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Introduction

Selon l’Italienne Vera Squarcialupi dans un article scientifique titré : « Lutte de l'Europe contre la
criminalité économique et le crime organisé transnational: progrès ou recul ? » nous enseigne
« qu’aujourd’hui, la criminalité économique est un phénomène global et omniprésent, bien que le concept
puisse recevoir différentes définitions dans les législations nationales. Avec ce phénomène, les nations
sont devenues trop vulnérables, elles ne sont plus dans les conditions de faire cavalier seul. De nombreux
facteurs ont une incidence sur l’essor de la criminalité économique et sur les contre-mesures qui sont
prises au niveau national ou international1 ».

Plus loin, l’auteure nous dit que : « La criminalité économique sous ses multiples formes est désormais
capable "d'infiltrer les institutions démocratiques", avec tout un éventail d'aspects qui vont du trafic des
êtres humains à la contrebande de stupéfiants et autres produits en contrebande, en passant par la
contrefaçon, la criminalité écologique, la cybercriminalité, la fraude fiscale, le blanchiment d'argent, la
corruption et le trafic d'influence qui sont les principales expressions du phénomène ».

En effet, selon DELPHINE SCHANTZ, Représentante du Bureau de liaison de New York de l’Office
des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) : « Les technologies révolutionnaires apparues
ces dernières années ont, de manière inattendue, facilité l’émergence de réseaux criminels organisés qui
opèrent par-delà les frontières pour profiter au maximum des possibilités et minimiser le risque d’être pris
ou démantelés. La criminalité économique est une activité organisée de manière rationnelle, à même de
produire de la richesse et d’être source de pouvoir tout comme n’importe quelle autre entreprise et
souvent plus rapidement que les entreprises normales2 ».

En Haïti, le dernier rapport de l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC) en date 15 novembre 2023
transférant onze (11) dossiers des anciens fonctionnaires et hommes politiques aux autorités judiciaires
concernant des infractions diverses comme la corruption, l’abus de fonction, la prise illégale d’intérêts, la
concussion, l’association de malfaiteurs, l’enrichissement illicite, la fausse déclaration de patrimoine, le
blanchiment des avoirs, le détournement de biens publics ; le commerce illicite d’armes et de munitions
opérant sur la frontière haïtiano-dominicaine pend ces dernières décennies et la Résolution 2700 du
Conseil de Sécurité des Nations Unies 3 adoptée le 19 octobre 2023 contre des hommes d’affaires haïtiens

1
Vera Squarcialupi « Lutte de l'Europe contre la criminalité économique et le crime organisé transnational: progrès ou recul »?, Année
2001, Italie
2
Rapport mondial sur les drogues 2023 publié par l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC).
3
La Résolution 2700 du Conseil de Sécurité des Nations Unies adoptée le 19 octobre 2023, siège de l’ONU, New york

1
et autres entités de la place sont des cas emblématiques de l’existence du fléau des crimes économiques et
financiers dans le pays4.

Selon la Fondation Je Klere (FJKL) : « S’agissant de la criminalité économique et financière, la


justice haïtienne doit mettre un terme à l’impunité dont jouissent les criminels à col blanc en Haïti »,
puisque ces derniers jouissent de l’impunité totale dans le pays, et pour preuve de « 2004 à 2023 sur les
quatre-vingt-sept (87) rapports d’enquêtes transférés par l’ULCC à la justice, une seule condamnation au
pénal a été prononcée5 ».

Notre sujet de recherche est titré : « La lutte contre la criminalité économique et la coopération
internationale ». En quoi la criminalité économique peut-elle constituer un blocage au développement du
pays ? Dans la mesure où elle peut-être même considérée comme un « fléau qui gangrène la vie
économique de la nation ». De surcroît, la coopération internationale n’a-t- elle pas une position mitigé
par rapport au libéralisme économique et au protectionnisme économique?

