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M athilde FOX

Professeur d e finance à l'ICHEC Brussels M a na g e m en t


School.

Nathalie VAN DROOGENBROECK


Econom iste e t chargée de re che rch e à l’ICHEC Brussels
M a na g e m en t School

Les dernières décennies ont marqué le montre la capacité des opérateurs télé­
système bancaire par un phénomène coms à offrir des services financiers et
de désintermédiation accrue (de se substituer aux banques tradition­
Vauplane, 2015). La littérature re­ nelles (Rodmacq, 2016).
gorge d'articles quant aux causes du
phénomène qui trouve ses origines C'est pourquoi nous avons choisi dans
dans les années 80 avec la libéralisa­ cet article d'analyser ce nouveau tour­
tion du marché des obligations d'Etat, nant dans la désintermédiation finan­
et puis plus globalement la libéralisa­ cière au travers du cas du développe­
tion du crédit et la titrisation au béné­ ment du mobile Banking en Afrique.
fice d'un financement accru par le re­
cours aux marchés financiers. Mais, L'Afrique est un terrain d'investigation
alors qu'initialement les produits ban­ particulier pour deux raisons. D'une
caires boudés par les acteurs écono­ part, la majeure partie de la popula­
miques semblaient à l'origine du phé­ tion africaine n'est pas bancarisée
nomène, la récente et fulgurante évolu­ mais plus de 75% dispose d'un télé­
tion des FinTech semble relancer une phone portable. D'autre part, les in­
nouvelle ère de désintermédiation en frastructures bancaires lacunaires cou­
s'attaquant cette fois aux « métiers » plées à une réglementation peu
des banques. Ce phénomène est contraignante ont laissé libre cours
flagrant en Afrique où l'émergence de aux opérateurs télécoms dans plu­
solutions de paiement comme M-Pesa sieurs pays d'Afrique pour s'imposer

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G e s tio n 2 0 0 0 n o v e m b re -d é c e m b re 2 0 1 7

c o m m e le a d e r d a n s les systèm es d e ca s p ré c is e t p a rtic u lie r des FinTech


p a ie m e n t et d e s p o rte fe u ille s é le c tro ­ a fric a in e s en m o b ile b a n k in g . N o u s a l­
n iq u e s . lons, d a n s un p re m ie r te m p s , d é fin ir le
concept d 'in te rm é d ia tio n -d é s in te rm é ­
d ia tio n , p o u r e n su ite id e n tifie r les fa c ­
Tout c o m m e la té lé p h o n ie fix e q u i a
te u rs e x p lic a tifs et les s p é c ific ité s du
été s u p p la n té e p a r la té lé p h o n ie m o ­
m a rc h é b a n c a ire a fr ic a in . N o u s m o n ­
b ile , les systèm es b a n c a ire s a fric a in s
tre ro n s e n su ite l'é m e rg e n c e des ac­
eux aussi peu d é v e lo p p é s sont-ils
te u rs té lé c o m s et la c o e x is te n c e de
v o u é s à la is s e r d ire c te m e n t la p la c e à
d e u x m o d è le s : le « T elco-led m o d e l »
un n o u v e a u systèm e fin a n c ie r d o n t les
e t le « B a n k-le d m o d e l ». A p a r tir d e
p r in c ip a u x a g e n ts s e ra ie n t les o p é r a ­
l'a n a ly s e d e s m é tie rs tra d itio n n e ls du
teurs té lé c o m s ? Et a v e c q u e lle s c o n s é ­
re ta il B a n k in g , et d e la ré g u la tio n des
quences sur les é c o n o m ie s lo c a le s ,
secteurs b a n c a ire s et té lé c o m , nous
v o ir e l'é c o n o m ie m o n d ia le ? La r a p id i­
c h e rc h o n s à m o n tre r en quoi cette
té d e la c ro is s a n c e d e ces s o lu tio n s in ­
é m e rg e n c e des a c te u rs té lé c o m s re m e t
n o v a n te s en A fr iq u e a e n g e n d ré de
to u s n o u v e a u x ty p e s d e s e rv ic e s q u i ou non en ca u s e le systèm e b a n c a ire

s e m b le n t s 'é te n d re au reste du m o n d e tra d itio n n e l en A friq u e .

e t p o u r r a it c o n s id é ra b le m e n t m o d ifie r
les p a ra m è tre s du systèm e b a n c a ire A lo rs q u e d e n o m b re u x c h e rc h e u rs se
tr a d itio n n e l. C o n tra ire m e n t à la s itu a ­ s o n t p e n c h é s sur l'a s p e c t s o c ié ta l et
tio n d e s p a y s d é v e lo p p é s (F roud e t a l., l'in c lu s io n fin a n c iè re c o n s é c u tiv e à
2 0 1 7 ) , c e rta in s a u te u rs p e n s e n t q u 'e n l'é m e rg e n c e du m o b ile B a n k in g en
A fr iq u e , ou g lo b a le m e n t d a n s les p a y s A fr iq u e , c e t a r tic le v ise un a n g le d 'a p ­
en v o ie d e d é v e lo p p e m e n t, les FinTech p ro c h e d iffé re n t à s a v o ir c e lu i d e son
ne p e rtu rb e n t a u c u n e m e n t le systèm e im p a c t sur l'in te rm é d ia tio n fin a n c iè re
b a n c a ire car le systèm e est quasi e t les a c te u rs fin a n c ie rs tra d itio n n e ls
in e x is ta n t, « FinTech is b u ild in g an in ­ en p la c e . A in s i, nous a v o n s e x p lo ité
d u s try fro m sc ra tc h » (Q u a rtz A fr ic a , une v a ste litté ra tu re e m p iriq u e a fin d e
2 0 1 6 ). J u s q u 'à p ré s e n t les FinTech, c o m p re n d re les fa c te u rs e x p lic a tifs et
m a jo rita ire m e n t d e p e tite s ta ille s , n 'o n t
m e ttre en lu m iè re les d iffé re n ts e n je u x
p a s re m is en c a u s e le systèm e b a n ­
p o u r les secteurs b a n c a ire e t té lé c o m
c a ir e - au c o n tra ire , e lle s s e ra ie n t un
a fric a in s . N o tre é tu d e m o n tre é g a le ­
v e c te u r d e le u r d é v e lo p p e m e n t, v o ire
m e n t à q u e l p o in t les in n o v a tio n s te c h ­
d 'o p tim is a tio n .
n o lo g iq u e s et n u m é riq u e s en A friq u e
fo n t du c o n tin e n t un v é rita b le la b o r a ­
N ous te n to n s donc d 'a p p o r t e r dans to ire d e re c h e rc h e , n o n s e u le m e n t d ig i­
c e t a rtic le d e s é lé m e n ts d e ré p o n s e à ta l et fin a n c ie r m a is aussi ju rid iq u e et
ces q u e s tio n s à p a r tir d e l'é tu d e du ré g le m e n ta ire .

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Les nouveaux modèles de mobile Banking en Afrique : Un défi pour le système bancaire traditionnel ?

