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« Chevaliers, vous voici armés pour le combat ».

17 Mai 2012 , Rédigé par Jacques Martin Publié dans #Planches

Très Eminent Commandeur et vous tous mes Frères Grand Inspecteur et Grand Elu Chevalier Kadosch
en vos grades et qualités, il m’a été demandé de réfléchir sur le sujet suivant : « Chevaliers, vous voici
armés pour le combat ».

Je vous avoue, qu’à peine initié au 30ième degré, la tache m’a semblé de prime bord insurmontable,
mais il est dit que je suis là pour me perfectionner ; je me suis donc mis au travail, à la lecture du
rituel des différents degrés, de divers écrits glanés ici où là et en voici le fruit qui n’est certes pas
encore mur.

Chevalier, nous le sommes depuis longtemps puis que différents degrés ( 11ième, 13ième , 15ième , 17ième ,
18ième , 21ième, 22ième, 25ième, 28ième et 30ième ) font référence à cette qualification.

Le chevalier, j’oserai dire classique, est celui qui incarne certaines qualités telles que la loyauté, le
courage, le sens de la Justice et du devoir, la rectitude, la persévérance ; grâce à sa monture, sans
laquelle il serait orphelin, il s’accomplit dans l’action et cela jusqu’au sacrifice de lui-même si
nécessaire ; c’est le défenseur d’une certaine façon de vivre.

Du 15ième au 17ième degré, cette condition du chevalier va évoluer de telle sorte que d’un statut
terrestre, matériel, elle va prendre une connotation toute spirituelle.

Au 15ième degré, le Chevalier d’Orient et de l’Epée, dont le prototype est Zorobabel, né en captivité, va
partir de Babylone pour rejoindre Jérusalem, c’est à dire qu’il quitte géographiquement l’Orient pour
se rendre à l’Occident . Autrement dit, il accomplit symboliquement un retour de son état présent
vers son passé. Né 70 ans après le début de l’exil de son peuple, déraciné, c’est pourtant à lui que le
Dieu des Hébreux va, au travers d’un songe de Cyrus, confié la mission de reconstruire le temple ; cela
signifie qu’il va devoir assumer pleinement l’histoire de son peuple avant de reconstruire.

Par analogie, nous aussi, nous devons, avant d’aller plus loin dans notre entreprise de reconstruction,
analyser notre passé et reconnaître tout ce qu’il comporte comme qualités mais surtout, voir
clairement tous les défauts et imperfections, tous les compromis douteux, tous les reniements, en
fait toutes les situations malsaines en rapport direct avec la manifestation de notre ego, mais aussi de
celui de nos prédécesseurs.

Armé de son épée d’une main, le Chevalier va combattre avec ardeur ses ennemis intérieurs, toutes
les pulsions qui s’opposent à l’avènement de ses nouveaux plans, jusqu’à tous les abattre avant de
pouvoir passer le pont au-dessus du fleuve Starbuzanaï.

Ce faisant, il aura acquis la Liberté De Passer, « Yaveron Hamaïm », liberté extérieure, physique,
visible mais aussi et surtout, liberté intérieure qui le rend disponible pour embrasser un nouvel avenir
tout en respectant son passé. Yaveron Hamaïm exprime ce lien entre notre passé et notre avenir .

Mais de quel avenir s’agit-il ? En effet, au 16ième degré, le temple ancien est détruit et il faut le relever
de ses murs. Il faut trouver un nouveau modèle. Celui-ci va être esquissé au 17ième degré avec
l’apparition d’un autre univers, celui de la Jérusalem d’en haut, Celle qui « descend du ciel d’auprès
de Dieu ».

Nous constatons à cet instant une sorte d’inversion dans la dynamique de l’initiation, puisqu’il n’est
plus question de relever le temple terrestre, qui, par nature, est
Il s’agit en quelque sorte de se placer dans un autre ordre des choses, dans une nouvelle dimension ;
il s’agit maintenant de construire un Temple dédié à l’Esprit.