Nous nous proposons de présenter notre travail à travers deux grandes parties (I et II). La première partie
intitulée : Généralité de la criminalité économique. Elle se divise en deux sous-parties (A et B) et la
deuxième partie intitulée : La Coopération internationale. Elle est divisée également en deux sous-
parties (A et B).

I- Généralité de la Criminalité économique


La notion de criminalité économique, souvent qualifiée de délinquance financière englobe un
large éventail d’activités illégales liés aux domaines économique et financier. Elle se
caractérise généralement par des actes visant à obtenir un avantage financier de manière
frauduleuse avec l’intention d’enrichissement.
C’est un champ assez vaste comme l’a si bien dit notre Professeur Jean Eugene Pierre Louis
dans son cours de Criminalité Economique. La Criminalité économique c’est une vaste gamme
d’activité Criminelle autrement dit c’est un phénomène très sophistiqué réservé parfois aux
infractions dont l’effet principal est nuire à la bonne marche des échanges économiques. 6
Parmi les formes les plus courantes de la criminalité économique on peut citer :
1- La Fraude Financière : qui comprend des activités telles que :

4
Rapport de l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC) en date 15 novembre 2023, Port-au-Prince, Haïti

5
Communiqué de la Fondation Je Klere (FJKL) en date du 16 novembre 2023, Port-au-Prince, Haïti

6
-Dictionnaire: Sciences Criminelles ; Gérard Lopes et Stamatios Tzits (sous la Direction De) Coll, Dalloz ed,Paris(France)

2
a) la fraude bancaire
b) la fraude par carte de crédit
c) les escroqueries financières
d) Les manipulation de marché (entente cartellaire Illicite)
2- Blanchiment d’argent ou blanchiment des capitaux
a)Le blanchiment d’argent est un processus par lequel des fonds illégaux sont rendus légitimes
en les introduisant dans l’économie légale .C’est pour cela aujourd’hui , partout à travers le
monde et même chez nous en Haïti il y a des institutions qui sont chargées de mener des
enquêtes dans en matières de crimes économique.
On peut citer entre autres : La CSCCA, L’ULCC, l’UCREF, BAFE /DCPJ, CONALD. Ce sont
des institutions qui sont mises en place aux fins de combattre ce phénomène dangereux que
nous pouvons même qualifier de mal endémique pour la société.
b) utilisation de paradis fiscaux : Les paradis fiscaux sont des juridictions ou les règles fiscales
sont avantageuses, attirant ainsi les entreprise et les particulier pour minimiser leur charge
fiscale. Ces endroits offrent souvent un secret bancaire et des conditions fiscales avantageuses
Des exemples de paradis fiscaux incluent les iles caïmans, les Bermudes et Luxembourg .Les
pratiques dans ces juridictions ont suscité des préoccupations liées à l’évasion fiscales et le
blanchiment d’argent.
3- La Corruption
La corruption implique la manipulation de personne en position de pouvoir pour obtenir des
avantages financiers illégaux. La corruption est la perversion ou le détournement d'un processus
ou d'une interaction avec une ou plusieurs personnes dans le dessein, pour le corrupteur,
d'obtenir des avantages ou des prérogatives particulières ou, pour le corrompu, d'obtenir une
rétribution en échange de sa complaisance.

4-La cybercriminalité financière : qui englobe les attaques cybernétiques visant à accéder a
des informations financières confidentielles a détourné des fonds ou à perturber les services
financiers7
Exemple en Haïti, la BRH, au mois de juillet 2023, a été victime des cyber-attaques.

7
-Lexique des termes Juridiques, éd.2021-2022,coll.Dalloz :Serge Guinchard et Thierry Debard (sous la direction
de )Paris(France)

3
5-Evasion fiscale : Le non-paiement délibéré des impôts dus souvent par le biais de structure
des profits illégaux pour ne citer que ceux- là.
Il faut aussi ajouter que la criminalité économique peut avoir des conséquences graves sur les
individus, les entreprises et les économies nationales, la Lutte contre la Criminalité économique
exige la coopération International étroite de réglementation s solide et des mécanismes de
surveillance efficace.

