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Hémoptysie : du symptôme au diagnostic


G. Le Bourdellès

Une hémoptysie est un symptôme qui ne doit pas être négligé. Elle peut révéler une pathologie grave, en
particulier un cancer bronchique, quelle que soit son abondance. Elle peut engager le pronostic vital par
son volume initial et ses conséquences respiratoires, mais aussi par le risque de récidive massive
imprévisible. Il s’agit souvent d’une urgence diagnostique et thérapeutique qui nécessite une
hospitalisation en milieu spécialisé. Seule une hémoptysie isolée de faible abondance chez un patient sans
insuffisance respiratoire peut bénéficier d’un bilan étiologique initial en ville. Toute hémoptysie nécessite
un avis spécialisé pneumologique.
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Mots clés : Hémoptysie ; Avis pneumologique ; Fibroscopie bronchique

Plan ou de présence de sang dans la bouche, et le saignement


d’origine buccodentaire. La connaissance des antécédents du
¶ Introduction 1 patient peut orienter vers l’origine du saignement (cancer
bronchique, ORL ou stomatologique connu, antécédents de
¶ Affirmer l’hémoptysie 1 tuberculose, d’hémoptysie antérieure, etc.). Cependant, une
¶ Évaluer la gravité de l’hémoptysie et décider du lieu de prise hémoptysie passée inaperçue peut être déglutie, une épistaxis
en charge 1 postérieure abondante inhalée et s’accompagner de toux. Il peut
Hémoptysies graves 2 parfois être nécessaire d’effectuer une endoscopie digestive
Hémoptysies de moyenne abondance 2 haute, un examen ORL ou stomatologique afin de vérifier
Hémoptysies de faible abondance 2 l’absence de saignement autre que sous-glottique. Enfin,
¶ Définir l’attitude diagnostique et thérapeutique 2 l’hémoptysie peut perdre son caractère rouge vif, lié à la
Hémoptysie grave 2 provenance habituelle du sang de la circulation systémique
Hémoptysie survenant dans un contexte clinique particulier 3 bronchique, pour être plus sombre en cas d’origine artérielle
Hémoptysie sans caractère de gravité immédiat 4 pulmonaire (sang veineux).
¶ Conclusion 5

■ Évaluer la gravité
de l’hémoptysie et décider
■ Introduction
du lieu de prise en charge
Que l’hémoptysie soit un événement évolutif d’une affection
connue ou un symptôme révélateur, il faut toujours suivre les La gravité immédiate d’une hémoptysie dépend de son
étapes suivantes : affirmer l’hémoptysie, évaluer sa gravité et retentissement sur la fonction respiratoire. Les signes hémody-
décider du lieu de prise en charge, définir une démarche namiques sont rares, et toujours associés à une détresse respira-
diagnostique et thérapeutique. toire. Une hémodynamique stable ou l’absence d’anémie ne
doivent pas être des éléments rassurants. L’encombrement
bronchique dépend du volume de l’hémoptysie, mais aussi de
■ Affirmer l’hémoptysie l’état respiratoire antérieur et du maintien d’une toux efficace.
Sa survenue, ou un état respiratoire antérieur trop précaire,
L’hémoptysie est l’émission par la bouche de sang provenant impose l’hospitalisation. L’hypoxémie résulte de l’obstruction
des voies aériennes sous-glottiques. Le diagnostic peut être facile bronchique mais aussi de l’inondation alvéolaire. L’hémoptysie
si on assiste à l’hémoptysie, mais il repose souvent sur l’inter- reste une menace permanente chez l’insuffisant respiratoire,
rogatoire. Il faut alors faire préciser que le rejet de sang rouge quelle que soit l’abondance du saignement extériorisé.
vif, aéré, spumeux, a eu lieu au cours d’un effort de toux. Ceci La prise en charge initiale va dépendre de l’existence de
permet d’écarter l’hématémèse produite au cours d’un effort de critères de gravité, mais aussi de la quantification de l’hémop-
vomissement (sang plus noir, non aéré, mêlé d’aliments), qui tysie. Cela est parfois difficile en cas d’hémoptysie non grave,
s’accompagne souvent de signes de mauvaise tolérance hémo- car la quantité de sang émise est souvent mal appréciée par le
dynamique en l’absence de détresse respiratoire, l’hémorragie patient ou son entourage. L’estimation du volume est impor-
d’origine oto-rhino-laryngologique (ORL) qui peut être abon- tante, mais aussi son débit (quantité émise sur une période de
dante et récidivante, souvent précédée d’un raclement de gorge quelques heures à 24 heures) et son caractère récidivant.

