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Partie XIV. Industries des textiles et de l'habillement


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Chapitre 89 - L'industrie textile
L’INDUSTRIE TEXTILE: HISTOIRE, SÉCURITÉ ET SANTÉ
Leon J. Warshaw

L’industrie textile
Le terme industrie textile (du latin texere , tisser) s’appliquait à l’origine au
tissage d’étoffes à partir de fibres, mais il recouvre aujourd’hui toute une série
d’autres procédés tels que le tricotage, le tuftage (ou touffetage) et le feutrage,
pour n’en citer que quelques-uns. Ce terme s’étend même à la fabrication de filés
ou de non-tissés à partir de fibres naturelles ou synthétiques, ainsi qu’au
finissage et à la teinture des étoffes.

La production de filés
A l’époque préhistorique, on utilisait des poils d’animaux, des plantes et des
graines pour fabriquer des fibres. La soie a été introduite en Chine vers 2600
avant J.-C. et les premières fibres synthétiques ont été mises au point au milieu
du XVIIIe siècle. Les fibres synthétiques fabriquées à partir de cellulose ou de
produits pétrochimiques sont de plus en plus utilisées, seules ou en mélange avec
d’autres fibres synthétiques ou naturelles, mais elles n’ont jamais remplacé
totalement les fibres naturelles telles que la laine, le coton, le lin et la soie.

La soie est la seule fibre naturelle formée de filaments qu’il est possible de
réunir et de transformer en fil par torsion. Les autres fibres naturelles doivent
être préalablement étirées et alignées parallèlement par peignage, puis
transformées en un fil continu par filage. Le fuseau est le premier outil utilisé
pour filer. Il a été mécanisé en Europe vers l’an 1400 grâce à l’invention du
rouet. C’est à la fin du XVIIe siècle qu’est apparue la machine à filer qui
permettait de faire fonctionner simultanément plusieurs fuseaux. Avec le métier à
filer inventé en 1769 par Richard Arkwright et le métier renvideur de Samuel
Crompton, qui permettait de faire fonctionner un millier de broches à la fois, la
filature est passée du stade artisanal à l’ère industrielle.

La fabrication des tissus


La fabrication des tissus a une histoire similaire. Depuis l’Anti-quité, l’outil de
base était le métier à tisser manuel. Des améliorations mécaniques ont été
apportées par la lisse sur laquelle on attache un fil de chaîne sur deux. Au XIIIe
siècle a été introduite la pédale qui permettait de faire fonctionner plusieurs
jeux de lisses. Avec l’intégration du battant qui mettait en place le fil de trame,
le métier mécanisé est devenu l’instrument de tissage prédominant en Europe, voire
dans les autres parties du monde, à l’exception des régions où les traditions
culturelles faisaient survivre les anciens métiers manuels.

La mécanisation du tissage a commencé en 1733 avec la navette volante de John Kay,


qui permettait de lancer automatiquement la navette sur toute la largeur du métier.
Edmund Cartwright mit au point le métier à vapeur et, en 1788, il créa avec James
Watt, en Angleterre, la première usine textile fondée sur ce principe. Les usines,
alors affranchies de l’énergie hydraulique, pouvaient être construites n’importe
où. Un autre développement important a été le système à cartes perforées inventé en
1801 par le Français Joseph Marie Jacquard, grâce auquel les motifs pouvaient être
tissés automatiquement. Les anciens métiers à vapeur, en bois, ont été
progressivement remplacés par des machines construites en acier ou en d’autres
métaux. Les progrès techniques intervenus depuis lors ont consisté à en augmenter
la taille et la rapidité et à en améliorer l’automatisation.

La teinture et l’impression
A l’origine, on utilisait des colorants naturels pour teindre les fils et les
tissus, mais ces procédés se sont compliqués au XIXe siècle avec la découverte des
colorants dérivés des goudrons de houille, puis avec la mise au point des fibres
synthétiques au XXe siècle. Au début, l’impression à la planche servait à teindre
les tissus (la sérigraphie a été mise au point pour cette application vers le
milieu du XIXe siècle), mais elle a été rapidement remplacée par l’impression au
rouleau. Des rouleaux en cuivre gravé ont été utilisés pour la première fois en
Angleterre en 1785. Des améliorations rapides ont permis d’imprimer, grâce à ce
procédé, en six couleurs différentes, parfaitement transférées. Avec les techniques
modernes, on peut imprimer 180 m de tissu par minute en 16 couleurs ou davantage.

Le finissage
Jadis, le finissage des tissus passait par le brossage ou le tondage, l’apprêtage
ou l’encollage, ou encore le calandrage pour obtenir un effet brillant.
Aujourd’hui, les tissus sont rétrécis, mercerisés (les fils et les tissus de coton
sont traités par des solutions caustiques pour les renforcer et les faire briller)
et soumis à toute une série de traitements destinés à améliorer entre autres la
résistance au froissement, à l’eau, au feu et aux moisissures ou encore la tenue
des plis.

Des traitements spéciaux permettent d’obtenir des fibres à haute performance ,


appelées ainsi en raison de leur solidité exceptionnelle et de leur résistance aux
températures très élevées. Ainsi, l’aramide est une fibre similaire au nylon, mais
plus résistante que l’acier, et le Kevlar®, fabriqué à partir de l’aramide, est
utilisé pour fabriquer des tissus pare-balles et des vêtements qui résistent aussi
bien à la chaleur qu’aux produits chimiques. D’autres fibres synthétiques combinées
à du carbone, du bore, de la silice, de l’aluminium ou d’autres matières sont
utilisées pour produire des matériaux structurés légers et extrêmement robustes
entrant dans la fabrication des avions, des navettes spatiales, des filtres et des
membranes résistant aux produits chimiques, ou encore des accessoires de protection
utilisés par les sportifs.

De l’artisanat à l’industrie
La fabrication des textiles était initialement un art manuel pratiqué soit par des
fileurs et des tisseurs qui travaillaient à domicile, soit par de petites équipes
d’artisans qualifiés. Les progrès techniques ont fait naître de grandes entreprises
textiles économiquement très importantes, principalement au Royaume-Uni et dans les
pays d’Europe occidentale. Les premiers immigrants installés en Amérique du Nord
ont implanté des fabriques de tissus en Nouvelle-Angleterre (Samuel Slater, qui
avait dirigé une usine textile en Angleterre, a construit de mémoire un métier à
filer à Providence, Rhode Island, en 1790). L’invention de l’égreneuse par Eli
Whitney, qui permettait de nettoyer très rapidement le coton récolté, a entraîné un
accroissement de la demande en tissus de coton.

Cette tendance s’est accélérée grâce à la commercialisation de la machine à


coudre . Au début du XVIIIe siècle, plusieurs inventeurs ont mis au point des
machines permettant de coudre le tissu. En France, Barthélemy Thimonnier déposa un
brevet en 1830 pour sa machine à coudre. En 1841, alors que 80 de ses machines
travaillaient pour l’armée française, son usine fut détruite par des tailleurs qui
estimaient que cette innovation pouvait compromettre leurs moyens de subsistance.
En Angleterre, à la même époque, Walter Hunt mit au point une machine améliorée,
mais abandonna son projet, craignant que son invention ne mette des couturières
pauvres au chômage. En 1848, Elias Howe déposa un brevet aux Etats-Unis pour une
machine très similaire à celle de Hunt; il s’engagea par la suite dans de
nombreuses procédures en contrefaçon contre des industriels et finit par les
gagner. L’invention de la machine à coudre moderne revient à Isaac Merritt Singer
qui mit au point le bras libre, le pied-de-biche pour maintenir le tissu et la roue
pour l’entraîner, et qui remplaça la manivelle par une pédale laissant les deux
mains libres pour guider l’ouvrage. En plus de la conception et de la fabrication
de cette machine, l’inventeur créa la première grande entreprise tournée vers le
consommateur, qui se caractérisait par des innovations telles que des campagnes
publicitaires, la vente à tempérament et la proposition de contrats d’entretien.

Ainsi, les progrès techniques accomplis au cours des XVIIIe et XIXe siècles n’ont
pas seulement donné le coup d’envoi à l’industrie textile moderne, mais ont été à
l’origine de la révolution industrielle et de mutations familiales et sociales
profondes. De nouveaux changements ont lieu aujourd’hui, puisque les grosses
entreprises textiles se déplacent vers de nouvelles régions qui offrent une main-
d’œuvre et des sources d’énergie moins onéreuses, tandis que la bataille de la
concurrence suscite des développements techniques incessants tels que la production
assistée par ordinateur (PAO) qui permet de réduire les effectifs et d’améliorer la
qualité. Les politiciens, quant à eux, négocient des quotas et des tarifs, ou
mettent en place des barrières économiques pour obtenir ou conserver des avantages
concurrentiels pour leur pays. Ainsi, l’industrie textile fournit des produits
essentiels à une population mondiale en pleine expansion, tout en exerçant une
influence profonde sur le commerce international et l’économie des nations.

Les problèmes de sécurité et de santé


A mesure que les machines sont devenues plus grosses, plus rapides et plus
compliquées, de nouveaux risques sont apparus. La complexité croissante des
matériaux et des procédés a suscité de nouveaux risques pour la santé. Alors que le
personnel devait faire face à la mécanisation et à des exigences de productivité
accrues, le stress professionnel, largement méconnu ou ignoré, a commencé de peser
de plus en plus lourdement sur le bien-être des salariés. L’impact de la révolution
industrielle s’est manifesté essentiellement au niveau de la vie sociale, marquée
par la migration des travailleurs vers les villes et par tous les maux de
l’urbanisation. Aujourd’hui même, on assiste aussi à ce type d’effets, alors que
l’industrie textile et d’autres branches se déplacent vers des pays et des régions
en développement, à un rythme encore plus rapide.

Les risques liés aux différents secteurs de cette branche sont exposés dans les
articles du présent chapitre qui soulignent l’importance des facteurs suivants:
entretien des locaux et des machines; installation de systèmes de protection et de
dispositifs de sécurité efficaces pour éviter tout contact avec les pièces en
mouvement; mise en place d’une ventilation par aspiration localisée en complément
d’un bon système général de ventilation et de régulation de la température; enfin,
fourniture d’équipements et de vêtements de protection individuelle lorsqu’un
risque ne peut être totalement maîtrisé ou supprimé par la conception initiale, par
la prévention collective ou par l’utilisation de substances moins dangereuses. Les
auteurs insistent tous sur la nécessité d’informer et de former sans relâche le
personnel à tous les niveaux et sur l’importance de la surveillance.

Les problèmes liés à l’environnement


Les préoccupations qui se font jour au sujet de l’environnement dans l’industrie
textile ont deux origines: les opérations de fabrication elles-mêmes et les risques
liés au mode d’utilisation des produits.

La fabrication des textiles


Les principaux problèmes d’environnement créés par les usines textiles sont
imputables aux substances toxiques libérées dans l’air et dans les eaux usées.
Outre la toxicité éventuelle des substances, les odeurs désagréables posent souvent
problème, notamment lorsque des ateliers de teinture et d’impression sont situés à
proximité de zones résidentielles. Les gaz dégagés par les systèmes de ventilation
peuvent contenir des vapeurs de solvants, du formaldéhyde, des hydrocarbures, du
sulfure d’hydrogène et des composés métalliques. Les solvants sont parfois
récupérés et distillés pour être réutilisés. Les particules peuvent être captées
par filtration. L’épuration est efficace pour les composés volatils hydrosolubles
tels que le méthanol, mais non pas pour les opérations d’impression pigmentaire où
les hydrocarbures constituent l’essentiel des émissions. Les substances
inflammables peuvent être brûlées, mais cette technique est relativement coûteuse.
La dernière solution, enfin, consiste à employer des matériaux à émissivité aussi
faible que possible, ce qui se réfère non seulement aux teintures, aux liants et
aux agents de liaison transversale utilisés pour l’impression, mais aussi à la
teneur des tissus en formaldéhyde et en monomères résiduels.

La contamination des eaux usées par les colorants non fixés pose un problème
d’environnement grave, non seulement en raison des risques potentiels pour la santé
de l’être humain et des animaux, mais aussi en raison de la forte visibilité des
colorations produites. Dans les opérations de teinture ordinaire, on peut obtenir
une fixation de plus de 90%, mais ce taux tombe à 60%, voire moins, lorsqu’on se
sert de colorants réactifs. En d’autres termes, plus d’un tiers de la teinture
passe dans les eaux usées lors du dégommage du tissu imprimé, sans compter les
quantités dues au lavage des cadres, des pochoirs et des tambours.

Un certain nombre de pays ont fixé des limites portant sur la coloration des eaux
usées, mais il est souvent extrêmement difficile de les respecter sans installer un
système d’épuration très coûteux. Entre autres solutions, on utilise des teintures
dont l’effet contaminant est moindre et on tente de mettre au point des colorants
et des épaississants de synthèse qui augmentent le degré de fixation des teintures
et réduisent les excédents à éliminer par lavage (Grund, 1995).

L’utilisation des textiles et l’environnement


Les résidus de formaldéhyde et de certains complexes de métaux lourds (dont la
plupart sont inertes) peuvent produire une irritation et une sensibilisation
cutanée chez les personnes qui portent des tissus teints.

Le formaldéhyde et les solvants résiduels se trouvant dans les tapis et les tissus
servant pour l’ameublement et les rideaux continuent de se vaporiser
progressivement pendant un certain temps. Dans les immeubles très bien isolés, où
le système d’air conditionné recycle la plus grande partie de l’air au lieu de
l’évacuer à l’extérieur, ces substances peuvent atteindre des concentrations
suffisantes pour produire des symptômes chez les occupants, comme mentionné dans le
chapitre no 13, «Les troubles systémiques», de l’Encyclopédie.

Marks and Spencer, revendeur anglo-canadien de vêtements, a ouvert la voie en


fixant des limites à la teneur en formaldéhyde des vêtements qu’il achète. Des
fabricants de vêtements tels que Levi Strauss aux Etats-Unis ont répondu à cette
exigence. Certains pays ont adopté des mesures législatives sur ce point
(Allemagne, Danemark, Finlande et Japon). Grâce à la prise de conscience des
consommateurs, certains fabricants de tissus ont volontairement adhéré à ces normes
afin d’obtenir des labels écologiques (voir figure 89.1).

Figure 89.1 Labels écologiques utilisés pour les textiles


Figure 89.1

Conclusion
Les progrès techniques permettent d’élargir la gamme des tissus fabriqués par
l’industrie textile et contribuent à améliorer la productivité. Il est essentiel
cependant qu’ils soient aussi régis par des impératifs de sécurité, de santé et de
bien-être du personnel. Quoi qu’il en soit, la mise en œuvre de ces avancées pose
des problèmes dans les entreprises plus anciennes dont la viabilité financière est
mal assurée et qui n’ont pas les moyens d’effectuer les investissements
nécessaires. Il en va de même dans des régions en développement qui recherchent de
nouvelles industries à tout prix, même au détriment de la sécurité et de la santé
des travailleurs. Cependant, quelles que soient les circonstances, l’éducation et
la formation du personnel devraient permettre de réduire considérablement les
risques auxquels il est exposé.
LA CROISSANCE DE L’INDUSTRIE TEXTILE
Jung-Der Wang

Depuis son apparition sur la Terre, l’être humain a eu besoin de vêtements et de


nourriture pour survivre. La fabrication de tissus et de vêtements remonte donc aux
origines de l’humanité. Les anciens se servaient de leurs mains pour tisser et
tricoter du coton ou de la laine et obtenir ainsi du tissu ou de la toile. Ce n’est
qu’à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle que la révolution industrielle a
transformé les techniques de fabrication des vêtements. Plusieurs sortes d’énergie
motrice commençaient alors à être employées. Les principales matières premières
restaient cependant les fibres de coton, de laine et de cellulose. Depuis la
seconde guerre mondiale, la production des fibres synthétiques mises au point par
l’industrie pétrochimique s’est considérablement accrue. En 1994, les fabricants de
textiles ont utilisé dans le monde 17,7 millions de tonnes de fibres synthétiques,
ce qui représente 48,2% de l’ensemble de ces dernières. Ce pourcentage devrait
dépasser 50% après l’an 2000 (voir figure 89.2).

Figure 89.2 Evolution de la consommation de fibres par l'industrie textile jusqu'en


1994 et projection jusqu'en 2004
Figure 89.2

Selon une enquête de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et


l’agriculture (FAO) sur la consommation mondiale de fibres par l’industrie du
vêtement, les taux de croissance annuels moyens ont atteint 2,9, 2,3 et 3,7% pour
les périodes 1969-1989, 1979-1989 et 1984-1989, respectivement. Si l’on tient
compte de la tendance antérieure, de la croissance démographique, de la hausse du
produit intérieur brut par personne et de l’augmentation de l’utilisation des
différents produits textiles due à l’amélioration des revenus, la demande de
produits textiles a atteint 42,2 millions de tonnes en l’an 2000 et devrait
atteindre 46,9 millions en 2005 (voir figure 89.2). Cette tendance met en évidence
une augmentation régulière de la demande et laisse présager que l’industrie textile
continuera d’employer une main-d’œuvre importante.

Une autre transformation majeure est l’automatisation progressive du tissage et du


tricotage qui, associée à l’augmentation du coût du travail, a entraîné le
déplacement de ce secteur industriel vers les pays en développement. Bien que la
production des filés et des textiles ainsi que la fabrication en amont de certaines
fibres synthétiques restent encore l’apanage des pays développés, une grande partie
de l’industrie du vêtement, grande consommatrice de main-d’œuvre et située en aval
de la chaîne de fabrication, a déjà migré vers les pays en développement.
L’industrie du textile et de l’habillement implantée dans la région Asie-Pacifique
assure actuellement 70% environ de la production mondiale. Le tableau 89.1 montre
l’évolution de l’emploi dans cette région. La sécurité et la santé des travailleurs
du textile sont ainsi devenues des questions de grande importance dans les pays en
développement. Les figures 89.3 à 89.6 illustrent certaines opérations textiles
effectuées dans les régions en développement.

Tableau 89.1 Nombre d'entreprises et de salariés recensés dans l'industrie


textile et le secteur de l'habilement dans certains pays et territoires de la
région
Asie-Pacifique en 1985 et en 1995
Nombre

Année

Australie

Chine
Corée, République de

Hong-kong

Inde

Indonésie

Malaisie

Nouvelle-Zélande

Pakistan

Entreprises

1985
1995

2 535
4 503

45 500
47 412

12 310
14 262

13 114
6 808

13 435
13 508

1 929
2 182

376
238

2 803
2 547

1 357
1 452

Salariés (x103)

1985
1995

96
88

4 396
9 170

684
510
375
139

1 753
1 675

432
912

58
76

31
21

n.d.
n.d.

n.d.: donnée non disponible.

Figure 89.3 Le peignage


Figure 89.3

Figure 89.4 Le cardage


Figure 89.4

Figure 89.5 Une cueilleuse mécanique moderne


Figure 89.5

Figure 89.6 L'ourdissage


Figure 89.6

LA PRODUCTION ET L’ÉGRENAGE DU COTON


W. Stanley Anthony

La production de coton
Les pratiques culturales du coton commencent après la cueillette précédente. Les
premières opérations consistent en principe à broyer les tiges, à arracher les
racines et à briser les mottes au pulvérisateur à disques. Des engrais et des
herbicides sont généralement appliqués et incorporés dans le sol avant que la terre
soit préparée pour l’irrigation ou l’ensemencement. Etant donné que les
caractéristiques du sol, les engrais utilisés antérieurement et les méthodes de
cueillette peuvent donner lieu à des degrés de fertilité très différents, les
programmes de fertilisation doivent être fondés sur des analyses pédologiques. La
lutte contre les plantes adventices est indispensable pour obtenir un rendement
élevé en coton égrené et une qualité satisfaisante: en effet, le rendement et
l’efficacité de la récolte peuvent chuter de 30% en présence de mauvaises herbes.
Les herbicides ont été largement utilisés dans de nombreux pays depuis le début des
années soixante. Parmi les méthodes auxquelles on recourt, il faut citer
l’application d’herbicides sur le feuillage des plantes adventices avant les semis,
l’intégration dans le sol à ce même stade et le traitement avant et après
l’émergence de la plantule.

Plusieurs facteurs jouent un rôle important pour obtenir des plants de qualité: la
préparation des sillons, l’humidité et la température du sol, la qualité des
semences, les maladies des plantules, l’emploi de fongicides et la salinité du sol.
L’utilisation de semences de bonne qualité mises en terre dans des sillons bien
préparés est un facteur clé pour obtenir des plants précoces, uniformes et
vigoureux. Les bonnes semences devraient avoir un taux de germination d’au moins
50% dans un test à froid. Dans un test froid/chaud, l’indice de vigueur de la
semence devrait être d’au moins 140. Il est recommandé de semer 12 à 18 graines par
mètre sur chaque rangée pour obtenir de 14 000 à 20 000 plants par hectare. Un
semoir à mécanisme de dosage approprié devrait être utilisé pour assurer un
espacement uniforme des graines, quelle que soit leur taille. Les taux de
germination et d’émergence sont étroitement liés dans une fourchette de température
allant de 15 à 38 °C.

Des maladies précoces touchant les plantules peuvent empêcher l’obtention de


plantations uniformes et contraindre à réensemencer. Parmi les agents pathogènes
importants à ce stade, il faut citer Pythium, Rhizoctonia, Fusarium et
Thielaviopsis qui peuvent affaiblir les plantations et créer de grands espaces
dénudés. Il ne faut semer que des graines correctement traitées avec un ou
plusieurs fongicides.

En ce qui concerne l’eau consommée lors des différents stades du développement de


la plante, le coton présente des caractéristiques semblables à celles des autres
cultures. La consommation d’eau correspond en général à 2,5 mm par jour entre
l’émergence et la formation du premier carré. Pendant cette période, la perte
d’humidité du sol par évaporation peut dépasser la quantité d’eau libérée par la
plante. La consommation augmente fortement dès l’apparition des premières fleurs
pour atteindre un maximum de 10 mm par jour en pleine floraison. Ces quantités se
rapportent à la quantité totale d’eau nécessaire pour obtenir une récolte de coton
(précipitations et irrigation).

Les populations d’insectes peuvent avoir un impact important sur la qualité du


coton et le rendement. Il faut intervenir en début de saison pour favoriser la
fructification et un développement végétatif équilibré. Il est essentiel de
protéger les fruits dès les premiers stades de la fructification pour obtenir une
bonne récolte. Plus de 80% de la production se constituent au cours des trois à
quatre premières semaines de fructification. Le coton devrait être examiné au moins
deux fois par semaine au cours de cette période pour surveiller et contrôler les
insectes et les dommages éventuels.

Un programme de défoliation bien conduit réduit les débris végétaux qui peuvent
altérer la qualité du coton récolté. Les régulateurs de croissance chimiques sont
des défoliants utiles, car ils permettent de maîtriser la croissance végétative et
contribuent à une fructification plus précoce.

La récolte
Deux types d’équipements mécaniques sont utilisés pour la cueil-lette du coton: la
récolteuse à broches et l’écapsuleuse de coton . La récolteuse à broches est une
machine de type sélectif qui utilise des broches coniques et barbelées pour
extraire la fibre de la graine. Cette cueilleuse peut être employée plusieurs fois
sur une plantation pour obtenir des récoltes stratifiées. L’écapsuleuse de coton
est, en revanche, une cueilleuse non sélective à passage unique qui récolte non
seulement les capsules bien ouvertes, mais aussi celles qui sont craquelées et
fermées, ainsi que les débris de capsules et autres corps étrangers.

Les pratiques agronomiques qui visent à obtenir une culture uniforme et de bonne
qualité contribuent généralement à l’efficacité de la récolte. Le champ devrait
être correctement drainé et les rangées tracées de manière à faciliter le passage
des machines. L’extrémité des rangées devrait être libre de plantes adventices, et
une bordure de 7,6 à 9 m devrait être ménagée autour du champ pour permettre les
manœuvres et l’alignement des cueilleuses sur les rangées. Cette bordure devrait
être débarrassée des mauvaises herbes. La pulvérisation des mottes est déconseillée
par temps pluvieux; il est préférable de détruire les mauvaises herbes par des
produits chimiques ou par la tonte. La hauteur des plants ne devrait pas dépasser
1,20 m environ pour le coton cueilli par récolteuse à broches, et 9 cm pour le
coton récolté par écapsuleuse. La hauteur des plants peut être contrôlée dans une
certaine mesure à l’aide de régulateurs de croissance chimique utilisés au moment
opportun. Il est préférable que la capsule inférieure se trouve à 10 cm du sol au
moins. Les activités culturales — fertilisation, travail du sol et irrigation —
pendant la croissance devraient être conduites avec soin pour obtenir une récolte
régulière de coton bien développé.

La défoliation chimique est une pratique qui induit la chute du feuillage. Des
défoliants peuvent être employés pour minimiser la contamination par les débris de
feuilles vertes et favoriser le séchage rapide de la rosée matinale sur le duvet.
Toutefois, les défoliants ne devraient pas être utilisés avant l’ouverture d’au
moins 60% des capsules. La récolte ne devrait être effectuée que sept à quatorze
jours après l’application d’un défoliant (ce délai varie en fonction des produits
chimiques choisis et des conditions météorologiques). Des agents de dessiccation
chimique peuvent aussi être employés pour préparer la récolte. La dessiccation
provoque une perte rapide de l’eau contenue dans le tissu végétal et entraîne la
mort de celui-ci; les feuilles mortes qui en résultent restent attachées à la
plante.

Dans la production cotonnière, la tendance actuelle est au raccourcissement de la


saison et à la récolte unique. Les produits chimiques qui accélèrent l’ouverture
des capsules sont appliqués avec le défoliant ou peu après la chute des feuilles;
ils permettent des récoltes plus précoces et augmentent le pourcentage de capsules
prêtes à être cueillies au cours de la première récolte. Comme ces produits
chimiques peuvent ouvrir totalement ou partiellement des capsules immatures, la
qualité de la récolte peut être gravement altérée si ces produits sont utilisés
trop tôt (indice micronaire trop faible).

Le stockage
La teneur en humidité du coton avant et pendant le stockage est un facteur
critique. Une humidité excessive induit une surchauffe du coton stocké, ce qui
entraîne un changement de couleur du coton-fibre, une germination plus faible des
graines, voire une combustion spontanée. Le coton-graine ayant une teneur en
humidité supérieure à 12% ne devrait pas être stocké. La température intérieure des
bâtiments nouvellement construits devrait aussi être surveillée pendant les cinq à
sept premiers jours du stockage. Si la température s’élève de 11 °C ou dépasse 49
°C, il convient de procéder à un égrenage immédiat pour éviter les risques de
pertes importantes.

Plusieurs facteurs influent sur la qualité des graines et des fibres au cours du
stockage du coton-graine. La teneur en humidité est le principal d’entre eux. Parmi
les autres paramètres, il faut citer la durée du stockage, la quantité de corps
étrangers très humides, la variation de la teneur en humidité à l’intérieur de la
masse stockée, la température initiale du coton-graine, la température de celui-ci
au cours du stockage, les conditions météorologiques pendant cette période
(température, humidité relative et précipitations), ainsi que la protection du
coton contre la pluie et l’humidité du sol. Le jaunissement est accéléré lorsque
les températures sont élevées. Les montées en température et les températures
maximales sont deux facteurs importants (la hausse de la température est
directement liée à la chaleur générée par l’activité biologique).

L’égrenage
Environ 80 millions de balles de coton sont produites chaque année dans le monde;
20 millions d’entre elles passent par les quelque 1 300 égreneuses se trouvant aux
Etats-Unis. La principale fonction de l’égreneuse est de séparer la fibre des
graines, mais cette machine doit aussi éliminer une grande partie des corps
étrangers, faute de quoi la valeur du coton-fibre serait considérablement réduite.
Une égreneuse doit: 1) produire un coton-fibre de qualité satisfaisante pour le
marché; et 2) égrener le coton en portant le moins possible atteinte à la qualité
de filage des fibres afin que le coton réponde à la demande des utilisateurs
finaux, le filateur et le consommateur. La préservation de la qualité au cours de
cette opération impose donc un choix et un fonctionnement appropriés de chaque
machine du système d’égrenage. La manipulation et le séchage mécaniques peuvent
modifier les caractéristiques qualitatives naturelles du coton. Au mieux,
l’égreneuse préserve les caractéristiques qualitatives inhérentes au coton qu’elle
reçoit. Dans les paragraphes qui suivent, nous examinerons brièvement le rôle des
principales machines et opérations d’égrenage.

Les machines utilisées pour traiter le coton-graine


Le coton est apporté par une remorque ou un autre véhicule de transport et déversé
dans une poche de l’égreneuse qui élimine capsules vertes, cailloux et autres corps
étrangers. Une alimentation contrôlée assure un débit uniforme et une bonne
dispersion du coton, ce qui accroît l’efficacité du système d’épuration et de
séchage. Si le coton n’est pas correctement dispersé, il risque de traverser les
séchoirs sous forme d’agglomérats et de ne sécher qu’en surface.

Au début du séchage, l’air chaud fait circuler le coton sur des clayettes pendant
dix à quinze secondes. La température de l’air est réglée en fonction du degré de
séchage souhaité. Afin de ne pas endommager les fibres, la température ne devrait
jamais dépasser 177 °C au cours d’une opération normale. Des températures
supérieures à 150 °C peuvent entraîner une modification physique permanente des
fibres de coton. Des capteurs de température devraient être placés aussi près que
possible du point de rencontre entre le coton et l’air chaud. Si le capteur est
situé près de la sortie de la tour de séchage, la température au point de rencontre
peut excéder de 55 à 110 °C celle qui est enregistrée par le capteur d’aval. La
chute de température en aval résulte de l’évaporation et de la perte de chaleur au
travers des parois des machines et des tuyauteries. Le séchage se poursuit alors
que l’air chaud véhicule le coton-graine vers l’épurateur à cylindres, constitué de
six à sept cylindres rotatifs garnis de pointes qui tournent à 400-500 tours/min.
Ces cylindres frottent le coton sur une série de grilles à barreaux ou de tamis, le
secouent et entraînent l’évacuation, par les orifices prévus à cet effet, des corps
étrangers de petite taille tels que feuilles, débris et impuretés. Les épurateurs à
cylindres séparent le coton en gros tampons et le préparent aux opérations
d’épuration et de séchage ultérieures. Il est fréquent d’enregistrer à ce niveau
des vitesses de traitement d’environ six balles par heure et par mètre linéaire de
cylindre.

L’arracheuse extrait les corps étrangers les plus gros tels que les débris de
capsules et les brindilles. Cette machine utilise la force centrifuge créée par des
cylindres à scies qui tournent à 300-400 tours/min, ce qui rejette les corps
étrangers alors que la fibre est retenue par les scies. Les corps étrangers
éliminés sont introduits dans un système de traitement des débris. Les vitesses de
traitement atteignent fréquemment 4,9 à 6,6 balles par heure et par mètre linéaire
de cylindre.

L’égrenage (séparation des fibres de la graine)


Après un nouveau cycle de séchage et d’épuration par cylindres, le coton est amené
à chaque égreneuse par un transporteur-distributeur. Situé au-dessus de
l’égreneuse, l’extracteur-chargeur apporte une quantité donnée de coton, selon un
rythme régulier, tout en effectuant également une opération d’épuration. La teneur
en humidité de la fibre de coton au niveau du tablier de l’extracteur-chargeur est
décisive et doit être suffisamment basse pour que l’égreneuse puisse facilement
éliminer les corps étrangers. Elle ne devrait cependant pas tomber au-dessous de
5%, car il en résulterait une rupture des fibres au moment de la séparation des
graines et, par conséquent, une réduction notable de la longueur des fibres et du
rendement à l’égrenage. Du point de vue qualitatif, une teneur élevée en fibres
courtes augmente le volume des déchets lors de la fabrication des textiles, ce qui
n’est pas souhaitable. Les ruptures excessives de fibres peuvent être évitées en
maintenant une teneur en humidité de 6 à 7% au niveau du tablier de l’extracteur-
chargeur.

Deux types d’égreneuses sont couramment utilisés: l’égreneuse à scies et


l’égreneuse à cylindres cannelés. En 1794, Eli Whitney mit au point une égreneuse
qui permettait de séparer la fibre de la graine grâce à un cylindre muni de pointes
ou de scies. En 1796, Henry Ogden Holmes inventa une égreneuse à scies et à
cannelures qui remplaça celle de Whitney; l’égrenage qui était auparavant effectué
par lots devint alors une opération continue. Le coton (généralement Gossypium
hirsutum ) pénètre dans l’égreneuse à scies en passant par une décortiqueuse. Les
scies accrochent le coton et l’entraînent par-dessus les cannelures largement
espacées (ou cannelures de décorticage) de la décortiqueuse. Les touffes de coton
sont attirées vers le fond d’un bac mobile. L’opération d’égrenage est réalisée par
un ensemble de scies qui tournent entre des cannelures plus fines (ou cannelures
d’égrenage). Les dents des scies passent entre les cannelures au point d’égrenage.
A cet endroit, le bord d’attaque des dents est pratiquement parallèle à la
cannelure, et les dents arrachent les fibres des graines trop grosses pour passer
entre les cannelures. Des vitesses d’égrenage supérieures à celles recommandées par
le fabricant peuvent diminuer la qualité des fibres, endommager les graines et
provoquer des bourrages. La vitesse des scies de l’égreneuse a également son
importance; les vitesses élevées ont tendance à endommager davantage les fibres
lors de l’égrenage.

Les égreneuses à cylindres ont été les premiers outils mécaniques utilisés pour
séparer les fibres de coton à soies extralongues (Gossypium barbadense) de leurs
graines. L’égreneuse de Churka, d’origine inconnue, était composée de deux
cylindres qui tournaient ensemble à la même vitesse circonférencielle, arrachant la
fibre de la graine par pinçage et produisant environ 1 kg de coton-fibre par jour.
En 1840, Fones McCarthy mit au point une égreneuse plus efficace composée d’un
rouleau garni de cuir, d’un couteau fixe plaqué contre le rouleau et d’un couteau à
mouvement alternatif qui arrachait la graine de la fibre, maintenue par le rouleau
et le couteau fixe. A la fin des années cinquante, une égreneuse à rouleaux et à
couteaux rotatifs a été mise au point aux Etats-Unis par le laboratoire de
recherche sur l’égrenage du coton pour la région du sud-ouest, rattaché au service
de recherche agricole du ministère de l’Agriculture, en collaboration avec des
constructeurs d’égreneuses et des ateliers d’égrenage privés. Cette machine est la
seule égreneuse à rouleaux actuellement employée aux Etats-Unis.

L’épuration des fibres


Le coton est transporté de l’égreneuse vers les condenseurs en passant par de
grands conduits, puis transformé à nouveau en nappe. La nappe est retirée du
tambour du condenseur et chargée dans l’épurateur de fibres à scies. A l’intérieur
de l’épurateur, le coton passe entre les rouleaux d’alimentation, puis sur la table
d’alimentation qui plaque les fibres contre la scie de l’épurateur. La scie
transporte le coton sous des barreaux de grille où s’effectue, grâce à la force
centrifuge, la séparation mécanique des graines immatures et des corps étrangers.
Il est essentiel que l’écart entre les extrémités de la scie et les barreaux de la
grille soit correctement réglé. Les barreaux de la grille doivent être droits, avec
un bord d’attaque acéré, pour ne pas réduire l’efficacité de l’épuration et limiter
les pertes. Si la vitesse d’alimentation de l’épurateur dépasse les recommandations
du fabricant, l’efficacité de l’épuration est réduite et la perte en fibres de
qualité s’accroît. Le coton égrené au rouleau est généralement nettoyé à l’aide
d’épurateurs non agressifs, sans scie, pour réduire les pertes.

Les épurateurs de fibres permettent d’améliorer la qualité du coton en éliminant


les corps étrangers. Dans certains cas, ces appareils peuvent aussi améliorer la
couleur d’un coton légèrement taché en effectuant un mélange pour obtenir une
qualité blanche. Ils permettent également de transformer un coton taché en un coton
légèrement taché, voire blanc.

La mise en balles
Le coton épuré est compressé en balles qui doivent être recouvertes pour les
protéger de toute salissure au cours du transport et du stockage. Trois types de
balles sont produits: balles plates modifiées, balles à densité universelle de
compression et balles à densité universelle d’égrenage. Ces balles sont pressées à
des densités de 224 et de 449 kg/m3 pour les balles plates modifiées et pour les
balles à densité universelle, respectivement. Dans la plupart des égreneuses, le
coton est pressé dans une presse double dans laquelle le coton-fibre est tout
d’abord comprimé par un mécanisme mécanique ou hydraulique. La presse est alors
mise en rotation et la compression du coton-fibre est portée à 320 ou 641 kg/m3
avec des presses pour balles plates modifiées ou des presses pour balles à densité
universelle d’égrenage, respectivement. Les balles plates modifiées sont
recomprimées pour être transformées en balles à densité universelle de compression,
afin de réduire les coûts de fret. En 1995, environ 98% des balles préparées aux
Etats-Unis étaient des balles à densité universelle d’égrenage.

La qualité des fibres


Chaque stade de la production influe sur la qualité du coton, y compris le choix de
la variété, la récolte et l’égrenage. Certains paramètres de qualité dépendent
directement des caractères gé-nétiques, tandis que d’autres sont principalement
fonction des conditions d’environnement ou des pratiques de récolte et d’égrenage.
Tout problème survenant au cours de n’importe quelle étape de la production ou du
traitement peut être à l’origine d’une baisse irréversible de la qualité des fibres
et d’une perte de bénéfice pour le producteur comme pour le fabricant de textiles.

La qualité des fibres est optimale le jour de l’ouverture des capsules.


L’exposition aux intempéries, la récolte mécanique, les manipulations, l’égrenage
et la fabrication peuvent réduire cette qualité naturelle. De nombreux facteurs
sont révélateurs de la qualité globale de la fibre de coton; les plus importants
sont la solidité, la longueur des fibres, la teneur en fibres courtes (inférieures
à 1,27 cm), l’uniformité de longueur, la maturité, la finesse, la teneur en débris,
la couleur, la teneur en fragments d’enveloppes de graines et en boutons ainsi que
l’adhésivité. Le marché reconnaît généralement ces facteurs, même s’ils ne sont pas
tous mesurés sur chaque balle.

L’égrenage peut influer significativement sur la longueur des fibres, l’uniformité


et la teneur en fragments d’enveloppes de graines, en débris, en fibres courtes et
en boutons. Les deux facteurs qui ont le plus d’impact sur la qualité sont la
régulation de l’humidité des fibres au cours de l’égrenage et de l’épuration, et
l’utilisation d’épurateurs à scies.

La fourchette recommandée pour l’humidité de la fibre lors de l’égrenage est de 6 à


7%. Lorsque l’humidité est faible, les épurateurs éliminent mieux les débris, mais
endommagent davantage les fibres. Une humidité plus élevée préserve la longueur des
fibres, mais donne lieu à des problèmes d’égrenage et à une mauvaise épuration,
comme le montre la figure 89.7. Si le séchage est accru pour améliorer
l’élimination des débris, il en résulte une baisse de la qualité des filés. Bien
que l’aspect du fil s’améliore jusqu’à un certain point avec le séchage, grâce à
une meilleure élimination des corps étrangers, la teneur accrue en fibres courtes
compromet les avantages dus à l’élimination des corps étrangers.

Figure 89.7 Compromis recherché lors de l'égrenage du coton


Figure 89.7

L’épuration ne modifie guère la couleur véritable de la fibre, contrairement au


peignage et à l’élimination des débris. L’épuration du coton-fibre permet parfois
de mélanger les fibres de manière à réduire le nombre de balles considérées comme
tachées ou légèrement tachées. L’égrenage n’a aucun impact sur la finesse et la
maturité. Tous les dispositifs mécaniques ou pneumatiques utilisés au cours de
l’épuration et de l’égrenage accroissent la teneur en boutons, mais ce sont les
épurateurs de fibres qui ont ici le plus d’effet. La quantité de fragments
d’enveloppes de graines dans le coton-fibre dépend de l’état des graines et de
l’opération d’égrenage. Les épurateurs de fibres réduisent la taille des fragments,
mais non leur quantité. La solidité et l’aspect du fil ainsi que la rupture à
l’extrémité de filage sont trois facteurs qualitatifs importants pour le
comportement en filature; ils dépendent tous de l’uniformité de la longueur et,
donc, de la proportion de fibres courtes ou cassées. Ces trois éléments sont
généralement préservés au mieux lorsque le coton est égrené en limitant au minimum
l’utilisation de machines de séchage et d’épuration.

Des recommandations ont été formulées sur la séquence et le nombre des machines
d’égrenage permettant de sécher et d’épurer le coton cueilli par des récolteuses à
broches, afin d’obtenir des balles de valeur satisfaisante et de préserver la
qualité naturelle du coton. Ces recommandations ont généralement été suivies et
sont donc reconnues depuis plusieurs décennies par l’industrie cotonnière des
Etats-Unis. Elles prévoient des systèmes de primes et d’escomptes pour la
commercialisation et tiennent compte de l’efficacité de l’épuration et de
l’endommagement des fibres caractérisant les différentes égreneuses. Ces
recommandations doivent être adaptées si la récolte a été effectuée dans des
conditions particulières.

Lorsque les différentes machines d’égrenage sont utilisées selon la séquence


recommandée, 75 à 85% des corps étrangers sont généralement éliminés du coton. Ces
appareils rejettent malheureusement aussi une petite quantité de coton de bonne
qualité. L’épuration réduisant ainsi la quantité de coton commercialisable, il
importe de trouver un compromis entre cette opération et ses effets positifs comme
la réduction de la teneur en corps étrangers, d’une part, et ses effets négatifs
comme l’endommagement ou la perte de fibres, d’autre part.

Les problèmes de sécurité et de santé


Comme toute opération de transformation, l’égrenage du coton comporte de nombreux
risques. L’analyse des demandes de prestations au titre des accidents du travail
indique que les lésions touchent essentiellement les mains ou les doigts, puis le
dos ou la colonne vertébrale, les yeux, les pieds ou les orteils, les bras ou les
épaules, les jambes, le tronc et la tête. L’industrie s’est efforcée de réduire
considérablement les risques et d’organiser la formation à la sécurité, mais
l’égrenage reste un point noir: en effet, la fréquence élevée des accidents, leur
gravité et le grand nombre de jours d’arrêt de travail sont sources de
préoccupation. Le coût total des lésions professionnelles dues à l’égrenage doit se
calculer en ajoutant aux coûts directs (soins médicaux et autres indemnités) les
coûts indirects (journées perdues, immobilisation des machines, manque à gagner,
surcoût des assurances du personnel, perte de productivité et nombreux autres
facteurs négatifs). Les coûts directs sont plus faciles à déterminer, mais bien
moins élevés que les coûts indirects.

De nombreux règlements internationaux régissant la sécurité et la santé dans


l’égrenage du coton sont inspirés de la législation des Etats-Unis appliquée par
l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and
Health Administration (OSHA)) et l’Agence de protection de l’environnement
(Environmental Protection Agency (EPA)), qui réglemente aussi les pesticides.

D’autres dispositions relatives à l’agriculture peuvent également s’appliquer aux


installations d’égrenage: obligation d’apposer le symbole identifiant les véhicules
lents sur les remorques/tracteurs circulant sur la voie publique, installation
d’arceaux de sécurité sur les tracteurs manœuvrés par le personnel et conditions
d’hébergement correctes pour le personnel temporaire. Dans la mesure où ces
installations sont considérées comme des entreprises agricoles et ne sont pas
spécifiquement visées par de nombreux règlements, les employeurs de ce secteur
souhaiteront probablement se conformer à d’autres dispositions, telles que les
normes de l’OSHA applicables à l’industrie en général (OSHA Regulations (Standards
— 29CFR) (Part 1910)). Certaines normes spécifiques prévues par l’OSHA devraient
être appliquées dans le secteur de l’égrenage, à savoir les textes se référant aux
incendies et aux plans d’urgence (29 CFR 1910.38a), aux issues de secours (29 CFR
1910.35-40) et à l’exposition au bruit (29 CFR 1910.95). Les principales
obligations concernant les issues de secours et autres issues figurent dans les
textes référencés 29 CFR 1910.36 et 29 CFR 1910.37. Dans d’autres pays où les
travailleurs agricoles relèvent de dispositions légales, le respect de ces normes
sera obligatoire. Les normes concernant le bruit et les autres facteurs de sécurité
et de santé sont examinées ailleurs dans l’Encyclopédie.

La participation des travailleurs aux programmes de sécurité


Les programmes les plus efficaces sont ceux qui ont réussi à sensibiliser les
salariés à la sécurité. Leur motivation peut être le fruit d’une politique de
sécurité intéressant les travailleurs à tous les aspects du programme, de la mise
en place d’une formation à la sécurité, du bon exemple et d’incitations
appropriées.

L’obligation de porter des équipements de protection individuelle dans certaines


zones et de respecter des pratiques de travail sûres permet de réduire les cas de
maladies professionnelles. Des accessoires de protection auditive (bouchons
d’oreille, serre-tête antibruit) et respiratoire (masques antipoussières) devraient
être utilisés pour toutes les opérations réalisées dans des zones très bruyantes ou
fortement empoussiérées. Certaines personnes, plus sensibles que d’autres au bruit
et aux troubles respiratoires, devraient être affectées à des postes se trouvant
dans des zones moins bruyantes ou moins poussiéreuses. En ce qui concerne les
risques liés à la manutention de charges lourdes ou à une chaleur excessive, il
convient de recourir à la formation, d’utiliser des auxiliaires de manutention, de
fournir des vêtements adaptés, de mettre en place un système de ventilation et de
prévoir des pauses en dehors des zones surchauffées.

