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Master: Etudes sociolinguistiques et culturelles

Les expressions idiomatiques dans la poésie


amazighe: cas de la poésie de Moha n Moha
Otawddout
Réalisé par l’étudiant: Hassan FAOUZI Sous la direction de: M.SABRI

Année universitaire: 2022/2023


Introduction
Plan du travail
I- Le figement et défigement linguistiques
1- Qu’est-ce que le figement
2- Les critères de figement
3- Typologie d’expressions figées
4- Les expressions idiomatiques
5-Le défigement linguistique
II- La poésie amazighe
1- Définition
2- Izli ou le vers amazigh
3- Présentation du poète
4- Le corpus
III- Traitement de corpus
1- Les expressions absolument figées
2- Les expressions déformées ou défigées
Conclusion
Bibliographie
Introduction
Il existe parmi les chercheurs qui étudient le figement, malgré une terminologie foisonnante, un
consensus sur un certain nombre de points. Ainsi, on s’accorde à dire que le figement constitue un
phénomène central du langage.
Ce travail sera donc consacré à l’étude des expressions figées et défigées employées dans la
poésie amazighe, néanmoins celle appartenant au grand poète amazigh Moha n Moha Otawddout.
Le corpus sera transcrit en caractères latins officiels adoptés par le centre d’aménagement
linguistique à L‟IRCAM, un tableau contenant ces caractères avec leurs équivalents en Tifinagh et
arabe est placé avant le corpus.
Puisque ces expressions relèvent de notre entourage, de notre culture et du langage de notre
quotidien, leur analyse sera peut-être simple et délicate.
I- Le figement et défigement linguistiques:
1- qu’est-ce que le figement:
Le figement est un processus linguistique qui consiste à souder ou à fixer, par l’usage, deux ou
plusieurs unités lexicales afin de former une nouvelle unité plus ou moins lexicalisée. Selon le
dictionnaire de linguistique « le figement est le processus par lequel un groupe de mots dont les
éléments sont libres devient une expression dont les éléments sont indissociables. Le figement se
caractérise par la perte du sens propre des éléments constituants le groupe de mots, qui apparaît
alors comme une nouvelle unité lexicale, autonome et à sens complet, indépendant de ses
composantes : ainsi, pomme de terre ou petit pois peuvent commuter avec carotte et navet... »
Le résultat du processus de figement, c’est-à-dire l’ensemble des propriétés des séquences fixes,
on les appelle très souvent locutions ou expressions (idiomatiques, lexicalisées, phraséologiques...).
Comme toutes les autres langues du monde, les expressions idiomatiques sont très utilisés dans la
communication interpersonnelle des amazighophones. Les expressions et unités crées par ce
processus de figement dans la langue amazighe sont appelées amazighicismes. Par exemple [ ibbi a
ḍaṛ] qui veut cependant dire en français « il a cessé de venir » est amazighicisme.
2- Les critères de fixation:
Contrairement à la syntaxe libre et à l’autonomie sémantique, une expression absolument figée
ne subie pas les changements syntaxiques. Par d’exemple, le changement d’ordre des constituants
dans cette séquence «ixf n tqbilt» traduite littéralement (tête de la tribu) est inacceptable.
Le sens global d’une séquence, n’est pas toujours le résultat de la somme des composantes : « jwa
n imgṛ » n’a rien avoir avec « imgṛ» et « jwa »; il constitue donc une ambiguïté sémantique pour celui
qui rencontre cette expression pour la première fois.
3- Typologie d’expressions figées:
Il est très difficile de préciser les typologie d’expressions figées pour deux grandes raisons: la
première concerne le développement de la locution en diachronie tandis que la seconde est relative
de la confusion terminologique dans le domaine de la phraséologie. Nous contentons de parler
sérieusement de locutions grammaticales (nominales, verbales, adverbiale) et de locutions dites
stéréotypées.
3.1- Les locutions grammaticales:
Pour Dubois une locution « est un groupe de mots(nominal, verbal, adverbial) dont la syntaxe
particulière donne à ces groupes le caractère de groupe figé et qui correspondent à des mots uniques. Ainsi,
faire grâce est une locution verbale correspondant à gracier; mettre le feu est une locution verbale
équivalant à allumer; en vain est une locution adverbiale correspondant à vainement; mise en jeu est
une locution nominale. »
Dans l’amazigh tout comme dans une autre langue, les différentes locutions grammaticales y sont
