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Hémoptysie

Hémoptysie

Objectifs éducationnels

1. Définir l’hémoptysie

2. Expliquer ses différents mécanismes physiopathologiques

3. Etablir son diagnostic positif

4. Estimer sa gravité

5. Eliminer les principaux diagnostics différentiels devant une

hémoptysie

6. Discuter le(s) diagnostic(s) étiologique(s) en fonction du contexte

radioclinique

7. Décrire la prise en charge thérapeutique des hémoptysies graves

et/ou menaçantes

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Hémoptysie

Pré-acquis : Vascularisation pulmonaire


La vascularisation pulmonaire comporte :
1. Système artériel pulmonaire
Il est assuré par l’artère pulmonaire et ses branches :
 issu du cœur droit ;
 régime à basse pression ;
 sang désaturé.
Ce système joue un rôle dans les échanges gazeux à travers le
réseau capillaire pulmonaire. Son drainage se fait par les veines
pulmonaires qui ramènent du sang oxygéné vers le cœur gauche.
2. Système bronchique
Les artères bronchiques naissent de l’aorte ou des artères
intercostales. Il s’agit d’un régime à haute pression qui constitue la
circulation nourricière du poumon. Le drainage se fait par les veines
bronchiques et les veines pulmonaires.
3. Anastomoses
De nombreuses anastomoses naissent de deux systèmes
bronchique et pulmonaire à plusieurs niveaux.

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Hémoptysie

Hémoptysie

I. Définition
L’hémoptysie est définie par le rejet par la bouche de sang
provenant des voies aériennes sous-glottiques au cours d’un effort de
toux.
Il s’agit d’un symptôme fréquent d’étiologies multiples. Même
minime, l’hémoptysie doit conduire à une enquête étiologique
rigoureuse.
L’hémoptysie peut mettre en jeu le pronostic vital par son
abondance et/ou en raison du terrain sur lequel elle survient imposant
ainsi une prise en charge urgente.
Le traitement est à la fois symptomatique et étiologique.

II. Physiopathologie
A. Mécanismes
L’hémoptysie provient du passage de sang du système vasculaire
vers le compartiment aérien. Il peut s’agir :
 d’une effraction d’un réseau d’hypervascularisation
systémique (circulation systémique bronchique anormalement
développée), cas le plus fréquent ;
 d’une lésion de la barrière alvéolo-capillaire : suite à
une infection, une maladie néoplasique ou immunologique ;
 d’une érythro-diapédèse : il s’agit d’une migration des

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globules rouges à travers la membrane alvéolo-capillaire en raison d’une


hyperpression capillaire (insuffisance cardiaque gauche, rétrécissement
mitral…).
 exceptionnellement, de la rupture d’un gros tronc
vasculaire dans l’arbre bronchique : c’est l’exemple de la rupture d’un
anévrysme de l’aorte ou de l’artère pulmonaire…
B. Conséquences
1. Hémoptysie de faible abondance
Les saignements minimes et traînants sont responsables plutôt
d’une anémie chronique.
2. Hémoptysie de grande ou de moyenne abondance
Une hémoptysie abondante peut avoir des conséquences fâcheuses
en raison de l’inondation bronchiolo-alvéolaire source d’un effet shunt
d’où une hypoxémie et dans les cas extrêmes un tableau d’insuffisance
respiratoire aigue. La mort survient ainsi par asphyxie et non par choc
hémorragique.

III. Diagnostic positif


Facile, si l’on assiste à l’accident, sinon, cette reconnaissance
repose sur :
A. Interrogatoire
Il doit préciser les éléments suivants.
1. Facteurs déclenchants
Il peut s’agir de : effort, bain chaud, épisode cataménial…
2. Prodromes
 Plénitude thoracique
 Chaleur rétro-sternale

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Hémoptysie

 Chatouillement laryngé
 Saveur métallique
 Parfois angoisse
3. Caractères du rejet
Il s’agit de sang rouge vif, aéré, éliminé au cours d’un effort de
toux, parfois mêlé à des crachats.
4. Post-rejet
L’arrêt est progressif sur quelques jours. Le sang rouge au début
peut devenir noirâtre ou brunâtre réalisant la queue de l’hémoptysie (qui
peut manquer).
Par ailleurs, le diagnostic peut être étayé par la reconnaissance ou
la découverte d’une affection susceptible de se compliquer d’une
hémoptysie.
B. Examen clinique
L’examen clinique, peu contributif pour le diagnostic positif, peut
retrouver parfois des râles bronchiques et/ou des râles sous crépitants
du côté du saignement. Il est par contre d’un apport considérable pour
le diagnostic étiologique et celui de gravité.
C. Endoscopie bronchique
Souvent au terme du bilan clinique (interrogatoire et examen
clinique), le diagnostic positif d’hémoptysie est retenu. Toutefois, en cas
de doute, une fibroscopie bronchique permet d’avoir le diagnostic de
certitude en montrant du sang provenant des voies aériennes sous
glottiques.