Toutes les personnes affectées à l’égrenage doivent participer aux mesures de


sécurité; un milieu de travail sûr ne peut être instauré que si chacun collabore
sans réserve au programme de prévention mis en place.

LA FABRICATION DES FILÉS DE COTON


Phillip J. Wakelyn

Le coton représente environ 50% de la consommation mondiale de fibres textiles. La


Chine, les Etats-Unis, la Fédération de Russie, l’Inde et le Japon sont les
principaux consommateurs de coton. La consommation est évaluée d’après la quantité
de fibres de coton brut achetées et utilisées pour fabriquer des produits textiles.
La production mondiale de coton est annuellement de l’ordre de 80 à 90 millions de
balles (17,4 à 19,6 millions de tonnes). La Chine, les Etats-Unis, l’Inde,
l’Ouzbékistan et le Pakistan sont les principaux producteurs de coton et assurent
plus de 70% de la production cotonnière mondiale, le reste étant produit par
quelque 75 autres pays. Cinquante-sept pays exportent du coton brut et 65 des
tissus de coton. Nombre de pays accordent une grande importance à la production
intérieure pour réduire leur dépendance vis-à-vis des importations.

La fabrication des filés comprend une série d’opérations qui transforment les
fibres de coton brut en fil se prêtant à la fabrication de produits finis. Ces
opérations sont nécessaires pour obtenir les filés propres, solides et uniformes
requis par les marchés d’aujourd’hui. A partir d’un paquet de fibres emmêlées et
fortement compressées extrait des balles de coton et contenant de nombreux corps
étrangers et de fibres inutilisables (matières diverses, débris végétaux,
impuretés, etc.) en quantités variables, les opérations continues d’ouverture, de
mélangeage, d’épuration, de cardage, d’étirage, de passage au banc à broches et de
filage ont pour objet de transformer les fibres en fil.

Bien que les opérations de fabrication soient très complexes, la pression de la


concurrence continue de pousser les groupes industriels et les constructeurs à
rechercher, pour traiter le coton, des méthodes et des machines plus efficaces
appelées à supplanter peut-être un jour celles qu’on emploie actuellement.
Cependant, selon toute probabilité, les systèmes classiques de mélangeage, de
cardage, d’étirage, de passage au banc à broches et de filage continueront d’être
utilisés. Seule l’opération de battage-nappage semble clairement appelée à
disparaître dans un avenir proche.

Le fil est destiné à la fabrication de produits finis tissés ou tricotés (vêtements


ou tissus industriels), de fil à coudre et de cordages. Les filés produits se
différencient entre autres par leur diamètre et leur poids par unité de longueur.
Si le principe de fabrication n’a pas changé depuis des années, les vitesses de
traitement, les techniques de commande et la taille des balles ont évolué. Les
propriétés du fil et l’efficacité du traitement sont liées à celles des fibres de
coton traitées. Les propriétés finales du fil sont également dépendantes des
conditions de traitement.

La filature
L’ouverture, le mélangeage et l’épuration
En principe, les ateliers de filature procèdent à des mélanges de balles présentant
les propriétés nécessaires pour produire un fil destiné à une utilisation
spécifique. Le nombre de balles employées dans chaque mélange par les différents
établissements peut aller de 6 ou 12 à plus de 50. Le traitement débute par le
transfert des balles à mélanger vers l’atelier d’ouverture des fibres, où les
emballages et les cercles sont enlevés. Les couches de coton sont retirées
manuellement des balles et placées dans des chargeuses munies de bandes
transporteuses garnies de dents. Dans d’autres systèmes, des balles entières sont
placées sur des plates-formes qui leur impriment un mouvement de va-et-vient au-
dessous ou au-dessus d’un mécanisme d’arrachage. L’objectif est de transformer les
couches compactes des balles en petites touffes légères et duveteuses pour
faciliter l’élimination des corps étrangers. Etant donné que les balles sont
livrées en différentes densités, les cercles sont souvent coupés vingt-quatre
heures avant le traitement afin de les briser plus facilement. Cette précaution
facilite l’ouverture et contribue à régulariser la vitesse de chargement. Les
ouvreuses assurent les fonctions d’ouverture et d’épuration initiale.

Le cardage et le peignage
La carde est la machine la plus importante dans la fabrication des filés. Dans
presque toutes les usines textiles, elle assure la deuxième et la dernière
opération d’épuration. Elle est composée d’un système de trois cylindres rotatifs
garnis de fines pointes métalliques inclinées et d’une série de barres plates,
également munies de pointes métalliques, qui transforment successivement les petits
agglomérats et les petites touffes en fibres bien séparées et ouvertes, éliminent
un très gros pourcentage de débris et de corps étrangers, recueillent les fibres
sous forme d’un ruban qui est soigneusement lové dans un pot pour les opérations
ultérieures (voir figure 89.4).

Jadis, le coton était amené à la carde sous la forme d’une bande formée sur un
batteur-nappeur constitué de rouleaux d’alimentation, de batteurs et d’un ensemble
de tamis cylindriques sur lesquels les touffes de coton ouvertes étaient
recueillies et roulées en nappe (voir figure 89.5). La nappe était retirée des
tamis en une couche plate et régulière, puis enroulée en bande. Cependant, la
nombreuse main-d’œuvre requise et l’existence de systèmes automatiques de
manutention susceptibles d’améliorer la qualité ont contribué à l’obsolescence du
batteur-nappeur.

La suppression de cette étape a été possible grâce à l’installation de machines


d’ouverture et d’épuration plus efficaces et de cheminées d’alimentation munies de
mécanismes pneumatiques qui alimentent les cardes en touffes de fibres ouvertes et
épurées. Cette étape contribue à la régularité du traitement et à l’amélioration de
la qualité, tout en réduisant les besoins de main-d’œuvre.

Un petit nombre d’établissements produisent du coton peigné, c’est-à-dire la


qualité de fil la plus propre et la plus régulière qui soit. Le peignage exige une
épuration plus poussée que le cardage; il élimine les fibres courtes, les boutons
et les débris, et permet ainsi d’obtenir un ruban parfaitement propre et brillant.
La peigneuse est une machine compliquée constituée de rouleaux d’alimentation
cannelés et d’un cylindre partiellement garni d’aiguilles, destiné à extraire les
fibres courtes et à parfaire le parallélisme des fibres (voir figure 89.3).

L’étirage et le passage au banc à broches


L’étirage est la première opération de fabrication des filés faisant appel à des
cylindres qui effectuent la quasi-totalité de l’étirage. Les pots contenant les
rubans de carde sont empilés dans le râtelier du banc d’étirage. L’étirage consiste
à faire passer un ruban dans un système de cylindres appariés, mais animés de
vitesses différentes. L’étirage tend les fibres du ruban pour les rendre
rectilignes et aussi parallèles que possible à l’axe du ruban, ce qui est
indispensable pour obtenir les propriétés désirées lorsque les fibres doivent être
transformées en fil par torsion. L’étirage uniformise également le poids du ruban
par unité de longueur et facilite les possibilités de mélange. Les fibres produites
par l’opération d’étirage final, réalisée sur le banc finisseur, sont pratiquement
rectilignes et parallèles à l’axe du ruban. Le poids par unité de longueur d’un
ruban issu de l’étirage final est trop élevé pour permettre la transformation en
fil sur les systèmes traditionnels de filature à anneaux.

Le passage au banc à broches ramène le poids du ruban à un niveau adapté au filage


et à la torsion, tout en conservant l’intégrité des brins étirés. Les bacs
contenant les rubans issus de l’étirage final ou du peignage sont placés dans le
râtelier, et chaque ruban est conduit entre deux jeux de cylindres animés de
vitesses croissantes, ce qui fait passer le diamètre du ruban d’environ 2,5 cm à la
taille d’un crayon ordinaire. Une torsion est imprimée aux fibres grâce à une
ailette fixée sur la broche. Le produit en résultant, dénommé mèche, vient
s’enrouler sur une bobine d’environ 37,5 cm de long et de 14 cm de diamètre.

Le filage
Le filage est l’étape la plus coûteuse de la transformation des fibres de coton en
fil. Il comprend la préparation et le filage proprement dit (appelé aussi
filature). Actuellement, plus de 85% du fil produit dans le monde l’est avec des
continus à filer à anneaux: ces métiers sont conçus pour transformer la mèche en
fil du calibre (ou numéro) voulu et à lui imprimer la torsion souhaitée, cette
dernière étant proportionnelle à la résistance. Le rapport entre la longueur
initiale et la longueur finale est de l’ordre de 10 à 50. Les bobines de mèches
sont placées sur des supports qui leur permettent de passer librement dans le
cylindre d’étirage du continu à filer à anneaux. Après étirage, le fil traverse un
guide, puis un curseur avant de passer sur la bobine de fil. La broche
d’entraînement de cette bobine tourne à grande vitesse, ce qui fait gonfler le fil
à mesure qu’elle lui imprime une torsion. Les fils se trouvant sur les bobines sont
trop courts pour être utilisés lors des opérations ultérieures; ils sont transférés
vers des pots tournants et amenés à l’opération suivante (bobinage ou renvidage).

Dans la production de fils plus lourds ou plus grossiers, le filage à anneaux est
aujourd’hui remplacé par le procédé dit à fibres libérées, dit aussi «open-end» (à
bouts ouverts). Un ruban de fibres est amené dans une turbine tournant à vitesse
très élevée, dans laquelle la force centrifuge transforme les fibres en fil. La
bobine n’est pas utile dans ce procédé, et le fil est mis en place sur le support
voulu lors de l’opération suivante.

De nombreux efforts de recherche-développement sont consa-crés à la mise au point


de méthodes radicalement nouvelles pour fabriquer les filés. Certains systèmes de
filature en cours d’élaboration pourraient révolutionner la fabrication des filés
et modifier l’importance relative des propriétés des fibres. Parmi les principes
utilisés dans les nouveaux systèmes, quatre paraissent utilisables pour le coton.
Des systèmes de filature à âme sont actuellement employés pour produire certains
filés spéciaux et les fils à coudre. Des fils sans torsion ont été obtenus
industriellement en quantité limitée grâce à un procédé qui permet de lier les
fibres entre elles avec un alcool polyvinylique ou un autre agent de liaison. Ce
procédé pourrait permettre une productivité élevée et assurer une très grande
uniformité des fils. Les tricots et autres tissus d’habillement fabriqués avec ce
type de fil ont un très bel aspect. Dans la filature à tourbillon d’air, étudiée
par plusieurs constructeurs de machines, le ruban d’étirage est amené à un rouleau
d’ouverture, comme dans la filature à turbine. La filature à tourbillon d’air
permet d’atteindre des vitesses de production très élevées, mais les prototypes
sont particulièrement sensibles aux variations de longueur des fibres et aux corps
étrangers tels que les particules de déchets.

Le renvidage et le bobinage
Après le filage, le fil doit être présenté en fonction de l’utilisation prévue —
tissage ou tricotage. Le renvidage, le bobinage, la torsion et l’enroulement du fil
sur canettes sont considérés comme des étapes préparatoires au tissage et au
tricotage. En principe, les produits bobinés seront utilisés comme fils de chaîne
(fils passant dans le sens de la longueur d’un tissu) et les produits renvidés
serviront de fils de trame (fils passant dans le sens de la largeur d’un tissu), ou
duites. Les produits de la filature à fibres libérées court-circuitent ces étapes
et sont directement emballés en tant que fils de trame ou fils de chaîne. Le
retordage consiste à tordre ensemble deux fils ou plus avant les autres opérations
afin d’obtenir un fil retors d’une grosseur double, voire triple ou quadruple,
nettement plus solide qu’un fil simple de la même grosseur. Dans l’enroulement du
fil sur canettes, le fil est disposé sur des bobines suffisamment petites pour
tenir à l’intérieur de la navette d’un métier à boîtes multiples. Cette opération a
parfois lieu sur le métier lui-même (voir plus loin dans ce chapitre l’article «Le
tissage et le tricotage»).

Le traitement des déchets


Dans les usines modernes où l’on s’intéresse à la lutte contre l’empoussièrement,
on accorde beaucoup d’importance à la manipulation des déchets. Dans les opérations
textiles classiques, les déchets — lorsqu’ils ne pouvaient être recyclés — étaient
récupérés manuellement et transférés vers un entrepôt où ils s’accumulaient jusqu’à
ce que l’on dispose d’une quantité suffisante d’un même type pour confectionner une
balle. Aujourd’hui, des dispositifs d’aspiration centralisée renvoient
automatiquement les déchets provenant de l’ouverture, du battage-nappage, du
cardage, de l’étirage et du passage au banc à broches. Ces systèmes sont utilisés
pour nettoyer les machines, pour récupérer automatiquement les déchets se trouvant
sous les machines (peluches et impuretés provenant du cardage) et pour renvoyer les
déchets inutilisables récupérés au sol, ainsi que les résidus des diviseurs à
filtre. La presse à balles classique est une presse ascendante verticale qui permet
de presser des balles de 227 kg. Avec les techniques modernes de traitement des
déchets, ceux-ci sont amenés par le système d’aspiration centrale dans une cuve qui
alimente une presse à balles horizontale. Les déchets issus de la fabrication des
filés peuvent être recyclés ou réutilisés par d’autres industries. Ainsi,
l’industrie de la filature des déchets produit du fil à serpillière, et le
garnettage peut servir à produire les nappes de coton utilisées par les
matelassiers ou par les tapissiers pour certains meubles.
La sécurité et la santé
Les machines
Tous les types de machines servant à fabriquer les textiles de coton peuvent
provoquer des accidents, bien que la fréquence de ceux-ci ne soit pas très élevée.
La mise en place d’une protection efficace sur les innombrables pièces en mouvement
pose de multiples problèmes et requiert une attention constante. La formation des
opérateurs à des pratiques de travail sûres est également essentielle. Elle permet
notamment d’éviter de réparer une machine en marche, ce qui est à l’origine de
nombreux accidents. Chaque élément de machine peut avoir une source motrice
d’énergie (électrique, mécanique, pneumatique, hydraulique, inertielle, etc.) qu’il
importe de couper avant de procéder à une réparation ou à une opération
d’entretien. Les sources d’énergie devraient être clairement identifiées dans
chaque atelier; l’équipement nécessaire devrait se trouver sur place et le
personnel devrait savoir que les sources d’énergie dangereuses doivent
systématiquement être déconnectées avant toute intervention sur les machines. Des
inspections régulières devraient être effectuées pour s’assurer que les procédures
d’arrêt sont respectées et correctement appliquées.

L’inhalation de poussières de coton (byssinose)


L’inhalation des poussières produites par la transformation des fibres de coton en
filés et en tissus est responsable d’une maladie pulmonaire professionnelle appelée
byssinose qui atteint certaines personnes. La maladie ne survient généralement
qu’après 15 à 20 ans d’exposition à des concentrations élevées de poussières
(supérieures à 0,5-1,0 mg/m3). Selon les normes de l’Administration de la sécurité
et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)) et
de la Conférence américaine des hygiénistes gouvernementaux du travail (American
Conference of Governmental Industrial Hygienists (ACGIH)), aux Etats-Unis, la
limite d’exposition professionnelle aux poussières de coton lors de la fabrication
de fils textiles est fixée à 0,2 mg/m3 de poussières respirables, mesurées à l’aide
d’un élutriateur vertical. Les poussières de coton sont des particules véhiculées
par l’air, mises en suspension dans l’atmosphère lors de la manipulation et du
traitement du coton. Il s’agit de mélanges hétérogènes et complexes comprenant
également des débris végétaux et de terre et des micro-organismes (bactéries et
champignons) dont la composition et l’activité biologique varient. L’agent
étiologique et le mécanisme pathogène de la byssinose restent inconnus. Les débris
de cotonnier présents sur les fibres ainsi que les endotoxines des bactéries Gram
négatif se trouvant sur les fibres et les débris végétaux seraient la cause directe
ou le réservoir de l’agent pathogène. La fibre de coton elle-même, principalement
composée de cellulose, n’est pas directement pathogène, car la cellulose est inerte
et ne provoque pas de maladies respiratoires. Des mesures de prévention technique
appropriées dans les zones de traitement des textiles en coton (voir figure 89.8),
associées à des pratiques de travail correctes, à une surveillance médicale et à
l’utilisation d’équipements de protection individuelle, permettent de prévenir la
plupart des cas de byssinose. Par ailleurs, le lavage doux dans des autoclaves de
débouillissage par lots dans le cadre de l’utilisation de systèmes à nappe continue
permet d’abaisser le taux résiduel d’endotoxines dans les poussières véhiculées par
le coton-fibre ou par l’air. On parvient ainsi à des taux inférieurs à ceux qui
provoquent une insuffisance respiratoire aiguë mesurée d’après le volume
expiratoire maximal seconde (VEMS).

Figure 89.8 Système d'extraction des poussières sur une cardeuse


Figure 89.8

Le bruit
Le bruit peut poser des problèmes lors de certaines opérations de fabrication des
filés. Dans les usines modernes, il est généralement inférieur à 90 dBA, ce qui
correspond à la norme en vigueur aux Etats-Unis. Dans bien des pays, la limite est
plus sévère. Grâce aux efforts des constructeurs de machines et des spécialistes de
la question, les niveaux de bruit continuent de diminuer en dépit de l’augmentation
des vitesses. La solution consiste à fabriquer des machines plus silencieuses. Aux
Etats-Unis, un programme de protection de l’ouïe est obligatoire dans les
entreprises où le niveau sonore dépasse 85 dBA, ce qui implique la surveillance du
bruit, des tests audiométriques et la fourniture de dispositifs de protection pour
le personnel lorsque le bruit ne peut être ramené au-dessous de 90 dBA.

La chaleur
Etant donné que les opérations de filage requièrent parfois des températures
élevées et une humidification artificielle de l’air, une surveillance attentive est
dans tous les cas indispensable pour garantir le respect des limites maximales
admissibles. Des systèmes d’air conditionné bien conçus et correctement entretenus
tendent de plus en plus à remplacer les méthodes plus archaïques de régulation
thermique et hygrométrique.

Les systèmes de gestion de la sécurité et de la santé au travail


La plupart des usines modernes de fabrication de fils textiles ont mis en place un
système de gestion de la sécurité et de la santé pour maîtriser les risques
auxquels le personnel peut être exposé. Il peut s’agir soit de programmes
volontaires tels que celui des fabricants de textiles des Etats-Unis («Quest for
the Best in Health and Safety»), soit de programmes imposés par voie réglementaire
(«US State of California Occupational Injury and Illness Prevention Programme —
Title 8, California Code of Regulations, Section 3203»). Tout système de gestion de
la sécurité et de la santé devrait être suffisamment souple pour permettre aux
entreprises de l’adapter à leurs propres besoins.

L’INDUSTRIE LAINIÈRE
D.A. Hargrave*

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de


l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

Les origines de l’industrie lainière se perdent dans la nuit des temps. Nos
lointains ancêtres n’ont pas eu de peine à domestiquer le mouton, qui a grandement
contribué à satisfaire leurs besoins essentiels en matière alimentaire et
vestimentaire. Dans les sociétés primitives, on frottait les unes contre les autres
les fibres prélevées sur l’animal pour en faire un fil et, partant de ce principe
initial, les procédés de filage ont gagné en complexité. L’industrie lainière a
joué un rôle de pionnier dans la mise au point et l’adaptation de procédés
mécanisés et a été l’une des premières à industrialiser sa production.

Les matières premières


La longueur de la fibre prélevée sur l’animal est l’élément dominant, mais non le
seul, dans le choix du traitement ultérieur. Les types de laines disponibles
peuvent être classés en trois catégories: a) les laines mérinos; b) les laines
métisses fines, moyennes ou grossières; c) les laines pour tapis. On distingue
diverses qualités dans chaque catégorie. La laine mérinos est caractérisée par sa
finesse et ses brins sont courts, contrairement aux laines pour tapis dont les
brins sont longs et épais. Aujourd’hui, les fibres synthétiques qui imitent la
laine sont mélangées aux fibres naturelles en proportion croissante et subissent
les mêmes traitements. Les poils d’autres animaux — mohair (chèvre), alpaga (lama),
cachemire (chèvre, chameau), angora (chèvre) et vigogne (lama sauvage) — jouent
aussi un rôle important, bien qu’accessoire dans cette branche; ils sont
relativement chers et sont habituellement transformés par des entreprises
spécialisées.

La filature
Il existe deux procédés de filage distincts, selon qu’on entend obtenir des fils
cardés ou des fils peignés. Les machines se ressemblent sur bien des points, mais
les produits recherchés sont différents. En principe, on prend pour les peignés des
laines à brins plus longs qu’on maintient parallèles lors du cardage, du
défeutrage, du boudinage et du peignage, les brins courts étant rejetés. On obtient
ainsi un filé fin et résistant qui donne, par tissage, une étoffe légère, d’aspect
lisse et de bonne tenue, comme celle qu’on utilise pour les costumes d’homme. Pour
les cardés, le but est d’entremêler et d’entrelacer les fibres pour obtenir un filé
doux et aéré qui donne, par tissage, une étoffe pleine et gonflante, à surface
laineuse (tweeds, couvertures et tissus lourds pour pardessus). L’uniformité des
brins n’étant pas nécessaire pour les cardés, le filateur peut mélanger de la laine
vierge à des brins courts rejetés lors de la production des peignés, à des laines
d’effilochage récupérées par destruction de vieux vêtements, etc. Le «shoddy» est
tiré de déchets souples, et le «mungo» de déchets serrés.

Il faut garder à l’esprit que ces opérations sont fort complexes et que l’état et
le type de la matière première utilisée, ainsi que les spécifications du produit
fini, influencent à chaque stade les opérations et leur séquence. Ainsi, on peut
teindre la laine avant le filage, en filés, en fin de fabrication, ou encore à
l’état de pièce tissée. Les opérations peuvent être effectuées dans différentes
usines.

Les risques et leur prévention


Comme dans toute l’industrie textile, les grosses machines comportant des parties
en mouvement rapide posent des problèmes de bruit et présentent des risques
mécaniques. La poussière peut également être source de difficulté. Les engrenages,
les chaînes et pignons, les arbres, courroies et poulies de transmission devraient
être placés sous carter de protection. Il en va de même pour les organes des
machines propres à l’industrie lainière, à savoir:

rouleaux d’alimentation et dévidoirs des diverses machines de préparation et


d’ouverture (effilocheuses, loups, garnetteuses, déchiqueteuses à chiffons, etc.);
cylindres briseurs et chasseurs, cylindres adjacents, cardes et cardes briseuses;
ouvertures d’alimentation entre les dévidoirs et les peigneurs des effilocheurs,
cardes et garnetteuses;
cylindres et barrettes aiguillées des machines d’étirage;
arbres arrière des bancs d’étirage et des bancs à broches;
espace entre le chariot et la têtière des métiers renvideurs;
clavettes, boulons et autres pièces de fixation formant saillie sur l’ensouple des
bobinoirs de chaîne;
rouleaux presseurs des machines de dégraissage, de foulage et d’essorage du tissu;
ouvertures d’alimentation entre le tissu, l’enrouleur et le rouleau des
soufflantes;
cylindre porte-lames des machines à raser;
pales des ventilateurs équipant les transporteurs pneumatiques (tous les portillons
de visite des gaines de ces systèmes devraient être à bonne distance des pales du
ventilateur, car celui-ci met un certain temps à s’immobiliser après la coupure du
courant et il convient d’être très prudent, car l’opérateur qui doit intervenir en
cas de bourrage ne peut généralement pas voir les pales en mouvement);
navette libre des métiers; des dispositifs de protection bien conçus devraient
l’empêcher de s’échapper du bâti ou limiter sa course si elle s’échappe.
La protection de ces organes dangereux pose des problèmes pratiques puisque les
dispositifs installés doivent être adaptés aux méthodes de travail courantes dans
chaque opération pour éviter notamment que le travailleur l’enlève ou la rende
inopérante au moment précis où les risques sont les plus grands (procédure d’arrêt
des machines, par exemple). Une formation spécifique et une surveillance étroite
sont nécessaires pour que, en aucun cas, l’évacuation des déchets ou le nettoyage
des machines ne soient effectués lorsque les moteurs sont en marche. Une lourde
responsabilité incombe aux constructeurs de machines chargés de veiller à ce que la
sécurité soit intégrée dès le stade de la conception en bureau d’études, et au
personnel d’encadrement, qui devrait s’assurer que les travailleurs ont été
convenablement formés.

L’espacement des machines


Le rapprochement excessif des machines accroît évidemment les risques d’accidents.
Dans beaucoup de locaux anciens, on compte une forte concentration de machines sur
une surface donnée, ce qui réduit d’autant les voies de passage, les dégagement et
les emplacements de stockage provisoire des matières premières et des produits
finis. Dans certaines anciennes usines, les passages libres entre les cardes sont
si étroits qu’il est impossible d’encoffrer les courroies et les poulies et que
l’on doit se contenter de monter un coin protecteur dans leurs angles rentrants; en
pareil cas, il est très important que la fourche soit parfaitement lisse et bien
conçue pour guider la courroie. L’espacement entre les machines devrait être
réglementé par l’adoption de normes minimales en la matière, comme l’a recommandé
une commission du gouvernement britannique.

La manutention des matériaux


En l’absence de méthodes modernes de manutention mécanique, le risque d’accident
est toujours présent dès qu’il faut soulever de lourdes charges. Les opérations de
manutention devraient être aussi mécanisées que possible; si tel n’est pas le cas,
il conviendra de prendre les précautions exposées au chapitre no 102, «Les
transports et l’entreposage» de la présente Encyclopédie . Les techniques correctes
sont particulièrement importantes pour les travailleurs chargés de monter ou de
démonter les grosses ensouples sur les métiers ou de manipuler des balles de laine
lourdes et encombrantes aux différents stades de la préparation. Il convient,
chaque fois que la chose est possible, d’utiliser des diables, des chariots et des
patins de glissement pour déplacer ce type de charge.

Les risques d’incendie


Les risques d’incendie ne doivent pas être sous-estimés, surtout dans les anciennes
usines construites sur plusieurs étages. Les locaux devraient être conformes aux
réglementations locales qui imposent également la non-obstruction des couloirs et
des issues, la présence de systèmes de détection d’incendie, d’extincteurs et de
tuyaux d’incendie, d’éclairages de secours, etc. La propreté et l’entretien des
locaux éviteront l’accumulation des poussières et des peluches qui favorisent la
propagation du feu. Aucune réparation nécessitant des chalumeaux ou tout autre
outillage à flamme nue ne devrait être autorisée pendant les heures de travail.
L’ensemble du personnel devrait être formé aux procédures à suivre en cas
d’incendie et des exercices seront prévus à intervalles convenables, autant que
possible en collaboration avec les sapeurs-pompiers, la police et les services
médicaux d’urgence.

La sécurité générale
L’accent a été mis sur les dangers qui surviennent plus particulièrement dans
l’industrie lainière, mais il faut souligner que la plupart des accidents se
produisent dans des circonstances que l’on retrouve dans toutes les branches
d’activité (chutes de personnes ou d’objets, manutentions, utilisation d’outils à
main, etc.) et que les principes généraux de sécurité s’appliquent à l’industrie
lainière comme à la plupart des autres industries.

Les problèmes de santé


La fièvre charbonneuse
La maladie le plus souvent liée aux textiles laineux est la fièvre charbonneuse,
connue aussi sous le nom de charbon ou d’anthrax. Elle est due à la bactéridie
charbonneuse (Bacillus anthracis) et constituait autrefois un risque grave,
particulièrement lors des opérations de triage; toutefois, elle a été presque
entièrement jugulée dans ce secteur de l’industrie textile grâce aux mesures ci-
après:

amélioration des méthodes de production dans les pays exportateurs où la fièvre


charbonneuse est endémique;
désinfection des matières premières susceptibles de contenir des spores du charbon;
manipulation, sous des hottes d’aspiration, des matières premières susceptibles
d’être contaminées;
exposition de la balle de laine aux micro-ondes, pendant une durée et à une
température suffisantes pour détruire tout micro-organisme pathogène; ce traitement
facilite également la récupération de la lanoline de la laine;
progrès réalisés dans le traitement de la maladie, en particulier vaccination du
personnel notoirement exposé;
information et formation du personnel et mise à disposition d’installations
sanitaires et, si nécessaire, d’équipements de protection individuelle.
Outre les spores du bacille charbonneux, on sait que les spores de Coccidioides
immitis peuvent aussi contaminer la laine, surtout dans le sud-ouest des Etats-
Unis. Ce champignon provoque une maladie connue sous le nom de coccidioïdomycose
qui, à l’instar du syndrome respiratoire de la fièvre charbonneuse, n’offre que peu
de chances de guérison. La fièvre charbonneuse risque aussi de provoquer une
ulcération ou une pustule maligne lorsque l’infection a lieu à l’occasion d’une
rupture de la barrière cutanée.

Les produits chimiques


Divers produits chimiques sont utilisés, par exemple pour le dégraissage (dioxyde
de diéthylène, détergents synthétiques, trichloroéthylène et, jadis, tétrachlorure
de carbone), la désinfection (formaldéhyde), le blanchiment (dioxyde de soufre,
chlore) et la teinture (chlorate de potassium, anilines). Ces produits comportent
des risques d’asphyxie par les gaz, d’intoxication, d’irritation des yeux, des
muqueuses et des poumons, et peuvent provoquer des réactions cutanées. En règle
générale, la prévention passe par les mesures suivantes:

utilisation d’un produit chimique moins dangereux;


ventilation par aspiration localisée;
rigueur en matière d’étiquetage, de stockage et de transport des liquides corrosifs
ou nocifs;
équipements de protection individuelle;
installations sanitaires efficaces (avec douches, si possible);
hygiène individuelle stricte.
Autres risques
Le bruit, les éclairages inadaptés et le niveau élevé de température et d’humidité
requis pour le traitement de la laine peuvent avoir un effet préjudiciable sur la
santé du personnel. De nombreux pays ont élaboré des normes dans ces domaines. La
vapeur, les condensations et l’humidité peuvent être difficiles à éliminer
efficacement des ateliers de teinture, et le recours aux spécialistes est souvent
nécessaire. Dans les ateliers de tissage, il reste beaucoup à faire pour lutter
contre le bruit. L’éclairage, quant à lui, devrait faire l’objet de spécifications
rigoureuses, notamment lors de la fabrication d’étoffes foncées.

Les poussières
De même que les poussières générées par les opérations de préparation risquent de
véhiculer les spores du bacille charbonneux, de nombreuses machines (effilocheuses
et cardeuses, notamment) produisent des poussières en quantités suffisantes pour
causer une irritation des muqueuses respiratoires. Ces poussières devraient donc
être éliminées grâce à un système efficace de ventilation par aspiration localisée.

Le bruit
Les filatures de laine sont souvent des endroits très bruyants en raison du grand
nombre de pièces en mouvement, notamment dans les métiers à tisser. Une
lubrification correcte atténue le bruit, mais elle ne dispense pas d’envisager la
mise en place de dispositifs antibruit et de réfléchir à d’autres solutions. La
prévention des pertes auditives d’origine professionnelle passe en grande partie
par l’utilisation de dispositifs de protection (coquilles, bouchons d’oreille). Il
est indispensable d’informer le personnel sur leur utilisation correcte et de
vérifier l’emploi qui en est fait. Un programme de protection de l’ouïe comportant
des audiogrammes périodiques est obligatoire dans de nombreux pays. Lorsque les
machines sont remplacées ou réparées, il convient d’adopter des mesures de nature à
réduire le bruit.

Le stress professionnel
Le stress professionnel, avec les effets qu’il exerce sur la santé et le bien-être
des travailleurs, est un problème réel dans l’industrie lainière. Etant donné que
de nombreuses usines fonctionnent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, le recours
au travail posté est souvent nécessaire. Pour satisfaire aux exigences de la
production, les chaînes fonctionnent en continu, de sorte que les travailleurs sont
«attachés» à une ou à plusieurs machines et doivent attendre un remplaçant pour se
rendre aux toilettes ou se reposer. Le bruit ambiant, le port de coquilles ou de
bouchons d’oreille et les tâches de routine fortement répétitives ont pour effet
d’isoler les opérateurs et d’entraver la communication, ce qui est souvent ressenti
comme stressant. La qualité de la surveillance et l’existence d’espaces de détente
sur les lieux de travail ont une grande influence sur les niveaux de stress
professionnel.

Conclusion
Si les grandes entreprises modernes sont en mesure d’investir dans les nouvelles
réalisations techniques, de nombreuses usines plus anciennes ou plus petites
continuent de fonctionner avec des machines obsolètes. Les impératifs économiques
tendent à réduire l’attention portée à la sécurité et à la santé du personnel. Dans
de nombreuses régions développées, les industriels abandonnent souvent leurs usines
au profit de nouvelles installations construites dans des pays en développement,
plus spécialement dans celles où la main-d’œuvre est bon marché et où les
réglementations en matière de sécurité et de santé sont inexistantes ou
généralement ignorées. Des investissements raisonnables en faveur de la santé et du
bien-être des travailleurs peuvent apporter des bénéfices non négligeables aux
entreprises comme aux salariés de l’industrie lainière, caractérisée par sa forte
intensité de main-d’œuvre.

L’INDUSTRIE DE LA SOIE
J. Kubota *

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de


l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

La soie est une fibre lustrée, résistante et élastique, produite par le ver à soie,
larve du bombyx; le même terme s’applique aussi au fil et au tissu faits de cette
fibre. Selon la tradition, l’industrie de la soie est née en Chine en 2640 avant
J.-C. Vers le IIIe siècle de notre ère, le ver à soie et son produit ont pénétré au
Japon en passant par la Corée, puis un peu plus tard en Inde. De là, la production
de la soie s’est lentement étendue vers l’ouest, à l’Europe et au Nouveau Monde.

Le processus de production comprend une séquence d’opérations qui ne sont pas


nécessairement effectuées dans la même entreprise ou le même établissement,
notamment:

La sériciculture. La production des cocons pour en tirer les filaments de soie


grège est appelée sériciculture , terme qui couvre l’alimentation des vers, la
formation des cocons, etc. Elle n’est possible que là où existent des mûriers en
quantité suffisante pour nourrir les larves. Les claies sur lesquelles les vers
sont élevés doivent être tenues dans un local à une température constante de 25 °C,
ce qui nécessite un chauffage artificiel dans les pays froids et selon la saison.
Les vers filent leur cocon après s’être alimentés pendant quarante-deux jours.
La filature. L’opération caractéristique de la filature de la soie, appelée
dévidage, consiste à assembler les filaments du cocon en un brin continu, uniforme
et régulier. La gomme naturelle — grès ou séricine — est tout d’abord amollie dans
de l’eau bouillante. Dans une bassine d’eau chaude, les extrémités des filaments de
plusieurs cocons sont saisies, rassemblées et tirées pour être fixées à un dévidoir
sur lequel les filaments s’enroulent pour former la soie grège, également dite
«crue».
Le moulinage. Dans cette opération, les brins sont tordus et doublés pour donner un
fil plus fort.
Le dégommage. La soie grège est mise à bouillir dans une eau savonneuse à environ
95 °C.
Le blanchiment. La soie, grège ou cuite, est traitée au peroxyde d’hydrogène ou au
peroxyde de sodium.
Le tissage. Le fil de soie est tissé pour obtenir une étoffe, opération
généralement confiée à d’autres ateliers.
La teinture. La soie peut être teinte à l’état de filament ou de fil, ou encore
après le tissage.
La sécurité et la santé
Le monoxyde de carbone
Des symptômes d’intoxication au monoxyde de carbone se manifestant par des
céphalées, des vertiges et, parfois, des nausées et des vomissements, généralement
sans gravité, ont été signalés au Japon où la sériciculture est fréquemment
pratiquée à domicile, dans des locaux mal ventilés et chauffés au charbon.

Les dermatoses
Le mal des bassines . Une dermite des mains a été observée très fréquemment,
surtout au Japon, chez les femmes qui dévidaient la soie. On a signalé que le taux
de morbidité par mal des bassines était de 30 à 50% chez les personnes employées au
dévidage pendant les années vingt, et que 14% d’entre elles devaient s’arrêter de
travailler en moyenne trois jours par an. Les lésions cutanées, localisées surtout
aux doigts, aux poignets et sur les avant-bras, se caractérisaient par un érythème
sous forme de petites vésicules devenant chroniques, pustuleuses ou eczémateuses et
extrêmement douloureuses. On attribuait généralement cette affection aux produits
de décomposition des chrysalides mortes et à un parasite du cocon. Plus récemment,
des observations faites au Japon ont montré qu’elle est probablement due à la
température du bain de dévidage. Jusqu’en 1960, l’eau y était pratiquement toujours
maintenue à 65 °C; toutefois, depuis l’introduction des nouvelles installations
assurant une température comprise entre 30 et 45 °C, aucun cas de lésion cutanée
typique du dévidage n’a été signalé chez les travailleurs chargés de cette
opération.

La manipulation de la soie grège peut produire des réactions cutanées allergiques


chez certaines personnes. On a observé un œdème du visage et une inflammation des
yeux en l’absence de tout contact local direct avec le bain de dévidage. Des
dermatoses ont aussi été constatées chez les personnes occupées au moulinage.

Les problèmes respiratoires


Dans l’ex-Union soviétique, une épidémie inhabituelle d’amygdalite chez les fileurs
de soie a pu être attribuée aux bactéries présentes dans l’eau des bassines de
dévidage et dans l’atmosphère des chambres à cocons. La désinfection, le
renouvellement fréquent de l’eau de dévidage et l’aspiration de l’air aux dévidoirs
ont apporté une amélioration rapide.

Des observations épidémiologiques détaillées portant sur de longues périodes,


effectuées également dans l’ex-Union soviétique, ont montré que les travailleurs de
l’industrie de la soie naturelle peuvent contracter une allergie respiratoire
caractérisée par un asthme bronchique, une bronchite asthmatiforme ou une rhinite
allergique. Il semble que la soie naturelle puisse provoquer une sensibilisation à
tous les stades de la production.
Des accès d’insuffisance respiratoire aiguë ont également été rapportés chez des
travailleurs chargés du bobinage ou de l’alimentation d’un métier à filer ou d’une
bobineuse. Selon la vitesse de la machine, la substance protéique qui entoure le
filament de soie peut se transformer en aérosol qui, s’il est inhalable, provoque
une réaction pulmonaire très similaire à celle de la byssinose.

Le bruit
L’exposition au bruit peut atteindre un stade dommageable pour les personnes qui
travaillent sur des machines de filage ou de bobinage des fils de soie ou dans les
ateliers de tissage. Une lubrification appropriée des machines et la mise en place
de dispositifs antibruit peuvent réduire partiellement le bruit, mais l’exposition
ininterrompue pendant toute la journée de travail peut avoir un effet cumulatif.
S’il n’est pas possible de réduire le niveau sonore ambiant, il convient de mettre
à la disposition des travailleurs des appareils de protection individuelle. Comme
pour tous ceux d’entre eux qui sont exposés au bruit, un programme de protection de
l’ouïe prévoyant des audiogrammes périodiques est souhaitable.

Les mesures relatives à la sécurité et à la santé


La régulation de la température, de l’humidité et de la ventilation est essentielle
à toutes les étapes du travail de la soie. Les travailleurs à domicile ne devraient
pas échapper à la surveillance. Les salles d’élevage devraient être convenablement
ventilées et les poêles à charbon ou à kérosène devraient être remplacés par des
chauffages électriques ou d’autres systèmes.

L’abaissement de la température des bains de dévidage peut être efficace pour


prévenir les dermatoses. L’eau devrait être changée fréquemment, et une aspiration
localisée mise en place. Il faut, autant que possible, éviter le contact direct de
la peau avec la soie dans les bains de dévidage.

De bonnes installations sanitaires et une hygiène individuelle stricte sont


indispensables. Au Japon, le lavage des mains avec une solution d’acide acétique à
3% a donné de bons résultats.

Il est souhaitable de procéder à un examen médical à l’embauche, suivi d’un


contrôle médical régulier.

Dans l’industrie de la soie, les machines présentent les mêmes risques que dans
l’industrie textile en général. Un entretien correct des locaux, des protections
adéquates pour les organes mobiles, une formation continue à la sécurité et une
surveillance rigoureuse sont les meilleurs moyens de prévenir les accidents. Les
métiers mécaniques devraient être munis de dispositifs de protection pour éviter
les accidents dus aux navettes volantes. La fabrication du fil et les opérations de
tissage exigent un très bon éclairage.

LA VISCOSE (RAYONNE)
M.M. El Attal *

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de


l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

La rayonne est une fibre synthétique obtenue par traitement chimique de la


cellulose (pâte de bois). On l’utilise seule ou mélangée à d’autres fibres
synthétiques ou naturelles pour obtenir des tissus solides, très absorbants et
moelleux pouvant être teints dans des couleurs vives et résistantes.

La fabrication de rayonne a pour origine la recherche d’une soie artificielle. En


1664, Robert Hooke, chercheur britannique connu pour ses études sur les cellules
végétales, prédit qu’il serait un jour possible d’obtenir artificiellement de la
soie; près de deux siècles plus tard, en 1855, des fibres furent obtenues par
trempage de brindilles de mûriers dans de l’acide nitrique. Le premier procédé qui
a connu un succès commercial fut mis au point en 1884 par l’inventeur français
Hilaire de Chardonnet. En 1891, les chercheurs britanniques Cross et Bevan
perfectionnèrent le procédé de fabrication de la viscose. Vers 1895, la rayonne
était déjà commercialisée à petite échelle et son utilisation se développa
rapidement.

Les méthodes de fabrication


Les procédés permettant d’obtenir la rayonne varient suivant l’usage auquel elle
est destinée.

Dans le procédé viscose , la cellulose tirée de la pâte de bois est mise à tremper
dans une solution de soude caustique, et le liquide en excès est éliminé par
pressage; il se forme ainsi de l’alcali-cellulose qu’on débarrasse, à ce stade, des
impuretés qu’elle contient. Puis on réduit les feuilles d’alcali-cellulose en
miettes blanches qu’on laisse mûrir pendant quelques jours à température constante.
Ces miettes sont ensuite placées dans une autre cuve (baratte) où elles sont
soumises à l’action du sulfure de carbone qui les transforme en xanthate de
cellulose. Les miettes virent à l’orange doré. Elles sont alors dissoutes dans de
l’hydroxyde de sodium dilué, ce qui permet d’obtenir un liquide visqueux de couleur
orange appelé viscose. On mélange différents lots de viscose pour assurer une
qualité uniforme, puis la viscose est filtrée et stockée pendant plusieurs jours
dans des conditions très strictes de température et d’humidité qui en favorisent le
mûrissement. On procède ensuite à son extrusion à travers une filière percée
d’orifices très fins qui l’acheminent dans un bac contenant une solution d’acide
sulfurique à 10% environ. Elle forme alors des fils continus qui sont entraînés par
enroulement, ou coupés à la longueur désirée, et filés comme le coton ou la laine.
La rayonne est utilisée pour fabriquer des vêtements et des tissus lourds.

Dans le procédé cupro-ammoniacal , utilisé pour la fabrication de tissus semblables


à de la soie et de bas transparents, la pâte de cellulose dissoute dans la solution
d’hydroxyde de sodium est traitée à l’oxyde de cuivre ammoniacal. Les filaments
sortant des filières sont introduits dans un canal de filage et étirés pour obtenir
l’épaisseur voulue sous l’action d’un jet d’eau.

Dans les procédés viscose et cupro-ammoniacal, la cellulose est reconstituée, mais


l’acétate et le triacétate sont des esters de cellulose et sont parfois considérés
comme une catégorie de fibres à part. Les tissus en acétate sont connus pour leurs
couleurs vives et pour leurs drapés et sont, de ce fait, d’usage courant dans la
confection de vêtements. De courtes fibres d’acétate sont utilisées dans le
rembourrage des oreillers, des matelas et des édredons. Les fils de triacétate ont
les mêmes propriétés, mais sont particulièrement recherchés parce qu’ils permettent
de garder les plis.

Les risques et leur prévention


Les risques majeurs du procédé viscose sont l’exposition au sulfure de carbone et
au sulfure d’hydrogène. Ces deux gaz ont des effets toxiques qui varient suivant
l’intensité et la durée de l’exposition et les organes concernés; ces effets vont
de la fatigue et de l’étourdissement jusqu’à la perte de conscience et à la mort,
en passant par l’irritation des voies respiratoires, les troubles gastro-
intestinaux et de graves perturbations neuropsychiques, auditives et visuelles.

De plus, avec un point d’inflammation de –30 °C et des limites d’explosion situées


entre 1 et 50%, le sulfure de carbone présente un risque élevé d’incendie et
d’explosion.

Les acides et les alcalis utilisés dans le procédé viscose sont assez dilués, mais
le danger est toujours présent lors de la préparation des dilutions, en raison des
éclaboussures qui atteignent parfois les yeux. Les miettes alcalines produites
pendant le déchiquetage des feuilles d’alcali-cellulose risquent d’irriter les
mains et les yeux des travailleurs, tandis que les vapeurs acides et le sulfure
d’hydrogène émanant du bain de filature peuvent provoquer une kérato-conjonctivite
caractérisée par un larmoiement abondant, une photophobie et d’importantes douleurs
oculaires.