fortement présentées.
A- Locution nominale:
Une locution nominale est une unité habituellement composée de noms. Nous pouvons citer, à
titre indicatif et non exhaustif: [ aln n zԑuḍ] qui veut dire littéralement les yeux du singe pour
désigner une personne trompeuse ou rusée.
B- Locution verbale:
Une locution verbale est une unité composée et habituellement commencer par un verbe soit
conjugué soit à l’infinitif.
Exemple: [ iḍaṛ xf ixf ] traduit littéralement (tomber sur sa tête).
3.2- Les locutions stéréotypées:
Les locutions stéréotypées sont plutôt des formules produites de manière individuelle dans des
conditions de flexibilité linguistique (syntaxe, morphologie). Ils se sont fixées en gardant leurs
formes d’origines.
Ces locutions se subdivisent en trois grands types, à savoir les énoncés stéréotypés, les locutions
syntagmatiques expressives et expressions idiomatiques. Mais nous nous focaliserons sur ce dernier
type – les expressions idiomatiques- de fait qu’il constitue l’objet de ce travail.
4- Les expressions idiomatiques:
En tant qu’une classe de la phraséologie, les expressions idiomatiques sont beaucoup plus utilisées
dans la langue amazighe. Elles contribuent d’une part à l’enrichissement du champ langagier de cette
langue et donnent un caractère artistiquement exceptionnel à l’expressivité linguistique et culturelle
d’autre part.
Ces expressions sont des expressions à sens non compositionnel; il n’est donc pas déductible de
l’ensemble des éléments constitutifs de l’expression.
5-Le défigement linguistique:
Le défigement est un jeu de mots qui repose sur le principe de reconnaissance d’un figement
préalable. Il ne se révèle tel qu’il est que dans une prise de distance par rapport à cette antériorité
: « tout défigement présuppose un figement antérieur qu’il détourne ou remotive » (Fiala et
Habert 1989 : 86). Le figement constitue le modèle sur lequel le défigement prend vie. Celui-ci n’a
d’existence que par rapport à son modèle linguistique. Il ne prend forme et sens que dans une (re)
construction du figement.
Si dans le défigement la reconnaissance du figement est nécessaire, cela suppose que celui-ci est
encore lisible malgré les déformations subies. La liberté prise à son égard ne le détruit pas dans
son ensemble. Des indices de fixité perdurent pour que le lecteur effectue justement cette
reconnaissance. À l’intérieur même de la variation créée par le défigement peut se lire la fixité du figement.
La structure du défigement est, par conséquence, proche de celle du figement.
II- La poésie amazighe:
1-Définition:
La poésie amazighe a des désignations différentes selon les régions de la royaume. Cette diversité de désignations
est néanmoins relative à la diversité culturelle et traditionnelle dont jouit le Maroc.
La poésie amazighe constitue un art oral omniprésent dans les différentes manifestations telles que les mariages, le
moisson... Elle est ancrée dans la tradition et appartient de ce fait à ce qu’on peut appeler "la poésie populaire". La
poésie amazighe est souvent accompagnée d’un instrument musical qui lui assure un rythme harmonieux.
En évoquant le passage de la poésie amazighe de l’oralité à l’écriture, Ali Khadaoui mentionne que «la poésie est
certainement le genre le plus prolifique de la littérature amazighe. »
En effet, le rôle du poète est important dans la communauté amazighe. Il accomplit une mission de
communication de masses, par le chant qui contient un message spécifique.
Au moyen Atlas, tout vers poétique chanté ou récité est appelé Izli. Izli est alors le singulier du terme
izlan (pluriel).
2- Izli ou le vers amazigh:
Dans la culture amazighe, le terme izli reflète « le fluide ». Il(izli) est beaucoup marqué dans les travaux
du professeur Bassou Hamri, professeur à l’université Sultan Moulay Slimane de Béni-Mellal, notamment
son livre intitulé «La poésie amazighe de l’Atlas central marocain». Un livre qui a contribué à
l’enrichissement de la langue et de la culture amazighes. « l’izli, au pluriel izlan, est l’équivalent en
français d’un couplet ou d’un vers en deux hémistiches ». « L’izli, dans sa nature, reste l’élément
principal de toute création poétique berbère de l’Atlas central marocain. On le trouve dans tous
les genres poétiques, ainsi que dans toutes les manifestations rituelles ou de divertissement. »
Oussikoum, quant à lui, définit izli comme « fragment d’énoncé formant une unité rythmique définie par des