Dans l’introduction aux grades de Perfection, il est dit : « il ne s’agit pas de l’acquisition d’un savoir ou
d’une culture, mais de la recherche d’une Connaissance métaphysique ». Métaphysique, c'est-à-dire
au-delà du physique , au-delà de la dimension du temps qui gère notre mode d’existence profane. De
même à la fermeture des travaux au 17ième degré, il est dit : « il n’y a plus de temps » ; c’est
l’apparition d’un au-delà sans limite, d’un univers intemporel.

Devenu disponible et libéré intérieurement, nous pouvons maintenant nous atteler à envisager tout
le symbolisme qui découle de l’Apocalypse et de la Jérusalem céleste et savourer notre bonheur au
18ième degré, celui de Chevalier Rose-croix, qui ,lui, œuvre complètement au plan spirituel.

Mais le chemin n’est pas terminé car la raison d’être d’un chevalier est toujours d’aller plus loin , plus
haut dans la quête de la Vérité . Il doit lutter contre les forces du mal qui tourmentent son existence
quotidienne, tout mettre en œuvre pour promouvoir un monde toujours meilleur .

Un autre niveau lui est encore proposé par le REAA tout au long des degrés capitulaires, dont le
30ième, Grand Inspecteur et Grand Elu, Chevalier Kadosh constitue l’apogée. Il s’agit de parfaire notre
recherche métaphysique en réalisant au plus profond de nous, l’échelle mystérieuse qui nous
conduira au Nec Plus Ultra.

Je ne peux pas dans ce travail m’attarder sur tous les enseignements dégagés par le symbole de
l’échelle, présente dans de nombreuses traditions, mais si on veut approcher le sens des armes dont
le Chevalier Kadosch dispose pour mener à bien son combat, je dois quand même en dire quelques
mots.

En effet, c’est cette échelle qui va nous permettre d’accéder au plus haut de la connaissance
métaphysique et en ce sens , elle devient quasi mystique. Il s’agit, ici et maintenant, de faire en sorte
que le binaire qui gère notre destinée, qui est la caractéristique principale de notre existence
quotidienne, soit résolu, intégré dans le principe unitaire, dans le Principe créateur. Celui-ci ne peut
être considéré que comme quelque chose d’ineffable, uniquement concevable sur un plan qui nous
dépasse, sur un plan supra humain. Il s’agit en fait du concept de Lumière originelle, celle-là même
qui prévaut à tous nos efforts sur le chemin initiatique depuis que nous avons frappé un jour à la
porte du temple et qui donne un sens à notre quête.

Cette échelle donc, de nos jours est double, stable , composée de deux montants et de sept échelons
de chaque côté. Il est possible de la gravir indifféremment par l’un ou l’autre côté, mais la démarche
qui est la notre, dans la progression initiatique vers le Principe, nous fait préférer comme voie
ascendante, celle de l’Amour, but ultime de notre démarche .

C’est là aussi que, vouloir exprimer avec des mots ce que nous ressentons ou de ce que nous pensons
au plus profond de notre Etre est le plus difficile.

Oheb Eloah et Oheb Kerobo, respectivement traduits par Amour de Dieu et Amour du Prochain, sont
les deux montants de l’échelle.

Amour de Dieu, c’est-à-dire à la fois l’amour que Dieu a pour nous et l’amour que nous lui portons.
Ceci sous-entend et implique qu’entre le Principe et nous, s’établisse une mise à nu complète de
toutes nos conceptions les plus évoluées de la nature humaine, un sacrifice même de notre principe
vital , de notre âme. Chacun de nous, au plus profond de notre caverne et à la lumière de notre
flambeau, doit tenter de faire le pas décisif vers cet endroit sans limite où a germé la manifestation
universelle, où Dieu et créature, donc nous, s’estompent puis s’effacent. Il s’agit d’une sorte de
mutation tellement profonde et personnelle, mettant en jeu tant de sensibilité, tant de spiritualité et
aussi tant de raison que d’en parler longuement et surtout clairement m’est très difficile.

