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Edouard Alexander CROWLEY.

1875-1947
« Fais ce que tu voudras sera la seule et unique loi »

Il ne s’agit pas ici de faire une biographie détaillée,


fouillée de celui qui fut vilipendé maudit ou admiré, nous allons
seulement nous efforcer dans un lapse de temps mesuré de
cerner quelques traits forts de la vie de ce personnage, à la
manière de cette ébauche érotique brute de ciseau, Balzac en
érection, d‘ Auguste Rodin, ami de Crowley, et qui fut elle aussi
objet de scandale. Il faudra nous efforcer malgré bien des
obstacles, des réticences, de saisir le ton, le langage et la
pensée du personnage !
Crowley, étrange personnage, hors du
commun, et quelques soient les jugements par trop
réducteurs et faciles qui ont été portés sur lui, sont
encore portés sur sa personne, il fut un témoin
extraordinaire de son temps et un acteur de celui-ci
tout à fait hors du commun. C’est un personnage à
multiples facettes, un véritable Illuminé au sens du XVIIIs. Il fut tout à la fois
peintre, astrologue, visionnaire, poète, écrivain, linguiste, auteur de théâtre.
C’est au cours de deux séjours en Russie qu’il va rédiger des textes célèbres, la
« Messe Gnostique, Hymne à Pan, et la Cité de Dieu ». La Maçonnerie le
passionnera. Il sera initié en 1904 au sein de la Loge Bleue anglo-saxonne N°
343 à Paris. Il signera sous divers noms de nombreux articles dans les journaux.
Il touche à la politique, peut-être fut-il espion… double, voir triple ! Outre tout
cela ce fut un sportif passionné d’alpinisme, il fait plusieurs « premières », en
Ecosse, dans les Alpes, au Mexique, et au Tibet, Il faut ajouter que c’est un
brillant joueur d’Echecs. Si il fut grand amateur de femmes, il n’en eût pas
moins un penchant marqué pour les hommes. Ses ennemis parlent également de
pédophilie. Il couronne tout cela par un humour délirant et provocateur ! Il
s’avère que beaucoup considère ce Mage qu’il se proclame être en 1915, comme
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le Père du Satanisme moderne. En fait Aleister Crowley ne doit pas être vu


