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Cours de Biodynamique et Enzymologie, IAA1 & CIGE1

(1re Partie Biodynamique)

2019-2020

Par Dr Patrice BOGNE KAMGA

Plan du cours

I- Vue d’ensemble du métabolisme et de l’approvisionnement en


carburants métaboliques

I.1- Importance biomédicale

I.2- Voies métaboliques des principaux produits de la digestion

I.3- Différents niveaux d’organisation des voies métaboliques

1.4- Interconversion des carburants métaboliques

I.5- Apport en carburants métaboliques

I-Vue d’ensemble du métabolisme et de l’approvisionnement en carburants


métaboliques

I.1- Importance biomédicale

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On utilise le terme de métabolisme pour décrire l’interconversion de composés chimiques
dans l’organisme, les voies utilisées par les différentes molécules, leurs interrelations et les
mécanismes qui contrôlent le flot des métabolites à travers ces voies.

Les voies métaboliques se divisent en trois catégories :

- Les voies anaboliques sont celles qui sont impliqués dans la synthèse de composés plus
gros et plus complexes à partir de précurseurs plus petits, par exemple, la synthèse de
protéines à partir d’acides aminés et la synthèse des réserves de triacylglycérol et de
glycogène, les voies anaboliques sont endothermiques ;
- Les voies cataboliques qui servent à détruire de grosses molécules, font généralement
intervenir des processus d’oxydation ; elles sont exothermiques, produisent des
équivalents réducteurs (NADPH) et de l’ATP, principalement via la chaîne respiratoire
;
- Les voies amphiboliques, comme par exemple, le cycle de l’acide citrique, apparaissent
aux « carrefours » du métabolisme et servent de liens entre les voies anaboliques et
cataboliques.

Une connaissance du métabolisme normal est une condition préalable à la compréhension


des anomalies à la base de maladies. Le métabolisme normal comprend l’adaptation aux
périodes de famine, d’exercice, de gestation et de lactation. Le métabolisme anormal peut être
causé par une carence alimentaire ou enzymatique, par une sécrétion anormale d’hormones ou
par l’action de médicaments ou de toxines.

Un être humain adulte de 70kg a besoin d’un apport énergétique métabolique quotidien
d’environ 10 à 12 MJ (2400 à 2900 Kcal). Les animaux de plus grande taille ont besoin de
moins et ceux de plus petite taille davantage par kg de poids corporel. Les enfants et les animaux
en phase de croissance ont des besoins proportionnellement plus importants pour couvrir les
coûts énergétiques de la croissance. Dans le cas des êtres humains, les besoins sont couverts par
les glucides (40 à 60%), des lipides (principalement des triacylglycérols, 30 à 40%) et des
protéines (10 à 15%), mais aussi par de l’alcool. La façon d’oxyder les glucides, les lipides et
les protéines st variable, elle dépend du fait que le sujet soit en phase de jeûne ou correctement
alimenté, et de l’intensité du travail physique.

Le besoin en carburants métaboliques est assez constant tout le long d’une journée du fait
que l’activité physique moyenne n’accroit l’activité métabolique que d’environ 40 à 50% au
dessus du taux métabolique basal. Pourtant la plupart des gens consomment leur ration
quotidienne de carburants métaboliques en deux à trois repas, de sorte qu’il faut constituer les
réserves de glucides (glycogène hépatique et musculaire) et de lipides (triacylglycérol du tissu
adipeux) durant la période qui suit un repas, afin de les utiliser durant les périodes où aucune
nourriture n’est absorbée.

Lorsque l’apport alimentaire de carburants métaboliques est nettement supérieur aux


dépenses d’énergie, le surplus est stocké, majoritairement sous forme de triacylglycérol dans le
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tissu adipeux, cela conduisant à développer une obésité et les dangers pour la santé qui y sont
associés. A l’inverse, lorsque les apports alimentaires sont constamment inférieurs aux dépenses
d’énergie, les réserves de lipides et de glucides sont négligeables et les acides aminés provenant
du recyclage des protéines sont utilisés dans le métabolisme pour fournir de l’énergie au lieu de
servir au remplacement des protéines, Il s’ensuit un amaigrissement, une fonte tissulaire
aboutissant à la mort.

