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Récupération active et performance sportive

Chapter · January 2010

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Guillaume Y Millet
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Les entretiens Colloque

S’améliorer
à haut niveau
par la récupération
10 et 11 décembre 2009
INSEP

La récupération active
peut-elle améliorer
la performance des
athlètes élite ?

Guillaume Y. Millet
Laboratoire de physiologie de l’exercice (EA 4338),
médecine du sport, myologie
Hôpital Bellevue
42055 Saint-Étienne Cedex 2
Courriel : guillaume.millet@univ-st-etienne.fr
2 LES ENTRETIENS La récupération active peut-elle améliorer la performance des athlètes élite ?

Introduction
La récupération a pris récemment une place grandissante dans la préparation de l’athlète de haut niveau, à tel
point que certains n’hésitent pas à parler « d’entraînement invisible ». Même s’il a été suggéré qu’une nutrition
et une hydratation adaptées et du repos étaient les stratégies les plus efficaces pour améliorer la récupération
de l’athlète élite, de nombreuses méthodes ont été proposées au cours de l’histoire de l’entraînement pour
tenter d’améliorer ou d’accélérer la récupération de l’athlète. Certaines sont récentes (immersion dans l’eau
froide ou glacée, hyperbarie, cryothérapie), d’autres moins (électrostimulation, balnéothérapie, prise d’anti-
inflammatoires), d’autres encore sont très anciennes. Ainsi, la réalisation d’un exercice léger immédiatement ou à
distance d’un effort fatigant est une méthode utilisée de longue date. Cette méthode de récupération est connue
sous le nom de « récupération active », de « retour au calme » ou de « décrassage », en fonction du moment où
cet exercice léger est pratiqué. Dans de nombreux sports – peut-être dans tous –, cette pratique est vue comme
une évidence, faisant presque partie de « l’hygiène » du sportif, au même titre que les étirements ou le gainage.
Dans cet article, nous passerons en revue les raisons théoriques qui poussent les athlètes et les entraîneurs à
ne pas simplement s’asseoir entre deux séries (ou à la fin d’une séance) et nous les confronterons aux données
objectives sur l’intérêt potentiel de la récupération active après trois types d’exercices principaux : intenses,
induisant des dommages musculaires et prolongés. Puis dans une seconde partie, nous tenterons de faire une
synthèse des études pratiques et appliquées à un sport en particulier dont le but était de tester l’influence de la
récupération active sur la restauration des performances initiales.

zz La récupération active : une évidence physiologique après un exercice intense ?


