionnaires face aux conditions de travail et des –Ouverture des marchés à de
transgressions acquis nouveaux joueurs
–Manque d’intégrité profession- –Difficulté d’estimer le prix des –Meilleure planification des
nelle/instrumentalisation des ouvrages d’infrastructure achats
employés –Absence de planification des –Encadrement et contrôle des
travaux contrats gré à gré
–Pénurie d’experts spécialisés –Vigilance face aux contrats
pour vérifier les devis trop rigides
spécialisés –Changement de la loi du plus
–Des fournisseurs qui imposent bas soumissionnaire
un produit unique –Évaluation de coûts réels
–Marges d’autonomie pour globaux des biens à acquérir
faire du gré à gré –Élimination des clauses favo-
–Absence de reddition de risant les fournisseurs locaux
comptes –Évaluation continue de la
–Absence de règles sur les qualité des services offerts par
conflits d’intérêts les fournisseurs
–Absence de vérifications –Retour en appel d’offres
rigoureuses et indépendantes lorsque la Ville n’est pas
satisfaite des propositions

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L’Analyse Des Risques Éthiques 319

Transactions avec les partenaires


Conduites à risque Facteurs de risque Stratégies d’atténuation

–Conflits d’intérêts/ –Déficit des dispositifs et outils de –Mise en place du BIEL et de


proximité/favoritisme/ contrôle sa ligne de dénonciation
décisions arbitraires –Centralisation de l’information et –Bonification de la stratégie
–Distribution arbitraire de manque de transparence et des mécanismes de
subventions –Lien de proximité avec les vérification et contrôle
–Pressions politiques et partenaires –Meilleure gestion du
orientation des décisions –Mauvaise gestion du lobbying lobbying
–Pression politique pour –Manque d’intégrité professionnelle/ –Intégration d’une culture de
orienter les subventions instrumentalisation des employés la reddition de comptes
–Absence de plan de reddition de
comptes pour vérifier l’utilisation
des subventions
–Absence de surveillance et de
contrôle des OBNL qui reçoivent
des subventions

la crise vécue par leur organisation doit être comprise comme l’aboutisse-
ment d’une situation complexe qui a pris forme à travers le temps. Pour
eux, il ne s’agissait pas d’une turbulence éphémère découlant d’un
élément perturbateur subit. La dérive éthique de leur ville était plutôt liée
à la prise de contrôle des institutions locales par un réseau d’acteurs de
l’élite locale, qui avait su développer a priori des relations privilégiées
dans l’espace social et économique de la communauté locale. Ce réseau
d’acteurs a imposé un mode de gouvernance et une philosophie
d’opérationnalisation de l’action publique alignés sur les intérêts de ses
membres.
Notre étude confirme qu’une telle dérive organisationnelle ne peut se
résumer à la transgression d’un individu isolé, que l’on pourrait stigmatiser
comme un acteur immoral isolé (Mucchielli, 1999). La crise a pris racine
autour d’un ensemble d’actes inappropriés (première colonne de nos
tableaux), qui ont été commis par une pluralité d’acteurs, et ce, sur une
très longue période historique. Ces inconduites ne sont pas le fruit d’un
acteur isolé9, ils sont le produit d’une collaboration entre de nombreux
acteurs organisationnels et des membres de l’élite économique locale.
Pour reprendre l’esprit de Lascoumes et Nagel, on peut dire que l’on a
affaire à un scandale impliquant une élite délinquante (Lascoumes et
Nagel, 2014). Avec Sutherland (1983), nous pousserons plus loin ici

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320 YVES BOISVERT

Transactions avec promoteurs économiques


Conduites à risque Facteurs de risque Stratégies d’atténuation

–Pressions politiques et orien- –Déficit des dispositifs et –Mise en place du BIEL et de sa


tation des décisions outils de contrôle ligne de dénonciation
–Constructions et –Faiblesse de l’environne- –Bonifier stratégie et
développements illégaux ment normatif mécanismes de vérification et
–Fraudes, conflits d’initiés et –Gestion centralisée de l’in- contrôle
transactions immobilières formation et manque de –Reprise de contrôle du
douteuses transparence développement urbain et
–Conflits d’intérêts / proximité –Culture et structure en silos guichet unique pour les projets
/ favoritisme / décisions de construction
–Culture du développement
arbitraires contrôlé par les promoteurs –Adoption d’un schéma
–Instrumentalisation norma- d’aménagement et gestion
–Absence de planification
tive / décisions et actions intégrée du territoire
contraires aux normes –Mauvaise gestion du –Meilleure planification
lobbying
–Système de ristournes et –Meilleure gestion du lobbying
–Manque d’intégrité profes-
financement politique illégal –Évaluation objective de tous
sionnelle / instrumentalisa-
–Manque d’intégrité profes- tion des employés les projets déposés
sionnelle / instrumentalisa-
–Culture de la peur
tion des employés
–Intimidation des inspecteurs –Travail en mode urgence /
focus sur opérationnalisation
par les promoteurs privés