A- Typologie des crimes économiques :


Le champ des crimes économiques est très vaste. Dans le cadre de ce travail, nous avons choisi
de vous présenter six types :
1-Fraude financière
a)Fraude par carte de crédit
b) Fraude bancaire
c)Fraude Hypothécaire
2- Blanchiment d’argent
a)Intégration de fonds illégaux dans des transactions financières légitimes
b) Utilisation de société écran et de paradis fiscaux : Une société écran est une société qui
n’existe pas réellement, c’est-à-dire qui est fictive. Elle est créée pour dissimuler les transactions
financières d'une ou de plusieurs autres sociétés. Les buts de ces sociétés peuvent être honnêtes,
ou non (évasion fiscale, blanchiment d'argent)

3 – Corruption
a)Corruption publique, détournement de fonds publics (pot – de- vin)
b) corruption privées entre entreprise/dans le secteur privé des affaires

4-Le délit d’initié communement appelé ‘’Insider Trading’’ en anglais : se produit lorsqu’une
personne négocie des valeurs mobilières en utilisant des informations privilégiés qui ne sont
pas rendus publiques. Cela donne à cette personne un avantage injuste et compromet l’intégrité
du marché financier .En général le délit d’initié est illégal et est régi par des lois visant à
prévenir les transactions basées sur des informations confidentielles assurant ainsi un
traitement équitable des investisseurs sur le marché.

4
5- La Contrefaçon : Elle concerne la reproduction ou la copie non autorisée de produits
souvent des biens de consommation ou des propriétés intellectuelles tels que marques déposées.
Elles peuvent entrainer des pertes financières pour les détenteurs légitimes des droits et peut
également poser des risques pour la sécurité des consommateurs car les produits contrefaits ne
respectent pas normes de qualités et de sécurité8

6-Les paradis fiscaux, appelés aussi paradis bancaires ou centres financiers offshore, sont des
territoires où les flux de capitaux circulent dans un contexte rendu attractif par le système fiscal
– qui peut même être quasiment inexistant pour les non-résidents – et par le secret bancaire, qui
les met à l'abri des autorités internationales.9

B- Les mécanismes juridiques nationaux et internationaux de la lutte contre les crimes


économiques.

L’existence des instruments juridiques nationaux et internationaux révèle d’une importance


capitale dans la lutte contre la criminalité économique et financière. Donc, l’adoption de ces
différents instruments juridiques témoigne la volonté des États d'encadrer la mondialisation en
créant des balises au libre échange visant à défendre les valeurs communes relatives à la
régulation du marché. Dans cette partie, nous allons présenter dans un premier temps les
instruments juridiques internationaux destinés à réprimer toutes formes d'infractions liées aux
crimes économiques et financiers puis les mécanismes juridiques nationaux de la lutte contre la
criminalité économique.

1- Les instruments juridiques internationaux de la lutte contre la criminalité


économique :

Ces mécanismes se trouvent classés en deux catégories, les conventions internationales ayant
rapport au blanchiment d’argent et celles se rapportant à la corruption.

En effet, les conventions internationales liées au blanchiment des capitaux sont :

8
-Lexique des termes Juridiques, éd.2021-2022,coll .Dalloz :Serge Guinchard et Thierry Debard (sous la direction de
)Paris(France)