Après un exercice intense mettant largement à contribution le métabolisme anaérobie lactique, la récupération
active (RA) accélère la baisse de la lactatémie. Ce résultat a été rapporté à de nombreuses reprises, comme par
exemple après trois répétitions de 1 minute sur ergocycle à 130 % de la puissance maximale aérobie (ou PMA,
Choi et al. 1994) lorsqu’un exercice de 30 minutes à 40-50 % de la O2max était comparé à la récupération passive
(RP). Ceci reste vrai lorsque l’exercice est supra-maximal ou, à l’inverse, moins intense, comme en attestent les
études de Ahmaidi et al. (1996) et de McAinch et al. (2004). Dans la première de ces deux expérimentations,
l’exercice consistait en une répétition de tests charge-vitesse de 6 secondes sur ergocycle (Ahmaidi et al. 1996),
chaque sprint étant séparé du précédent par 5 minutes de RP ou de RA à 32 % de PMA. Dans la seconde étude,
les sujets devaient réaliser la performance maximale en 20 minutes, toujours sur ergocycle, la RA consistant en
15 minutes à 40 % de PMA. Dans les deux cas, la lactatémie était abaissée par la RA. Ce phénomène a été mis
en évidence dès les années quarante (Newman et al. 1937). Il convient d’ajouter que les sujets entraînés en
endurance ont une clairance accélérée du lactate sanguin en RA (Taoutatou et al. 1996). Ce dernier résultat est
très probablement à mettre en relation avec la haute densité capillaire et le pourcentage plus élevé en fibres de
type I dans les muscles des athlètes endurants. Il existe d’ailleurs une relation entre l’élimination du lactate et
le pourcentage de fibres de type I dont la concentration en isoformes H de lactate déshydrogénase est élevée.
L’intensité optimale d’exercice permettant d’accélérer la clairance du lactate sanguin se situerait autour de 50 %
de la O2max en course à pied, à des valeurs légèrement inférieures en cyclisme (30-40 % PMA) et légèrement
supérieures en natation (Dodd et al. 1984 ; McEniery et al. 1997). Une individualisation de l’intensité, en prenant
en compte les seuils ventilatoire et lactique, a aussi été proposée (Baldari et al. 2004, 2005). Très récemment,
il a été montré qu’une surcharge des muscles respiratoires (ventilation de 20 minutes contre une résistance
inspiratoire de 15 cm H2O) avait les mêmes effets positifs sur la baisse de la lactatémie qu’un exercice actif
traditionnel (Brown et al. 2010). On peut également noter que la RA accélère l’élimination de la créatine kinase
(CK) plasmatique (Gill et al. 2006) et que le pH plasmatique retourne à son niveau initial plus rapidement dans la
condition RA (Fairchild et al. 2003 ; Siegler et al. 2006).
Ainsi, il ne fait aucun doute que la RA accélère la clairance du lactate et d’autres métabolites. Sur cette base,
le célèbre physiologiste Åstrand recommandait à un joueur de hockey sur glace de ne pas s’asseoir sur le banc
mais de pédaler à faible intensité en sortant de l’anneau de jeu (Åstrand et Rodahl 1994). Toutefois, avant de
conclure de la sorte, il est important de préciser un certain nombre de points. Premièrement, une accélération
de l’élimination du lactate sanguin ne signifie pas nécessairement un résultat identique au niveau intracellulaire.
McAinch et al. (2004) ont ainsi montré que la baisse de la lactatémie induite par la RA ne se retrouvait pas lorsque
la concentration était mesurée au niveau du muscle après une biopsie (Fig. 1).
Guillaume Y. Millet LES ENTRETIENS 3

Récupération passive Récupération active


16,0 90
Lactate plasmatique (mmol/l)

Récupération active Récupération passive


14,0
80
12,0 *
10,0 * 70

Lactate (mmol.kg −1dm)


8,0
60
6,0
4,0 50
2,0 Match 1 Récupération Match 2
0,0 40
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55
Temps (min) 30

20

10

0
Pré-match 1 Post-match 1 Pré-match 2

Figure 1. Effets de la récupération active et passive sur la lactatémie (à gauche) et sur le taux de lactates musculaires (à
droite).

D’après McAinch et al. (2004),


avec l’autorisation de Int J Sport Nur Exerc Metab.