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Hémoptysies graves Chez un patient sans autre facteur de gravité, en particulier


sans insuffisance respiratoire, le bilan étiologique peut être débuté
Elles concernent les hémoptysies foudroyantes, les hémopty- par le médecin généraliste, la consultation pneumologique ayant
sies massives (> 500 ml de sang) et les hémoptysies sévères (entre lieu avec les premiers éléments du diagnostic. Rien ne permet de
200 et 500 ml ou > 300 ml/24 h). Le tableau est dominé par prédire la gravité d’une récidive hémorragique, et toute récidive
l’insuffisance respiratoire aiguë avec dyspnée, encombrement de faible abondance ou augmentation de volume d’une hémop-
bronchique majeur, hypoxémie importante, voire asphyxie, tysie initialement minime imposent une hospitalisation.
rarement associée à des signes de choc hémorragique en cas
d’hémoptysie massive. En pratique, toute hémoptysie de plus de
150 ml (soit environ un bol, ce qui correspond au volume de ■ Définir l’attitude diagnostique
l’espace mort anatomique) engage le pronostic vital. On peut
retenir aussi comme critères de menace vitale une quantité et thérapeutique (Tableau 1)
supérieure à 200 ml/h en cas de fonction respiratoire normale,
supérieure à 50 ml/h (2 verres) en cas d’insuffisance respiratoire Hémoptysie grave
chronique, plus de deux épisodes d’hémoptysie dite modérée (au
moins 30 ml) malgré la prescription de vasoconstricteurs [1]. En La prise en charge très spécialisée comprend les phases
l’absence de traitement adapté, le risque de mortalité est majeur, suivantes.
supérieur à 50 %. Le traitement médical immédiat : mesures de réanimation
Le traitement symptomatique, en particulier la lutte contre (oxygénothérapie, ventilation mécanique, remplissage, etc.),
l’asphyxie, est une urgence extrême, primant initialement sur la hémostase médicale par l’utilisation des analogues de synthèse
démarche étiologique. La prise en charge est immédiate, en des dérivés de la posthypophyse hors autorisation de mise sur
unité de réanimation, au mieux dans une structure hospitalière le marché (AMM) en intraveineux lent (IVL) (terlipressine :
possédant une unité de radiologie vasculaire et de chirurgie Glypressine®), à ne débuter que si le saignement est actif (risque
thoracique. d’échec de l’embolisation si vasoconstriction artérielle).
La recherche simultanée de la topographie du saignement :
elle permet de guider les thérapeutiques invasives. Si la radio-
Hémoptysies de moyenne abondance graphie de thorax permet une orientation diagnostique dans
plus de 50 % des cas, elle est insuffisante pour une localisation
Les hémoptysies de moyenne abondance (20 à 50 ml – un
précise du saignement, en particulier en cas d’anomalies
demi à un crachoir – pouvant atteindre 200 ml) sont parfois
radiologiques bilatérales. La fibroscopie bronchique, faisable au
accompagnées de chute tensionnelle et de signes vagaux.
lit du patient, est l’examen indispensable et urgent. Elle permet
Le bilan étiologique est débuté en urgence en milieu hospi-
la localisation du saignement dans près de 70 % des cas [2], mais
talier spécialisé, avec sur place pneumologue, endoscopie
peut être non contributive en cas d’inondation bronchique. Elle
bronchique, radiologie avec scanner, et si possible radiologie
peut parfois en déterminer la cause (tumeur endobronchique).
vasculaire.
Un caillot obstruant une bronche du territoire potentiellement
pathologique ne doit pas être mobilisé en raison du risque de
Hémoptysies de faible abondance récidive hémorragique massive. L’endoscopie bronchique
permet l’hémostase locale (instillation d’adrénaline, de sérum
Les hémoptysies de faible abondance sont les plus fréquentes glacé), le toilettage bronchique, ou guide d’autres thérapeuti-
(crachats sanglants, ou quelques stries de sang dans les expec- ques d’hémostase locale : intubation sélective ou sonde d’intu-
torations). Sans retentissement fonctionnel, elles ont la même bation à double lumière de Carlens, sonde de Fogarthy
valeur étiologique qu’une hémoptysie plus abondante. endobronchique à ballonnet gonflé, permettant d’exclure le