vraiment comme un Sataniste mais plutôt comme un Luciférien, un authentique
« Porteur de Lumière » glorifiant la révolte prométhéenne. Robert Amadou dira
qu’il fut le « plus grand Mage des Temps modernes sur toute la planète ».
Quelques soient les sentiments que l’on puisse nourrir à son égard, le
personnage ne peut pas laisser indifférent. Etudier Crowley c’est entrevoir tous
les mouvements initiatiques de son temps sur toute la Planète. Il sera initié sur
les 5 Continents aux plus hauts grades des Sociétés Secrètes. Il fut également le
théoricien et le praticien de sa propre Magie qu’il orthographiait dans sa forme
archaïque : « Magick ». Il la concevait comme la méthode essentielle pour
atteindre la Connaissance et pour communiquer avec son Saint Ange Gardien.
« La Magick est la science de la compréhension de soi et de ses conditions. Elle
est l’art de mettre cette compréhension en action » « Chaque homme doit faire
de la magick la note dominante de sa vie. Il doit étudier ses lois et vivre selon
elles ». Il entendait rénover cette science selon sa vision propre à travers des
rituels rigoureux lesquels furent jugés par beaucoup comme sulfureux, noirs,
cette opinion n’est guère étonnante puisqu’elle visait un domaine encore tabou à
l’époque, la sexualité, une sexualité qu’il préconisait intense pour arriver selon
lui à la vie spirituelle. Il s’agissait de parvenir à retourner l’énergie cosmique qui
était masquée derrière la sexualité, pour se faire, Crowley introduit à la place de
la jouissance habituelle une extase divine obtenue
par un procédé tantrique associé à des rituels précis.
« La joie de vivre consiste à exercer ses énergies en
une croissance continuelle, en un changement
incessant et en jouissant de toute expérience
nouvelle. S’arrêter signifie tout simplement mourir.
L’éternelle erreur de l’humanité est de se fixer un
idéal accessible ». On dit que l’alchimiste Nicolas
Flamel connaissait la pratique du tantrisme et qu’il
avait choisi de le pratiquer avec son épouse
Pernelle. Crowley aura beaucoup essayé (!) avec
ses nombreuses « femmes écarlates » Son
biographe John Symonds dit que pour lui « le sexe était devenu le moyen
d’atteindre Dieu… Il accomplissait l’acte sexuel non pour des joies émotives ou
des fins procréatrices, mais pour renouveler sa force psychique. Il estimait
rendre ainsi un culte au dieu Pan ». L’usage du sexe sous toutes ses formes,
hétéro, homosexuel, ou solitaire, même s’il devait conduire à des buts magiques
fut à l’origine du parfum de scandale qui enveloppa Crowley. Et pourtant
l’approche thélèmite du sujet est curieusement chaste ! « L’acte sexuel étant un
sacrement, il reste à voir sous quels rapports cette proposition restreint l’emploi
des organes, car dans ce cas les organes deviennent sacrés, Admettez sa
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fonction religieuse et vous devrez aussitôt stipuler que l’acte ne doit pas être
profané. […] Cet acte doit être le sacrement d’une cérémonie religieuse et
accompli pour l’amour de Dieu ». […] Toutes déviations est de la Magie noire,
cela est cependant licite si cette opération est un préliminaire à la grande
œuvre ».
« Le rituel sexuel avec rapport » est un très ancien concept aussi vieux que
l’humanité elle-même, c’est un rite puissant chargé par l’intensité du rapport qui
peut provoquer de graves désordres chez un couple qui n’est pas préparé à vivre
un tel cérémonial.
Crowley laissera derrière lui un corpus fondamental de textes essentiels
dont le « Liber Legis » qui formeront la clé de voûte de son système magique.
Arrêtons-nous ici, sur la langue d’Enoch, langue magique et spirituelle
dite des Anges, dont Crowley semble avoir eu le secret révélé. Mais rappelons
qui était le mythique Enoch : c’est le père de Mathusalem, à qui il transmit les
secrets de la Création du Monde lors de son enlèvement au Ciel. il vécut sur
terre trois cent soixante cinq ans, ce qui est peu pour un Patriarche, il est dit qu’il
marchait et dialoguait avec Dieu et que celui-ci l’enleva hors
du monde, qu’il est toujours vivant, et qu’il reviendra sur
Terre avant le Jugement dernier pour s’opposer à l’antéchrist.
La langue d’Enoch possède son propre alphabet, ne comporte
ni grammaire, ni vocabulaire, ni prononciation. Son alphabet
fut retrouvé en même temps que des indications de rituels
magiques dans des carnets de notes de deux occultistes et
alchimistes anglais, John Dee (1527-1608) et Edward Kelley,
parfois nommé Edward Talbot (1555-1595) qui soutiendra jusqu’à la fin de sa
vie qu’il était parvenu à communiquer avec les Anges, ce qui n’est pas sans faire
penser au suédois Swedenborg ! Crowley se disait être la réincarnation de
Kelley. Le graphisme de cet alphabet présente certaines similitudes avec
l’alphabet sumérien remontant à 6000 av. J. C… C’est une langue qui n’est pas
en usage sur terre, elle n’est pas construite au sens où nous l’entendons, elle
n’est en aucune façon un changement d’alphabet à partir d’une langue existante,
non, elle serait la langue utilisée par les Anges, celle des hommes d’avant la
Tour de Babel. Je suis intimement persuadé que des personnages comme le
mystérieux Jacob Boehm, l’étrange et insaisissable Martines de Pasqually, le
comte de Saint Germain, Cagliostro, Dom Pernetty, Weishaupt, Falck, l’Abbé
Fournier, dans une moindre part peut-être, Louis Claude de Saint Martin,
d’autres, Best, Jane Lead ont eu connaissance, et fait usage de certaines de ces
notes pour invoquer « La Chose », dialoguer avec les Anges. Martinès de
Pasqually attribuait une origine mythique à l’Ordre des Elus coëns évoquant des
connaissances venant d’Enoch, connaissances transmises par un ange, dès
l’origine du Monde à Seth, le troisième enfant d’Adam. Quelques soient les
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comportements de ces « missionnés » ils rendent témoignage d’une mission dont