9
- Dictionnaire Larousse, ed 2023

5
 La convention des nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et des substances
psychotropes, datée du 19 décembre 1988. Cette convention s’est concentrée sur le
blanchiment d’argent provenant du trafic illicite de stupéfiants.
 La convention du conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et
à la confiscation des produits du crime du 8 novembre 1990. Cette convention est axée
également sur le blanchiment et toutes autres infractions y relatives.
D’un autre côté, elle accorde aux États signataires le plein droit de combattre ces
différentes formes d’infractions.
 La convention des nations Unies contre la criminalité transnationale organisée du 12
décembre 2000. Appelée convention de Palerme, est celle qui fait obligation à tous les
États membres de s’assurer que les infractions relatives aux activités des groupes
criminels organisés soient classés au rang des infractions graves dont leurs peines sont de
4 ans au minimum.
 LA résolution du 26 juin sur le blanchiment d’argent, le dépistage, le gèle ou la saisie et
la confiscation des instruments et produits du crime. Par cet instrument, l’union
européenne oblige les Etats membres à inclure dans leur législation l’ensemble
d’infractions sous-jacentes ainsi que les peines à infliger à l’endroit des institutions et des
criminels coupables de ces crimes organisés.
 Il faut ajouter les 40 recommandations du groupe d’action financière (GAFI) qui vise à
examiner et élaborer des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux cette entité
a été créée par le G7, en 1989. Dans le but d’adopter des mécanismes de protection du
système financier des États membres.
 Dans le cadre de la lutte contre toutes formes de corruption. Les États on décidé
d’élaborer un ensemble de textes juridiques internationaux via des organismes
internationaux. Citons à titre d’exemples :
 La convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des
États membres de l'UE du 26 mai 1996.
 La convention de l’organisation, de coopération et de développement économique
(OCDE) sur la corruption des agents publics étrangers dans la transaction commerciale
du 17 décembre 1997. Dans le but de faciliter la concurrence, les Etats membres de

6
l'OCDE se trouvent dans l’obligation d’adopter et d’appliquer des mesures visant à
combattre la corruption d’agent public étranger dans les transactions commerciales.
 La convention interaméricaine contre la corruption, datée du 29 mars 1996. Qui
encourage les Etats membres à incriminer la corruption et l’enrichissement illicite tout en
prenant des mesures drastiques à réprimer ces différentes infractions.

2- Les mécanismes juridiques nationaux de la lutte contre la criminalité

Pour lutter contre la criminalité organisée notamment les crimes économiques et financiers,
plusieurs instruments juridiques ont été adoptés par l’Etat Haïtien. La premier porte sur le
blanchiment des capitaux provenant du trafic illicite de la drogue et d’autres infractions graves
adoptée le 21 février 2001.

 La seconde est la loi du 19 juin 2001. Contre le blanchiment et la répression du trafic


illicite de la drogue, cette dernière a été abrogée par le décret du 4 mai 2023.
 Ensuite, le décret du 8 septembre 2004, portant la création de l’Unité de lutte contre la
corruption (ULCC). Ce décret accorde à l’ULCC mission de mener la lutte contre la
corruption et ses manifestations dans l’administration publique et de promouvoir la
transparence dans la gestion publique.
 Pour mener à bien la lutte contre le trafic illicite de la drogue, une Commission a été
créée appelée la Commission Nationale de Lutte contre la Drogue (CONALD).
 Afin d’assurer la régulation de l’Administration publique, le décret du 23 novembre 2005
a été adopté sur le fonctionnement et l’organisation de la Cour Supérieure des Comptes et
du Contentieux Administratif (CS/CCA). En effet, l’article 2 dudit décret définit
clairement le rôle et la mission de la CS/CCA, qu’est de juger les actes de
l’administration publique, les comptes des Ordonnateurs et Comptables des derniers
publics et d’assister le parlement et l’exécutif dans le contrôle de l’exécution des lois et
dispositions réglementaires.
 La loi du 14 mai 2012 sur les banques et autres institutions financières. Sont entre autres
les différents instruments juridiques nationaux de la lutte contre les crimes économiques.
 Et finalement la loi du 12 mars 2014 portant prévention et répression de la corruption

7
II- Coopération Internationale

La coopération internationale est une collaboration entre différents pays visant à résoudre des
problèmes communs, à promouvoir le développement économique et social, ainsi qu'à atteindre
des objectifs communs. Cette forme de coopération repose sur l'échange de connaissances,
d'informations et de ressources entre les différentes parties prenantes.