Partie I: Le modèle ment et de placements (crédits et dé­


pôts) offerts par les banques par des
bancaire traditionnel e t titres de valeurs mobilières cotés sur
l’émergence du mobile les marchés financiers. Cette forme de
désintermédiation « produit » a été lar­
Banking gement mise en avant avec l'innova­
tion des produits financiers, la crois­
l.l. Désintermédiation financière sance de la titrisation et la commercia­
lisation des crédits sur les marchés fi­
nanciers par les banques elles-mêmes.
Dans les pays industrialisés le business
model de l'intermédiation financière,
selon lequel une institution collecte des Mais la désintermédiation accepte
fonds sous forme de dépôts pour les également une autre définition. Les
revendre, moyennant transformations processus de financement entre agents
d'échelle et de maturité, sous forme de non financiers en déficit et en excé­
crédits, a considérablement évolué dent qui étaient auparavant réalisés
sous l'influence de l'internationalisa­ par des relations indirectes, avec l'in­
tion mais surtout l'innovation finan­ terposition d'une banque, sont mainte­
cière (Sahut et Lantz, 201 1) et l'émer­ nant réalisés par des relations directes
gence de la titrisation des crédits. En entre les agents. Cette forme de désin­
effet le modèle traditionnel du « buy- termédiation, plutôt que de substituer
and-hold », selon lequel la banque les produits de la banque, va modifier
garde ses crédits en portefeuille, a son rôle d'intermédiaire.
laissé la place au business model
« Originate-to-distribute », selon le­ L'innovation financière, en proposant
quel l'institution ne collecte plus de de nouveaux produits, a donc bien
fonds par des dépôts mais en reven­ participé au phénomène de désinter­
dant ses crédits sur les marchés. médiation mais cette innovation
semble se poursuivre et s'attaque au­
C'est ainsi que le concept de désinter­ jourd'hui aussi aux métiers des
médiation bancaire est progressive­ banques avec l'émergence fulgurante
ment apparu dans la littérature dans de FinTech en tout genre. Selon l'en­
les années 80 (Sahut, 2003). Bia- quête de PWC (2015) «Retail
cabe, et al. (1988) ont d'ai Heurs été Banking 2020 Evolution or Revolu­
parmi les premiers en France à vouloir tion ? », plus de 50% des cadres exé­
mesurer cette désintermédiation et se cutifs des banques considèrent les ac­
sont heurtés à plusieurs définitions. teurs non traditionnels comme une
Pour certains, la désintermédiation est réelle menace pour la banque de dé­
la substitution des produits de finance­ tail.

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Gestion 2 0 0 0 novembre-décembre 2 0 1 7

Alors que l'Europe et les Etats-Unis per­ grer le secteur financier informel dans
çoivent les FinTech davantage comme la définition du système financier du
une menace, les pays émergents FMI. Dès lors, l'étude de l'émergence
nuancent leurs propos et sont prêts à du téléphone portable et du mobile
les considérer aussi comme des oppor­ Banking, et de son impact sur les
tunités. Cet angle d'approche différent banques traditionnelles ou sur les ins­
nous interpelle, c'est pourquoi nous truments de politique monétaire, ne
avons choisi l'Afrique pour étudier peut se faire sans tenir compte de cette
cette nouvelle perception de la désin­ présence omniprésente de la dimen­
termédiation financière par les Fin­ sion informelle du système financier
Tech. Pour ce faire, nous avons choisi africain.
d'analyser le cas particulier du déve­
loppement important de la finance mo­
Par ailleurs, il est indéniable que le
bile en Afrique, tant cette croissance
secteur financier africain est loin der­
est impressionnante.
rière ceux des pays industrialisés en
termes de développement mais aussi
de régulation. En effet, si on se réfère
1.2. Spécificités du système
au cadre international de régulation
bancaire africain
bancaire de Bâle, les pays africains
sont pour la plupart encore en train
La perception différente de l'émer­ d'implanter Bâle 1. Cependant, de­
gence des FinTech et du mobile puis les années 80, de nombreux pays
banking en particulier est compréhen­ africains ont mis en place d'im por­
sible car le système financier africain tantes réformes du secteur financier.
est différent du reste du monde à plu­ Ces dernières, principalement com­
sieurs égards. manditées par le FMI et la Banque
Mondiale, ont eu pour but de restructu­
rer et de privatiser les banques, de fa­
En Afrique, la désintermédiation est
ciliter l'entrée et la sortie de nouveaux
impactée par une proportion impor­
acteurs, de contrôler les taux d'intérêt
tante de l'intermédiation financière in­
et le capital des banques.
formelle. Asongu (2015) met en évi­
dence le rôle de l'intermédiation finan­
cière informelle qui augmente au détri­ Plusieurs travaux (Levine, 2005 ; King
ment des mécanismes financiers et Levine, 1 9 9 3 ; Calderon et Liu,
formels. Selon lui, les indicateurs clas­ 2003) ont examiné l'effet de ces ré­
siques d'intermédiation financière ne formes sur le développement et la
permettent pas d'étudier correctement croissance économique de l'Afrique.
la situation économique et financière Leur conclusion est que ces développe­
en Afrique. Il est donc impératif d'inté­ ments ont amélioré l'accès des PME

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Les nouveaux modèles de mobile Bonking en Afrique : Un défi pour le système bancaire traditionnel ?

aux services financiers, lesquelles en­ infrastructure. De même, le fait d'avoir


gagent majoritairement des ménages une licence bancaire et un soutien de
à faible revenus. Beck, Demirguc-Kunt l'Etat feraient office de garantie.
et Levine (2007) vont jusqu'à dire que
ces réformes ont rendu les institutions Mais la situation semble être totale­
financières plus efficaces en affectant ment différente en Afrique car approxi­
les ressources financières aux secteurs mativement 330 millions d'adultes,
privés les plus productifs. soit environ 65% du continent, n'ont
pas accès aux services financiers for­
Nous pensons que ces conclusions mels (tableau 1) :
sont loin d'être applicables à tout le * L'infrastructure est y est nettement
continent africain, ou doivent être moins bien développée. A titre
nuancées par région. En effet, autant il d'exemple, le nombre d'ATM et le
est facile d'entrer dans le marché de nombre d'établissements ban­
l'Afrique de l'Ouest, autant c'est un vé­ caires par 100 000 adultes sont
ritable défi au Nord ou au Sud où le très nettement inférieurs à la
système bancaire est mieux dévelop­ moyenne mondiale : entre 2010 et
pé. Aussi, indépendamment des PME, 2015 la croissance de l'accès aux
l'accès aux services financiers par les services bancaires en Afrique sub­
particuliers est loin d'être comparable saharienne reste nettement en-deçà
aux autres continents. de la moyenne.

* Le pourcentage d'adultes possé­


Boot (2016) argumente que les
dant un compte bancaire reste aux
banques, malgré la crise de 2008, bé­
alentours de la moitié de la
néficient toujours de l'anxiété des indi­
moyenne mondiale.
vidus quant à la sécurité de leurs
avoirs et liquidité. Les banques semble­ * Les banques sont quasi exclusive­
raient toujours être considérées ment présentes dans les grandes
comme l'endroit où les liquidités sont villes et la finance formelle n'atteint
en sécurité. Nonobstant la popularité pas les populations rurales.
de Google, Apple ou Facebook, les in­
dividus ne sont pas prêts à faire La première raison évoquée en Afrique
confiance aux sociétés technolo­ sub-saharienne pour ne pas avoir de
giques pour y déposer leurs avoirs. En compte en banque est le manque de
effet, dans les pays développés, les fonds à y déposer, la deuxième raison
banques traditionnelles bénéficient est la distance à parcourir jusqu'aux
d'une vaste infrastructure d'ATM et institutions bancaires. En fait, ceci ex­
d'agences et les FinTech agissent alors plique en partie le succès du mobile
comme une alternative digitale à cette Banking.

