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Novembre 2013 par un étudiant de l’université Sultan Moulay Slimane de Béni-Mellal. Il constitue davantage l’objet
d’une recherche en littérature amazighe.
3- Présentation du poète:
Moha n Moha est un poète amazigh très célèbre dans la région d’Anergui appartenant territorialement à la
province d’Azilal. Il est né, selon les documents de l’état civil, en 1952. Mais pourtant, il se rappelle qu’il a à peu près
seize ans au moment de l’obtention du livret de l’état civil par son père Moha Otawddout.
En effet, la carrière poétique de ce grand avait été débutée vers 1980 notamment quand son feu père avait décidé
de lui chasser sa femme, son premier amour, après un malentendu à propos d’une théière.
Moha n Moha est une personne illettrée; il n’avait jamais fréquenté l’école moderne ni coranique. Il se donne
justement aux travaux des champs et à l’élevage depuis son jeune âge. Pendant la saison des récoltes, et parce que sa
région connait un climat très froid, Moha n Moha accompagne les jeunes de son âge à la moisson dans des plaines de
Tadla et de Khouribga et ainsi de suite. Bref, ils commencent de la plaine à la montagne, pour arriver chez eux enfin et
participer à la moisson et à la récolte des arbres fruitiers.
Tableaux des symboles de transcription adoptés:
4- Le corpus:
Les vers en amazigh leurs traductions en français
1. [ a yuwt tiṭ inw ig as bba s uḍaḍ iεmut; 1. Je suis borgne et mon père me crève l’œil !
ag urftil atn djawnɣ a ṛbbi gi lxiṛ ! ] Je ferai des faux pas, ô Dieu sauve-moi
2. [tiqt dda yi yga walbṛiq lli bu wsir; 2. La brûlure que m’a causée cette théière que parfume le romarin;
yufa t qujj awra agd aεṭṭib iwt is ! ] Infectée, elle m’entraîne assez de lésions !
3. [yan uskkin iwεṛ ɣif i mayd dig i lεmṛ; 3. Ce qui me tourmente depuis mon jeune âge ;
ur da yccib iɣf xs amssas ibubba lḥuṛṛ ! ] C’est cette canitie précoce que me provoque les futiles !
4. [tsul tẓil ac cy ad tbnud tnna d ixṣṛṛ; 4. Votre jeunesse vous permet de refaire les tâches mal faites ;
wadda wr (r)iɣiyn ad incr atn yuzu lḥṛṛ ! ] La vieillesse m’aura amaigrir avec un tel chagrin !
5. [ussirr lεaqul mqaṛ iga yɣf abrcan; 5. Ma patience est épuisée malgré ma jeunesse ;
mr tinnid ull inw awa gwdɣ akw n nagr s ka! ] J’ai le cœur en désarroi, le cœur en tumulte et en détresse.
6. [riɣ lfṛḥ id ur tẓṛim is iddr mid immut; 6. Je cherche la joie, est-elle en vie ?
id ur ttafaɣ miḥ awd g tjllabiyt ns ! ] Puis-je rencontrer une de ses manifestations ?
7. [a tusr ha (y) aεban iṛbbi jmε i d acḍaḍ; 7. Ô vieillesse ! Je te prie de m’entendre ;
unna yḥlan usε as adj t ard d ibbi lεmṛ]. Épargne les bons, ne ravage pas leur jeunesse.
8. [brraɣ acal i wr ikkisn timqqa g unẓaṛ; 8. La masure qui ne me protège pas de la pluie ;
igd xs ummuɣ yuf i bṛṛa nɣ ca g ifran ! ] Il vaut mieux la déserter.
9. [sidi ṛbbi da ysxsay afa nnun ad ur yaɣ; 9. Dieu éteint tes flammes ;
xs ad tirim ad tcεlm iḍṛd umdlu d unẓaṛ ! ] Ses nuages et sa pluie sont à ton encontre !
10. [ira yzm ad as grɣ afus s imi (y) ad i yɣẓ; 10. Le lion cherche à mordre ma main ;
inna sksu tuɣmas inw yaɣ i ca dik snt ! ] Il me demande d’examiner ses dents !
11. [bnadm bu wudm iẓẓullan ifc εad aɣṛum; 11. L’hypocrite faisant la prière et l’aumône ;
ur as tt ufiɣ nk id aṛumy mid anslm !] Est-il chrétien ou musulman ?
12. [a ya nk igan taɣaṭ ur i yεjib ulmu; 12. Je quitte la pâture à l’instar de la chèvre ;
nwalf dilli g da ttawɣɣ gwdɣ ad di nḍṛɣ ! ] Et je vais là-bas, d’où je pourrais tomber !
13. [lflus g wafa gr afus asi tnt id uxlas; 13. L’argent est au sein du feu et tu dois le prendre !
max iswhn ig ifṛḥ ca nnan ilulad urba] Cela se doit la peine d’être homme.
14. [a ddunit ata tmssusd walabudda lmut; 14. Ô vie ! Que tu es insipide ; chaque instant est un pas vers la mort !
ddiɣ anẓẓall antub id ur i ttctab ṛṛḥamt ! ] Je vais faire pénitence et m’adonner à la prière.