Selon François Champion dans son ouvrage intitulé « La coopération internationale : une
réponse aux défis mondiaux (1999), soutient que la coopération internationale est indispensable
pour faire face aux défis mondiaux tels que le changement climatique, la pauvreté, les conflits
internationaux. Il souligne que les pays ne peuvent pas résoudre ces problèmes seuls et ont
besoin de travailler ensemble pour trouver des solutions durables».10

Dans un contexte plus global, Etienne Féliu, dans son article « La Coopération internationale
face à la criminalité transnationale organisée » met en avant que « les réseaux criminels,
notamment ceux impliqués dans le trafic de drogue et le commerce illicite, ont une portée
internationale et ne peuvent être combattus efficacement qu'à travers une coopération
internationale renforcée. Il souligne également l'importance d'une coordination entre les agences
et les pays pour échanger des informations, mener des enquêtes conjointes et poursuivre les
responsables de ces crimes à l'échelle mondiale ».11

Dans cette ligne de pensée, Haïti a ratifie un ensemble de convention internationale notamment ;
Convention des Nations Unies contre la corruption (UNCAC) : Haïti a ratifié cette convention le
14 avril 2004. Elle vise à promouvoir et à renforcer la prévention, la détection, la répression et la
coopération internationale dans la lutte contre la corruption, y compris la corruption économique.

Ensuite , La convention des nations Unies contre la criminalité transnationale organisée du 12


décembre 2000, connu sous le nom de convention de Palerme qui fait obligation à tous les États
membres de s’assurer que les différentes infractions relatives aux activités des groupes criminels
organisés soient classées au rang des infractions graves qui doivent être réprimées par les Etats
plus précisément dans le contexte actuel de la commission des infractions en bande organisée en

10
F. Champion La coopération internationale : une réponse aux défis mondiaux(1999)
11
Etienne Féliu: auteur de l'article "La coopération internationale face à la criminalité transnationale organisée

8
Haïti . Elle a pour objectif de prévenir, de réprimer et de combattre la criminalité organisée
transnationale, qui comprend diverses formes de criminalité économique.

Enfin, La convention interaméricaine contre la corruption signée et ratifiée le 29 mars 1996


encourageant les Etats membres à lutter contre la corruption et l’enrichissement illicite tout en
prenant des mesures drastiques à réprimer ces différentes infractions.

Ces conventions et protocoles internationaux sont des instruments importants qui contribuent à
renforcer la coopération entre les pays dans la lutte contre la criminalité économique, y compris
la corruption, le blanchiment d'argent, le trafic illicite de biens et d'autres formes de délinquance
économique. En ratifiant ces conventions, Haïti s'engage à mettre en œuvre des mesures visant à
prévenir et à réprimer ces crimes, ainsi qu'à coopérer avec les autres pays dans le cadre d'une
coopération internationale efficace.

A- Effectivité de la Coopération Internationale de la lutte contre les crimes


économiques

La Coopération internationale dans la lutte contre les crimes économiques est devenue de plus en
plus importante dans un monde globalisé. Les crimes économiques, tels que la corruption, le
blanchiment d'argent, la fraude fiscale et le trafic de drogue, ont des répercussions considérables
tant sur les économies nationales que sur la stabilité politique et sociale des pays. Ainsi, les États
cherchent de plus en plus à coopérer avec d'autres pays pour lutter efficacement contre ces types
de crimes.

L'effectivité de cette coopération internationale peut être analysée à différents niveaux. Tout
d'abord, la mise en place d'institutions internationales spécialisées dans la lutte contre les crimes
économiques, telles que l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et
Interpol, « a permis de centraliser les efforts et de faciliter la coordination entre les pays
membres ».