IV. Diagnostic différentiel


Il convient de différencier une hémoptysie d’un saignement d’origine
ORL ou digestif.

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Hémoptysie

A. Hématémèse
C’est le rejet par la bouche de sang d’origine digestive.
 Rejet de sang non provoqué par la toux.
 Prodromes : nausées ou plénitude digestive.
 Le sang est non aéré, plutôt noir parfois mêlé à des
débris alimentaires.
 Arrêt brutal suivi de melena.
B. Epistaxis
L’épistaxis peut s’écouler le long de la paroi postérieure du pharynx
et peut être inhalée entrainant une expectoration sanglante.
C. Mélanoptypsie
Il s’agit d’une expectoration noirâtre chez les mineurs de charbon ou
les femmes qui se maquillent par le « Khol ».
D. Autres
Il peut s’agir de : gingivorragie, saignement pharyngé, laryngé,
lingual.

V. Diagnostic de gravité
Quatre facteurs conditionnent la gravité d’une hémoptysie.
A. Volume du saignement

Tableau n°I : évaluation de l’abondance du saignement

Abondance Faible Moyenne Grande Foudroyante


< 50 cc /J > 50 cc/J
>200 cc/1fois Potentiellemen
Quantité Crachats >½à1
>500 cc/J t mortelle
hémoptoïques verre

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B. Retentissement respiratoire
L’évaluation du retentissement respiratoire se base sur l’examen
clinique, éventuellement la gazométrie artérielle.

C. Retentissement hémodynamique
Il sera apprécié par la recherche de signes de choc ( soif, pâleur,
polypnée, tachycardie… collapsus cardiovasculaire).
D. Biologie
Les modifications biologiques sont tardives (hémoglobine,
hématocrite, masse globulaire circulante).

En pratique
Toute quantité de sang qui est à même d’obstruer l’espace mort
anatomique (150 CC) menace le pronostic vital.
l’hémoptysie est immédiatement menaçante réalisant un tableau ou se
Chez l’insuffisant respiratoire, un volume de saignement modéré peut
mêlentà entraÎner
suffire les signes uned’état de choc
détresse et d’insuffisance respiratoire aiguë.
respiratoire.
Dans ce cas, la priorité est de tarir le saignement.

l’hémoptysie n’a pas de caractère de gravité immédiate : la démarche est

essentiellement diagnostique à la recherche de l’étiologie.

Une fois le diagnostic positif d’hémoptysie est retenu, la gravité du


saignement évaluée, il faut distinguer deux situations :

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VI. Diagnostic étiologique


A. Bilan
Outre l’interrogatoire et l’examen clinique, des examens
complémentaires doivent être demandés sans retarder la mise en œuvre
du traitement dans les formes graves.
1. Interrogatoire et examen clinique
L’interrogatoire doit préciser : âge, antécédents, tabagisme,
circonstances de survenue, signes d’accompagnement…
L’examen clinique peut parfois orienter vers la cause : phlébite
(embolie pulmonaire), roulement diastolique (rétrécissement mitral)…
2. Radiographie thoracique de face et profil
Elle peut montrer :
 des images en rapport avec l’affection causale ;
 des images alvéolaires par inondation alvéolaire ;
 une atélectasie : due à une obstruction par caillot
sanguin ou un bourgeon tumoral ;
 une radiographie normale.

Etiologies à évoquer en cas d’hémoptysie si radiographie thoracique normale


Plaie thoracique
Ponction pleurale
Dilatation de bronches (DDB)
Bronchite aiguë
Tumeur endo-bronchique

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3. Fibroscopie bronchique
Elle permet :
 de confirmer l’origine sous-glottique du saignement;
 de préciser le territoire qui saigne;
 d’identifier la cause du saignement;
 d’aspirer et parfois entreprendre un premier geste
thérapeutique.
4. Scanner thoracique
 Détecter les lésions infraradiologiques.
 Analyse des lésions radiologiques : siège, dimension,
densité ; rapport, extension…
 Coupes fines : Diagnostic des bronchectasies.
 Scanner hélicoïdal à acquisition rapide : diagnostic
d’embolie pulmonaire et de malformations vasculaires.
5. Artériographie bronchique
Elle est indiquée dans les formes graves et si l’hémoptysie reste
sans diagnostic précis. Cet examen, potentiellement dangereux, ne sera
prescrit que lorsque l’on pense en faire également un geste
thérapeutique (embolisation).
6. Autres
D’autres examens seront discutés selon le contexte étiologique.