Tableau 1.
Hémoptysies : principales étiologies par ordre de fréquence décroissante et orientation diagnostique.
Étiologies Contexte de survenue Examens diagnostiques
Tumeurs bronchiques (primitives +++, rarement Fumeur, âge > 40 ans, anomalies radiologiques, Fibroscopie bronchique + biopsies bronchiques
métastases bronchiques ou tumeur carcinoïde) antécédents Scanner thoracique, ponction-biopsie sous TDM
Tuberculose
- séquelles (lésions cicatricielles, dilatation des Antécédents, anomalies radiologiques Fibroscopie bronchique + prélèvements bactério-
bronches, aspergillome, cancérisation, logiques (BK et Aspergillus)
broncholithiase) Scanner thoracique
Recherche de BK dans les crachats ou tubage
- aiguë Contage, lésions radiologiques évolutives (ca-
gastrique
verne, nodules)
Pas de fibroscopie bronchique systématique
Dilatations des bronches localisées ou diffuses Antécédents (infection pulmonaire sévère, Scanner thoracique
coqueluche, tuberculose, obstacle bronchique, Fibroscopie bronchique pour localisation
mucoviscidose, etc.), anomalies radiologiques du saignement
Pathologies infectieuses pulmonaires (pneumo- Contexte fébrile brutal, anomalies radiologiques, Prélèvements bactériologiques
pathie nécrosante, pneumopathie franche lobaire terrain immunodéprimé Fibroscopie bronchique pour recherche de cancer
aiguë, aspergillose invasive, aspergillome) sous-jacent
Infections bronchiques Contexte infectieux isolé, pas d’anomalie Bilan étiologique négatif (scanner ± fibroscopie)
radiologique Diagnostic d’élimination
Causes cardiovasculaires (rétrécissement mitral, Contexte clinique évocateur Selon l’étiologie suspectée
insuffisance ventriculaire gauche, embolie
pulmonaire, etc.), malformations vasculaires,
endométriose bronchopulmonaire
Séquestration pulmonaire Radiographie évocatrice Scanner thoracique avec vascularisation systémique
BK : bacille de Koch ; TDM : tomodensitométrie.

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Figure 1. Granité posthémoptoïque en verre dépoli, sans lésion sous- Figure 2. Bronchectasies ou dilatations des bronches localisées du lobe
jacente (avec l’aimable autorisation du service de radiologie de l’hôpital inférieur droit (avec l’aimable autorisation du service de radiologie de
Foch). l’hôpital Foch).

territoire hémorragique et protéger le poumon sain de l’inonda-


tion bronchique. Elle permet de guider les radiologues en cas
d’artériographie bronchique sélective pour embolisation de
lésions artérielles bronchiques (l’artériographie bronchique n’a
pas d’indication pour la localisation isolée du saignement). Le
scanner thoracique permet de déterminer la topographie de
l’hémorragie et son étiologie dans 65 à 90 % des cas [3, 4], même
si certaines images comme le verre dépoli ou granité posthé-
moptoïque (Fig. 1), le bourrage alvéolaire, ne sont que les
témoins du saignement. Il est proposé par certains comme
examen de première intention, avant l’endoscopie bronchique,
pour un patient pouvant être déplacé en radiologie.
La poursuite ou la récidive du saignement sous traitement
médical font discuter l’obstruction artérielle bronchique par
embolisation au cours d’une artériographie bronchique. Elle
permet l’arrêt du saignement immédiat dans plus de 80 % des
cas [1, 3]. Les complications sont rares mais graves, dominées par
les complications neurologiques (embolisation accidentelle du
rameau spinal antérieur avec paraplégie) et ischémiques. Le Figure 3. Aspergillome du lobe supérieur gauche avec aspect en « gre-
risque d’échec ou de récidive précoce dans le premier mois lot » (avec l’aimable autorisation du service de radiologie de l’hôpital
(environ 20 %) [1, 3] peut être lié à une embolisation incomplète Foch).
du fait de l’utilisation de vasoconstricteur, à la migration ou la
résorption du matériel d’embolisation, à un saignement d’une
autre artère bronchique ou d’une anomalie vasculaire artérielle
pulmonaire. La récidive à distance (quelques mois à plusieurs
années) est de 11 à 50 % [1, 3], le taux variant selon l’étiologie.
Les malformations vasculaires peuvent nécessiter un traitement
endovasculaire pulmonaire spécifique (fermeture de fistule par
ressorts ou coils dans le Rendu-Osler, par exemple).
En l’absence de contrôle du saignement ou de récidive sévère
précoce, avec une localisation certaine du saignement, est
discutée la chirurgie d’hémostase, dont la mortalité globale est
de l’ordre de 15 %, et entre 20 et 40 % si celle-ci est réalisée en
phase active de saignement. La morbidité est lourde chez des
patients fragiles, parfois insuffisants respiratoires non explorés.
Les étiologies sont dominées par la tuberculose pulmonaire et
. ses séquelles, les bronchectasies ou dilatations des bronches
(DDB) (Fig. 2), l’aspergillome (Fig. 3), les pneumopathies
infectieuses nécrosantes, plus rarement les lésions tumorales
évoluées (Fig. 4), et dans une moindre proportion les malforma-
. tions vasculaires et les causes traumatiques. Les hémoptysies
sans cause retrouvée peuvent se présenter comme des hémop-
Figure 4. Cancer proximal nécrosé du lobe supérieur gauche avec
tysies sévères dans 11 à 35 % des cas [1, 3].
envahissement ganglionnaire médiastinal avec engainement tumoral des
artères pulmonaires (avec l’aimable autorisation du service de radiologie
Hémoptysie survenant dans un contexte de l’hôpital Foch).
clinique particulier
Embolie pulmonaire
Rarement abondante, l’hémoptysie peut être due à l’hémor- pulmonaire. La confirmation se fait par angioscanner, éventuel-
ragie alvéolaire initiale, mais plus fréquemment à un infarctus lement scintigraphie pulmonaire, avec anticoagulation efficace.