Une surveillance constante doit être exercée au moyen d’un détecteur enregistreur
automatique, fonctionnant en continu, pour maintenir les concentrations de sulfure
de carbone et de sulfure d’hydrogène au-dessous des limites autorisées. Il est
conseillé d’encoffrer entièrement les machines et d’installer un système efficace
de ventilation par aspiration localisée (avec prises d’air au niveau du sol, ces
gaz étant plus lourds que l’air). Les travailleurs devraient être entraînés à
réagir aux situations d’urgence en cas de fuite de produits toxiques; les personnes
chargées de la maintenance et des réparations devraient disposer d’équipements de
protection individuelle appropriés; une formation solide et une surveillance
attentive leur éviteront, en outre, de prendre des risques inutiles.

Des salles de repos et des installations sanitaires sont une nécessité absolue. Une
surveillance médicale pendant la période d’essai et des visites médicales
périodiques sont recommandées.

LES FIBRES SYNTHÉTIQUES


A.E. Quinn et R. Mattiussi *

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de


l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

Les fibres synthétiques sont fabriquées avec des polymères de synthèse obtenus à
partir de substances ou de composés fournis par l’industrie pétrochimique. A la
différence des fibres naturelles (laine, coton et soie), qui existaient déjà dans
l’Antiquité, les fibres synthétiques ne sont apparues que récemment: leur histoire
commence avec la mise au point du procédé de fabrication de la viscose en 1891 par
Cross et Bevan, deux chercheurs britanniques. Quelques années plus tard, la rayonne
était produite à petite échelle; sa véritable commercialisation commença au début
du XXe siècle. Depuis lors, un grand nombre de fibres synthétiques ont été mises au
point; elles possèdent chacune des propriétés qui répondent à un type particulier
de tissu et sont utilisées seules ou combinées à d’autres fibres. Il n’est pas
toujours facile d’en connaître le nombre exact du fait que la même fibre est
parfois commercialisée sous des noms différents, dans divers pays.

Les fibres sont obtenues en injectant des polymères à l’état fondu à travers les
orifices d’une filière pour obtenir un filament continu. Ce filament peut être
tissé directement pour former un tissu, mais pour imiter les caractéristiques des
fibres naturelles, il peut aussi être texturé, ce qui lui donne du volume, ou
encore être coupé et filé.

Les catégories de fibres synthétiques


Les principales catégories de fibres synthétiques commercialisées sont:

Les polyamides (nylons). Les divers types de nylon sont différenciés par les
chiffres qui indiquent le nombre d’atomes de carbone qu’ils renferment, le premier
de ces chiffres s’appliquant à la diamine. Ainsi, le premier en date des nylons,
formé d’hexaméthylènediamine et d’acide adipique, est connu sous le nom de nylon 66
ou 6.6 aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, du fait que la diamine et l’acide
bibasique contiennent chacun 6 atomes de carbone. Il est commercialisé sous les
marques Perlon T en Allemagne, Nailon en Italie, Nylsuisse en Suisse, Anid en
Espagne et Ducilo en Argentine.
Les polyesters. Le premier polyester a été produit en 1941. Le polyester est obtenu
par réaction de l’éthylèneglycol avec de l’acide téréphtalique. Les chaînes
moléculaires courtes s’assemblent en longues chaînes pour donner une masse
plastique que des pompes forcent à l’état fondu à travers des filières, à la sortie
desquelles les filaments durcissent dans un courant d’air froid, puis sont étirés.
Les fibres de polyester sont vendues sous les marques de Terylene au Royaume-Uni,
de Dacron aux Etats-Unis, de Tergal en France, de Terital et Wistel en Italie, de
Lavsan dans la CEI et de Toray-Tetoran au Japon.
Les dérivés polyvinyliques. Le produit le plus important de cette catégorie est le
polyacrylonitrile ou fibre acrylique dont la production a été lancée en 1948. Il
est maintenant commercialisé sous diverses marques: Acrilan et Orlon aux Etats-
Unis, Crylor en France, Leacril et Velicren en Italie, Amanian en Pologne,
Courtelle au Royaume-Uni, etc.
Les polyoléfines. La plus courante de ces fibres, connue sous le nom de Courlene au
Royaume-Uni, est obtenue par un procédé analogue à celui qui est utilisé pour le
nylon. Le polymère fondu à 300 °C est injecté à travers des filières, puis refroidi
à l’air ou dans l’eau pour former la fibre qui est ensuite étirée.
Les polypropylènes. Ce polymère, connu sous la marque de Hostalen en Allemagne, de
Meraklon en Italie et de Ulstron au Royaume-Uni, est filé à l’état fondu, puis
étiré et recuit.
Les polyuréthanes. La première de ces fibres, produite depuis 1943, a été le Perlon
U , polyuréthane obtenu par réaction de 1,4-butanediol avec
l’hexaméthylènediisocyanate. Les polyuréthanes servent maintenant de base à un
nouveau type de fibres synthétiques appelées spandex, d’une élasticité comparable à
celle du caoutchouc. Ils sont produits à partir de polyuréthane linéaire vulcanisé
à très haute température et sous très forte pression, donnant ainsi un polyuréthane
«vulcanisé» à liaison transversale qui s’extrude sous forme de monobrin. Ce fil
peut être gainé de fibre de rayonne ou de nylon qui en améliore l’aspect, le fil
lui-même servant d’âme élastique. Il est très utilisé dans la confection des
vêtements et sous-vêtements en tissu élastique. Les fils de spandex sont vendus
sous les marques Lycra, Vyrene et Glospan aux Etats-Unis et Spandrell au Royaume-
Uni.
Les procédés spéciaux
Le classement des fibres par longueur
La soie est la seule fibre naturelle qui se présente sous forme de filament
continu; les autres fibres naturelles n’existent qu’en fibres discontinues ou
«brins». La longueur de la fibre de coton est d’environ 2,6 cm, celle de la laine
de 6 à 10 cm et celle du lin de 30 à 50 cm. Les filaments continus des fibres
synthétiques sont parfois coupés à la machine pour obtenir des brins courts comme
dans le cas des fibres naturelles. Ces brins peuvent être ensuite travaillés de
nouveau sur une machine à filer le coton ou la laine; on obtient ainsi un meilleur
fini, qui élimine l’aspect vitreux de certaines fibres synthétiques. Parfois,
pendant le filage, on mélange plusieurs types de fibres synthétiques, ou encore des
fibres synthétiques et des fibres naturelles.

Le frisage
Pour donner à une fibre synthétique l’aspect et le toucher de la laine, on peut
faire passer les brins coupés (tors ou emmêlés) dans une machine spéciale, équipée
de cylindres cannelés, qui leur confère un frisage durable. Cette opération peut
aussi se faire chimiquement en agissant sur la coagulation du filament, de façon à
obtenir une fibre de section asymétrique, un côté étant plus épais que l’autre.
Lorsque la fibre est humide, le côté épais se gondole, et la fibre frise. Pour
obtenir des fils ondulés, connus aux Etats-Unis sous le nom de fils non torques ou
fils non texturés mousse, le fil synthétique est tricoté en jersey, thermodurci
dans cet état, et détricoté. La plus récente des méthodes utilisées consiste à
faire passer deux fils de nylon dans un appareil qui les chauffe à 180 °C, puis sur
une broche tournant à grande vitesse qui les retord. Sur la première machine
utilisée, les broches tournent à 60 000 tours/min; sur les plus récentes, la
vitesse de rotation est de l’ordre de 1,5 million tours/min.

Les fibres synthétiques pour vêtements de travail


Les tissus de polyester conviennent bien, de par leur résistance aux agents
chimiques, à la confection de vêtements de protection des travailleurs qui
manipulent des acides. Les vêtements en tissu de polyoléfine protègent
convenablement en cas d’exposition prolongée aux acides et aux alcalis. Les
vêtements en Nomex, un nouveau nylon résistant à des chaleurs élevées, sont
particulièrement efficaces en cas d’incendie; le Nomex résiste bien aussi à la
température ambiante, aux solvants tels que le benzène, l’acétone, le
trichloroéthylène et le tétrachlorure de carbone. Certains tissus de propylène
résistent à toute une gamme de substances corrosives; ils sont utilisés pour les
vêtements de travail et de laboratoire.

En raison de leur légèreté, ces tissus synthétiques sont préférés aux lourds tissus
caoutchoutés ou plastifiés dont on aurait besoin pour obtenir le même niveau de
protection. Ils sont également beaucoup plus agréables à porter en ambiance chaude
et humide. Lorsqu’il s’agit de choisir des vêtements de protection en fibres
synthétiques, il faut d’abord en déterminer le nom générique et obtenir des
précisions sur leurs propriétés, par exemple le retrait, la photosensibilité, le
comportement en présence d’agents de nettoyage à sec et de détergents, la
résistance aux huiles, aux substances chimiques corrosives, aux solvants ordinaires
et à la chaleur et la propension du tissu à se charger d’électricité statique.

Les risques et leur prévention


Les accidents
Les sols et les passages devraient être maintenus propres et secs pour éviter les
glissades et les chutes (les cuves ne doivent présenter aucune fuite et, si
possible, être équipées de déflecteurs de protection contre les éclaboussures); les
machines, courroies, arbres de transmission et poulies devraient être
convenablement protégés. Les machines utilisées en filature pour filer, carder,
dévider et ourdir devraient être protégées par des carters pour empêcher que
certains de leurs éléments ne soient projetés et que les travailleurs
n’introduisent leurs mains dans les zones dangereuses. Des dispositifs de
verrouillage devraient empêcher la mise en marche intempestive des machines pendant
les opérations de nettoyage et de maintenance.

Les incendies et les explosions


De grandes quantités de substances toxiques ou inflammables sont utilisées dans
l’industrie des fibres synthétiques. Les substances inflammables devraient être
entreposées de préférence à l’air libre ou dans un local spécialement construit
pour résister au feu. Des remblais devraient être aménagés pour les empêcher de se
répandre en cas de fuite. Les risques associés à la manutention des fûts et autres
récipients pourront être réduits si l’alimentation en substances toxiques est
automatisée et se fait par un système bien entretenu de pompes et de conduites. Des
vêtements de protection et des équipements de lutte contre l’incendie devraient
être mis à la disposition des travailleurs et ceux-ci devraient être convenablement
entraînés à leur utilisation grâce à des exercices pratiques périodiques, menés de
préférence en collaboration avec les autorités locales de lutte contre l’incendie
ou sous leur contrôle.

Dans le filage par voie sèche, lorsque les filaments émergent des filières pour
être séchés à l’air, les solvants s’évaporent en grandes quantités. Les vapeurs
dégagées présentent un grave risque d’explosion et d’intoxication et devraient être
évacuées par aspiration. Leur concentration devrait être surveillée et maintenue
au-dessous des limites d’explosion du solvant. Les vapeurs peuvent être distillées
et récupérées pour être réutilisées ou brûlées, mais il ne faut en aucun cas les
laisser s’échapper dans l’atmosphère.

Lorsqu’on utilise des solvants inflammables, il devrait être interdit de fumer. Il


faut éviter les flammes nues et les étincelles. De plus, le matériel et les
installations électriques devraient être de construction antidéflagrante. Pour
éviter l’accumulation d’électricité statique qui pourrait donner lieu à des
étincelles dangereuses, les machines devraient être mises à la terre.

Les risques d’intoxication


Un système efficace de ventilation par aspiration localisée permet de maintenir les
concentrations de vapeur de solvants et de produits chimiques potentiellement
toxiques au-dessous de la limite admissible. Des masques de protection respiratoire
seront mis à la disposition du personnel chargé de la maintenance et des
réparations ainsi que des travailleurs chargés d’intervenir en cas de fuite ou
d’incendie.

LES PRODUITS EN FEUTRE NATUREL


Jerzy A. Sokal

Le feutre est une matière fibreuse obtenue en chauffant, humectant, malaxant, entre
autres procédés, des fibres de laine, des poils et de la fourrure, en vue de
constituer un tissu non tissé fortement aggloméré. Certains feutres sont
aiguilletés: leurs fibres sont fixées à un élément de fond lâchement tissé, ou
dossier, généralement fait de laine ou de jute.

La fabrication du feutre de chapellerie


Ce feutre, utilisé surtout pour la confection des chapeaux, est généralement obtenu
à partir de poils de rongeurs (lapins, lièvres, rats musqués, ragondins et castors)
et, parfois, de certains autres animaux. Après triage, les peaux sont sécrétées au
peroxyde d’hydrogène et à l’acide sulfurique, puis on procède à la coupe, au
durcissage et à la teinture des poils, habituellement réalisée avec des colorants
de synthèse (colorants acides ou contenant des composés métalliques complexes). Le
feutre teint est alors traité à la gomme-laque ou au polyacétate de vinyle pour
l’alourdir.

La fabrication du feutre de laine


Pour fabriquer ce feutre, on utilise des restes de laine ou une laine recyclée. Le
jute, provenant la plupart du temps de vieux sacs, est employé pour certains
feutres aiguilletés; on peut y ajouter d’autres fibres de coton ou de soie ou des
fibres synthétiques.

La laine est d’abord triée et sélectionnée. On sépare les fibres dans une
effilocheuse, cylindre garni de pointes qui tourne et déchire les fibres, puis on
les soumet au garnettage dans une machine dont les rouleaux et les cylindres sont
garnis de fils métalliques en dents de scie. Les fibres sont nettoyées par
carbonisation dans une solution d’acide sulfurique à 18%; après séchage à une
température de 100 °C, elles sont mélangées et, le cas échéant, enrobées d’huile
minérale contenant un émulsifiant. Après effilochage et cardage, opérations qui
mélangent encore les fibres et les disposent plus ou moins parallèlement les unes
aux autres, la matière est placée sur un transporteur en déposant des couches d’un
fin voile qui est renvidé sur des perches et forme des nappes. Ces nappes molles
sont dirigées vers le local de durcissement où elles sont aspergées d’eau et
comprimées entre deux lourdes plaques; la plaque supérieure vibre, provoquant la
frisure et l’adhérence des fibres.

Pour compléter le feutrage, le tissu est placé dans des cuves d’acide sulfurique
dilué et pilonné au moyen de lourds marteaux de bois. Il est ensuite lavé (avec
addition de tétrachloroéthylène), essoré et teint, généralement avec des colorants
de synthèse. On ajoute parfois des substances chimiques qui rendent le feutre
imputrescible. Les étapes finales comprennent le séchage (à 65 °C pour les feutres
mous, à 112 °C pour les feutres durs), le tondage, le sablage, le brossage, le
pressage et le rognage.

Les risques professionnels


Les accidents
Les machines servant à la fabrication du feutre ont des courroies de transmission,
des mécanismes d’entraînement à chaîne et pignons, des arbres moteurs, des
cylindres garnis de pointes et des rouleaux utilisés pour le garnettage et
l’effilochage, des presses, des rouleaux, des marteaux, etc. Ces parties devraient
être convenablement protégées et munies de systèmes de verrouillage pour éviter que
les travailleurs chargés de la maintenance ou du nettoyage ne puissent se blesser.
Une bonne tenue des locaux est également indispensable pour prévenir les glissades
et les chutes.

Le bruit
Les opérations sont souvent bruyantes; lorsque les encoffrements, les enceintes
acoustiques et un graissage convenable ne suffisent pas à maintenir le bruit à un
niveau satisfaisant, des casques protecteurs ou des bouchons d’oreille devraient
être fournis aux travailleurs. De nombreux pays imposent un programme de protection
de l’ouïe prévoyant des audiogrammes à intervalles réguliers.

La poussière
Les locaux de fabrication du feutre sont poussiéreux et malsains pour les personnes
présentant des troubles respiratoires chroniques. La poussière n’est heureusement
pas associée à des maladies spécifiques, mais une ventilation par extraction est
cependant nécessaire. Les poils des animaux peuvent provoquer des réactions
allergiques chez les sujets sensibles; l’asthme bronchique demeure exceptionnel. La
poussière comporte également un risque d’incendie.

Les produits chimiques


L’acide sulfurique utilisé dans la production du feutre est généralement dilué; il
faut néanmoins veiller à prendre toutes les précautions nécessaires au moment de la
dilution de l’acide concentré. Des flacons de rinçage oculaire en cas
d’éclaboussures ou de déversements devraient donc être placés à proximité et des
équipements de protection individuelle (lunettes, tabliers, gants et chaussures)
devraient être fournis aux travailleurs.

Le tannage de certains feutres de papeterie se fait parfois à base de quinone,


produit susceptible d’entraîner des lésions de la peau et des muqueuses. Les
poussières et les vapeurs de quinone peuvent provoquer des taches sur la
conjonctive et la cornée de l’œil et, en cas d’exposition prolongée ou répétée,
affecter la vision. La poudre de quinone doit être humidifiée pour éviter la
pulvérulence et ne devrait être manipulée que dans des chambres équipées d’un
dispositif de ventilation par aspiration localisée. Les mains, les bras, le visage
et les yeux des travailleurs devraient être protégés par des vêtements et des
accessoires adaptés.

La chaleur et les incendies


La température élevée de la matière (60 °C) nécessaire au formage manuel des
chapeaux impose le port de gants de protection des mains.

L’incendie est un risque courant aux premiers stades de la fabrication du feutre


quand l’empoussièrement est important. Il peut être provoqué par une allumette ou
une étincelle provenant d’objets métalliques laissés dans les déchets de laine, par
un palier de machine surchauffé ou par un court-circuit. Il peut également survenir
lors des opérations de finissage, lorsque des vapeurs de solvants inflammables
s’accumulent dans les fours de séchage. Etant donné qu’elle endommage le matériel
et corrode les équipements, l’eau est moins utilisée que les extincteurs à poudre
sèche pour éteindre les incendies. Les équipements modernes sont munis d’orifices
par lesquels la substance active peut être pulvérisée, ou d’un dispositif
d’émission automatique de dioxyde de carbone.

L’infection charbonneuse
Quelques cas de charbon ont été observés, bien que rarement, à la suite d’une
exposition à de la laine contaminée importée de régions dans lesquelles la maladie
est endémique.

LA TEINTURE, L’IMPRESSION ET LE FINISSAGE


J.M. Strother et A.K. Niyogi *

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de


l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

La teinture
La teinture résulte d’une combinaison chimique ou d’une puissante affinité physique
entre un colorant et une fibre textile. Divers colorants et procédés sont utilisés,
suivant le type de tissu et le produit fini désiré.

Les catégories de colorants


Pour la laine, la soie et le coton, on emploie des colorants acides ou basiques en
bain faiblement acide. Certains colorants acides sont appliqués après mordançage
des fibres à l’oxyde métallique, à l’acide tannique ou aux dichromates. Les
colorants directs , peu stables, sont employés pour teindre la laine, la rayonne et
le coton. La teinture se fait à une température voisine de l’ébullition. Pour
teindre le coton avec des colorants au soufre , on prépare un bain avec de la
teinture, du carbonate de sodium, du sulfure de sodium et de l’eau chaude. Cette
teinture se fait également à une température proche de l’ébullition. Pour teindre
le coton aux colorants azoïques , on dissout du naphtol dans une solution aqueuse
de soude caustique; le coton est imprégné de naphtoxyde de sodium avant d’être
traité par un composé de diazonium en solution qui fixe le colorant sur la matière
à teindre. Les colorants de cuve sont transformés en composés leuco par l’action de
l’hydroxyde de sodium et de l’hydrosulfite de sodium. La teinture s’effectue à une
température comprise entre 30 et 60 °C. Les colorants dispersables (ou
plastosolubles) servent à la teinture de toutes les fibres synthétiques qui
possèdent des propriétés hydrophobes. On accélère la vitesse de diffusion du
colorant dans la fibre au moyen d’adjuvants phénoliques appelés «transporteurs».
Les colorants minéraux sont généralement des sels de fer et de chrome. Après
l’imprégnation, leur précipitation est assurée par adjonction d’une solution
alcaline à chaud. Les colorants réactifs utilisés pour le coton sont appliqués en
bain chaud ou froid de carbonate de sodium et de sel de cuisine.

La préparation des tissus


Avant la teinture, les tissus de coton subissent une préparation en plusieurs
étapes successives. Le tissu passe d’abord dans une tondeuse qui coupe les fibres
faiblement adhérentes; pour parachever ce rasage, il circule rapidement au-dessus
d’une rampe de brûleurs à gaz (la flambeuse), les flammèches produites étant
éteintes par passage du tissu dans un bac à eau. Le désencollage, qui a pour objet
de débarrasser complètement le tissu des parements gélatineux, se fait par passage
du tissu dans une cuve à malter contenant une solution de diastase qui élimine
l’intégralité de l’encollage. Les autres impuretés sont éliminées par
débouillissage dans un autoclave où le coton subit une cuisson alcaline dans une
solution diluée de soude caustique, de carbonate de sodium ou d’huile de ricin
sulfatée (huile pour rouge turc) pendant huit à douze heures à haute température et
sous haute pression.

Pour les tissus teintés, l’opération se fait en cuve ouverte et sans soude
caustique. La coloration naturelle du tissu s’élimine dans la solution
d’hypochlorite des cuves de blanchiment, après quoi le tissu est aéré, lavé et
déchloré dans une solution de bisulfite de sodium, lavé de nouveau et dégraissé à
l’acide chlorhydrique ou sulfurique dilué. Après un dernier lessivage très poussé,
le tissu est prêt pour la teinture ou l’impression.
La teinture
La teinture proprement dite se fait au «jigger» ou au foulard, machines où le tissu
passe dans une solution colorante stationnaire, préparée par dissolution d’une
poudre de teinture dans un produit chimique approprié, suivie de dilution dans
l’eau. Après la teinture, le tissu subit un traitement de finissage.

La teinture du nylon
La préparation des fibres de polyamide (nylon) en vue de la teinture comporte un
lessivage, un dépôt et, dans certains cas, un blanchiment. Le traitement choisi
pour le lessivage du polyamide dépend principalement de la composition du parement.
Les parements hydrosolubles à base de poly(alcool vinylique) ou d’acide
polyacrylique s’éliminent par lessivage dans une liqueur composée de savon et
d’ammoniaque ou de Lissapol N, voire d’un autre détergent ou de carbonate de
sodium. Après lessivage et rinçage abondant, le tissu est prêt pour la teinture ou
l’impression qui se font généralement en machine (au «jigger» ou au foulard).

La teinture de la laine
On lessive d’abord la laine brute par un procédé émulsifiant dans lequel
interviennent le savon et le carbonate de sodium. L’opération se déroule dans une
laveuse, longue auge pourvue de racles, d’un double fond et, à la sortie, de
rouleaux exprimeurs. Après ce lavage, la laine subit un blanchiment au peroxyde
d’hydrogène ou au dioxyde de soufre (gaz sulfureux), auquel cas le produit humide
est abandonné toute une nuit à l’action du gaz. On neutralise ensuite le gaz acide
par passage du tissu dans un bain de carbonate de sodium en solution, suivi d’un
lessivage. Après teinture, le tissu est rincé, essoré et enfin séché.

Les risques et leur prévention


Les incendies et les explosions
Les risques d’incendie rencontrés dans un atelier de teinture sont liés aux
solvants inflammables utilisés dans certains procédés et à quelques colorants
particuliers, également inflammables. Pour ces deux types de substances, il faut
prévoir des installations de stockage sûres. Celles-ci devraient comprendre des
locaux bien conçus, construits en matériaux résistant au feu. Les locaux
d’entreposage des liquides inflammables devraient être pourvus de seuils surélevés
et inclinés aux embrasures des portes, afin que les fuites éventuelles de liquide
soient retenues à l’intérieur du local et qu’il ne puisse se répandre en des
endroits où il pourrait prendre feu. Ces locaux seront aménagés de préférence à
l’écart du bâtiment principal de l’entreprise. Si des quantités importantes de ces
produits sont conservées dans des réservoirs à l’extérieur des bâtiments, des
murets devraient être édifiés tout autour des réservoirs pour constituer une
cuvette de rétention capable de contenir les fuites éventuelles.

Des dispositions analogues devraient être prises lorsque le combustible gazeux qui
alimente les flambeuses provient d’une fraction légère de pétrole. L’installation
génératrice de gaz et les réservoirs de stockage de l’essence de pétrole volatile
devraient se trouver de préférence en dehors des bâtiments.

Les risques liés aux produits chimiques


Nombre de manufactures emploient pour le blanchiment des solutions d’hypochlorite;
d’autres effectuent cette opération au moyen de chlore gazeux ou d’une poudre à
blanchir qui libère du chlore lorsqu’on la charge dans un réservoir. Dans l’un et
l’autre cas, les travailleurs risquent d’être exposés à une atmosphère dangereuse
si des précautions ne sont pas prises. Le chlore irrite les yeux et la peau et,
surtout, le tissu pulmonaire, où il peut provoquer un œdème dont les symptômes
n’apparaissent pas immédiatement. Pour limiter le dégagement de chlore dans
l’atmosphère des locaux de travail, les cuves de blanchiment devraient être des
récipients clos, dont les évents laissent échapper un minimum de produit, afin que
les concentrations maximales admissibles ne soient pas dépassées; des dosages du
chlore dans l’air devraient être effectués périodiquement pour vérifier la
concentration.

Les vannes et autres dispositifs de commande du réservoir de chlore liquide qui


alimentent les ateliers de teinture devraient être surveillés par un opérateur
compétent, une fuite non maîtrisée pouvant avoir des conséquences désastreuses.
Lorsqu’il est nécessaire de pénétrer dans une enceinte ayant contenu du chlore ou
tout autre gaz ou vapeur dangereux, toutes les précautions applicables au travail
en espace confiné devraient être observées.

L’emploi d’alcalis et d’acides corrosifs ainsi que le débouillissage peuvent avoir


pour effet de brûler ou d’échauder le personnel. De grandes quantités d’acide
chlorhydrique et d’acide sulfurique sont utilisées dans les opérations de teinture.
La soude caustique est réservée pour le blanchiment, le mercerisage et la teinture.
Le dioxyde de soufre, employé pour le blanchiment, et le sulfure de carbone, mis en
œuvre comme solvant dans le procédé viscose, peuvent également polluer l’atmosphère
des locaux. Les hydrocarbures aromatiques comme le benzène, le toluène et le
xylène, les solvants naphta et les amines aromatiques telles que les colorants à
l’aniline sont des substances chimiques toxiques auxquelles les travailleurs
peuvent être exposés. Le dichlorobenzène est émulsifié dans l’eau, grâce à un agent
émulsifiant; il sert à teindre les fibres polyester. Un système de ventilation par
extraction est indispensable.

Maints colorants sont des irritants de la peau qui peuvent causer des dermatoses.
Les travailleurs sont souvent tentés de recourir à des mélanges dangereux
d’abrasifs, d’alcalis et d’agents de blanchiment pour enlever les taches de
teinture qu’ils portent aux mains.

Les solvants organiques qui interviennent dans les procédés de teinture ou qu’on
utilise pour nettoyer les machines peuvent aussi causer des dermatoses ou affaiblir
la résistance de la peau à l’action irritante d’autres substances dangereuses mises
en œuvre. Ils peuvent par ailleurs induire des atteintes du système nerveux
périphérique — c’est le cas, par exemple, du méthylbutylcétone (MBK). Certains
colorants se sont révélés cancérogènes, comme la rhodamine B, le magenta, la β-
naphtylamine, de même que certaines bases comme la dianisidine. L’emploi de β-
naphtylamine a généralement été abandonné dans les ateliers de teinture. Cette
question est examinée en détail ailleurs dans l’Encyclopédie.

En dehors des fibres et de leurs contaminants, des allergies peuvent être


provoquées par le parement et même par les enzymes utilisées pour l’éliminer.

Des moyens appropriés de protection individuelle, notamment de protection oculaire,


devraient être fournis au personnel pour le protéger des risques de contact avec
les nombreuses substances dangereuses auxquelles il est exposé. Il est parfois
possible d’employer des crèmes isolantes, mais on veillera à utiliser un produit
approprié qu’on puisse éliminer par lavage. Il est rare cependant que ce moyen
assure une fiabilité comparable à celle que confèrent des gants bien conçus. Les
vêtements de protection devraient être lavés à intervalles réguliers; ceux qui ont
été souillés par des projections ou autrement pollués par les colorants devraient
être remplacés au plus tôt. Des installations sanitaires, des douches ou des bains
devraient être mis à la disposition des travailleurs, qu’il conviendra d’inciter à
en faire usage. L’hygiène individuelle revêt une importance capitale dans cette
branche d’activité. Malheureusement, même dans l’hypothèse où toutes les mesures de
sécurité ont été prises, il arrive que des travailleurs se révèlent
particulièrement sensibles à l’action de certaines substances et doivent alors être
mutés à d’autres postes.

Les risques d’accidents


Des accidents graves par échaudure se sont produits lors de l’admission
accidentelle de liqueur bouillante dans un autoclave où un travailleur était occupé
à disposer le tissu à traiter. Un tel accident peut survenir suite à la manœuvre
intempestive d’une vanne, ou lorsqu’un autoclave situé en amont déverse la liqueur
bouillante dans une conduite commune d’évacuation qui, par un orifice resté ouvert,
la refoule dans le récipient occupé. Quand un travailleur se trouve à l’intérieur
d’un autoclave pour quelque raison que ce soit, les vannes d’admission devraient
être verrouillées en position de fermeture, et l’autoclave devrait être isolé des
autres récipients de la batterie. Si ce verrouillage est assuré par une clé, la
personne qui risquerait d’être la victime de l’admission accidentelle de liquide
bouillant dans le récipient devrait conserver cette clé sur elle jusqu’à ce qu’elle
quitte l’autoclave.

L’impression
L’impression s’effectue sur une machine à rouleaux. Le colorant ou le pigment est
épaissi à l’amidon ou émulsionné; si l’on utilise des pigments, cette émulsion est
préparée avec un solvant organique. La pâte ou l’émulsion obtenue est prélevée par
les rouleaux graveurs qui appliquent le motif sur le tissu, puis la couleur est
fixée dans une machine de polymérisation. Le tissu imprimé fait ensuite l’objet du
finissage approprié.

L’impression par voie humide


L’impression par voie humide ou au mouillé est effectuée selon des méthodes
semblables à celles que l’on utilise pour la teinture elle-même; c’est le cas pour
l’impression en cuve et l’impression réactive. Ces méthodes d’impression ne sont
employées que pour les tissus 100% coton et pour la rayonne. Les risques que ces
opérations présentent pour la santé sont identiques à ceux qui ont été exposés plus
haut.

L’impression à l’aide de pigments à base de solvants


Ces systèmes d’impression font appel à de grandes quantités de solvants, comme les
essences minérales servant dans le système d’épaississement. Les risques principaux
qu’ils présentent sont:

L’inflammabilité. Les systèmes d’épaississement contiennent jusqu’à 40% de solvants


et sont extrêmement inflammables. Ils devraient être entreposés avec soin dans des
locaux convenablement ventilés et les installations devraient être mises à la
terre. Lors du transport des produits, on prendra garde également d’éviter
l’apparition d’étincelles engendrées par l’électricité statique.
Les émissions dans l’atmosphère. Avec ces systèmes d’impression, des vapeurs de
solvants sont émises lors du séchage et de la polymérisation. La réglementation en
matière d’environnement indique généralement les niveaux admissibles d’émissions de
composés organiques volatils.
La vidange. Le système d’impression étant à base de solvants, la pâte d’impression
ne devrait pas être évacuée dans le système de traitement des eaux usées, mais sous
forme de déchet solide. Les sites de dépôt de ces déchets peuvent être à l’origine
de problèmes environnementaux du fait de la contamination du sol et des nappes
phréatiques; ils devraient recevoir par conséquent un revêtement imperméable.
L’impression à l’aide de pigments en solution aqueuse
Aucun des risques pour la santé engendrés par l’impression à l’aide de pigments à
base de solvants n’est provoqué par les techniques utilisant des pigments à l’eau.
Bien que l’on emploie quelques solvants, les quantités sont si faibles qu’elles
sont négligeables. La présence de formaldéhyde constitue le risque principal.

L’impression à l’aide de pigments nécessite l’utilisation d’un agent de liaison


chimique, qui favorise la fixation des pigments sur le tissu. Ces agents se
présentent sous forme de produits isolés (la mélamine, par exemple) ou de
composants d’autres substances chimiques comme les liants et les antimèches, ou se
trouvent dans les pigments eux-mêmes. Le formaldéhyde est indispensable à leur
action.
Le formaldéhyde est un sensibilisateur et un irritant qui peut produire des
réactions parfois violentes chez les travailleurs qui y sont exposés, lorsqu’ils
inhalent l’air ambiant à proximité de la machine d’impression en marche ou qu’ils
entrent en contact avec le tissu imprimé. Les réactions vont d’une légère
irritation des yeux à de graves troubles respiratoires, en passant par des lésions
cutanées. S’il a été établi que le formaldéhyde est cancérogène chez la souris, il
n’a pas jusqu’ici été associé de façon concluante à l’apparition de cancers chez
l’être humain. Il est classé dans la catégorie 2A, «Probablement cancérogène pour
l’être humain», par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).

Pour protéger l’environnement local, les rejets de formaldéhyde dans l’atmosphère


devraient être contrôlés pour s’assurer que les niveaux ne dépassent pas ceux qui
sont autorisés par la réglementation en vigueur.

L’ammoniaque constitue un autre risque potentiel. La pâte d’impression étant


sensible au pH, on utilise souvent de l’ammoniaque pour l’épaissir. On devrait
manipuler ce produit dans un local bien ventilé et porter un masque respiratoire si
besoin est.

Les teintures et les pigments employés pour l’impression des tissus se présentant
généralement sous forme liquide, il n’y a pas de risque d’exposition à la poussière
comme c’est le cas dans les opérations de teinture.

Le finissage
Le finissage est un terme qui s’applique à toute une gamme de traitements
généralement effectués au cours de l’opération précédant la fabrication. Toutefois,
certaines opérations de finissage peuvent également être réalisées après la
fabrication.

Le finissage mécanique
Ce type de finissage comprend des procédés qui modifient la texture ou l’apparence
d’un tissu sans faire appel à des produits chimiques; on peut citer:

Le sanforisage. Ce procédé a pour effet de rendre le tissu irrétrécissable et doux


au toucher. Le tissu est tendu sur un petit cylindre chauffé à la vapeur, pressé
étroitement par un sabot sur un tapis de caoutchouc, puis passé sur un gros
cylindre.
Le calandrage. Dans ce procédé, qui a pour effet de modifier le toucher et
l’apparence du tissu, on fait passer celui-ci entre de grands rouleaux d’acier en
lui appliquant une pression très élevée. Ces rouleaux peuvent être chauffés à la
vapeur ou au gaz jusqu’à 232 °C.
Le sablage. Dans ce procédé, qui a pour effet de modifier la surface du tissu et de
le rendre plus doux au toucher, on fait passer le tissu sur des rouleaux recouverts
de sable.
Le gaufrage. Dans ce procédé, le tissu passe entre des cylindres d’acier chauffés
dont le motif gravé viendra s’imprimer de façon définitive sur le tissu.
Le thermofixage. Dans ce procédé, qui a pour effet de rendre le tissu
irrétrécissable, le tissu synthétique, généralement du polyester, passe dans une
rame élargisseuse ou une machine de thermofixage par semi-contact, à des
températures suffisantes pour provoquer un début de fonte des molécules du tissu.
Le brossage. Dans ce procédé, qui a pour effet de modifier l’apparence et le
toucher du tissu, on fait passer celui-ci entre des brosses rotatives tournant à
grande vitesse.
Le suédage. Dans ce procédé, qui a pour effet de modifier l’apparence et le toucher
du tissu, on fait passer celui-ci entre un cylindre d’acier de petite taille et un
cylindre de grande taille recouvert de papier de verre.
Les risques associés à ces opérations proviennent principalement de la chaleur, des
très hautes températures utilisées et des zones de pincement des parties mobiles de
la machine. Il faut veiller à équiper cette dernière de carters de protection ou
installer des garde-corps pour éviter les accidents.

Le finissage chimique
Le finissage chimique est effectué au moyen de divers équipements (foulards,
«jiggers», machines de teinture par jet, auges, barres de pulvérisation,
autoclaves, machines de teinture à palette, rouleaux de transfert par enduction et
bains moussants).

Il est un type de finissage chimique qui n’implique aucune réaction chimique: il


s’agit de l’application d’un agent adoucissant qui a pour effet de modifier le
toucher et la texture du tissu ou de le rendre plus facile à coudre. Cette
opération ne présente aucun risque particulier en dehors d’une éventuelle
irritation de contact au niveau de la peau ou des yeux; le port de gants et de
protections oculaires permet d’éviter ce problème.

Un autre type de finissage chimique implique en revanche une réaction chimique: il


s’agit du finissage du coton à la résine qui permet d’obtenir les propriétés
physiques souhaitées, un faible rétrécissement et une apparence satinée. Pour le
coton, par exemple, une résine de diméthylol-dihydroxyéthylèneurée (DMDHEU)
catalyse la formation d’une liaison avec les molécules du tissu, ce qui a pour
effet de le modifier définitivement. Le risque principal que présente ce type de
finissage est le dégagement de formaldéhyde au moment de la réaction.

Conclusion
Comme dans les autres secteurs de l’industrie textile, les opérations de teinture,
d’impression et de finissage se déroulent soit dans des établissements anciens,
souvent de petite taille, dans lesquels la sécurité et la santé des travailleurs
sont fréquemment négligées, voire ignorées, soit dans des établissements plus
récents, de plus grande taille, dans lesquels la technologie est en évolution
constante et la maîtrise des risques est, dans la mesure du possible, intégrée dès
la conception des installations. En plus des risques spécifiques mentionnés plus
haut, des problèmes surviennent fréquemment, liés à l’éclairage, au bruit, à une
protection insuffisante des machines, au soulèvement et au port d’objets lourds ou
volumineux, etc. Un programme de prévention bien conçu et mis en œuvre, intégrant
une solide formation et une surveillance efficace des travailleurs, est dès lors
indispensable.

LES TISSUS NON TISSÉS


William A. Blackburn et Subhash K. Batra

Les tissus en textiles non tissés ont fait une première apparition à la fin des
années quarante. Ils se sont développés dans les années cinquante et ont été
commercialisés dans les années soixante. Au cours des trente-cinq années qui ont
suivi, le secteur des non-tissés a atteint sa maturité et a trouvé des marchés soit
en offrant un bon rapport qualité-prix en lieu et place des textiles traditionnels,
soit en proposant des produits mis au point pour des utilisations spécifiques. Ce
secteur a mieux absorbé les récessions que les textiles traditionnels et a connu
une croissance plus rapide. Les risques professionnels sont les mêmes que dans les
autres secteurs de l’industrie textile (bruit, fibres en suspension dans l’air,
produits chimiques utilisés pour le collage des fibres, sécurité des surfaces de
travail, zones de pincement, brûlures par exposition à la chaleur, lésions
dorsales, etc.).

La sécurité est généralement satisfaisante dans ce secteur et le nombre d’accidents


par unité de production y reste limité. L’industrie a su relever les défis
présentés par la réglementation relative à la propreté de l’air et de l’eau. Aux
Etats-Unis, l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational
Safety and Health Administration (OSHA)) a promulgué plusieurs règlements qui
imposent une formation à la sécurité et des procédés de fabrication qui ont
considérablement amélioré la protection des travailleurs. Dans le monde entier, les
établissements conscients de leur responsabilité adoptent petit à petit des
pratiques du même genre.

Les matières premières utilisées par cette industrie sont généralement les mêmes
que celles qui sont employées dans l’industrie textile traditionnelle et atteignent
chaque année près de 1 million de tonnes. Les fibres naturelles dont on se sert
sont principalement le coton et la pâte de bois. Quant aux fibres manufacturées, ce
sont la rayonne, les polyoléfines (polyéthylène et polypropylène), les polyesters
et, en quantités plus limitées, les nylons, les acryliques, les aramides, etc.

Au début de la croissance du secteur des non-tissés, on dénombrait une dizaine de


procédés de fabrication: non-tissés encollés au filage (ou filés-liés), non-tissés
de fusion-soufflage, voile et mélanges obtenus par voie pneumatique, non-tissés
obtenus par voie humide ou par voie sèche (liés par aiguilletage, liaison thermique
ou liaison chimique), non-tissés obtenus par couture-tricotage, etc. Aux Etats-
Unis, de nombreux marchés spécifiques sont saturés pour les non-tissés et de
nouveaux débouchés sont recherchés, notamment dans l’important secteur des
composites. Des non-tissés laminés sous forme de fines pellicules et autres
revêtements ouvrent de nouvelles perspectives. L’entreposage des rouleaux de non-
tissés est actuellement très surveillé du fait de l’inflammabilité de certains
produits de densité très faible que leurs grandes surfaces exposent
particulièrement à ce risque; on considère à cet égard que les rouleaux dont le
rapport volume/poids est supérieur à une certaine valeur posent problème.

Les matières premières


Les fibres cellulosiques
Le volume de coton blanchi entrant dans la fabrication des non-tissés est en
augmentation constante, tandis que les mélanges coton-polyester et rayonne-
polyester dans les non-tissés aiguilletés par jet d’eau connaissent un grand succès
dans les applications médicales et l’hygiène féminine. On commence à utiliser du
coton non blanchi dans la fabrication des non-tissés, et des tissus expérimentaux
très intéressants ont été obtenus par le procédé d’aiguilletage par jet d’eau.

Inquiets des répercussions écologiques des sous-produits de la fabrication, les


défenseurs de l’environnement se sont élevés contre la fabrication de rayonne. Aux
Etats-Unis, certains fabricants de rayonne ont préféré abandonner ce créneau plutôt
que de faire face aux frais élevés qu’entraînerait l’observation des normes
imposées en matière de pureté de l’eau et de l’air. Les entreprises qui ont choisi
de se conformer à ces exigences semblent ne plus rencontrer de problèmes après
modification de leurs procédés.

Les fibres en pâte de bois constituent l’un des principaux composants des couches
jetables, des protections pour incontinence et autres tissus absorbants. On utilise
des fibres de bois dur et de papier kraft. Dans les seuls Etats-Unis, on emploie
chaque année plus de 1 million de tonnes de pâte de bois. Une petite partie est
utilisée pour les non-tissés obtenus par voie pneumatique. Les produits servent
souvent à fabriquer des serviettes, pour des applications qui vont de la cuisine
aux sports.

Les fibres synthétiques


Les deux fibres polyoléfines les plus populaires sont le polyéthylène et le
polypropylène. Ces polymères sont transformés en fibres coupées qui sont ensuite
transformées en tissus non tissés, ou en nappes de monofils obtenues par liage,
c’est-à-dire par extrusion des polymères pour former des filaments réunis en voiles
et liés par traitement thermique. Certains des tissus ainsi obtenus servent à
fabriquer des vêtements de protection. En 1995, plus de 400 millions de bleus de
travail avaient été fabriqués à partir d’un tissu de polyéthylène très apprécié
obtenu par liage.
Aux Etats-Unis, l’utilisation la plus importante d’un non-tissé (environ 10 000 km2
par an) concerne le voile supérieur des couches jetables. C’est ce voile qui entre
en contact avec la peau du bébé et l’isole des autres composants de la couche. Des
tissus obtenus à partir de ces fibres sont également utilisés pour des produits
durables et pour certaines applications géotextiles dans lesquelles ils sont
supposés durer indéfiniment. Ces tissus sont toutefois dégradés par les
ultraviolets ou par certains autres types de rayonnements.

Les fibres thermoplastiques obtenues à partir de polymères et de copolymères


polyester sont très employées pour la fabrication des non-tissés dans les procédés
de fibres coupées et de liage à la filature. On estime à plus de 250 000 tonnes les
quantités totales de polymères polyester et polyoléfine utilisées chaque année aux
Etats-Unis pour fabriquer les non-tissés. Des mélanges de fibres polyester et de
pâte de bois obtenus par voie humide, aiguilletés par jet d’eau puis recouverts
d’un revêtement imperméable, sont d’usage courant pour les blouses et les draps
dont on se sert dans les blocs opératoires. En 1995, aux Etats-Unis seulement,
l’utilisation de non-tissés jetables à usage médical a dépassé 2 000 km2 par an.

Les fibres de nylon ne sont utilisées que modérément sous forme de fibres coupées
et assez peu dans les non-tissés encollés au filage (ou filés-liés). Les
principales applications des non-tissés encollés au filage sont le renforcement des
dossiers de moquettes et la fabrication des filtres en laine de verre. Ces tissus
confèrent une surface de faible friction aux dossiers, ce qui facilite la pose des
moquettes. Dans les filtres en laine de verre, le tissu permet de retenir les
fibres de verre dans le filtre et les empêche de pénétrer dans l’air filtré.
D’autres non-tissés particuliers, comme les aramides, trouvent des applications
dans des créneaux du marché dans lesquels leurs propriétés, comme une très faible
inflammabilité, par exemple, en rendent l’usage intéressant. Certains de ces non-
tissés sont aussi mis en œuvre dans l’industrie de l’ameublement pour diminuer
l’inflammabilité des canapés et des fauteuils.

Les procédés non tissés par liage et par fusion-soufflage


Dans ces procédés, des polymères synthétiques appropriés sont fondus, filtrés,
extrudés, étirés, chargés d’électricité électrostatique, disposés en voiles, liés
et enroulés. Il convient d’observer pour ces opérations les mesures de sécurité qui
s’appliquent normalement à l’utilisation des machines à extruder, des filtres, des
filières et des cylindres chauffés pour le liage.

Les travailleurs devraient se protéger les yeux et éviter de porter des vêtements
amples, des cravates, des bagues ou autres bijoux qui pourraient être happés par
les parties mobiles des machines. Ces procédés font presque toujours appel à
d’importants volumes d’air; aussi, des précautions particulières devraient être
prises pour éviter toute situation susceptible de favoriser les incendies; les
gaines d’aération devraient être dégagées, car il serait difficile d’y éteindre un
début d’incendie. Il importe en outre de s’assurer que les sols ne présentent pas
de risques de trébuchement ou de glissade.