règles concernant la quantité, l’accentuation ou le nombre de syllabes ».


Nous avons choisi de travailler sur la poésie de Moha n Moha Otawddout. Ce corpus a été enregistré en

Novembre 2013 par un étudiant de l’université Sultan Moulay Slimane de Béni-Mellal. Il constitue davantage l’objet
d’une recherche en littérature amazighe.
3- Présentation du poète:
Moha n Moha est un poète amazigh très célèbre dans la région d’Anergui appartenant territorialement à la
province d’Azilal. Il est né, selon les documents de l’état civil, en 1952. Mais pourtant, il se rappelle qu’il a à peu près
seize ans au moment de l’obtention du livret de l’état civil par son père Moha Otawddout.
En effet, la carrière poétique de ce grand avait été débutée vers 1980 notamment quand son feu père avait décidé
de lui chasser sa femme, son premier amour, après un malentendu à propos d’une théière.
Moha n Moha est une personne illettrée; il n’avait jamais fréquenté l’école moderne ni coranique. Il se donne
justement aux travaux des champs et à l’élevage depuis son jeune âge. Pendant la saison des récoltes, et parce que sa
région connait un climat très froid, Moha n Moha accompagne les jeunes de son âge à la moisson dans des plaines de
Tadla et de Khouribga et ainsi de suite. Bref, ils commencent de la plaine à la montagne, pour arriver chez eux enfin et
participer à la moisson et à la récolte des arbres fruitiers.
 Tableaux des symboles de transcription adoptés:
4- Le corpus:
Les vers en amazigh leurs traductions en français
1. [ a yuwt tiṭ inw ig as bba s uḍaḍ iεmut; 1. Je suis borgne et mon père me crève l’œil !
ag urftil atn djawnɣ a ṛbbi gi lxiṛ ! ] Je ferai des faux pas, ô Dieu sauve-moi
2. [tiqt dda yi yga walbṛiq lli bu wsir; 2. La brûlure que m’a causée cette théière que parfume le romarin;
yufa t qujj awra agd aεṭṭib iwt is ! ] Infectée, elle m’entraîne assez de lésions !
3. [yan uskkin iwεṛ ɣif i mayd dig i lεmṛ; 3. Ce qui me tourmente depuis mon jeune âge ;
ur da yccib iɣf xs amssas ibubba lḥuṛṛ ! ] C’est cette canitie précoce que me provoque les futiles !
4. [tsul tẓil ac cy ad tbnud tnna d ixṣṛṛ; 4. Votre jeunesse vous permet de refaire les tâches mal faites ;
wadda wr (r)iɣiyn ad incr atn yuzu lḥṛṛ ! ] La vieillesse m’aura amaigrir avec un tel chagrin !
5. [ussirr lεaqul mqaṛ iga yɣf abrcan; 5. Ma patience est épuisée malgré ma jeunesse ;
mr tinnid ull inw awa gwdɣ akw n nagr s ka! ] J’ai le cœur en désarroi, le cœur en tumulte et en détresse.
6. [riɣ lfṛḥ id ur tẓṛim is iddr mid immut; 6. Je cherche la joie, est-elle en vie ?
id ur ttafaɣ miḥ awd g tjllabiyt ns ! ] Puis-je rencontrer une de ses manifestations ?