ils sont les porteurs.
Aleister Crowley resta enfant unique, il naquit le 12 octobre 1875 à
Leamington, WarwickShire, banlieue industrielle de Manchester, dans une
famille qui appartenait à une secte protestante indépendante, intransigeante et
puritaine, les Darbystes. Sa mère qui était d’origine irlandaise ne lui témoigna
jamais la moindre affection, il ne lui pardonnera jamais cette attitude de
froideur, sa monstrueuse insensibilité, son rigorisme étouffant. Enfant il n’eût ni
jouet, ni la moindre distraction, comme seule lecture il avait la Bible qu’il devait
apprendre par cœur. De la Bible il ne retenait que les passages sanglants, mais
c’est surtout l’Apocalypse de Jean qui le fascinait: la Grande Bête à Sept Têtes
et dix cornes hantait ses nuits. La moindre peccadille l’exposait à de sévères
châtiments, sa mère n’avait à la bouche que menaces de l’Enfer. C’est
certainement en réaction à la souffrance de sa jeunesse qu’il ne cessera de
condamner toute discipline imposée et toute obéissance passive, et prendra en
haine le christianisme. Alick c’est le surnom que lui donne sa mère, le compare
à la « Bête de l’Apocalypse » lorsqu’il se rebelle contre le fanatisme religieux
familiale, les injustices dont il est la victime. Il se surnomme lui même avec une
certaine délectation, « la Bête de l’Apocalypse » ou « la grande Bête 666 », il
considérera sa mère comme une « brainless » (bigote insensée). Son père était
un riche brasseur qui avait pris sa retraite à 40 ans. Alick le perd alors qu’il a 11
ans, il est placé en tutelle chez un oncle qui l’envoie en pension à Cambridge
dans une Institution dirigée par la « Confrérie de Plymouth » où il sera un
brillant élève, surdoué même. Sa santé est fragile, les maladies se succèdent. Il
gardera le reste de ses jours un souvenir horrifié de ce séjour dans cette
Institution dont son oncle le retirera quand il aura 16 ans en raison de ses
problèmes de santé. Cette décision allait avoir des conséquences incalculables
sur son avenir. On lui donna comme précepteur un certain Archibald Douglas,
ancien missionnaire de la « Bible Society » qui avait la réputation d’être un
protestant rigoriste, mais qui en fait avait perdu la Foi et cachait bien son jeu, il
était hédoniste et cynique. Prenant son élève en amitié il va l’initier aux jeux, à
l’alcool, aux drogues, dont il ne pourra jamais plus se
passer à force d’étudier leurs possibilités initiatiques, et
aux femmes. A vingt ans, nous sommes alors en 1895 il
s’inscrit au « Trinity College » d’Oxford en section
« Philosophie ». Il y assouvit sa passion pour la Magie
et la Poésie, il correspond dit-on en cachette avec
Arthur Edward Waite avec lequel il se liera plus tard et
se fâchera.
C’est le 31 décembre 1896 qu’un « message » lui est
envoyé sous une forme mystique, il a l’impression dit-il « que les liens de son
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âme se dénouent » et que « l’Esprit saint, omnipotent, omniscient et