Ces institutions jouent un rôle essentiel dans l'échange d'informations, la formation des agents de
police et des juges, ainsi que dans l'assistance technique aux pays en développement pour lutter
contre les crimes économiques. Par exemple, l'ONUDC a développé des programmes de

9
formation spécifiques pour aider les pays à mettre en place des législations et des procédures
adéquates pour prévenir et combattre la corruption ».12

De plus, la coopération internationale permet également d'établir des mécanismes d'entraide


judiciaire et d'extradition entre les pays. Cela facilite la poursuite et le jugement des criminels
économiques, quel que soit le lieu où le crime a été commis. Par exemple, dans le cadre de
l'affaire Lava Jato au Brésil, « une large coopération internationale a permis de poursuivre et de
condamner de nombreux responsables de la corruption dans plusieurs pays ».13

Cependant, il convient de souligner que malgré les progrès réalisés, des défis persistants
subsistent dans la coopération internationale de la lutte contre les crimes économiques. Parmi ces
défis, on peut citer la capacité inégale des pays à mettre en œuvre les normes internationales, les
difficultés politiques et diplomatiques dans la coopération entre les États et les obstacles liés à la
protection des données et à la confidentialité des informations sensibles.

Les efforts déployés par les institutions internationales, les mécanismes d'entraide judiciaire et
les échanges d'informations entre les pays contribuent à améliorer l'efficacité des enquêtes et des
poursuites judiciaires, il reste encore des défis à relever pour renforcer davantage cette
coopération et assurer une lutte efficace et durable contre les crimes économiques.

12
ONUDC (2019).

Rapport mondial sur le crime organisé. Disponible sur :


https://www.unodc.org/documents/data-and-analysis/glotip/2019/GLOTIP_2019_FULL_BOOK_web.pdf
13
"L'Opération Lavage Express (Lava Jato) et la Crise Politique au Brésil" écrit par Rudá Ricci et SérgioAmadeu da
Silveira.

10
B- Les conséquences d'une coopération mitigée de la lutte contre les crimes économiques en
Haïti

D'entrée de jeu, est ce qu'on ne peut pas dire qu'une coopération mitigée ou l'hypocrisie
caractérisant le commerce international favorise les crimes économiques en Haïti. Pour lutter
contre la criminalité économique, il faut qu’il y ait des institutions fortes. Alors que dans les
relations internationales, les mesures sont souvent caractérisées par l'hypocrisie et vont a
l'encontre des intérêts nationaux des petits pays. Dans la coopération internationale, il y a des
mesures qui favorisent des crimes économiques, il y a d'autres qui encouragent la lutte contre la
grande criminalité économique. On peut prendre en exemple : « La libre échange ou libre
circulation de bien et de services et le protectionnisme ».

Quid du libre échange ? Dans le libre échange entre les pays, les biens passent d'un pays à un
autre sans trop grande difficulté. De ce fait, il n'y a pas de restriction dans la circulation des
marchandises entre les Etats. Nous avons l'organisation mondiale du commerce (OMC) qui
assure la défense de la liberté du commerce, c'est la pierre angulaire du capitalisme. Tous les
pays ne respectent pas les postulats du libre échange, c'est l'hypocrisie qui caractérise le
commerce international.
Dans les coopérations internationales, les pays riches sanctionnent les petits pays qui ne
respectent pas les principes du libre échange. Ils imposent aux petits pays la libre circulation des
marchandises pourtant ils ont recours au protectionnisme, qui selon le vocabulaire juridique
Gerald Cornu, « est une politique douanière selon laquelle, en vue de protéger le marché national
contre la concurrence étrangère ou de procurer des ressources fiscales à l’Etat, l’importation des
marchandises est soit prohibée, soit soumise au paiement de douane »14 Ce dernier est une
politique économique interventionnisme très avantageux, fondée sur l'intervention de l'état dans
le but de protéger les producteurs locaux en protégeant la production nationale.

La lutte contre la criminalité doit nécessairement passer par un état fort avec une coopération
forte. La législation pénale trouve son efficacité dans un état fort. Si le pays est faible, les lois

14
Vocabulaire Juridique Gérard Cornu , Association Henry Capitant , 11e édition mise à jour , P.824.

11
pénales ne seront pas efficaces. Quand on prend des décisions qui renforcent la capacité de l'état,
l'incidence sur la criminalité économique sera concrète.
Pour justifier le protectionnisme, on fait référence à trois arguments fondamentaux.

