Vous êtes sur la page 1sur 8

e

Le 3 5 a n n i v e r s a i r e d e la r e v u e d ' O . D . F .

Qui a inventé...
la revue d'O.D.F. ?
S o u v e n i r s recueillis p a r J u l i e n P H I L I P P E

Chaque fois que je cherche qui a inventé ceci ou cela, je me heurte à


l'absence de témoins. Aussi quand ceux qui ont fait l'événement sont
encore de ce monde, il faut en profiter et leur demander de livrer leurs
souvenirs.
Inévitablement les détails ne concordent pas quand les auteurs ne se
sont pas concertés, mais les traits essentiels sont fixés.
Comment est née la revue que vous tenez entre vos mains ? Voici,
après trente-cinq ans, les souvenirs de Charles Bolender, Yveline
Duchateaux et Thésou Theuveny qui écrivent pour leur mari mais qui
étaient présentes, Jean Gandet, Julien Philippe et Yves Bar at.

m Les souvenirs de Charles Bolender


Ils étaient de la Revue
N o u s s o m m e s en 1965, du côté de Strasbourg, où u n certain n o m b r e d'orthodontistes des
départements du Bas-Rhin, Haut-Rhin et de la Moselle emboîtent le pas à Lyane et à Fredy
Imbert qui avaient établi un contact avec le Major H o w l a n d , orthodontiste à la base militaire
américaine de Heidelberg. C ' e s t ce groupe qui fit à cette occasion la connaissance d ' u n cer-
tain n o m b r e de confrères allemands, m u s par la m ê m e volonté de se former à l'orthodontie
d ' Outre-Atlantiq ue.
Dans la foulée, ce groupe fit venir un certain n o m b r e d'orthodontistes américains pour
faire à chaque fois un cours d ' u n e huitaine de j o u r s . C e s cours étaient organisés tantôt à
M u n i c h , tantôt à Sarreguemines. Le désir de concrétiser par u n écrit, les connaissances ainsi
acquises, a m e n a la fondation d ' u n e publication intitulée «l'Orthodontiste de l'Est», qui ne
connut que deux n u m é r o s , faute de candidats pour en rédiger les textes.
J. PHILIPPE, Charles Bolender, qui fréquentait assidûment les cours de M m e et M . Muller, organisés à
1 bis, r u e d e s
Vieux-Rapporteurs,
Garancière, trouva à Paris le terreau où l'idée d ' u n e revue orthodontique française allait pou-
28000 Chartres. voir prospérer. Il ne faut pas oublier que « l ' O r t h o d o n t i e Française» ne publiait que les p r é -

Rev Orthop Dento Faciale 3 6 : 115-122, 2002 115

Article publié par EDP Sciences et disponible sur le site http://odf.edpsciences.org ou http://dx.doi.org/10.1051/odf/2002005
J. PHILIPPE