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Gestion 2 0 0 0 novembre-décembre 2 0 J7

Tableau 1 : Accès aux services bancaires dans le monde

Accès au* services bancaires


ATM Etablissements bancaires % adultes
pour 100 000 adultes pour 100 000 adultes ayant un compte bancaire
2010 2015 2010 2015 2012 2014
East Asia and Pacific 25 52 10 10 55 69
Europe and Centrai Asia 59 62 26 24 45 51
Latin America and Caribbean 34 41 14 15 39 51
Middle East and North Africa 21 28 14 14 18 43
South Asia 4 9 8 9 33 46
Sub Saharan Africa 3 6 3 5 24 35
World 29 41 11 13 50 62

IMF, Financial Access Survey


World Bank, Global fin d ** database

1.3. Un acteur de la nité de leur proposer des services ban­


désintermédiation en Afrique: caires.
les opérateurs télécoms
Le succès du mobile Banking com­
Si de nombreux Africains ne pos­ mence au milieu des années 2000 par
sèdent toujours pas de comptes ban­ un décollage spectaculaire au Kenya :
caires classiques, il n'en est pas de le premier opérateur télécom du pays
même en ce qui concerne les télé­ Safaricom (contrôlé par le géant bri­
phones mobiles en circulation. Le tannique Vodafone) lance en 2007 le
nombre d'abonnés mobiles en Afrique service M-Pesa. Il permet aux déten­
subsaharienne est en effet en teurs d'un téléphone mobile de dépo­
constante progression, avec une crois­ ser, retirer, transférer de l'argent, ou
sance annuelle moyenne de 12% au de payer pour divers biens et services.
cours des cinq dernières années (la Le succès est fulgurant : en 3 ans, le
plus forte croissance au monde). Au­ service séduit 40% de la population.
jourd'hui, le taux de pénétration Aujourd'hui 68% des adultes utilisent
moyen de la téléphonie mobile sur le le système (25 millions d'usagers en
continent est de 75% (GSMA, 2017), 201 7). L'État, qui détient 35% du capi­
avec certains pays ayant même des tal de l'opérateur, s'en sert pour verser
taux supérieurs à 100% (Mali 124%, les salaires et les prestations sociales :
Gabon 118%, Botswana 112% et le système M-Pesa traite 14 millions de
Gambie 104%). Ayant ainsi un transactions par jour et s'est imposé
contact privilégié avec leurs clients, les comme un rouage essentiel de l'écono­
opérateurs télécoms ont saisi l'opportu­ mie kenyane. Cette activité représente

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Les nouveaux modèles de mobile Banking en Afrique : Un défi pour le système bancaire traditionnel ?

30% du chiffre d'affaires de l'opéra­ disponible dans 14 pays, traite 1 mil­


teur, soit 400 millions de dollars an­ liard d'euros de transactions men­
nuels (Rodmacq, 2016). suelles, et au Mali l'équivalent d'un
quart du PIB (World Bank Findex Da­
L'indéniable réussite de M-Pesa a sus­ ta). Par ailleurs, le phénomène ne
cité l'intérêt de nombreux articles semble pas avoir atteint sa maturité à
(Beck et al., 2 0 1 0 ; Nagarajan et en voir la croissance du nombre de
Hans, 201 1 ; Mutsume, 2014 ; Rosen- comptes mobiles mais également le
gard, 2016) mais a aussi naturelle­ nombre de transactions (AfDB, 2016).
ment inspiré d'autres acteurs sur ce Aujourd'hui en Afrique sub-saha­
continent, notamment le Français rienne, 12% des adultes ont un
Orange, qui a testé en Afrique la for­ compte bancaire mobile (figure n°l) -
mule de la future Orange Bank - dis­ contre 2% des adultes dans le monde
ponible en France en 2017 ou 2018. - et pour 48% d'entre eux, le seul
Son service Orange Money, lancé en compte qu'ils possèdent est un compte
2008 en Côte d'ivoire, est désormais mobile.

Figure 1 : Taux de pénétration bancaire (Global Findex 201 1-2014)

Hlgh-fncome
OECD economies ESI

East Asia & Pacific 2014

Europe &
Central Asia
Latin American EU
&the Caribbean usa
Middie East &
North Africa

South Asia

Sub-Saharan
Africa
0% 20% 40% 60% 80% 100%

Financial institution Financial institution and Mobile money


account only mobile money account account only

343
Gestion 2 0 0 0 novembre-décembre 2 0 1 7

1.4. Forces, faiblesses e t En Afrique, l'exemple le plus connu


challenges du mobile Banking est celui d'Equity Bank au Kenya.
en Afrigue
* Le nonbank-led model (ou
Telco-led model) est un modèle
1.4.1. Coexistence de deux modèles de selon lequel un acteur non ban­
mobile Banking caire, ici en l'occurrence un opéra­
teur télécom, est à la base du ser­
vice de mobile Banking en offrant
Malgré la disparité des pays la technologie et en prenant la di­
d'Afrique, nous pouvons néanmoins rection du marketing, de la com­
classer les modèles de mobile Banking mercialisation du service et de la
en deux catégories : les « bank-led gestion de la clientèle. Dans ce mo­
models » et les « non-bank/telco-led dèle, ce qui reste à la banque ce
models » : sont les fonds, les autres services
sont sous la tutelle de l'opérateur té­
♦ Le bank-led model est un mo­ lécom.
dèle selon lequel la banque garde
le contrôle du service de mobile
Les exemples africains le plus repré­
Banking en termes de marketing,
sentatifs de ce modèle sont MTN Mo­
de commercialisation et de gestion ney Tanzania et Safaricom au Kenya
de sa clientèle. Ce modèle peut où ce sont les MVNO (Mobile Virtual
être perçu comme une évolution du Network Operators) qui gèrent le ré­
« credit-card model ». Les clients de seau d'agents et les plateformes et
la banque bénéficient des mêmes commercialisent les produits. Les
services traditionnels mais d'une fonds, quant à eux, sont crédités sur
manière plus commode par l'usage les comptes des utilisateurs, ils ne sont
de leurs téléphones portables. pas sous le contrôle ni ne font partie
Dans ce cas, les paiements sont ef­ des actifs de l'opérateur télécom. Ces
fectués via l'opérateur mobile du fonds sont gérés par un groupement
client de banque. Dans ce modèle, bancaire indépendant de l'opérateur.
en plus de motiver ses clients parti­ Ce groupement répartit les fonds entre
culiers et entreprises à utiliser ces plusieurs banques de la place. Au cas
systèmes, les banques vont devoir où l'opérateur serait mis en liquidation
négocier avec les opérateurs le sys­ par exemple, ces fonds seraient tou­
tème de partage des revenus du jours propriété des utilisateurs et inac­
service. Le bank-led model est celui cessibles aux créanciers de l'opéra­
qui domine en Europe et dans les teur. Ainsi, toute la masse monétaire
pays industrialisés, lorsque le sys­ qui transite à travers l'opérateur et qui
tème bancaire est bien implanté. est associée aux utilisateurs a une

344
Les nouveaux modèles de mobile Banking en Afrique : Un défi pour le système bancaire traditionnel ?

contrepartie bancaire ; l'opérateur uti­ par exemple NTT DoCoMo au Japon,


lise le système bancaire habituel. Le Mobipay en Espagne ou encore Mobi-
principal problème de ce modèle est kom en Autriche, et plus récemment
que le service de mobile Banking est Orange en France. Le choix entre ces
tributaire du nombre d'abonnés de deux modèles et le succès de sa mise
l'opérateur parfois limité pour certains en place reste totalement tributaire des
MVNO. Par contre, le fait d'offrir des régulateurs qui décident en définitive à
services bancaires permet de fidéliser qui ils accordent le plus haut niveau
leur base de clientèle. Ce modèle s'est d'expertise en matière de mobile
exporté en dehors de l'Afrique comme Banking.