Transactions avec les citoyens


Conduites à risque Facteurs de risque Stratégies d’atténuation

–Traitement –Déficience dans la gestion de l’infor- –Soutien de la démocratie


inéquitable des mation et la transparence –Relance du processus
citoyens –Culture et structure en silos disciplinaire
–Faiblesse de la culture politique des –Amélioration du service à la
citoyens (ne demande que le clientèle
minimum de services et des taxes très –Amélioration de la communica-
basses) tion auprès de la population
–Fatalisme et désintérêt du citoyen –Information des citoyens sur les
face à la chose publique services et les travaux effectués
–Déficience des outils technologiques dans leur secteur
permettant de répondre aux demandes
d’accès à l’information

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L’Analyse Des Risques Éthiques 321

Transactions entre employés et avec les employés


Conduites à risque Facteurs de risque Stratégies d’atténuation

–Pressions politiques –Déficit de dispositifs et outils de –Promotion d’une culture du


–Manque d’intégrité profes- contrôle changement et leadership
sionnelle / instrumentalisa- –Déficit des contrôles dans les –Internalisation de toutes les
tion des employés bâtiments et sites municipaux dimensions RH et accroisse-
–Intimidation et harcèlement –Faiblesse du service RH ment de la performance de ce
service
–Népotisme et favoritisme à –Centralisation des décisions
l’embauche d’embauche au bureau du maire –Expertise internalisée
–Instrumentalisation norma- –Culture de complaisance –Bonification de la culture du
tive / décisions et actions disciplinaire travail
contraires aux normes –Gestion centralisée de l’infor- –Culture de gestion axée sur la
–Protection des employés à mation et manque de responsabilité
problèmes qui ont des transparence –Promotion de la place cen-
«poteaux politiques» –Déficit des technologies et trale de l’éthique et de
–Utilisation des équipements déficit des données archivées l’intégrité dans la culture
de la Ville à des fins organisationnelle
–Pénurie de main-d’œuvre et peu
personnelles d’expertise interne –Élaboration d’une stratégie
–Double emploi de mobilisation
–Complaisance et passivité dans
–Vol de temps (Journées la culture organisationnelle –Élaboration de plus d’outils
avec des prestations de de gestion
–Culture du travail avec focus sur
travail réel très limitées) opérationnalisation et gestion –Intégration de l’imputabilité
–Harcèlement des cadres qui des urgences et reddition de comptes dans
refusent les commandes la culture de gestion
–Culture syndicale forte et dictat
politiques de la convention collective –Reconnaissance du droit à la
–Menaces et violences ver- dissidence et à la pensée
–Externalisation de critique
bales entre employés l’opérationnalisation de nom-
–Vols breux services et importante –Augmentation des effectifs
interface privé et public pour tous les services
–Banalisation du népotisme et –Pro-activité face au
favoritisme harcèlement moral et
psychologique
–Pas d’autonomie de gestion
–Mise en place de processus
–Déficit dans la qualité du climat
de dotation objectif et
organisationnel rigoureux
–Amélioration du processus
d’évaluation pour les
promotions
–Adoption de posture disci-
plinaire claire et application
des sanctions
–Internalisation de certains
travaux et expertises
Continued

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322 YVES BOISVERT

Continued
Conduites à risque Facteurs de risque Stratégies d’atténuation
–Rejet du climat permettant la
loi du silence et promotion
de l’esprit critique
–Meilleure circulation de
l’information
–Meilleure communication de
gestion
–Promotion de rencontres
avec les collègues des autres
municipalités pour discuter
des meilleures pratiques
–Soutien pour le leadership
partagé
–Promotion de l’écoute des
employés
–Valorisation de la
compétence des cadres
opérationnels
–Valorisation de l’intégrité
des cadres intermédiaires
–Adoption de méthodes de
gestion modernes et
standardisées
–Mise en place des processus
d’habilitation de sécurité
pour les candidats aux fonc-
tions stratégiques