Deuxièmement, l’ion lactate n’est pas connu pour avoir des effets délétères sur la contraction musculaire ou
sur les processus énergétiques. Cependant, l’élimination du lactate facilite aussi l’élimination des protons par
un symport H+/Lact−. On peut donc concevoir qu’en facilitant l’élimination du lactate dans le muscle (même
si elle n’est pas systématique, comme nous venons de le voir), la RA faciliterait aussi l’élimination des ions H+.
Ceci est corroboré par deux études conduites en spectroscopie par résonance magnétique nucléaire (RMN) au
phosphore 31 montrant que le retour au pH intramusculaire était accéléré par la RA (Saryo et al. 2003 ; Yoshida
et al. 1996). Pourtant, alors qu’une conception traditionnelle plaçait les ions H+ au centre des mécanismes de la
fatigue à l’exercice intense, des données plus récentes sont venues nuancer ou même contredire cette théorie.
L’accumulation de phosphates inorganiques, plus que celles des protons, serait problématique à température
physiologique (Westerblad et al. 2001). Il a même été suggéré que l’acide lactique pourrait protéger contre la
fatigue (Nielsen et al. 2001), mais ces études vont à l’encontre de celle montrant un effet positif de la prise de
substances tampons sur la performance à l’exercice intense (par exemple Price et al. 2003).
Troisièmement, et en relation directe avec ce qui précède, la récupération doit plutôt être vue comme une
période pendant laquelle se développent des processus physiologiques permettant au muscle de restaurer sa
capacité à générer de la force (i. e. l’inverse de la fatigue). Il paraît donc beaucoup plus opportun de mesurer
les effets de la RA sur la fonction musculaire et sur la performance subséquente, en se concentrant, dans un
premier temps, sur l’exercice intense. Un certain nombre d’expérimentations ont questionné directement cette
problématique et les résultats étaient dans l’ensemble plus nuancés que ceux se rapportant à la baisse de la
lactatémie. En outre, lorsque des effets positifs étaient rapportés, les gains étaient en général assez faibles. Même
lorsque l’exercice sollicite fortement le métabolisme anaérobie lactique (10 × 1 minute à 120 % de la vitesse
maximale aérobie avec 18 % de pente), l’intérêt de la RA n’est pas toujours mis en évidence, ni sur la fonction
neuromusculaire, ni sur une performance de temps-limite (Lattier et al. 2004). Souvent, les études se contredisent
pour des efforts d’intensité comparable. Ainsi, par exemple, Monedero et Donne (2000) ont montré que lorsque
deux contre-la-montre de 5 km étaient séparés par une RA de 20 minutes à 50 % de PMA, le delta-temps était de 7
secondes, alors que ce delta était de 10 secondes (P < 0,05) lorsque la récupération était passive. À l’inverse, pour
un exercice comparable (i. e. performance maximale en 20 minutes, séparée par une RA de 15 minutes à 40 % de
PMA vs RP), il n’existait pas de différence dans une autre expérimentation (McAinch et al. 2004). De même, alors
qu’Ahmaidi et al. (1996) avaient montré que la puissance lors des sprints était supérieure, dans le cas de la RA,
lors d’une répétition de tests charge-vitesse de 6 secondes sur ergocycle, un résultat complètement opposé (i. e.
4 LES ENTRETIENS La récupération active peut-elle améliorer la performance des athlètes élite ?

meilleur maintien de la performance dans le cas de la RP) a été observé par Toubekis et al. (2006) lorsque huit
sprints de 25 m en natation étaient réalisés. Néanmoins, cette dernière contradiction apparente peut être levée
si l’on prend en compte la durée de la récupération : 5 minutes (Ahmaidi et al. 1996) vs 45 secondes (Toubekis et
al. 2006). Ceci corrobore la grande tendance qui se dégage lorsque la récupération est courte, que ce soit dans
le cas d’exercices intermittents, i. e. de répétitions de séquences de 15 à 30 secondes d’effort séparées par une
récupération de durée similaire (ou, dans le cas d’efforts intenses, suivies de périodes de récupération brèves). En
effet, plusieurs études sur ergocycle (Dupont et al. 2004 ; Dupont et al. 2007) ou en course à pied (Dupont et al.
2003 ; Buchheit et al. 2009) ont montré que la performance était moindre en cas de RA dans ce cas de figure. Ceci
est associé avec une moindre oxygénation musculaire – mise en évidence par la méthode spectroscopie proche
infrarouge – dont l’effet pourrait être indirect via une moindre resynthèse des réserves de phosphocréatine
(McAinch et al. 2004 ; Spencer et al. 2006).
La question de l’intensité optimale est, de fait, encore plus difficile à trancher lorsque le critère n’est plus la
baisse de la lactatémie mais le maintien de la performance subséquente. Il semble néanmoins que les données
soient assez comparables si l’on considère l’un ou l’autre de ces deux critères. Ainsi, il a été montré que la
récupération de la force maximale isocinétique du quadriceps était meilleure avec une RA à 30 % de PMA qu’avec
une RP ou une RA à 60 % de PMA (McEniery et al. 1997). En natation, l’intensité optimale de récupération après
un sprint de 200 yards se situait aux alentours du seuil lactique, comparativement à des vitesses légèrement
supérieures ou inférieures au seuil lactique et comparativement à la RP (Greenwood et al. 2008). L’intensité
mais aussi la durée de la récupération sont des paramètres à prendre en compte. Ainsi, dans une étude récente
en natation (Toubekis et al. 2008b) où deux sprints de 100 m étaient séparés par 15 minutes de récupération,
la configuration idéale était de 5 minutes de RA suivies de 10 minutes de RP (par rapport à une récupération
complètement passive ou à 10 minutes RA + 5 minutes RP). Ces mêmes auteurs (Toubekis et al. 2008a) ont par
ailleurs montré que l’idéal, pour le maintien de la performance, était de réaliser une RA entre les séries et une
RP entre les répétitions.