Tableau 2 : Principales différences entre deux modèles de mobile Banking

B ank-led m odel N o n B a n k -le d / Telco-led m odel

Q u i régule ? Régulateur fin a n c ie r/b a n c a ire Régulateur des télécom s & fin a n ­
c ie r/b a n c a ire
Q u i dé tient les com ptes de tra n­ Banque Telco
saction ?

Q u i détient les com ptes de règle­ Banque Banques


m ent ?

C a is s e /d is trib u te u r Banque Telco

M a rq u e d o m inan te Banque Telco


A ccès au service Limité a u x détenteurs de com ptes Limité a u x abonnés Telco
Q u i possède le clie n t ? Banque Telco

Source : adapté de Lake A., 2014, Mobile Financial Services, International Finance Corporation, World Bank Group.

1.4.2. Les forces des opérateurs est donc indispensable de disposer


télécoms d'un réseau dense d'agents, c'est-à-
dire des points de ventes ayant pour
La littérature et notre analyse du mar­ but d'assurer, au nom de la société dé­
ché nous ont permis de recenser les tentrice du service, les prestations de
trois avantages comparatifs des opéra­ services d'argent mobile. Les banques
teurs télécoms suivants : traditionnelles n'ayant pas investi dans
un réseau d'agence, n'ont pas mis en
priorité le « relationship Banking ».
/) Leur réseau d'agents
Par contre, les réseaux d'agents télé­
Pour un service aussi novateur que ce­ coms garantissent aux opérateurs une
lui du paiement mobile, la proximité visibilité et une couverture effective du
avec le client constitue un facteur dé­ territoire. L'agent mobile money assure
terminant pour en garantir le succès. Il en fait trois fonctions essentielles : l'en-

345
Gestion 2 0 0 0 novembre-décembre 2 0 1 7

registrement des nouveaux clients, la sées dans leurs points de vente. Grâce
formation de ceux-ci à l'utilisation du à un système parfaitement élaboré et
système ainsi que les opérations de adapté selon les marchés, le nombre
dépôts et de retraits de cash. L'agent d'agents mobile money a considéra­
est au centre du fonctionnement. blement crû, dépassant aujourd'hui la
Comme chez Safaricom qui dispose barre des deux millions d'agences en­
aujourd'hui de près de 50.000 registrées dans le monde. En Afrique,
agents, le modèle le plus répandu est ils ont quasi totalement remplacé les
celui de l'homogénéité des agents. agences bancaires traditionnelles.
Dans le cas de M-Pesa par exemple,
les agents sont polyvalents, régulière­
ment formés, et tous habilités à effec­ 2) Leurs coûts moins importants que
tuer les trois types de prestations dé­ ceux du système bancaire
crites auparavant. Cela facilite de fait
Si dès le départ le paiement mobile a
la compréhension du client et renforce
convaincu et connu le succès, c'est
la confiance de ce dernier, face à un
avant tout grâce à la simplicité et au
réseau parfaitement uniforme. D'autres
faible coût des technologies sur les­
opérateurs mobiles préfèrent un mo­
quels il repose. En effet, la grande ma­
dèle plus hétérogène des fonctions de
jorité des services de mobile money en
leurs agents. Dans le cas de MTN Ou­
Afrique utilise l'USSD (Unstructured
ganda par exemple, cela se traduit
Supplementary Service Data) comme
par certains agents de terrain ayant technologie. Ce protocole, compa­
uniquement la mission d'inscrire des rable à celui utilisé pour l'envoi de
nouveaux clients et d'autres des mis­ SMS, a pour principal avantage d'être
sions de retrait et dépôt d'argent. La compatible avec 99% des mobiles en
Standard Bank en Afrique du Sud a circulation, notamment les plus bas de
quant à elle opté pour un réseau gamme que l'on retrouve en grand
d'agents, composé de différentes caté­ nombre sur le marché africain. L'USSD
gories d'entreprises : petits com­ permet aux clients d'envoyer des ins­
merces, agences bancaires, comp­ tructions de paiement à leur fournis­
toirs de paiement de factures. Tous ces seur de service de monnaie électro­
agents effectuent des opérations de nique, qui en retour confirme à ces
dépôt ou de retrait d'argent, mais derniers l'exécution de la transaction
chaque catégorie dispose de sa souhaitée. En ce qui concerne les
propre structure tarifaire. Même si ces coûts opérationnels du mobile
modèles diffèrent d'un opérateur à Banking, il apparait que les services fi­
l'autre, les agents sont généralement nanciers mobiles coûtent nettement
tous rémunérés par des commissions moins cher qu'un réseau physique
sur l'exécution des opérations réali­ d'agences bancaires, de 80% à 90%

346
Les nouveaux modèles de mobile Bonking en Afrique : Un défi pour le système bancaire traditionnel ?

de moins selon les calculs de McKin- sa, UAP Insurance et Syngenta Foun­
sey. Aussi, pour les utilisateurs, cer­ dation for Sustainable Agriculture.
tains services sont gratuits, d'autres
facturés à des niveaux peu élevés mais
1.4.3. Les faiblesses e t challenges des
rentables sur d'importants volumes. Les
opérateurs télécoms au profit des
tarifs mobiles ont été estimés trois à
banques de détail traditionnelles
cinq fois inférieurs à ceux pratiqués
par les banques et les sociétés de
transfert d'argent telles MoneyGram Au-delà des faiblesses du système ban­
ou Western Union (AfDB, 2016). caire traditionnel, nous avons égale­
ment identifié un certain nombre d'en­
jeux, voire de difficultés pour les opé­
3) Leur participation au « sector rateurs télécoms en Afrique en regard
convergence » des banques de détail :

Le mobile Banking en Afrique a redes­


i) L'obtention d'une licence bancaire
siné le marché et rendu « poreuse » la
segmentation des secteurs d'activité : Si dans la plupart des cas, les
un acteur économique peut en effet banques sont habilitées d'office (par
proposer des produits ou services au- les lois portant réglementations ban­
delà de son cœur de métier. On parle caires) à exercer les activités d'émis­
d'innovation multidimensionnelle qui sion de monnaie électronique, la situa­
brise les frontières sectorielles des acti­ tion est toute autre concernant les opé­
vités économiques. La barrière entre rateurs de réseau mobile. Sur les 89
les différent secteurs est faible voire marchés mondiaux où sont présents
inexistante. Dès lors, les FinTech et en des services de monnaie électronique,
particuliers les opérateurs télécoms ré­ 42 interdisent encore à ces opérateurs
pondent aux demandes des services fi­ la possibilité de posséder directement
nanciers que les banques ne peuvent en propre une licence de mobile
offrir. Par exemple, la société M-Kopa Banking. Aucune structure ou établis­
Solar, fournisseur d'énergie solaire, sement ne peut exercer des activités
propose également à ses clients de fi­ d'émission de monnaie électronique
nancer l'achat de réservoirs d'eau so­ sans avoir été dûment agréé ou autori­
laires, de télévisions ... sur base des sé préalablement par l'autorité régle­
données sur leur comportement finan­ mentaire nationale en matière finan­
cier récoltées via le mobile banking. cière, à savoir la Banque Centrale.
Un autre exemple de sector conver­ Pour ces derniers, pourtant proprié­
gence est celui du « Safe agriculture », taires du service, l'unique solution est
une assurance des récoltes contre les alors de recourir à des partenariats
aléas climatiques proposée par M-Pe- avec des établissements bancaires, qui