7. [a tusr ha (y) aεban iṛbbi jmε i d acḍaḍ; 7. Ô vieillesse ! Je te prie de m’entendre ;
unna yḥlan usε as adj t ard d ibbi lεmṛ]. Épargne les bons, ne ravage pas leur jeunesse.
8. [brraɣ acal i wr ikkisn timqqa g unẓaṛ; 8. La masure qui ne me protège pas de la pluie ;
igd xs ummuɣ yuf i bṛṛa nɣ ca g ifran ! ] Il vaut mieux la déserter.
9. [sidi ṛbbi da ysxsay afa nnun ad ur yaɣ; 9. Dieu éteint tes flammes ;
xs ad tirim ad tcεlm iḍṛd umdlu d unẓaṛ ! ] Ses nuages et sa pluie sont à ton encontre !
10. [ira yzm ad as grɣ afus s imi (y) ad i yɣẓ; 10. Le lion cherche à mordre ma main ;
inna sksu tuɣmas inw yaɣ i ca dik snt ! ] Il me demande d’examiner ses dents !
11. [bnadm bu wudm iẓẓullan ifc εad aɣṛum; 11. L’hypocrite faisant la prière et l’aumône ;
ur as tt ufiɣ nk id aṛumy mid anslm !] Est-il chrétien ou musulman ?
12. [a ya nk igan taɣaṭ ur i yεjib ulmu; 12. Je quitte la pâture à l’instar de la chèvre ;
nwalf dilli g da ttawɣɣ gwdɣ ad di nḍṛɣ ! ] Et je vais là-bas, d’où je pourrais tomber !
13. [lflus g wafa gr afus asi tnt id uxlas; 13. L’argent est au sein du feu et tu dois le prendre !
max iswhn ig ifṛḥ ca nnan ilulad urba] Cela se doit la peine d’être homme.
14. [a ddunit ata tmssusd walabudda lmut; 14. Ô vie ! Que tu es insipide ; chaque instant est un pas vers la mort !
ddiɣ anẓẓall antub id ur i ttctab ṛṛḥamt ! ] Je vais faire pénitence et m’adonner à la prière.
15. [zdyat tiyigiw cat i cḥcu amud ussεat; 15. Attelez les bêtes au joug, donnez la semence à Chehchou
iḥla wnna mi yzrε askka wr yad itcil! ] Il réussit son travail ; la récolte sera bonne.
16. [sbḥan llah awd ussan bḍan ur i gin yan; 16. Les jours sont aussi différents ;
han mddn kuyan wadda g ilula (y) ad as yaɣ ! ] Les gens ressemblent aux jours de leur naissance !
17. [zg iwl s adjaṛṛ hat awd tayuga d imcḍn; 17. Les époux, les voisins, l’attelage et les cardes ;
xs yan d yan ayd illan ḥṛam nwad iksill ! ] Représentent des paires dont les membres sont
différents.
18. [yusi ṛbbi (y)ul n umaziɣ ifc t id i ysmx; 18. Dieu inspire au blanc d’aimer le nègre ;
ku (y) asrdun ijjmε t imnsi ntta d uɣyul !] Comme un mulet obligé de participer la mangeoire
avec l’âne.
III- Traitement de corpus:
Dans cette analyse, nous essaierons de traiter quelques expressions employées par
le poète Moha n Moha Otawddout dans sa poésie .
Nous verrons aussi si le poète garde la forme originale de l’expression ou bien il fait
des déformations, voire des transformations dans l’ordre des constituants des
expressions.
Pour analyser ces expressions, nous nous ferons référence aux composantes
syntaxique, lexicale et sémantique.
1- Les expressions absolument figées:

Les expressions dites absolument figées sont des expressions qui ne peuvent être, en aucun cas, ni modifiées ni
remplacées. Elles ont un degré de figement très élevé. Ce genre d’expressions est fréquemment employé par notre
poète.
Puisque la classification de ces expressions est difficile, voire impossible en raison de la divergence thématique et
de l’indépendance sémantique des vers. Nous essaierons d’en analyser uniquement quelques unes.

 L’expression [iddr mid immut ? ] :


Au niveau syntaxique, l’expression est une séquence linguistique composée de trois mots(adjectif+ préposition+
adjectif). La préposition [mid] exprime l’alternance. C’est l’équivalent de « ou » en français. D’ailleurs, l’expression est
invariable parce que le changement de l’ordre des mots est impossible. Il s’avère important de dire que cette
expression est commune pour tous les parlers de la région.
Cette expression, au niveau sémantique, est traduite littéralement par « vivant ou mort ». Elle présente un
oxymore de fait que ces éléments sont opposés. On utilise cette expression dans la langue amazighe pour signifier
perdu ou égaré.
On note, à cet égard, que les adjectifs en amazigh comme les verbes : ils commencent dans la plupart du temps par
la voyelle [i] comme par exemple [iḥla] qui veut dire «beau». En ce qui concerne les verbes, ils commencent aussi
par la même voyelle, on peut rappeler à titre indicatif et non pas exhaustif le verbe [ibbi] c’est-à-dire « couper ». Il
s’agit par conséquent d’une ambiguïté grammaticale.
Le poète a gardé , dans ce vers, la fixation de cette expression; il n’en fait pas aucune modification syntaxique ni
sémantique.

 L’expression [ lflus g wafa] :


Sur le plan syntaxique, cette séquence est une structure idiomatique composée de trois mots(nom+ préposition+
nom). Elle est employée dans le parler quotidien des amazighs occupant la région d’Azilal. Les composants de cette
séquence ne subissent pas aucun changement syntaxique.
Sur le plan sémantique, l’expression peut être traduite littéralement ainsi « l’argent dans le feu ». Le mot [lflus]
n’a rien à voir avec le mot [afa]. Cependant, le mot [lflus] ou argent désigne le monnaie métallique, papier-monnaie et
ce qui représente cette monnaie alors que le mot [afa] ou feu désigne la combustion dégageant des flammes,
chaleur et lumière. Au-delàs du sens dénotatif du terme, le mot [afa], dans la langue amazighe, se réfère la plupart du
temps aux problèmes et aux risques. On dit, à titre d’exemple [awyatn afa nun] qui veut dire éloigner vos problèmes
ou au risque telle le montre l’expression, objet de cette analyse.
Par conséquent, le poète a respecté l’usage syntaxique et sémantique de l’expression, c’est-à-dire il n’opère aucune
permutation ni modification.