l’analyse de ces crimes d’élite, car nos résultats démontrent bien que les
crimes en col blanc ne peuvent se déployer uniquement à travers les trans-
gressions d’un groupe d’élite qui ferait tout par lui-même; ces crimes
nécessitent la complicité de nombreux acteurs passifs et la facilitation de
nombreuses institutions qui, n’assumant pas leurs responsabilités de
mission, créent des opportunités de transgression.
Le système de transgressions à la base de la crise lavalloise s’est effec-
tivement imposé à cause de la présence de nombreux facteurs problématiques
(deuxième colonne de nos tableaux) dans l’environnement organisationnel.
Nos résultats rejoignent ici ceux de certaines équipes de recherche qui
avaient insisté sur l’importance de s’intéresser de plus près aux facteurs
qui, dans l’environnement de travail, ont une incidence directe sur la

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L’Analyse Des Risques Éthiques 323

qualité morale des conduites des individus (Loe, Ferrell et Mansfield, 2000;
Loyens et Maesschalk, 2010).
Ainsi, eu égard aux assises multifactorielles ciblées dans notre analyse,
nous pouvons dire que les crises organisationnelles provoquées par des
problèmes dits éthiques doivent être abordées comme des phénomènes
sociaux complexes. Comme tous les problèmes sociaux complexes, ce
type particulier de crise organisationnelle exige des solutions plurielles
[pluralité des stratégies d’atténuation des risques éthiques (troisième
colonne)] pour s’attaquer aux nombreux problèmes sous-jacents. Ce type
de crise ne peut se résoudre uniquement par l’imposition de sanctions
pénales10 aux délinquants impliqués dans le système de transgressions ni
par de simples modifications institutionnelles ou par l’ajout de dispositifs
éthiques (c’est-à-dire par la rédaction d’un seul code de conduite, par
l’élaboration d’un programme de sensibilisation à l’éthique ou encore par
la mise en place d’un dispositif-conseil).

Réflexion sur les conduites à risque


Dans les résultats qui précèdent, on voit bien que les risques qui concernent
les conduites dites éthiques ne peuvent pas être interprétés comme le seul
fait d’individus délinquants isolés et de déficiences ou déficits de dispositifs
dits éthiques.
Si le point de départ des scandales de la gouvernance municipale réside
bien dans les stratagèmes de collusion dans le domaine de la construction
des infrastructures publiques, on a vite compris que tout cela a été rendu
possible grâce à la collaboration d’agents publics qui ont été au cœur
d’un système de corruption. Notre recherche a démontré que les systèmes
de collusion et de corruption sont facilités lorsqu’ils sont accompagnés
d’autres transgressions comme l’ingérence et la pression politique sur les
gestionnaires publics et les fonctionnaires. Cette intrusion politique se fait
soit avec une méthode indirecte («soft regulation»), via une instrumentali-
sation des employés et une collaboration plus ou moins implicite de ces der-
niers en échange de privilèges et avantages; soit par la méthode dure (« hard
regulation»), comme du harcèlement moral et administratif et de l’intimida-
tion directe visant à rappeler à l’ordre ceux ou celles qui refuseraient de
collaborer avec le politique.
La promiscuité entre les agents publics et les acteurs privés fait perdre
les repères essentiels à la bonne gouverne de la gestion publique. Lorsque la
frontière entre la vie privée des individus et leurs carrières professionnelles
s’efface, le conflit d’intérêts disparaît du radar tellement il devient banal de
mélanger les genres. Les fournisseurs de biens et services deviennent alors
responsables et financiers du parti au pouvoir et transgressent librement la
loi sur le financement des partis politiques.