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Hémoptysie minime sans signe de gravité

Antécédents
Terrain
Examen clinique
Radiographie de thorax

Radiographie anormale Radiographie normale

TDM thoracique Âge < 40 ans Âge > 40 ans


Non-fumeur Fumeur
1er épisode Récidive
et et

Fibroscopie bronchique Fibroscopie bronchique TDM thoracique Fibroscopie bronchique


systématique si fumeur discutée si non-fumeur systématique et TDM
et

Fibroscopie bronchique discutée

Diagnostic
Traitement
Normales Anormales

Surveillance clinique
et radiologique Diagnostic
Traitement

Fibroscopie bronchique
± TDM si récidive

Figure 5. Arbre décisionnel. Démarche diagnostique lors d’une hémoptysie minime sans signe de gravité. TDM : tomodensitométrie.

Rétrécissement mitral et insuffisance ventriculaire transbronchique, biopsie pulmonaire transpariétale, ponction et


gauche biopsie pleurale, rupture artérielle pulmonaire après cathété-
risme droit.
Ils concernent la dyspnée d’effort, les antécédents et les
anomalies cliniques auscultatoires. Les examens sont l’électro- Autres causes
cardiogramme, l’échocardiographie et le traitement médical
spécifique, voire l’indication chirurgicale. Les troubles de la crase sanguine et les traitements anticoa-
gulants ne doivent pas être retenus comme étiologie sans avoir
recherché une autre cause dont ils faciliteraient l’expression
Autres causes vasculaires plus rares symptomatique. Les hémorragies intra-alvéolaires, évoquées
Elles comptent les anomalies vasculaires congénitales ou dans un contexte d’anémie, d’opacités alvéolaires bilatérales et
acquises de l’artère pulmonaire (malformations artérioveineuses de signes cliniques extrarespiratoires, répondent à des critères
de la maladie de Rendu-Osler, maladie de Behçet, faux anévris- diagnostiques, étiologiques et thérapeutiques différents des
mes de Rasmussen, etc.) et les anomalies de la circulation hémorragies bronchiques, et leur prise en charge n’est pas
pulmonaire (hypertension artérielle pulmonaire sévère, throm- abordée. L’endométriose bronchopulmonaire, rare, est à l’ori-
bose veineuse pulmonaire) ; le sang provient de la circulation gine d’hémoptysie menstruelle.
artérielle pulmonaire. La rupture d’anévrisme de l’aorte est
quasiment toujours fatale. Il faut noter également la fissuration Hémoptysie sans caractère de gravité
du tronc artériel brachiocéphalique après trachéotomie. immédiat
Causes traumatiques La démarche diagnostique dépend principalement de l’ana-
lyse de la radiographie de thorax, associée à la connaissance des
L’hémoptysie peut être due au traumatisme pulmonaire ou antécédents et des habitudes tabagiques du patient (Fig. 5). La
bronchique direct ou à une atteinte vasculaire. Le diagnostic est disponibilité et les performances techniques des scanners actuels
posé par le bilan radiologique, les données de la fibroscopie peuvent faire discuter cet examen comme première étape dans
bronchique, du scanner thoracique et éventuellement de la démarche diagnostique. Cependant, son délai d’obtention
l’artériographie. On en rapproche les hémoptysies secondaires à pouvant varier, il paraît logique de débuter le raisonnement
certains gestes médicotechniques : biopsie bronchique et diagnostique à partir de la radiographie thoracique simple,