En cas d’alimentation normale, après un repas, il y a un apport abondant de glucides et le


carburant normal pour la plupart des tissus est le glucose. En cas de jeûne, le glucose doit être
économisé pour être utilisé dans le système nerveux (lequel est très dépendant du glucose) et
les globules rouges (qui sont totalement dépendants du glucose). Par conséquent, les tissus
capables d’utiliser d’autres carburants que le glucose vont le faire ; le muscle et le foie oxydent
les acides gras et les synthétise, le foie synthétise les corps cétoniques à partir des acides gras
et les exporte vers les muscles et les autres tissus. Après épuisement des réserves de glycogène,
les acides aminés provenant du recyclage des protéines sont utilisés pour la néoglucogenèse.

La formation et l’utilisation des réserves de triacylglycérol et de glycogène ainsi que le taux


de capture et d’oxydation du glucose par les tissus sont en grande partie contrôlés par deux
hormones, l’insuline et le glucagon. Dans le diabète sucré, il y a soit un défaut de synthèse et
de sécrétion d’insuline (juvénile, ou diabète de type I), soit un défaut de sensibilité des tissus à
l’action de l’insuline (forme adulte, ou diabète de type II), cela conduit à de graves désordres
métaboliques.

I.2- Voies métaboliques des principaux produits de la digestion

La nature de l’alimentation est à la base du type de métabolisme. Il est nécessaire de


transformer les produits de la digestion des glucides, lipides et protéines alimentaires. Ces
produits sont respectivement surtout du glucose, des acides gras et du glycérol, et des acides
aminés. Chez les ruminants (et à moindre degré chez d’autres herbivores) la cellulose
alimentaire est digérée par des microorganismes symbiotiques pour donner des petits acides
gras (acide acétique, propionique, butyrique), et le métabolisme tissulaire chez ces animaux est
adapté à l’utilisation de ces acides gras comme principaux substrats. Tous ces produits de la
digestion sont métabolisés en un même composé, l’acétyl-CoA, lequel est alors oxydé par le
cycle de l’acide citrique (figure 1).

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Glucides Protéines Lipides

------------------------------------Digestion et absorption-----------------------------------

Glucides simples Acides aminés Acides gras

(Surtout glucose) + Glycérol


-----------------------Catabolisme-----------------------------------------------

Acétyl-CoA

(Ce cycle se déroule Cycle de


l’acide
citrique
dans la mitochondrie)
2CO2 2H ATP

Figure 1 : Vue d’ensemble des voies du catabolisme des glucides alimentaires, des protéines et
des lipides.

I.2. 1- Métabolisme des glucides

Le glucose est le principal carburant métabolique de la plupart des tissus (figure 2). Il est
métabolisé en pyruvate par la voie de la glycolyse. Les tissus aérobies métabolisent le pyruvate
en acétyl-CoA, qui peut entrer dans le cycle de l’acide citrique pour l’oxydation complète en
CO2 et en H2O, avec formation d’ATP par le processus de la phosphorylation oxydative. La
glycolyse peut s’effectuer en absence d’oxygène (anaérobie), et le lactate est alors le produit
final.

Le glucose et ses métabolites prennent aussi part à d’autres processus, par exemple
(1) La synthèse de son polymère de stockage, le glycogène, dans les muscles squelettiques et
le foie
(2) La voie des pentoses phosphates, une alternative à une partie des voies de la glycolyse.
Elle est une source d’équivalents réducteurs (NADPH) pour la synthèse des acides gras, et elle
fournit aussi du ribose, pour la synthèse des nucléotides et des acides nucléiques.
(3)Les trioses phosphates sont à l’origine de la partie glycérol des triacylglycérols.
(4) Le pyruvate et les intermédiaires du cycle de l’acide citrique fournissent les chaînons
carbonés pour la synthèse des acides aminés ; l’acétyl-CoA est le précurseur des acides aminés
et des acides gras et du cholestérol (et donc de tous les stéroïdes synthétisés dans l’organisme).

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La néoglucogenèse est le processus qui produit le glucose à partir des précurseurs non
glucidiques, comme le lactate, les acides aminés et le glycérol.