347
Gestion 2 0 0 0 novembre-décembre 2 0 1 7

font office de titulaire de l'autorisation (M-Pesa), Airtel (Airtel Money), Tigo


et de gestionnaire des relations avec (Tigo-Pesa), Zantel (Z-Pesa) et Halotel
l'autorité de tutelle. Dès lors, en (V Money) devront ouvrir des filiales
Afrique, l'organisation actuelle du uniquement réservées au mobile mo­
marché du mobile money implique ney. Selon la Banque centrale de Tan­
que banques et opérateurs de réseau zanie, cette décision vise une meil­
mobile restent encore très dépendants leure protection des consommateurs.
les uns des autres. Même lorsqu'ils en Etant donné l'importance que prend le
ont la possibilité, très peu de sociétés paiement mobile dans l'économie du
de télécom ont choisi de s'affranchir pays, le gouvernement semble décidé
d'un partenariat bancaire, en acqué­ à offrir un meilleur cadre juridique à
rant une licence en nom propre. Par ce type de services. Mais la situation
exemple en zone UMOA (Union Mo­ est en train d'évoluer. Certains opéra­
nétaire Ouest Africaine), la Banque teurs, à l'instar d'Orange, com­
Centrale autorise la licence bancaire mencent de plus en plus à énoncer
mais aucun des opérateurs mobiles ne l'idée de l'obtention d'une licence
l'a encore demandé. Un des facteurs propre.
explicatifs évoqué serait les lourdeurs
techniques et administratives caractéri­
sant les démarches auprès de l'autori­ 2) Les opérateurs télécoms doivent
té centrale. Cette barrière règlemen­ Interagir dans un environnement
taire peut freiner considérablement le hautement concurrentiel
développement du marché de la mon­
Le secteur des télécoms en Afrique
naie électronique. C'est le cas du Ni­
s'est non seulement développé à une
geria où la régulation a entravé le
vitesse exponentielle mais il est surtout
fonctionnement du marché, contraire­
hautement concurrentiel. La plupart
ment au Kenya.
des pays ont déjà plus de 2 MNOs. La
croissance des abonnés mobiles reste
Aussi, il faut souligner la disparité de la plus rapide dans les pays d'Afrique
régulation entre les différents pays en centrale comme le Nigeria, et reste po­
termes d'octroi de licence. Par sitive sur les marchés plus matures
exemple en Tanzanie, les opérateurs comme l'Afrique du Sud. Cependant,
télécom n'obtiennent pas de licence les nouveaux abonnés mobiles sont ty­
bancaire sauf s'ils séparent leurs acti­ piquement moins rentables pour les
vités de téléphonie de leurs services fi­ opérateurs, car souvent plus pauvres
nanciers sur mobile (en application du et/ou situés dans des régions plus diffi­
National Payment Systems Act et de ciles à atteindre. La concurrence rend
l'Electronic Transactions Act adoptés les prix des appels mobiles très bon
en 2015). Ainsi, en 2017, Vodacom marché. De plus, le marché est quasi

348
Les nouveaux modèles de mobile Bonking en Afrique : Un défi pour le système bancaire traditionnel ?

exclusivement sur un mode prépayé et et de services bancaires. D'après BMI


particulièrement cost-sensitive. C'est Research, les perspectives de crois­
pourquoi les M N O s développent ac­ sance des telcos en Afrique sub-saha­
tuellement d'autres opérations généra­ rienne sont de plus en plus tributaires
trices de revenus comme l'acquisition des services financiers mobiles : même
d'opérateurs de téléphonie et internet si le nombre de clients mobiles n'aug­
fixes (afin de profiter de synergies au mente plus (ou moins vite qu'avant), le
niveau des infrastructures) mais surtout nombre de transactions financières ef­
le déploiement de paiements mobiles fectuées ne faiblit pas.

Figure 2 : Transactions mobile au Kenya

Source : BMI Research, Africa Mobile Financial Services, Central Bank of Kenya 2015.

3) Existence de disparités en termes Orange Money s'appuie sur 20 0 00


de réseau de distribution agents. Par contre, l'échec de M-Pesa
en Afrique du Sud, où le système ban­
Nous l'avons dit, le modèle du mobile
caire traditionnel est mieux implanté,
Banking est très dépendant du réseau
montre à quel point le modèle n'est
d'agents en place, et en l'occurrence
pas transposable à tous les pays
des réseaux des opérateurs télécoms.
d'Afrique.
En effet, un facteur de réussite dépend
du réseau de distribution en vigueur et
de l'existence ou non d'un réseau do­ 4) Obtention d ’accords
minant. A titre d'exemple, le succès de d'interopérabilité e t
M-Pesa au Kenya s'explique partielle­ d'interconnectivité
ment par la présence d'un acteur télé-
com dominant (Safaricom) comptant Ces systèmes fermés, fonctionnant uni­
près de 50 0 0 0 agents ; au M ali, quement entre abonnés au même opé-

349
Gestion 2 0 0 0 novembre-décembre 2 0 1 7

rateur, commencent à s'ouvrir et deve­ Orange, Millicom, BhartiAirtel, Oore-


nir interopérables. Plusieurs pays afri­ doo, Etisalat, MTN, STC, Zainet Voda­
cains réfléchissent à durcir la régle­ fone ont annoncé envisager de rendre
mentation pour sécuriser et structurer interopérables leurs services d'argent
le système. Le modèle de M-Pesa, avec mobile. Ces neufs opérateurs totalisent
son déploiement au-delà du Kenya, a près de 582 millions de connections
également renforcé l'importance d'une mobiles à travers 48 pays d'Afrique et
interopérabilité, c'est-à-dire la capaci­ du Moyen-Orient (Innogence puise,
té des utilisateurs de différents services 2016).
de mobile Banking à faire des transac­
tions directement entre eux. Cela né­
cessite une volonté des opérateurs télé­ Partie 2: Aspects de
coms et des banques de créer une l’intermédiation
compatibilité technique entre leurs sys­
tèmes. C'est pourquoi les opérateurs financière mis en cause
télécoms recherchent de nouvelles stra­ par le mobile banking
tégies pour accroître leurs parts de
marché et multiplient à travers ce conti­
nent les accords d'interconnexion Les métiers traditionnels du
2.1.
entre leurs différents services. Ainsi ces retail Banking
deux dernières années, de nombreux
accords d'interopérabilité ont été Dans cette section, nous nous interro­
conclus entre les opérateurs, à l'image geons sur la remise en cause des mé­
de Vodafone et MTN. Le 21 avril tiers traditionnels de l'intermédiation fi­
2015, ces deux géants ont signé un nancière par le mobile banking (et en
accord, afin d'interconnecter les plate­ particulier le Telco-led model). Même
formes M-Pesa de Vodafone au Kenya, si au départ le mobile Banking s'est
en Tanzanie, en République démocra­ plutôt approprié les paiements et trans­
tique du Congo et au Mozambique ferts d'argent (M-paiement) qui restent
avec les utilisateurs MTN M obile M o­ prédominant (85% des opérations de
ney en Ouganda, au Rwanda et en mobile Banking demeurent des vire­
Zambie. Au-delà de ces accords bila­ ments de compte à compte et des re­
téraux, la question d'accords multilaté­ charges de crédit téléphonique), les
raux revient de plus en plus. C'est ain­ opérateurs ont rapidement proposé le
si qu'à l'initiative du programme M o­ « M-financial services », c'est-à-dire
bile Money Interoperability (MMI) de des services financiers de plus en plus
l'Association mondiale des opérateurs sophistiqués, comme l'épargne, le cré­
télécoms (GSMA), neuf groupes ma­ dit et le micro crédit, l'assurance, les
jeurs des télécommunications à savoir transferts internationaux, ou encore le