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réalisable en urgence partout en France. Lorsque le bilan initial patients de plus de 40 ans, avec un tabagisme important [5-9]. En
est fait en milieu hospitalier (hémoptysie de moyenne abon- endoscopie bronchique, l’anomalie retrouvée dans plus de 50 %
dance ou de faible abondance récidivante ou sur terrain fragile), des cas est un aspect de bronchite non spécifique [6, 9, 10]. Elle ne
le scanner et la fibroscopie sont presque toujours réalisés. permet pas d’établir de diagnostic étiologique avec implication
thérapeutique dans la plupart des cas. Il a été proposé de
Radiographie montrant une lésion n’effectuer une endoscopie bronchique que chez les patients
potentiellement à l’origine du saignement tabagiques (> 40 paquets-année), surtout s’ils ont plus de 40 ans,
et en cas d’hémoptysies récidivantes quelles que soient les
Si la radiographie de thorax ne montre que des anomalies habitudes tabagiques [6, 7, 9]. On peut cependant raisonnable-
très évocatrices de tuberculose pulmonaire active, le diagnostic ment proposer la réalisation d’une endoscopie bronchique chez
est bactériologique et la fibroscopie bronchique n’est pas tout tabagique, quelle que soit la quantité cumulée. Le scanner
obligatoirement nécessaire. thoracique ne semble pas être plus performant que la fibroscopie
La radiographie peut montrer des lésions en rapport avec un bronchique pour identifier une lésion tumorale proximale [6]. Il
carcinome bronchopulmonaire, des séquelles de tuberculose pourrait détecter des petites tumeurs distales radiologiquement
(lésions cicatricielles hypervascularisées, DDB, broncholithiase non visibles, mais cela n’a pas été démontré [6, 7]. Son intérêt est
[ganglion calcifié érodant la paroi bronchique], greffe aspergil- donc essentiellement de pouvoir apporter un diagnostic autre, en
laire, cancérisation), ou une DDB. Chez un même patient, ces particulier de DDB dans 12 à 35 % des cas [6, 7]. Il pourrait être
étiologies possibles peuvent être associées, la comparaison avec proposé comme examen de première intention chez le non-
un cliché antérieur est nécessaire. La localisation précise de fumeur [7]. Dans le suivi des patients pour qui la radiographie
l’origine du saignement peut parfois être difficile si les lésions et/ou scanner et l’endoscopie bronchique n’ont pas permis de
pathologiques sont diffuses. L’endoscopie bronchique doit être diagnostic (7 à 34 % des cas) [5, 6, 8-10], la fréquence du cancer
réalisée précocement, en particulier pour rechercher une tumeur bronchopulmonaire est faible (0 à 6 %) [3, 8-10]. Il survient en
maligne endobronchique, qui est l’étiologie retrouvée la plus général tardivement, dans les 3 premières années, chez les
fréquente (35 à 45 % [5-7] ), et pour déterminer le site du patients tabagiques, ne permettant pas d’affirmer que l’hémop-
saignement. Elle n’est pas toujours contributive, car elle peut tysie en était le symptôme révélateur [7, 9, 10].
être normale en cas de tumeur périphérique [6, 8], et, même Certaines hémoptysies minimes avec radiographie normale
effectuée dans les 48 heures suivant l’hémoptysie, le site du vont demeurer sans étiologie précise et sans aucune récidive.
saignement n’est déterminé que dans 40 % des cas (absence de Celles-ci surviennent souvent dans un contexte d’infection
sang ou présence diffuse de sang sans saignement actif loca- bronchique, qui reste cependant un diagnostic d’élimination. La
lisé) [2, 7] . Dans 40 à 60 % des cas, elle ne permet pas de prudence est de surveiller ces patients, au moins pendant les 3
diagnostic étiologique [2, 6, 7]. Le scanner thoracique est indis- à 12 premiers mois suivant l’épisode initial, et ce d’autant plus
pensable. Il précise les images radiologiques, augmente le qu’ils sont fumeurs, avec au minimum une radiographie de
nombre de cancers bronchopulmonaires diagnostiqués en thorax, et discussion de scanner et d’endoscopie bronchique en
visualisant les tumeurs distales à fibroscopie normale cas de modification radiologique.
(+ 24 %) [6] , peut parfois montrer des lésions mal visibles
associées (DDB localisées, anomalies rétrocardiaques, greffe