1- Le premier est basé sur la sécurité nationale


De ce point de vue, les Etats ont cru nécessaire d'apporter une certaine protection aux industries
produisant des biens nécessaires ou liées à la défense nationale qui peut lutter contre les crimes
économiques. Ils veulent s'assurer d'être en mesure de disposer des moyens indispensables en cas
de guerre. Ils entendent dans ce cas éviter toutes dépendance de l'extérieur en ce qui concerne la
sécurité du pays, compris les crimes économiques.
Dans un tel contexte, les armements ou les produits à caractère militaire peuvent être frapes
d'interdictions prohibitives en vue d'assurer la protection des armements ou les produits
militaires locaux. Ils apportent Ils apportent une protection aux industries locales qui est une
logique fondée sur la sécurité nationale. L’Etat haïtien, dans le « décret du 4 mai 2023, publié
dans le moniteur, signé le 3 avril 2023 et abrogeant la loi 2013 ».
Ce décret ajoute l’interdiction des armes de destruction massive. Dans ce décret, l’Etat haïtien
fait un choix pour condamner le pays dans une forme de sous développement. C’est le rejet total
de l’industrie nationale en ce qui a trait à la production des armes en Haïti. Ce choix montre
clairement que l’Etat haïtien favorise le libre-échange au détriment du protectionnisme comme
mode de coopération international »15.
2. L'argument de l'apprentissage
En vertu de cet argument, l'état se donne pour obligation de protéger les industries naissantes
dans le pays, fraîchement installées en vue de les protéger de la concurrence étrangère, qui n'ont
pas encore en mesure de s'y adapter et qui a un problème de maîtrise de la technologie utilisée.
Comme conséquence, elle peut être disparue, en faillite, victime de vaste crime économique des
mafias nationales et internationales qui maîtrisent la technologie, elle ne pourrait pas tenir face à
cette concurrence16.

Ces entreprises locaux ne maîtrisent pas encore les circuits commerciaux internationaux, l'état
doit les encadrer, les protéger contre les crimes économiques considérés comme étant
15
Décret du 04 mai 2023, publié dans le moniteur, signé le 03 avril 2023
16
La Constitution Haïtienne du 29 mars 1987 amendée le 9 mai 2011, Port-au-Prince, Haïti

12
sophistiqué. Cela va de soi, dans la mesure où des industries naissantes font face à de
nombreuses difficultés parce qu'elles ne jouissent pas encore de la maîtrise technologique et ne
dispose pas d'un niveau de compétitivité suffisante et ne contrôlent pas suffisamment les circuits
commerciaux internationaux.17
Pour toutes ces raisons, l'industrie naissante dans de nombreux cas bénéficie de certaines
mesures protectionnistes. Si l'état n'intervient pas pour assurer leurs défenses, elles sont
condamnées à disparaitre.
3. L'argument de la relance de la production.
Un pays peut se retrouver dans une situation de chômage, de marasme économique et de
dépression. Pour relancer l'économie nationale, Haïti, un pays vulnérable, doit protéger certains
secteurs clés de l'appareil de production en appliquant des mesures protectionnistes a l'encontre
des produits émanant des pays étrangers.
Cela peut entraîner comme conséquence une réduction des importations des produits concernés
et une augmentation de la production dans le secteur considéré. Pour faire face à cette
compétition internationale mitigée et hypocrite, pour résister et avoir des moyens pour investir
dans de véritable politique publique de sécurité, surtout combattre les crimes économiques ultra
sophistiqués, l'Etat Haïtien doit intervenir secrètement pour aider les entreprises en difficultés
afin de tenir pour ne pas fermer leurs portes, donner des facilités de subventions financières, des
avances de fonds, fait des apports en finance, en proposant des experts, des consultants en vue
d'aider lesdites entreprises, notamment celles démarrage ou start-up.
Il est évident que le choix d'une coopération peut avoir une incidence positive ou négative sur la
criminalité économique. Notre Haïti a fait le choix de la libre concurrence, une coopération
mitigée et hypocrite. Ce qui passe sur la frontière haitiano- dominicaine est un exemple clair du
libéralisme économique. Si rien n'est fait pour choisir d'autre modèle de coopération
internationale, Haïti sera disparue et ne sera même pas en mesure de proposer de véritable
politique publique pouvant permettre de lutter contre les crimes économiques.