350
Les nouveaux modèles de mobile Banking en Afrique : Un défi pour le système bancaire traditionnel ?

paiement interentreprises. Les services paiement mobile. C'est ainsi que Mo­
de l'intermédiation classique, dépôts neyGram explore les partenariats
et prêts, initialement expertise et avec les opérateurs mobiles. Dès lors,
« chasse gardée » du domaine ban­ en février 2014 Vodafone et Mo­
caire, sont désormais accessibles par neyGram ont créé un système de trans­
téléphone portable. fert de fonds de plus de 200 pays vers
les clients de M-Pesa. Mais d'autres
En fait, même si ces services sont pro­ acteurs du paiement sont également
posés par les opérateurs télécoms, les dans la course. Au Nigéria, Master­
institutions bancaires africaines ne card a lancé une « digital ID card »
sont pas hors-jeu puisque jusqu'à pré­ qui permet à ses détenteurs de rece­
sent toujours adossées à un opérateur voir des paiements électroniques de
télécom. Mais l'émergence de ces nou­ partout dans le monde. Il prévoit main­
veaux acteurs a-t-elle malgré tout un tenant le lancement de portefeuilles
impact sur le métier de la banque de électroniques en Afrique.
détail ?
L'émergence des opérateurs télécoms
en Afrique n'a pas que modifié la
2.1.1. Les télécoms s’approprient le
concurrence entre les systèmes de
métier de paiement
paiement, elle a aussi modifié le mé­
tier du paiement. En effet, l'agent de
A l'origine, les banques détenaient le l'opérateur télécom, par analogie au
rôle central des paiements. Au­ système bancaire classique, peut être
jourd'hui les innovations en termes de considéré comme une borne bancaire
paiement sont devenues totalement in­ humaine et la carte SIM comme l'équi­
dépendantes des banques. En particu­ valent d'une carte de crédit. Un agent
lier, les systèmes de paiement mobile humain remplace l'infrastructure
(M-paiement) mettent en opposition et inexistante ou lacunaire des banques
en concurrence trois acteurs : les éta­ traditionnelles. A titre d'exemple, un
blissements financiers non-bancaires agent M-Pesa est en réalité un client
de transfert d'argent (Western Union, M-Pesa comme un autre, à la diffé­
MoneyGram), les banques classiques rence qu'il dispose de limites de dépôt
et les opérateurs de téléphonie mobile. et de transfert plus importantes qu'un
Western Union et MoneyGram domi­ client classique. Autrement dit, quand
naient jusqu'alors le marché de trans­ un client M-Pesa demande à l'agent
fert d'argent en Afrique avant l'arrivée du cash en échange de mobile money,
du mobile money. MoneyGram qui la somme est transférée sur le compte
opère dans 52 pays africains a eu tout M-Pesa de l'agent et le cash que
intérêt à s'impliquer dans le marché du l'agent transfère au client sort de la

351
Gestion 2 0 0 0 novembre-décembre 2 0 1 7

poche de l'agent, et inversement. Ain­ que le mobile money inciterait les plus
si, les transactions entre un agent et un pauvres à épargner au travers de dé­
client sont fondamentalement les pôts automatiques ou de SMS incita­
mêmes pour la plateforme que celles tifs. Par ailleurs, Brune et al. (2013)
entre deux clients quelconques, ce qui ont montré qu'au M alaw i les dépôts
confère une grande simplicité au sys­ de cash via le mobile Banking ont
tème. substantiellement augmenté la produc­
tivité des agriculteurs. Schaner (2013)
quant à lui a constaté que, grâce au
2.1.2. Les métiers du dépôt e t du crédit mobile Banking, les femmes kényanes
prenaient davantage part à la gestion
financière du ménage.
Au-delà du paiement mobile, le mobile
Banking s'étend au P2P lending ou
autre plateforme de prêts et Autre signe de son avance dans le do­
d'épargne. Ce phénomène n'a pas maine sur le monde entier, l'Etat ké-
épargné l'Afrique. Même si les fonds nyan a lancé fin mars M-Akiba, une
transitent par le système bancaire, ces obligation du Trésor achetable et
nouveaux spécialistes du prêt se substi­ échangeable exclusivement sur une
tuent au métier traditionnel du ban­ plateforme de mobile money (Forbes
quier. A titre d'illustration, depuis mars Afrique, 12 avril 2017). Une première
2015, KCB M-Pesa, la plateforme mo­ mondiale, qui permet au Kenya de se
bile d'épargne et de crédit ouverte en servir désormais des services finan­
partenariat avec la célèbre applica­ ciers mobiles pour lever des fonds di­
tion de paiement mobile de Safaricom rectement auprès du grand public. Sur
a permis la délivrance de 10,3 mil­ les près de 150 millions de shillings le­
liards de shillings kényans (88,2 mil­ vés, 140 millions l'ont ainsi été via M-
lions d'euros) de prêts à court terme (1 Pesa.
à 6 mois) compris entre 10 et 4 0 0 eu­
ros, au taux de 4%, 9% ou 12%. Ce­ L'émergence des opérateurs télécoms
pendant les volumes restent faibles dans la sphère du crédit a donc eu
avec 0,5% des 2 260 milliards de shil­ pour conséquence d'augmenter les vo­
lings de prêts des banques commer­ lumes de crédits octroyés au secteur
ciales kényanes à fin novembre 2015, privé et aux particuliers. Mais nous at­
selon la banque centrale (Polie, tirons l'attention sur un danger sous-
2016). jacent à cette croissance. En effet,
donner l'accès au crédit à une popula­
Une étude de la Banque Mondiale tion pauvre ou n'ayant pas accès au
(The Opportunities of Digitizing Pay­ crédit précédemment, doit être fait de
ments, 2014) tend même à prouver manière responsable et pas à n'im-

352
Les nouveaux modèles de mobile Banking en Afrique : Un défi pour le système bancaire traditionnel ?

porte quel taux au risque de créer une Snapscan ou encore Rainfin. Ces nou­
nouvelle « credit bubble » comparable velles données vont changer la ma­
à celle des subprimes aux Etats-Unis. nière dont un rating de crédit sera at­
Alors que le crédit est régulé au travers tribué. A la place des ratios classiques
des institutions financières, il faut s'as­ de solvabilité ou des historiques de
surer qu'il en va de même avec les crédit, les prêteurs estimeront la proba­
opérateurs télécoms. Dès lors, le bilité de défaut d'un client sur base
GSMA et les UN Principles for respon­ des activités avec son opérateur télé­
sable investment ont édicté un « Mo­ com. Une question se pose alors : ces
bile Money Code of Conduct ». nouveaux critères seront-ils plus équi­
tables dans les décisions d'octroi de
crédit ?
Aussi, ce transfert de compétence de
l'agent bancaire à l'agent télécom en
termes d'octroi de crédit ne va pas Enfin, si l'information est correctement
qu'augmenter le volume de prêts et de exploitée, on peut imaginer que la
dépôts dans les économies africaines, meilleure connaissance des clients per­
mais il va modifier également le métier mettrait d'accorder un taux plus bas,
du crédit. Le métier du scoring change ou correspond davantage au profil de
de main, et il est légitime de se deman­ risque des clients. Aussi, ces nouvelles
der si les opérateurs télécoms ont réel­ données devraient permettre une meil­
lement la même expertise que les ban­ leure transparence et pourraient être
quiers. Toutefois, ils peuvent collecter exploitées par les autorités pour assu­
au travers du réseau télécom d'autres rer un contrôle plus efficace du marché
types de données et les exploiter du crédit.
grâce au big data (Lokanathan et
Gunaratne, 2014). Cela pourrait leur
2.2. La régulation bancaire et
conférer un avantage significatif par
des opérateurs télécoms
rapport aux banques, surtout pour des
populations pour lesquelles les infor­
mations sont très coûteuses à collecter Traditionnellement, le secteur bancaire
comme pour la population rurale. A est soumis à l'autorité régulatrice des
titre d'exemple, les FinTech internatio­ autorités monétaires, typiquement la
nales MyBucks et TagPay tirent déjà Banque centrale. Le secteur télécom
les avantages des systèmes d'intelli­ est de son côté régulé par les autorités
gence artificielle et accèdent aux ser­ régulatrices des télécoms, en général
vices de « creditworthiness & default issues du Ministère des Communica­
probabilities » du marché africain. tions. Dans le domaine des services
Elles sont déjà concurrencées par des bancaires mobiles, le but principal de
FinTech locales comme Kenya FinTech, la réglementation devrait être de ré-