sentations faites devant la Société Française d'Orthopédie Dento-Faciale et que sa parution, une
fois par an, limitait sérieusement les possibilités de voir publier les travaux récents des confrères
américains en langue française.
Ce sont finalement tous ceux qui firent partie du groupe de Mme et M. Muller, se réunis-
sant après les cours «chez Gaby», rue Servandoni, petit bistrot d'une rue proche de
Garancière, qui décidèrent de fonder la «Revue d'Orthopédie Dento-Faciale» longtemps
dénommée la «Petite Revue», par comparaison avec la volumineuse «Orthodontie Française»,
qui en imposait par son nombre de pages.
Dans ce local, il fut décidé de se réunir à nouveau pour un déjeuner «Chez Marius», rue
de Bourgogne, en invitant cette fois M M . Muller et Chateau pour servir de mentors à cette ini-
tiative. C'est M. Muller, avec sa courtoisie et la douceur habituelle de ses propos, qui nous
déconseilla fortement d'intégrer les «Anciens» dans cette opération, conseillant plutôt de
faire appel à tous les jeunes assistants des facultés de France pour constituer le noyau de cette
opération.
Il suffit de prendre en main un exemplaire du premier numéro pour voir la répartition des
tâches qui a été mise en place à la suite de cette réunion fondatrice. Charles Bolender, direc-
teur, Franck Theuveny, secrétaire, Julien Philippe, rédacteur en chef et Yvonne Tuai-Pierre,
chargée de la publicité. Parmi les membres du comité de rédaction et d'administration, on peut
relever les noms d'Yves Barat (Paris), André Bazin (Lyon), Alain Benauwt (Paris), Henri
Coornaërt ( L i l l e ) , Paul Démogé (Paris), Claude Duchateaux (Nantes), Boris Faure
(Haguenau), Jean Gandet (Tours), Philippe Gugny (Paris), Fredy Imbert (Strasbourg),
Jacqueline K o l f (Meaux), Guy Perrier d'Arc (Nice), Michel Vaugeois (Paris). La répartition
géographique était satisfaisante.
Pour fournir matière à un premier numéro et être fidèles à la mission que nous nous étions
fixée, Fredy Imbert et Charles Bolender se rendirent à Heidelberg auprès de John Howland, qui
venait de publier avec Allan G. Brodie un excellent article dans «l'Angle Orthodontist». Cet
article, consacré aux pressions exercées par le buccinateur, nécessitait l'autorisation de republier
en français un article déjà paru. Qu'à cela ne tienne ! L'heure étant propice, malgré le décalage
horaire, le Dr John Howland téléphona immédiatement au Dr Allan Brodie aux U S A et l'auto-
risation de republier fut obtenue dans l'instant. Une anecdote marqua cependant la traduction,
car un terme de cet article présentait des difficultés de traduction. C'est le Pr Koritke de
l'Institut d'anatomie de la faculté de Strasbourg, qui nous sortit d'embarras en nous expliquant
qu'il s'agissait d'un terme anatomique français mal traduit en langue anglaise et nous précisa le
terme français exact afin de donner à la traduction la touche finale qu'elle nécessitait.
Les confrères allemands fréquentés dans le cadre du groupe que nous appellerons le
«groupe Howland» nous ont encore fourni un article du Dr Hugo Stockfisch, afin d'ouvrir nos
lecteurs à la littérature professionnelle internationale en faisant ainsi fi des barrières linguis-
tiques. L'éditorial, signé de la rédaction, expliqua le but recherché.
Le premier numéro de la Revue d'Orthopédie Dento-Faciale fut imprimé à Sarreguemines
et amené par moi-même à Baden-Baden, en Allemagne, où se tenait le congrès de la Société
Française d'Orthopédie Dento-Faciale sous la présidence du professeur M. E. Hausser. Il fut
er
distribué gratuitement le 1 Mai 1967 à tous les participants de ce congrès. Une nouvelle anec-
dote marqua le passage à la douane allemande. Un certain trafic de revues, à la limite de la
décence, avait rendu les douaniers allemands méfiants sur la nature des imprimés introduits en
Allemagne ; ils contrôlèrent la totalité des paquets contenant la «Revue d'Orthopédie Dento-
Faciale», satisfaits de voir importer des revues scientifiques de haute qualité (sic).
Il faut encore citer dans ce cadre, le fait que la revue a connu deux numéros traduits en
allemand ; cela fut la base de la revue allemande, qui prit le nom de : «Informationen aus der
Orthodontie und Kieferorthopâdie».

116 Rev Orthop Dento F a c i a l e 36 : 115-122. 2002


l
Le 3 5 anniversaire de la revue d'O.D.F. Qui a inventé... la revue d'O.D.F. ?