omniprésent, fleurit dans son âme comme si l’entière force de l’univers y était
concentré et s’y manifestait sous la forme d’une rose ». Etait-ce une
manifestation de celui qu’il identifiera un jour comme étant son Ange gardien,
autrefois être humain ayant accédé depuis sa dernière désincarnation au rang de
Maître cosmique ? En 1897 sa mère décédant une fortune considérable lui
échoit. Pour marquer son émancipation il adopte le prénom gaëlique d’Aleister,
transcription d’Alexandre. et vit alors fastueusement et d’une manière assez
dissolue. Il a déjà publié un premier recueil de vers intitulé « Aceldama » qui lui
vaut d’être comparé d’emblée à Baudelaire et à Swinburne. Six autres recueils
paraîtront peu après, dont un sera nettement pornographique. A 23 ans, il fait
l’expérience de son homosexualité, ses conquêtes féminines n’en sont pas moins
nombreuses et tumultueuses; bel homme, athlétique, il séduit ne laisse aucune
femme… ou homme insensibles.
En décembre 1898, il devient membre de « l’Ordre Hermétique de
l’Aube Dorée » autrement dit de la « Golden Dawn » où il porta le hiéronymite
de « Frater Perdurabo » (« Je persévérerai »), il est élevé au grade de Zelator.
Il avait dit-il depuis un certain temps l’intuition qu’il pourrait éveiller des parties
occultées de lui-même via la magie. C’est Samuel Liddell Mathers qui veille
personnellement à son ascension dans les degrés de la hiérarchie de l’Ordre pour
atteindre le niveau initiatique au delà duquel devront se dévoiler le travail des
Maîtres cosmiques et les merveilles des plans invisibles. Pour atteindre ce
niveau initiatique il doit réaliser la grande Opération magique décrite dans un
grimoire intitulé « Livre d’Abramelin le Mage ». A cet effet, disons, pour avoir
les coudées franches Aleister fait l’acquisition d’un somptueux manoir:
« Boleskine » à proximité du Loch Ness, il s’entoure d’une nombreuse
domesticité, il se fait appeler « Laird of Boleskine ». On raconte dans les salons
que la nuit il dansait avec des démons. Parallèlement il loue à Londres, dans la
City, un appartement sous le nom de Comte Vladimir Svareff et y transforme
deux pièces en oratoires occultes. Réussit-il la grande Opération du Mage
Abremelin ? Nul ne le sait mais Crowley n’hésitera pas à parler d’étranges
phénomènes qui émailleront longtemps son existence. Dix huit mois après son
entrée à la Golden Dawn, à la suite de querelles, de jalousies et de schismes, il
quitte, son ascension trop rapide dérange. Ecoeuré il quitte son manoir et son
appartement de la City et va voyager de 1900 à 1902. Il va sillonner incognito
l’Inde déguisé en mendiant, puis Ceylan où il va pratiquer intensivement le
Yoga avec son ami Allan Benett ex-membre de l’Aube Dorée qui est devenu
moine bouddhiste, puis c’est le Japon, et, retour en Europe. A Paris il est
introduit dans les milieux artistiques où il devient entre autre l’ami de Rodin,
Rilke, Somerset Maugham et de tous ceux qui participent au rayonnement
intellectuel de la Capitale. Retour à Londres en 1903, il a le coup de foudre pour
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Rose la sœur de son ami Gérald Kelly. Ils se marient sur le champ, cette union
déclanche la colère de toute la famille Kelly. Lune de miel à Paris qui se
prolonge de plusieurs mois en Extrême Orient. Puis le jeune couple gagne
l’Egypte où Crowley envisage de procéder à une grandiose opération magique:
l’invocation de Thot le dieu à tête d’Ibis dans la chambre royale de la Grande
Pyramide. A peine arrivée au Caire, Rose est prise de malaises, elle est enceinte
de la « Bête ». Tout à la joie de cette nouvelle ils décident de faire l’amour dans
les ténèbres de la « Chambre du Roi » au cœur de la Grande Pyramide.
L’heureux père annonce que se sera une fille qu’ils prénommeront « Nui Ma
Ahatoor Hecate Sappho Jezebel Lilith » qui deviendra « Poupée » dans
l’intimité. Quant à Crowley il prend le nom de Prince « Hiwa Khan », et Rose
sera « Ouarda ». Hiwa Khan décide de procéder à l’invocation préliminaire du
Temple de Salomon, et Rose entre subitement en transe et par sa bouche une
entité lui explique le rituel d’invocation du dieu Horus et dicte à Crowley le
« Livre de la Loi »: « Liber Al vel Legis ». L’opuscule comprendra trois
chapitres, écrits en 3 jours qui vont orienter de manière capitale l’existence
d’Hiwa Khan. Crowley prétend que l’auteur de ces textes n’est autre qu’une
entité qu’il nomme Aiwass et qu’il identifiera plus tard comme son Saint Ange
Gardien. C’est dans ce Livre qu’on trouve les « Commandements » qui énoncent
ce que devra être Thélème : « L’Amour est la Loi, l’Amour soumis à la
volonté » « Chaque homme et chaque femme est une étoile, rappelez-vous que
l’existence est une joie, que toutes les douleurs ne sont que des ombres […]
nous sommes tous libres, tous indépendants, tous rayonnants de gloire,
chacun étant un radieux univers ». Crowley jetait là la base d’une nouvelle
religion gnostique et messianique qui se caractérisait par la croyance en une
évolution de l’humanité par cycles. Il fait comprendre que cette Loi ne prône pas
un libre abandon aux caprices, aux passions égoïstes de l’individu, elle rejoint
l’éternelle injonction du perfectionnement intérieur, la libération spirituelle. Il a
la révélation d’avoir été choisi pour être le « Révélateur » de la nouvelle Ere, le
cycle d’Horus, remplaçant, celui lamentable du Christ. Plusieurs années après
Crowley ajoutera une section à la fin du Livre, le «Commentaire de Ankh F N
Khonsu », où le Prophète défend toute étude et toute discussion du Livre. Rose
fragilisée par sa soudaine médiumnité va éprouver un violent choc quand elle
reconnaît au Boulak Muséum du Caire une stèle du dieu Horus
qui porte sur le catalogue le numéro 666.
Crowley s’applique à dire que la Grande Bête annoncée
dans l’Apocalypse n’est aucunement une puissance démoniaque,
mais le principe de destruction qui assure le passage d’un cycle à
un autre, elle est le déchireur du voile des ténèbres,
l’annonciateur d’une Aurore naissante, d’une Aube Dorée.
Crowley se proclame Tö Mega Therion, « la Grande Bête » et pour faire
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pendant à ce suprême dignitaire masculin, Rose est sacrée « Femme écarlate »,