 L’expression [ id aṛumy mid anslm ! ] : est syntaxiquement construite de quatre mots(pronom +nom+
préposition + nom). Cette structure correspondante plus au moins à toutes les formes de phrases en langue. Ces
particularités se manifestent essentiellement dans l’impossibilité de modifier les éléments qui constituent cette
structure ni de changer l’ordre des mots. Autrement dit, on ne peut pas dire [ id anslm mid aṛumy! ] .
Sur le plan sémantique, l’expression idiomatique ci-dessus porte normalement sur deux unités lexicales à sens
différents. Le mot [aṛumy] est un nom masculin singulier qui veut dire en français « chrétien » attribué à une
personne pour son appartenance à Christianisme. Quant au mot [anslm], c’est aussi un mot emprunté à l’arabe
standard [muslim] avec quelques modification phonologiques. Il désigne la personne qui croit en un dieu unique et de
son prophète Mahomet.
Cependant, la signification de cette expression ne se déduit pas de la somme sémantique de leurs composantes
lexicales car il s’agit de ce que nous appelons une séquence opaque.
L’expression [tayuga d imcḍn ]: est une expression figée qu’on utilise dans la langue amazighe.
Sur le plan syntaxique, cette expression est composée de trois mots: deux noms et une préposition (nom +
préposition+ nom). C’est une structure habituelle d’une expression figée notamment dans les langues locales telles
que l’amazighe. En effet, cette expression, selon le parler des Ait Anrguis, ne subie pas aucun changement syntaxique.
Mais au niveau de la région, on souligne l’existence des modifications lexicales. Ces modifications font partie de la
coexistence de plusieurs variantes de l’amazigh surtout au sein de la région. Dans un autre patois, on peut entendre
les gens dire [awal d imgaṛ].
Cela ne veut pas cependant dire qu’ils expriment le contraire, mais seulement une variation des unités lexicales
dépendant du dialecte de leur région.
Sur le plan sémantique, on peut traduire littéralement l’expression ainsi « Labour et cardes ». Le mot
"labour" désigne l’action de retourner et d’ameublir la terre à l’aide de la charrue alors que "carde" veut dire
l’ustensile en forme de raquette, armé de dents ou pointes en fer utilisé souvent dans le domaine de tapisserie.
La signification de ces deux unités n’a rien à voir en grosso modo avec la signification de l’expression. Autrement
dit, l’expression porte une signification particulière au-delàs de celle que chaque terme porte en lui. En fait, on utilise
souvent cette expression pour demander à quelqu’un de ne croiser pas les mains en parlant. Il faut justement
travailler et parler en même temps sinon le travail ne s’avancera.
Le bilan de l’analyse de ces expressions montre que le poète se réfère aux expressions figées pour construire sa
poésie. Ces expressions ont contribué bien évidemment à l’organisation du rythme et de la musicalité de ses poèmes.
En revanche, il assure la fixation et le figement de certaines expressions; c’est-à-dire il les emploie sans opérer aucune
transformation ni modification.
2- Les expressions déformées ou défigées:
Ce genre d’expressions se sont définies comme des combinaisons idiomatiques avec lesquelles les changements et
les modifications sont possibles et acceptables.
Le recours aux expressions idiomatiques transformées dans la poésie a été, peut-être, en fonction des besoins
rythmiques et musicales.
 L’expression [tiqt dda yi yga ]:
Cette séquence est classée parmi les expressions idiomatiques transformées. Elle est construite, en fait, de quatre
éléments ( tiqt , dda, yi, yga) qui correspondent aux classes grammaticales suivantes (nom+ pronom relatif +
pronom + verbe). Le pronom [dda] est ajouté à cette séquence qui a subie plusieurs modifications surtout au niveau
d’ordre des mots. Il est changé par rapport à l’expression [ iga yi tiqt].
Du point de vue sémantique, l’expression ne subi pas aucun changement en dépit de ses transformations
syntaxiques. Malgré ces transformations, elle garde, effectivement, la signification qu’elle a depuis son usage dans la
langue. Ainsi, le mot [tiqt] est une entrée lexicale qui veut dire en français « brûlure », [dda] est un pronom qui
correspond à son équivalent « qui », [yi] à « me » et [yga] au « fait ». L’ensemble de ces unités signifie littéralement
( la brûlure qui me fait). Mais cette expression est employé dans le langage quotidien des amazighs soit pour signifier
la cherté de quelque chose ou pour désigner la douleurs causée par un acte de quelqu’un.