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 Electro-cardiogramme (ECG)
 Recherche de bacille tuberculeux (BK) dans les
crachats
 Écho-doppler veineux des membres inférieurs
 Echographie cardiaque
 Bilan de coagulation : recherche de troubles de
coagulation
 Dosage de D-Dimères….

B. Etiologies
1. Causes broncho-pulmonaires
a. Causes tumorales
 Cancer bronchique
Les hémoptysies en sont un des signes révélateurs. Le diagnostic
est fortement évoqué et orienté par la découverte d’anomalies
radiologiques pulmonaires. Les formes proximales sont plus volontiers
hémoptoïques. C’est l’enquête radio-fibroscopique qui en fera le
diagnostic.
 Métastases pulmonaires
 Tumeurs pulmonaires bénignes : tumeurs carcinoïdes...
b. Causes infectieuses
 Tuberculose pulmonaire
Le diagnostic, orienté par la radiographie thoracique, est confirmé
par la mise en évidence de BK dans l’expectoration.
 Etiologies infectieuses non tuberculeuses
 Pneumopathies bactériennes

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Principalement les formes nécrosantes, d’évolution subaiguë ou


chronique (Staphylocoque, Klebsiella). Les séquelles fibreuses de ces
pneumopathies peuvent être également en cause.
 Pneumonies virales ou à germes atypiques : sont
parfois en causes.
 Mycoses : notamment aspergillome dans une
cavité détergée préexistante (image en grelot) ou aspergillose invasive.
 Parasitoses : la pneumocystose, l’hydatidose
pulmonaire compliquée. Le diagnostic se base sur un faisceau
d’arguments (notion de contage, aspect radiologique et la sérologie
hydatique).
c. Dilatation des bronches
Le diagnostic repose sur des critères cliniques (bronchorrhée,
hippocratisme digital…) et les signes radiologiques (radiographie et
scanner thoraciques plus ou moins bronchographie).
La répétition des épisodes hémoptoïques doit conduire à une
nouvelle évaluation de la maladie, à renforcer le traitement médical
(drainage postural). Si les hémoptysies persistent, une embolisation doit
être discutée avant d’envisager le traitement chirurgical.
d. Malformations vasculaires
 Anévrysmes artériels bronchiques
 Anévrysmes pulmonaires artériels ou artério-veineux
isolés ou dans le cadre de la Maladie de Rendu Osler
 Séquestration pulmonaire
e. Autres
 Pneumoconioses (silicose ++)
 Endométriose broncho-pulmonaire
 Hypertension portale (exceptionnelle).

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2. Causes cardiovasculaires
Les étiologies cardiovasculaires les plus fréquentes sont :
rétrécissement mitral, Insuffisance ventriculaire gauche, embolie
pulmonaire, cardiopathies congénitales, anévrysme de l’aorte…
Ces causes sont responsables d’hémoptysies survenant volontiers à
l’effort.
3. Maladies systémiques
Le plus souvent, le saignement est en rapport avec des
hémorragies intra-alvéolaires qui se manifestent par une triade
caractéristique : hémoptysie, syndrome alvéolaire diffus et anémie
ferriprive
Il peut s’agir de :
 syndrome de Good pasture;
 maladie de Wegener;
 lupus érythémateux disséminé ;
 hémosidérose pulmonaire;
 amylose …
4. Troubles de la coagulation
Ces troubles peuvent être héréditaires ou acquis ou secondaires à
un traitement anticoagulant ou thrombolytique.

Même en présence d’un trouble de la coagulation, il faut


toujours rechercher une cause organique sous-jacente ayant
favorisé le saignement.

5. Origine traumatique ou iatrogène


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Il pourrait s’agir de:


 traumatisme thoracique responsable d’une plaie
pulmonaire (fracture de côtes et/ou contusion pulmonaire) ;
 corps étranger intra-bronchique ;
 gestes diagnostiques et/ou thérapeutiques (ponction
pleurale, drainage thoracique, biopsie transbronchique, ponction
transpariétale…).
6. Hémoptysie idiopathique
Aucune cause n’est retrouvée : une surveillance s’impose.