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324 YVES BOISVERT

Nos répondants lavallois ont démontré que cette dilution de la frontière


publique/privée peut s’avérer particulièrement troublante pour la bonne
gouvernance, notamment lorsque la dotation est influencée par le népotisme,
le clientélisme et le réseautage. La communauté devient un lieu clos où les
seuls critères de distinction sociale reposent sur la proximité et la loyauté au
régime politique versus la résistance et l’opposition. Pour reprendre
l’esprit de Becker (Becker, 1985), il n’y a plus de place pour les outsiders
dans de tels régimes de transgression.
Notre étude nous a amenés à dépasser les conclusions de la commis-
sion Charbonneau (CEIC), car on a vite compris que ce ne sont pas que
les marchés publics du domaine de la construction des infrastructures qui
sont vulnérables, mais bien l’ensemble des marchés publics. Nos
répondants ont ciblé des services à risque comme les firmes de gestion
des ressources humaines, les cabinets d’avocats, les études de notaires,
les auditeurs comptables ainsi que les experts en informatique. Les condui-
tes à risque se retrouvent également du côté des commerçants qui s’empa-
rent des marchés publics pour vendre des biens aux municipalités, ce qui
peut aller de l’ameublement aux voitures de service ou à la machinerie,
en passant par la peinture et les luminaires.
Un service comme celui des loisirs, du sport et de la culture pourrait
sembler plutôt à l’abri du jeu des transgressions, mais une visite dans cet
univers nous fait vite comprendre qu’il y a là des enveloppes de subventions
et des emplois d’été qui servent de récompenses aux membres du réseau et
permettent aux membres de l’exécutif de fidéliser leurs clientèles. Comme
l’a si bien démontré Cesare Mattina (Mattina, 2016), le clientélisme urbain
est une redoutable stratégie, qui permet à des réseaux de notables de faire la
mainmise à long terme sur une communauté territoriale via l’instrumentali-
sation des institutions municipales et des deniers publics.
Des services comme l’urbanisme et l’évaluation foncière peuvent aussi
être des lieux de transgressions coûteuses : mouvements de dézonage, sous-
évaluation ou surévaluation de biens immobiliers transigés par la ville,
tolérance d’irrégularités dans les constructions immobilières et manipula-
tions normatives pour permettre des hérésies urbanistiques.
Lorsqu’un tel système de transgression prend racine dans une
municipalité, on peut voir triompher la fraude et le détournement de
l’argent public, le favoritisme et l’arbitraire, le détournement de la
démocratie et la fin de l’État de droit.

Réflexion sur les facteurs de risque


Par-delà cette kyrielle de conduites à risque énumérées dans la première
colonne de nos tableaux, la deuxième colonne démontre bien que ces incon-
duites peuvent être largement facilitées par la présence de facteurs de risque
dans l’environnement organisationnel. Ces facteurs font souvent partie

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L’Analyse Des Risques Éthiques 325

d’une stratégie politique visant à structurer les instances de gouvernance et à


utiliser les instruments de politique publique et les orientations de gestion
afin de favoriser les intérêts des membres du système de délinquance.
Ainsi, on centralisera tous les pouvoirs entre les mains du cabinet du
maire et idéalement on devrait demander même au contentieux de dessiner
une Charte de ville qui légitimera cette centralisation extrême. Pour s’assu-
rer de bien contrôler l’information, on structurera le design de la gouver-
nance municipale autour de silos hermétiques qui ne peuvent ni
communiquer ni collaborer entre eux.
En ce qui concerne la culture organisationnelle, on érigera la loyauté en
dogme et on imposera la culture de la personnalité du maire. On neutralisera
la pensée critique et le sens de l’initiative afin de récompenser plutôt les
fidèles et dociles employés via de généreuses conventions collectives, des
promotions alignées sur la collaboration, une importante tolérance aux
écarts de conduite et au peu de productivité.
Nos répondants pensent que le peu de communication interne, le
manque de transparence et de mémoire institutionnelle archivée, ainsi que
le brouillage des responsabilités et de l’imputabilité constituent des facteurs
de risque importants, ouvrant toute grande la porte aux systèmes de
délinquance.
En ce qui concerne la gestion, dans un système de déviance, on rejette
toutes les idées modernes défendant la planification afin de favoriser les
négociations de proximité entre le maire et les entrepreneurs. On valorisera
cette gestion chaude et directe plutôt que l’administration froide de la
bureaucratie. Cette gestion centralisée aime détester les technocrates,
c’est pourquoi elle écarte complètement les cadres intermédiaires du proces-
sus décisionnel et instrumentalise le savoir des professionnels. L’absence de
planification permet de prendre des décisions surprenantes, mais légitimes,
puisqu’il n’y a pas de plan de travail préétabli. Cela se retrouve aussi en
relation avec le maintien a minima du cadre normatif de gouvernance.
Lorsqu’il n’y a pas de normes pour interdire des décisions ou pour
obliger des actions, l’horizon d’action publique s’en trouve beaucoup
plus large pour le maire. Une telle culture de gestion permet au Comité
exécutif d’avoir très peu de comptes à rendre pour justifier ses décisions
et ses actions tout en lui permettant surtout d’agir en toute impunité, car
ce qui n’est pas normé n’engendre pas de transgression. Le génie des res-
ponsables des systèmes de délinquance réside dans leur capacité de
détourner les fonds publics de la façon la plus discrète possible.
À ce niveau, notre approche offre une opportunité d’analyse
intéressante, car elle nous permet de remettre en question des décisions et
des actions qui sont certes légales et légitimes, mais qui soulèvent des
doutes en ce qui concerne l’éthique publique.