C’est en fait, à ce moment là, que le Chevalier Kadosch aura réalisé son sacerdoce, et accompli
pleinement sa quête métaphysique. Il aura accéder au « Nec Plus Ultra » de son initiation. Il sera
parvenu au degré le plus haut de la chevalerie de l’Esprit ; il sera chevalier de l’éternel et de
l’intemporel.

Il est évident que, si cet état est difficile voire impossible à décrire avec des mots courants, il est
encore plus difficile à atteindre et si parfois, à force de méditation, de persévérance et de travail ,
nous parvenons à nous en rapprocher , l’instant demeure éphémère et non reproductible à volonté.

Heureusement d’ailleurs, car même Chevalier Kadosch, nous ne restons pas moins des hommes, des
laïcs oeuvrant au progrès de la société et demeurer à un tel niveau de Conscience nous conduirait à
un mysticisme qui n’est nullement prôné ou véhiculé par le REAA.

Venons en maintenant à Oheb Kerobo, amour du prochain, du prochain immédiat bien entendu mais
aussi de l’ensemble des hommes qui peuplent l’univers. Tout comme lors de la phase ascendante vers
le Principe, cet Amour du prochain est toujours l’Amour de Lui pour Lui, mais envisagé cette fois-ci,
d’un point de vue descendant où celui qui descend est le seul à pouvoir se prévaloir d’une position,
dune vision englobant l’existence universelle.

En fait, si dans la phase ascendante nous nous sommes tourné vers Dieu et nous nous sommes en
quelque sorte suicidé, autodétruit pour que LUI soit LUI, dans la phase descendante, c’est l’initié, le
Chevalier Kadosch, le séparé, le Saint qui descend et qui se tourne vers tout ce que LUI peut réaliser
dans l’univers mais dont il va percevoir la multiplicité dans l’unité du regard de ce LUI, le Divin.

En effet, parvenu au stade ultime de sa réalisation métaphysique, le Chevalier Kadosch a compris que
si, lorsque qu’il gravissait l’échelle, la finalité était Aime ton Dieu, une deuxième finalité en découlait
automatiquement et était le Droit de Dieu, à savoir aime pour Moi ; cet Amour pour Dieu sous-
entend de respecter le droit de Dieu en chacun des êtres de l’univers et implique une descente, un
retour parmi les hommes.

D’ailleurs, cela est en parfaite adéquation avec la fonction de Chevalier, qui ne consiste pas qu’à
défendre l’idéal qui a justifié le sens de sa vie, même au péril de celle-ci, mais aussi à transmettre la
Connaissance qu’il a acquise : « allez dans le monde, seul, univers complet, riche de connaissance et
d’amour » .

Pour ce faire, il dispose en fait de deux armes selon le rituel. La première est un poignard , bijou du
grade, symbole d’action et de combat. Chevaliers, vous voici armés pour le combat ; cette fois-ci , on y
est ; action et combat, voilà nos attributions.

« Quel combat doit mener le Chevalier Kadosch ? » : celui de défendre la cause de la justice et les
droits de l’homme contre toute autorité usurpée ou abusive, quelle soit politique, militaire ou
religieuse », dit le rituel. Et encore, lors de l’ouverture des travaux au 30ième degré : « Eminent
Premier Grand Juge, cherchez vous autre chose ? Justice ».

Amour et Justice constituent les manifestations les plus sensibles de la quête de la Vérité que nous
avons entamé dès le premier degré du Rite Ecossais Ancien et Accepté.

Le concept de la Justice a été de tout temps adossé à celui de vengeance et en Franc-maçonnerie les
grades d’Elus sont dits grades de Vengeance ; c’est particulièrement vrai pour le 30ième degré.
Ce thème de la Vengeance et de la Justice peut à lui seul constituer matière à de nombreux travaux,
mais je ne peux pas faire l’économie d’ en dire quelques mots car arme et vengeance sont souvent
fait pour s’entendre.