Conclusion

17
Rapport Mondial Haïti 2023, ONU, New-York

13
Somme toute, la criminalité économique sous ses multiples formes n’a fait que
s’internationaliser ; sa structure et ses opérations se sont complexifiées, elle s’est sophistiquée du
point de vue technologique, s’est enrichie, a pris du pouvoir économiquement et est maintenant
capable d’infiltrer les institutions démocratiques. Il ne fait plus de doute pour personne que la
criminalité économique menace gravement la démocratie et la prééminence du droit, ainsi que la
stabilité économique et sociale des Etats.

Les organisations criminelles actuelles ont accumulé une puissance financière


considérable, qui leur permet de jongler avec les ressources (les hommes ou l’argent), d’avoir un
accès privilégié à l’information, d’infiltrer les cercles de décision politiques et économiques, de
blanchir les bénéfices de leurs activités et de faire en sorte que la justice soit clémente à leur
égard. Tout individu vivant dans un contexte sociétal est générateur de délinquance par essence,
elle peut être définie comme un ensemble d’infraction commis à l'encontre de l'ordre public et
appréhendé du point de vue de leur incidence sociale. Et de l’avis de Rousseau : « Il n’y a pas de
société sans criminel ».

La criminalité économique est une activité organisée de manière rationnelle, à même de


produire de la richesse et d’être source de pouvoir tout comme n’importe quelle autre entreprise
et souvent plus rapidement que les entreprises normales. Il semblerait que la criminalité
économique soit en train de diversifier ses opérations et de se lancer dans une gamme d’activités
toujours plus large qui couvre le trafic d’armes et de stupéfiants, la contrebande de produits et le
trafic d’êtres humains, le trafic d’influence, les pratiques commerciales frauduleuses, la
criminalité informatique, la contrefaçon, le vol, la corruption et, bien entendu, le recyclage de
« l’argent sale ». La déréglementation entraînée par la mondialisation de l’économie et des
finances a, dans une certaine mesure, facilité la dissimulation de ces activités.

C'est un fait, les entreprises et groupes criminels fonctionnent efficacement au-delà des
frontières géographiques, linguistiques et juridiques. Dans le même temps, la justice pénale
connaît des obstacles juridiques comme fonctionnels s'agissant de la coopération internationale
en matière pénale. Force est de constater que cette dernière est souvent lente, partielle et
malheureusement, parfois, inefficace. Les régimes juridiques rigides comportant des pratiques
obsolètes font obstacle au changement tandis que les criminels, s'adaptant facilement, gagnent

14
« en puissance » dans le système économique mondial et dans les sociétés nationales. Si les
criminels « transnationaux » s'adaptent aisément à un environnement mondial mouvant, ils n'en
deviennent que plus efficients, plus puissants, et parviennent à un contrôle accru des ressources ;
de sorte qu'ils réalisent des profits aux dépens des sociétés « licites », ce au péril du respect de
l'Etat de droit.

En Haïti, les institutions de lutte contre la criminalité économique doivent être renforcées,
à savoir : ULCC, UCREF, IGF, CONALD, CNMP, les Parquets de la République. Il nous des
Magistrats spécialisés avec des compétences spécifiques pour lutter contre la criminalité
économique. S’agissant de la Coopération internationale, il faut redéfinir des nouvelles stratégies
basées sur le dépistage, les poursuites, par la fourniture d’un soutien éclairé, souple et adapté au
contexte haïtien à travers la mise en place de pôles judiciaires capable de juger et punir les
auteurs , co-auteurs et complices des crimes économiques et financières sur toutes ses formes.

15

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