Dans les procédés par liage, les installations devraient être nettoyées et tout
résidu de polymère éliminé par brûlage. Des fours très chauds sont généralement
utilisés à cette fin et les pièces nettoyées y sont entreposées. Une protection
adéquate est nécessaire tout au long de ces opérations, à commencer par le port de
gants résistants à la chaleur, la fourniture d’autres équipements de protection
thermique et la mise en service d’une ventilation assez puissante pour limiter la
chaleur et les fumées.

Les procédés par liage sont avantageux d’un point de vue économique, notamment
parce qu’ils sont relativement rapides et que l’on peut changer les bobines
enrouleuses sans interrompre les opérations. L’utilisation d’engins bien conçus
pour changer les rouleaux et une bonne formation du personnel devraient offrir une
marge de sécurité satisfaisante pendant cette opération.

Les procédés par voie sèche


Les règles de sécurité applicables aux procédés comportant des opérations comme
ouvrir les balles de fibres, mélanger les fibres pour alimenter uniformément une
machine à carder, carder pour former des voiles et croiser des voiles pour leur
conférer une résistance optimale dans toutes les directions, puis en assurer le
transfert pour liage, valent aussi pour les procédés textiles traditionnels. Toutes
les parties de machine dangereuses dans lesquelles les mains des travailleurs
pourraient être happées et, notamment, les angles rentrants des cylindres,
devraient être protégées. Certains procédés par voie sèche produisent des quantités
limitées de fibres en suspension dans l’air; les travailleurs devraient donc
disposer d’équipements de protection respiratoire appropriés.

Si les voiles formés doivent faire l’objet d’un liage à chaud, une petite quantité
(10% du poids environ) d’une fibre ou d’une poudre fondant à basse température sera
généralement ajoutée au voile. Cette substance est fondue par passage dans un four
à air chaud ou par exposition à des cylindres chauffés, puis refroidie pour obtenir
le liage du tissu. Dans ce cas, des équipements de protection thermique devraient
être mis à la disposition des travailleurs. Aux Etats-Unis, on produit chaque année
100 000 tonnes de non-tissés dont le liage se fait à chaud.

Si les voiles sont liés par aiguilletage, on utilise un métier à aiguilles. La


rangée d’aiguilles traverse le voile; les aiguilles accrochent les fibres de
surface, les font passer du dessus au dessous du tissu, puis relâchent les fibres
pendant leur course de retour. Le nombre de pénétrations par unité de surface est
parfois limité, parfois très important, comme c’est le cas pour le feutre
aiguilleté. On peut faire appel à un métier pour aiguilleter à partir du dessus et
du dessous du voile. Les aiguilles cassées seront remplacées. Les métiers devraient
être verrouillés pour éviter les accidents pendant ces opérations de maintenance.
Comme pour le cardage, ces procédés produisent parfois des fibres courtes; il est
donc recommandé d’installer une bonne ventilation et de mettre à disposition des
masques respiratoires. De plus, les yeux devraient être protégés des projections de
morceaux d’aiguilles cassées. Aux Etats-Unis, on produit chaque année 100 000
tonnes de non-tissés aiguilletés.

Si les voiles sont liés chimiquement, le procédé consiste généralement à pulvériser


l’adhésif sur une face du voile, puis à faire passer celui-ci dans une zone de
polymérisation, généralement un four ouvert. On inverse ensuite le sens du voile,
on applique à nouveau l’adhésif, et le voile repasse dans le four. Un troisième
passage dans le four est parfois nécessaire pour achever la polymérisation. Les gaz
libérés doivent naturellement être évacués et il faut recueillir et évacuer tous
les effluents toxiques (aux Etats-Unis, ces mesures sont imposées en vertu de
diverses réglementations de l’Etat fédéral ou des Etats sur la pureté de l’air). En
ce qui concerne la liaison chimique par adhésif, l’opinion internationale s’est
émue du rejet de formaldéhyde dans l’atmosphère et une réduction des émanations a
été demandée. L’Agence américaine de protection de l’environnement (Environmental
Protection Agency (EPA)) a abaissé les limites autorisées de formaldéhyde dégagé,
qui ne sont plus désormais que le dixième de ce qu’elles étaient auparavant. On
craint que ces nouvelles limites ne posent des problèmes aux laboratoires chargés
des mesurages. L’industrie des adhésifs a réagi en proposant de nouveaux liants ne
contenant pas de formaldéhyde.

Le procédé par voie pneumatique ou «air-laid»


Il existe un problème de terminologie en ce qui concerne les non-tissés obtenus par
voie pneumatique («air-laid»). L’une des variantes des procédés de cardage comprend
une cardeuse présentant une section qui distribue au hasard les fibres traitées
dans un courant d’air. Ce procédé est souvent appelé «procédé non-tissé air-laid».
Un autre procédé bien différent, également dénommé «air-laid», consiste à disperser
les fibres dans un courant d’air et à diriger les fibres en suspension vers un
dispositif qui les dépose sur un tapis roulant. Le voile formé est alors lié par
pulvérisation et polymérisé. Ce procédé de dépôt peut être répété avec différents
types de fibres afin d’obtenir des non-tissés présentant des couches de diverses
composition. Dans ce cas, les fibres utilisées peuvent être très courtes et il
convient de prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter l’inhalation de
celles qui sont en suspension dans l’air.

Le procédé par voie humide (au mouillé)


Le procédé non-tissé par voie humide emprunte la technologie mise au point pour la
fabrication du papier et consiste à former des voiles à partir de fibres dispersées
dans l’eau. L’opération est favorisée par des agents de dispersion qui permettent
d’éviter la formation de tas de fibres hétérogènes. La dispersion de fibres est
filtrée sur des tapis roulants et essorée par pressage entre des éléments en
feutre. Au cours de l’opération, on ajoute souvent un liant qui assure le liage du
voile pendant le séchage. Une autre méthode, plus récente, consiste à effectuer le
liage par aiguilletage sous jet d’eau à haute pression. Le séchage constitue
l’étape finale; il peut comporter des opérations d’adoucissement du tissu par
microcrêpage ou par toute autre technique du même genre. Ce procédé ne comporte,
semble-t-il, aucun risque majeur.

Le procédé par couture-tricotage


Ce procédé est bien souvent exclu de la définition des non-tissés, car il fait
parfois appel à des fils pour coudre les voiles afin de former des tissus.
Certaines définitions des non-tissés excluent en effet tous les tissus qui
contiennent des «fils». Dans ce procédé, le voile passe dans une machine classique
de piqûre et l’on obtient des structures présentant un grand nombre de
combinaisons, dont celles qui utilisent des fils élastiques permettant de produire
des tissus stretch. Ici encore, le procédé ne semble comporter aucun risque majeur.

Le finissage
Les traitements de surface des non-tissés comprennent l’application de retardateurs
d’ignition, d’agents hydrofuges, d’adoucissants, d’antibactériens, de
thermofusibles, de lubrifiants, etc., ainsi que les traitements antistatiques. Ces
traitements de surface des non-tissés sont appliqués, selon le procédé et le type
de traitement, soit en ligne en cours de procédé, soit après la fabrication. Le
plus souvent, les traitements antistatiques sont appliqués en ligne, de même que
les traitements de surface comme l’effet corona. Les traitements tels que les
retardateurs d’ignition et les agents hydrofuges, par contre, sont le plus souvent
appliqués ultérieurement. Parmi les traitements spécifiques, on peut noter
l’exposition des voiles à un plasma de haute densité qui a pour effet d’influencer
la polarité des tissus et d’améliorer leurs performances dans les applications de
filtrage. La sécurité de ces procédés chimiques et physiques est différente pour
chaque application et doit être étudiée dans chaque cas.

LE TISSAGE ET LE TRICOTAGE
Charles Crocker

Le tissage et le tricotage sont les deux principaux procédés de fabrication des


tissus. Ils s’effectuent aujourd’hui sur des machines automatiques entraînées par
des moteurs électriques. Les tissus obtenus sont destinés à toute une gamme
d’utilisations: vêtements, ameublement, applications industrielles, etc.

Le tissage
Le tissage consiste à entrelacer des fils tendus perpendiculairement les uns aux
autres. C’est la plus ancienne méthode de fabrication des tissus; des métiers
manuels étaient déjà utilisés dans la préhistoire. Le concept fondamental
d’entrecroisement n’a pas changé: les fils de chaîne sont disposés sur un rouleau
de grande taille appelé ensouple dérouleuse, monté à l’arrière de la machine.
L’extrémité des fils de chaîne est enfilée dans un harnais qui permet de lever ou
de baisser les fils de chaîne pour livrer passage à la navette. Le tissage le plus
simple demande deux harnais, mais on utilise parfois jusqu’à six harnais pour des
armures plus compliquées. Les métiers Jacquard sont employés pour fabriquer les
tissus aux motifs les plus décoratifs, et certains dispositifs permettent de tirer
ou de relâcher séparément chaque fil de chaîne. On enfile alors chaque extrémité de
fil sur un peigne (ou ros) aux dents métalliques parallèles et très rapprochées,
porté par la chasse ou battant du métier à tisser. Ce battant est conçu pour se
déplacer en formant un arc autour d’un point d’ancrage central. Les extrémités du
fil de chaîne sont attachées à la bobine enrouleuse, et le tissu vient s’y envider.

La plus ancienne méthode permettant de passer le fil de trame sur toute la largeur
des fils de chaîne est la navette, qui est propulsée librement d’un bord à l’autre
du métier et dévide le fil de trame placé sur une petite bobine qui se trouve à
l’intérieur. Une technique récente et plus rapide, illustrée à figure 89.9, appelée
tissage sans navette, fait appel soit à un jet fluide (air ou eau), soit à de
petits projectiles glissant sur une tringle mobile, soit encore à de petits
dispositifs en forme d’épée appelés lances ou rapières pour transférer le fil de
trame.

Figure 89.9 Machines à tisser à jet d'air


Figure 89.9

Le personnel employé dans ce secteur d’activité occupe généralement quatre types de


fonctions:

Les opérateurs de machines, appelés tisserands, qui parcourent la zone de


production dont ils sont responsables et qui contrôlent les opérations de
production, corrigent certains dysfonctionnements, par exemple en cas de rupture de
fils, et relancent les machines qui se sont arrêtées.
Les mécaniciens qui montent, règlent et réparent les machines à tisser.
Les manutentionnaires qui transportent et chargent les matières premières (fils de
chaîne et de trame) sur les métiers à tisser et récupèrent et déplacent les
produits finis (rouleaux de tissu).
Les travailleurs chargés du nettoyage, du graissage des machines, de la
maintenance, etc.
Les risques d’accidents
Le tissage ne présente que des risques limités pour la sécurité des travailleurs.
Il en existe pourtant un certain nombre qui appellent des mesures appropriées.

Les chutes
Les sols encombrés (pièces de machines, etc.) ou glissants (flaques d’huile, de
graisse ou d’eau) peuvent provoquer des chutes. Le maintien de l’ordre et de la
propreté revêt une importance particulière dans les ateliers de tissage: un grand
nombre de travailleurs de production passent la plus grande partie de leur journée
à parcourir leur lieu de travail, en gardant les yeux fixés sur les opérations en
cours et sans voir les objets qui peuvent se trouver sur le sol.

Les machines
Les dispositifs de transmission et la plupart des autres points de pincement sont
généralement protégés. En revanche, le ros, les harnais et d’autres parties des
machines auxquelles les tisserands doivent souvent accéder ne le sont que
partiellement. Un espace de travail et de passage suffisant devrait être aménagé
autour des machines; l’observation de bonnes pratiques de travail peut, en outre,
aider les travailleurs à éviter les risques qu’entraîne la marche des installations
de production. Dans le tissage à navette, des capots de protection montés sur le
ros permettent d’éviter que la navette ne soit éjectée ou de la rabattre en lui
conférant une trajectoire descendante. Le verrouillage, le blocage mécanique, etc.,
sont également nécessaires pour empêcher une mise en marche intempestive lorsqu’un
mécanicien ou d’autres travailleurs interviennent sur des machines à l’arrêt.

Les manutentions
Celles-ci comprennent le soulèvement et le déplacement de lourds cylindres d’appel,
d’ensouples d’enroulement, d’ensouples dérouleuses, etc. Des chariots à bras aident
à décharger, à faire la levée des petits rouleaux de tissu et à les transporter et
limitent le risque de lésions musculaires. Des chariots électriques sont parfois
utilisés pour procéder au levage des grands rouleaux de tissu placés à l’avant de
la machine. Des chariots hydrauliques, à commande mécanique ou manuelle, permettent
de déplacer des ensouples dérouleuses qui peuvent peser plusieurs centaines de
kilogrammes. Les manutentionnaires devraient porter des chaussures de sécurité.

Les incendies et les combustions


Le tissage génère une quantité considérable de peluche, de poussières et de fibres
en suspension qui peuvent présenter des risques d’incendie si les fibres sont
combustibles. Parmi les mesures préventives, on peut mentionner des systèmes
permettant de recueillir la poussière (placés sous les machines dans les
installations modernes), un nettoyage régulier des machines par le personnel de
service et l’utilisation de matériel électrique conçu pour éviter les étincelles
(par exemple, classe III, division 1, emplacements dangereux).

Les risques pour la santé


Dans les ateliers de tissage modernes, les risques pour la santé se limitent
généralement aux pertes auditives induites par le bruit et aux affections
respiratoires liées à certains types de fibres utilisés dans les fils.

Le bruit
La plupart des métiers à tisser, souvent nombreux dans un atelier de production
classique, produisent des niveaux de bruit généralement supérieurs à 90 dBA. Dans
certains ateliers de tissage à navette ou de tissage extrêmement rapide sans
navette, ces niveaux peuvent même dépasser 100 dBA. La plupart du temps, les
travailleurs occupés dans ce secteur d’activité devraient porter des appareils de
protection de l’ouïe appropriés et être soumis à un programme de surveillance de
leur acuité auditive.

Les poussières de fibres


Des affections pulmonaires (byssinose) ont longtemps été associées aux poussières
engendrées par le traitement du coton brut et des fibres de lin; elles sont
examinées plus loin dans le présent chapitre ainsi que dans le chapitre no 10,
«L’appareil respiratoire», de l’Encyclopédie . Dans les installations modernes, des
systèmes de nettoyage par ventilation et filtration d’air, avec des points de
collecte des poussières situés au-dessous des machines à tisser et en d’autres
points des ateliers de tissage, permettent généralement de maintenir les
concentrations de poussières à un niveau inférieur aux limites admissibles, c’est-
à-dire 750 µg/m3 d’air dans le cas de la norme de l’Administration de la sécurité
et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA))
relative aux poussières de coton. De plus, une protection respiratoire devrait être
utilisée lors des opérations de nettoyage. Un suivi médical devrait permettre
d’identifier les travailleurs particulièrement sensibles aux effets de ces
poussières.

Le tricotage mécanique *
* Les articles tricotés à la main constituent un important secteur artisanal. Les
données relatives aux effectifs des travailleurs occupés, en général des femmes,
sont notoirement insuffisantes. Le lecteur est renvoyé au chapitre no 96, «Les
arts, les loisirs et les spectacles», pour un apreçu des risques pour la santé que
cette activité fait encourir.
Le procédé de tricotage mécanique consiste à entrelacer des mailles de fil sur des
machines automatiques (voir figure 89.10). Ces machines se composent de rangées de
petites aiguilles à crochets permettant de faire passer les mailles nouvellement
formées à travers des mailles déjà formées. Les aiguilles à crochets présentent un
enclenchement original qui verrouille le crochet, ce qui permet de tirer facilement
la maille, puis s’ouvre pour permettre à la maille de descendre. Sur les
tricoteuses mécaniques circulaires, les aiguilles sont disposées en cercle, et le
tricot produit sort de la machine sous forme tubulaire et s’enroule autour d’une
envideuse. Les métiers à tricoter rectilignes et les métiers à chaîne, quant à eux,
présentent une rangée rectiligne d’aiguilles; le tricot sort à plat de la machine
et vient s’enrouler sur la bobine envideuse. Les métiers à tricoter circulaires et
les métiers à tricoter rectilignes sont généralement alimentés par des cônes de
fil, tandis que les métiers à chaîne le sont par des ensouples semblables à celles
utilisées dans le tissage, mais de plus petite taille.

Figure 89.10 Tricoteuse mécanique circulaire


Figure 89.10

Dans ce secteur d’activité, les travailleurs peuvent occuper le même type de


fonctions que dans le tissage. Le nom donné à ces fonctions correspond à celui de
la tâche qu’ils exécutent.

Les risques d’accidents


Dans les ateliers de tricotage, les risques d’accidents sont semblables à ceux des
ateliers de tissage, mais généralement moindres. Les taches d’huile sur le sol sont
cependant plutôt fréquentes dans les ateliers de tricotage, en raison du graissage
fréquent des aiguilles. Les risques de se faire happer par une machine sont, par
contre, moins importants, car il n’existe pas autant de points de pincement sur ces
machines que sur les métiers à tisser et qu’une grande partie des machines se
prêtent à l’encoffrage. Des dispositifs de verrouillage de l’alimentation
électrique sont indispensables.

Manœuvrer l’enrouleur du tissu présente malgré tout un risque d’entorse ou de


foulure pour l’opérateur, qui ne rencontre cependant pas les mêmes risques que le
travailleur appelé à manœuvrer les lourdes ensouples, sauf dans les métiers à
chaîne. Les mesures de prévention sont identiques à celles qui sont préconisées
pour le tissage. Les concentrations de peluches, de fibres en suspension et de
poussières produites par les tricoteuses sont loin d’atteindre celles du tissage,
mais il convient de surveiller les niveaux d’huile et d’essence des machines. Les
mesures de sécurité sont les mêmes que dans les ateliers de tissage.

Les risques pour la santé


Les risques pour la santé sont aussi généralement moindres dans ce secteur que dans
les ateliers de tissage. Les niveaux sonores vont en général de 85 à 95 dBA. Les
affections respiratoires ne semblent pas très fréquentes chez les travailleurs qui
traitent le coton brut et le lin, et les normes imposées pour ces matières
premières ne s’appliquent souvent pas au tricotage.

LES TAPIS MÉCANIQUES


The Carpet and Rug Institute

Les tapis tissés ou noués à la main sont apparus en Perse plusieurs siècles avant
J.-C. Aux Etats-Unis, la première manufacture de tapis tissés a été construite à
Philadelphie en 1791. En 1839, l’industrie s’est complètement transformée
lorsqu’une force motrice fut, pour la première fois, appliquée au tissage des tapis
par Erastus Bigelow. Dans les ateliers modernes, la plupart des tapis se font à la
machine, en utilisant l’un ou l’autre des deux procédés de confection mécanique, le
tuftage et le tissage.
Les tapis tuftés ou touffetés sont aujourd’hui les plus répandus. Aux Etats-Unis,
par exemple, près de 96% des tapis produits sont tuftés, procédé emprunté à la
manufacture de dessus de lit tuftés située en Géorgie. Les tapis tuftés sont
confectionnés en faisant passer une fibre de poil dans un dossier prétissé
(généralement en polypropylène), puis en y fixant un second dossier présentant un
enduit à base de latex qui maintient les fils en place et réunit les deux dossiers
pour rendre le tapis plus stable.

La confection du tapis
Le tuftage mécanique
La machine à tufter comprend des centaines d’aiguilles (jusqu’à 2 400) placées sur
une barre horizontale qui couvre toute la largeur de la machine (voir figure
89.11). Le cantre, constitué de bobines de fil placées sur des râteliers, est
dirigé par des tubes de guidage de faible diamètre vers les aiguilles placées sur
une barre à saccades, ou jerker . Généralement, il existe deux bobinots de fil pour
chaque aiguille. L’extrémité du fil du premier bobinot est réunie avec l’extrémité
du second de façon que, lorsque le fil du premier bobinot est épuisé, le fil soit
fourni par le second sans qu’il soit nécessaire d’arrêter la machine. Chaque
extrémité de fil présente un tube de guidage qui permet d’éviter que les fils ne
s’emmêlent. Les fils passent à travers une série de guides verticaux alignés et
fixes, installés sur le bâti de la machine, et par un guide situé à l’extrémité
d’un bras qui se déploie à partir de la barre à aiguilles mobile de la machine.
Lorsque la barre à aiguilles se déplace vers le haut et vers le bas, le rapport
entre les deux guides se trouve modifié. La figure 89.12 montre les produits tuftés
utilisés pour les tapis à usage domestique.

Figure 89.11 Machine à tufter


Figure 89.11

Figure 89.12 Coupe d'un tapis à usage domestique


Figure 89.12

La barre à saccades, ou jerker , reçoit le fil lâche dévidé pendant la montée des
aiguilles. Les fils sont enfilés sur leurs aiguilles respectives fixées sur la
barre. Les aiguilles se déplacent simultanément à raison de 500 courses à la minute
au moins, avec un mouvement de va-et-vient vertical. Une machine à tufter peut
produire de 1 000 à 2 000 m2 de tapis en huit heures.

Le premier élément du dossier dans lequel les fils sont insérés provient d’un
rouleau placé devant la machine. La vitesse du rouleau commande la longueur du
point et le nombre de points au cm2. Le nombre d’aiguilles au centimètre détermine
la jauge du tissu, 3/16 ou 5/32, par exemple.

Au-dessous de la plaque à aiguilles de la machine à tufter se trouvent des


boucleurs ou des combinaisons de boucleurs et de couteaux qui prélèvent et
retiennent momentanément les fils transportés par les aiguilles. Pour former des
poils bouclés, on a recours à des boucleurs configurés comme des crosses inversées
de hockey dont chaque tressautement éloigne les boucles de poils qu’ils ont formées
à mesure que le dossier se déroule.

Les boucleurs pour poils coupés ont une forme de «C» inversé et une surface
coupante sur le bord supérieur interne du croissant. Ils sont utilisés en
association avec des couteaux qui présentent un tranchant émoussé à une extrémité.
Au fur et à mesure que le dossier avance dans la machine vers les boucleurs pour
poils coupés, les fils prélevés dans les aiguilles sont coupés par cisaillement
entre le boucleur et l’arête tranchante du couteau. Sur les figures 89.13 et 89.14,
on peut voir les touffes sur un dossier et les différents types de boucles.

Figure 89.13 Coupe d'un tapis à usage commercial


Figure 89.13

Figure 89.14 Boucles; poils coupés et boucles; velours, laine de Saxe


Figure 89.14

Le tissage
Le tapis tissé est constitué d’un fil velours tissé en même temps que les fils de
chaîne et de trame qui forment l’intégralité du dossier. Les fils du dossier sont
généralement en jute, en coton ou en polypropylène. Le fil velours peut être en
laine, en coton ou en fibres synthétiques comme le nylon, le polyester, le
polypropylène, l’acrylique, etc. Un enduit est appliqué sur l’envers pour
stabiliser le tapis; un second dossier n’est pas nécessaire et n’est que rarement
ajouté. Parmi les variantes du tapis tissé, on peut noter le tapis velours, le
Wilton et le tapis Axminster.

Il existe d’autres méthodes de confection des tapis — tapis tricotés, aiguilletés,


liés par fusion —, mais ces méthodes sont moins utilisées et concernent des
produits et des marchés spécifiques.

La production des fibres et des fils


Les tapis sont confectionnés principalement avec des fils synthétiques — nylon,
polypropylène (oléfine) et polyester — et, acces-soirement, avec des fils
d’acrylique, de laine, de coton et des mélanges de ces différents fils. Dans les
années soixante, l’usage des fibres synthétiques s’est généralisé parce qu’elles
permettent d’obtenir un produit de qualité et de longue durée à un prix
raisonnable.

Les fils synthétiques sont obtenus par extrusion d’un polymère fondu injecté à
travers les très petits orifices d’une plaque métallique, ou filière. On ajoute
parfois au polymère fondu des additifs pour obtenir des teintures dans la masse ou
des fibres moins transparentes, plus blanches et plus durables, ou encore d’autres
propriétés particulières. A la sortie de la filière, les filaments sont refroidis,
étirés et texturés.

Les fibres synthétiques peuvent être extrudées sous différentes formes et en


différentes sections — rondes, à trois lobes, à cinq lobes, à huit lobes ou carrées
— suivant la configuration et la forme des orifices de la filière. Ces diverses
sections déterminent de nombreuses propriétés du tapis (lustre, volume, texture
résistance aux salissures, etc.).

Après extrusion, les fibres font l’objet de traitements comme l’étirage et le


recuit (chauffage-refroidissement) qui augmentent leur résistance à la traction et
améliorent l’ensemble de leurs propriétés physiques. Le faisceau de filaments fait
ensuite l’objet d’un traitement de frisage ou de texturage, ce qui confère aux
filaments droits une configuration en vrilles, en spirales ou en dents de scie.

Le fil peut être produit soit sous forme de brin soit sous forme de filament
continu gonflant. Ce dernier est constitué de fils continus de fibre synthétique
formant faisceaux. Le fil extrudé s’obtient en enroulant directement sur des
bobines de renvidage le nombre de filaments correspondant au nombre de deniers que
l’on souhaite obtenir.

Les fibres en brins sont transformées en fils filés par les procédés classiques de
filage des textiles. Pour obtenir des fibres en brin, on extrude de gros faisceaux
de fibres appelés «câbles de filature». Après frisage, le câble est coupé en fibres
de 10 à 20 cm de longueur. Trois étapes importantes interviennent dans la
préparation — mélangeage, cardage et étirage — avant le filage. Le mélangeage
associe des balles de fibres en brins afin que les fibres s’entremêlent et que le
fil ne se divise pas au cours des opérations ultérieures de teinture. Le cardage
redresse les fibres et les configure en rubans. L’étirage a trois fonctions
principales: il mélange les fibres, les dispose en parallèle et diminue le poids
par unité de longueur de l’ensemble du faisceau de fibre, ce qui facilite le filage
au stade final.

Après le filage, qui étire le ruban jusqu’à la taille désirée, le fil est formé en
torons et retordu pour obtenir différents effets. Il est ensuite enroulé sur des
cônes pour être préparé en vue du thermofixage et du retordage.

Les techniques de coloration


Les fibres synthétiques revêtant diverses formes, elles retiennent différemment la
teinture et ne réagissent pas non plus de la même façon aux colorants. On peut
traiter et modifier des fibres du même type de façon à modifier leur affinité pour
certains colorants; on obtient ainsi un effet bicolore ou multicolore.

L’opération de coloration des tapis peut être effectuée à deux stades de la


fabrication: on peut teindre la fibre ou le fil avant même que le tissu soit tufté
(teinture préalable), ou teindre le tissu tufté (teinture ultérieure des produits
écrus) avant l’application du second dossier et les opérations de finissage. Les
méthodes de teinture préalable comprennent la teinture dans la masse, la teinture
en bourre et la teinture sur fil. Les méthodes de teinture ultérieure des produits
écrus comprennent: la teinture de la pièce, l’application du colorant à partir d’un
bain de teinture sur le tapis non fini; la teinture en bac à tourniquet, qui traite
des lots de produits écrus d’environ 150 m de long; la teinture en continu, qui
consiste à teindre des quantités pratiquement illimitées à l’aide d’un appareil
fixe injectant de la teinture sur toute la largeur d’un tapis progressivement
déroulé sous le dispositif d’application. L’impression des tapis se fait à l’aide
d’un matériel qui est sensiblement le même que le matériel d’impression des
textiles, mais en plus grand. On utilise des machines d’impression à cadre plat ou
au rouleau.

Le finissage des tapis


Le finissage des tapis répond à trois objectifs: ancrer chaque touffe dans le
dossier, fixer le dossier tufté à un second dossier, tondre et nettoyer les poils
pour donner à la surface une belle apparence. Le fait d’ajouter un second dossier,
en polypropylène tissé, en jute ou en matelassé, par exemple, permet de stabiliser
les dimensions du tapis.

On enduit tout d’abord l’envers du tapis, généralement avec un rouleau tournant


dans un mélange de latex synthétique étalé au moyen d’une racle (ou docteur). Le
latex est une solution visqueuse, dont la viscosité dynamique est généralement de 8
000 à 15 000 centipoises; on utilise normalement de 750 à 950 g de latex par mètre
carré.

Un second dossier est délicatement placé sur l’enduit de latex. On presse alors les
deux dossiers l’un contre l’autre entre deux cylindres de liaison. L’ensemble,
maintenu bien à plat et sans pli, passe ensuite dans un long four qui mesure
généralement de 24 à 49 m de long, dans lequel s’effectuent le séchage et la
polymérisation dans trois zones de température échelonnées entre 115 et 150 °C, et
cela pendant 2 à 5 minutes. Le séchage du tapis demande un taux élevé
d’évaporation, obtenu en soufflant de l’air chaud vers des zones dans lesquelles la
chaleur est strictement contrôlée.

On tond le tapis légèrement en surface pour le débarrasser du duvet qui aurait pu


se former sur les extrémités des fibres pendant les opérations de teinture et de
finissage. La tondeuse est une machine qui brosse énergiquement les poils du tapis
pour les redresser et les uniformiser; une série de lames rotatives coupent
l’extrémité des fibres à la hauteur voulue. Deux ou quatre lames opèrent en tandem.
La machine à double tondage présente un double jeu de brosses dures en nylon ou en
soies de sanglier et deux têtes par unité, utilisées en tandem. Le tapis est
soigneusement inspecté, emballé et entreposé, ou découpé, emballé et expédié.

Les mesures de sécurité et de santé dans les ateliers de confection de tapis


L’adoption, la mise en application et le suivi de mesures de sécurité adéquates est
la règle dans les ateliers modernes ainsi que, le cas échéant, le démarrage rapide
et la conduite d’enquêtes approfondie lors d’un d’accident. L’encoffrement des
machines a permis de renforcer la sécurité. Une maintenance de qualité est jugée
essentielle tant pour améliorer la qualité et la productivité que pour protéger les
travailleurs.

Le personnel devrait être familiarisé avec les installations électriques et les


pratiques permettant d’éviter les accidents pouvant résulter d’une mise en marche
intempestive des machines. Il devrait également savoir distinguer les pièces sous
tension des autres pièces de l’équipement électrique, déterminer la tension
nominale des pièces exposées et sous tension et connaître les distances de sécurité
nécessaires en fonction des tensions correspondantes. Lorsque des machines sont
mises à l’arrêt et que l’alimentation électrique est verrouillée, les travailleurs
doivent être informés qu’il leur est interdit de les remettre en marche ou de les
remettre sous tension.

Les matériels anciens encore en usage devraient être fréquemment inspectés et les
pièces déformées remplacées si besoin est. Les arbres de transmission, les
courroies trapézoïdales, les mécanismes d’entraînement à poulie, à chaîne et à
pignons, les treuils et les appareils de levage devraient être régulièrement
inspectés et des dispositifs de protection installés là où ils sont nécessaires.

Dans les ateliers, on utilise des chariots porte-bobines que l’on pousse à la main
pour déplacer la matière première; étant donné que des résidus de la production du
fil s’accumulent sur le sol, il convient de nettoyer les roues de ces chariots pour
éviter qu’elles ne se bloquent.

Les travailleurs devraient connaître les risques que présente la mise en œuvre
d’air comprimé, qui est d’un usage courant dans les opérations de nettoyage.

Des chariots élévateurs à fourche, électriques ou au propane, sont largement


utilisés dans la fabrication de tapis et dans les entrepôts. Il est
particulièrement important d’en assurer un bon entretien et de procéder avec
prudence lorsqu’on fait le plein de carburant ou que l’on change une batterie. Ces
chariots à fourche étant employés dans des locaux où d’autres personnes
travaillent, différentes précautions s’imposent: passages exclusivement réservés
aux travailleurs et auxquels les chariots n’ont pas accès, signaux provisoires
lorsque des personnes doivent travailler dans des zones de fort passage des
chariots à fourche, accès aux entrepôts et au quai d’expédition réservé aux
opérateurs de chariots à fourche et au personnel chargé de l’expédition,
aménagement d’une circulation à sens unique, etc.

Une révision de la conception des machines visant à limiter les mouvements


répétitifs devrait contribuer à réduire le nombre de lésions dues à ces mouvements.
On devrait également encourager les travailleurs à pratiquer régulièrement des
exercices simples des mains et des poignets, leur ménager des pauses suffisantes et
procéder à de fréquentes rotations.

On peut limiter les troubles musculo-squelettiques résultant du soulèvement et du


port des charges en faisant appel à des engins mécaniques, à des chariots à bras et
à des chariots mécaniques, en disposant les matières premières sur des plates-
formes ou des tables et, si possible, en facilitant leur manutention par la
réduction de leurs dimensions, de leur volume et de leur poids. Une formation aux
techniques correctes de soulèvement des charges et des exercices physiques peuvent
aussi s’avérer utiles, notamment chez les ouvriers reprenant le travail après un
arrêt dû à des dorsalgies.

Il est conseillé de mettre au point un programme de protection de l’ouïe pour


éviter les troubles résultant des niveaux élevés de bruit que l’on rencontre dans
certains ateliers. Des contrôles du niveau sonore des machines permettront de
déterminer les zones dans lesquelles les moyens de prévention technique ne sont pas
suffisamment efficaces et dans lesquelles les travailleurs devraient porter un
équipement de protection individuelle et être soumis chaque année à un test
audiométrique.

Les ateliers devraient se conformer aux normes modernes d’extraction des peluches
et des poussières et de dissipation de la chaleur.

LES TAPIS TISSÉS ET TUFTÉS À LA MAIN


M.E. Radjabi *

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de


l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

Tous les tapis d’Orient sont tissés à la main. Ils sont souvent confectionnés à
domicile; tous les membres de la famille, y compris les très jeunes enfants,
travaillent sur le métier de longues heures pendant la journée et même la nuit. Il
s’agit parfois simplement d’une occupation à temps partiel pour la famille; dans
certaines régions, la confection des tapis n’est plus effectuée à domicile, mais
s’est déplacée vers des manufactures dont la taille demeure généralement modeste.

Les opérations
Les opérations associées à la confection des tapis comprennent la préparation du
fil — qui consiste à tirer la laine et à la classer en diverses variétés, à la
laver, à la filer et à la teindre —, le dessin du motif du tapis et le tissage
proprement dit.

La préparation du fil
Parfois, le fil est déjà façonné et teint lorsqu’il parvient aux ateliers de
tissage. Dans d’autres cas, la fibre brute, le plus souvent de laine, est préparée,
filée et teinte sur place. La première opération, généralement effectuée par des
femmes assises à même le sol, consiste à classer la matière première par variété.
Ensuite, la laine est lavée et filée à la main. La teinture se fait habituellement
dans des récipients ouverts, et l’on emploie principalement des colorants à base
d’aniline ou d’alizarine; les colorants naturels ne sont plus guère utilisés.

Le dessin et le tissage
Dans la fabrication familiale ou «tribale», les motifs sont traditionnels et il
n’est pas nécessaire d’en inventer de nouveaux; toutefois, dans une entreprise
employant un certain nombre de travailleurs, un dessinateur trace des ébauches
qu’il transpose sur du papier quadrillé, dont chaque case représente un point; le
tisseur peut ainsi s’assurer du nombre et de la disposition des nœuds.

Le métier se compose le plus souvent de deux cylindres de bois horizontaux fixés


sur des montants. L’un des cylindres est situé à une distance de 10 à 30 cm au-
dessus du sol, l’autre à environ 3 m; le fil de chaîne est tendu verticalement
entre les deux cylindres. Il n’y a habituellement qu’un seul tisseur par métier
mais, pour les tapis de grandes dimensions, leur nombre peut aller jusqu’à six. Une
fois sur deux, le tisseur est accroupi à même le sol devant le cylindre inférieur.
Parfois, il est assis sur une poutre de bois ou sur une planche horizontale
étroite, que l’on relève au fur et à mesure que le travail avance. Le tisseur doit
nouer de petites longueurs de fil de laine ou de soie autour des fils de chaîne
pris deux à deux, puis passer le fil à la main d’une lisière à l’autre du tapis.
Chaque fil de trame ou duite est étroitement appliqué contre la fibre du tapis au
moyen d’un peigne manœuvré à la main. Les touffes de fil dépassant de la fibre sont
égalisées ou coupées aux ciseaux.

Tandis que le tapis avance, il est souvent enroulé autour du cylindre inférieur,
dont le diamètre augmente. Lorsque le tisseur est accroupi à même le sol, la
position du cylindre inférieur l’empêche d’allonger les jambes et, à mesure que le
diamètre de ce cylindre augmente, le tisseur est repoussé en arrière et doit se
courber de plus en plus en avant pour nouer les fils (voir figure 89.15). Cette
posture peut être évitée lorsque les tisseurs sont assis ou accroupis sur une
poutre que l’on peut relever jusqu’à 4 m au-dessus du sol mais, là encore, ils
n’ont bien souvent pas la place suffisante pour étendre leurs jambes et sont
contraints de demeurer dans une position inconfortable. Dans certains cas,
pourtant, le tisseur peut s’asseoir sur un siège fixe, équipé d’un dossier et d’un
coussin (il s’agit en fait d’une chaise sans pieds qui peut être déplacée
horizontalement le long de la poutre au fur et à mesure que le travail avance). Des
types améliorés de métiers surélevés ont été mis au point; ils permettent au
tisseur d’être assis sur une chaise et de disposer d’une place suffisante pour
étendre ses jambes.

Figure 89.15 Métier ancien – le tisseur est obligé de rester accroupi


Figure 89.15

Dans certaines régions d’Iran, les fils de chaîne sont disposés horizontalement et
le tisseur doit s’installer sur le tapis lui-même, ce qui rend sa tâche encore plus
difficile.

Les risques pour la santé


La confection des tapis, bien souvent encore effectuée à domicile, comporte de
nombreux risques: en effet, les maisons sont pauvres, les pièces sont petites et
surpeuplées, mal éclairées et mal aérées. Le matériel et les méthodes se
transmettent de génération en génération, ne laissant pratiquement aucune place aux
possibilités d’éducation et de formation qui permettraient de rompre avec les
techniques traditionnelles. Les tisseurs sont sujets à des déformations osseuses, à
des troubles oculaires et sont soumis à des risques mécaniques et aux
intoxications.

Les déformations osseuses


La position accroupie que les tisseurs doivent adopter devant les métiers de type
ancien et la nécessité de se courber pour faire les nœuds provoquent à la longue
des déformations importantes. Celles-ci sont souvent aggravées par les carences
nutritionnelles liées à la pauvreté. Si les travailleurs sont ainsi employés dès le
plus jeune âge, leurs membres inférieurs risquent d’être déformés (genu valgum), et
ils peuvent également souffrir d’arthrite déformante du genou. Le rétrécissement du
bassin que l’on observe parfois chez les femmes peut occasionner des accouchements
difficiles, nécessitant souvent une césarienne. Les déformations de la colonne
vertébrale (scolioses et lordoses) sont également très fréquentes.

Les troubles oculaires


Le tisseur doit porter une attention constante au point ou au nœud qu’il est en
train de faire, ce qui peut entraîner une fatigue oculaire considérable, notamment
lorsque l’éclairage est insuffisant. Il faut souligner que, dans certains ateliers
à domicile, l’éclairage électrique demeure inconnu et que l’on utilise encore des
lampes à pétrole ou à huile pour travailler après la tombée du jour. On a observé
des cas de cécité presque complète survenant après seulement douze ans de travail.

Les affections des mains et des doigts


Le fait de nouer constamment les fils et de faire passer avec les doigts les fils
de trame à travers les fils de chaîne provoque une enflure des phalanges, de
l’arthrite et des névralgies qui occasionnent des déformations permanentes.

Le stress
L’extrême précision de ce travail, qui demande une grande dextérité et une
attention constante pendant de longues heures, provoque parfois des troubles
nerveux et un stress que ne peuvent qu’aggraver l’exploitation des travailleurs et
une discipline très dure. Les enfants se voient souvent «voler leur enfance», et
les adultes, qui manquent généralement des contacts sociaux indispensables à un bon
équilibre affectif, peuvent développer des maladies nerveuses qui se traduisent par
des tremblements des mains (susceptibles de diminuer leur rendement) et, parfois,
des troubles mentaux.

Les risques mécaniques


Ils sont pratiquement inexistants, étant donné qu’aucune machine à moteur n’est
utilisée. Si les métiers ne sont pas convenablement entretenus, le système de
levier qui permet de régler la tension de la chaîne risque de se rompre et de
heurter le tisseur. Ce risque peut être prévenu par la mise en place d’un
dispositif de tension à engrenage.

Les risques chimiques


Les colorants utilisés, surtout lorsqu’ils sont employés avec du bichromate de
potassium ou de sodium, peuvent provoquer des infections cutanées et des
dermatoses. L’emploi d’ammoniaque, d’acides puissants et d’alcalis présente
également un danger. Les dessinateurs se servent parfois de pigments au plomb et
l’on a observé chez eux des cas de saturnisme, car ils ont l’habitude de sucer
l’extrémité du pinceau pour en lisser les poils; les pigments au plomb devraient
être remplacés par d’autres, non toxiques.

Les risques biologiques


Les germes infectieux contenus dans la laine brute provenant de régions dans
lesquelles le bacille est endémique peuvent provoquer le charbon. Les autorités
locales compétentes veilleront à ce que la laine soit convenablement stérilisée
avant d’être livrée aux ateliers et aux fabriques.

Les mesures préventives


Les opérations de tri des matières premières telles que la laine, le poil de
chameau ou de chèvre, etc. devraient s’effectuer au-dessus d’une grille métallique
pourvue d’un dispositif d’aspiration permettant de capter toutes les poussières et
de les évacuer vers un collecteur situé à l’extérieur.

Les locaux dans lesquels on procède au lavage et à la teinture de la laine


devraient être convenablement ventilés, et des gants de caoutchouc et des tabliers
imperméables fournis au personnel chargé de ces opérations. Tous les déchets
liquides devraient être neutralisés avant d’être rejetés dans les cours d’eau ou
les égouts.

Un bon éclairage est indispensable dans les locaux de dessin et de tissage.


L’éclairage pose problème lorsqu’il n’y a pas d’électricité et que le travail se
poursuit après la tombée du jour.

L’amélioration la plus importante consisterait à surélever le rouleau inférieur du


métier. Les tisseurs n’auraient plus à s’accroupir à même le sol de façon
inconfortable et antihygiénique et pourraient s’asseoir sur un bon siège. Cet
aménagement ergonomique permettrait non seulement d’améliorer la santé des
travailleurs, mais également d’accroître leur rendement.

Les ateliers devraient être nettoyés et bien aérés et être revêtus d’un plancher
remplaçant la terre battue. Par temps froid, ils devraient être chauffés. La
manipulation des fils de chaîne est pénible pour les doigts et peut occasionner de
l’arthrite: aussi emploiera-t-on le plus souvent possible des couteaux spéciaux en
forme de crochet pour nouer les fils de chaîne. Des examens médicaux d’embauche et
périodiques sont vivement recommandés pour tous les travailleurs.

Les tapis tuftés à la main


La confection de tapis par nouage du fil à la main est un procédé très lent. Le
nombre de nœuds varie de 2 à 360 par cm2, suivant la qualité du tapis. Un tapis de
grandes dimensions au motif complexe peut demander une année de travail et le
nouage de centaines de milliers de nœuds.

Le tuftage à la main est une autre méthode de confection des tapis. On utilise pour
cela un outil spécial présentant une aiguille dans le chas de laquelle on enfile le
fil. Un calicot sur lequel a été tracé le dessin du tapis est suspendu
verticalement; lorsque le tisseur place l’outil contre le tissu et appuie sur un
bouton, l’aiguille pénètre dans le tissu puis se rétracte, en laissant sur l’envers
une boucle de fil d’environ 10 mm. Il déplace alors horizontalement l’outil de 2 ou
3 mm, en laissant une boucle à la surface du tissu, et appuie à nouveau sur le
bouton pour former une nouvelle boucle sur l’envers. Avec un peu d’habitude, on
peut obtenir en une minute jusqu’à 30 boucles de chaque côté. Selon le dessin, le
tisseur doit s’arrêter de temps à autre pour changer la couleur de fil en fonction
du motif. Lorsque cette opération est achevée, le tapis est descendu et étendu par
terre à l’envers. On applique alors sur l’envers un enduit de caoutchouc, puis un
dossier en toile de jute résistante. On retourne ensuite le tapis sur l’endroit et
les boucles de fil sont égalisées au moyen de ciseaux électriques. Parfois, le
motif du tapis est obtenu en coupant les poils à des hauteurs différentes.

Cette méthode de confection engendre nettement moins de risques que la manufacture


des tapis noués à la main. L’opérateur est généralement assis sur une planche
devant la toile et a suffisamment de place pour étendre ses jambes. On soulève la
planche au fur et à mesure que le travail avance. Pour un plus grand confort, le
tisseur pourrait disposer d’un dossier pour s’appuyer et d’un siège confortable
qu’il déplacerait horizontalement le long de la planche à mesure que le tapis
avance. L’effort visuel est moins grand et les mouvements des doigts ou des mains
ne sont pas susceptibles dans ce cas d’engendrer des affections ou des
déformations.