Le 9ième degré en est certainement un des plus représentatifs à ce sujet.

En effet,rappelons-nous, Johaben, empressé de satisfaire aux injonctions de Salomon de punir le


meurtre du Maître, va manifester tout son zèle en tranchant, à l’aide de son poignard, la tête du
mauvais compagnon endormi dans la caverne, après l’avoir frappé à la tête et au cœur.

Ce faisant, il ne tuait en fait que celui dans lequel il se reconnaissait trop ; il pensait accomplir un acte
juste mais il ne réalisait qu’une action violente de la vengeance de son ego blessé . La réaction de
Salomon est d’ailleurs tout à fait explicite et immédiate : c’est la mise à mort.

Les deux degrés suivants vont permettre à Johaben de revenir dans une conduite plus spirituelle en
devenant Emerek, Sublime Chevalier Elu, Homme vrai en toutes circonstances.

Cette approche de la Justice et de la Vengeance va évoluer et au 30ième degré il est dit que « votre
poignard n’est point le poignard du sicaire, la hache du bourreau, la flèche empoisonnée du
calomniateur : votre action se situe sur un tout autre plan ».

En lisant diverses publications, une explication m’a beaucoup éclairé.

En effet il existe une dualité du mot Vengeance . Il a une origine latine qui est vindicta et qui exprime
comme le verbe vindicare, l’idée de réclamer justice, de punir et de défendre ; la conscience offensée
réagit de façon radicale et spontanée en réclamant le rétablissement de la vérité, la punition d’un
acte injuste et la réparation d’un préjudice.

Mais, chez les Romains, la vindicta était aussi une baguette permettant aux seigneurs de rendre la
liberté à un esclave en frappant la tête de ce dernier d’un léger coup. Vindicare in libertatem : mettre
en liberté.

C’est ce sens symbolique qui nous intéresse particulièrement au 30ième degré.

La Justice comprise avec ce regard, n’est plus l’assouvissement d’une réaction émotionnelle pleine
d’agressivité et de violence. Le Chevalier Kadosch , censé avoir atteint le sommet de l’initiation, fort
de la Connaissance et de l’Amour dont il s’est investi, va devoir redescendre parmi les hommes qui
sont tous des créations de Dieu et les aider en tentant de faire passer la Vérité contre l’erreur ,
d’éveiller l’Amour face à la haine et la sérénité face à la violence .

Cette action, ce combat qu’il doit livrer, ne peuvent bien évidemment se faire dans le monde profane,
que s’il a préalablement commencé par les exercer sur lui-même ; il doit lutter contre toutes les
pulsions intérieures qui s’opposent encore à sa propre libération et développer cette nouvelle
conception de la vengeance.

Il pourra ainsi être un exemple pour ses Frères et ses semblables , manifester en toutes circonstances
miséricorde et compassion. Il saura alors se servir de sa deuxième arme qui est le glaive, cette arme à
double tranchant qui est surtout faite pour séparer et dont la manipulation requiert un maximum de
discernement.
Au plus profond de son Etre, le Chevalier Kadosch comprendra que ce glaive ne peut être pour lui que
le glaive de l’Esprit, cette force qui va lui permettre de séparer le Bien du Mal, la Justice de l’injustice
et de faire en sorte que la Lumière de la Vérité guide toutes ses actions. Il s’agit de cette force
unificatrice, de cet UN qui nous est consubstantiel et qu’enfin nous arrivons à faire resplendir. Seul,
univers complet, responsable devant notre conscience et riche de connaissance et d’amour, nous
allons pouvoir agir et exercer notre rôle de soldat de l’universel et de l’Eternel.

Très Eminent Commandeur et vous mes Frères Chevaliers Kadosch, j’ai dit.

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