353
Gestion 2 0 0 0 novembre-décembre 2 0 1 7

duire l'ensemble des risques, c'est-à- bile Banking, la plupart des régula­
dire ceux qui sont hérités de la teurs africains - qu'ils soient des
banque, ceux provenant des télécoms, Banques centrales ou des organismes
ainsi que les nouveaux risques propres gouvernementaux - ne font que déli­
aux services bancaires mobiles. L'inno­ vrer (ou non) des licences bancaires et
vation numérique rend poreuse la seg­ rien de plus. Il existe donc une lacune
mentation des secteurs d'activités et réglementaire qui crée des opportuni­
par conséquent de leur régulation. En tés pour certains opérateurs télécoms
particulier, la gestion de la concur­ ou FinTech pour exploiter les consom­
rence ne peut donc plus se limiter à mateurs sans méfiance, en particulier
une zone géographique, un secteur, les Africains défavorisés. Par exemple,
une filière précise ou encore une la plupart des pays africains n'ont pas
chaîne de valeur spécifique. Ainsi, de réglementation pour les prêts sur
particulièrement en Afrique, la dé­ salaire par les fournisseurs de prêts en
marche traditionnelle de régulation ligne, ou FinTech qui peuvent exploiter
par secteur ne semble plus adéquate les emprunteurs analphabètes en les
pour ce type de service. Cette innova­ attirant dans des facilités de crédit
tion disruptive que connait l'Afrique coûteuses. Par conséquent, il est pri­
apparait alors comme une opportunité mordial que les régulateurs africains
de construire ce que sera le cadre de développent des environnements régle­
régulation de l'économie numérique mentaires robustes dans le mobile
du futur. En cela l'Afrique est non seu­ Banking pour protéger les consomma­
lement un laboratoire digital, mais teurs et établir des règles saines de
aussi un laboratoire de recherche juri­ concurrence. Cela favoriserait l'expan­
dique suggérant des démarches et des sion de cette industrie en attirant da­
dynamiques nouvelles et innovantes vantage d'investissements et en recon­
face à une innovation sans frontière et naissant que leurs droits sont protégés.
transversale (LABS-NS Avocats,
2016).
De plus, la réglementation prudentielle
des banques utilisant les lignes direc­
Parmi les défis à relever, nous avons trices de Bâle 2 ou antérieures vise à
identifié les quatre problèmes princi­ limiter le risque de faillite des banques
paux suivants : la gestion des licences et ses conséquences pour les clients.
bancaires et la réglementation ban­ Mais ces règlements ne s'appliquent ni
caire, la création monétaire, la protec­ aux institutions de microfinance ni aux
tion des données, et la lutte contre le opérateurs de télécommunications.
blanchiment d'argent.
Puisqu'il y a une concurrence intense
dans le secteur télécom, qu'arrive-t-il si
En Afrique, en ce qui concerne le mo­ un opérateur télécom décide d'en sor-

354
Les nouveaux modèles de mobile Bonking en Afrique : Un défi pour le système bancaire traditionnel ?

tir ? Les petits épargnants perdraient de la politique monétaire. Les systèmes


leurs dépôts. A noter que certains de où les cartes ou les téléphones peuvent
ces problèmes existent avec les cartes être utilisés pour stocker la valeur,
télécom prépayées. Pour l'instant, la fonctionnent efficacement comme des
plupart des opérateurs télécoms sont dépôts, et ne sont pas comptabilisés
adossés à une banque mais leur prise dans la masse monétaire.
d'indépendance fera apparaître ce
risque.
Troisièmement, l'exemple mentionné
plus haut de M-Kopa Solar soulève la
Deuxièmement, comme les banques question de la protection des données
sont réglementées par la Banque cen­ des clients. Cette protection doit être
trale chargée de la politique moné­ au cœur des préoccupations, non seu­
taire, cette dernière contrôle la créa­ lement des régulateurs, mais aussi des
tion monétaire. La Banque centrale Etats eux-mêmes dans la mesure où les
veille à éviter les rigidités structurelles enjeux liés à la collecte et à l'utilisa­
empêchant la demande effective de tion des données constituent au­
satisfaire l'offre réelle d'argent. Les jourd'hui une question stratégique, la
transactions financières font l'objet donnée étant la matière première de
d'une régulation qui, très légitime­ la révolution numérique actuelle.
ment, est particulièrement rigoureuse :
il revient au régulateur du secteur ban­ Enfin, au-delà de la licence bancaire,
caire de s'assurer de la stabilité finan­ la régulation doit se pencher sur les
cière et du respect par les établisse­ enjeux du « Know your customer »
ments bancaires de la réglementation. afin d'empêcher les institutions finan­
Le déploiement de services mobiles fi­ cières et/ou opérateurs mobiles d'être
nanciers nécessite donc la mise en utilisés, intentionnellement ou involon­
place de systèmes, plus ou moins cen­ tairement, par des criminels pour des
tralisés, qui réunissent l'ensemble des activités de blanchiment d'argent. Par
acteurs bancaires et opérateurs des té­ exemple, toutes les transactions M-Pe-
lécommunications dans le cadre d'une sa, que ce soient les transferts SMS ou
régulation concertée entre l'autorité de les contreparties en cash effectuées au­
régulation des télécommunications et près des agents M-Pesa, sont enregis­
le régulateur bancaire. Toutefois, à trées sur la plateforme de Safaricom
l'heure actuelle, la Banque centrale ne laquelle assure une certaine détection
contrôle que les banques et non les du blanchiment d'argent. Toutes les
opérateurs de télécommunications, transactions sont soumises au même
alors qu'un tout nouveau secteur est type de rapport auprès de la Banque
maintenant inclus dans le financement centrale que celui auquel est soumise
mais hors de contrôle du responsable une banque classique.