• Les souvenirs d'Yveline Duchateaux


En fait, cette idée trottait dans la tête de mon imaginatif mari. Il s'en est ouvert à Charles
Bolender, boulevard Saint Germain, devant un plateau d'huîtres. Ils ont, à deux, élaboré les
grandes lignes de cette revue, et ont pensé ensemble à ceux qui seraient les plus compétents
dans les divers postes : c'était la fécondation in vitro de ce merveilleux outil de travail.
J'étais là.
Le lendemain, pour essayer de créer ce premier comité, M. et Mme Louis Muller, Claude
Theuveny, Michel Chateau et Paul Démogé ont accepté de tenir une réunion avec les jeunes
têtes. Les anciens, d'un commun accord, ont conseillé de ne pas les inclure dans cette créa-
tion, pour éviter les inimitiés et les jalousies. Paul Démogé s'est également retiré.
Restaient donc les jeunes. Dans la même semaine, nous nous sommes réunis chez les
parents Theuveny. Les statuts étaient préparés — on peut faire confiance à Charles et à Claude
— et l'on a procédé à «l'élection dirigée» du premier conseil d'administration :
— Julien Philippe, rédacteur en chef ;
— Franck Theuveny, secrétaire ;
— Charles Bolender, directeur de la publication ;
— E t . . . celui qui riait sous cape de voir se distribuer les lourdes tâches aux copains, j e
veux dire : Jean Gandet, s'est vu décerner le titre de trésorier - ah ! il ne s'y attendait pas ! ;
— Yvonne Tuai-Pierre s'est chargée de la publicité.
C'était drôle, c'était excitant, plein de promesses. Heureux temps de la jeunesse ! C'était
parti !
Bien sûr, il y eut assez rapidement quelques difficultés : l'éditeur a fait faillite. C'est là
que certains d'entre nous ont aimablement apporté leur écot pour constituer un capital, et ont
été abonnés à vie !
B r e f résumé d'un temps joyeux où l'on ne doutait de rien...

• Les souvenirs de Thésou Theuveny


J'ignore qui prit l'initiative.
Mon premier souvenir concernant un fait précis de l'histoire de la Revue se place chez
Claude et Geneviève Theuveny, au cours d'un «chocolat» traditionnel du dimanche soir. Ce soir-
là, Claude Duchateaux annonça à Jean Gandet et à Franck qu'ils étaient dorénavant membres
fondateurs d'un journal d'orthodontie et étaient (ou seraient selon toute probalité) assis respecti-
vement sur les sièges de trésorier et de secrétaire. Croyant à une blague, chacun surenchérit avec
des propositions constructives, ou parfaitement dignes d'hurluberlus.
Ce même soir, les choses avancèrent très vite. L'important problème du rôle à réserver aux
têtes couronnées de la discipline fut abordé. Les jeunes entrepreneurs ne savaient pas comment
signifier à la génération précédente qu'ils souhaitaient s'affranchir des tutelles et mandarins qui
chapeautaient la discipline. Claude Theuveny accepta la mission diplomatique qui consistait à
convaincre les autorités en place de laisser le jeune groupe tenter sa chance à ses risques et périls.
Il promit d'intervenir et le fit avec succès.
C'est de cette façon que j'entendis parler pour la première fois d'une revue qui mettrait à la
portée de tous, des articles d'origine étrangère, mais surtout d'origine américaine. Il y avait eu
l'idée, l'initiative et maintenant on en arrivait au mûrissement du projet avec la définition du pro-
fil idoine des hommes, des sujets à traiter en priorité, des moyens éditoriaux à mettre en œuvre,
du statut.

Rev Orthop D e n t o F a c i a l e 36 : 115-122. 2002 117


J . PHILIPPE

• «Les 6» - Les membres fondateurs


1 - Claude Duchateaux
Son profil : c'est un battant : entreprenant, bouillant, passionné, adroit, bosseur, peu ferré
en anglais, amateur de paysages de montagnes et de «Nabucco...», une idée par minute.
Son apport déterminant : un leader. Le goût de l'entreprise, le goût du risque, la détermina-
tion à trouver les moyens extérieurs pour la réalisation de ses projets et son pouvoir de
convaincre, sa confiance dans les individus, son don pour extirper le meilleur des compétences
de ses collaborateurs, sa gentillesse à fournir à chacun les moyens de travailler (en temps, en
matériel, en locaux, en financement).
Le meilleur conseil qu'il m'ait donné : «Quand on ne sait plus faire, on va voir le patron».