I.2.2. Métabolisme des lipides

Les lipides alimentaires, ou de la synthèse de novo à partir d’acétyl-CoA provenant des


glucides sont la source des acides gras à longue chaîne (figure 3). Les acides gras peuvent être
oxydés soit en acétyl-CoA (ß-oxydation) soit estérifiés avec le glycérol, en triacylglycérols
(graisse), qui constituent la principale réserve énergétique de l’organisme.

L’acétyl-CoA formé par la ß-oxydation peut avoir plusieurs destinés :

(1) Comme dans le cas de l’acétyl CoA provenant de la glycolyse, il est oxydé en CO 2 +
H2O via le cycle de l’acide citrique.
(2) C’est un précurseur pour la synthèse du cholestérol et d’autres stéroïdes.
(3) Dans le foie, il forme des corps cétoniques (acétoacétate et 3-hydroxybutyrate), qui
sont d’importantes sources énergétiques lors du jeûne prolongé.

I.2.3- Métabolisme des acides aminés


Les acides aminés sont nécessaires à la synthèse protéique (figure 4). Quelques uns doivent être
fournis spécifiquement dans l’alimentation (acides aminés essentiels), les tissus étant
incapables de les synthétiser. Les autres, ou acides aminés non essentiels, sont fournis par la
ration alimentaire, mais ils peuvent être formés à partir d’intermédiaires métaboliques par
transamination en utilisant l’azote aminé d’autres acides aminés. Après désamination, l’azote
aminé est excrété sous forme d’urée et les squelettes carbonés qui restent après la transamination
peuvent soit :
(1) Etre oxydés en CO2 via le cycle de l’acide citrique, (2)
Soit former du glucose (néoglucogenèse) ou encore
(3) Former des corps cétoniques.

Plusieurs acides aminés sont aussi des précurseurs d’autres composés ; entre autres, les
purines, les pyrimidines et des hormones telles que l’adrénaline, la thyroxine et des
neurotransmetteurs.

I.3- Différents niveaux d’organisation des voies métaboliques

Outre les études dans l’organisme entier, la localisation et l’intégration des voies
métaboliques ont été révélées par des études menées à des niveaux d’organisation inférieurs
c’est-à-dire :

(1) Au niveau des tissus et des organes, où la nature des substrats et des métabolites
pénétrant dans les tissus et des organes ou ceux sortant sont définis,
(2) Au niveau subcellulaire, où chaque organite cellulaire (par exemple la mitochondrie)
ou compartiment (par exemple le cytosol) joue des rôles spécifiques qui font partie d’un
profil subcellulaire des voies métaboliques.

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I.3.1- Niveau des tissus et des organes

Au niveau des tissus et des organes, la circulation sanguine intègre le métabolisme. Les acides
aminés provenant de la digestion des protéines alimentaires et le glucose résultant de la
digestion des glucides empruntent la même route d’absorption via la veine porte hépatique.
Le foie a pour fonction de contrôler la concentration sanguine des métabolites hydrosolubles
(figure 5). Dans le cas du glucose, il y parvient en capturant le glucose excédent les besoins
énergétiques immédiats pour le transformer en glycogène (glycogénogenèse) ou en graisse
(lipogenèse). Entre les repas, le foie sert à maintenir la concentration sanguine en glucose à
partir du glycogène (glycogénolyse) ou, de concert avec le rein, à convertir les métabolites non
glucidiques, tel le lactate, le glycérol et les acides aminés, en glucose (néoglucogenèse). Le
maintien d’une glycémie adéquate est vital pour certains tissus où il est le carburant essentiel,
comme le cerveau et ceux où il est le seul carburant comme les érythrocytes. Le foie synthétise
aussi les principales protéines plasmatiques (telle l’albumine) et désamine les acides aminés
excédant les besoins, avec formation d’urée qui est transportée au rein puis excrétée.

Le muscle squelettique utilise le glucose comme carburant, aussi bien en anaérobiose, où il


forme du lactate. Il stocke le glycogène à titre de carburant pour l’utiliser au cours de la
concentration musculaire et synthétise les protéines musculaires à partir des acides aminés
plasmatiques. Le muscle constitue environ 50% de la masse corporelle et représente donc une
réserve considérable de protéines qui peuvent devenir une source d’acides aminés pour la
néoglucogenèse en cas famine.