L’enduit de caoutchouc employé pour ce type de tapis contient généralement un


solvant toxique et inflammable. L’opération de revêtement devrait donc être
effectuée dans un local indépendant, équipé d’un système efficace de ventilation
par extraction, d’au moins deux sorties de secours et dont sont bannies les flammes
nues et les lampes non protégées. Dans ce local, tous les interrupteurs et les
équipements électriques devraient être conformes aux normes imposées pour les
matériels antidéflagrants. On ne conservera dans ce local que la quantité minimale
d’enduits inflammables et des extincteurs seront prévus. Un local ignifugé
d’entreposage des solutions inflammables ne devrait pas être situé à l’intérieur
d’un bâtiment occupé.

La législation
Dans la plupart des pays, les dispositions d’ordre général relatives aux
établissements industriels fixent les conditions de sécurité et de santé. Parfois,
pourtant, elles ne s’appliquent pas aux entreprises familiales ou au travail à
domicile et sont difficiles à mettre en œuvre dans les petites entreprises isolées
qui emploient néanmoins de nombreux travailleurs. Cette branche d’activité est
connue pour l’exploitation de la main-d’œuvre et le travail des enfants, bien
souvent au mépris de toutes les réglementations en vigueur. On peut espérer que le
mouvement qui se fait jour dans le monde entier (depuis le milieu des années
quatre-vingt-dix) parmi les acheteurs de tapis tissés ou tuftés à la main, et qui
préconise le boycott des produits issus d’un travail au noir ou confectionnés par
des travailleurs exploités, permettra de mettre fin à cette situation.
LES TROUBLES RESPIRATOIRES ET LES AUTRES MALADIES OBSERVÉS DANS L’INDUSTRIE TEXTILE
E. Neil Schachter

Il y a près de 300 ans que l’on parle des risques liés au travail dans l’industrie
textile. Au début du XVIIIe siècle, Ramazzini, 1713 [1964] décrivait déjà une forme
particulière d’asthme chez les cardeurs de lin et de chanvre. Il évoquait les
poussières malodorantes et toxiques qui provoquaient une toux incessante finissant
par évoluer en affection asthmatique. Ce type de symptôme est effectivement apparu
dès les débuts de l’industrie textile, comme le montrent les études physiologiques
de Bouhuys et coll. (1973) à Philipsburg Manor (recherches sur l’implantation dans
les premières colonies néerlandaises de North Tarrytown, New York, Etats-Unis).
Pendant tout le XIXe siècle et au début du XXe siècle, de nombreux auteurs ont
décrit de plus en plus souvent les manifestations respiratoires des maladies
professionnelles observées dans les usines textiles. Ces pathologies ont cependant
été souvent ignorées, aux Etats-Unis, jusqu’au milieu du XXe siècle où les enquêtes
menées sous la direction de Richard Schilling (1981) ont indiqué que, malgré les
dénis de l’industrie et du gouvernement, la byssinose était bien une réalité
(American Textile Reporter, 1969; Britten, Bloomfield et Goddard, 1933; Department
of Labor (DOL), 1945). De nombreuses études ultérieures ont montré que les
travailleurs du textile souffrent de leur milieu de travail dans toutes les régions
du monde.

Historique des syndromes cliniques observés dans l’industrie textile


Le travail dans l’industrie textile est associé à de nombreux symptômes
respiratoires, dont les plus fréquents et les plus caractéristiques sont, de loin,
ceux de la byssinose. Comme on peut le lire dans le chapitre no 10, «L’appareil
respiratoire», de la présente Encyclopédie, de nombreuses fibres végétales, mais
pas toutes, peuvent être à l’origine d’une byssinose chez les personnes occupées à
leur transformation en produits textiles. Cette maladie se caractérise
principalement par sa relation temporelle avec la semaine de travail. Typiquement,
après quelques années passées dans cette branche, le travailleur décrit une
sensation de constriction thoracique qui débute le premier jour de travail de la
semaine. Ce symptôme disparaît dans la soirée et aucune gêne n’est plus ressentie
jusqu’au lundi suivant. Cette dyspnée du lundi peut subsister telle quelle pendant
plusieurs années, mais aussi progresser, les symptômes étant alors ressentis les
autres jours, voire pendant toute la semaine de travail. Au stade final, la maladie
se manifeste aussi pendant les jours de congé et les vacances. Lorsque les
symptômes deviennent permanents, la dyspnée est décrite comme dépendant de l’effort
physique. A ce stade, une toux non productive peut être présente. Les symptômes du
lundi s’accompagnent d’une réduction de la fonction pulmonaire par rapport à la
valeur de référence, qui peut aussi être constatée les autres jours, même en
l’absence de symptômes, bien que les modifications physiologiques ne soient pas
aussi marquées (Bouhuys, 1974; Schilling, 1956). La fonction pulmonaire basale
(enregistrée le lundi avant la reprise du travail) se détériore au fur et à mesure
de l’évolution de la maladie. Les modifications respiratoires et physiologiques
caractéristiques observées chez les personnes atteintes de byssinose ont été
codifiées selon différents stades (voir tableau 89.2) qui servent actuellement de
référence à la plupart des études cliniques et épidémiologiques. Des symptômes
autres que la constriction thoracique, notamment la toux et la bronchite, sont
fréquents chez les travailleurs de l’industrie textile. Il s’agit probablement de
variantes dues à l’irritation des voies aériennes provoquée par l’inhalation de
poussières.

Tableau 89.2 Stades de la byssinose


Stade 0

Absence de troubles, de constriction thoracique et de toux


Stade 1/2

Constriction thoracique ou toux occasionnelle le premier jour de travail de la


semaine

Stade 1

Constriction thoracique systématique le premier jour de travail de la semaine

Stade 2

Constriction thoracique systématique le premier jour de travail de la semaine et


certains autres jours

Stade 3

Symptômes de stade 2, accompagnés d’incapacité permanente due à une détérioration


de la fonction respiratoire

Source: Bouhuys, 1974.

Il n’existe malheureusement à ce jour aucun test simple pour confirmer un


diagnostic de byssinose. Celui-ci doit être posé sur la base des signes physiques
et fonctionnels présentés par le sujet et des connaissances du médecin quant au
contexte clinique et industriel susceptible de favoriser cette pathologie. Bien
qu’elles ne soient pas toujours spécifiques, les données sur la fonction
respiratoire peuvent être très utiles pour poser le diagnostic et déterminer la
gravité des troubles.

Outre la byssinose classique, les travailleurs du textile peuvent être victimes de


plusieurs autres syndromes, en général accompagnés de fièvre et non liés au premier
jour de la semaine de travail.

La fièvre du coton (appelée aussi fièvre du chanvre): la maladie se caractérise par


de la fièvre, de la toux, des frissons et une rhinite apparaissant lors du premier
contact avec l’atelier ou lors de la reprise du travail après une absence
prolongée. La constriction thoracique ne paraît pas associée à ce syndrome. La
fréquence des observations est très variable, allant de 5% du personnel (Schilling,
1956) à la majeure partie des effectifs (Uragoda, 1977; Doig, 1949; Harris et
coll., 1972). En principe, les symptômes régressent au bout de quelques jours, même
si le sujet reste dans l’atelier. Le mécanisme pathogène a été imputé à une
endotoxine présente dans des débris végétaux. Cette pathologie a été mise en
relation avec une entité couramment décrite aujourd’hui dans les branches
d’activité mettant en œuvre des matières organiques, le syndrome toxique dû aux
poussières organiques, examiné dans le chapitre no 10, «L’appareil respiratoire».

La toux des tisserands est avant tout un état asthmatique typiquement accompagné de
fièvre, qui survient aussi bien chez les nouveaux travailleurs que chez les
anciens. Contrairement à la fièvre du coton, les symptômes peuvent persister
pendant des mois. Le syndrome a été associé à des produits utilisés pour traiter le
fil, tels que la poudre de graines de tamarin (Murray, Dingwall-Fordyce et Lane,
1957) et la gomme de caroube (Vigliani, Parmeggiani et Sassi, 1954).

Le troisième syndrome autre que la byssinose associé à la fabrication des textiles


est la fièvre du matelassier (Neal, Schneiter et Caminita, 1942). Ce terme fait
référence au contexte dans lequel la maladie a été décrite, se caractérisant par un
épisode aigu de fièvre et d’autres symptômes constitutionnels, dont des troubles
digestifs et une gêne rétrosternale chez des travailleurs manipulant du coton de
basse qualité. Ces troubles ont été attribués à la contamination du coton par
Aerobacter cloacae.

En général, ces syndromes fébriles sont considérés comme cliniquement distincts de


la byssinose. Dans des études effectuées par Schilling (1956), sur 528 travailleurs
du coton, 38 avaient des antécédents de fièvre du coton. La prévalence de cette
pathologie chez les travailleurs atteints de byssinose classique était de 10%
(14/134), contre 6% (24/394) parmi les personnes indemnes de cette maladie. Les
différences observées n’étaient pas statistiquement significatives.

La bronchite chronique, telle que définie d’après les antécédents médicaux, est
très fréquente chez les travailleurs du textile et, notamment, chez les non-
fumeurs. Cette observation n’est pas étonnante puisque la caractéristique
histologique dominante de la bronchite chronique est une hyperplasie des glandes
muqueuses (Edwards et coll., 1975; Moran, 1983). La symptomatologie de la bronchite
chronique doit être soigneusement distinguée des symptômes de la byssinose
classique, bien que les troubles se recoupent souvent et qu’il existe probablement
dans ce contexte différentes manifestations physiopathologiques de la même
inflammation des voies respiratoires.

Les études pathologiques des travailleurs du textile sont peu nombreuses. Les
observations montrent toutefois que les grandes voies aériennes sont
systématiquement impliquées (Edwards et coll., 1975; Rooke, 1981a; Moran, 1983),
sans que l’on ne relève aucun signe de destruction du parenchyme pulmonaire
(emphysème) (Moran, 1983).

L’évolution clinique de la byssinose


Une maladie aiguë ou chronique?
Le système de classification présenté au tableau 89.2 correspond à une progression
allant des symptômes du lundi à une affection respiratoire chronique et
pratiquement irréversible chez les sujets atteints de byssinose. Les résultats des
études transversales, dont la première a été conduite dans le Lancashire (Royaume-
Uni), dans des ateliers de traitement du coton, ont démontré le caractère évolutif
de la maladie, avec des formes de byssinose dont la sévérité était liée à
l’ancienneté de l’exposition (Schilling, 1956). Des résultats similaires ont été
mis en évidence par d’autres enquêtes (Molyneux et Tombleson, 1970). L’évolution de
la maladie peut aussi survenir assez rapidement après l’embauche, c’est-à-dire dès
les premières années (Mustafa, Bos et Lakha, 1979).

Les études transversales ont également montré que d’autres symptômes et syndromes
respiratoires chroniques, tels que sifflement ou bronchite chronique, sont aussi
beaucoup plus fréquents chez les personnes qui ont travaillé longtemps dans
l’industrie cotonnière qu’au sein d’une population témoin comparable (Bouhuys et
coll., 1977; Bouhuys, Beck et Schoenberg, 1979). La fréquence des cas de bronchite
chronique était systématiquement plus élevée chez les travailleurs du coton que
dans les populations témoins, même après ajustement tenant compte du sexe et du
tabagisme. Dans la byssinose de stade 3, outre la symptomatologie, les sujets
présentent des modifications de la fonction respiratoire. Apparue dans les études
transversales portant sur des travailleurs du textile, l’association entre la
détérioration de la fonction respiratoire et les stades les plus avancés de la
byssinose tend à mettre en évidence le caractère évolutif de la maladie du stade 1
vers le stade 3. Plusieurs de ces études transversales indiquent en outre que la
diminution de la fonction pulmonaire au cours de la semaine de travail par rapport
à la valeur de référence (corrélée à la constriction thoracique aiguë) est associée
à une évolution chronique irréversible.

Dans une étude de Roach et Schilling (1960), l’existence d’une relation dose-
réponse dans la symptomatologie aiguë confirme la relation entre pathologies aiguës
et chroniques chez les travailleurs de l’industrie textile. Ces auteurs ont observé
une relation linéaire très marquée entre la réponse biologique et les
concentrations de poussières sur le lieu de travail. D’après leurs observations, la
limite de sécurité applicable à l’exposition à des poussières macroscopiques se
situe à 1 mg/m3. Cette valeur a été adoptée ultérieurement par la Conférence
américaine des hygiénistes gouvernementaux du travail (American Conference of
Governmental Industrial Hygien-ists (ACGIH)) et, jusqu’à la fin des années
soixante-dix, elle est restée en vigueur aux Etats-Unis pour les poussières de
coton. Des observations rapportées par la suite ont démontré que les poussières
fines (< 7 µm) étaient responsables de pratiquement tous les cas de byssinose
(Molyneux et Tombleson, 1970; Mckerrow et Schilling, 1961; McKerrow et coll., 1962;
Wood et Roach, 1964). Une étude faite en 1973 par Merchant et coll. sur les
symptômes respiratoires et la fonction pulmonaire dans 22 usines textiles de
Caroline du Nord a porté sur 1 260 travailleurs du coton, 803 du coton et du
synthétique et 904 de la laine et du synthétique. Cette étude a confirmé la
relation linéaire qui existe entre la prévalence de la byssinose (et la
détérioration de la fonction pulmonaire) et les concentrations de poussières
exemptes de fibres de coton.

Les modifications de la fonction respiratoire que semblaient indiquer les études


transversales ont été confirmées par un certain nombre d’études longitudinales qui
complètent et prolongent les résultats antérieurs. Les études longitudinales ont
souligné la détérioration rapide de la fonction pulmonaire chez les travailleurs de
l’industrie cotonnière ainsi que la forte incidence de nouveaux symptômes.

Dans une série d’enquêtes portant sur plusieurs milliers de travailleurs du textile
suivis à la fin des années soixante pendant une période de cinq ans, Fox et coll.
(1973a, 1973b) ont constaté un accroissement du nombre des cas de byssinose,
parallèle à l’ancienneté de l’exposition. Ils ont observé aussi une diminution
annuelle du volume expiratoire maximal seconde (VEMS) (pourcentage par rapport à la
valeur théorique) sept fois plus importante que chez les témoins.

Une seule étude portant sur les broncho-pneumopathies chroniques chez les
travailleurs du textile a été menée au début des années soixante-dix par Arend
Bouhuys (Bouhuys et coll., 1977). L’originalité de cette étude a été d’inclure
aussi bien le personnel en activité que les retraités. Les sujets étaient ou
avaient été employés dans l’une des quatre usines locales de Columbia, en Caroline
du Sud. Les critères de sélection de la cohorte ont été décrits dans la première
analyse transversale. A l’origine, le groupe retenu comptait 692 personnes, mais
l’analyse a été restreinte à 646 sujets de race blanche, âgés d’au moins 45 ans en
1973. Ces personnes avaient travaillé en moyenne trente-cinq ans dans l’usine. Le
groupe témoin retenu pour l’analyse transversale était constitué de sujets de race
blanche d’au moins 45 ans, dans trois localités ayant fait l’objet d’une étude
transversale: Ansonia, Lebanon (Connecticut) et Winnsboro (Caroline du Sud). Malgré
les différences géographiques, socio-économiques ou autres, la fonction pulmonaire
dans cette population n’était pas différente de celle qui avait été mesurée chez
les travailleurs du textile affectés aux tâches les moins poussiéreuses. Aucune
variation de la fonction pulmonaire et des symptômes respiratoires n’étant apparue
dans les trois sous-populations témoins, seuls les sujets de Lebanon étudiés en
1972 et en 1978 ont été retenus comme témoins pour l’étude longitudinale effectuée
en 1973 et en 1979 chez les travailleurs du textile (Beck, Doyle et Schachter,
1981; Beck, Doyle et Schachter, 1982).

La symptomatologie aussi bien que la fonction pulmonaire ont été largement


étudiées. Au cours d’une étude prospective, on a pu déterminer que l’incidence de
sept symptômes ou syndromes respiratoires (dont la byssinose) était plus élevée
chez les travailleurs du textile que chez les témoins, même après ajustement tenant
compte du tabagisme (Beck, Maunder et Schachter, 1984). La subdivision des
travailleurs du textile en sujets actifs et retraités a montré une incidence
maximale de la symptomatologie chez les personnes qui avaient pris leur retraite au
cours de l’étude. Les résultats semblent indiquer que le risque de détérioration
est présent non seulement chez les personnes en activité, mais aussi chez les
retraités, probablement en raison de l’irréversibilité de l’atteinte pulmonaire.

Dans cette cohorte, la détérioration de la fonction pulmonaire a été quantifiée sur


une période de six ans. La diminution moyenne chez les travailleurs du textile (42
ml/an chez les hommes et 30 ml/an chez les femmes) s’est révélée significativement
plus importante que chez les témoins (27 ml/an et 15 ml/an respectivement). Compte
tenu du tabagisme, la diminution du volume expiratoire maximal seconde (VEMS) était
plus élevée chez les travailleurs que chez les témoins.

De nombreux auteurs ont soulevé la question du tabagisme qui peut laisser perplexe.
De nombreux travailleurs du textile étant des fumeurs de cigarettes, il a été
avancé que la broncho-pneumopathie chronique attribuée à l’exposition aux
poussières de textiles était en réalité largement imputable au tabagisme. Deux
réponses ont été apportées à cette question, sur la base des observations
effectuées chez les travailleurs de Columbia. Dans l’étude de Beck, Maunder et
Schachter (1984), une analyse de variance bifactorielle portant sur tous les
paramètres de la fonction respiratoire a démontré que les effets de la poussière de
coton et du tabagisme étaient uniquement additifs. En d’autres termes, la
détérioration quantitative de la fonction pulmonaire due à l’un des deux facteurs
(tabagisme ou exposition aux poussières) ne varie pas en fonction de la présence ou
de l’absence du second facteur. La détérioration de la capacité vitale et la
diminution du VEMS apparaissent quantitativement similaires (antécédents de
tabagisme de 56 paquets-année en moyenne, pour 35 ans de travail en usine). Dans
une étude de même type, Schachter et coll. (1989) ont montré que l’utilisation d’un
paramètre reflétant la courbe du débit expiratoire de pointe (l’angle bêta)
permettait de distinguer les profils d’anomalies fonctionnelles respiratoires dus
au tabagisme et aux poussières de coton. Ces travaux ont confirmé les conclusions
antérieures de Merchant.

La mortalité
Les études consacrées à l’effet sur la mortalité de l’exposition aux poussières de
coton n’ont pas démontré d’influence systématique. L’analyse des résultats publiés
à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle au Royaume-Uni semble mettre en
évidence une mortalité cardio-vasculaire accrue chez les travailleurs âgés dans
l’industrie textile (Schilling et Goodman, 1951). En revanche, l’examen des données
disponibles dans les localités de la Nouvelle-Angleterre où étaient implantées des
usines textiles à la fin du XIXe siècle n’a pas confirmé ce phénomène (Arlidge,
1892). De même, Henderson et Enterline (1973) ont abouti à des conclusions
négatives dans leur étude portant sur des travailleurs qui avaient été employés
dans des usines situées en Géorgie entre 1938 et 1951. Au contraire, Dubrow et Gute
(1988), qui ont conduit une étude sur des travailleurs du textile dans le Rhode
Island décédés entre 1968 et 1978, ont observé une augmentation significative du
taux de mortalité proportionnelle imputable aux pathologies respiratoires non
malignes. Ce phénomène était associé à une exposition accrue aux poussières puisque
le taux était plus élevé chez les travailleurs affectés au cardage, au doublage et
au peignage que chez les autres travailleurs du textile. Il faut souligner que,
dans cette étude comme dans d’autres (Dubrow et Gute, 1988; Merchant et Ortmeyer,
1981), la mortalité par cancer du poumon était faible. Cet argument a été mis en
avant pour affirmer que le tabagisme n’était pas une cause majeure de mortalité
dans ces groupes.

Des observations effectuées en Caroline du Sud semblent indiquer que les broncho-
pneumopathies chroniques sont une cause majeure de mortalité ou constituent, en
tout cas, un facteur prédisposant. En effet, chez les travailleurs qui sont décédés
entre 45 et 64 ans au cours d’une période de suivi de six ans, la fonction
pulmonaire mesurée d’après le VEMS résiduel (valeur observée par rapport à la
valeur théorique) s’était considérablement détériorée lors de l’étude initiale chez
les hommes non-fumeurs décédés au cours des six années de suivi (VEMS résiduel
moyen = 0,9 l) (Beck et coll., 1981). Il est fort possible que l’effet du travail
en usine sur la mortalité ait été masqué par un phénomène de sélection (effet du
travailleur en bonne santé). Enfin, Rooke (1981b) a estimé que, sur les 121 décès
observés en moyenne chaque année chez les travailleurs invalides, 39 étaient
imputables à la byssinose.

Le renforcement des contrôles et le recul de la maladie


Des études effectuées au Royaume-Uni et aux Etats-Unis semblent indiquer que la
prévalence ainsi que les formes de broncho-pneumopathie observées chez les
travailleurs du textile ont évolué grâce à l’application de normes plus strictes
sur la qualité de l’air dans les usines de ces pays. En 1996, Fishwick et coll. ont
rapporté les résultats d’une étude transversale portant sur 1 057 ouvriers
travaillant dans 11 filatures du Lancashire. Les examens ont porté sur 97% du
personnel dont la plupart (713) manipulaient du coton et les autres, des fibres
synthétiques. La byssinose n’a été confirmée que chez 3,5% des travailleurs, et la
bronchite chronique chez 5,3%. Le VEMS était cependant diminué chez les personnes
exposées à de fortes concentrations de poussières. Ces prévalences sont très
réduites par rapport à celles qui avaient été rapportées dans les premières
enquêtes effectuées dans ces mêmes établissements. Cette faible prévalence de la
byssinose et des cas de bronchite associés semble aller de pair avec les efforts
visant à réduire les concentrations de poussières au Royaume-Uni. Dans cette
population, la détérioration de la fonction pulmonaire s’explique à la fois par le
tabagisme et par l’exposition aux poussières de coton.

Aux Etats-Unis, Glindmeyer et coll. (1991, 1994) ont conduit une étude prospective
sur cinq ans dans 9 usines (6 usines de coton et 3 de fibres synthétiques), entre
1982 et 1987. Celle-ci a porté sur 1 817 travailleurs affectés exclusivement à la
fabrication de filés de coton, à l’encollage et au tissage ou à la fabrication de
textiles synthétiques. Dans l’ensemble, moins de 2% des travail-leurs présentaient
des symptômes de byssinose. Cependant, les travailleurs affectés aux opérations de
fabrication des filés présentaient une détérioration annuelle de la fonction
pulmonaire plus importante que les travailleurs chargés de l’encollage et du
tissage. Les premiers accusaient une détérioration en fonction de la dose absorbée,
en relation également avec la qualité du coton utilisé. Ces usines respectaient les
normes de l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational
Safety and Health Administration (OSHA)), avec des concentrations moyennes de
poussières de coton en suspension dans l’air (exemptes de coton-fibre) atteignant,
sur 8 heures, 196 µg/m3 pour la fabrication du fil et 455 µg/m3 pour l’encollage et
le tissage. Glindmeyer et coll. (1994), qui ont mis en relation les variations de
la fonction pulmonaire au cours de la semaine de travail (équivalent fonctionnel
objectif des symptômes de byssinose) et la détérioration de ce paramètre dans le
temps, ont montré que les premières annonçaient de façon significative l’évolution
longitudinale.

Si la fabrication des textiles dans les régions développées paraît aujourd’hui


associée à des pathologies moins fréquentes et moins sévères, il n’en va pas de
même dans les pays en développement. De fortes prévalences de byssinose sont
toujours enregistrées dans le monde, notamment dans les pays où les normes
gouvernementales sont laxistes ou inexistantes. Dans sa revue de la littérature,
Parikh (1992) a constaté que la prévalence de la byssinose dépassait de loin 20%
dans des pays tels que l’Inde, le Cameroun, l’Ethiopie, le Soudan et l’Egypte.
Zuskin et coll. (1991) ont suivi 66 travailleurs en Croatie, dans une usine textile
traitant le coton, où les concentrations moyennes de poussières inhalables étaient
encore égales à 1,0 mg/m3. La prévalence de la byssinose avait doublé, et la
diminution annuelle de la fonction pulmonaire était pratiquement deux fois
supérieure aux estimations calculées pour une population saine de non-fumeurs.

Les maladies non respiratoires liées au travail dans l’industrie textile


Outre les syndromes respiratoires caractéristiques qui peuvent toucher les
travailleurs de l’industrie textile, un certain nombre d’autres risques ont été mis
en relation avec les conditions de travail et les produits dangereux que l’on
rencontre dans cette industrie.

La cancérogenèse a été associée au travail dans l’industrie textile. Les premières


études avaient indiqué une incidence élevée de cancer colorectal chez les
travailleurs occupés à la fabrication des fibres synthétiques (Vobecky et coll.,
1979; Vobecky, Devroede et Caro, 1984). Une étude rétrospective effectuée par
Goldberg et Theriault (1994a) dans des établissements fabriquant des textiles
synthétiques semble mettre en évidence une association avec la durée de l’emploi
dans les ateliers d’extrusion du polypropylène et du triacétate de cellulose. Ces
auteurs ont signalé d’autres associations avec des maladies néoplasiques, mais
leurs observations n’ont pas convaincu (1994b).

L’exposition aux colorants azoïques a été associée au cancer de la vessie dans de


nombreuses branches d’activité. Siemiatycki et coll. (1994) ont noté une faible
association entre le cancer de la vessie et le travail des fibres acryliques et du
polyéthylène, surtout chez les teinturiers. Les plus anciens d’entre eux
présentaient notamment un risque dix fois plus élevé de cancer de la vessie
(signification statistique marginale). Des observations similaires ont été
rapportées par d’autres auteurs, bien que des résultats négatifs aient aussi été
publiés (Anthony et Thomas, 1970; Steenland, Burnett et Osorio, 1987; Silverman et
coll., 1989).

Les traumatismes dus aux mouvements répétés constituent un risque reconnu dans
l’industrie textile lorsqu’on a recours à des machines qui fonctionnent à vitesse
élevée (Thomas, 1991). Une description du syndrome du canal carpien (Forst et
Hryhorczuk, 1988) chez une couturière se servant d’une machine à coudre électrique
illustre la pathogénie de ce type d’affection. Une analyse des lésions des mains
chez les travailleurs de la laine dans le Yorkshire, traitées entre 1965 et 1984
par l’Unité régionale de chirurgie plastique, a montré une constance de l’incidence
annuelle de ces lésions, alors que les effectifs avaient été divisés par 5, ce qui
indique un risque accru dans cette population (Myles et Roberts, 1985).

Une toxicité hépatique a été rapportée par Redlich et coll. (1988) chez des
travailleurs du textile exposés au diméthylformamide, utilisé comme solvant dans
une usine de traitement de tissus. Cette toxicité a été reconnue lors d’une
«épidémie» d’hépatopathies dans un établissement de New Haven (Connecticut) qui
produit des tissus enduits de polyuréthane.

Le sulfure de carbone , composé organique utilisé pour la préparation de textiles


synthétiques, a été associé à une mortalité accrue par cardiopathie ischémique
(Partanen et coll., 1970; Sweetnam, Taylor et Elwood, 1987). Ce phénomène pourrait
être lié à l’effet de ce produit sur les lipides sanguins et la pression
diastolique (Egeland et coll., 1992). Le même composé a également été associé à une
neurotoxicité périphérique, à des lésions des organes sensoriels et à des troubles
des fonctions hormonale et reproductive. On estime généralement que ces effets
toxiques apparaissent après une exposition prolongée à des concentrations dépassant
10 à 20 ppm (Riihimaki et coll., 1992).

Des réactions allergiques — eczéma, urticaire et asthme — à des colorants réactifs


ont été rapportées chez des travailleurs des ateliers de teinture (Estlander, 1988;
Sadhra, Duhra et Foulds, 1989; Seidenari, Mauzini et Danese, 1991).

Enfin, des cas de stérilité ont été décrits chez des hommes et des femmes à la
suite d’une exposition à diverses substances présentes dans l’industrie textile
(Rachootin et Olsen, 1983; Buiatti et coll., 1984).

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Partie XIV. Industries des textiles et de l'habillement


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Partie XIV. Industries des textiles et de l'habillement
English
Chapitre 89 - L'industrie textile
L’INDUSTRIE TEXTILE: HISTOIRE, SÉCURITÉ ET SANTÉ
Leon J. Warshaw

L’industrie textile
Le terme industrie textile (du latin texere , tisser) s’appliquait à l’origine au
tissage d’étoffes à partir de fibres, mais il recouvre aujourd’hui toute une série
d’autres procédés tels que le tricotage, le tuftage (ou touffetage) et le feutrage,
pour n’en citer que quelques-uns. Ce terme s’étend même à la fabrication de filés
ou de non-tissés à partir de fibres naturelles ou synthétiques, ainsi qu’au
finissage et à la teinture des étoffes.

La production de filés
A l’époque préhistorique, on utilisait des poils d’animaux, des plantes et des
graines pour fabriquer des fibres. La soie a été introduite en Chine vers 2600
avant J.-C. et les premières fibres synthétiques ont été mises au point au milieu
du XVIIIe siècle. Les fibres synthétiques fabriquées à partir de cellulose ou de
produits pétrochimiques sont de plus en plus utilisées, seules ou en mélange avec
d’autres fibres synthétiques ou naturelles, mais elles n’ont jamais remplacé
totalement les fibres naturelles telles que la laine, le coton, le lin et la soie.

La soie est la seule fibre naturelle formée de filaments qu’il est possible de
réunir et de transformer en fil par torsion. Les autres fibres naturelles doivent
être préalablement étirées et alignées parallèlement par peignage, puis
transformées en un fil continu par filage. Le fuseau est le premier outil utilisé
pour filer. Il a été mécanisé en Europe vers l’an 1400 grâce à l’invention du
rouet. C’est à la fin du XVIIe siècle qu’est apparue la machine à filer qui
permettait de faire fonctionner simultanément plusieurs fuseaux. Avec le métier à
filer inventé en 1769 par Richard Arkwright et le métier renvideur de Samuel
Crompton, qui permettait de faire fonctionner un millier de broches à la fois, la
filature est passée du stade artisanal à l’ère industrielle.

La fabrication des tissus


La fabrication des tissus a une histoire similaire. Depuis l’Anti-quité, l’outil de
base était le métier à tisser manuel. Des améliorations mécaniques ont été
apportées par la lisse sur laquelle on attache un fil de chaîne sur deux. Au XIIIe
siècle a été introduite la pédale qui permettait de faire fonctionner plusieurs
jeux de lisses. Avec l’intégration du battant qui mettait en place le fil de trame,
le métier mécanisé est devenu l’instrument de tissage prédominant en Europe, voire
dans les autres parties du monde, à l’exception des régions où les traditions
culturelles faisaient survivre les anciens métiers manuels.

La mécanisation du tissage a commencé en 1733 avec la navette volante de John Kay,


qui permettait de lancer automatiquement la navette sur toute la largeur du métier.
Edmund Cartwright mit au point le métier à vapeur et, en 1788, il créa avec James
Watt, en Angleterre, la première usine textile fondée sur ce principe. Les usines,
alors affranchies de l’énergie hydraulique, pouvaient être construites n’importe
où. Un autre développement important a été le système à cartes perforées inventé en
1801 par le Français Joseph Marie Jacquard, grâce auquel les motifs pouvaient être
tissés automatiquement. Les anciens métiers à vapeur, en bois, ont été
progressivement remplacés par des machines construites en acier ou en d’autres
métaux. Les progrès techniques intervenus depuis lors ont consisté à en augmenter
la taille et la rapidité et à en améliorer l’automatisation.

La teinture et l’impression
A l’origine, on utilisait des colorants naturels pour teindre les fils et les
tissus, mais ces procédés se sont compliqués au XIXe siècle avec la découverte des
colorants dérivés des goudrons de houille, puis avec la mise au point des fibres
synthétiques au XXe siècle. Au début, l’impression à la planche servait à teindre
les tissus (la sérigraphie a été mise au point pour cette application vers le
milieu du XIXe siècle), mais elle a été rapidement remplacée par l’impression au
rouleau. Des rouleaux en cuivre gravé ont été utilisés pour la première fois en
Angleterre en 1785. Des améliorations rapides ont permis d’imprimer, grâce à ce
procédé, en six couleurs différentes, parfaitement transférées. Avec les techniques
modernes, on peut imprimer 180 m de tissu par minute en 16 couleurs ou davantage.

Le finissage
Jadis, le finissage des tissus passait par le brossage ou le tondage, l’apprêtage
ou l’encollage, ou encore le calandrage pour obtenir un effet brillant.
Aujourd’hui, les tissus sont rétrécis, mercerisés (les fils et les tissus de coton
sont traités par des solutions caustiques pour les renforcer et les faire briller)
et soumis à toute une série de traitements destinés à améliorer entre autres la
résistance au froissement, à l’eau, au feu et aux moisissures ou encore la tenue
des plis.

Des traitements spéciaux permettent d’obtenir des fibres à haute performance ,


appelées ainsi en raison de leur solidité exceptionnelle et de leur résistance aux
températures très élevées. Ainsi, l’aramide est une fibre similaire au nylon, mais
plus résistante que l’acier, et le Kevlar®, fabriqué à partir de l’aramide, est
utilisé pour fabriquer des tissus pare-balles et des vêtements qui résistent aussi
bien à la chaleur qu’aux produits chimiques. D’autres fibres synthétiques combinées
à du carbone, du bore, de la silice, de l’aluminium ou d’autres matières sont
utilisées pour produire des matériaux structurés légers et extrêmement robustes
entrant dans la fabrication des avions, des navettes spatiales, des filtres et des
membranes résistant aux produits chimiques, ou encore des accessoires de protection
utilisés par les sportifs.

De l’artisanat à l’industrie
La fabrication des textiles était initialement un art manuel pratiqué soit par des
fileurs et des tisseurs qui travaillaient à domicile, soit par de petites équipes
d’artisans qualifiés. Les progrès techniques ont fait naître de grandes entreprises
textiles économiquement très importantes, principalement au Royaume-Uni et dans les
pays d’Europe occidentale. Les premiers immigrants installés en Amérique du Nord
ont implanté des fabriques de tissus en Nouvelle-Angleterre (Samuel Slater, qui
avait dirigé une usine textile en Angleterre, a construit de mémoire un métier à
filer à Providence, Rhode Island, en 1790). L’invention de l’égreneuse par Eli
Whitney, qui permettait de nettoyer très rapidement le coton récolté, a entraîné un
accroissement de la demande en tissus de coton.

Cette tendance s’est accélérée grâce à la commercialisation de la machine à


coudre . Au début du XVIIIe siècle, plusieurs inventeurs ont mis au point des
machines permettant de coudre le tissu. En France, Barthélemy Thimonnier déposa un
brevet en 1830 pour sa machine à coudre. En 1841, alors que 80 de ses machines
travaillaient pour l’armée française, son usine fut détruite par des tailleurs qui
estimaient que cette innovation pouvait compromettre leurs moyens de subsistance.
En Angleterre, à la même époque, Walter Hunt mit au point une machine améliorée,
mais abandonna son projet, craignant que son invention ne mette des couturières
pauvres au chômage. En 1848, Elias Howe déposa un brevet aux Etats-Unis pour une
machine très similaire à celle de Hunt; il s’engagea par la suite dans de
nombreuses procédures en contrefaçon contre des industriels et finit par les
gagner. L’invention de la machine à coudre moderne revient à Isaac Merritt Singer
qui mit au point le bras libre, le pied-de-biche pour maintenir le tissu et la roue
pour l’entraîner, et qui remplaça la manivelle par une pédale laissant les deux
mains libres pour guider l’ouvrage. En plus de la conception et de la fabrication
de cette machine, l’inventeur créa la première grande entreprise tournée vers le
consommateur, qui se caractérisait par des innovations telles que des campagnes
publicitaires, la vente à tempérament et la proposition de contrats d’entretien.

Ainsi, les progrès techniques accomplis au cours des XVIIIe et XIXe siècles n’ont
pas seulement donné le coup d’envoi à l’industrie textile moderne, mais ont été à
l’origine de la révolution industrielle et de mutations familiales et sociales
profondes. De nouveaux changements ont lieu aujourd’hui, puisque les grosses
entreprises textiles se déplacent vers de nouvelles régions qui offrent une main-
d’œuvre et des sources d’énergie moins onéreuses, tandis que la bataille de la
concurrence suscite des développements techniques incessants tels que la production
assistée par ordinateur (PAO) qui permet de réduire les effectifs et d’améliorer la
qualité. Les politiciens, quant à eux, négocient des quotas et des tarifs, ou
mettent en place des barrières économiques pour obtenir ou conserver des avantages
concurrentiels pour leur pays. Ainsi, l’industrie textile fournit des produits
essentiels à une population mondiale en pleine expansion, tout en exerçant une
influence profonde sur le commerce international et l’économie des nations.

Les problèmes de sécurité et de santé


A mesure que les machines sont devenues plus grosses, plus rapides et plus
compliquées, de nouveaux risques sont apparus. La complexité croissante des
matériaux et des procédés a suscité de nouveaux risques pour la santé. Alors que le
personnel devait faire face à la mécanisation et à des exigences de productivité
accrues, le stress professionnel, largement méconnu ou ignoré, a commencé de peser
de plus en plus lourdement sur le bien-être des salariés. L’impact de la révolution
industrielle s’est manifesté essentiellement au niveau de la vie sociale, marquée
par la migration des travailleurs vers les villes et par tous les maux de
l’urbanisation. Aujourd’hui même, on assiste aussi à ce type d’effets, alors que
l’industrie textile et d’autres branches se déplacent vers des pays et des régions
en développement, à un rythme encore plus rapide.

Les risques liés aux différents secteurs de cette branche sont exposés dans les
articles du présent chapitre qui soulignent l’importance des facteurs suivants:
entretien des locaux et des machines; installation de systèmes de protection et de
dispositifs de sécurité efficaces pour éviter tout contact avec les pièces en
mouvement; mise en place d’une ventilation par aspiration localisée en complément
d’un bon système général de ventilation et de régulation de la température; enfin,
fourniture d’équipements et de vêtements de protection individuelle lorsqu’un
risque ne peut être totalement maîtrisé ou supprimé par la conception initiale, par
la prévention collective ou par l’utilisation de substances moins dangereuses. Les
auteurs insistent tous sur la nécessité d’informer et de former sans relâche le
personnel à tous les niveaux et sur l’importance de la surveillance.
Les problèmes liés à l’environnement
Les préoccupations qui se font jour au sujet de l’environnement dans l’industrie
textile ont deux origines: les opérations de fabrication elles-mêmes et les risques
liés au mode d’utilisation des produits.

La fabrication des textiles


Les principaux problèmes d’environnement créés par les usines textiles sont
imputables aux substances toxiques libérées dans l’air et dans les eaux usées.
Outre la toxicité éventuelle des substances, les odeurs désagréables posent souvent
problème, notamment lorsque des ateliers de teinture et d’impression sont situés à
proximité de zones résidentielles. Les gaz dégagés par les systèmes de ventilation
peuvent contenir des vapeurs de solvants, du formaldéhyde, des hydrocarbures, du
sulfure d’hydrogène et des composés métalliques. Les solvants sont parfois
récupérés et distillés pour être réutilisés. Les particules peuvent être captées
par filtration. L’épuration est efficace pour les composés volatils hydrosolubles
tels que le méthanol, mais non pas pour les opérations d’impression pigmentaire où
les hydrocarbures constituent l’essentiel des émissions. Les substances
inflammables peuvent être brûlées, mais cette technique est relativement coûteuse.
La dernière solution, enfin, consiste à employer des matériaux à émissivité aussi
faible que possible, ce qui se réfère non seulement aux teintures, aux liants et
aux agents de liaison transversale utilisés pour l’impression, mais aussi à la
teneur des tissus en formaldéhyde et en monomères résiduels.

La contamination des eaux usées par les colorants non fixés pose un problème
d’environnement grave, non seulement en raison des risques potentiels pour la santé
de l’être humain et des animaux, mais aussi en raison de la forte visibilité des
colorations produites. Dans les opérations de teinture ordinaire, on peut obtenir
une fixation de plus de 90%, mais ce taux tombe à 60%, voire moins, lorsqu’on se
sert de colorants réactifs. En d’autres termes, plus d’un tiers de la teinture
passe dans les eaux usées lors du dégommage du tissu imprimé, sans compter les
quantités dues au lavage des cadres, des pochoirs et des tambours.

Un certain nombre de pays ont fixé des limites portant sur la coloration des eaux
usées, mais il est souvent extrêmement difficile de les respecter sans installer un
système d’épuration très coûteux. Entre autres solutions, on utilise des teintures
dont l’effet contaminant est moindre et on tente de mettre au point des colorants
et des épaississants de synthèse qui augmentent le degré de fixation des teintures
et réduisent les excédents à éliminer par lavage (Grund, 1995).

L’utilisation des textiles et l’environnement


Les résidus de formaldéhyde et de certains complexes de métaux lourds (dont la
plupart sont inertes) peuvent produire une irritation et une sensibilisation
cutanée chez les personnes qui portent des tissus teints.

Le formaldéhyde et les solvants résiduels se trouvant dans les tapis et les tissus
servant pour l’ameublement et les rideaux continuent de se vaporiser
progressivement pendant un certain temps. Dans les immeubles très bien isolés, où
le système d’air conditionné recycle la plus grande partie de l’air au lieu de
l’évacuer à l’extérieur, ces substances peuvent atteindre des concentrations
suffisantes pour produire des symptômes chez les occupants, comme mentionné dans le
chapitre no 13, «Les troubles systémiques», de l’Encyclopédie.

Marks and Spencer, revendeur anglo-canadien de vêtements, a ouvert la voie en


fixant des limites à la teneur en formaldéhyde des vêtements qu’il achète. Des
fabricants de vêtements tels que Levi Strauss aux Etats-Unis ont répondu à cette
exigence. Certains pays ont adopté des mesures législatives sur ce point
(Allemagne, Danemark, Finlande et Japon). Grâce à la prise de conscience des
consommateurs, certains fabricants de tissus ont volontairement adhéré à ces normes
afin d’obtenir des labels écologiques (voir figure 89.1).

Figure 89.1 Labels écologiques utilisés pour les textiles


Figure 89.1

Conclusion
Les progrès techniques permettent d’élargir la gamme des tissus fabriqués par
l’industrie textile et contribuent à améliorer la productivité. Il est essentiel
cependant qu’ils soient aussi régis par des impératifs de sécurité, de santé et de
bien-être du personnel. Quoi qu’il en soit, la mise en œuvre de ces avancées pose
des problèmes dans les entreprises plus anciennes dont la viabilité financière est
mal assurée et qui n’ont pas les moyens d’effectuer les investissements
nécessaires. Il en va de même dans des régions en développement qui recherchent de
nouvelles industries à tout prix, même au détriment de la sécurité et de la santé
des travailleurs. Cependant, quelles que soient les circonstances, l’éducation et
la formation du personnel devraient permettre de réduire considérablement les
risques auxquels il est exposé.

LA CROISSANCE DE L’INDUSTRIE TEXTILE


Jung-Der Wang

Depuis son apparition sur la Terre, l’être humain a eu besoin de vêtements et de


nourriture pour survivre. La fabrication de tissus et de vêtements remonte donc aux
origines de l’humanité. Les anciens se servaient de leurs mains pour tisser et
tricoter du coton ou de la laine et obtenir ainsi du tissu ou de la toile. Ce n’est
qu’à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle que la révolution industrielle a
transformé les techniques de fabrication des vêtements. Plusieurs sortes d’énergie
motrice commençaient alors à être employées. Les principales matières premières
restaient cependant les fibres de coton, de laine et de cellulose. Depuis la
seconde guerre mondiale, la production des fibres synthétiques mises au point par
l’industrie pétrochimique s’est considérablement accrue. En 1994, les fabricants de
textiles ont utilisé dans le monde 17,7 millions de tonnes de fibres synthétiques,
ce qui représente 48,2% de l’ensemble de ces dernières. Ce pourcentage devrait
dépasser 50% après l’an 2000 (voir figure 89.2).

Figure 89.2 Evolution de la consommation de fibres par l'industrie textile jusqu'en


1994 et projection jusqu'en 2004
Figure 89.2

Selon une enquête de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et


l’agriculture (FAO) sur la consommation mondiale de fibres par l’industrie du
vêtement, les taux de croissance annuels moyens ont atteint 2,9, 2,3 et 3,7% pour
les périodes 1969-1989, 1979-1989 et 1984-1989, respectivement. Si l’on tient
compte de la tendance antérieure, de la croissance démographique, de la hausse du
produit intérieur brut par personne et de l’augmentation de l’utilisation des
différents produits textiles due à l’amélioration des revenus, la demande de
produits textiles a atteint 42,2 millions de tonnes en l’an 2000 et devrait
atteindre 46,9 millions en 2005 (voir figure 89.2). Cette tendance met en évidence
une augmentation régulière de la demande et laisse présager que l’industrie textile
continuera d’employer une main-d’œuvre importante.

Une autre transformation majeure est l’automatisation progressive du tissage et du


tricotage qui, associée à l’augmentation du coût du travail, a entraîné le
déplacement de ce secteur industriel vers les pays en développement. Bien que la
production des filés et des textiles ainsi que la fabrication en amont de certaines
fibres synthétiques restent encore l’apanage des pays développés, une grande partie
de l’industrie du vêtement, grande consommatrice de main-d’œuvre et située en aval
de la chaîne de fabrication, a déjà migré vers les pays en développement.
L’industrie du textile et de l’habillement implantée dans la région Asie-Pacifique
assure actuellement 70% environ de la production mondiale. Le tableau 89.1 montre
l’évolution de l’emploi dans cette région. La sécurité et la santé des travailleurs
du textile sont ainsi devenues des questions de grande importance dans les pays en
développement. Les figures 89.3 à 89.6 illustrent certaines opérations textiles
effectuées dans les régions en développement.