2 - Jean Gandet
C'est l'orthodontiste que j e connaissais le mieux : proche de ma famille et familier de la
technique du Double Arc. Dans un éclat de rire, il nous a engagés dans une collaboration de plus
de trente ans et une amitié indéfectible. Très tôt attiré par l'orthodontie et la pratique exclusive.
Il a franchi tous les échelons de la hiérarchie universitaire. Il s'est «plongé» dans la céphalo-
métrie des trois sens de l'espace à l'envers et à l'endroit, il a utilisé les statistiques pointilleuses
de l'École de Villejuif, puis il a subi mes statistiques multidimensionnelles. Il n'a lésiné sur
aucun moyen d'approche de méthodes d'avant-garde, jusqu'aux bielles de Herbst. Il m'a beau-
coup appris au cours de longues discussions tantôt ardues, tantôt drôles.
Trésorier de l'Association de la Revue d'O.D.F. pendant plus de 25 ans, il a empêché plus
d'une fois les comptes de passer au rouge. C'est grâce à sa vigilance et à l'exemple donné à ses
successeurs que la Revue dure.

3 - Julien Philippe
Il me souvient d'un personnage discret sinon timide et distant. Il a une passion pour la chose
écrite : pendant les séances de travail, j e n'étais pas assez savante pour comprendre ses inter-
ventions sur le plan orlhodontique ; elles étaient toujours écoutées avec la plus grande attention.
Je me souviens qu'elles étaient émaillées de citations ou de quelques vers qui apportaient un
prolongement culturel aux discussions. Ces vers condensaient une vérité d'ordre général qui
conciliait les arguments du débat. Il a inquiété nombre d'orthodontistes par des prises de posi-
tion critiques vis-à-vis de l'utilisation de la céphalométrie, pourtant il faut être à l'écoute de ce
qu'il dit quand on prend conscience du nombre de «télé» qu'il a étudiées. Esprit foncièrement
indépendant, pendant les séances de travail, il choisit une place à l'opposé du «bureau» d'où il
peut soulever le doute ou la contradiction.

4 - Charles Bolender
Il est tel qu'il a toujours été. J'ai toujours connu Charles comme un fonceur, courageux, tra-
vailleur forcené, ne ménageant sa peine dans aucun des domaines qu'il a approchés. Comment
a-t-il réussi à devenir un as de la photographie (oiseaux à Belle-Ile sur la Côte Sauvage), un fin
connaisseur d'éditions rares, le spécialiste de renommée mondiale des faïences de Sarre-
guemines (fondateur de musée), tout en étant le premier en France à utiliser les statistiques mul-
tidimensionnelles (techniques de calculs chères à ma jubilation intellectuelle) se dévouant à la
défense de la profession en acceptant de prendre la présidence du S S F O D F , assurant un ensei-
gnement de qualité à Strasbourg quels que soient le vent, la pluie, les bourrasques de neige,
interface avec les instances parisiennes (ministres, cabinets ministériels, présidents de multiples

118 Rev Orthop Dento Faciale 36 : 115-122. 2002


Le 35" anniversaire de la revue d'O.D.F. Qui a inventé... la revue d'O.D.F. ?

services ou commissions) qui prétendent décider des orientations du futur ? À l'affût des cou-
rants d'idée d'avenir, Charles a cru, croit encore à l'Europe et a œuvré pour faire l'Europe ortho-
dontique, et ce, depuis toujours. À la Revue, il a apporté des points de vue qui permettaient de
prendre de la distance par rapport au sujet mis en discussion.

5 -Yves Barat
Yves porte la Revue à bout de bras depuis pratiquement le début : il a coordonné le travail
de chacun. Son tempérament et sa culture littéraire ont trouvé un champ d'action sans limites et
sans horaire dans ses fonctions de rédacteur en chef. Il n'a jamais rien concédé sur les exigences
de rigueur des textes, des idées et de leur présentation. Les auteurs et les membres du comité de
rédaction se souviennent des journées et des nuits où la pression «baratine» ne se relâchait pas
avant d'avoir obtenu un texte en forme et dans les délais. Il a écouté les voix timides qui s'ex-
primaient et les a encouragées à se faire entendre. Il a su imposer une réelle largeur de vue en
laissant de nombreux auteurs défendre une idée, en proposer un détail technique, suggérer une
approche diagnostique nouvelle, présenter une méthode personnelle de traitement. Il a veillé à
ne pas être l'organe d'une école ou d'une chapelle. Son autorité fraternelle a aidé à établir, puis
à maintenir cet état d'esprit.