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326 YVES BOISVERT

Réflexion sur les stratégies d’atténuation


Nous pensons que nos résultats de la troisième colonne rejoignent, voire
dépassent, les constats faits par Six et Lawton (2013), Huberts et Six
(2012) et Huberts et coll. (2008) dans leurs recherches dans l’univers de
la gouvernance municipale. Faut-il rappeler que ces analyses affirment
qu’il y aurait plusieurs facteurs positifs qui devraient être mieux
structurés pour créer un véritable système de gestion de l’intégrité au
niveau local? Dans cet esprit, nos résultats nous permettent de démontrer
clairement que l’intervention en matière de management des risques
éthiques doit reposer sur une diversité de stratégies qui touchent autant
les structures de gouvernance, la culture organisationnelle, la philosophie
et les stratégies de gestion que les instruments de régulation. Ces résultats
invalident complètement les prétentions de certains éthiciens ou experts
en éthique qui pensent que les problèmes d’ordre éthique ne peuvent se
résoudre qu’à travers des codes d’éthique ou des formations en éthique11.
Nos résultats invalident aussi l’approche du groupe PUMA de l’OCDE
(Boisvert, 2011) qui, au tournant des années 1990 et 2000, faisait la promo-
tion de l’infrastructure de l’éthique qui incluait tant des dispositifs
d’autorégulation que des stratégies d’hétérorégulation (Boisvert, 2009).
Nos résultats semblent démontrer que les meilleures stratégies
d’atténuation des risques éthiques sont celles qui s’attaquent directement
aux facteurs de risque identifiés. Ce constat s’explique parce que les
acteurs organisationnels se sentent beaucoup plus compétents pour interve-
nir sur des facteurs de gestion et de gouvernance que sur les dimensions
psychologiques.
Si on regarde de plus près les stratégies d’atténuation proposées ou
défendues par nos répondants, on se rend bien compte que les propositions
reposent d’abord sur l’importance de promouvoir un changement radical
dans la culture de gouvernance. Les propositions formulées vont de la
nécessité de changer la culture du travail et la culture de gestion, en
passant par l’élaboration de politiques d’intégrité et par la révision
complète des politiques et procédures de dotation et de promotion. Il faut
également transformer la culture des relations entretenues avec les parties
prenantes afin de briser le réflexe de la proximité et la généralisation des
conflits d’intérêts.
On pense aussi à la nécessité de revoir la structure et la culture de
gestion des marchés publics à travers la création d’un service centralisé et
spécialisé. Pour les répondants, il est essentiel de remettre la gestion des
marchés publics dans les mains d’experts qui connaissent les meilleures
pratiques et procédures pour obtenir les meilleurs produits et services au
meilleur prix, dans le respect de l’équité et de l’intégrité. Cela exige, bien
sûr, que l’organisation soit prête à revoir complètement son design institu-
tionnel et sa dynamique transactionnelle avec les fournisseurs.

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L’Analyse Des Risques Éthiques 327

La promotion des stratégies croisées fait aussi consensus. Celles-ci


concernent autant les logiques de gestion des ressources humaines, d’acqui-
sitions de services, et de régulation des partenaires que de la gestion secto-
rielle. Ces stratégies passent notamment par l’embauche d’experts dans tous
les services sensibles afin de recréer une masse critique à l’interne pour
être en mesure de mieux surveiller et encadrer les fournisseurs de biens et
de services et les entrepreneurs qui développent le territoire. Cette
stratégie d’embauche confirme la nécessité de revoir le rôle de régulation
des administrations municipales de manière à le rendre plus performant.
Qui dit renforcement de la régulation, dit aussi nécessairement renforce-
ment du cadre normatif. Pour nos répondants, les municipalités doivent
se donner un cadre normatif complet qui permet de prendre des décisions
justes et équitables. Le cadre normatif doit aussi permettre de baliser la
marge de manœuvre des agents publics responsables de décisions
névralgiques et sensibles pour le développement du territoire et pour la
protection de l’intérêt public.
Pour les cadres intermédiaires et opérationnels, l’une des stratégies
d’atténuation des risques éthiques prioritaires est assurément le déploiement
d’une « muraille de Chine » pour garder le politique à distance de l’admi-
nistration municipale. La mise en place d’un canal de communication
unique pour les élus pourrait être une stratégie à adopter, car elle obligerait
ces derniers à s’adresser uniquement à la direction générale afin de commu-
niquer ses attentes, et c’est cette dernière qui serait chargée de valider la
recevabilité ou non de la demande politique. Une telle structuration de la
communication politique exige un changement culturel important chez cer-
tains élus, mais se traduit par une plus-value certaine du côté de l’adminis-
tration municipale, qui peut recommencer à travailler en fonction de ses
compétences réelles. Il faut, bien sûr, compter sur des organismes de
régulation indépendants, comme le vérificateur général, l’ombudsman et
un bureau de l’éthique et de l’intégrité pour mettre une saine pression sur
les agents publics afin qu’ils réalignent leurs conduites et mettent
l’intégrité au cœur de leurs priorités.
Même si nos répondants se font discrets sur le volet politique, ils
pensent qu’une démocratie municipale plus dynamique limiterait beaucoup
la dérive vers de petits régimes autoritaires qui gouvernent la ville comme
s’il s’agissait d’une entreprise familiale.