zz La récupération active après un exercice traumatisant et/ou prolongé


Lorsque le muscle subit des dommages musculaires dont les effets les plus connus sont les courbatures dans
les jours qui suivent l’exercice, le besoin d’accélérer la récupération se fait particulièrement sentir, l’athlète
cherchant à reprendre son entraînement au plus vite. La RA peut-elle jouer un rôle dans ce cas ? Les études ayant
investigué cette question sont rares. Martin et al. (2004) n’ont pas mis en évidence d’effets positifs sur la fonction
neuromusculaire d’une RA (consistant en 30 minutes de course à pied par jour à 50 % de la vitesse maximale
aérobie) par rapport à la RP après un exercice traumatisant des extenseurs du genou (10 × 30 secondes de cloche-
pied en descente). Une tendance en faveur de la RA semblait se dégager pour la variable « Force maximale
volontaire » mais elle était non significative d’un point de vue statistique. Les résultats ne furent pas plus probants
dans une autre étude conduite sur les muscles

extenseurs de l’avant-bras (Gulick et al. 1996).
Réserves de glycogène musculaire

450
(µmol unités glycosyl/g d.w)

Récupération active
400 Récupération passive ** Lorsque les dommages musculaires sont
350 **
** induits par un exercice de course à pied de
300
250 * * durée prolongée, la problématique est plus
*
200 compliquée en raison de l’effet limitant de la
150
100
RA sur la restauration des stocks de glycogène
50 musculaire. En effet, la réalisation d’un exer-
0
Pré-exercice 0 45 75 cice léger après un effort déplétant le glyco-
Temps de la récupération (min) gène musculaire nuit au retour aux valeurs
normales (Fig. 2a) [Choi et al. 1994 ; Fairchild
Figure 2a. Effet de la récupération active sur le remplissage des
réserves de glycogène musculaire (contenu total). et al. 2003]. Cette limitation semble présente
seulement dans les fibres de type I (Fairchild
* : Différence significative avec le niveau initial ;
** : Différence significative et al. 2003), ce qui est logique car elles sont
avec le niveau à 0 min de récupération.
D’après Choi et al. (1994),
les seules impliquées dans l’exercice de faible
avec l’autorisation de Med Sci Sports Exerc. intensité (Fig. 2b).
Guillaume Y. Millet LES ENTRETIENS 5

Ainsi, une étude déjà ancienne (Sherman 


et al. 1984) avait montré qu’après un
Fibres de type I
marathon, un groupe de coureurs, qui réalisait Récupération passive Fibres de type IIa
une RA (footings de 20 à 40 minutes/jour à 0,40 Fibres de type IIb **

Taux de remplissage des réserves de glycogène musculaire


0,35 ** **
50-60 % de la O2max) dans les jours suivant
0,30 ** **
la course, avait des performances musculaires 0,25 * *
dépréciées – force maximale, capacité de 0,20
*

travail sur des contractions répétées – plus 0,15


longtemps qu’un groupe au repos complet. 0,10
Il semble donc qu’en cas d’efforts de longue 0,05