6 - Franck Theuveny
Franck a été choisi pour être le témoin de la vie de la Revue. Il a tenu la plume du secréta-
riat et a noté, réunion après réunion, les événements, les projets, la lenteur de leur réalisation,
les hésitations sur le choix des sujets à aborder, sur le choix des personnes les plus compétentes
pour les traiter. Son style primesautier a traduit au cours de l'histoire de la Revue, l'ambiance
chaleureuse et les bons mots des séances de travail. Au départ, coopté pour son expérience, son
sens clinique et peut-être aussi pour ses talents pianistiques, il a pu exprimer ses opinions en
toute indépendance d'esprit ; pourtant il a peu parlé de ses dadas orthodontiques que sont l'ex-
pansion et la récidive.

• L'équipe
Pour élaborer «le produit», il fallu chercher des compétences parmi les plus doués et les
plus travailleurs, les plus désintéressés et les plus dévoués des orthodontistes de nos amis. Ils
devaient pratiquer l'orthodontie et posséder des connaissances pointues
— en langues étrangères ;
— en français ;
— en sciences ;
— en biomécanique, en biochimie, en biophysique, en biométrie, en biologie..., j ' e n passe.
Le Comité de Rédaction était constitué, bien évidemment, des membres fondateurs, et
d'amis présentant un large éventail de talents.
Boris Faure était un as de la traduction, Lyane et Fredy Imbert étaient chargés de l'alle-
mand, Jean et Jacqueline Kolf traduisaient l'italien et se passionnaient pour le fonctionnel,
Yvonne Tuai-Pierre était allée au Canada chez Geoffrion et avait traduit son livre, Michel
Vaugeois s'intéressait à l'Edgewise.
Yves Barat surveillait le français, armé du Bescherelle pour la grammaire, du Littré pour
l'orthographe, la syntaxe et les tournures, et des consignes de l'Académie Française et de
l'Imprimerie nationale pour la ponctuation et les majuscules etc.

Rev Orthop Dento Faciale 36 : 115-122, 2002 1 19


J. PHILIPPE

Le premier numéro prit forme, sans qu'il me souvienne ni du sujet, ni des auteurs, ni des
traducteurs.
L'éditorial du tome 1, du volume I, se terminait ainsi : «La création de cette revue est
d'abord un acte de foi dans le développement de l'orthopédie dento-faciale : faisons-le
ensemble».

Conclusion
Trente cinq ans après, la Revue tient toujours son rôle. Elle a fait connaître et elle a «ensei-
gné» l'orthopédie dento-faciale, comme en témoignent ses milliers de lecteurs en France et
dans le monde. Au cours des années, les auteurs, français et étrangers, ont fait de grands pro-
grès ; les textes sont informatifs, bien écrits, merveilleusement illustrés. Le comité de lecture
reste vigilant pour assurer une veille technologique et déjouer les pièges du modernisme. Il sert
de filtre pour le plus grand bénéfice du lecteur.
Voilà, des souvenirs d'il y a longtemps.