Les lipides de la ration alimentaire (figure 6) sont principalement des triacylglycérols, ils
sont hydrolysés en monoacylglycérols et en acides gras puis réestérifiés dans la muqueuse
intestinale. Ils s’y lient à des protéines et sont sécrétés dans le système lymphatique et ensuite
dans la circulation sanguine sous forme de chylomicrons, les plus grandes des lipoprotéines
plasmatiques. Les chylomicrons renferment aussi d’autres nutriments liposolubles.
Contrairement au glucose et aux acides aminés, les triacylglycérols des chylomicrons ne sont
pas captés directement par le foie. Ils sont d’abord métabolisés par les tissus qui possèdent la
lipoprotéine lipase, qui hydrolyse les triacylglycérols en libérant les acides gras, qui sont alors
incorporés dans les lipides tissulaires ou oxydés comme carburant. Les résidus de chylomicrons
sont nettoyés par le foie. L’autre source importante d’acides gras à longue chaine est leur
synthèse (lipogenèse) à partir des glucides, principalement dans le tissu adipeux et dans le foie.

Les triacylglycérols du tissu adipeux constituent la principale réserve de carburant de


l’organisme. Ils sont hydrolysés (lipolyse) avec libération du glycérol et des acides gras dans la
circulation. Le glycérol sert de substrat pour la néoglucogenèse. Les acides gras sont transportés
sous forme liée à l’albumine sérique, ils sont alors capturés par la plupart des tissus (mais ni par
le cerveau, ni par les érythrocytes) et estérifiés en acylglycérol ou oxydés comme carburant en
CO2. Dans le foie, les triacylglycérols provenant de la lipogenèse, des acides gras libres et des
résidus de chylomicrons sont secrétés dans la circulation sanguine sous forme de lipoprotéines
de très faible densité (VLDL). Ces triacylglycérols ont un devenir semblable á celui des
chylomicrons. L’oxydation partielle des acides gras dans le foie conduit à la production de

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corps cétoniques (cétogenèse). Les corps cétoniques sont transportés aux tissus extra
hépatiques ou ils servent de carburant en cas de jeûne prolongé et de famine.

I.3.2. Niveau subcellulaire

La localisation des différentes voies métaboliques dans les compartiments subcellulaires ou


dans les organites distincts permet l’intégration et la régulation du métabolisme. Les voies
métaboliques n’ont pas toutes la même importance dans toutes les cellules. La figure 7 décrit la
compartimentation subcellulaire des voies métaboliques dans une cellule parenchymateuse
hépatique.

Le rôle central de la mitochondrie ressort immédiatement puisqu’elle agit au carrefour du


métabolisme des glucides, des lipides et des acides aminés. Elle contient des enzymes du cycle
de l’acide citrique, de la ß-oxydation des acides gras, de la cétogenèse ainsi que de la chaîne
respiratoire et l’ATP synthétase.

La glycolyse, la voie des pentoses phosphates et la synthèse des acides gras se déroulent toutes
dans le cytosol. Lors de la néoglucogenèse, les substances comme le lactate et le pyruvate qui
sont formés dans le cytosol doivent pénétrer dans la mitochondrie pour former de
l’oxaloacétate qui sert de précurseur au glucose.

Les membranes du réticulum endoplasmique contiennent le système enzymatique nécessaire


à la synthèse des triacylglycérols et les ribosomes sont responsables de la synthèse protéique.

1.4-Interconversion des carburants métaboliques

Les glucides en excès par rapport aux besoins énergétiques immédiats du métabolisme
et de la constitution des stocks du glycogène dans le muscle et dans le foie peuvent être utilisés
pour synthétiser des acides gras, c’est à- dire des triacylglycérols, tant dans le tissu adipeux que
dans le foie (d’où ils sont exportés sous forme de lipoprotéines de très faible densité).
L’importance de lipogenèse chez l’être humain n’est pas claire ; dans les pays occidentaux, les
graisses alimentaires fournissent 35 à 45% de l’apport énergétique, tandis que dans les pays
moins développés, les glucides peuvent constituer 60 à 65% de l’apport énergétique, avec un
apport de nourriture global si faible qu’il n’y a de toute façon que peu de surplus pour la
lipogenèse Un fort apport de graisse inhibe la lipogenèse dans le tissu adipeux et le foie.