(unités OD)
durée traumatisants (marathon, trails, ultra- 0,00
Récupération active
trails), une RA en course à pied dans les 0,40
jours suivant l’épreuve soit à déconseiller 0,35 ** **
* *
et que la priorité doive être donnée aux 0,30 **
0,25
stratégies nutritionnelles. Néanmoins, une 0,20 * *
*
*
RA sans traumatisme (cyclisme, aqua-jogging, 0,15 **

natation, voire électrostimulation de faible 0,10


0,05
intensité pour les athlètes habitués à ce
0,00
genre de stimulation) pourrait permettre de Pré-exercice 0 45 75
préserver les aptitudes aérobies locales. Ceci Temps de la récupération (min)

n’est pas valable dans le cas d’une course Figure 2b. Effet de la récupération active sur le remplissage
à étapes ou d’une nouvelle compétition des réserves de glycogène musculaire (contenu différencié en
proche, car les stocks de glycogène doivent fonction du type de fibre musculaire [I, IIa, IIb]).
être absolument optimisés dans ce cas. * : Différence significative avec le niveau initial ;
** : Différence significative
avec le niveau à 0 min de récupération.

zz Lade récupération active à l’épreuve


la science appliquée
D’après Fairchild et al. (2003),
avec l’autorisation de Med Sci Sports Exerc.

Un certain nombre d’études publiées, en particulier ces dernières années, avaient pour but de tester de façon
très pratique l’influence de tel ou tel mode de récupération sur la performance spécifique dans un sport. Parmi
ces modes de récupération a souvent figuré la RA. On peut différencier les études ayant testé l’influence de la RA
pendant la séance et celles l’ayant testée entre les séances (« décrassage »).

Intérêt de la récupération active pendant les séances


Un résumé non exhaustif de seize études sur le sujet, dont certaines ont déjà été décrites ci-dessus, est
présenté dans la figure 3.
À titre d’illustration – car il n’est pas possible de détailler l’ensemble de ces études –, nous allons évoquer trois
articles publiés en 2009 dans trois sports différents.
Heyman et al. (2009) ont testé l’influence de 20 minutes de RA (pédalage sur ergocycle à 40 W) sur un temps-
limite spécifique à l’escalade, i. e. enchaînement de voies de niveau 6b jusqu’à épuisement. La RA permettait de
maintenir le même niveau de performance, ce qui n’était pas le cas de la RP.
En rugby, l’effet de la RA (50 % de la vitesse maximale aérobie réalisée au cours des pauses de 30 secondes) a
été testé sur la force de poussée en mêlée et sur la vitesse en sprint au cours d’un test spécifique à cette discipline,
nommé le Narbonne Test (Jougla et al. 2009). Ce test consiste en six répétitions de quatre actions de rugby
(poussée, parcours d’agilité, simulation de plaquage, sprint en ligne droite sur 20 m). Sans doute en raison de
la faible durée de la récupération entre les répétitions, la récupération active était globalement néfaste à la
performance.
Enfin, Franchini et al. (2009) ont testé, au cours de sessions différentes, l’influence de la RA à environ 50 % de
la O2max sur les aptitudes générales (test de Wingate), semi-spécifiques (Special Judo Fitness Test) et spéci-
fiques (combats réels) en judo. Le rapport entre le nombre de combats gagnés et perdus était multiplié par dix
6 LES ENTRETIENS La récupération active peut-elle améliorer la performance des athlètes élite ?