Tableau 89.1 Nombre d'entreprises et de salariés recensés dans l'industrie


textile et le secteur de l'habilement dans certains pays et territoires de la
région
Asie-Pacifique en 1985 et en 1995
Nombre

Année

Australie

Chine

Corée, République de

Hong-kong

Inde

Indonésie

Malaisie

Nouvelle-Zélande

Pakistan

Entreprises

1985
1995

2 535
4 503

45 500
47 412

12 310
14 262

13 114
6 808

13 435
13 508

1 929
2 182

376
238

2 803
2 547

1 357
1 452

Salariés (x103)

1985
1995

96
88

4 396
9 170

684
510

375
139

1 753
1 675

432
912

58
76

31
21

n.d.
n.d.

n.d.: donnée non disponible.

Figure 89.3 Le peignage


Figure 89.3

Figure 89.4 Le cardage


Figure 89.4

Figure 89.5 Une cueilleuse mécanique moderne


Figure 89.5

Figure 89.6 L'ourdissage


Figure 89.6

LA PRODUCTION ET L’ÉGRENAGE DU COTON


W. Stanley Anthony

La production de coton
Les pratiques culturales du coton commencent après la cueillette précédente. Les
premières opérations consistent en principe à broyer les tiges, à arracher les
racines et à briser les mottes au pulvérisateur à disques. Des engrais et des
herbicides sont généralement appliqués et incorporés dans le sol avant que la terre
soit préparée pour l’irrigation ou l’ensemencement. Etant donné que les
caractéristiques du sol, les engrais utilisés antérieurement et les méthodes de
cueillette peuvent donner lieu à des degrés de fertilité très différents, les
programmes de fertilisation doivent être fondés sur des analyses pédologiques. La
lutte contre les plantes adventices est indispensable pour obtenir un rendement
élevé en coton égrené et une qualité satisfaisante: en effet, le rendement et
l’efficacité de la récolte peuvent chuter de 30% en présence de mauvaises herbes.
Les herbicides ont été largement utilisés dans de nombreux pays depuis le début des
années soixante. Parmi les méthodes auxquelles on recourt, il faut citer
l’application d’herbicides sur le feuillage des plantes adventices avant les semis,
l’intégration dans le sol à ce même stade et le traitement avant et après
l’émergence de la plantule.

Plusieurs facteurs jouent un rôle important pour obtenir des plants de qualité: la
préparation des sillons, l’humidité et la température du sol, la qualité des
semences, les maladies des plantules, l’emploi de fongicides et la salinité du sol.
L’utilisation de semences de bonne qualité mises en terre dans des sillons bien
préparés est un facteur clé pour obtenir des plants précoces, uniformes et
vigoureux. Les bonnes semences devraient avoir un taux de germination d’au moins
50% dans un test à froid. Dans un test froid/chaud, l’indice de vigueur de la
semence devrait être d’au moins 140. Il est recommandé de semer 12 à 18 graines par
mètre sur chaque rangée pour obtenir de 14 000 à 20 000 plants par hectare. Un
semoir à mécanisme de dosage approprié devrait être utilisé pour assurer un
espacement uniforme des graines, quelle que soit leur taille. Les taux de
germination et d’émergence sont étroitement liés dans une fourchette de température
allant de 15 à 38 °C.

Des maladies précoces touchant les plantules peuvent empêcher l’obtention de


plantations uniformes et contraindre à réensemencer. Parmi les agents pathogènes
importants à ce stade, il faut citer Pythium, Rhizoctonia, Fusarium et
Thielaviopsis qui peuvent affaiblir les plantations et créer de grands espaces
dénudés. Il ne faut semer que des graines correctement traitées avec un ou
plusieurs fongicides.

En ce qui concerne l’eau consommée lors des différents stades du développement de


la plante, le coton présente des caractéristiques semblables à celles des autres
cultures. La consommation d’eau correspond en général à 2,5 mm par jour entre
l’émergence et la formation du premier carré. Pendant cette période, la perte
d’humidité du sol par évaporation peut dépasser la quantité d’eau libérée par la
plante. La consommation augmente fortement dès l’apparition des premières fleurs
pour atteindre un maximum de 10 mm par jour en pleine floraison. Ces quantités se
rapportent à la quantité totale d’eau nécessaire pour obtenir une récolte de coton
(précipitations et irrigation).

Les populations d’insectes peuvent avoir un impact important sur la qualité du


coton et le rendement. Il faut intervenir en début de saison pour favoriser la
fructification et un développement végétatif équilibré. Il est essentiel de
protéger les fruits dès les premiers stades de la fructification pour obtenir une
bonne récolte. Plus de 80% de la production se constituent au cours des trois à
quatre premières semaines de fructification. Le coton devrait être examiné au moins
deux fois par semaine au cours de cette période pour surveiller et contrôler les
insectes et les dommages éventuels.

Un programme de défoliation bien conduit réduit les débris végétaux qui peuvent
altérer la qualité du coton récolté. Les régulateurs de croissance chimiques sont
des défoliants utiles, car ils permettent de maîtriser la croissance végétative et
contribuent à une fructification plus précoce.

La récolte
Deux types d’équipements mécaniques sont utilisés pour la cueil-lette du coton: la
récolteuse à broches et l’écapsuleuse de coton . La récolteuse à broches est une
machine de type sélectif qui utilise des broches coniques et barbelées pour
extraire la fibre de la graine. Cette cueilleuse peut être employée plusieurs fois
sur une plantation pour obtenir des récoltes stratifiées. L’écapsuleuse de coton
est, en revanche, une cueilleuse non sélective à passage unique qui récolte non
seulement les capsules bien ouvertes, mais aussi celles qui sont craquelées et
fermées, ainsi que les débris de capsules et autres corps étrangers.

Les pratiques agronomiques qui visent à obtenir une culture uniforme et de bonne
qualité contribuent généralement à l’efficacité de la récolte. Le champ devrait
être correctement drainé et les rangées tracées de manière à faciliter le passage
des machines. L’extrémité des rangées devrait être libre de plantes adventices, et
une bordure de 7,6 à 9 m devrait être ménagée autour du champ pour permettre les
manœuvres et l’alignement des cueilleuses sur les rangées. Cette bordure devrait
être débarrassée des mauvaises herbes. La pulvérisation des mottes est déconseillée
par temps pluvieux; il est préférable de détruire les mauvaises herbes par des
produits chimiques ou par la tonte. La hauteur des plants ne devrait pas dépasser
1,20 m environ pour le coton cueilli par récolteuse à broches, et 9 cm pour le
coton récolté par écapsuleuse. La hauteur des plants peut être contrôlée dans une
certaine mesure à l’aide de régulateurs de croissance chimique utilisés au moment
opportun. Il est préférable que la capsule inférieure se trouve à 10 cm du sol au
moins. Les activités culturales — fertilisation, travail du sol et irrigation —
pendant la croissance devraient être conduites avec soin pour obtenir une récolte
régulière de coton bien développé.

La défoliation chimique est une pratique qui induit la chute du feuillage. Des
défoliants peuvent être employés pour minimiser la contamination par les débris de
feuilles vertes et favoriser le séchage rapide de la rosée matinale sur le duvet.
Toutefois, les défoliants ne devraient pas être utilisés avant l’ouverture d’au
moins 60% des capsules. La récolte ne devrait être effectuée que sept à quatorze
jours après l’application d’un défoliant (ce délai varie en fonction des produits
chimiques choisis et des conditions météorologiques). Des agents de dessiccation
chimique peuvent aussi être employés pour préparer la récolte. La dessiccation
provoque une perte rapide de l’eau contenue dans le tissu végétal et entraîne la
mort de celui-ci; les feuilles mortes qui en résultent restent attachées à la
plante.

Dans la production cotonnière, la tendance actuelle est au raccourcissement de la


saison et à la récolte unique. Les produits chimiques qui accélèrent l’ouverture
des capsules sont appliqués avec le défoliant ou peu après la chute des feuilles;
ils permettent des récoltes plus précoces et augmentent le pourcentage de capsules
prêtes à être cueillies au cours de la première récolte. Comme ces produits
chimiques peuvent ouvrir totalement ou partiellement des capsules immatures, la
qualité de la récolte peut être gravement altérée si ces produits sont utilisés
trop tôt (indice micronaire trop faible).

Le stockage
La teneur en humidité du coton avant et pendant le stockage est un facteur
critique. Une humidité excessive induit une surchauffe du coton stocké, ce qui
entraîne un changement de couleur du coton-fibre, une germination plus faible des
graines, voire une combustion spontanée. Le coton-graine ayant une teneur en
humidité supérieure à 12% ne devrait pas être stocké. La température intérieure des
bâtiments nouvellement construits devrait aussi être surveillée pendant les cinq à
sept premiers jours du stockage. Si la température s’élève de 11 °C ou dépasse 49
°C, il convient de procéder à un égrenage immédiat pour éviter les risques de
pertes importantes.

Plusieurs facteurs influent sur la qualité des graines et des fibres au cours du
stockage du coton-graine. La teneur en humidité est le principal d’entre eux. Parmi
les autres paramètres, il faut citer la durée du stockage, la quantité de corps
étrangers très humides, la variation de la teneur en humidité à l’intérieur de la
masse stockée, la température initiale du coton-graine, la température de celui-ci
au cours du stockage, les conditions météorologiques pendant cette période
(température, humidité relative et précipitations), ainsi que la protection du
coton contre la pluie et l’humidité du sol. Le jaunissement est accéléré lorsque
les températures sont élevées. Les montées en température et les températures
maximales sont deux facteurs importants (la hausse de la température est
directement liée à la chaleur générée par l’activité biologique).

L’égrenage
Environ 80 millions de balles de coton sont produites chaque année dans le monde;
20 millions d’entre elles passent par les quelque 1 300 égreneuses se trouvant aux
Etats-Unis. La principale fonction de l’égreneuse est de séparer la fibre des
graines, mais cette machine doit aussi éliminer une grande partie des corps
étrangers, faute de quoi la valeur du coton-fibre serait considérablement réduite.
Une égreneuse doit: 1) produire un coton-fibre de qualité satisfaisante pour le
marché; et 2) égrener le coton en portant le moins possible atteinte à la qualité
de filage des fibres afin que le coton réponde à la demande des utilisateurs
finaux, le filateur et le consommateur. La préservation de la qualité au cours de
cette opération impose donc un choix et un fonctionnement appropriés de chaque
machine du système d’égrenage. La manipulation et le séchage mécaniques peuvent
modifier les caractéristiques qualitatives naturelles du coton. Au mieux,
l’égreneuse préserve les caractéristiques qualitatives inhérentes au coton qu’elle
reçoit. Dans les paragraphes qui suivent, nous examinerons brièvement le rôle des
principales machines et opérations d’égrenage.

Les machines utilisées pour traiter le coton-graine


Le coton est apporté par une remorque ou un autre véhicule de transport et déversé
dans une poche de l’égreneuse qui élimine capsules vertes, cailloux et autres corps
étrangers. Une alimentation contrôlée assure un débit uniforme et une bonne
dispersion du coton, ce qui accroît l’efficacité du système d’épuration et de
séchage. Si le coton n’est pas correctement dispersé, il risque de traverser les
séchoirs sous forme d’agglomérats et de ne sécher qu’en surface.

Au début du séchage, l’air chaud fait circuler le coton sur des clayettes pendant
dix à quinze secondes. La température de l’air est réglée en fonction du degré de
séchage souhaité. Afin de ne pas endommager les fibres, la température ne devrait
jamais dépasser 177 °C au cours d’une opération normale. Des températures
supérieures à 150 °C peuvent entraîner une modification physique permanente des
fibres de coton. Des capteurs de température devraient être placés aussi près que
possible du point de rencontre entre le coton et l’air chaud. Si le capteur est
situé près de la sortie de la tour de séchage, la température au point de rencontre
peut excéder de 55 à 110 °C celle qui est enregistrée par le capteur d’aval. La
chute de température en aval résulte de l’évaporation et de la perte de chaleur au
travers des parois des machines et des tuyauteries. Le séchage se poursuit alors
que l’air chaud véhicule le coton-graine vers l’épurateur à cylindres, constitué de
six à sept cylindres rotatifs garnis de pointes qui tournent à 400-500 tours/min.
Ces cylindres frottent le coton sur une série de grilles à barreaux ou de tamis, le
secouent et entraînent l’évacuation, par les orifices prévus à cet effet, des corps
étrangers de petite taille tels que feuilles, débris et impuretés. Les épurateurs à
cylindres séparent le coton en gros tampons et le préparent aux opérations
d’épuration et de séchage ultérieures. Il est fréquent d’enregistrer à ce niveau
des vitesses de traitement d’environ six balles par heure et par mètre linéaire de
cylindre.

L’arracheuse extrait les corps étrangers les plus gros tels que les débris de
capsules et les brindilles. Cette machine utilise la force centrifuge créée par des
cylindres à scies qui tournent à 300-400 tours/min, ce qui rejette les corps
étrangers alors que la fibre est retenue par les scies. Les corps étrangers
éliminés sont introduits dans un système de traitement des débris. Les vitesses de
traitement atteignent fréquemment 4,9 à 6,6 balles par heure et par mètre linéaire
de cylindre.

L’égrenage (séparation des fibres de la graine)


Après un nouveau cycle de séchage et d’épuration par cylindres, le coton est amené
à chaque égreneuse par un transporteur-distributeur. Situé au-dessus de
l’égreneuse, l’extracteur-chargeur apporte une quantité donnée de coton, selon un
rythme régulier, tout en effectuant également une opération d’épuration. La teneur
en humidité de la fibre de coton au niveau du tablier de l’extracteur-chargeur est
décisive et doit être suffisamment basse pour que l’égreneuse puisse facilement
éliminer les corps étrangers. Elle ne devrait cependant pas tomber au-dessous de
5%, car il en résulterait une rupture des fibres au moment de la séparation des
graines et, par conséquent, une réduction notable de la longueur des fibres et du
rendement à l’égrenage. Du point de vue qualitatif, une teneur élevée en fibres
courtes augmente le volume des déchets lors de la fabrication des textiles, ce qui
n’est pas souhaitable. Les ruptures excessives de fibres peuvent être évitées en
maintenant une teneur en humidité de 6 à 7% au niveau du tablier de l’extracteur-
chargeur.

Deux types d’égreneuses sont couramment utilisés: l’égreneuse à scies et


l’égreneuse à cylindres cannelés. En 1794, Eli Whitney mit au point une égreneuse
qui permettait de séparer la fibre de la graine grâce à un cylindre muni de pointes
ou de scies. En 1796, Henry Ogden Holmes inventa une égreneuse à scies et à
cannelures qui remplaça celle de Whitney; l’égrenage qui était auparavant effectué
par lots devint alors une opération continue. Le coton (généralement Gossypium
hirsutum ) pénètre dans l’égreneuse à scies en passant par une décortiqueuse. Les
scies accrochent le coton et l’entraînent par-dessus les cannelures largement
espacées (ou cannelures de décorticage) de la décortiqueuse. Les touffes de coton
sont attirées vers le fond d’un bac mobile. L’opération d’égrenage est réalisée par
un ensemble de scies qui tournent entre des cannelures plus fines (ou cannelures
d’égrenage). Les dents des scies passent entre les cannelures au point d’égrenage.
A cet endroit, le bord d’attaque des dents est pratiquement parallèle à la
cannelure, et les dents arrachent les fibres des graines trop grosses pour passer
entre les cannelures. Des vitesses d’égrenage supérieures à celles recommandées par
le fabricant peuvent diminuer la qualité des fibres, endommager les graines et
provoquer des bourrages. La vitesse des scies de l’égreneuse a également son
importance; les vitesses élevées ont tendance à endommager davantage les fibres
lors de l’égrenage.

Les égreneuses à cylindres ont été les premiers outils mécaniques utilisés pour
séparer les fibres de coton à soies extralongues (Gossypium barbadense) de leurs
graines. L’égreneuse de Churka, d’origine inconnue, était composée de deux
cylindres qui tournaient ensemble à la même vitesse circonférencielle, arrachant la
fibre de la graine par pinçage et produisant environ 1 kg de coton-fibre par jour.
En 1840, Fones McCarthy mit au point une égreneuse plus efficace composée d’un
rouleau garni de cuir, d’un couteau fixe plaqué contre le rouleau et d’un couteau à
mouvement alternatif qui arrachait la graine de la fibre, maintenue par le rouleau
et le couteau fixe. A la fin des années cinquante, une égreneuse à rouleaux et à
couteaux rotatifs a été mise au point aux Etats-Unis par le laboratoire de
recherche sur l’égrenage du coton pour la région du sud-ouest, rattaché au service
de recherche agricole du ministère de l’Agriculture, en collaboration avec des
constructeurs d’égreneuses et des ateliers d’égrenage privés. Cette machine est la
seule égreneuse à rouleaux actuellement employée aux Etats-Unis.

L’épuration des fibres


Le coton est transporté de l’égreneuse vers les condenseurs en passant par de
grands conduits, puis transformé à nouveau en nappe. La nappe est retirée du
tambour du condenseur et chargée dans l’épurateur de fibres à scies. A l’intérieur
de l’épurateur, le coton passe entre les rouleaux d’alimentation, puis sur la table
d’alimentation qui plaque les fibres contre la scie de l’épurateur. La scie
transporte le coton sous des barreaux de grille où s’effectue, grâce à la force
centrifuge, la séparation mécanique des graines immatures et des corps étrangers.
Il est essentiel que l’écart entre les extrémités de la scie et les barreaux de la
grille soit correctement réglé. Les barreaux de la grille doivent être droits, avec
un bord d’attaque acéré, pour ne pas réduire l’efficacité de l’épuration et limiter
les pertes. Si la vitesse d’alimentation de l’épurateur dépasse les recommandations
du fabricant, l’efficacité de l’épuration est réduite et la perte en fibres de
qualité s’accroît. Le coton égrené au rouleau est généralement nettoyé à l’aide
d’épurateurs non agressifs, sans scie, pour réduire les pertes.

Les épurateurs de fibres permettent d’améliorer la qualité du coton en éliminant


les corps étrangers. Dans certains cas, ces appareils peuvent aussi améliorer la
couleur d’un coton légèrement taché en effectuant un mélange pour obtenir une
qualité blanche. Ils permettent également de transformer un coton taché en un coton
légèrement taché, voire blanc.

La mise en balles
Le coton épuré est compressé en balles qui doivent être recouvertes pour les
protéger de toute salissure au cours du transport et du stockage. Trois types de
balles sont produits: balles plates modifiées, balles à densité universelle de
compression et balles à densité universelle d’égrenage. Ces balles sont pressées à
des densités de 224 et de 449 kg/m3 pour les balles plates modifiées et pour les
balles à densité universelle, respectivement. Dans la plupart des égreneuses, le
coton est pressé dans une presse double dans laquelle le coton-fibre est tout
d’abord comprimé par un mécanisme mécanique ou hydraulique. La presse est alors
mise en rotation et la compression du coton-fibre est portée à 320 ou 641 kg/m3
avec des presses pour balles plates modifiées ou des presses pour balles à densité
universelle d’égrenage, respectivement. Les balles plates modifiées sont
recomprimées pour être transformées en balles à densité universelle de compression,
afin de réduire les coûts de fret. En 1995, environ 98% des balles préparées aux
Etats-Unis étaient des balles à densité universelle d’égrenage.

La qualité des fibres


Chaque stade de la production influe sur la qualité du coton, y compris le choix de
la variété, la récolte et l’égrenage. Certains paramètres de qualité dépendent
directement des caractères gé-nétiques, tandis que d’autres sont principalement
fonction des conditions d’environnement ou des pratiques de récolte et d’égrenage.
Tout problème survenant au cours de n’importe quelle étape de la production ou du
traitement peut être à l’origine d’une baisse irréversible de la qualité des fibres
et d’une perte de bénéfice pour le producteur comme pour le fabricant de textiles.

La qualité des fibres est optimale le jour de l’ouverture des capsules.


L’exposition aux intempéries, la récolte mécanique, les manipulations, l’égrenage
et la fabrication peuvent réduire cette qualité naturelle. De nombreux facteurs
sont révélateurs de la qualité globale de la fibre de coton; les plus importants
sont la solidité, la longueur des fibres, la teneur en fibres courtes (inférieures
à 1,27 cm), l’uniformité de longueur, la maturité, la finesse, la teneur en débris,
la couleur, la teneur en fragments d’enveloppes de graines et en boutons ainsi que
l’adhésivité. Le marché reconnaît généralement ces facteurs, même s’ils ne sont pas
tous mesurés sur chaque balle.

L’égrenage peut influer significativement sur la longueur des fibres, l’uniformité


et la teneur en fragments d’enveloppes de graines, en débris, en fibres courtes et
en boutons. Les deux facteurs qui ont le plus d’impact sur la qualité sont la
régulation de l’humidité des fibres au cours de l’égrenage et de l’épuration, et
l’utilisation d’épurateurs à scies.

La fourchette recommandée pour l’humidité de la fibre lors de l’égrenage est de 6 à


7%. Lorsque l’humidité est faible, les épurateurs éliminent mieux les débris, mais
endommagent davantage les fibres. Une humidité plus élevée préserve la longueur des
fibres, mais donne lieu à des problèmes d’égrenage et à une mauvaise épuration,
comme le montre la figure 89.7. Si le séchage est accru pour améliorer
l’élimination des débris, il en résulte une baisse de la qualité des filés. Bien
que l’aspect du fil s’améliore jusqu’à un certain point avec le séchage, grâce à
une meilleure élimination des corps étrangers, la teneur accrue en fibres courtes
compromet les avantages dus à l’élimination des corps étrangers.

Figure 89.7 Compromis recherché lors de l'égrenage du coton


Figure 89.7

L’épuration ne modifie guère la couleur véritable de la fibre, contrairement au


peignage et à l’élimination des débris. L’épuration du coton-fibre permet parfois
de mélanger les fibres de manière à réduire le nombre de balles considérées comme
tachées ou légèrement tachées. L’égrenage n’a aucun impact sur la finesse et la
maturité. Tous les dispositifs mécaniques ou pneumatiques utilisés au cours de
l’épuration et de l’égrenage accroissent la teneur en boutons, mais ce sont les
épurateurs de fibres qui ont ici le plus d’effet. La quantité de fragments
d’enveloppes de graines dans le coton-fibre dépend de l’état des graines et de
l’opération d’égrenage. Les épurateurs de fibres réduisent la taille des fragments,
mais non leur quantité. La solidité et l’aspect du fil ainsi que la rupture à
l’extrémité de filage sont trois facteurs qualitatifs importants pour le
comportement en filature; ils dépendent tous de l’uniformité de la longueur et,
donc, de la proportion de fibres courtes ou cassées. Ces trois éléments sont
généralement préservés au mieux lorsque le coton est égrené en limitant au minimum
l’utilisation de machines de séchage et d’épuration.

Des recommandations ont été formulées sur la séquence et le nombre des machines
d’égrenage permettant de sécher et d’épurer le coton cueilli par des récolteuses à
broches, afin d’obtenir des balles de valeur satisfaisante et de préserver la
qualité naturelle du coton. Ces recommandations ont généralement été suivies et
sont donc reconnues depuis plusieurs décennies par l’industrie cotonnière des
Etats-Unis. Elles prévoient des systèmes de primes et d’escomptes pour la
commercialisation et tiennent compte de l’efficacité de l’épuration et de
l’endommagement des fibres caractérisant les différentes égreneuses. Ces
recommandations doivent être adaptées si la récolte a été effectuée dans des
conditions particulières.

Lorsque les différentes machines d’égrenage sont utilisées selon la séquence


recommandée, 75 à 85% des corps étrangers sont généralement éliminés du coton. Ces
appareils rejettent malheureusement aussi une petite quantité de coton de bonne
qualité. L’épuration réduisant ainsi la quantité de coton commercialisable, il
importe de trouver un compromis entre cette opération et ses effets positifs comme
la réduction de la teneur en corps étrangers, d’une part, et ses effets négatifs
comme l’endommagement ou la perte de fibres, d’autre part.

Les problèmes de sécurité et de santé


Comme toute opération de transformation, l’égrenage du coton comporte de nombreux
risques. L’analyse des demandes de prestations au titre des accidents du travail
indique que les lésions touchent essentiellement les mains ou les doigts, puis le
dos ou la colonne vertébrale, les yeux, les pieds ou les orteils, les bras ou les
épaules, les jambes, le tronc et la tête. L’industrie s’est efforcée de réduire
considérablement les risques et d’organiser la formation à la sécurité, mais
l’égrenage reste un point noir: en effet, la fréquence élevée des accidents, leur
gravité et le grand nombre de jours d’arrêt de travail sont sources de
préoccupation. Le coût total des lésions professionnelles dues à l’égrenage doit se
calculer en ajoutant aux coûts directs (soins médicaux et autres indemnités) les
coûts indirects (journées perdues, immobilisation des machines, manque à gagner,
surcoût des assurances du personnel, perte de productivité et nombreux autres
facteurs négatifs). Les coûts directs sont plus faciles à déterminer, mais bien
moins élevés que les coûts indirects.

De nombreux règlements internationaux régissant la sécurité et la santé dans


l’égrenage du coton sont inspirés de la législation des Etats-Unis appliquée par
l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and
Health Administration (OSHA)) et l’Agence de protection de l’environnement
(Environmental Protection Agency (EPA)), qui réglemente aussi les pesticides.

D’autres dispositions relatives à l’agriculture peuvent également s’appliquer aux


installations d’égrenage: obligation d’apposer le symbole identifiant les véhicules
lents sur les remorques/tracteurs circulant sur la voie publique, installation
d’arceaux de sécurité sur les tracteurs manœuvrés par le personnel et conditions
d’hébergement correctes pour le personnel temporaire. Dans la mesure où ces
installations sont considérées comme des entreprises agricoles et ne sont pas
spécifiquement visées par de nombreux règlements, les employeurs de ce secteur
souhaiteront probablement se conformer à d’autres dispositions, telles que les
normes de l’OSHA applicables à l’industrie en général (OSHA Regulations (Standards
— 29CFR) (Part 1910)). Certaines normes spécifiques prévues par l’OSHA devraient
être appliquées dans le secteur de l’égrenage, à savoir les textes se référant aux
incendies et aux plans d’urgence (29 CFR 1910.38a), aux issues de secours (29 CFR
1910.35-40) et à l’exposition au bruit (29 CFR 1910.95). Les principales
obligations concernant les issues de secours et autres issues figurent dans les
textes référencés 29 CFR 1910.36 et 29 CFR 1910.37. Dans d’autres pays où les
travailleurs agricoles relèvent de dispositions légales, le respect de ces normes
sera obligatoire. Les normes concernant le bruit et les autres facteurs de sécurité
et de santé sont examinées ailleurs dans l’Encyclopédie.

La participation des travailleurs aux programmes de sécurité


Les programmes les plus efficaces sont ceux qui ont réussi à sensibiliser les
salariés à la sécurité. Leur motivation peut être le fruit d’une politique de
sécurité intéressant les travailleurs à tous les aspects du programme, de la mise
en place d’une formation à la sécurité, du bon exemple et d’incitations
appropriées.

L’obligation de porter des équipements de protection individuelle dans certaines


zones et de respecter des pratiques de travail sûres permet de réduire les cas de
maladies professionnelles. Des accessoires de protection auditive (bouchons
d’oreille, serre-tête antibruit) et respiratoire (masques antipoussières) devraient
être utilisés pour toutes les opérations réalisées dans des zones très bruyantes ou
fortement empoussiérées. Certaines personnes, plus sensibles que d’autres au bruit
et aux troubles respiratoires, devraient être affectées à des postes se trouvant
dans des zones moins bruyantes ou moins poussiéreuses. En ce qui concerne les
risques liés à la manutention de charges lourdes ou à une chaleur excessive, il
convient de recourir à la formation, d’utiliser des auxiliaires de manutention, de
fournir des vêtements adaptés, de mettre en place un système de ventilation et de
prévoir des pauses en dehors des zones surchauffées.

Toutes les personnes affectées à l’égrenage doivent participer aux mesures de


sécurité; un milieu de travail sûr ne peut être instauré que si chacun collabore
sans réserve au programme de prévention mis en place.

LA FABRICATION DES FILÉS DE COTON


Phillip J. Wakelyn
Le coton représente environ 50% de la consommation mondiale de fibres textiles. La
Chine, les Etats-Unis, la Fédération de Russie, l’Inde et le Japon sont les
principaux consommateurs de coton. La consommation est évaluée d’après la quantité
de fibres de coton brut achetées et utilisées pour fabriquer des produits textiles.
La production mondiale de coton est annuellement de l’ordre de 80 à 90 millions de
balles (17,4 à 19,6 millions de tonnes). La Chine, les Etats-Unis, l’Inde,
l’Ouzbékistan et le Pakistan sont les principaux producteurs de coton et assurent
plus de 70% de la production cotonnière mondiale, le reste étant produit par
quelque 75 autres pays. Cinquante-sept pays exportent du coton brut et 65 des
tissus de coton. Nombre de pays accordent une grande importance à la production
intérieure pour réduire leur dépendance vis-à-vis des importations.

La fabrication des filés comprend une série d’opérations qui transforment les
fibres de coton brut en fil se prêtant à la fabrication de produits finis. Ces
opérations sont nécessaires pour obtenir les filés propres, solides et uniformes
requis par les marchés d’aujourd’hui. A partir d’un paquet de fibres emmêlées et
fortement compressées extrait des balles de coton et contenant de nombreux corps
étrangers et de fibres inutilisables (matières diverses, débris végétaux,
impuretés, etc.) en quantités variables, les opérations continues d’ouverture, de
mélangeage, d’épuration, de cardage, d’étirage, de passage au banc à broches et de
filage ont pour objet de transformer les fibres en fil.

Bien que les opérations de fabrication soient très complexes, la pression de la


concurrence continue de pousser les groupes industriels et les constructeurs à
rechercher, pour traiter le coton, des méthodes et des machines plus efficaces
appelées à supplanter peut-être un jour celles qu’on emploie actuellement.
Cependant, selon toute probabilité, les systèmes classiques de mélangeage, de
cardage, d’étirage, de passage au banc à broches et de filage continueront d’être
utilisés. Seule l’opération de battage-nappage semble clairement appelée à
disparaître dans un avenir proche.

Le fil est destiné à la fabrication de produits finis tissés ou tricotés (vêtements


ou tissus industriels), de fil à coudre et de cordages. Les filés produits se
différencient entre autres par leur diamètre et leur poids par unité de longueur.
Si le principe de fabrication n’a pas changé depuis des années, les vitesses de
traitement, les techniques de commande et la taille des balles ont évolué. Les
propriétés du fil et l’efficacité du traitement sont liées à celles des fibres de
coton traitées. Les propriétés finales du fil sont également dépendantes des
conditions de traitement.

La filature
L’ouverture, le mélangeage et l’épuration
En principe, les ateliers de filature procèdent à des mélanges de balles présentant
les propriétés nécessaires pour produire un fil destiné à une utilisation
spécifique. Le nombre de balles employées dans chaque mélange par les différents
établissements peut aller de 6 ou 12 à plus de 50. Le traitement débute par le
transfert des balles à mélanger vers l’atelier d’ouverture des fibres, où les
emballages et les cercles sont enlevés. Les couches de coton sont retirées
manuellement des balles et placées dans des chargeuses munies de bandes
transporteuses garnies de dents. Dans d’autres systèmes, des balles entières sont
placées sur des plates-formes qui leur impriment un mouvement de va-et-vient au-
dessous ou au-dessus d’un mécanisme d’arrachage. L’objectif est de transformer les
couches compactes des balles en petites touffes légères et duveteuses pour
faciliter l’élimination des corps étrangers. Etant donné que les balles sont
livrées en différentes densités, les cercles sont souvent coupés vingt-quatre
heures avant le traitement afin de les briser plus facilement. Cette précaution
facilite l’ouverture et contribue à régulariser la vitesse de chargement. Les
ouvreuses assurent les fonctions d’ouverture et d’épuration initiale.
Le cardage et le peignage
La carde est la machine la plus importante dans la fabrication des filés. Dans
presque toutes les usines textiles, elle assure la deuxième et la dernière
opération d’épuration. Elle est composée d’un système de trois cylindres rotatifs
garnis de fines pointes métalliques inclinées et d’une série de barres plates,
également munies de pointes métalliques, qui transforment successivement les petits
agglomérats et les petites touffes en fibres bien séparées et ouvertes, éliminent
un très gros pourcentage de débris et de corps étrangers, recueillent les fibres
sous forme d’un ruban qui est soigneusement lové dans un pot pour les opérations
ultérieures (voir figure 89.4).

Jadis, le coton était amené à la carde sous la forme d’une bande formée sur un
batteur-nappeur constitué de rouleaux d’alimentation, de batteurs et d’un ensemble
de tamis cylindriques sur lesquels les touffes de coton ouvertes étaient
recueillies et roulées en nappe (voir figure 89.5). La nappe était retirée des
tamis en une couche plate et régulière, puis enroulée en bande. Cependant, la
nombreuse main-d’œuvre requise et l’existence de systèmes automatiques de
manutention susceptibles d’améliorer la qualité ont contribué à l’obsolescence du
batteur-nappeur.

La suppression de cette étape a été possible grâce à l’installation de machines


d’ouverture et d’épuration plus efficaces et de cheminées d’alimentation munies de
mécanismes pneumatiques qui alimentent les cardes en touffes de fibres ouvertes et
épurées. Cette étape contribue à la régularité du traitement et à l’amélioration de
la qualité, tout en réduisant les besoins de main-d’œuvre.

Un petit nombre d’établissements produisent du coton peigné, c’est-à-dire la


qualité de fil la plus propre et la plus régulière qui soit. Le peignage exige une
épuration plus poussée que le cardage; il élimine les fibres courtes, les boutons
et les débris, et permet ainsi d’obtenir un ruban parfaitement propre et brillant.
La peigneuse est une machine compliquée constituée de rouleaux d’alimentation
cannelés et d’un cylindre partiellement garni d’aiguilles, destiné à extraire les
fibres courtes et à parfaire le parallélisme des fibres (voir figure 89.3).

L’étirage et le passage au banc à broches


L’étirage est la première opération de fabrication des filés faisant appel à des
cylindres qui effectuent la quasi-totalité de l’étirage. Les pots contenant les
rubans de carde sont empilés dans le râtelier du banc d’étirage. L’étirage consiste
à faire passer un ruban dans un système de cylindres appariés, mais animés de
vitesses différentes. L’étirage tend les fibres du ruban pour les rendre
rectilignes et aussi parallèles que possible à l’axe du ruban, ce qui est
indispensable pour obtenir les propriétés désirées lorsque les fibres doivent être
transformées en fil par torsion. L’étirage uniformise également le poids du ruban
par unité de longueur et facilite les possibilités de mélange. Les fibres produites
par l’opération d’étirage final, réalisée sur le banc finisseur, sont pratiquement
rectilignes et parallèles à l’axe du ruban. Le poids par unité de longueur d’un
ruban issu de l’étirage final est trop élevé pour permettre la transformation en
fil sur les systèmes traditionnels de filature à anneaux.

Le passage au banc à broches ramène le poids du ruban à un niveau adapté au filage


et à la torsion, tout en conservant l’intégrité des brins étirés. Les bacs
contenant les rubans issus de l’étirage final ou du peignage sont placés dans le
râtelier, et chaque ruban est conduit entre deux jeux de cylindres animés de
vitesses croissantes, ce qui fait passer le diamètre du ruban d’environ 2,5 cm à la
taille d’un crayon ordinaire. Une torsion est imprimée aux fibres grâce à une
ailette fixée sur la broche. Le produit en résultant, dénommé mèche, vient
s’enrouler sur une bobine d’environ 37,5 cm de long et de 14 cm de diamètre.

Le filage
Le filage est l’étape la plus coûteuse de la transformation des fibres de coton en
fil. Il comprend la préparation et le filage proprement dit (appelé aussi
filature). Actuellement, plus de 85% du fil produit dans le monde l’est avec des
continus à filer à anneaux: ces métiers sont conçus pour transformer la mèche en
fil du calibre (ou numéro) voulu et à lui imprimer la torsion souhaitée, cette
dernière étant proportionnelle à la résistance. Le rapport entre la longueur
initiale et la longueur finale est de l’ordre de 10 à 50. Les bobines de mèches
sont placées sur des supports qui leur permettent de passer librement dans le
cylindre d’étirage du continu à filer à anneaux. Après étirage, le fil traverse un
guide, puis un curseur avant de passer sur la bobine de fil. La broche
d’entraînement de cette bobine tourne à grande vitesse, ce qui fait gonfler le fil
à mesure qu’elle lui imprime une torsion. Les fils se trouvant sur les bobines sont
trop courts pour être utilisés lors des opérations ultérieures; ils sont transférés
vers des pots tournants et amenés à l’opération suivante (bobinage ou renvidage).

Dans la production de fils plus lourds ou plus grossiers, le filage à anneaux est
aujourd’hui remplacé par le procédé dit à fibres libérées, dit aussi «open-end» (à
bouts ouverts). Un ruban de fibres est amené dans une turbine tournant à vitesse
très élevée, dans laquelle la force centrifuge transforme les fibres en fil. La
bobine n’est pas utile dans ce procédé, et le fil est mis en place sur le support
voulu lors de l’opération suivante.

De nombreux efforts de recherche-développement sont consa-crés à la mise au point


de méthodes radicalement nouvelles pour fabriquer les filés. Certains systèmes de
filature en cours d’élaboration pourraient révolutionner la fabrication des filés
et modifier l’importance relative des propriétés des fibres. Parmi les principes
utilisés dans les nouveaux systèmes, quatre paraissent utilisables pour le coton.
Des systèmes de filature à âme sont actuellement employés pour produire certains
filés spéciaux et les fils à coudre. Des fils sans torsion ont été obtenus
industriellement en quantité limitée grâce à un procédé qui permet de lier les
fibres entre elles avec un alcool polyvinylique ou un autre agent de liaison. Ce
procédé pourrait permettre une productivité élevée et assurer une très grande
uniformité des fils. Les tricots et autres tissus d’habillement fabriqués avec ce
type de fil ont un très bel aspect. Dans la filature à tourbillon d’air, étudiée
par plusieurs constructeurs de machines, le ruban d’étirage est amené à un rouleau
d’ouverture, comme dans la filature à turbine. La filature à tourbillon d’air
permet d’atteindre des vitesses de production très élevées, mais les prototypes
sont particulièrement sensibles aux variations de longueur des fibres et aux corps
étrangers tels que les particules de déchets.

Le renvidage et le bobinage
Après le filage, le fil doit être présenté en fonction de l’utilisation prévue —
tissage ou tricotage. Le renvidage, le bobinage, la torsion et l’enroulement du fil
sur canettes sont considérés comme des étapes préparatoires au tissage et au
tricotage. En principe, les produits bobinés seront utilisés comme fils de chaîne
(fils passant dans le sens de la longueur d’un tissu) et les produits renvidés
serviront de fils de trame (fils passant dans le sens de la largeur d’un tissu), ou
duites. Les produits de la filature à fibres libérées court-circuitent ces étapes
et sont directement emballés en tant que fils de trame ou fils de chaîne. Le
retordage consiste à tordre ensemble deux fils ou plus avant les autres opérations
afin d’obtenir un fil retors d’une grosseur double, voire triple ou quadruple,
nettement plus solide qu’un fil simple de la même grosseur. Dans l’enroulement du
fil sur canettes, le fil est disposé sur des bobines suffisamment petites pour
tenir à l’intérieur de la navette d’un métier à boîtes multiples. Cette opération a
parfois lieu sur le métier lui-même (voir plus loin dans ce chapitre l’article «Le
tissage et le tricotage»).

Le traitement des déchets


Dans les usines modernes où l’on s’intéresse à la lutte contre l’empoussièrement,
on accorde beaucoup d’importance à la manipulation des déchets. Dans les opérations
textiles classiques, les déchets — lorsqu’ils ne pouvaient être recyclés — étaient
récupérés manuellement et transférés vers un entrepôt où ils s’accumulaient jusqu’à
ce que l’on dispose d’une quantité suffisante d’un même type pour confectionner une
balle. Aujourd’hui, des dispositifs d’aspiration centralisée renvoient
automatiquement les déchets provenant de l’ouverture, du battage-nappage, du
cardage, de l’étirage et du passage au banc à broches. Ces systèmes sont utilisés
pour nettoyer les machines, pour récupérer automatiquement les déchets se trouvant
sous les machines (peluches et impuretés provenant du cardage) et pour renvoyer les
déchets inutilisables récupérés au sol, ainsi que les résidus des diviseurs à
filtre. La presse à balles classique est une presse ascendante verticale qui permet
de presser des balles de 227 kg. Avec les techniques modernes de traitement des
déchets, ceux-ci sont amenés par le système d’aspiration centrale dans une cuve qui
alimente une presse à balles horizontale. Les déchets issus de la fabrication des
filés peuvent être recyclés ou réutilisés par d’autres industries. Ainsi,
l’industrie de la filature des déchets produit du fil à serpillière, et le
garnettage peut servir à produire les nappes de coton utilisées par les
matelassiers ou par les tapissiers pour certains meubles.

La sécurité et la santé
Les machines
Tous les types de machines servant à fabriquer les textiles de coton peuvent
provoquer des accidents, bien que la fréquence de ceux-ci ne soit pas très élevée.
La mise en place d’une protection efficace sur les innombrables pièces en mouvement
pose de multiples problèmes et requiert une attention constante. La formation des
opérateurs à des pratiques de travail sûres est également essentielle. Elle permet
notamment d’éviter de réparer une machine en marche, ce qui est à l’origine de
nombreux accidents. Chaque élément de machine peut avoir une source motrice
d’énergie (électrique, mécanique, pneumatique, hydraulique, inertielle, etc.) qu’il
importe de couper avant de procéder à une réparation ou à une opération
d’entretien. Les sources d’énergie devraient être clairement identifiées dans
chaque atelier; l’équipement nécessaire devrait se trouver sur place et le
personnel devrait savoir que les sources d’énergie dangereuses doivent
systématiquement être déconnectées avant toute intervention sur les machines. Des
inspections régulières devraient être effectuées pour s’assurer que les procédures
d’arrêt sont respectées et correctement appliquées.

L’inhalation de poussières de coton (byssinose)


L’inhalation des poussières produites par la transformation des fibres de coton en
filés et en tissus est responsable d’une maladie pulmonaire professionnelle appelée
byssinose qui atteint certaines personnes. La maladie ne survient généralement
qu’après 15 à 20 ans d’exposition à des concentrations élevées de poussières
(supérieures à 0,5-1,0 mg/m3). Selon les normes de l’Administration de la sécurité
et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)) et
de la Conférence américaine des hygiénistes gouvernementaux du travail (American
Conference of Governmental Industrial Hygienists (ACGIH)), aux Etats-Unis, la
limite d’exposition professionnelle aux poussières de coton lors de la fabrication
de fils textiles est fixée à 0,2 mg/m3 de poussières respirables, mesurées à l’aide
d’un élutriateur vertical. Les poussières de coton sont des particules véhiculées
par l’air, mises en suspension dans l’atmosphère lors de la manipulation et du
traitement du coton. Il s’agit de mélanges hétérogènes et complexes comprenant
également des débris végétaux et de terre et des micro-organismes (bactéries et
champignons) dont la composition et l’activité biologique varient. L’agent
étiologique et le mécanisme pathogène de la byssinose restent inconnus. Les débris
de cotonnier présents sur les fibres ainsi que les endotoxines des bactéries Gram
négatif se trouvant sur les fibres et les débris végétaux seraient la cause directe
ou le réservoir de l’agent pathogène. La fibre de coton elle-même, principalement
composée de cellulose, n’est pas directement pathogène, car la cellulose est inerte
et ne provoque pas de maladies respiratoires. Des mesures de prévention technique
appropriées dans les zones de traitement des textiles en coton (voir figure 89.8),
associées à des pratiques de travail correctes, à une surveillance médicale et à
l’utilisation d’équipements de protection individuelle, permettent de prévenir la
plupart des cas de byssinose. Par ailleurs, le lavage doux dans des autoclaves de
débouillissage par lots dans le cadre de l’utilisation de systèmes à nappe continue
permet d’abaisser le taux résiduel d’endotoxines dans les poussières véhiculées par
le coton-fibre ou par l’air. On parvient ainsi à des taux inférieurs à ceux qui
provoquent une insuffisance respiratoire aiguë mesurée d’après le volume
expiratoire maximal seconde (VEMS).

Figure 89.8 Système d'extraction des poussières sur une cardeuse


Figure 89.8

Le bruit
Le bruit peut poser des problèmes lors de certaines opérations de fabrication des
filés. Dans les usines modernes, il est généralement inférieur à 90 dBA, ce qui
correspond à la norme en vigueur aux Etats-Unis. Dans bien des pays, la limite est
plus sévère. Grâce aux efforts des constructeurs de machines et des spécialistes de
la question, les niveaux de bruit continuent de diminuer en dépit de l’augmentation
des vitesses. La solution consiste à fabriquer des machines plus silencieuses. Aux
Etats-Unis, un programme de protection de l’ouïe est obligatoire dans les
entreprises où le niveau sonore dépasse 85 dBA, ce qui implique la surveillance du
bruit, des tests audiométriques et la fourniture de dispositifs de protection pour
le personnel lorsque le bruit ne peut être ramené au-dessous de 90 dBA.