Les acides gras et les corps cétoniques qui en découlent ne peuvent pas servir à la
synthèse du glucose. La réaction catalysée par la pyruvate déshydrogénase formant
l’acétylCoA, est irréversible ; pour chaque unité à deux atomes de carbones issue de l’acétyl -
CoA entrant dans le cycle de l’acide citrique, il y a perte de deux atomes de carbones sous forme
de dioxyde de carbone avant de reformer l’oxaloacétate. Cela signifie que l’acétyl-CoA (et donc
tout substrat générant de l’acétyl CoA) ne peut jamais servir pour la néoglucogenèse. Les acides
gras (assez rares) ayant un nombre impair d’atomes de carbone produisent du propionyl-CoA
au dernier cycle de la ß-oxydation, celui-ci peut servir de substrat pour la néoglucogenèse, tout
comme le glycérol libéré par la lipolyse à partir des réserves de triacylglycérols du tissu adipeux.

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La plupart des acides aminés en excès par rapport aux besoins de la synthèse protéique
(provenant de l’alimentation ou du recyclage des protéines tissulaires) fournissent du pyruvate,
un des intermédiaires à quatre ou cinq atomes de carbone du cycle de l’acide citrique. Le
pyruvate peut être carboxylé en oxaloacétate, qui est le substrat primaire de la néoglucogenèse,
et les autres intermédiaires du cycle entrainent aussi une augmentation nette de formation
d’oxaloacétate, qui est alors disponible pour la néoglucogenèse ; ces acides aminés sont
qualifiés de glycogéniques. Deux acides aminés (la lysine et la leucine) ne donnent que de
l’acétyl CoA par oxydation, ils ne peuvent donc pas servir à la néoglucogenèse, quatre autres
(phénylalanine, tyrosine, tryptophane et isoleucine) donnent à la fois de l’acétyl-CoA et des
intermédiaires du cycle de l’acide citrique utilisables pour la néoglucogenèse. Les acides aminés
permettant de former de l’acétyl-CoA sont qualifiés de cétogéniques, car lors d’un jeûne
prolongé ou d’une famine, la plupart de l’acétyl CoA est utilisé dans le foie pour la synthèse
des corps cétoniques.

I.5- Apport en carburants métaboliques

I.5.1- Besoin en glucose du système nerveux central et des érythrocytes

Le besoin en glucose du SN central et des érythrocytes est permanent. Les érythrocytes


sont dépourvus de mitochondries et dépendent donc totalement et en permanence de la
glycolyse (anaérobie) et de la voie des pentoses phosphates. Le cerveau peut métaboliser les
corps cétoniques pour couvrir environ 20% de ses besoins énergétiques, le reste doit être fourni
par le glucose. Les changements métaboliques qui ont lieu durant le jeûne et la famine sont la
conséquence de la nécessité de réserver le glucose et les réserves limitées de glycogène du foie
et des muscles pour l’usage du cerveau et des globules rouges, et d’assurer une provision de
carburants métaboliques alternatifs pour les autres tissus. Lors de la gestation, le fœtus a besoin
d’une grande quantité de glucose, tout comme la synthèse du lactose lors de la lactation (figure
9).

I.5.2- Mise en réserve de carburant énergétique

Durant plusieurs heures après un repas, alors que les produits de la digestion sont en
cours d’absorption, la disponibilité en carburant métaboliques est élevée. Dans ces conditions,
le glucose est le principal carburant utilisé pour l’oxydation dans la plupart des tissus. Cela se
voit à une augmentation du quotient respiratoire (rapport entre le dioxyde carbone produit et
l’oxygène consommé) d’environ 0,8 en phase de jeûne à près de 1.