15. [zdyat tiyigiw cat i cḥcu amud ussεat; 15. Attelez les bêtes au joug, donnez la semence à Chehchou
iḥla wnna mi yzrε askka wr yad itcil! ] Il réussit son travail ; la récolte sera bonne.
16. [sbḥan llah awd ussan bḍan ur i gin yan; 16. Les jours sont aussi différents ;
han mddn kuyan wadda g ilula (y) ad as yaɣ ! ] Les gens ressemblent aux jours de leur naissance !
17. [zg iwl s adjaṛṛ hat awd tayuga d imcḍn; 17. Les époux, les voisins, l’attelage et les cardes ;
xs yan d yan ayd illan ḥṛam nwad iksill ! ] Représentent des paires dont les membres sont
différents.
18. [yusi ṛbbi (y)ul n umaziɣ ifc t id i ysmx; 18. Dieu inspire au blanc d’aimer le nègre ;
ku (y) asrdun ijjmε t imnsi ntta d uɣyul !] Comme un mulet obligé de participer la mangeoire
avec l’âne.
III- Traitement de corpus:
Dans cette analyse, nous essaierons de traiter quelques expressions employées par
le poète Moha n Moha Otawddout dans sa poésie .
Nous verrons aussi si le poète garde la forme originale de l’expression ou bien il fait
des déformations, voire des transformations dans l’ordre des constituants des
expressions.
Pour analyser ces expressions, nous nous ferons référence aux composantes
syntaxique, lexicale et sémantique.
1- Les expressions absolument figées:
Les expressions dites absolument figées sont des expressions qui ne peuvent être, en aucun cas, ni modifiées ni
remplacées. Elles ont un degré de figement très élevé. Ce genre d’expressions est fréquemment employé par notre
poète.
Puisque la classification de ces expressions est difficile, voire impossible en raison de la divergence thématique et
de l’indépendance sémantique des vers. Nous essaierons d’en analyser uniquement quelques unes.
L’expression [ id aṛumy mid anslm ! ] : est syntaxiquement construite de quatre mots(pronom +nom+
préposition + nom). Cette structure correspondante plus au moins à toutes les formes de phrases en langue. Ces
particularités se manifestent essentiellement dans l’impossibilité de modifier les éléments qui constituent cette
structure ni de changer l’ordre des mots. Autrement dit, on ne peut pas dire [ id anslm mid aṛumy! ] .
Sur le plan sémantique, l’expression idiomatique ci-dessus porte normalement sur deux unités lexicales à sens
différents. Le mot [aṛumy] est un nom masculin singulier qui veut dire en français « chrétien » attribué à une
personne pour son appartenance à Christianisme. Quant au mot [anslm], c’est aussi un mot emprunté à l’arabe
standard [muslim] avec quelques modification phonologiques. Il désigne la personne qui croit en un dieu unique et de
son prophète Mahomet.
Cependant, la signification de cette expression ne se déduit pas de la somme sémantique de leurs composantes
lexicales car il s’agit de ce que nous appelons une séquence opaque.
L’expression [tayuga d imcḍn ]: est une expression figée qu’on utilise dans la langue amazighe.
Sur le plan syntaxique, cette expression est composée de trois mots: deux noms et une préposition (nom +
préposition+ nom). C’est une structure habituelle d’une expression figée notamment dans les langues locales telles
que l’amazighe. En effet, cette expression, selon le parler des Ait Anrguis, ne subie pas aucun changement syntaxique.
Mais au niveau de la région, on souligne l’existence des modifications lexicales. Ces modifications font partie de la
coexistence de plusieurs variantes de l’amazigh surtout au sein de la région. Dans un autre patois, on peut entendre
les gens dire [awal d imgaṛ].
Cela ne veut pas cependant dire qu’ils expriment le contraire, mais seulement une variation des unités lexicales
dépendant du dialecte de leur région.
Sur le plan sémantique, on peut traduire littéralement l’expression ainsi « Labour et cardes ». Le mot
"labour" désigne l’action de retourner et d’ameublir la terre à l’aide de la charrue alors que "carde" veut dire
l’ustensile en forme de raquette, armé de dents ou pointes en fer utilisé souvent dans le domaine de tapisserie.
La signification de ces deux unités n’a rien à voir en grosso modo avec la signification de l’expression. Autrement
dit, l’expression porte une signification particulière au-delàs de celle que chaque terme porte en lui. En fait, on utilise
souvent cette expression pour demander à quelqu’un de ne croiser pas les mains en parlant. Il faut justement
travailler et parler en même temps sinon le travail ne s’avancera.
Le bilan de l’analyse de ces expressions montre que le poète se réfère aux expressions figées pour construire sa
poésie. Ces expressions ont contribué bien évidemment à l’organisation du rythme et de la musicalité de ses poèmes.
En revanche, il assure la fixation et le figement de certaines expressions; c’est-à-dire il les emploie sans opérer aucune
transformation ni modification.
