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Lyophilisation

La lyophilisation, ou anciennement cryodessiccation, est la


dessiccation d’un produit préalablement congelé, par sublimation.
Le solvant sublimé est généralement de l’eau, mais ce peut être
également un alcool[1],[2],[3].

Dans un diagramme de phase, la


frontière entre l’état liquide et l’état
gazeux va du point critique au point
triple. La lyophilisation (flèche bleue)
« contourne » le point triple, évitant
ainsi la transition directe
liquide → gaz (vaporisation), comme
c’est habituellement le cas dans un
séchage atmosphérique (flèche
verte).

Histoire
Le procédé de lyophilisation a été inventé en 1906 par les
Français Arsène d’Arsonval et F. Bordas - son préparateur - au
laboratoire de biophysique du Collège de France à Paris[4],[5].
Cependant, la déshydratation de pommes de terre congelées était
déjà utilisée par les natifs des Andes au xiiie siècle pour faire du
chuño (ce qui peut faiblement s'apparenter à une lyophilisation)[6].
Principe de la lyophilisation
La lyophilisation consiste à retirer l’eau d’un produit liquide, pâteux
ou solide, à l’aide de la surgélation puis une évaporation sous vide
de la glace sans la faire fondre. Le principe de base est que
lorsqu’on réchauffe de l’eau à l’état solide à très basse pression,
l’eau se sublime, c’est-à-dire qu’elle passe directement de l’état
solide à l’état gazeux. La vapeur d’eau (ou de tout autre solvant)
quitte le produit et on la capture par congélation à l’aide d’un
condenseur, ou piège froid. Cette technique permet de conserver
à la fois le volume, l’aspect et les propriétés du produit traité. Elle
peut avoir lieu naturellement (séchage en montagne), ou, plus
rapidement, dans un lyophilisateur.

On distingue trois phases majeures dans un cycle de


lyophilisation :

la congélation, où les produits sont réfrigérés à des


températures de l’ordre de −20 °C à −80 °C ; l’eau se transforme
alors en glace.
la dessiccation primaire, sous vide, qui consiste à sublimer la
glace libre (interstitielle), donc sans effet d’ébullition (pas d’eau
en phase liquide).
la dessiccation secondaire, qui permet d’extraire par désorption
les molécules d’eau piégées à la surface des produits séchés.
À la fin du cycle, le produit ne contient plus que 1 % à 5 % d’eau, ce
qui est extrêmement faible.

Lyophilisation industrielle

Le produit à lyophiliser

Le type de produit et son contenant conditionnent énormément le


processus de lyophilisation et par là, la structure de la machine
qui réalisera l’opération. Après lyophilisation, le produit obtenu est
appelé lyophilisat ou cake. Le produit à lyophiliser peut-être en
vrac (bulk) dans des grands bacs, enflaconné, ou encore en blister
(conditionnement sous membrane plastifiée).

Produit en vrac

Dans le cas des produits liquides ou pâteux, on utilise de grands


bacs en inox posés sur les étagères de congélation. Les bacs ont
le défaut de ne jamais être parfaitement plats et donc de ne
toucher l’étagère qu’en quelques points. La plupart de l’énergie de
l’étage est donc transmise au bac puis au produit par radiation, ce
qui représente une très petite partie de l’énergie à fournir au
liquide caloporteur. De plus, il n’est pas toujours facile
d’instrumenter les lots pour suivre le processus : le risque de
décollement des sondes de température est élevé. Pour pallier ce
risque, il faudra donc multiplier les capteurs et donc compliquer
l’informatique et la mécanique de la machine, ou il faudra utiliser
une méthode de contrôle globale de la vapeur d’eau résiduelle du
type Lyotrack. En revanche, ce système de stockage permet de
lyophiliser des centaines de kilos de produit par cycle.

Pour les produits solides (bois mouillé, papier, plantes…), ils sont
soit posés directement sur étagère si leur poids le permet, soit
dans une enceinte à parois réfrigérantes.