• Les souvenirs de J e a n Gandet


Mes souvenirs sont très minces, d'ailleurs j ' a i oublié le prénom d'Alzheimer...
Mes contacts, précédant ce qui devait devenir la «Revue d'Orthopédie Dento-Faciale»,
datent de 1965 et 1966. A cette époque j e suivais l'enseignement de Claude Theuveny.
Dans le secret, (la Tour d'Auvergne et Garancière étant concurrentes), j e suivais les cours
de Mme et M. Muller, où j e retrouvais Julien Philippe et fis la connaissance de Claude
Duchateaux.
Claude Duchateaux faisait partie du S.S.F.O.D.F., dont Claude Theuveny et Marcel Monteil
étaient les fondateurs, M. Theuveny étant le président.
Il y avait une hostilité discrète contre ce syndicat de la part des enseignants en O.D.F. des
deux écoles, qui, pour la plupart, n'étaient pas exclusifs.
La première fois que j'entendis parler de la fondation d'une revue fut lors d'une réunion
chez Claude Theuveny à la suite du Congrès de la S.F.O.D.F. de novembre (1965 ? ) . Etaient
également présents à cette réunion, Claude Duchateaux, Franck Theuveny et moi-même. C'est
là que nous apprîmes la décision de solliciter Franck et moi pour assumer respectivement les
fonctions de secrétaire et de trésorier.
Elle fut baptisée par certains membres de la S.F.O.D.F. «la Petite Revue», qui n'a rien à
voir avec la Grande Revue que nous connaissons maintenant.
Parmi d'autres, furent sollicités ensuite Yves Barat, Henri Coornaert, Paul Démogé, Alfred
Imbert, Jacqueline Kolf, Yvonne Tuai-Pierre et Michel Vaugeois.
La diffusion fut confiée à la Société d'Editions Odontologiques, dirigée par notre confrère
Brun.
L'imprimerie Sarregueminoise assura l'impression et la Revue fut tirée à 1200 exem-
plaires.

120 Rev Orthop D e n t o F a c i a l e 36 : 115-122, 2002


Le 3 5 ' anniversaire de la revue d ' O . D . F . Qui a inventé... la revue d ' O . D . F . ?

• Les souvenirs de Julien Philippe


Qui m'a entraîné ? Je ne sais plus ! Sans doute Claude Duchateaux dont les enthousiasmes
étaient particulièrement contagieux.
Était-ce en 1965 ou en 1966 ? Nous étions réunis dans le noir bistrot, près de la rue
Garancière, où nous avions l'habitude d'étaler les cancans du service d'O.D.F. et d'agiter les
idées révolutionnaires qui tourmentaient le monde orthodontique.
Les nouveaux concepts, venus d'Amérique, n'avaient pas encore entamé l'océan de certi-
tudes des grands maîtres de l'orthodontie française. Nous, les jeunes, avions été impressionnés
par ce que les américains avaient dit au congrès d'O'Meyer (1964) et, par la lecture de nos pre-
miers A.J.O. Depuis quelques années, Louis Muller nous enseignait l'Edgewise, apportant sa
caution à une technique qui paraissait insensée à certains ; («le temps que tu fasses un arc, me
disait un ami, j ' a i soigné dix patients !». Il est vrai que...)
Qu'il n'y ait pas en France une revue ouverte aux idées nouvelles nous semblait inadmis-
sible. Alors le «pourquoi pas nous ?» jaillit. Il y avait justement là un lorrain un peu taciturne
(Charles Bolender) mais qui semblait bien au courant des questions d'imprimerie. Mais il fal-
lait une tête pensante. Nous avons choisi L. Muller comme rédacteur en chef, un homme res-
pecté et ouvert aux idées nouvelles, qui connaissait bien le monde orthodontique.
Je nous revois quelque temps après, peut-être lors d'une cession de novembre de la
S.F.O.D.F. dans un autre café, plus cossu. L. Midler refuse le poste de rédacteur en chef. «Restez
entre jeunes, dit-il, ma présence «marquera» la Revue et peut lui attirer des réactions hostiles a
priori». Et pouf! le poste me tombe sur la tête. Il fallait quelqu'un à chaque place et l'équipe
est rapidement constituée.
Comment trouver des articles ? Comment les trouver sans les demander aux grands maîtres
dont les idées conservatrices s'étalaient dans l'Orthodontie Française? Heureusement,
Ch. Bolender (gérant-directeur-éditeur-et rédacteur) a quelques ouvertures. Je fais appel à tous
les amis pour présenter une substantielle revue de la presse étrangère. Les débuts en écriture,
sont pour certains, un peu difficiles, mais la bonne volonté règne.
Au congrès de Baden-Baden (1967), Ch. Bolender sort du coffre de sa voiture une pile de
premiers numéros de la Revue, qu'il pose dans mes bras. L'enfant est né. Jamais j e n'oublierai
le visage épuisé et rayonnant de Charles.
Nouvelle mission, diplomatiquement conseillée par P. Démogé : aller présenter personnel-
lement ce premier numéro aux grandes figures de la S.F.O.D.F., rassemblées pour le congrès.
J'aborde Madame Tacail, accueil aimable, un peu condescendant, dans le ton «laissons les
jeunes s'amuser...». O u f ! ça passe !
Aussi fiers que nous ayons pu être de cette première réalisation, il faut reconnaître que le
numéro 1 n'aborde pas les grands sujets et ne révolutionne pas la pratique orthodontique, mais
le numéro 2 commence par une large synthèse de Simone Sueur : «Les réactions tissulaires au
cours des déplacements dentaires orthodontiques», d'après les travaux de K. Reitan. Cette his-
tologie-là est nouvelle pour les français, nous ne la connaissions pas. C'est fait : la Revue a mar-
qué sa place et montré son utilité.
Deux ans plus tard, la tourmente de mai 1968 a transformé les écoles dentaires en volcans
incandescents. Pendant quelques années, les jeunes enseignants sont terriblement sollicités car
tout doit changer : la forme des cours, les programmes, les statuts des écoles privées. On parle
même de présence des enseignants à mi-temps ! J'abandonne le poste de rédacteur en chef.
C'est Yves Barat qui me succède et c'est lui qui, patiemment, portera la Revue au niveau qu'elle
a atteint aujourd'hui.