 lorsqu’un judoka réalisait une RA et


son adversaire une RP. Ce résultat
  ne pouvait pas être expliqué par le
200 yards natation SV Rugby 50 % VMA nombre d’actions effectuées ou par
6 s ergocycle 32 % VO2max 15 s/15 s ergocycle 40 % PMA une modification de la structure du
6 s ergocycle 15 s/15 s course à pied 40 % VMA combat.
−1
Escalade 40 W 4 s/ 21 s course à pied 2 m.s
20 min ergocycle 40 % PMA
Intérêt de la récupération active
5 km clm ergocycle 50 % PMA
entre les séances
10 × 1 mm course à pied côte 50 % VMA
Quelques études, là encore relati-
Judo 50 % VMA
100 m natation + 60 % V100 m
vement récentes, ont investigué cette
Course à pied 90-120 % VMA 40 % VMA
question très pratique. Ainsi, par
Gymnastique faible intensité Hockey ergocycle faible intensité exemple, deux séances de décrassage
entre deux matchs (pédalage à 60 %
de la fréquence cardiaque maximale
et musculation légère) ne modifiaient
Figure 3. Résumé de l’intérêt de la récupération active sur la performance
appliquée. pas les patterns de récupération de
joueuses de football de haut niveau
J : Récupération active > récupération passive ; (Andersson et al. 2008). Dans les deux
L Récupération active < récupération passive;
VMA : vitesse maximale aérobie ; PMA : puissance maximale aérobie. types de récupération, les capacités de
La colonne de gauche représente l’exercice fatigant, la colonne de droite (en général sprint, les témoins biologiques (urée,
en % de VMA ou de PMA) représente l’intensité de la récupération.
CK), ainsi que la force maximale et la
douleur musculaire, étaient revenus à
leurs niveaux initiaux avant le deuxième match réalisé 96 heures après le premier, alors que la force explosive
(saut avec contre-mouvement) restait significativement dépréciée, mais de façon similaire pour les deux modes
de récupération (RA et RP). Dans un sport typiquement australien (le netball), il a été montré qu’une RA, réalisée
immédiatement après une session d’entraînement assez intense, avait plutôt tendance à détériorer la perception
de l’effort et à accroître la douleur musculaire à l’issue de la récupération dans un premier temps, une absence
de différences entre les conditions étant notée 24 heures après, juste avant une autre séance (King et Duffield
2009). Dans une récente revue de littérature, Barnett (2006) concluait à l’absence d’évidences scientifiques al-
lant dans le sens d’un intérêt à réaliser des séances de récupération active (« le décrassage ») entre les séances
d’entraînement ou après les matchs. L’auteur rappelait aussi l’effet, vu ci-dessus, potentiellement néfaste de la
RA sur la restauration de stocks de glycogène. Potentiellement, ceci n’est pas un problème si les matchs ou les
entraînements sont suffisamment espacés.

Conclusion
À l’issue de cette revue de littérature, quelques évidences se dégagent (clairance du lactate et retour à un
pH sanguin initial accélérés lors d’une récupération active, la récupération passive permettant de mieux
maintenir la performance lorsque la durée de la récupération est courte), mais la plupart des données sont
contrastées, même lorsque l’on s’intéresse à la question du retour au niveau de performance initial après
un exercice intense sollicitant fortement le métabolisme anaérobie lactique. La réalisation d’un exercice
léger pour améliorer la récupération, y compris, donc, dans ce cas de figure qui apparaît comme optimal,
n’est pas une évidence. En outre, il existe des effets potentiellement néfastes de la récupération active sur
la recharge des stocks glycogéniques ou sur l’aggravation des dommages musculaires. De la même manière,
une récupération active réalisée quasi-systématiquement est une forme d’entraînement aérobie dont les
effets limitants sur l’explosivité sont connus, notamment au niveau de la commande nerveuse. Il n’existe
pas non plus d’évidences scientifiques montrant que la récupération active entre les séances accélère le
retour au niveau initial. Pour cette problématique, plus encore que pour d’autres dans le domaine des
sciences du sport, les considérations méthodologiques liées au niveau des sujets, à la durée des protocoles
expérimentaux et à la non-prise en compte des aspects motivationnels (qui pourrait être un des aspects
intéressants du décrassage), limitent la portée des études de terrain.
Guillaume Y. Millet LES ENTRETIENS 7

Dans cet article, nous n’avons discuté des effets potentiels de la récupération active qu’en la comparant à la
récupération passive. Il est important de garder à l’esprit qu’une combinaison de méthodes de récupération
peut néanmoins être proposée. En raison de la multiplicité des conditions expérimentales, les études
scientifiques ne permettent tout simplement pas de répondre à la question de la meilleure combinaison
possible. L’entraîneur restera toujours le maître d’œuvre. Enfin, nous avons systématiquement considéré,
dans cet article, que la récupération devait viser un retour plus rapide à la performance. Cela n’est pas
toujours le cas, des stratégies d’entraînement pouvant par exemple nécessiter un maintien de l’athlète à un
niveau de désordre métabolique élevé ou le rendre moins performant au cours de la séance, au profit du
maintien à un niveau plus élevé de la sollicitation du métabolisme aérobie.

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