Les flacons

Les flacons sont généralement en verre, matière qui présente un


faible taux de dégazage sous vide. Ils sont équipés de bouchons
spéciaux, qui ne dégazent pas, qui laissent passer les gaz
pendant la lyophilisation et qui assurent l’étanchéité après
bouchage. Ces flacons sont posés directement sur les étagères
d’inox. Le transfert thermique est meilleur que pour le vrac et on
peut éviter les problèmes de décollage des capteurs à
thermocouple ou PT100, en les assujettissant aux bouchons si
une telle méthode est utilisée. Par contre, le volume de produit
sera plus faible qu’en vrac et la manipulation des flacons avant et
après lyophilisation peut demander beaucoup de main d’œuvre ou
des machines de manutention coûteuses, sans compter les
risques de casse ou de contamination humaine.
« Blisters »

Il s’agit de bacs de plastique thermoformé. Le produit (si possible


très pâteux) est placé dans de petites alvéoles. Le temps de
lyophilisation est alors très court. Par contre, le remplissage et la
manipulation des blisters doivent être automatisés pour ne pas
renverser le produit.

Congélation

La congélation est la phase la plus critique du cycle de


lyophilisation. La baisse de température doit être très rapide pour
former une glace (presque) amorphe (sans cristaux de glace) ; on
évite ainsi la lésion des cellules et la dénaturation des molécules
organiques sensibles (les protéines et leur agencement en
particulier). Une congélation trop lente entrainera une
augmentation du volume de l'eau en cristallisant, conduisant à
une dénaturation du produit.

Cette phase est donc essentielle, car elle doit garantir que le
produit à lyophiliser ne sera pas altéré.

Article détaillé : Solidification.


Phase de sublimation ou dessiccation primaire

Elle consiste à extraire l’eau dite libre, qui est sous forme de glace
libre (ou interstitielle). Sous un vide situé aux environs de
100 µbar mais pouvant varier fortement d’un produit à l’autre (de
5 µbar à 500 µbar), on apporte de la chaleur au produit afin que la
glace se sublime. Notons au passage qu’à ces niveaux de vide, la
chaleur est principalement apportée par radiation ou conduction
avec les étagères contenant le fluide caloporteur, la convection
pouvant être considérée comme nulle.

Suivant le produit et les besoins de production, on peut faire varier


la température pendant le cycle. La vapeur d’eau est captée par un
« piège froid » ou «condenseur » et la déshydratation du produit se
poursuivra en continu. Le niveau de vide, la température du
produit et le temps de dessiccation sont des paramètres
importants, car ils déterminent le flux de sublimation à l’intérieur
de la machine. Un flux de vapeur trop élevé peut emporter avec lui
le produit que l’on cherche à lyophiliser. Un cycle trop court
laissera trop d’eau dans le produit, qui pourra être dégradé lors de
la dessiccation secondaire. À l’inverse, un cycle trop long peut
dégrader certaines molécules actives. Lorsque la plus grande
partie de l’eau s’est sublimée, le produit initial a perdu environ 80 à
90 % de son eau.

Article détaillé : Sublimation.


Dessiccation secondaire

Elle consiste à éliminer l’eau « captive » du produit par désorption,


car des molécules d’eau restent piégées en surface. C’est une
étape délicate, car poussée trop loin, elle peut dénaturer le
produit. Dans cette étape, le vide est poussé jusqu’aux environs
de 5 µbar. On maintient ou on augmente la température du produit
(jusqu’à des valeurs positives) pour arracher les molécules. On
peut compléter l’opération en baignant le produit dans une
atmosphère d’azote pur, dont les molécules prendront la place
des quelques molécules d’eau restantes. À la fin du cycle, le
produit est sec à 95 % ou plus.

Les paramètres du processus de lyophilisation sont déterminés


en laboratoire et expérimentés sur des lyophilisateurs dits
« pilotes » avant d’être industrialisés. La description des étapes de
la lyophilisation est appelée « une recette ».
Une recette peut durer de plusieurs heures à plusieurs jours.