La capture du glucose par les muscles et le tissu adipeux est contrôlée par l’insuline, qui est
secrétée par les cellules ß du pancréas en réponse à une augmentation de la concentration du
glucose dans la veine porte. Lors du jeûne le transporteur du glucose du muscle et du tissu
adipeux (GLUT-4) se trouve dans les vésicules intracellulaires. Une des réponses précoces à
l’insuline est la migration de ces vésicules vers la surface cellulaire où elles fusionnent avec la
membrane plasmique, permettant l’exposition des transporteurs actifs du glucose. Les tissus
sensibles à l’insuline ne capturent pas le glucose à partir de la circulation sanguine à un niveau
significatif qu’en présence de l’hormone. Du fait que la sécrétion d’insuline chute lors du jeûne,
les récepteurs sont internalisés, la capture du glucose est ainsi réduite.
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La capture du glucose dans le foie est indépendante de l’insuline, mais le foie possède
une isoenzyme de l’hexokinase (la Glucokinase), avec un Km élevé, de sorte que lorsque la
concentration du glucose entrant dans le foie augmente, la vitesse de synthèse du glucose
6phosphate augmente également. Celui-ci est en excès par rapport aux besoins énergétiques du
métabolisme hépatique et sert principalement à la synthèse du glycogène. Aussi bien dans le
foie que dans le muscle squelettique, l’action de l’insuline stimule la glycogène synthétase et
inhibe la glycogène phosphorylase. Une partie du glucose excédentaire entrant dans le foie peut
aussi servir à la lipogenèse et donc à la synthèse de triacylglycérol. Elle inhibe la lipolyse
intracellulaire et la libération d’acides gras.

Les produits de la digestion des lipides entrent dans la circulation sous forme de
chylomicrons, les plus grandes lipoprotéines plasmatiques qui sont particulièrement riches en
triacylglycérol. Dans le tissu adipeux et le muscle squelettique, il y a synthèse d’une protéine
lipase extracellulaire qui est activée en réponse à l’insuline. Les acides gras non estérifiés qui
en résultent sont en grande partie capturés par le tissu et utilisés pour synthétiser du
triacylglycérol, tandis que le glycérol demeure dans la circulation d’où il sera capturé par le foie
et servira à la néoglucogenèse, à la glycogenèse ou à la lipogenèse. Les acides gras restés dans
la circulation sont capturés par le foie et réestérifiés. Les résidus des chylomicrons vidés de
leurs lipides sont éliminés par le foie et le triacylglycérol restant est exporté en même temps
que celui fabriqué dans le foie, dans les lipoprotéines de très faible densité.

En conditions normales, la vitesse du catabolisme des protéines tissulaires est plus ou


moins constante au cours d’une journée. Ce n’est qu’en cas de cachexie lors d’un cancer à un
stade avancé ou d’autres maladies, que la vitesse de catabolisme des protéines augmente. Il y a
catabolisme net des protéines à l’état de jeûne et synthèse nette quant l’alimentation est
suffisante alors que la vitesse de synthèse nette est de 20 à 25%. L’augmentation de la vitesse
de synthèse protéique en réponse à une disponibilité accrue d’acides aminés et de carburant
métabolique est, ici encore, une réponse à l’action de l’insuline. La synthèse protéique est un
processus coûteux du point de vue énergétique, il peut constituer jusqu’à 20% de la dépense à
l’état de repos après un repas. Mais seulement de 9% l’état de jeûne.

I.5.3- Utilisation des réserves de carburant métabolique lors du jeûne

La concentration du glucose plasmatique chute légèrement lors du jeûne, mais ne change


plus beaucoup lorsque le jeûne se prolonge jusqu’à l’affamement. La concentration plasmatique
en acides gras libres augmente lors du jeûne mais encore un peu plus lors de l’affamement.
Lorsque le jeûne se prolonge, la concentration plasmatique en corps cétoniques (acétoacétate et
(-hydroxybutyrate) augmente de façon marquée (tableau 2).

Tableau 2 : Concentration plasmatique des carburants métaboliques (mmol/L) après un


repas et à jeûne

Glucose Après un repas 40 heures de jeûne 7 jours de jeûne

5,5 3,6 3,5

9
Acides gras libres 0,30 1,15 1,19

Corps cétoniques Négligeable 2,9 4,5

Lors du jeûne, alors que la concentration en glucose dans le sang portal chute, la
sécrétion d’insuline diminue et le muscle squelettique ainsi que le tissu adipeux capturent moins
de glucose. Une sécrétion accrue de glucagon par les cellules α du pancréas inhibe le glycogène
synthétase et active le glycogène phosphorylase hépatique. Le glucose 6-phosphate produit est
hydrolysé et le glucose est libéré dans la circulation sanguine pour être utilisé par le cerveau et
les érythrocytes.