CONCLUSION
Si, sociologiquement parlant, De Blic et Lemieux ont raison de dire que le
scandale « donne lieu, souvent, à des refontes organisationnelles, à la pro-
duction de nouveaux dispositifs légaux » (De Blic et Lemieux, 2005), le
regard de l’éthique publique nous amène à remettre en question la

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328 YVES BOISVERT

pertinence et l’efficience des actions publiques précipitées, qui cherchent à


étouffer les scandales et à répondre à la crise de confiance. L’analyse des
actions publiques qui se fait trop souvent de façon précipitée pour fermer
le cycle d’un scandale nous fait comprendre que les responsables politiques
ne cherchent pas à régler réellement le problème public (Gusfield, 2009) qui
est à la base du scandale. Dans la recherche que nous avons menée au milieu
des années 2000 (Boisvert, 2011), nous avons démontré que les dispositifs
dits éthiques ne sont pas nécessairement les stratégies de gestion des risques
éthiques les plus efficaces pour faire diminuer les conduites problématiques
qui se déploient un peu partout dans nos organisations publiques. Les poli-
tologues français, François et Phélippeau, vont dans le même sens que nous
lorsqu’ils affirment que les « politiques éthiques » et leurs infrastructures
relèvent plus de la gestion symbolique que de l’efficience (François et
Phélippeau, 2015).
Dans un texte plus récent, nous avons poussé plus loin notre critique de
cette réactivité des acteurs politiques en affirmant que malheureusement la
plupart des dispositifs éthiques, mis en place précipitamment par les élus
lorsqu’ils sont pris dans le tourbillon médiatique des scandales, servent
surtout à faire diversion pour maintenir uniquement un lien de confiance
avec la population. De façon plus directe, nous pensons que ces dispositifs
éthiques proposés par les parlementaires ne règlent pas vraiment les
problèmes publics à la base des crises qui dégénèrent en scandale via la
déferlante médiatique. La mise en place de ces dispositifs éthiques sert
plus à gérer superficiellement les crises politiques dans une perspective
de marketing politique qu’à atténuer réellement les risques éthiques
identifiés lors de la crise (Boisvert, 2014). Nos recherches sur l’institution-
nalisation de l’éthique dans les organisations publiques nous ont également
démontré que c’est trop souvent de façon réactive (à la suite d’une crise ou
d’un scandale) que les organisations proposent de mettre en place des dis-
positifs éthiques; très peu de prévention est faite dans ces organisations. Ces
dispositifs sont essentiellement développés pour réguler le comportement
individuel des fonctionnaires. Ils sont plutôt timides en matière de
gestion des comportements des élus et ils ne permettent pas de gérer les
problèmes systémiques relevant de la culture ou de la structure de
l’organisation.
Les résultats de notre présente étude sur le diagnostic des risques
éthiques dans le domaine de la gouvernance municipale nous amènent
plus loin en ce qui concerne l’analyse des meilleures stratégies à déployer
pour atténuer les risques éthiques dans les organisations publiques. En
effet, les résultats de la troisième colonne de nos tableaux montrent bien
que le meilleur plan de travail en ce qui concerne le management des
risques éthiques se développe toujours à partir d’une pluralité de
stratégies d’atténuation des risques éthiques. Ainsi, des stratégies d’action
doivent être élaborées tant par rapport au changement de la culture