VII. Traitement
A. Buts
 Arrêter le saignement
 Corriger les conséquences
 Eviter les récidives
 Traiter la cause
B. Moyens
1. Moyens médicaux
Les moyens médicaux disponibles sont multiples.
 Repos + position ½ assise ou en décubitus latéral sur le
côté atteint
 Oxygénothérapie
 Abord veineux de gros calibre : prélèvement sanguins,
remplissage…
 Molécules vasoconstrictrices
 Traitement étiologique si possible : tels que traitements
anti-tuberculeux, antibiotique, anticoagulant…
2. Moyens endobronchiques

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La fibroscopie bronchique permet :


 le repérage du saignement ;
 l’instillation d’adrénaline ;
 l’aspiration efficace du sang ;
 l’isolement du poumon qui saigne par un ballonnet
bloqueur bronchique.
L’intubation est indispensable en cas d’insuffisance respiratoire
aigue. Certains tendent d’exclure le poumon d’où provient le saignement
par une intubation sélective controlatérale ou en utilisant le ballonnet
d’une sonde de Fogarty.
3. Moyens radiologiques
L’embolisation des artères bronchiques a apporté un progrès
manifeste dans le traitement des hémoptysies graves.
Une artériographie première avec opacification bronchique sélective
du côté qui saigne permet de mettre en évidence l’artère responsable du
saignement. Cette artère sera alors embolisée par des fragments de
particules non résorbables de taille > 300 µm.
L’intérêt majeur de l’embolisation est de permettre un arrêt immédiat
du saignement.
4. Moyens chirurgicaux
La chirurgie d’exérèse est le traitement de choix de pathologies
localisées (DDB, tumeur, aspergillome…).
C. Indications
La conduite thérapeutique est fonction en grande partie de la gravité
de l’hémoptysie, mais dans tous les cas, il ne faut pas omettre de
déterminer le groupe sanguin (GS) du malade. Le traitement étiologique
est toujours indiqué.
1. Hémoptysie de faible abondance

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Les hémoptysies de faible abondance ne nécessitent pas de


traitement symptomatique. Il faut en identifier la cause et la traiter.
2. Hémoptysie de moyenne abondance
Le traitement symptomatique des hémoptysies de moyenne
abondance est urgent car on considère qu’une récidive plus grave est
toujours possible.
a. Dans l’immédiat
 Rassurer le malade
 Voie d’ abord veineuse de gros calibre
 Bilan biologique : GS Rhésus, numération formule
sanguine (NFS) avec taux de plaquettes, taux de prothrombine (TP),
temps de Quick (TCA)
 Alimentation froide avec glaçage du thorax
 Administration des vasoconstricteurs par voie
intraveineuse si l’hémoptysie ne se tarit pas spontanément
Dans un second temps, si l’hémoptysie persiste ou récidive, le
traitement sera discuté en fonction de la cause et après bilan
endoscopique et, si besoin, artériographique :
 soit embolisation systémique ;
 soit traitement chirurgical, en cas de pathologie
localisée.
3. Hémoptysie de grande abondance ou menaçante
Les hémoptysies de grande abondance ou menaçante doivent être
prises en charge dans une unité de soins intensifs. Plusieurs mesures
sont alors nécessaires.
 Lutter, si besoin, contre l’asphyxie par aspiration, voire
intubation et oxygénothérapie.

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Hémoptysie

 Voie d’abord veineuse pour remplissage


(macromolécules ou sang)
 Bilan biologique
 Tenter de tarir l’hémoptysie en injectant une solution
vasoconstrictrice.
Lorsque l’hémoptysie ne cède pas rapidement, il faut recourir à une
tentative d’embolisation en urgence.
Beaucoup plus rarement, on fera appel à un traitement chirurgical
en urgence : exérèse d’une lésion localisée ou ligature vasculaire.

Points forts
L’hémoptysie est à distinguer de l’hématémèse et de l’épistaxis.
En cas d’hémoptysie grave, c’est l’asphyxie qui cause la mort et non le choc
hémorragique.
La gravité de l’hémoptysie est fonction de l’abondance du saignement et du
terrain sous jacent (en particulier la fonction respiratoire).
DDB, cancer, tuberculose, aspergillome et hémoptysies idiopathiques sont les
principales causes d’hémoptysies graves.

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