355
Gestion 2 0 0 0 novembre-décembre 2 0 J7

En fait, le nombre croissant de clients seau virtuel a, pour ce faire, dû sollici­


mobiles en Afrique a déjà forcé la ré­ ter une licence de télécommunication
gulation à évoluer. Les Banques cen­ auprès du régulateur des télécoms.
trales et les agences de télécommuni­
cation réglementent désormais davan­
L'absence de cadre réglementaire effi­
tage les marchés du mobile Banking, cace ou inadéquat peut entraîner des
mais il existe encore de grandes dis­ frictions entre les MNO, les institutions
parités entre les pays africains. Cer­ financières et les Banques centrales en
tains pays africains n'ont pas de régu­ ce qui concerne les services financiers
lateurs et de lois efficaces qui en­ mobiles. Cela aura un impact négatif
gagent des réformes financières, y sur la prestation des services de M NO
compris celles qui régissent les ser­ à la population non bancaire. Un cer­
vices financiers mobiles. Aussi la tain nombre de Banques centrales
concurrence des deux modèles de telles que la Central Bank of Nigeria
banque mobile (telco-led et bank-led) continuent de soutenir que toute forme
soulève la question de savoir quelle ré­ de banque doit être entreprise par des
glementation s'applique à chaque mo­ établissements de dépôt agréés, ce qui
dèle. exclut les MNO. Dans les pays où les
organismes de réglementation n'auto­
Dans l'espace UEMOA (Union Econo­ risent pas les entreprises réalisant des
mique et Monétaire Ouest Africaine), paiements mobiles à mettre en place
il est par exemple possible pour un des réseaux de distribution efficaces
opérateur de téléphonie mobile de ou à s'inscrire, identifier et activer des
créer une entité juridique autonome clients comme au Nigeria, l'inclusion
rattachée au même groupe s'il sou­ financière est limitée. Cela crée égale­
haite réaliser des activités de mobile ment des facteurs dissuasifs majeurs
money ou de mobile Banking. C'est pour les investisseurs.
l'option choisie par le groupe Orange
dans des pays comme le Sénégal, le Ondiege (2016) a étudié le rôle de
Mali ou encore la Côte d'ivoire à tra­ l'environnement juridique dans le dé­
vers la création de sociétés bénéficiant veloppement de l'inclusion financière
d'un agrément d'établissement de à l'aide de téléphones portables. Il a
monnaie électronique délivré par la montré que le règlement autorisant les
Banque Centrale des Etats de l'Afrique opérations dirigées par les opérateurs
de l'Ouest, autorité de régulation des mobiles (telco-led), comme celles des
activités mobiles. A l'inverse, Equity pays de l'Afrique de l'Est, s'est avéré
Bank au Kenya, qui fournit à ses plus efficace que ceux de la banque
clients une carte SIM additionnelle (bank-led), comme au Nigeria en
pour la communication au sein du ré­ termes d'augmentation des taux

356
Les nouveaux modèles de mobile Banking en Afrique : Un défi pour le système bancaire traditionnel ?

d'abonnement, de pénétration et d'in­ services mobiles financiers dans


clusion financière. Les réglementa­ des pays anglophones comme le
tions permettant la concurrence des Kenya par exemple.
M NO dans le secteur des télécommu­
nications ont réduit les prix dans la
plupart des pays et ont donc favorisé
une augmentation de l'inclusion finan­
En conclusion
cière.

Concernant le continent africain, il


De manière générale, il semble qu'un n'est pas exagéré de considérer que
cadre juridique idéal pour régir les ac­ la technologie mobile est en train de
tivités liées aux services financiers mo­ modifier profondément le quotidien
biles se heurte aux deux difficultés des populations. Ces dernières réus­
principales suivantes (Sakho, 2015) : sissent à passer outre le manque d'in­
frastructures de communications grâce
♦ la première tient au fait que les ser­
à des innovations conçues pour ré­
vices mobiles financiers touchent
pondre à leurs besoins spécifiques
plusieurs secteurs qui relèvent de
(services mobiles de transferts d'argent
réglementations différentes (le com­
comme M-Pesa, services mobiles de
merce électronique, le respect de la
crédit et d'épargne comme M-Shwari,
vie privée par la protection des
services d'assurance-vie pour l'abonné
données personnelles, la réglemen­
mobile comme Tigo, achat de crédits
tation financière enfin la réglemen­
journaliers pour l'énergie prépayée
tation de la concurrence),
comme M-Kopa Solar, ...).
♦ la seconde est liée au fait qu'il n'y
a pas de modèle juridique de réfé­ Plus globalement, il apparait que bien
rence. Généralement, les pays de que les réformes réglementaires du
l'ouest africain anciennement sous mobile Banking ont permis dans une
influence française s'inspirent des certaine mesure d'élargir l'inclusion fi­
textes français. Mais pour cette ac­ nancière en Afrique, l'environnement
tivité, la France est elle-même en re­ réglementaire reste lacunaire alors
tard. Il s'agit d'une activité inventée qu'il devrait permettre d'équilibrer les
pour les besoins de certains acteurs besoins d'amélioration de l'accès au
économiques de l'Afrique. Par ail­ financement avec la stabilité du sys­
leurs, les pays qui sont en avance tème financier. Dès lors, les gouverne­
sur ce plan s'inspirent du droit ments africains devraient endosser
« anglo-américain » dont la sou­ leurs responsabilités pour développer
plesse concernant le secteur finan­ davantage le cadre réglementaire ap­
cier a rendu possible l'éclosion des proprié pour le mobile Banking.

357
Gestion 2 0 0 0 novembre-décembre 2 0 1 7

Ainsi, au regard des différents facteurs fets positifs. Reste à voir dans quelle
étudiés et mis en valeur dans cet ar­ mesure ces collaborations sont envisa­
ticle, il apparaît que la situation en geables dans les pays développés.
Afrique est caractérisée par une faible
réglementation et une infrastructure
bancaire déficitaire. Cette situation a
favorisé l'entrée de nouveaux acteurs
Références
comme les sociétés de téléphonie mo­
bile. A l'heure actuelle, ces acteurs ne Aker, J.C., & Mbiti, I., M., (2010). Mobile
se sont pas substitués aux acteurs fi­ Phones and economic development in Africa.
Journal of Economie Perspectives, 24(3), 207-
nanciers traditionnels. La perturbation
232. Doi : 10.12 5 7/je p.24 .3 .2 07
liée au développement rapide et mas­
sif du mobile Banking est finalement Almazan M., Vonthron N. (2014) Mobile Mo­
ney for the Unbanked, Mobile money profitabi­
une situation gagnant-gagnant pour
lity : A digital ecosystem to drive healthy mar­
tous les participants du marché. Les in­ gins, GSMA.
novations ont réduit les coûts, augmen­
Alt, R., Beck, R. and Smits, M. Fin Tech and the
tent l'inclusion financière et amé­
Transformation of the Financial Industry, h ttp ://
liorent la facilité et la rapidité d'utilisa­ static.springer.com/sgw/documents/
tion. Nous pensons que les entreprises 1 5 7 2 2 6 9 /application/pdf/1 2525_CfP_Fin-
Tech+0 7+cmi.pdf
africaines de télécommunications ont
davantage collaboré avec les banques Ashta A. (2010) Evolution of Mobile Banking
et les FinTech, plutôt que de les concur­ Regulation, Burgundy School of Business
(Groupe ESC Dijon-Bourgogne), CEREN, CER-
rencer.
Mi, Working paper.

Asongu A. (2012) How has Mobile Banking Sti­


La situation dans les pays développés mulated Financial Development in Africa, Afri­
est toute autre. L'infrastructure ban­ can Governance and Development Institute,
Working paper.
caire est très développée de même
que la structure réglementaire. Dès Asongu A. (2012) New Indicators for the Mo­
lors, la percée des opérateurs mobiles bile Banking Nexus, African Governance and
Development Institute, Working paper.
dans le secteur bancaire n'est pas aus­
si fulgurante qu'en Afrique. Le déve­ Asongu A. (2013) Mobile banking and mobile
loppement de la banque mobile se fait phone penetration : which is more pro-poor in
Africa, African Governance and Development
plus généralement à l'initiative des
Institute, Working paper.
banques.
Asongu A. (2015) Conditional Determinants of
Mobile Penetration and Mobile Banking in Sub-
Néanmoins, le laboratoire de re­ Saharan Africa, African Governance and Deve­
cherche que nous fournit l'Afrique, a lopment Institute, Working paper.

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