référence à l’Apocalypse. Elle aura de nouvelles transes qui ébranleront
gravement son équilibre psychique, la mèneront à devenir alcoolique, à se
droguer, elle sera internée, elle tentera de tuer son mari au cours d’une crise de
delirium, ils divorceront en 1909.
Mais avant ce dénouement tragique, retour à Londres où Rose donne
naissance à leur fille. Tous trois de 1905 à 1906 vont voyager en Inde, en
Birmanie, en Chine du Sud et au Vietnam. Au retour Rose donnera à la Bête un
fils. Après leur séparation dramatique Aleister Crowley va connaître une suite
frénétique d’aventures amoureuses, plusieurs de ses compagnes recevront le titre
de « Femme écarlate ». Combien de naissances s’ensuivront ??
Il part au Sahara Algérien accompagné d’un membre de la Golden
Dawn, Victor Neuburg, qui est son amant du moment, ils pensent pouvoir
accomplir les « Travaux d’Apocalypse » sur un rituel énochien. A leur retour ils
dirent avoir eu un résultat extraordinaire, mais éprouvant. Crowley fonde un
nouvel Ordre Fraternel, « l’Astrum Argentinum » dont il sera le chef
autocratique. Aleister continue plus que jamais incantations et rituels magiques.
Au cours de l’année 1909 Crowley, « Maître Thérion » rencontre une
nouvelle « Femme écarlate » Leïla Waddell, jolie et brillante violoniste mais
surtout c’est une medium tout à fait extraordinaire, lui succédera en 1911 une
élève de la danseuse Isadora Duncan, Marie d’Este Sturges, médium
particulièrement douée elle aussi qui recevra des messages d’un certain Ab-ul-
Diz, enjoignant à son compagnon d’écrire un livre sur la Magie : le « Book
Four ».
Une organisation semi secrète qui se trouve à Berlin, « l’Ordo Templi
Orientis », qui a à sa tête Théodor Reuss, et qui se dit détenir les secrets
orientaux d’une maîtrise magique de l’énergie sexuelle entre en contact avec
Crowley. C’est un Ordre fraternelle qui reconnaîtra le premier les principes de
« La Loi de Théléma ». Crowley intronisé devient deux ans après chef de la
Section britannique de cette Organisation, dont le nom est « Mysteria Mystica
Maxima » ; il s’octroie le nom de « Baphomet ». Il est intéressant de constater
qu’appartinrent à l’O.T.O. des personnages comme Papus, Harvey Spencer
Lewis, Ron Hubbard fondateur de la Scientologie. Vers 1920, 1921 les rapports
entre Crowley et Reuss se tendent, menant Crowley à se proclamer le nouveau
« Chef Visible de l’Ordre ». Cette prétention est loin de faire l’unanimité dans le
groupe!
La « Grande Guerre » éclate, il quitte l’Europe et de 1915 à 1918 à New
York il anime des journaux, participe à des manifestations anti-britanniques !
Une certaine Presse à scandale va l’accuser d’avoir fait brûler vivantes, au cours
de cérémonies noires, des femmes, d’avoir bu le sang de jeunes enfants. Bien
entendu Crowley dément tout ce tissu de mensonges! Après la Guerre le
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gouvernement britannique l’accusera à tort ou à raison d’avoir été un Agent