2- Les expressions déformées ou défigées:
Ce genre d’expressions se sont définies comme des combinaisons idiomatiques avec lesquelles les changements et
les modifications sont possibles et acceptables.
Le recours aux expressions idiomatiques transformées dans la poésie a été, peut-être, en fonction des besoins
rythmiques et musicales.
L’expression [tiqt dda yi yga ]:
Cette séquence est classée parmi les expressions idiomatiques transformées. Elle est construite, en fait, de quatre
éléments ( tiqt , dda, yi, yga) qui correspondent aux classes grammaticales suivantes (nom+ pronom relatif +
pronom + verbe). Le pronom [dda] est ajouté à cette séquence qui a subie plusieurs modifications surtout au niveau
d’ordre des mots. Il est changé par rapport à l’expression [ iga yi tiqt].
Du point de vue sémantique, l’expression ne subi pas aucun changement en dépit de ses transformations
syntaxiques. Malgré ces transformations, elle garde, effectivement, la signification qu’elle a depuis son usage dans la
langue. Ainsi, le mot [tiqt] est une entrée lexicale qui veut dire en français « brûlure », [dda] est un pronom qui
correspond à son équivalent « qui », [yi] à « me » et [yga] au « fait ». L’ensemble de ces unités signifie littéralement
( la brûlure qui me fait). Mais cette expression est employé dans le langage quotidien des amazighs soit pour signifier
la cherté de quelque chose ou pour désigner la douleurs causée par un acte de quelqu’un.
Il s’agit, en fait, d’un énoncé composé, syntaxiquement, de quatre mots(le vocatif + nom+ pronom+ adjectif).
Les entités lexicales formulant cet énoncé ont été déplacées, voire transformées. Ces transformations dépendent
Essentiellement du contexte de son utilisation. La structure la plus utilisée dans l’idiome de la région est la suivante
[ tmsus ddunit]. Cela montre alors que le poète a fait quelques modifications syntaxiques sur l’expression de base
notamment le placement du nom [ddunit] avant l’adjectif [tmsusd] .
Au niveau lexical, nous observons l’ajout de certaines unités lexicales telles que le vocatif [a] et le pronom [ata]. Elles
se sont ajoutées à l’expression, peut-être, pour que le poète puisse construire le vers en gardant la tonalité de la
poésie.
Au niveau sémantique, le mot [ imssus] est le contraire de [ imaṛɣ ]. C’est un adjectif qui signifie soit un aliment fade
ou persona non grata. Tandis que le mot [ ddunit] renvoie toujours à la vie. L’expression peut, par conséquence,
traduire ainsi « Ô vie ! tu es insipide. » mais cette traduction reste en fait littérale. Surtout la signification de
l’expression est non déductible de la somme sémantique de ses composantes lexicales. Cependant les amazighs font
référence à cette expression souvent pour désigner une situation de détresse ou pour exprimer le désespoir.
L’expression [awd ussan bḍan]:
Cette structure est composée de trois éléments [awd + ussan + bḍan]. En effet, cette séquence a reconnu des
modifications comme nous l’avons déjà souligné dans l’expression précédente. Des modifications qui concernent
L’ordre des mots surtout dans le parler d’Ait Anrgui , l’expression peut soumettre, selon les circonstances dans
lesquelles se trouve la personne qui l’utilise, à des variations ou à des changements. Ces changements peuvent
certainement être le déplacement d’un mot ou l’ajout d’un autre. La structure de base de l’expression est la suivante
[bḍan ussan ]. De même, cette dernière structure est la plus répandue en fonction de son usage répétitif.
Du côté lexical, le poète a dû intégrer des mots « étranges » dans l’expression néanmoins après avoir fait le
déplacement du mot [ussan] avant [bḍan]. Il a ajouté le mot [awd] afin de pouvoir structurer l’expression
conformément aux règles de composition d’un vers poétique.
Du point de vue sémantique, la séquence a un sens littéral. Celui des «jours séparés » parce que le mot [ussan], en
tant qu'un nom masculin pluriel, veut dire en français « les jours » tandis que [bḍan] est un adjectif qui signifie
« séparés ».
Conclusion:
L’étude du défigement, dans la poésie, représente une piste alternative à la délimitation et à la
reconnaissance du figement. Si ce dernier est avant tout repéré dans la langue par son
sémantisme opaque et ses propriétés transformationnelles bloquées, il peut l’être également en
discours par son indissociabilité lexicale et sa structuration syntaxique.
Les indices de fixité et les soutiens linguistiques (tel le contexte) s’associent pour convoquer la
formule figée et son sens. Pour se rendre efficace dans la poésie, la déformation ou le défigement
met en œuvre de multiples stratégies : celles-ci mettent en résonance l’intérieur même de
l’expression avec son entourage linguistique.
Bibliographie:
Sitographie:
https://journals.openedition.org/praxematique/464
https://www.persee.fr/doc/lgge_0458-726x_1988_num_23_90_1991
https://www.persee.fr/doc/igram_0222-9838_1998_num_76_1_2893
Merci de votre attention