Applications

Café soluble

Le procédé est très onéreux, du fait des machines à mettre en


œuvre, mais aussi de leur consommation en eau de
refroidissement, en azote et en énergie. C’est pourquoi on
l’applique à des produits à très forte valeur ajoutée, dans
l’industrie pharmaceutique ou pour les produits biologiques
altérables tels que les vaccins, les enzymes ou les éléments
sanguins, et en particulier les anticorps, les hormones… Dans
l’état actuel des connaissances, la lyophilisation du sang complet
n’est pas encore possible : pour ne pas détruire les globules
rouges, la congélation doit être effectuée à très basse
température (sans quoi les cristaux de glace détruisent les
cellules), ce qui oblige à sublimer à des niveaux de vide inférieurs
à 1 µbar. Des recherches sont en cours pour appliquer le
processus de lyophilisation à de tels niveaux de vide et de
température.

L’industrie agroalimentaire est très utilisatrice de ce type de


procédé (café soluble, champignons, céréales, etc.). Plus
marginalement, on applique la lyophilisation à la conservation de
documents anciens endommagés par l’eau, pour préserver des
vestiges archéologiques retrouvés en milieu humide ou pour
conserver de petits animaux ou végétaux. Une entreprise
canadienne est également connue pour ses bouquets de fleurs
lyophilisés.

Bien que les lyophilisateurs soient très coûteux (plusieurs millions


d’euros pour les plus gros et jusqu’à 2 500 kWh m−3 d’eau à
évaporer), cette technique est utilisée pour les produits à forte
marge. Les procédés sont soit discontinus, soit continus.

Notes et références
1. (en) Valentina Prosapio, Ian Norton et Iolanda De Marco,
« Optimization of freeze-drying using a Life Cycle
Assessment approach: Strawberries' case study », Journal of
Cleaner Production, vol. 168,‎1er décembre 2017, p. 1171–
1179 (ISSN 0959-6526 (https://portal.issn.org/resource/issn/0
959-6526) ,
DOI
10.1016/j.jclepro.2017.09.125 (https://dx.doi.org/10.1016/j.jclepro.
, lire en ligne (http://pure-oai.bham.ac.uk/ws/files/44645427/P
rosapio_et_al_Optimization_of_freeze_drying_J_of_Cleaner_Pr
oduction_2017.pdf) [archive])

2. C Ratti, « Hot air and freeze-drying of high-value foods: a


review », Journal of Food Engineering, vol. 49, no 4,‎2001,
p. 311–319
(DOI
10.1016/s0260-8774(00)00228-4 (https://dx.doi.org/10.1016/s0260
)

3. « Freeze dried fruit » (https://fruitbuys.com/product-category/f


reeze-dried-fruit/) [archive] (consulté le 27 mai 2023)

4. Amélioration du procédé de lyophilisation pour les protéines à


usage pharmaceutique (http://www.inra.fr/les_recherches/exe
mples_de_recherche/amelioration_du_procede_de_lyophilisati
on_des_proteines) [archive], Inra.

5. P. Vayre, « Docteur Jacques Arsène d'Arsonval (1851-1940) :


De la biophysique à l’Académie de chirurgie », e-Mem Acad.
Chir., vol. 6, no 2,‎2007, p. 62-71 (ISSN 1634-0647 (https://porta
l.issn.org/resource/issn/1634-0647) , lire en ligne (http://www.
biusante.parisdescartes.fr/acad-chirurgie/ememoires/005_20
07_6_2_062x071.pdf) [archive])

6. H. T. Meryman, « Historical recollections of freeze-drying »,


Developments in Biological Standardization, vol. 36,‎
octobre 1976, p. 29–32 (ISSN 0301-5149 (https://portal.issn.or
g/resource/issn/0301-5149) ,
PMID
801137 (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/801137) )

Voir aussi

Bibliographie

(en) Peter Haseley et Georg-Wilhelm Oetjen, Freeze-Drying, 2018,


440 p. (ISBN 9783527343065)

Articles connexes

lyophilisateur
déshydratation
sublimation
Conservation de la viande

Liens externes

(fr) Les Techniques de l’Ingénieur : lyophilisation (http://www.tec


hniques-ingenieur.fr/base-documentaire/procedes-chimie-bio-a
gro-th2/operations-unitaires-du-genie-industriel-alimentaire-424
30210/lyophilisation-f3240/) [archive]
(en) International Society of Lyophilization - Freeze drying (http://w
ww.islyophilization.org/) [archive]

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