Le glycogène musculaire ne peut pas directement contribuer à la glycémie parce que le


muscle est dépourvu de glucose 6-phosphatase et que le rôle premier du glycogène musculaire
est de fournir une source de glucose 6-phosphate pour le métabolisme énergétique du muscle
même. Cependant, l’acétyl-CoA formé par oxydation des acides gras dans le muscle inhibe la
pyruvate déshydrogénase, conduisant à l’accumulation de pyruvate. La grande partie de ce
dernier est transaminé en alanine aux dépens des acides aminés provenant de la destruction des
réserves des protéines « labile » synthétisées lorsque l’apport en nourriture était suffisant.
L’alanine, ainsi que la plus grande partie des céto-acides résultant de cette transamination sont
exportés hors du muscle et capturés par le foie où il y a transamination de l’alanine pour former
du pyruvate. Les acides aminés sont en grande partie réexportés vers le muscle où ils fournissent
des groupements aminés servant à former davantage d’alanine tandis que le pyruvate est la
principale source de néoglucogenèse hépatique.
Dans le tissu adipeux la diminution d’insuline et l’augmentation de glucagon entrainent
une inhibition de la lipolyse, une inactivation de la lipoprotéine lipase et l’activation de la lipase
intracellulaire hormonosensible. Il en résulte une libération par le tissu adipeux d’une quantité
accrue de glycérol (qui est le substrat de la néoglucogenèse hépatique) et des acides gras libres,
qui sont utilisés comme carburant métabolique préférentiel par le foie, le cœur et le muscle
squelettique, permettant ainsi d’économiser le glucose.

Bien que le muscle capture et métabolise préférentiellement les acides gras en phase de
jeûne, il ne peut pas satisfaire tous ses besoins énergétiques par la β-oxydation. Au contraire, le
foie a une capacité de β-oxydation supérieure à ses besoins énergétiques propres et lorsque le
jeûne se prolonge, il forme plus de l’acétyl CoA qu’il ne peut en oxyder. Cet acétyl CoA sert à
la synthèse des corps cétoniques, qui sont un carburant métabolique essentiel pour les muscles
squelettique et cardiaque et peuvent aussi satisfaire certains besoins énergétiques du cerveau.
En cas de famine prolongée, le glucose arrive à représenter moins de 10% de la totalité du
métabolisme pourvoyeur d’énergie de l’organisme.

S’il n’y avait pas d’autre source de glucose, le glycogène hépatique et musculaire serait
épuisé après environ 18 heures de jeûne. Lorsque le jeûne se prolonge, une quantité croissante
des acides aminés libérés par le catabolisme des protéines est utilisée dans le foie et les reins
pour la néoglucogenèse (tableau 3).

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Tableau 3. Résumé des caractéristiques métaboliques majeures des principaux organes

Organe Principales voies Principaux Principaux produits Enzymes spécialisées


substrats exportés
Foie Glycolyse, néoglucogenèse, Acides gras libres, Glucose,triacylglycérol Glucokinase, glucose 6-
lipogenèse, ß-oxydation, glucose (après dans des VLDL, corps phosphatase, glycérol
cycle de l’acide citrique, repas), lactate, cétoniques, urée, acide kinase, phosphoénol
cétogenèse, métabolisme glycérol, fructose, pyruvate carboxykinase,
urique, sels biliaires,
des lipoprotéines, acides aminés, fructokinase, arginase,
métabolisme des drogues, alcool cholestérol, protéines HMG CoA synthétase,
synthèse des sels biliaires, plasmatiques HMG CoA lyase,
de l’urée, de l’acide urique, alcool déshydrogénase
du cholestérol et des
protéines plasmatiques