sympathisant de l’Allemagne sur le sol américain. Il nie et affirme avoir été en
relation et en parfait accord durant cette période avec le chef de « l’Intelligence
Service » aux Etats-Unis. Il est courant de constater, il faut en convenir, qu’il
n’est pas rare que des adeptes de groupes ésotériques plus ou moins discrets
aient des accointances avec des réseaux de renseignements d’un peu tous les
bords ! De retour en France Crowley se voit bientôt reprocher par la Police
française des relations intimes avec un Infant d’Espagne et d’autres jeunes
garçons. Il est expulsé du territoire français par décret ministériel, il gagne le
Portugal.
En 1920 il décide de créer avec Leah Hirsing un « lieu de culte
crowleyen ». Il acquiert à Céfalù, en Sicile une vaste demeure en assez triste
état, qu’il baptise « Abbaye de Thélème ». Les pensionnaires ne dépassent guère
à la fois la quinzaine, les querelles de Femmes Ecarlates empoisonnent
rapidement l’atmosphère. C’est une succession de séances de magie, d’écriture,
de peinture de baignades dans le plus simple appareil. « Beauté et force, rire
éclatant et délicieuses langueurs, force et feu sont nôtres ». Des orgies
phénoménales s’y succèdent dit-on, où, s’y mélangent bien entendu sexe, drogue
et alcool. On n’hésite pas alentours à parler de « Bordel ésotérique » ! La Presse
ne l’oublie pas, la société bien pensante veille, s’acharne, et accuse carrément le
Maître de cannibalisme, de sacrifier des enfants. Sa fille préférée, « Poupée »
décède dans une clinique de Palerme, s’ajoute à ce deuil le décès accidentel
après un rite sanguinaire d’un des membres de la Communauté, c’est la fin de
Thélème. Crowley soupçonné de meurtre est expulsé d’Italie. l’Abbaye est
fermée. C’est l’errance à nouveau qui le mène avec sa compagne à La Marsa
dans la banlieue de Tunis où il tente de fonder sans succès un « Collegium
Hermeticum ».
Vengeance d’un « Elémental »? Choc en retour ? C’est la déchéance
physique, Aïass ne se manifeste plus malgré la présence à ses côtés d’une jeune
et belle jeune « Femme Ecarlate »: Dorothée Olsen, rencontrée à Chelles, dans
la banlieue parisienne qui va l’abandonner rapidement. Dans ce que nous
appellerons un dernier sursaut on le retrouve dans le Sud Tunisien puis en
Allemagne au moment où Hitler pourchasse magiciens et voyants… étrange, oui
étrange, il n’est pas inquiété malgré un violent contact avec les S.A. Il acquiert
une nouvelle Femme Ecarlate : Martha Kuenzel âgée de 19 ans, admiratrice
d’Hitler et qui prétendit plus tard avoir communiqué le « Liber Legis » au
Führer. Curieusement on en retrouve parait-il, en filigrane, les grands traits dans
les écrits d’Alfred Rosenberg, indépendamment des sources indiscutables
puisées chez Gobineau, Richard Wagner, Houston Stewart Chamberlain, Eugen
Dühring, Darwin.
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En 1939 Crowley se déclare ouvertement antinazi et en 1940, il ne