La chaleur
Etant donné que les opérations de filage requièrent parfois des températures
élevées et une humidification artificielle de l’air, une surveillance attentive est
dans tous les cas indispensable pour garantir le respect des limites maximales
admissibles. Des systèmes d’air conditionné bien conçus et correctement entretenus
tendent de plus en plus à remplacer les méthodes plus archaïques de régulation
thermique et hygrométrique.

Les systèmes de gestion de la sécurité et de la santé au travail


La plupart des usines modernes de fabrication de fils textiles ont mis en place un
système de gestion de la sécurité et de la santé pour maîtriser les risques
auxquels le personnel peut être exposé. Il peut s’agir soit de programmes
volontaires tels que celui des fabricants de textiles des Etats-Unis («Quest for
the Best in Health and Safety»), soit de programmes imposés par voie réglementaire
(«US State of California Occupational Injury and Illness Prevention Programme —
Title 8, California Code of Regulations, Section 3203»). Tout système de gestion de
la sécurité et de la santé devrait être suffisamment souple pour permettre aux
entreprises de l’adapter à leurs propres besoins.

L’INDUSTRIE LAINIÈRE
D.A. Hargrave*

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de


l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

Les origines de l’industrie lainière se perdent dans la nuit des temps. Nos
lointains ancêtres n’ont pas eu de peine à domestiquer le mouton, qui a grandement
contribué à satisfaire leurs besoins essentiels en matière alimentaire et
vestimentaire. Dans les sociétés primitives, on frottait les unes contre les autres
les fibres prélevées sur l’animal pour en faire un fil et, partant de ce principe
initial, les procédés de filage ont gagné en complexité. L’industrie lainière a
joué un rôle de pionnier dans la mise au point et l’adaptation de procédés
mécanisés et a été l’une des premières à industrialiser sa production.
Les matières premières
La longueur de la fibre prélevée sur l’animal est l’élément dominant, mais non le
seul, dans le choix du traitement ultérieur. Les types de laines disponibles
peuvent être classés en trois catégories: a) les laines mérinos; b) les laines
métisses fines, moyennes ou grossières; c) les laines pour tapis. On distingue
diverses qualités dans chaque catégorie. La laine mérinos est caractérisée par sa
finesse et ses brins sont courts, contrairement aux laines pour tapis dont les
brins sont longs et épais. Aujourd’hui, les fibres synthétiques qui imitent la
laine sont mélangées aux fibres naturelles en proportion croissante et subissent
les mêmes traitements. Les poils d’autres animaux — mohair (chèvre), alpaga (lama),
cachemire (chèvre, chameau), angora (chèvre) et vigogne (lama sauvage) — jouent
aussi un rôle important, bien qu’accessoire dans cette branche; ils sont
relativement chers et sont habituellement transformés par des entreprises
spécialisées.

La filature
Il existe deux procédés de filage distincts, selon qu’on entend obtenir des fils
cardés ou des fils peignés. Les machines se ressemblent sur bien des points, mais
les produits recherchés sont différents. En principe, on prend pour les peignés des
laines à brins plus longs qu’on maintient parallèles lors du cardage, du
défeutrage, du boudinage et du peignage, les brins courts étant rejetés. On obtient
ainsi un filé fin et résistant qui donne, par tissage, une étoffe légère, d’aspect
lisse et de bonne tenue, comme celle qu’on utilise pour les costumes d’homme. Pour
les cardés, le but est d’entremêler et d’entrelacer les fibres pour obtenir un filé
doux et aéré qui donne, par tissage, une étoffe pleine et gonflante, à surface
laineuse (tweeds, couvertures et tissus lourds pour pardessus). L’uniformité des
brins n’étant pas nécessaire pour les cardés, le filateur peut mélanger de la laine
vierge à des brins courts rejetés lors de la production des peignés, à des laines
d’effilochage récupérées par destruction de vieux vêtements, etc. Le «shoddy» est
tiré de déchets souples, et le «mungo» de déchets serrés.

Il faut garder à l’esprit que ces opérations sont fort complexes et que l’état et
le type de la matière première utilisée, ainsi que les spécifications du produit
fini, influencent à chaque stade les opérations et leur séquence. Ainsi, on peut
teindre la laine avant le filage, en filés, en fin de fabrication, ou encore à
l’état de pièce tissée. Les opérations peuvent être effectuées dans différentes
usines.

Les risques et leur prévention


Comme dans toute l’industrie textile, les grosses machines comportant des parties
en mouvement rapide posent des problèmes de bruit et présentent des risques
mécaniques. La poussière peut également être source de difficulté. Les engrenages,
les chaînes et pignons, les arbres, courroies et poulies de transmission devraient
être placés sous carter de protection. Il en va de même pour les organes des
machines propres à l’industrie lainière, à savoir:

rouleaux d’alimentation et dévidoirs des diverses machines de préparation et


d’ouverture (effilocheuses, loups, garnetteuses, déchiqueteuses à chiffons, etc.);
cylindres briseurs et chasseurs, cylindres adjacents, cardes et cardes briseuses;
ouvertures d’alimentation entre les dévidoirs et les peigneurs des effilocheurs,
cardes et garnetteuses;
cylindres et barrettes aiguillées des machines d’étirage;
arbres arrière des bancs d’étirage et des bancs à broches;
espace entre le chariot et la têtière des métiers renvideurs;
clavettes, boulons et autres pièces de fixation formant saillie sur l’ensouple des
bobinoirs de chaîne;
rouleaux presseurs des machines de dégraissage, de foulage et d’essorage du tissu;
ouvertures d’alimentation entre le tissu, l’enrouleur et le rouleau des
soufflantes;
cylindre porte-lames des machines à raser;
pales des ventilateurs équipant les transporteurs pneumatiques (tous les portillons
de visite des gaines de ces systèmes devraient être à bonne distance des pales du
ventilateur, car celui-ci met un certain temps à s’immobiliser après la coupure du
courant et il convient d’être très prudent, car l’opérateur qui doit intervenir en
cas de bourrage ne peut généralement pas voir les pales en mouvement);
navette libre des métiers; des dispositifs de protection bien conçus devraient
l’empêcher de s’échapper du bâti ou limiter sa course si elle s’échappe.
La protection de ces organes dangereux pose des problèmes pratiques puisque les
dispositifs installés doivent être adaptés aux méthodes de travail courantes dans
chaque opération pour éviter notamment que le travailleur l’enlève ou la rende
inopérante au moment précis où les risques sont les plus grands (procédure d’arrêt
des machines, par exemple). Une formation spécifique et une surveillance étroite
sont nécessaires pour que, en aucun cas, l’évacuation des déchets ou le nettoyage
des machines ne soient effectués lorsque les moteurs sont en marche. Une lourde
responsabilité incombe aux constructeurs de machines chargés de veiller à ce que la
sécurité soit intégrée dès le stade de la conception en bureau d’études, et au
personnel d’encadrement, qui devrait s’assurer que les travailleurs ont été
convenablement formés.

L’espacement des machines


Le rapprochement excessif des machines accroît évidemment les risques d’accidents.
Dans beaucoup de locaux anciens, on compte une forte concentration de machines sur
une surface donnée, ce qui réduit d’autant les voies de passage, les dégagement et
les emplacements de stockage provisoire des matières premières et des produits
finis. Dans certaines anciennes usines, les passages libres entre les cardes sont
si étroits qu’il est impossible d’encoffrer les courroies et les poulies et que
l’on doit se contenter de monter un coin protecteur dans leurs angles rentrants; en
pareil cas, il est très important que la fourche soit parfaitement lisse et bien
conçue pour guider la courroie. L’espacement entre les machines devrait être
réglementé par l’adoption de normes minimales en la matière, comme l’a recommandé
une commission du gouvernement britannique.

La manutention des matériaux


En l’absence de méthodes modernes de manutention mécanique, le risque d’accident
est toujours présent dès qu’il faut soulever de lourdes charges. Les opérations de
manutention devraient être aussi mécanisées que possible; si tel n’est pas le cas,
il conviendra de prendre les précautions exposées au chapitre no 102, «Les
transports et l’entreposage» de la présente Encyclopédie . Les techniques correctes
sont particulièrement importantes pour les travailleurs chargés de monter ou de
démonter les grosses ensouples sur les métiers ou de manipuler des balles de laine
lourdes et encombrantes aux différents stades de la préparation. Il convient,
chaque fois que la chose est possible, d’utiliser des diables, des chariots et des
patins de glissement pour déplacer ce type de charge.

Les risques d’incendie


Les risques d’incendie ne doivent pas être sous-estimés, surtout dans les anciennes
usines construites sur plusieurs étages. Les locaux devraient être conformes aux
réglementations locales qui imposent également la non-obstruction des couloirs et
des issues, la présence de systèmes de détection d’incendie, d’extincteurs et de
tuyaux d’incendie, d’éclairages de secours, etc. La propreté et l’entretien des
locaux éviteront l’accumulation des poussières et des peluches qui favorisent la
propagation du feu. Aucune réparation nécessitant des chalumeaux ou tout autre
outillage à flamme nue ne devrait être autorisée pendant les heures de travail.
L’ensemble du personnel devrait être formé aux procédures à suivre en cas
d’incendie et des exercices seront prévus à intervalles convenables, autant que
possible en collaboration avec les sapeurs-pompiers, la police et les services
médicaux d’urgence.
La sécurité générale
L’accent a été mis sur les dangers qui surviennent plus particulièrement dans
l’industrie lainière, mais il faut souligner que la plupart des accidents se
produisent dans des circonstances que l’on retrouve dans toutes les branches
d’activité (chutes de personnes ou d’objets, manutentions, utilisation d’outils à
main, etc.) et que les principes généraux de sécurité s’appliquent à l’industrie
lainière comme à la plupart des autres industries.

Les problèmes de santé


La fièvre charbonneuse
La maladie le plus souvent liée aux textiles laineux est la fièvre charbonneuse,
connue aussi sous le nom de charbon ou d’anthrax. Elle est due à la bactéridie
charbonneuse (Bacillus anthracis) et constituait autrefois un risque grave,
particulièrement lors des opérations de triage; toutefois, elle a été presque
entièrement jugulée dans ce secteur de l’industrie textile grâce aux mesures ci-
après:

amélioration des méthodes de production dans les pays exportateurs où la fièvre


charbonneuse est endémique;
désinfection des matières premières susceptibles de contenir des spores du charbon;
manipulation, sous des hottes d’aspiration, des matières premières susceptibles
d’être contaminées;
exposition de la balle de laine aux micro-ondes, pendant une durée et à une
température suffisantes pour détruire tout micro-organisme pathogène; ce traitement
facilite également la récupération de la lanoline de la laine;
progrès réalisés dans le traitement de la maladie, en particulier vaccination du
personnel notoirement exposé;
information et formation du personnel et mise à disposition d’installations
sanitaires et, si nécessaire, d’équipements de protection individuelle.
Outre les spores du bacille charbonneux, on sait que les spores de Coccidioides
immitis peuvent aussi contaminer la laine, surtout dans le sud-ouest des Etats-
Unis. Ce champignon provoque une maladie connue sous le nom de coccidioïdomycose
qui, à l’instar du syndrome respiratoire de la fièvre charbonneuse, n’offre que peu
de chances de guérison. La fièvre charbonneuse risque aussi de provoquer une
ulcération ou une pustule maligne lorsque l’infection a lieu à l’occasion d’une
rupture de la barrière cutanée.

Les produits chimiques


Divers produits chimiques sont utilisés, par exemple pour le dégraissage (dioxyde
de diéthylène, détergents synthétiques, trichloroéthylène et, jadis, tétrachlorure
de carbone), la désinfection (formaldéhyde), le blanchiment (dioxyde de soufre,
chlore) et la teinture (chlorate de potassium, anilines). Ces produits comportent
des risques d’asphyxie par les gaz, d’intoxication, d’irritation des yeux, des
muqueuses et des poumons, et peuvent provoquer des réactions cutanées. En règle
générale, la prévention passe par les mesures suivantes:

utilisation d’un produit chimique moins dangereux;


ventilation par aspiration localisée;
rigueur en matière d’étiquetage, de stockage et de transport des liquides corrosifs
ou nocifs;
équipements de protection individuelle;
installations sanitaires efficaces (avec douches, si possible);
hygiène individuelle stricte.
Autres risques
Le bruit, les éclairages inadaptés et le niveau élevé de température et d’humidité
requis pour le traitement de la laine peuvent avoir un effet préjudiciable sur la
santé du personnel. De nombreux pays ont élaboré des normes dans ces domaines. La
vapeur, les condensations et l’humidité peuvent être difficiles à éliminer
efficacement des ateliers de teinture, et le recours aux spécialistes est souvent
nécessaire. Dans les ateliers de tissage, il reste beaucoup à faire pour lutter
contre le bruit. L’éclairage, quant à lui, devrait faire l’objet de spécifications
rigoureuses, notamment lors de la fabrication d’étoffes foncées.

Les poussières
De même que les poussières générées par les opérations de préparation risquent de
véhiculer les spores du bacille charbonneux, de nombreuses machines (effilocheuses
et cardeuses, notamment) produisent des poussières en quantités suffisantes pour
causer une irritation des muqueuses respiratoires. Ces poussières devraient donc
être éliminées grâce à un système efficace de ventilation par aspiration localisée.

Le bruit
Les filatures de laine sont souvent des endroits très bruyants en raison du grand
nombre de pièces en mouvement, notamment dans les métiers à tisser. Une
lubrification correcte atténue le bruit, mais elle ne dispense pas d’envisager la
mise en place de dispositifs antibruit et de réfléchir à d’autres solutions. La
prévention des pertes auditives d’origine professionnelle passe en grande partie
par l’utilisation de dispositifs de protection (coquilles, bouchons d’oreille). Il
est indispensable d’informer le personnel sur leur utilisation correcte et de
vérifier l’emploi qui en est fait. Un programme de protection de l’ouïe comportant
des audiogrammes périodiques est obligatoire dans de nombreux pays. Lorsque les
machines sont remplacées ou réparées, il convient d’adopter des mesures de nature à
réduire le bruit.

Le stress professionnel
Le stress professionnel, avec les effets qu’il exerce sur la santé et le bien-être
des travailleurs, est un problème réel dans l’industrie lainière. Etant donné que
de nombreuses usines fonctionnent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, le recours
au travail posté est souvent nécessaire. Pour satisfaire aux exigences de la
production, les chaînes fonctionnent en continu, de sorte que les travailleurs sont
«attachés» à une ou à plusieurs machines et doivent attendre un remplaçant pour se
rendre aux toilettes ou se reposer. Le bruit ambiant, le port de coquilles ou de
bouchons d’oreille et les tâches de routine fortement répétitives ont pour effet
d’isoler les opérateurs et d’entraver la communication, ce qui est souvent ressenti
comme stressant. La qualité de la surveillance et l’existence d’espaces de détente
sur les lieux de travail ont une grande influence sur les niveaux de stress
professionnel.

Conclusion
Si les grandes entreprises modernes sont en mesure d’investir dans les nouvelles
réalisations techniques, de nombreuses usines plus anciennes ou plus petites
continuent de fonctionner avec des machines obsolètes. Les impératifs économiques
tendent à réduire l’attention portée à la sécurité et à la santé du personnel. Dans
de nombreuses régions développées, les industriels abandonnent souvent leurs usines
au profit de nouvelles installations construites dans des pays en développement,
plus spécialement dans celles où la main-d’œuvre est bon marché et où les
réglementations en matière de sécurité et de santé sont inexistantes ou
généralement ignorées. Des investissements raisonnables en faveur de la santé et du
bien-être des travailleurs peuvent apporter des bénéfices non négligeables aux
entreprises comme aux salariés de l’industrie lainière, caractérisée par sa forte
intensité de main-d’œuvre.

L’INDUSTRIE DE LA SOIE
J. Kubota *

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de


l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

La soie est une fibre lustrée, résistante et élastique, produite par le ver à soie,
larve du bombyx; le même terme s’applique aussi au fil et au tissu faits de cette
fibre. Selon la tradition, l’industrie de la soie est née en Chine en 2640 avant
J.-C. Vers le IIIe siècle de notre ère, le ver à soie et son produit ont pénétré au
Japon en passant par la Corée, puis un peu plus tard en Inde. De là, la production
de la soie s’est lentement étendue vers l’ouest, à l’Europe et au Nouveau Monde.

Le processus de production comprend une séquence d’opérations qui ne sont pas


nécessairement effectuées dans la même entreprise ou le même établissement,
notamment:

La sériciculture. La production des cocons pour en tirer les filaments de soie


grège est appelée sériciculture , terme qui couvre l’alimentation des vers, la
formation des cocons, etc. Elle n’est possible que là où existent des mûriers en
quantité suffisante pour nourrir les larves. Les claies sur lesquelles les vers
sont élevés doivent être tenues dans un local à une température constante de 25 °C,
ce qui nécessite un chauffage artificiel dans les pays froids et selon la saison.
Les vers filent leur cocon après s’être alimentés pendant quarante-deux jours.
La filature. L’opération caractéristique de la filature de la soie, appelée
dévidage, consiste à assembler les filaments du cocon en un brin continu, uniforme
et régulier. La gomme naturelle — grès ou séricine — est tout d’abord amollie dans
de l’eau bouillante. Dans une bassine d’eau chaude, les extrémités des filaments de
plusieurs cocons sont saisies, rassemblées et tirées pour être fixées à un dévidoir
sur lequel les filaments s’enroulent pour former la soie grège, également dite
«crue».
Le moulinage. Dans cette opération, les brins sont tordus et doublés pour donner un
fil plus fort.
Le dégommage. La soie grège est mise à bouillir dans une eau savonneuse à environ
95 °C.
Le blanchiment. La soie, grège ou cuite, est traitée au peroxyde d’hydrogène ou au
peroxyde de sodium.
Le tissage. Le fil de soie est tissé pour obtenir une étoffe, opération
généralement confiée à d’autres ateliers.
La teinture. La soie peut être teinte à l’état de filament ou de fil, ou encore
après le tissage.
La sécurité et la santé
Le monoxyde de carbone
Des symptômes d’intoxication au monoxyde de carbone se manifestant par des
céphalées, des vertiges et, parfois, des nausées et des vomissements, généralement
sans gravité, ont été signalés au Japon où la sériciculture est fréquemment
pratiquée à domicile, dans des locaux mal ventilés et chauffés au charbon.

Les dermatoses
Le mal des bassines . Une dermite des mains a été observée très fréquemment,
surtout au Japon, chez les femmes qui dévidaient la soie. On a signalé que le taux
de morbidité par mal des bassines était de 30 à 50% chez les personnes employées au
dévidage pendant les années vingt, et que 14% d’entre elles devaient s’arrêter de
travailler en moyenne trois jours par an. Les lésions cutanées, localisées surtout
aux doigts, aux poignets et sur les avant-bras, se caractérisaient par un érythème
sous forme de petites vésicules devenant chroniques, pustuleuses ou eczémateuses et
extrêmement douloureuses. On attribuait généralement cette affection aux produits
de décomposition des chrysalides mortes et à un parasite du cocon. Plus récemment,
des observations faites au Japon ont montré qu’elle est probablement due à la
température du bain de dévidage. Jusqu’en 1960, l’eau y était pratiquement toujours
maintenue à 65 °C; toutefois, depuis l’introduction des nouvelles installations
assurant une température comprise entre 30 et 45 °C, aucun cas de lésion cutanée
typique du dévidage n’a été signalé chez les travailleurs chargés de cette
opération.

La manipulation de la soie grège peut produire des réactions cutanées allergiques


chez certaines personnes. On a observé un œdème du visage et une inflammation des
yeux en l’absence de tout contact local direct avec le bain de dévidage. Des
dermatoses ont aussi été constatées chez les personnes occupées au moulinage.

Les problèmes respiratoires


Dans l’ex-Union soviétique, une épidémie inhabituelle d’amygdalite chez les fileurs
de soie a pu être attribuée aux bactéries présentes dans l’eau des bassines de
dévidage et dans l’atmosphère des chambres à cocons. La désinfection, le
renouvellement fréquent de l’eau de dévidage et l’aspiration de l’air aux dévidoirs
ont apporté une amélioration rapide.

Des observations épidémiologiques détaillées portant sur de longues périodes,


effectuées également dans l’ex-Union soviétique, ont montré que les travailleurs de
l’industrie de la soie naturelle peuvent contracter une allergie respiratoire
caractérisée par un asthme bronchique, une bronchite asthmatiforme ou une rhinite
allergique. Il semble que la soie naturelle puisse provoquer une sensibilisation à
tous les stades de la production.

Des accès d’insuffisance respiratoire aiguë ont également été rapportés chez des
travailleurs chargés du bobinage ou de l’alimentation d’un métier à filer ou d’une
bobineuse. Selon la vitesse de la machine, la substance protéique qui entoure le
filament de soie peut se transformer en aérosol qui, s’il est inhalable, provoque
une réaction pulmonaire très similaire à celle de la byssinose.

Le bruit
L’exposition au bruit peut atteindre un stade dommageable pour les personnes qui
travaillent sur des machines de filage ou de bobinage des fils de soie ou dans les
ateliers de tissage. Une lubrification appropriée des machines et la mise en place
de dispositifs antibruit peuvent réduire partiellement le bruit, mais l’exposition
ininterrompue pendant toute la journée de travail peut avoir un effet cumulatif.
S’il n’est pas possible de réduire le niveau sonore ambiant, il convient de mettre
à la disposition des travailleurs des appareils de protection individuelle. Comme
pour tous ceux d’entre eux qui sont exposés au bruit, un programme de protection de
l’ouïe prévoyant des audiogrammes périodiques est souhaitable.

Les mesures relatives à la sécurité et à la santé


La régulation de la température, de l’humidité et de la ventilation est essentielle
à toutes les étapes du travail de la soie. Les travailleurs à domicile ne devraient
pas échapper à la surveillance. Les salles d’élevage devraient être convenablement
ventilées et les poêles à charbon ou à kérosène devraient être remplacés par des
chauffages électriques ou d’autres systèmes.

L’abaissement de la température des bains de dévidage peut être efficace pour


prévenir les dermatoses. L’eau devrait être changée fréquemment, et une aspiration
localisée mise en place. Il faut, autant que possible, éviter le contact direct de
la peau avec la soie dans les bains de dévidage.

De bonnes installations sanitaires et une hygiène individuelle stricte sont


indispensables. Au Japon, le lavage des mains avec une solution d’acide acétique à
3% a donné de bons résultats.

Il est souhaitable de procéder à un examen médical à l’embauche, suivi d’un


contrôle médical régulier.

Dans l’industrie de la soie, les machines présentent les mêmes risques que dans
l’industrie textile en général. Un entretien correct des locaux, des protections
adéquates pour les organes mobiles, une formation continue à la sécurité et une
surveillance rigoureuse sont les meilleurs moyens de prévenir les accidents. Les
métiers mécaniques devraient être munis de dispositifs de protection pour éviter
les accidents dus aux navettes volantes. La fabrication du fil et les opérations de
tissage exigent un très bon éclairage.

LA VISCOSE (RAYONNE)
M.M. El Attal *

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de


l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

La rayonne est une fibre synthétique obtenue par traitement chimique de la


cellulose (pâte de bois). On l’utilise seule ou mélangée à d’autres fibres
synthétiques ou naturelles pour obtenir des tissus solides, très absorbants et
moelleux pouvant être teints dans des couleurs vives et résistantes.

La fabrication de rayonne a pour origine la recherche d’une soie artificielle. En


1664, Robert Hooke, chercheur britannique connu pour ses études sur les cellules
végétales, prédit qu’il serait un jour possible d’obtenir artificiellement de la
soie; près de deux siècles plus tard, en 1855, des fibres furent obtenues par
trempage de brindilles de mûriers dans de l’acide nitrique. Le premier procédé qui
a connu un succès commercial fut mis au point en 1884 par l’inventeur français
Hilaire de Chardonnet. En 1891, les chercheurs britanniques Cross et Bevan
perfectionnèrent le procédé de fabrication de la viscose. Vers 1895, la rayonne
était déjà commercialisée à petite échelle et son utilisation se développa
rapidement.

Les méthodes de fabrication


Les procédés permettant d’obtenir la rayonne varient suivant l’usage auquel elle
est destinée.

Dans le procédé viscose , la cellulose tirée de la pâte de bois est mise à tremper
dans une solution de soude caustique, et le liquide en excès est éliminé par
pressage; il se forme ainsi de l’alcali-cellulose qu’on débarrasse, à ce stade, des
impuretés qu’elle contient. Puis on réduit les feuilles d’alcali-cellulose en
miettes blanches qu’on laisse mûrir pendant quelques jours à température constante.
Ces miettes sont ensuite placées dans une autre cuve (baratte) où elles sont
soumises à l’action du sulfure de carbone qui les transforme en xanthate de
cellulose. Les miettes virent à l’orange doré. Elles sont alors dissoutes dans de
l’hydroxyde de sodium dilué, ce qui permet d’obtenir un liquide visqueux de couleur
orange appelé viscose. On mélange différents lots de viscose pour assurer une
qualité uniforme, puis la viscose est filtrée et stockée pendant plusieurs jours
dans des conditions très strictes de température et d’humidité qui en favorisent le
mûrissement. On procède ensuite à son extrusion à travers une filière percée
d’orifices très fins qui l’acheminent dans un bac contenant une solution d’acide
sulfurique à 10% environ. Elle forme alors des fils continus qui sont entraînés par
enroulement, ou coupés à la longueur désirée, et filés comme le coton ou la laine.
La rayonne est utilisée pour fabriquer des vêtements et des tissus lourds.

Dans le procédé cupro-ammoniacal , utilisé pour la fabrication de tissus semblables


à de la soie et de bas transparents, la pâte de cellulose dissoute dans la solution
d’hydroxyde de sodium est traitée à l’oxyde de cuivre ammoniacal. Les filaments
sortant des filières sont introduits dans un canal de filage et étirés pour obtenir
l’épaisseur voulue sous l’action d’un jet d’eau.

Dans les procédés viscose et cupro-ammoniacal, la cellulose est reconstituée, mais


l’acétate et le triacétate sont des esters de cellulose et sont parfois considérés
comme une catégorie de fibres à part. Les tissus en acétate sont connus pour leurs
couleurs vives et pour leurs drapés et sont, de ce fait, d’usage courant dans la
confection de vêtements. De courtes fibres d’acétate sont utilisées dans le
rembourrage des oreillers, des matelas et des édredons. Les fils de triacétate ont
les mêmes propriétés, mais sont particulièrement recherchés parce qu’ils permettent
de garder les plis.

Les risques et leur prévention


Les risques majeurs du procédé viscose sont l’exposition au sulfure de carbone et
au sulfure d’hydrogène. Ces deux gaz ont des effets toxiques qui varient suivant
l’intensité et la durée de l’exposition et les organes concernés; ces effets vont
de la fatigue et de l’étourdissement jusqu’à la perte de conscience et à la mort,
en passant par l’irritation des voies respiratoires, les troubles gastro-
intestinaux et de graves perturbations neuropsychiques, auditives et visuelles.

De plus, avec un point d’inflammation de –30 °C et des limites d’explosion situées


entre 1 et 50%, le sulfure de carbone présente un risque élevé d’incendie et
d’explosion.

Les acides et les alcalis utilisés dans le procédé viscose sont assez dilués, mais
le danger est toujours présent lors de la préparation des dilutions, en raison des
éclaboussures qui atteignent parfois les yeux. Les miettes alcalines produites
pendant le déchiquetage des feuilles d’alcali-cellulose risquent d’irriter les
mains et les yeux des travailleurs, tandis que les vapeurs acides et le sulfure
d’hydrogène émanant du bain de filature peuvent provoquer une kérato-conjonctivite
caractérisée par un larmoiement abondant, une photophobie et d’importantes douleurs
oculaires.

Une surveillance constante doit être exercée au moyen d’un détecteur enregistreur
automatique, fonctionnant en continu, pour maintenir les concentrations de sulfure
de carbone et de sulfure d’hydrogène au-dessous des limites autorisées. Il est
conseillé d’encoffrer entièrement les machines et d’installer un système efficace
de ventilation par aspiration localisée (avec prises d’air au niveau du sol, ces
gaz étant plus lourds que l’air). Les travailleurs devraient être entraînés à
réagir aux situations d’urgence en cas de fuite de produits toxiques; les personnes
chargées de la maintenance et des réparations devraient disposer d’équipements de
protection individuelle appropriés; une formation solide et une surveillance
attentive leur éviteront, en outre, de prendre des risques inutiles.

Des salles de repos et des installations sanitaires sont une nécessité absolue. Une
surveillance médicale pendant la période d’essai et des visites médicales
périodiques sont recommandées.

LES FIBRES SYNTHÉTIQUES


A.E. Quinn et R. Mattiussi *

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de


l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

Les fibres synthétiques sont fabriquées avec des polymères de synthèse obtenus à
partir de substances ou de composés fournis par l’industrie pétrochimique. A la
différence des fibres naturelles (laine, coton et soie), qui existaient déjà dans
l’Antiquité, les fibres synthétiques ne sont apparues que récemment: leur histoire
commence avec la mise au point du procédé de fabrication de la viscose en 1891 par
Cross et Bevan, deux chercheurs britanniques. Quelques années plus tard, la rayonne
était produite à petite échelle; sa véritable commercialisation commença au début
du XXe siècle. Depuis lors, un grand nombre de fibres synthétiques ont été mises au
point; elles possèdent chacune des propriétés qui répondent à un type particulier
de tissu et sont utilisées seules ou combinées à d’autres fibres. Il n’est pas
toujours facile d’en connaître le nombre exact du fait que la même fibre est
parfois commercialisée sous des noms différents, dans divers pays.

Les fibres sont obtenues en injectant des polymères à l’état fondu à travers les
orifices d’une filière pour obtenir un filament continu. Ce filament peut être
tissé directement pour former un tissu, mais pour imiter les caractéristiques des
fibres naturelles, il peut aussi être texturé, ce qui lui donne du volume, ou
encore être coupé et filé.

Les catégories de fibres synthétiques


Les principales catégories de fibres synthétiques commercialisées sont:

Les polyamides (nylons). Les divers types de nylon sont différenciés par les
chiffres qui indiquent le nombre d’atomes de carbone qu’ils renferment, le premier
de ces chiffres s’appliquant à la diamine. Ainsi, le premier en date des nylons,
formé d’hexaméthylènediamine et d’acide adipique, est connu sous le nom de nylon 66
ou 6.6 aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, du fait que la diamine et l’acide
bibasique contiennent chacun 6 atomes de carbone. Il est commercialisé sous les
marques Perlon T en Allemagne, Nailon en Italie, Nylsuisse en Suisse, Anid en
Espagne et Ducilo en Argentine.
Les polyesters. Le premier polyester a été produit en 1941. Le polyester est obtenu
par réaction de l’éthylèneglycol avec de l’acide téréphtalique. Les chaînes
moléculaires courtes s’assemblent en longues chaînes pour donner une masse
plastique que des pompes forcent à l’état fondu à travers des filières, à la sortie
desquelles les filaments durcissent dans un courant d’air froid, puis sont étirés.
Les fibres de polyester sont vendues sous les marques de Terylene au Royaume-Uni,
de Dacron aux Etats-Unis, de Tergal en France, de Terital et Wistel en Italie, de
Lavsan dans la CEI et de Toray-Tetoran au Japon.
Les dérivés polyvinyliques. Le produit le plus important de cette catégorie est le
polyacrylonitrile ou fibre acrylique dont la production a été lancée en 1948. Il
est maintenant commercialisé sous diverses marques: Acrilan et Orlon aux Etats-
Unis, Crylor en France, Leacril et Velicren en Italie, Amanian en Pologne,
Courtelle au Royaume-Uni, etc.
Les polyoléfines. La plus courante de ces fibres, connue sous le nom de Courlene au
Royaume-Uni, est obtenue par un procédé analogue à celui qui est utilisé pour le
nylon. Le polymère fondu à 300 °C est injecté à travers des filières, puis refroidi
à l’air ou dans l’eau pour former la fibre qui est ensuite étirée.
Les polypropylènes. Ce polymère, connu sous la marque de Hostalen en Allemagne, de
Meraklon en Italie et de Ulstron au Royaume-Uni, est filé à l’état fondu, puis
étiré et recuit.
Les polyuréthanes. La première de ces fibres, produite depuis 1943, a été le Perlon
U , polyuréthane obtenu par réaction de 1,4-butanediol avec
l’hexaméthylènediisocyanate. Les polyuréthanes servent maintenant de base à un
nouveau type de fibres synthétiques appelées spandex, d’une élasticité comparable à
celle du caoutchouc. Ils sont produits à partir de polyuréthane linéaire vulcanisé
à très haute température et sous très forte pression, donnant ainsi un polyuréthane
«vulcanisé» à liaison transversale qui s’extrude sous forme de monobrin. Ce fil
peut être gainé de fibre de rayonne ou de nylon qui en améliore l’aspect, le fil
lui-même servant d’âme élastique. Il est très utilisé dans la confection des
vêtements et sous-vêtements en tissu élastique. Les fils de spandex sont vendus
sous les marques Lycra, Vyrene et Glospan aux Etats-Unis et Spandrell au Royaume-
Uni.
Les procédés spéciaux
Le classement des fibres par longueur
La soie est la seule fibre naturelle qui se présente sous forme de filament
continu; les autres fibres naturelles n’existent qu’en fibres discontinues ou
«brins». La longueur de la fibre de coton est d’environ 2,6 cm, celle de la laine
de 6 à 10 cm et celle du lin de 30 à 50 cm. Les filaments continus des fibres
synthétiques sont parfois coupés à la machine pour obtenir des brins courts comme
dans le cas des fibres naturelles. Ces brins peuvent être ensuite travaillés de
nouveau sur une machine à filer le coton ou la laine; on obtient ainsi un meilleur
fini, qui élimine l’aspect vitreux de certaines fibres synthétiques. Parfois,
pendant le filage, on mélange plusieurs types de fibres synthétiques, ou encore des
fibres synthétiques et des fibres naturelles.

Le frisage
Pour donner à une fibre synthétique l’aspect et le toucher de la laine, on peut
faire passer les brins coupés (tors ou emmêlés) dans une machine spéciale, équipée
de cylindres cannelés, qui leur confère un frisage durable. Cette opération peut
aussi se faire chimiquement en agissant sur la coagulation du filament, de façon à
obtenir une fibre de section asymétrique, un côté étant plus épais que l’autre.
Lorsque la fibre est humide, le côté épais se gondole, et la fibre frise. Pour
obtenir des fils ondulés, connus aux Etats-Unis sous le nom de fils non torques ou
fils non texturés mousse, le fil synthétique est tricoté en jersey, thermodurci
dans cet état, et détricoté. La plus récente des méthodes utilisées consiste à
faire passer deux fils de nylon dans un appareil qui les chauffe à 180 °C, puis sur
une broche tournant à grande vitesse qui les retord. Sur la première machine
utilisée, les broches tournent à 60 000 tours/min; sur les plus récentes, la
vitesse de rotation est de l’ordre de 1,5 million tours/min.

Les fibres synthétiques pour vêtements de travail


Les tissus de polyester conviennent bien, de par leur résistance aux agents
chimiques, à la confection de vêtements de protection des travailleurs qui
manipulent des acides. Les vêtements en tissu de polyoléfine protègent
convenablement en cas d’exposition prolongée aux acides et aux alcalis. Les
vêtements en Nomex, un nouveau nylon résistant à des chaleurs élevées, sont
particulièrement efficaces en cas d’incendie; le Nomex résiste bien aussi à la
température ambiante, aux solvants tels que le benzène, l’acétone, le
trichloroéthylène et le tétrachlorure de carbone. Certains tissus de propylène
résistent à toute une gamme de substances corrosives; ils sont utilisés pour les
vêtements de travail et de laboratoire.

En raison de leur légèreté, ces tissus synthétiques sont préférés aux lourds tissus
caoutchoutés ou plastifiés dont on aurait besoin pour obtenir le même niveau de
protection. Ils sont également beaucoup plus agréables à porter en ambiance chaude
et humide. Lorsqu’il s’agit de choisir des vêtements de protection en fibres
synthétiques, il faut d’abord en déterminer le nom générique et obtenir des
précisions sur leurs propriétés, par exemple le retrait, la photosensibilité, le
comportement en présence d’agents de nettoyage à sec et de détergents, la
résistance aux huiles, aux substances chimiques corrosives, aux solvants ordinaires
et à la chaleur et la propension du tissu à se charger d’électricité statique.

Les risques et leur prévention


Les accidents
Les sols et les passages devraient être maintenus propres et secs pour éviter les
glissades et les chutes (les cuves ne doivent présenter aucune fuite et, si
possible, être équipées de déflecteurs de protection contre les éclaboussures); les
machines, courroies, arbres de transmission et poulies devraient être
convenablement protégés. Les machines utilisées en filature pour filer, carder,
dévider et ourdir devraient être protégées par des carters pour empêcher que
certains de leurs éléments ne soient projetés et que les travailleurs
n’introduisent leurs mains dans les zones dangereuses. Des dispositifs de
verrouillage devraient empêcher la mise en marche intempestive des machines pendant
les opérations de nettoyage et de maintenance.

Les incendies et les explosions


De grandes quantités de substances toxiques ou inflammables sont utilisées dans
l’industrie des fibres synthétiques. Les substances inflammables devraient être
entreposées de préférence à l’air libre ou dans un local spécialement construit
pour résister au feu. Des remblais devraient être aménagés pour les empêcher de se
répandre en cas de fuite. Les risques associés à la manutention des fûts et autres
récipients pourront être réduits si l’alimentation en substances toxiques est
automatisée et se fait par un système bien entretenu de pompes et de conduites. Des
vêtements de protection et des équipements de lutte contre l’incendie devraient
être mis à la disposition des travailleurs et ceux-ci devraient être convenablement
entraînés à leur utilisation grâce à des exercices pratiques périodiques, menés de
préférence en collaboration avec les autorités locales de lutte contre l’incendie
ou sous leur contrôle.

Dans le filage par voie sèche, lorsque les filaments émergent des filières pour
être séchés à l’air, les solvants s’évaporent en grandes quantités. Les vapeurs
dégagées présentent un grave risque d’explosion et d’intoxication et devraient être
évacuées par aspiration. Leur concentration devrait être surveillée et maintenue
au-dessous des limites d’explosion du solvant. Les vapeurs peuvent être distillées
et récupérées pour être réutilisées ou brûlées, mais il ne faut en aucun cas les
laisser s’échapper dans l’atmosphère.

Lorsqu’on utilise des solvants inflammables, il devrait être interdit de fumer. Il


faut éviter les flammes nues et les étincelles. De plus, le matériel et les
installations électriques devraient être de construction antidéflagrante. Pour
éviter l’accumulation d’électricité statique qui pourrait donner lieu à des
étincelles dangereuses, les machines devraient être mises à la terre.

Les risques d’intoxication


Un système efficace de ventilation par aspiration localisée permet de maintenir les
concentrations de vapeur de solvants et de produits chimiques potentiellement
toxiques au-dessous de la limite admissible. Des masques de protection respiratoire
seront mis à la disposition du personnel chargé de la maintenance et des
réparations ainsi que des travailleurs chargés d’intervenir en cas de fuite ou
d’incendie.

LES PRODUITS EN FEUTRE NATUREL


Jerzy A. Sokal

Le feutre est une matière fibreuse obtenue en chauffant, humectant, malaxant, entre
autres procédés, des fibres de laine, des poils et de la fourrure, en vue de
constituer un tissu non tissé fortement aggloméré. Certains feutres sont
aiguilletés: leurs fibres sont fixées à un élément de fond lâchement tissé, ou
dossier, généralement fait de laine ou de jute.

La fabrication du feutre de chapellerie


Ce feutre, utilisé surtout pour la confection des chapeaux, est généralement obtenu
à partir de poils de rongeurs (lapins, lièvres, rats musqués, ragondins et castors)
et, parfois, de certains autres animaux. Après triage, les peaux sont sécrétées au
peroxyde d’hydrogène et à l’acide sulfurique, puis on procède à la coupe, au
durcissage et à la teinture des poils, habituellement réalisée avec des colorants
de synthèse (colorants acides ou contenant des composés métalliques complexes). Le
feutre teint est alors traité à la gomme-laque ou au polyacétate de vinyle pour
l’alourdir.

La fabrication du feutre de laine


Pour fabriquer ce feutre, on utilise des restes de laine ou une laine recyclée. Le
jute, provenant la plupart du temps de vieux sacs, est employé pour certains
feutres aiguilletés; on peut y ajouter d’autres fibres de coton ou de soie ou des
fibres synthétiques.

La laine est d’abord triée et sélectionnée. On sépare les fibres dans une
effilocheuse, cylindre garni de pointes qui tourne et déchire les fibres, puis on
les soumet au garnettage dans une machine dont les rouleaux et les cylindres sont
garnis de fils métalliques en dents de scie. Les fibres sont nettoyées par
carbonisation dans une solution d’acide sulfurique à 18%; après séchage à une
température de 100 °C, elles sont mélangées et, le cas échéant, enrobées d’huile
minérale contenant un émulsifiant. Après effilochage et cardage, opérations qui
mélangent encore les fibres et les disposent plus ou moins parallèlement les unes
aux autres, la matière est placée sur un transporteur en déposant des couches d’un
fin voile qui est renvidé sur des perches et forme des nappes. Ces nappes molles
sont dirigées vers le local de durcissement où elles sont aspergées d’eau et
comprimées entre deux lourdes plaques; la plaque supérieure vibre, provoquant la
frisure et l’adhérence des fibres.

Pour compléter le feutrage, le tissu est placé dans des cuves d’acide sulfurique
dilué et pilonné au moyen de lourds marteaux de bois. Il est ensuite lavé (avec
addition de tétrachloroéthylène), essoré et teint, généralement avec des colorants
de synthèse. On ajoute parfois des substances chimiques qui rendent le feutre
imputrescible. Les étapes finales comprennent le séchage (à 65 °C pour les feutres
mous, à 112 °C pour les feutres durs), le tondage, le sablage, le brossage, le
pressage et le rognage.

Les risques professionnels


Les accidents
Les machines servant à la fabrication du feutre ont des courroies de transmission,
des mécanismes d’entraînement à chaîne et pignons, des arbres moteurs, des
cylindres garnis de pointes et des rouleaux utilisés pour le garnettage et
l’effilochage, des presses, des rouleaux, des marteaux, etc. Ces parties devraient
être convenablement protégées et munies de systèmes de verrouillage pour éviter que
les travailleurs chargés de la maintenance ou du nettoyage ne puissent se blesser.
Une bonne tenue des locaux est également indispensable pour prévenir les glissades
et les chutes.

Le bruit
Les opérations sont souvent bruyantes; lorsque les encoffrements, les enceintes
acoustiques et un graissage convenable ne suffisent pas à maintenir le bruit à un
niveau satisfaisant, des casques protecteurs ou des bouchons d’oreille devraient
être fournis aux travailleurs. De nombreux pays imposent un programme de protection
de l’ouïe prévoyant des audiogrammes à intervalles réguliers.

La poussière
Les locaux de fabrication du feutre sont poussiéreux et malsains pour les personnes
présentant des troubles respiratoires chroniques. La poussière n’est heureusement
pas associée à des maladies spécifiques, mais une ventilation par extraction est
cependant nécessaire. Les poils des animaux peuvent provoquer des réactions
allergiques chez les sujets sensibles; l’asthme bronchique demeure exceptionnel. La
poussière comporte également un risque d’incendie.

Les produits chimiques


L’acide sulfurique utilisé dans la production du feutre est généralement dilué; il
faut néanmoins veiller à prendre toutes les précautions nécessaires au moment de la
dilution de l’acide concentré. Des flacons de rinçage oculaire en cas
d’éclaboussures ou de déversements devraient donc être placés à proximité et des
équipements de protection individuelle (lunettes, tabliers, gants et chaussures)
devraient être fournis aux travailleurs.

Le tannage de certains feutres de papeterie se fait parfois à base de quinone,


produit susceptible d’entraîner des lésions de la peau et des muqueuses. Les
poussières et les vapeurs de quinone peuvent provoquer des taches sur la
conjonctive et la cornée de l’œil et, en cas d’exposition prolongée ou répétée,
affecter la vision. La poudre de quinone doit être humidifiée pour éviter la
pulvérulence et ne devrait être manipulée que dans des chambres équipées d’un
dispositif de ventilation par aspiration localisée. Les mains, les bras, le visage
et les yeux des travailleurs devraient être protégés par des vêtements et des
accessoires adaptés.

La chaleur et les incendies


La température élevée de la matière (60 °C) nécessaire au formage manuel des
chapeaux impose le port de gants de protection des mains.

L’incendie est un risque courant aux premiers stades de la fabrication du feutre


quand l’empoussièrement est important. Il peut être provoqué par une allumette ou
une étincelle provenant d’objets métalliques laissés dans les déchets de laine, par
un palier de machine surchauffé ou par un court-circuit. Il peut également survenir
lors des opérations de finissage, lorsque des vapeurs de solvants inflammables
s’accumulent dans les fours de séchage. Etant donné qu’elle endommage le matériel
et corrode les équipements, l’eau est moins utilisée que les extincteurs à poudre
sèche pour éteindre les incendies. Les équipements modernes sont munis d’orifices
par lesquels la substance active peut être pulvérisée, ou d’un dispositif
d’émission automatique de dioxyde de carbone.

L’infection charbonneuse
Quelques cas de charbon ont été observés, bien que rarement, à la suite d’une
exposition à de la laine contaminée importée de régions dans lesquelles la maladie
est endémique.