Cerveau Glycolyse, Glucose, acides Lactate, produits Celle de la synthèse et du


métabolisme des acides aminés, corps ultimes du catabolisme des
aminés, synthèse de cétoniques lors métabolisme des neurotransmetteurs
neurotransmetteurs d’un jeûne neurotransmetteurs
prolongé

Cœur ß-Oxydation et cycle de Corps - Lipoprotéine lipase,


l’acide citrique cétoniques, grande activité de la
acides gras libres, chaîne de transport des
lactate, Electrons
chylomicrons,
triacylglycérols
des VLDL, un
peu de glucose
Tissu Lipogenèse, Glucose, Acides gras libres Lipoprotéine lipase,
adipeux estérification des acides chylomicrons, glycérol lipase hormone
gras, lipolyse (durant le triacylglycérols sensible, enzymes de la
voie des pentoses
jeûne) des VLDL
phosphate
Fibre Glycolyse Glucose, Lactate, (alanine et -
musculaire glycogène acides cétoniques lors
rapide du jeûne)

Fibre ß-Oxydation et cycle de Corps cétoniques, - Lipoprotéine lipase,


musculaire l’acide citrique chylomicrons, grande activité de la
lente triacylglycérol des chaîne de transport des
électrons
VLDL
Rein Néoglucogenèse Acides gras libres, glucose Glycérol kinase,
lactate, glycérol, phosphoénol pyruvate
glucose carboxykinase

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Erythrocytes Glycolyse anaérobie, Glucose Lactate Hémoglobine, enzymes
voie des pentoses de la voie des pentoses
phosphates phosphates

Résumé

1. Les produits de la digestion fournissent aux tissus les pièces élémentaires pour la
biosynthèse de molécules complexes, et les carburants pour fonctionner les processus
vitaux.
2. Presque tous les produits de la digestion des glucides, des lipides et de protéines sont
métabolisés en un métabolite commun l’acétyl CoA, avant l’oxydation en CO2 dans le
cycle de l’acide citrique.
3. L’acétyl CoA est aussi le précurseur pour la biosynthèse des acides gras à longue chaîne
et des stéroïdes, y compris le cholestérol et les corps cétoniques.
4. Le glucose fournit le squelette carboné de la partie glycérol des triacylglycérols et des
acides aminés.
5. Les produits hydrosolubles de la digestion sont transportés directement au foie par la
veine porte hépatique. Le foie contrôle la concentration en glucose et en acides aminés
du sang.
6. Il existe une compartimentation des vois métaboliques dans la cellule. La glycolyse, la
néoglucogenèse, glycogénolyse, la voie des pentoses phosphates et la lipogenèse ont
lieu dans le cytoplasme. La mitochondrie renferme les enzymes du cycle de l’acide
citrique, de la β-oxydation des acides gras ainsi que de la chaîne respiratoire et l’ATP
synthétase. Les membranes du réticulum endoplasmique contiennent les enzymes de
différents autres processus dont la synthèse des triacylglycérols et le métabolisme des
médicaments.
7. Les glucides alimentaires et les acides aminés excédentaires par rapport aux besoins
énergétiques peuvent servir à la synthèse des acides gras et donc des triacylglycérols.
8. Lors du jeûne et de l’affamement, le cerveau et les érythrocytes doivent être
approvisionnés en glucose, au début du jeûne cela se fait à partir des réserves de
glycogène. Afin d’économiser le glucose, le muscle et les autres tissus ne prélèvent pas
de glucose lorsque la sécrétion d’insuline est faible, ils utilisent les acides gras (et ensuite
les corps cétoniques) comme carburant énergétique préférentiel.
9. Le tissu adipeux libère des acides gras en phase jeûne. En cas de jeûne prolongé et de
famine, ils sont utilisés par le foie pour la synthèse des corps cétoniques qui sont alors
exportés pour servir de carburant principal aux muscles.
10. La plupart des acides aminés provenant soit de l’alimentation, soit du recyclage des
protéines tissulaires peuvent servir à la néoglucogenèse, tout comme le glycérol des
triacylglycérols.
11. Ni les acides gras venant de l’alimentation ou de la lipolyse des triacylglycérols du tissu
adipeux, ni les corps cétoniques formés à partir des acides gras en phase de jeûne ne
peuvent servir de substrat à la néoglucogenèse.

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