Rev O r t h o p D e n t o F a c i a l e 36 : 115-122, 2002 121


J. PHILIPPE

• L e propos d'Yves B a r a t
Qui a inventé la Revue d'O.D.F. ?
Ce n'est pas moi, mais c'était une excellente idée, et j e ne suis pas sûr d'avoir mon mot à
dire dans cette affaire.
En fait, en ce qui me concerne, mon ami Paul Démogé m'avait recommandé à l'équipe de
la Revue peu après sa fondation, puis, Julien Philippe, alors rédacteur en chef et ne souhaitant
pas prolonger son mandat, m'a proposé de lui succéder.
C'était une proposition qui m'intéressait et j e pensais en imiter l'auteur et prendre quelque
repos environ deux ans après..., mais cette Revue m'a littéralement passionné et phagocyté. Je
n'ai pas su l'abandonner, car j ' é t a i s effectivement intéressé à l'idée de participer à l'évolution de
notre profession, suivant en cela Voltaire disant «C'est n'être bon à rien de n'être bon qu'à soi».
Alors, plus de trois décennies ont passé, le temps de mettre sur pied une équipe, qui est en
fait une équipe de direction, soudée, plus soucieuse d'efficacité que de hiérarchie. Et le temps
aussi de donner de l'ampleur à cette revue, puis d'y faire face, et de résister au raz de marée de
travail engendré par la publication en deux langues. Heureusement, tout cela est maintenant
partagé avec mon complice, Alain Béry, à qui m'unit une vieille amitié.
Avant d'apporter une conclusion à cette rétrospective, j e souhaite rendre hommage à nos
imprimeurs, Yves Ollivier, et à son fidèle disciple, D. Ollivier, son fils, particulièrement dévoués
à notre cause, et qui ont mis tout en œuvre pour réaliser avec leurs collaborateurs, une progres-
sion permanente de la présentation de notre Revue. En mon nom et au nom de tous les lecteurs,
je les en remercie beaucoup et j e les félicite.
Ma conclusion serait incomplète si j'oubliais de dire que ma reconnaissance est grande,
aussi, pour tous ceux qui m'ont aidé.

122 Rev Orthop D e n t o F a c i a l e 36 : 115-122, 2002

Vous aimerez peut-être aussi