 L’expression [ a ddunit ata tmsusd ]:

Il s’agit, en fait, d’un énoncé composé, syntaxiquement, de quatre mots(le vocatif + nom+ pronom+ adjectif).
Les entités lexicales formulant cet énoncé ont été déplacées, voire transformées. Ces transformations dépendent
Essentiellement du contexte de son utilisation. La structure la plus utilisée dans l’idiome de la région est la suivante
[ tmsus ddunit]. Cela montre alors que le poète a fait quelques modifications syntaxiques sur l’expression de base
notamment le placement du nom [ddunit] avant l’adjectif [tmsusd] .
Au niveau lexical, nous observons l’ajout de certaines unités lexicales telles que le vocatif [a] et le pronom [ata]. Elles
se sont ajoutées à l’expression, peut-être, pour que le poète puisse construire le vers en gardant la tonalité de la
poésie.
Au niveau sémantique, le mot [ imssus] est le contraire de [ imaṛɣ ]. C’est un adjectif qui signifie soit un aliment fade
ou persona non grata. Tandis que le mot [ ddunit] renvoie toujours à la vie. L’expression peut, par conséquence,
traduire ainsi « Ô vie ! tu es insipide. » mais cette traduction reste en fait littérale. Surtout la signification de
l’expression est non déductible de la somme sémantique de ses composantes lexicales. Cependant les amazighs font
référence à cette expression souvent pour désigner une situation de détresse ou pour exprimer le désespoir.
 L’expression [awd ussan bḍan]:
Cette structure est composée de trois éléments [awd + ussan + bḍan]. En effet, cette séquence a reconnu des
modifications comme nous l’avons déjà souligné dans l’expression précédente. Des modifications qui concernent
L’ordre des mots surtout dans le parler d’Ait Anrgui , l’expression peut soumettre, selon les circonstances dans
lesquelles se trouve la personne qui l’utilise, à des variations ou à des changements. Ces changements peuvent
certainement être le déplacement d’un mot ou l’ajout d’un autre. La structure de base de l’expression est la suivante
[bḍan ussan ]. De même, cette dernière structure est la plus répandue en fonction de son usage répétitif.
Du côté lexical, le poète a dû intégrer des mots « étranges » dans l’expression néanmoins après avoir fait le
déplacement du mot [ussan] avant [bḍan]. Il a ajouté le mot [awd] afin de pouvoir structurer l’expression
conformément aux règles de composition d’un vers poétique.
Du point de vue sémantique, la séquence a un sens littéral. Celui des «jours séparés » parce que le mot [ussan], en
tant qu'un nom masculin pluriel, veut dire en français « les jours » tandis que [bḍan] est un adjectif qui signifie
« séparés ».
Conclusion:
L’étude du défigement, dans la poésie, représente une piste alternative à la délimitation et à la
reconnaissance du figement. Si ce dernier est avant tout repéré dans la langue par son
sémantisme opaque et ses propriétés transformationnelles bloquées, il peut l’être également en
discours par son indissociabilité lexicale et sa structuration syntaxique.
Les indices de fixité et les soutiens linguistiques (tel le contexte) s’associent pour convoquer la
formule figée et son sens. Pour se rendre efficace dans la poésie, la déformation ou le défigement
met en œuvre de multiples stratégies : celles-ci mettent en résonance l’intérieur même de
l’expression avec son entourage linguistique.
Bibliographie:

 Jeans DUBOIS et al. Dictionnaire de linguistique, Larousse, Paris, 2001


 Selvia PAVEL, « Changement sémantique et terminologie», journal des traducteurs/ Tanslator’s
jouranl, vol .36, n°1, 1991, p : 41-48
 Dominique LE FUR et al, Dictionnaire des combinaisons de mots, Le Robet, Paris, 2007.

Sitographie:
https://journals.openedition.org/praxematique/464
https://www.persee.fr/doc/lgge_0458-726x_1988_num_23_90_1991
https://www.persee.fr/doc/igram_0222-9838_1998_num_76_1_2893
Merci de votre attention

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