supporte plus ouvertement qu’on l’assimile à un agent de la cause allemande…
preuve… il fait parvenir à Churchill un talisman qui doit faire cesser les
bombardements allemands sur Londres et une formule magique qui doit assurer
la victoire ! Churchill oppose une fin de non recevoir.
Sa santé continue à s’altérer, il est l’ombre de ce qu’il a été, sa fortune a
fondu, sa dépendance à la drogue le torture, fragilisé il est moins insensible aux
attaques de la Presse populaire, même s’il s’efforce encore d’en sourire.
Il décède d’une crise cardiaque à Hastings le 1er décembre 1947. Ses
fidèles organisent des funérailles païennes qui font scandale, il est incinéré le 5 à
Brighton. On vient du monde entier rendre un dernier hommage à celui que
beaucoup ont chargé de tous les vices et qui a toujours proclamé qu’il s’était
voué au « Grand Œuvre », c'est-à-dire à l’Oeuvre de devenir un être spirituel.
« O corps que le péché rend pâle et beau !
O seins gonflés de venin par les serpents.
De la passion : leur froide bave souille et altère
Les fièvres qui brûlent l’âme, c’est par elles
Que les feux de l’enfer dans ton cœur commencent sur la terre » !

« Henry (Miller) est tombé sous le charme d’un vieil homme


remarquable, Aleister Crowley, un esprit fantastique, un peintre devenu fou à
Zurich, qui parle comme j’écris dans Alraune, un langage symbolique… Ce
vieil homme est venu nous voir, mais a refusé de me regarder. Il a dit que
j’étais un animal mystique, possédant un pouvoir, que j’étais âgée de plusieurs
milliers d’années, comme une lumière, incandescente, intimidante ; que
j’ensorcelais les âmes des hommes et qu’il n’osait pas me regarder dans les
yeux ».
Anaïs Nin.
§

Déclaration du Lord Chief of Justice d’Angleterre :


« Nous venons de perdre le personnage le plus immonde du Royaume
Uni ».
Sans commentaire !!
§

Un hommage qui rend justice à la « Bête » : Pierre Barrucaud, cité par


Roger Peyrefitte dans « Les Fils de la Lumière »:
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« J’ai assez étudié Crowley pour savoir qu’il était autre chose qu’un
fou et un obsédé sexuel. Peu d’hommes eurent une connaissance aussi
profonde que lui des religions, qu’il avait étudiées dans tous les pays du
monde et principalement en Asie. C’était un humaniste, plein de dons
littéraires, un homme qui croyait en l’homme et qui voyait la vie dans une
sensualité colorée, un maçon qui avait immolé la maçonnerie sur l’autel du
bizarre, une espèce de Gustave Moreau de l’occultisme.

Toulon le 28 Février 2007.

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