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L’Analyse Des Risques Éthiques 329

organisationnelle et des sous-cultures professionnelles, que par rapport au


développement de nouvelles orientations de gestion et de nouveaux outils
de gestion, ainsi que par rapport au design institutionnel et de la reconfigu-
ration des structures, du cadre normatif et des dispositifs de régulation.
Cette vision confirme des propositions faites par certains de nos
collègues américains qui se sont intéressés à la lutte à la corruption
(Anechiarico et Jacobs, 1994).
Nos résultats nous obligent donc à réaligner nos regards analytiques
puisqu’ils nous amènent à reconnaître de facto que les problèmes d’ordre
éthique ne peuvent pas trouver des solutions uniquement dans les dispositifs
dits éthiques ou dans les instances de régulation des comportements. En
effet, nos résultats démontrent bien que la présence de transgressions
dans nos organisations ne peut pas être comprise comme le simple fait d’in-
dividus incompétents en ce qui concerne l’éthique professionnelle, puisque
ces transgressions peuvent aussi être le produit d’un environnement
déficient et d’institutions corrompues (Néron, 2014).
Nos résultats vont donc dans le sens de la stratégie de la promotion des
cadres d’intégrité, telle que proposée par l’OCDE en 200912. Ces cadres
d’intégrité doivent, selon l’institution internationale, reposer sur une
pluralité d’interventions (prévention, promotion, coordination) et une
mise en commun et un développement complémentaire des ressources exi-
stantes dans l’organisation publique (instruments, processus et structures).
Ces cadres d’intégrité confirment la nécessité de dépasser la logique de l’in-
frastructure de l’éthique, développée par le groupe PUMA de cette institu-
tion parisienne (OCDE, 1997) à la fin des années 1990 et par Pope à la
même époque (Pope, 2000), afin de multiplier les stratégies d’intervention.
Il est important ici de noter qu’une grande partie des stratégies
présentées par nos répondants comme étant les meilleures stratégies
d’atténuation des risques éthiques pour répondre à une crise ont déjà été
mises en place ou mises en chantier de développement par la nouvelle admi-
nistration lavalloise. Ce fait est intéressant, car il démontre à quel point les
membres d’une organisation sont capables de reconnaître les bonnes
stratégies avancées par les nouvelles équipes mandatées pour gérer la
crise. Pour reprendre un thème cher à notre collègue Lyse Langlois, on
peut dire que ce constat confirme qu’il y a une reconnaissance collective
importante du leadership éthique assumé par la nouvelle équipe de direction
de la ville (Langlois, 2008). Si on se fie à nos résultats, les membres de la
direction générale auraient assumé le leadership stratégique pour finaliser la
gestion de la crise13 (Pauchant et Mitroff, 2001), mais ils ont surtout
proposé une vision claire avec un plan de travail précis (les chantiers14)
et ont su insuffler une culture du changement qui a mobilisé les cadres
intermédiaires. Ainsi, nous croyons que cette étude exploratoire nous
permet de conclure que notre perspective d’analyse, orientée vers les diag-
nostics des risques éthiques et les stratégies d’atténuation de ces derniers,

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330 YVES BOISVERT

ouvre de nouveaux horizons fort intéressants pour la poursuite des travaux


en éthique organisationnelle. Il faut, selon nous, pousser plus loin le travail
d’exploration que nous avons amorcé. Nous espérons donc refaire une
expérience similaire dans d’autres organisations publiques ayant connu
des perturbations liées à des scandales.