aspergillaire, anomalies vasculaires, etc.). Il permet un diagnostic
supplémentaire par rapport à l’endoscopie dans 38 % des cas [6]. ■ Conclusion
Il est donc recommandé d’associer fibroscopie et scanner
thoracique chez un patient tabagique à risque, et ce quelles que Toute hémoptysie doit bénéficier d’un bilan étiologique,
soient les anomalies visibles sur la radiographie. La combinaison comprenant toujours une radiographie de thorax, un scanner
des deux examens permet d’obtenir une étiologie dans plus de thoracique et le plus souvent une endoscopie bronchique. Si les
80 % des cas [2, 6, 7]. Le scanner peut être proposé en première étiologies sont actuellement dominées par le cancer bronchique,
intention en l’absence de facteur de risque tumoral, avant le bilan initial peut être négatif et impose une surveillance
discussion d’une endoscopie dans un deuxième temps [7] . clinique et radiologique.
L’artériographie bronchique n’est réalisée qu’en cas d’hémopty-
sies récidivantes, soit d’emblée pour une embolisation à visée
hémostatique, soit exceptionnellement pour une embolisation
préventive en cas de risque de récidive grave. En raison des
risques de la procédure, elle n’a pas d’indication à distance du
saignement non récidivant.
“ Points essentiels
La gravité immédiate d’une hémoptysie dépend de son
Radiographie de thorax anormale ne montrant retentissement sur la fonction respiratoire. L’hémoptysie
pas de lésion potentiellement responsable reste une menace permanente chez l’insuffisant
Soit les anomalies sont liées au saignement lui-même et n’ont respiratoire, quelle que soit l’abondance du saignement
pas de valeur étiologique : granité posthémoptoïque. Unilatéra- extériorisé.
les, elles peuvent avoir une valeur de localisation. Le scanner Toute hémoptysie de moyenne à grande abondance, et
thoracique doit être réalisé, la fibroscopie bronchique peut être quelle que soit son abondance sur terrain fragile
discutée en première ou deuxième intention. (insuffisance respiratoire), ou récidivante, doit être prise en
Soit les anomalies sont liées aux antécédents du patient charge en urgence en milieu hospitalier spécialisé.
(emphysème, cardiomégalie, etc.), ou non spécifiques dans le Le bilan étiologique d’une hémoptysie de faible
contexte. Dans ce cas, la conduite à tenir rejoint celle proposée abondance peut parfois être débuté par le médecin
pour les patients présentant une radiographie thoracique généraliste, mais nécessite toujours un avis
normale. pneumologique.
Toute hémoptysie chez un fumeur doit faire rechercher un
Radiographie de thorax normale
cancer bronchique, même en cas de radiographie
Cette situation représente 12 à 50 % des hémoptysies non thoracique normale, nécessitant fibroscopie et scanner
massives [5-9]. L’examen ORL doit être fait systématiquement. thoracique.
L’attitude dépend du terrain (tabagisme) et du caractère isolé ou Le bilan étiologique peut rester négatif, mais impose une
récidivant de l’hémoptysie. surveillance clinique et radiologique, en particulier chez le
L’étiologie à rechercher est le cancer bronchopulmonaire. Il fumeur.
n’est retrouvé que dans 4 à 6 % des cas, toujours chez les

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G. Le Bourdellès, Pneumologue, ancien chef de clinique, attachée des Hôpitaux (g.lebourdelles@hopital-foch.org).


Service de pneumologie, Hôpital Foch, 40 rue Worth, 92150 Suresnes, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Le Bourdellès G. Hémoptysie : du symptôme au diagnostic. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de
Médecine Akos, 1-0670, 2008.

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Iconographie supplémentaire 6
Aspergillome du lobe supérieur gauche avec aspect en « grelot » (avec l'aimable autorisation du service de radiologie de l'hôpital
Foch).
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Iconographie supplémentaire 7
Cancer proximal nécrosé du lobe supérieur gauche avec envahissement ganglionnaire médiastinal avec engainement tumoral des
artères pulmonaires (avec l'aimable autorisation du service de radiologie de l'hôpital Foch).
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