Notes
1 Cette recherche a été réalisée dans le cadre du projet CRSH-développement de partena-
riat : Mobilisation des connaissances et réflexivité normative pour la modélisation des
meilleures pratiques managériales municipales, dirigé par le professeur Gérard Divay
et développé en partenariat avec la Ville de Laval. Nous voulons souligner ici tout le
sérieux que nous avons ressenti de la part de la direction générale de la Ville de
Laval, ainsi que la générosité et la franchise de la part de nos répondants issus de
tous les niveaux de l’organisation. C’est en menant des études qualitatives comme
celle-ci que l’on peut voir à quel point les employés du service public sont engagés à
l’égard de la mission de leur organisation.
2 Faut-il le rappeler, l’administration municipale lavalloise est profondément ébranlée
lorsque, le 9 mai 2013, l’Unité permanente anticorruption (UPAC) arrête l’ancien
maire Gilles Vaillancourt pour des accusations de fraude, corruption, complot, posses-
sion et recyclage de produits de la criminalité. Cette dernière accusation est celle qui a
marqué le plus l’imaginaire québécois, car c’était la première fois au Québec qu’un
dossier de corruption était traité comme une affaire de gangstérisme, soit une accusation
que l’on réserve habituellement à la mafia ou à un autre groupe criminalisé. Il faut dire
que l’ancien maire ne fut pas seul à être arrêté dans le cadre de cette rafle policière; 37
coaccusés se sont vus passer les menottes. Parmi eux, deux anciens gestionnaires publics
de la Ville, Claude Deguise et Claude Asselin, ainsi que l’ancien agent officiel du parti
politique du maire, Me Jean Bertrand. En parallèle à cette vague d’arrestations, le direc-
teur général de la Ville de Laval, Gaëtan Turbide, et son directeur général adjoint, Jean
Roberge, sont suspendus de leurs fonctions au début du mois de mai, alors que le 31 mai
2013, le ministre des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire
du Québec, Sylvain Gaudreault, décide de mettre la Ville sous tutelle.
3 Pour l’équipe de Huberts et coll. (2008), il y aurait neuf facteurs à analyser pour pouvoir
évaluer la qualité du système d’intégrité, soit : 1) les acteurs appartenant au système, 2)
le contexte de régulation, 3) la portée du système, 4) la définition de l’intégrité, 5) la
position et le rôle de l’agence centrale locale traitant des questions d’intégrité, 6) la
présence d’approches fondées sur les valeurs et l’observation, 7) la présence de
contre-pouvoirs, qu’ils soient internes ou externes au gouvernement local, 8) un appui
politique et public au système de régulation et 9) l’efficacité du système.
4 J’aimerais souligner ici le travail exceptionnel de mes collaboratrices pour ces différents
chantiers : Diane Crépault (dossier policier), Marie-Ève Bouthillier (dossier santé) et
Annabelle Caron (dossier éducation).
5 Les rencontres ont duré entre 50 minutes et 2 h 40, pour une moyenne de 1 h 40, et elles
ont été enregistrées à l’aide d’un capteur audio. Nous avons nous-mêmes sélectionné et
contacté nos acteurs stratégiques.
6 En ce qui concerne les groupes de discussion, deux limites sont à prendre en considération
: à cause des contraintes liées aux conventions collectives et aux réalités de gestion (les
participants devaient être en surtemps ou en temps de travail, ce qui nécessitait des rem-
placements ou le remboursement des heures supplémentaires), ce sont nos partenaires ins-
titutionnels qui ont sélectionné les répondants. Ce point pourrait être considéré comme une
limite par certains chercheurs, mais représente une réalité incontournable pour les

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L’Analyse Des Risques Éthiques 331

recherches empiriques en milieu organisationnel. Il faut préciser ici que nous n’avons pas
eu de participant venant du Service de l’urbanisme (un enjeu de négociation collective est
à l’origine de cette limite), ce qui nous a assurément privés de certaines informations sen-
sibles à ce secteur.
7 Conscients qu’un sujet comme l’éthique demeure sensible, nous avons accordé beau-
coup d’importance à la question de la confidentialité.
8 Voir à ce sujet : Glaser et Strauss (2010).
9 La théorie de la pomme pourrie, qui tente de faire porter toute la responsabilité de la
dérive sur un bouc émissaire coupable de délinquance afin d’éviter que l’on découvre
la dimension systémique de la transgression, est une fois de plus invalidée par notre
étude.
10 Les études de Pope (2000) et celle d’Anechiarico et Jacobs (1994) ont déjà démontré que
la simple répression ne fonctionne pas.
11 Comme nous l’avons évoqué plus haut, c’est pour cette stratégie simpliste qu’a opté
l’Assemblée nationale du Québec en 2010 en adoptant le projet de loi 109, Loi sur
l’éthique et la déontologie en matière municipale. Cette loi prévoyait essentiellement
trois choses : l’obligation de développer un code d’éthique et de déontologie pour les
élus, une formation pour les élus et la possibilité, pour les notaires et avocats
spécialisés en droit municipal, de s’inscrire comme conseillers en éthique auprès du
ministère responsable des Affaires municipales.
12 Cette nouvelle proposition de l’OCDE est en rupture avec celle de la promotion des
infrastructures de l’éthique, qui avait été faite à la fin des années 1990.
13 Il faut préciser ici que le travail de gestion de la crise a débuté avec la tutelle imposée par
le ministère des Affaires municipales en juin 2013.
14 Voir à ce sujet le rapport publié dans le cadre de l’Entente de partenariat entre l’ENAP et
la Ville de Laval (Divay et coll., 2016).

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