LA TEINTURE, L’IMPRESSION ET LE FINISSAGE


J.M. Strother et A.K. Niyogi *

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de


l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

La teinture
La teinture résulte d’une combinaison chimique ou d’une puissante affinité physique
entre un colorant et une fibre textile. Divers colorants et procédés sont utilisés,
suivant le type de tissu et le produit fini désiré.

Les catégories de colorants


Pour la laine, la soie et le coton, on emploie des colorants acides ou basiques en
bain faiblement acide. Certains colorants acides sont appliqués après mordançage
des fibres à l’oxyde métallique, à l’acide tannique ou aux dichromates. Les
colorants directs , peu stables, sont employés pour teindre la laine, la rayonne et
le coton. La teinture se fait à une température voisine de l’ébullition. Pour
teindre le coton avec des colorants au soufre , on prépare un bain avec de la
teinture, du carbonate de sodium, du sulfure de sodium et de l’eau chaude. Cette
teinture se fait également à une température proche de l’ébullition. Pour teindre
le coton aux colorants azoïques , on dissout du naphtol dans une solution aqueuse
de soude caustique; le coton est imprégné de naphtoxyde de sodium avant d’être
traité par un composé de diazonium en solution qui fixe le colorant sur la matière
à teindre. Les colorants de cuve sont transformés en composés leuco par l’action de
l’hydroxyde de sodium et de l’hydrosulfite de sodium. La teinture s’effectue à une
température comprise entre 30 et 60 °C. Les colorants dispersables (ou
plastosolubles) servent à la teinture de toutes les fibres synthétiques qui
possèdent des propriétés hydrophobes. On accélère la vitesse de diffusion du
colorant dans la fibre au moyen d’adjuvants phénoliques appelés «transporteurs».
Les colorants minéraux sont généralement des sels de fer et de chrome. Après
l’imprégnation, leur précipitation est assurée par adjonction d’une solution
alcaline à chaud. Les colorants réactifs utilisés pour le coton sont appliqués en
bain chaud ou froid de carbonate de sodium et de sel de cuisine.

La préparation des tissus


Avant la teinture, les tissus de coton subissent une préparation en plusieurs
étapes successives. Le tissu passe d’abord dans une tondeuse qui coupe les fibres
faiblement adhérentes; pour parachever ce rasage, il circule rapidement au-dessus
d’une rampe de brûleurs à gaz (la flambeuse), les flammèches produites étant
éteintes par passage du tissu dans un bac à eau. Le désencollage, qui a pour objet
de débarrasser complètement le tissu des parements gélatineux, se fait par passage
du tissu dans une cuve à malter contenant une solution de diastase qui élimine
l’intégralité de l’encollage. Les autres impuretés sont éliminées par
débouillissage dans un autoclave où le coton subit une cuisson alcaline dans une
solution diluée de soude caustique, de carbonate de sodium ou d’huile de ricin
sulfatée (huile pour rouge turc) pendant huit à douze heures à haute température et
sous haute pression.

Pour les tissus teintés, l’opération se fait en cuve ouverte et sans soude
caustique. La coloration naturelle du tissu s’élimine dans la solution
d’hypochlorite des cuves de blanchiment, après quoi le tissu est aéré, lavé et
déchloré dans une solution de bisulfite de sodium, lavé de nouveau et dégraissé à
l’acide chlorhydrique ou sulfurique dilué. Après un dernier lessivage très poussé,
le tissu est prêt pour la teinture ou l’impression.

La teinture
La teinture proprement dite se fait au «jigger» ou au foulard, machines où le tissu
passe dans une solution colorante stationnaire, préparée par dissolution d’une
poudre de teinture dans un produit chimique approprié, suivie de dilution dans
l’eau. Après la teinture, le tissu subit un traitement de finissage.

La teinture du nylon
La préparation des fibres de polyamide (nylon) en vue de la teinture comporte un
lessivage, un dépôt et, dans certains cas, un blanchiment. Le traitement choisi
pour le lessivage du polyamide dépend principalement de la composition du parement.
Les parements hydrosolubles à base de poly(alcool vinylique) ou d’acide
polyacrylique s’éliminent par lessivage dans une liqueur composée de savon et
d’ammoniaque ou de Lissapol N, voire d’un autre détergent ou de carbonate de
sodium. Après lessivage et rinçage abondant, le tissu est prêt pour la teinture ou
l’impression qui se font généralement en machine (au «jigger» ou au foulard).

La teinture de la laine
On lessive d’abord la laine brute par un procédé émulsifiant dans lequel
interviennent le savon et le carbonate de sodium. L’opération se déroule dans une
laveuse, longue auge pourvue de racles, d’un double fond et, à la sortie, de
rouleaux exprimeurs. Après ce lavage, la laine subit un blanchiment au peroxyde
d’hydrogène ou au dioxyde de soufre (gaz sulfureux), auquel cas le produit humide
est abandonné toute une nuit à l’action du gaz. On neutralise ensuite le gaz acide
par passage du tissu dans un bain de carbonate de sodium en solution, suivi d’un
lessivage. Après teinture, le tissu est rincé, essoré et enfin séché.

Les risques et leur prévention


Les incendies et les explosions
Les risques d’incendie rencontrés dans un atelier de teinture sont liés aux
solvants inflammables utilisés dans certains procédés et à quelques colorants
particuliers, également inflammables. Pour ces deux types de substances, il faut
prévoir des installations de stockage sûres. Celles-ci devraient comprendre des
locaux bien conçus, construits en matériaux résistant au feu. Les locaux
d’entreposage des liquides inflammables devraient être pourvus de seuils surélevés
et inclinés aux embrasures des portes, afin que les fuites éventuelles de liquide
soient retenues à l’intérieur du local et qu’il ne puisse se répandre en des
endroits où il pourrait prendre feu. Ces locaux seront aménagés de préférence à
l’écart du bâtiment principal de l’entreprise. Si des quantités importantes de ces
produits sont conservées dans des réservoirs à l’extérieur des bâtiments, des
murets devraient être édifiés tout autour des réservoirs pour constituer une
cuvette de rétention capable de contenir les fuites éventuelles.
Des dispositions analogues devraient être prises lorsque le combustible gazeux qui
alimente les flambeuses provient d’une fraction légère de pétrole. L’installation
génératrice de gaz et les réservoirs de stockage de l’essence de pétrole volatile
devraient se trouver de préférence en dehors des bâtiments.

Les risques liés aux produits chimiques


Nombre de manufactures emploient pour le blanchiment des solutions d’hypochlorite;
d’autres effectuent cette opération au moyen de chlore gazeux ou d’une poudre à
blanchir qui libère du chlore lorsqu’on la charge dans un réservoir. Dans l’un et
l’autre cas, les travailleurs risquent d’être exposés à une atmosphère dangereuse
si des précautions ne sont pas prises. Le chlore irrite les yeux et la peau et,
surtout, le tissu pulmonaire, où il peut provoquer un œdème dont les symptômes
n’apparaissent pas immédiatement. Pour limiter le dégagement de chlore dans
l’atmosphère des locaux de travail, les cuves de blanchiment devraient être des
récipients clos, dont les évents laissent échapper un minimum de produit, afin que
les concentrations maximales admissibles ne soient pas dépassées; des dosages du
chlore dans l’air devraient être effectués périodiquement pour vérifier la
concentration.

Les vannes et autres dispositifs de commande du réservoir de chlore liquide qui


alimentent les ateliers de teinture devraient être surveillés par un opérateur
compétent, une fuite non maîtrisée pouvant avoir des conséquences désastreuses.
Lorsqu’il est nécessaire de pénétrer dans une enceinte ayant contenu du chlore ou
tout autre gaz ou vapeur dangereux, toutes les précautions applicables au travail
en espace confiné devraient être observées.

L’emploi d’alcalis et d’acides corrosifs ainsi que le débouillissage peuvent avoir


pour effet de brûler ou d’échauder le personnel. De grandes quantités d’acide
chlorhydrique et d’acide sulfurique sont utilisées dans les opérations de teinture.
La soude caustique est réservée pour le blanchiment, le mercerisage et la teinture.
Le dioxyde de soufre, employé pour le blanchiment, et le sulfure de carbone, mis en
œuvre comme solvant dans le procédé viscose, peuvent également polluer l’atmosphère
des locaux. Les hydrocarbures aromatiques comme le benzène, le toluène et le
xylène, les solvants naphta et les amines aromatiques telles que les colorants à
l’aniline sont des substances chimiques toxiques auxquelles les travailleurs
peuvent être exposés. Le dichlorobenzène est émulsifié dans l’eau, grâce à un agent
émulsifiant; il sert à teindre les fibres polyester. Un système de ventilation par
extraction est indispensable.

Maints colorants sont des irritants de la peau qui peuvent causer des dermatoses.
Les travailleurs sont souvent tentés de recourir à des mélanges dangereux
d’abrasifs, d’alcalis et d’agents de blanchiment pour enlever les taches de
teinture qu’ils portent aux mains.

Les solvants organiques qui interviennent dans les procédés de teinture ou qu’on
utilise pour nettoyer les machines peuvent aussi causer des dermatoses ou affaiblir
la résistance de la peau à l’action irritante d’autres substances dangereuses mises
en œuvre. Ils peuvent par ailleurs induire des atteintes du système nerveux
périphérique — c’est le cas, par exemple, du méthylbutylcétone (MBK). Certains
colorants se sont révélés cancérogènes, comme la rhodamine B, le magenta, la β-
naphtylamine, de même que certaines bases comme la dianisidine. L’emploi de β-
naphtylamine a généralement été abandonné dans les ateliers de teinture. Cette
question est examinée en détail ailleurs dans l’Encyclopédie.

En dehors des fibres et de leurs contaminants, des allergies peuvent être


provoquées par le parement et même par les enzymes utilisées pour l’éliminer.

Des moyens appropriés de protection individuelle, notamment de protection oculaire,


devraient être fournis au personnel pour le protéger des risques de contact avec
les nombreuses substances dangereuses auxquelles il est exposé. Il est parfois
possible d’employer des crèmes isolantes, mais on veillera à utiliser un produit
approprié qu’on puisse éliminer par lavage. Il est rare cependant que ce moyen
assure une fiabilité comparable à celle que confèrent des gants bien conçus. Les
vêtements de protection devraient être lavés à intervalles réguliers; ceux qui ont
été souillés par des projections ou autrement pollués par les colorants devraient
être remplacés au plus tôt. Des installations sanitaires, des douches ou des bains
devraient être mis à la disposition des travailleurs, qu’il conviendra d’inciter à
en faire usage. L’hygiène individuelle revêt une importance capitale dans cette
branche d’activité. Malheureusement, même dans l’hypothèse où toutes les mesures de
sécurité ont été prises, il arrive que des travailleurs se révèlent
particulièrement sensibles à l’action de certaines substances et doivent alors être
mutés à d’autres postes.

Les risques d’accidents


Des accidents graves par échaudure se sont produits lors de l’admission
accidentelle de liqueur bouillante dans un autoclave où un travailleur était occupé
à disposer le tissu à traiter. Un tel accident peut survenir suite à la manœuvre
intempestive d’une vanne, ou lorsqu’un autoclave situé en amont déverse la liqueur
bouillante dans une conduite commune d’évacuation qui, par un orifice resté ouvert,
la refoule dans le récipient occupé. Quand un travailleur se trouve à l’intérieur
d’un autoclave pour quelque raison que ce soit, les vannes d’admission devraient
être verrouillées en position de fermeture, et l’autoclave devrait être isolé des
autres récipients de la batterie. Si ce verrouillage est assuré par une clé, la
personne qui risquerait d’être la victime de l’admission accidentelle de liquide
bouillant dans le récipient devrait conserver cette clé sur elle jusqu’à ce qu’elle
quitte l’autoclave.

L’impression
L’impression s’effectue sur une machine à rouleaux. Le colorant ou le pigment est
épaissi à l’amidon ou émulsionné; si l’on utilise des pigments, cette émulsion est
préparée avec un solvant organique. La pâte ou l’émulsion obtenue est prélevée par
les rouleaux graveurs qui appliquent le motif sur le tissu, puis la couleur est
fixée dans une machine de polymérisation. Le tissu imprimé fait ensuite l’objet du
finissage approprié.

L’impression par voie humide


L’impression par voie humide ou au mouillé est effectuée selon des méthodes
semblables à celles que l’on utilise pour la teinture elle-même; c’est le cas pour
l’impression en cuve et l’impression réactive. Ces méthodes d’impression ne sont
employées que pour les tissus 100% coton et pour la rayonne. Les risques que ces
opérations présentent pour la santé sont identiques à ceux qui ont été exposés plus
haut.

L’impression à l’aide de pigments à base de solvants


Ces systèmes d’impression font appel à de grandes quantités de solvants, comme les
essences minérales servant dans le système d’épaississement. Les risques principaux
qu’ils présentent sont:

L’inflammabilité. Les systèmes d’épaississement contiennent jusqu’à 40% de solvants


et sont extrêmement inflammables. Ils devraient être entreposés avec soin dans des
locaux convenablement ventilés et les installations devraient être mises à la
terre. Lors du transport des produits, on prendra garde également d’éviter
l’apparition d’étincelles engendrées par l’électricité statique.
Les émissions dans l’atmosphère. Avec ces systèmes d’impression, des vapeurs de
solvants sont émises lors du séchage et de la polymérisation. La réglementation en
matière d’environnement indique généralement les niveaux admissibles d’émissions de
composés organiques volatils.
La vidange. Le système d’impression étant à base de solvants, la pâte d’impression
ne devrait pas être évacuée dans le système de traitement des eaux usées, mais sous
forme de déchet solide. Les sites de dépôt de ces déchets peuvent être à l’origine
de problèmes environnementaux du fait de la contamination du sol et des nappes
phréatiques; ils devraient recevoir par conséquent un revêtement imperméable.
L’impression à l’aide de pigments en solution aqueuse
Aucun des risques pour la santé engendrés par l’impression à l’aide de pigments à
base de solvants n’est provoqué par les techniques utilisant des pigments à l’eau.
Bien que l’on emploie quelques solvants, les quantités sont si faibles qu’elles
sont négligeables. La présence de formaldéhyde constitue le risque principal.

L’impression à l’aide de pigments nécessite l’utilisation d’un agent de liaison


chimique, qui favorise la fixation des pigments sur le tissu. Ces agents se
présentent sous forme de produits isolés (la mélamine, par exemple) ou de
composants d’autres substances chimiques comme les liants et les antimèches, ou se
trouvent dans les pigments eux-mêmes. Le formaldéhyde est indispensable à leur
action.

Le formaldéhyde est un sensibilisateur et un irritant qui peut produire des


réactions parfois violentes chez les travailleurs qui y sont exposés, lorsqu’ils
inhalent l’air ambiant à proximité de la machine d’impression en marche ou qu’ils
entrent en contact avec le tissu imprimé. Les réactions vont d’une légère
irritation des yeux à de graves troubles respiratoires, en passant par des lésions
cutanées. S’il a été établi que le formaldéhyde est cancérogène chez la souris, il
n’a pas jusqu’ici été associé de façon concluante à l’apparition de cancers chez
l’être humain. Il est classé dans la catégorie 2A, «Probablement cancérogène pour
l’être humain», par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).

Pour protéger l’environnement local, les rejets de formaldéhyde dans l’atmosphère


devraient être contrôlés pour s’assurer que les niveaux ne dépassent pas ceux qui
sont autorisés par la réglementation en vigueur.

L’ammoniaque constitue un autre risque potentiel. La pâte d’impression étant


sensible au pH, on utilise souvent de l’ammoniaque pour l’épaissir. On devrait
manipuler ce produit dans un local bien ventilé et porter un masque respiratoire si
besoin est.

Les teintures et les pigments employés pour l’impression des tissus se présentant
généralement sous forme liquide, il n’y a pas de risque d’exposition à la poussière
comme c’est le cas dans les opérations de teinture.

Le finissage
Le finissage est un terme qui s’applique à toute une gamme de traitements
généralement effectués au cours de l’opération précédant la fabrication. Toutefois,
certaines opérations de finissage peuvent également être réalisées après la
fabrication.

Le finissage mécanique
Ce type de finissage comprend des procédés qui modifient la texture ou l’apparence
d’un tissu sans faire appel à des produits chimiques; on peut citer:

Le sanforisage. Ce procédé a pour effet de rendre le tissu irrétrécissable et doux


au toucher. Le tissu est tendu sur un petit cylindre chauffé à la vapeur, pressé
étroitement par un sabot sur un tapis de caoutchouc, puis passé sur un gros
cylindre.
Le calandrage. Dans ce procédé, qui a pour effet de modifier le toucher et
l’apparence du tissu, on fait passer celui-ci entre de grands rouleaux d’acier en
lui appliquant une pression très élevée. Ces rouleaux peuvent être chauffés à la
vapeur ou au gaz jusqu’à 232 °C.
Le sablage. Dans ce procédé, qui a pour effet de modifier la surface du tissu et de
le rendre plus doux au toucher, on fait passer le tissu sur des rouleaux recouverts
de sable.
Le gaufrage. Dans ce procédé, le tissu passe entre des cylindres d’acier chauffés
dont le motif gravé viendra s’imprimer de façon définitive sur le tissu.
Le thermofixage. Dans ce procédé, qui a pour effet de rendre le tissu
irrétrécissable, le tissu synthétique, généralement du polyester, passe dans une
rame élargisseuse ou une machine de thermofixage par semi-contact, à des
températures suffisantes pour provoquer un début de fonte des molécules du tissu.
Le brossage. Dans ce procédé, qui a pour effet de modifier l’apparence et le
toucher du tissu, on fait passer celui-ci entre des brosses rotatives tournant à
grande vitesse.
Le suédage. Dans ce procédé, qui a pour effet de modifier l’apparence et le toucher
du tissu, on fait passer celui-ci entre un cylindre d’acier de petite taille et un
cylindre de grande taille recouvert de papier de verre.
Les risques associés à ces opérations proviennent principalement de la chaleur, des
très hautes températures utilisées et des zones de pincement des parties mobiles de
la machine. Il faut veiller à équiper cette dernière de carters de protection ou
installer des garde-corps pour éviter les accidents.

Le finissage chimique
Le finissage chimique est effectué au moyen de divers équipements (foulards,
«jiggers», machines de teinture par jet, auges, barres de pulvérisation,
autoclaves, machines de teinture à palette, rouleaux de transfert par enduction et
bains moussants).

Il est un type de finissage chimique qui n’implique aucune réaction chimique: il


s’agit de l’application d’un agent adoucissant qui a pour effet de modifier le
toucher et la texture du tissu ou de le rendre plus facile à coudre. Cette
opération ne présente aucun risque particulier en dehors d’une éventuelle
irritation de contact au niveau de la peau ou des yeux; le port de gants et de
protections oculaires permet d’éviter ce problème.

Un autre type de finissage chimique implique en revanche une réaction chimique: il


s’agit du finissage du coton à la résine qui permet d’obtenir les propriétés
physiques souhaitées, un faible rétrécissement et une apparence satinée. Pour le
coton, par exemple, une résine de diméthylol-dihydroxyéthylèneurée (DMDHEU)
catalyse la formation d’une liaison avec les molécules du tissu, ce qui a pour
effet de le modifier définitivement. Le risque principal que présente ce type de
finissage est le dégagement de formaldéhyde au moment de la réaction.

Conclusion
Comme dans les autres secteurs de l’industrie textile, les opérations de teinture,
d’impression et de finissage se déroulent soit dans des établissements anciens,
souvent de petite taille, dans lesquels la sécurité et la santé des travailleurs
sont fréquemment négligées, voire ignorées, soit dans des établissements plus
récents, de plus grande taille, dans lesquels la technologie est en évolution
constante et la maîtrise des risques est, dans la mesure du possible, intégrée dès
la conception des installations. En plus des risques spécifiques mentionnés plus
haut, des problèmes surviennent fréquemment, liés à l’éclairage, au bruit, à une
protection insuffisante des machines, au soulèvement et au port d’objets lourds ou
volumineux, etc. Un programme de prévention bien conçu et mis en œuvre, intégrant
une solide formation et une surveillance efficace des travailleurs, est dès lors
indispensable.

LES TISSUS NON TISSÉS


William A. Blackburn et Subhash K. Batra

Les tissus en textiles non tissés ont fait une première apparition à la fin des
années quarante. Ils se sont développés dans les années cinquante et ont été
commercialisés dans les années soixante. Au cours des trente-cinq années qui ont
suivi, le secteur des non-tissés a atteint sa maturité et a trouvé des marchés soit
en offrant un bon rapport qualité-prix en lieu et place des textiles traditionnels,
soit en proposant des produits mis au point pour des utilisations spécifiques. Ce
secteur a mieux absorbé les récessions que les textiles traditionnels et a connu
une croissance plus rapide. Les risques professionnels sont les mêmes que dans les
autres secteurs de l’industrie textile (bruit, fibres en suspension dans l’air,
produits chimiques utilisés pour le collage des fibres, sécurité des surfaces de
travail, zones de pincement, brûlures par exposition à la chaleur, lésions
dorsales, etc.).

La sécurité est généralement satisfaisante dans ce secteur et le nombre d’accidents


par unité de production y reste limité. L’industrie a su relever les défis
présentés par la réglementation relative à la propreté de l’air et de l’eau. Aux
Etats-Unis, l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational
Safety and Health Administration (OSHA)) a promulgué plusieurs règlements qui
imposent une formation à la sécurité et des procédés de fabrication qui ont
considérablement amélioré la protection des travailleurs. Dans le monde entier, les
établissements conscients de leur responsabilité adoptent petit à petit des
pratiques du même genre.

Les matières premières utilisées par cette industrie sont généralement les mêmes
que celles qui sont employées dans l’industrie textile traditionnelle et atteignent
chaque année près de 1 million de tonnes. Les fibres naturelles dont on se sert
sont principalement le coton et la pâte de bois. Quant aux fibres manufacturées, ce
sont la rayonne, les polyoléfines (polyéthylène et polypropylène), les polyesters
et, en quantités plus limitées, les nylons, les acryliques, les aramides, etc.

Au début de la croissance du secteur des non-tissés, on dénombrait une dizaine de


procédés de fabrication: non-tissés encollés au filage (ou filés-liés), non-tissés
de fusion-soufflage, voile et mélanges obtenus par voie pneumatique, non-tissés
obtenus par voie humide ou par voie sèche (liés par aiguilletage, liaison thermique
ou liaison chimique), non-tissés obtenus par couture-tricotage, etc. Aux Etats-
Unis, de nombreux marchés spécifiques sont saturés pour les non-tissés et de
nouveaux débouchés sont recherchés, notamment dans l’important secteur des
composites. Des non-tissés laminés sous forme de fines pellicules et autres
revêtements ouvrent de nouvelles perspectives. L’entreposage des rouleaux de non-
tissés est actuellement très surveillé du fait de l’inflammabilité de certains
produits de densité très faible que leurs grandes surfaces exposent
particulièrement à ce risque; on considère à cet égard que les rouleaux dont le
rapport volume/poids est supérieur à une certaine valeur posent problème.

Les matières premières


Les fibres cellulosiques
Le volume de coton blanchi entrant dans la fabrication des non-tissés est en
augmentation constante, tandis que les mélanges coton-polyester et rayonne-
polyester dans les non-tissés aiguilletés par jet d’eau connaissent un grand succès
dans les applications médicales et l’hygiène féminine. On commence à utiliser du
coton non blanchi dans la fabrication des non-tissés, et des tissus expérimentaux
très intéressants ont été obtenus par le procédé d’aiguilletage par jet d’eau.

Inquiets des répercussions écologiques des sous-produits de la fabrication, les


défenseurs de l’environnement se sont élevés contre la fabrication de rayonne. Aux
Etats-Unis, certains fabricants de rayonne ont préféré abandonner ce créneau plutôt
que de faire face aux frais élevés qu’entraînerait l’observation des normes
imposées en matière de pureté de l’eau et de l’air. Les entreprises qui ont choisi
de se conformer à ces exigences semblent ne plus rencontrer de problèmes après
modification de leurs procédés.
Les fibres en pâte de bois constituent l’un des principaux composants des couches
jetables, des protections pour incontinence et autres tissus absorbants. On utilise
des fibres de bois dur et de papier kraft. Dans les seuls Etats-Unis, on emploie
chaque année plus de 1 million de tonnes de pâte de bois. Une petite partie est
utilisée pour les non-tissés obtenus par voie pneumatique. Les produits servent
souvent à fabriquer des serviettes, pour des applications qui vont de la cuisine
aux sports.

Les fibres synthétiques


Les deux fibres polyoléfines les plus populaires sont le polyéthylène et le
polypropylène. Ces polymères sont transformés en fibres coupées qui sont ensuite
transformées en tissus non tissés, ou en nappes de monofils obtenues par liage,
c’est-à-dire par extrusion des polymères pour former des filaments réunis en voiles
et liés par traitement thermique. Certains des tissus ainsi obtenus servent à
fabriquer des vêtements de protection. En 1995, plus de 400 millions de bleus de
travail avaient été fabriqués à partir d’un tissu de polyéthylène très apprécié
obtenu par liage.

Aux Etats-Unis, l’utilisation la plus importante d’un non-tissé (environ 10 000 km2
par an) concerne le voile supérieur des couches jetables. C’est ce voile qui entre
en contact avec la peau du bébé et l’isole des autres composants de la couche. Des
tissus obtenus à partir de ces fibres sont également utilisés pour des produits
durables et pour certaines applications géotextiles dans lesquelles ils sont
supposés durer indéfiniment. Ces tissus sont toutefois dégradés par les
ultraviolets ou par certains autres types de rayonnements.

Les fibres thermoplastiques obtenues à partir de polymères et de copolymères


polyester sont très employées pour la fabrication des non-tissés dans les procédés
de fibres coupées et de liage à la filature. On estime à plus de 250 000 tonnes les
quantités totales de polymères polyester et polyoléfine utilisées chaque année aux
Etats-Unis pour fabriquer les non-tissés. Des mélanges de fibres polyester et de
pâte de bois obtenus par voie humide, aiguilletés par jet d’eau puis recouverts
d’un revêtement imperméable, sont d’usage courant pour les blouses et les draps
dont on se sert dans les blocs opératoires. En 1995, aux Etats-Unis seulement,
l’utilisation de non-tissés jetables à usage médical a dépassé 2 000 km2 par an.

Les fibres de nylon ne sont utilisées que modérément sous forme de fibres coupées
et assez peu dans les non-tissés encollés au filage (ou filés-liés). Les
principales applications des non-tissés encollés au filage sont le renforcement des
dossiers de moquettes et la fabrication des filtres en laine de verre. Ces tissus
confèrent une surface de faible friction aux dossiers, ce qui facilite la pose des
moquettes. Dans les filtres en laine de verre, le tissu permet de retenir les
fibres de verre dans le filtre et les empêche de pénétrer dans l’air filtré.
D’autres non-tissés particuliers, comme les aramides, trouvent des applications
dans des créneaux du marché dans lesquels leurs propriétés, comme une très faible
inflammabilité, par exemple, en rendent l’usage intéressant. Certains de ces non-
tissés sont aussi mis en œuvre dans l’industrie de l’ameublement pour diminuer
l’inflammabilité des canapés et des fauteuils.

Les procédés non tissés par liage et par fusion-soufflage


Dans ces procédés, des polymères synthétiques appropriés sont fondus, filtrés,
extrudés, étirés, chargés d’électricité électrostatique, disposés en voiles, liés
et enroulés. Il convient d’observer pour ces opérations les mesures de sécurité qui
s’appliquent normalement à l’utilisation des machines à extruder, des filtres, des
filières et des cylindres chauffés pour le liage.

Les travailleurs devraient se protéger les yeux et éviter de porter des vêtements
amples, des cravates, des bagues ou autres bijoux qui pourraient être happés par
les parties mobiles des machines. Ces procédés font presque toujours appel à
d’importants volumes d’air; aussi, des précautions particulières devraient être
prises pour éviter toute situation susceptible de favoriser les incendies; les
gaines d’aération devraient être dégagées, car il serait difficile d’y éteindre un
début d’incendie. Il importe en outre de s’assurer que les sols ne présentent pas
de risques de trébuchement ou de glissade.

Dans les procédés par liage, les installations devraient être nettoyées et tout
résidu de polymère éliminé par brûlage. Des fours très chauds sont généralement
utilisés à cette fin et les pièces nettoyées y sont entreposées. Une protection
adéquate est nécessaire tout au long de ces opérations, à commencer par le port de
gants résistants à la chaleur, la fourniture d’autres équipements de protection
thermique et la mise en service d’une ventilation assez puissante pour limiter la
chaleur et les fumées.

Les procédés par liage sont avantageux d’un point de vue économique, notamment
parce qu’ils sont relativement rapides et que l’on peut changer les bobines
enrouleuses sans interrompre les opérations. L’utilisation d’engins bien conçus
pour changer les rouleaux et une bonne formation du personnel devraient offrir une
marge de sécurité satisfaisante pendant cette opération.

Les procédés par voie sèche


Les règles de sécurité applicables aux procédés comportant des opérations comme
ouvrir les balles de fibres, mélanger les fibres pour alimenter uniformément une
machine à carder, carder pour former des voiles et croiser des voiles pour leur
conférer une résistance optimale dans toutes les directions, puis en assurer le
transfert pour liage, valent aussi pour les procédés textiles traditionnels. Toutes
les parties de machine dangereuses dans lesquelles les mains des travailleurs
pourraient être happées et, notamment, les angles rentrants des cylindres,
devraient être protégées. Certains procédés par voie sèche produisent des quantités
limitées de fibres en suspension dans l’air; les travailleurs devraient donc
disposer d’équipements de protection respiratoire appropriés.

Si les voiles formés doivent faire l’objet d’un liage à chaud, une petite quantité
(10% du poids environ) d’une fibre ou d’une poudre fondant à basse température sera
généralement ajoutée au voile. Cette substance est fondue par passage dans un four
à air chaud ou par exposition à des cylindres chauffés, puis refroidie pour obtenir
le liage du tissu. Dans ce cas, des équipements de protection thermique devraient
être mis à la disposition des travailleurs. Aux Etats-Unis, on produit chaque année
100 000 tonnes de non-tissés dont le liage se fait à chaud.

Si les voiles sont liés par aiguilletage, on utilise un métier à aiguilles. La


rangée d’aiguilles traverse le voile; les aiguilles accrochent les fibres de
surface, les font passer du dessus au dessous du tissu, puis relâchent les fibres
pendant leur course de retour. Le nombre de pénétrations par unité de surface est
parfois limité, parfois très important, comme c’est le cas pour le feutre
aiguilleté. On peut faire appel à un métier pour aiguilleter à partir du dessus et
du dessous du voile. Les aiguilles cassées seront remplacées. Les métiers devraient
être verrouillés pour éviter les accidents pendant ces opérations de maintenance.
Comme pour le cardage, ces procédés produisent parfois des fibres courtes; il est
donc recommandé d’installer une bonne ventilation et de mettre à disposition des
masques respiratoires. De plus, les yeux devraient être protégés des projections de
morceaux d’aiguilles cassées. Aux Etats-Unis, on produit chaque année 100 000
tonnes de non-tissés aiguilletés.

Si les voiles sont liés chimiquement, le procédé consiste généralement à pulvériser


l’adhésif sur une face du voile, puis à faire passer celui-ci dans une zone de
polymérisation, généralement un four ouvert. On inverse ensuite le sens du voile,
on applique à nouveau l’adhésif, et le voile repasse dans le four. Un troisième
passage dans le four est parfois nécessaire pour achever la polymérisation. Les gaz
libérés doivent naturellement être évacués et il faut recueillir et évacuer tous
les effluents toxiques (aux Etats-Unis, ces mesures sont imposées en vertu de
diverses réglementations de l’Etat fédéral ou des Etats sur la pureté de l’air). En
ce qui concerne la liaison chimique par adhésif, l’opinion internationale s’est
émue du rejet de formaldéhyde dans l’atmosphère et une réduction des émanations a
été demandée. L’Agence américaine de protection de l’environnement (Environmental
Protection Agency (EPA)) a abaissé les limites autorisées de formaldéhyde dégagé,
qui ne sont plus désormais que le dixième de ce qu’elles étaient auparavant. On
craint que ces nouvelles limites ne posent des problèmes aux laboratoires chargés
des mesurages. L’industrie des adhésifs a réagi en proposant de nouveaux liants ne
contenant pas de formaldéhyde.

Le procédé par voie pneumatique ou «air-laid»


Il existe un problème de terminologie en ce qui concerne les non-tissés obtenus par
voie pneumatique («air-laid»). L’une des variantes des procédés de cardage comprend
une cardeuse présentant une section qui distribue au hasard les fibres traitées
dans un courant d’air. Ce procédé est souvent appelé «procédé non-tissé air-laid».
Un autre procédé bien différent, également dénommé «air-laid», consiste à disperser
les fibres dans un courant d’air et à diriger les fibres en suspension vers un
dispositif qui les dépose sur un tapis roulant. Le voile formé est alors lié par
pulvérisation et polymérisé. Ce procédé de dépôt peut être répété avec différents
types de fibres afin d’obtenir des non-tissés présentant des couches de diverses
composition. Dans ce cas, les fibres utilisées peuvent être très courtes et il
convient de prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter l’inhalation de
celles qui sont en suspension dans l’air.

Le procédé par voie humide (au mouillé)


Le procédé non-tissé par voie humide emprunte la technologie mise au point pour la
fabrication du papier et consiste à former des voiles à partir de fibres dispersées
dans l’eau. L’opération est favorisée par des agents de dispersion qui permettent
d’éviter la formation de tas de fibres hétérogènes. La dispersion de fibres est
filtrée sur des tapis roulants et essorée par pressage entre des éléments en
feutre. Au cours de l’opération, on ajoute souvent un liant qui assure le liage du
voile pendant le séchage. Une autre méthode, plus récente, consiste à effectuer le
liage par aiguilletage sous jet d’eau à haute pression. Le séchage constitue
l’étape finale; il peut comporter des opérations d’adoucissement du tissu par
microcrêpage ou par toute autre technique du même genre. Ce procédé ne comporte,
semble-t-il, aucun risque majeur.

Le procédé par couture-tricotage


Ce procédé est bien souvent exclu de la définition des non-tissés, car il fait
parfois appel à des fils pour coudre les voiles afin de former des tissus.
Certaines définitions des non-tissés excluent en effet tous les tissus qui
contiennent des «fils». Dans ce procédé, le voile passe dans une machine classique
de piqûre et l’on obtient des structures présentant un grand nombre de
combinaisons, dont celles qui utilisent des fils élastiques permettant de produire
des tissus stretch. Ici encore, le procédé ne semble comporter aucun risque majeur.

Le finissage
Les traitements de surface des non-tissés comprennent l’application de retardateurs
d’ignition, d’agents hydrofuges, d’adoucissants, d’antibactériens, de
thermofusibles, de lubrifiants, etc., ainsi que les traitements antistatiques. Ces
traitements de surface des non-tissés sont appliqués, selon le procédé et le type
de traitement, soit en ligne en cours de procédé, soit après la fabrication. Le
plus souvent, les traitements antistatiques sont appliqués en ligne, de même que
les traitements de surface comme l’effet corona. Les traitements tels que les
retardateurs d’ignition et les agents hydrofuges, par contre, sont le plus souvent
appliqués ultérieurement. Parmi les traitements spécifiques, on peut noter
l’exposition des voiles à un plasma de haute densité qui a pour effet d’influencer
la polarité des tissus et d’améliorer leurs performances dans les applications de
filtrage. La sécurité de ces procédés chimiques et physiques est différente pour
chaque application et doit être étudiée dans chaque cas.

LE TISSAGE ET LE TRICOTAGE
Charles Crocker

Le tissage et le tricotage sont les deux principaux procédés de fabrication des


tissus. Ils s’effectuent aujourd’hui sur des machines automatiques entraînées par
des moteurs électriques. Les tissus obtenus sont destinés à toute une gamme
d’utilisations: vêtements, ameublement, applications industrielles, etc.

Le tissage
Le tissage consiste à entrelacer des fils tendus perpendiculairement les uns aux
autres. C’est la plus ancienne méthode de fabrication des tissus; des métiers
manuels étaient déjà utilisés dans la préhistoire. Le concept fondamental
d’entrecroisement n’a pas changé: les fils de chaîne sont disposés sur un rouleau
de grande taille appelé ensouple dérouleuse, monté à l’arrière de la machine.
L’extrémité des fils de chaîne est enfilée dans un harnais qui permet de lever ou
de baisser les fils de chaîne pour livrer passage à la navette. Le tissage le plus
simple demande deux harnais, mais on utilise parfois jusqu’à six harnais pour des
armures plus compliquées. Les métiers Jacquard sont employés pour fabriquer les
tissus aux motifs les plus décoratifs, et certains dispositifs permettent de tirer
ou de relâcher séparément chaque fil de chaîne. On enfile alors chaque extrémité de
fil sur un peigne (ou ros) aux dents métalliques parallèles et très rapprochées,
porté par la chasse ou battant du métier à tisser. Ce battant est conçu pour se
déplacer en formant un arc autour d’un point d’ancrage central. Les extrémités du
fil de chaîne sont attachées à la bobine enrouleuse, et le tissu vient s’y envider.

La plus ancienne méthode permettant de passer le fil de trame sur toute la largeur
des fils de chaîne est la navette, qui est propulsée librement d’un bord à l’autre
du métier et dévide le fil de trame placé sur une petite bobine qui se trouve à
l’intérieur. Une technique récente et plus rapide, illustrée à figure 89.9, appelée
tissage sans navette, fait appel soit à un jet fluide (air ou eau), soit à de
petits projectiles glissant sur une tringle mobile, soit encore à de petits
dispositifs en forme d’épée appelés lances ou rapières pour transférer le fil de
trame.

Figure 89.9 Machines à tisser à jet d'air


Figure 89.9

Le personnel employé dans ce secteur d’activité occupe généralement quatre types de


fonctions:

Les opérateurs de machines, appelés tisserands, qui parcourent la zone de


production dont ils sont responsables et qui contrôlent les opérations de
production, corrigent certains dysfonctionnements, par exemple en cas de rupture de
fils, et relancent les machines qui se sont arrêtées.
Les mécaniciens qui montent, règlent et réparent les machines à tisser.
Les manutentionnaires qui transportent et chargent les matières premières (fils de
chaîne et de trame) sur les métiers à tisser et récupèrent et déplacent les
produits finis (rouleaux de tissu).
Les travailleurs chargés du nettoyage, du graissage des machines, de la
maintenance, etc.
Les risques d’accidents
Le tissage ne présente que des risques limités pour la sécurité des travailleurs.
Il en existe pourtant un certain nombre qui appellent des mesures appropriées.
Les chutes
Les sols encombrés (pièces de machines, etc.) ou glissants (flaques d’huile, de
graisse ou d’eau) peuvent provoquer des chutes. Le maintien de l’ordre et de la
propreté revêt une importance particulière dans les ateliers de tissage: un grand
nombre de travailleurs de production passent la plus grande partie de leur journée
à parcourir leur lieu de travail, en gardant les yeux fixés sur les opérations en
cours et sans voir les objets qui peuvent se trouver sur le sol.

Les machines
Les dispositifs de transmission et la plupart des autres points de pincement sont
généralement protégés. En revanche, le ros, les harnais et d’autres parties des
machines auxquelles les tisserands doivent souvent accéder ne le sont que
partiellement. Un espace de travail et de passage suffisant devrait être aménagé
autour des machines; l’observation de bonnes pratiques de travail peut, en outre,
aider les travailleurs à éviter les risques qu’entraîne la marche des installations
de production. Dans le tissage à navette, des capots de protection montés sur le
ros permettent d’éviter que la navette ne soit éjectée ou de la rabattre en lui
conférant une trajectoire descendante. Le verrouillage, le blocage mécanique, etc.,
sont également nécessaires pour empêcher une mise en marche intempestive lorsqu’un
mécanicien ou d’autres travailleurs interviennent sur des machines à l’arrêt.

Les manutentions
Celles-ci comprennent le soulèvement et le déplacement de lourds cylindres d’appel,
d’ensouples d’enroulement, d’ensouples dérouleuses, etc. Des chariots à bras aident
à décharger, à faire la levée des petits rouleaux de tissu et à les transporter et
limitent le risque de lésions musculaires. Des chariots électriques sont parfois
utilisés pour procéder au levage des grands rouleaux de tissu placés à l’avant de
la machine. Des chariots hydrauliques, à commande mécanique ou manuelle, permettent
de déplacer des ensouples dérouleuses qui peuvent peser plusieurs centaines de
kilogrammes. Les manutentionnaires devraient porter des chaussures de sécurité.

Les incendies et les combustions


Le tissage génère une quantité considérable de peluche, de poussières et de fibres
en suspension qui peuvent présenter des risques d’incendie si les fibres sont
combustibles. Parmi les mesures préventives, on peut mentionner des systèmes
permettant de recueillir la poussière (placés sous les machines dans les
installations modernes), un nettoyage régulier des machines par le personnel de
service et l’utilisation de matériel électrique conçu pour éviter les étincelles
(par exemple, classe III, division 1, emplacements dangereux).

Les risques pour la santé


Dans les ateliers de tissage modernes, les risques pour la santé se limitent
généralement aux pertes auditives induites par le bruit et aux affections
respiratoires liées à certains types de fibres utilisés dans les fils.

Le bruit
La plupart des métiers à tisser, souvent nombreux dans un atelier de production
classique, produisent des niveaux de bruit généralement supérieurs à 90 dBA. Dans
certains ateliers de tissage à navette ou de tissage extrêmement rapide sans
navette, ces niveaux peuvent même dépasser 100 dBA. La plupart du temps, les
travailleurs occupés dans ce secteur d’activité devraient porter des appareils de
protection de l’ouïe appropriés et être soumis à un programme de surveillance de
leur acuité auditive.

Les poussières de fibres


Des affections pulmonaires (byssinose) ont longtemps été associées aux poussières
engendrées par le traitement du coton brut et des fibres de lin; elles sont
examinées plus loin dans le présent chapitre ainsi que dans le chapitre no 10,
«L’appareil respiratoire», de l’Encyclopédie . Dans les installations modernes, des
systèmes de nettoyage par ventilation et filtration d’air, avec des points de
collecte des poussières situés au-dessous des machines à tisser et en d’autres
points des ateliers de tissage, permettent généralement de maintenir les
concentrations de poussières à un niveau inférieur aux limites admissibles, c’est-
à-dire 750 µg/m3 d’air dans le cas de la norme de l’Administration de la sécurité
et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA))
relative aux poussières de coton. De plus, une protection respiratoire devrait être
utilisée lors des opérations de nettoyage. Un suivi médical devrait permettre
d’identifier les travailleurs particulièrement sensibles aux effets de ces
poussières.

Le tricotage mécanique *
* Les articles tricotés à la main constituent un important secteur artisanal. Les
données relatives aux effectifs des travailleurs occupés, en général des femmes,
sont notoirement insuffisantes. Le lecteur est renvoyé au chapitre no 96, «Les
arts, les loisirs et les spectacles», pour un apreçu des risques pour la santé que
cette activité fait encourir.

Le procédé de tricotage mécanique consiste à entrelacer des mailles de fil sur des
machines automatiques (voir figure 89.10). Ces machines se composent de rangées de
petites aiguilles à crochets permettant de faire passer les mailles nouvellement
formées à travers des mailles déjà formées. Les aiguilles à crochets présentent un
enclenchement original qui verrouille le crochet, ce qui permet de tirer facilement
la maille, puis s’ouvre pour permettre à la maille de descendre. Sur les
tricoteuses mécaniques circulaires, les aiguilles sont disposées en cercle, et le
tricot produit sort de la machine sous forme tubulaire et s’enroule autour d’une
envideuse. Les métiers à tricoter rectilignes et les métiers à chaîne, quant à eux,
présentent une rangée rectiligne d’aiguilles; le tricot sort à plat de la machine
et vient s’enrouler sur la bobine envideuse. Les métiers à tricoter circulaires et
les métiers à tricoter rectilignes sont généralement alimentés par des cônes de
fil, tandis que les métiers à chaîne le sont par des ensouples semblables à celles
utilisées dans le tissage, mais de plus petite taille.

Figure 89.10 Tricoteuse mécanique circulaire


Figure 89.10

Dans ce secteur d’activité, les travailleurs peuvent occuper le même type de


fonctions que dans le tissage. Le nom donné à ces fonctions correspond à celui de
la tâche qu’ils exécutent.

Les risques d’accidents


Dans les ateliers de tricotage, les risques d’accidents sont semblables à ceux des
ateliers de tissage, mais généralement moindres. Les taches d’huile sur le sol sont
cependant plutôt fréquentes dans les ateliers de tricotage, en raison du graissage
fréquent des aiguilles. Les risques de se faire happer par une machine sont, par
contre, moins importants, car il n’existe pas autant de points de pincement sur ces
machines que sur les métiers à tisser et qu’une grande partie des machines se
prêtent à l’encoffrage. Des dispositifs de verrouillage de l’alimentation
électrique sont indispensables.

Manœuvrer l’enrouleur du tissu présente malgré tout un risque d’entorse ou de


foulure pour l’opérateur, qui ne rencontre cependant pas les mêmes risques que le
travailleur appelé à manœuvrer les lourdes ensouples, sauf dans les métiers à
chaîne. Les mesures de prévention sont identiques à celles qui sont préconisées
pour le tissage. Les concentrations de peluches, de fibres en suspension et de
poussières produites par les tricoteuses sont loin d’atteindre celles du tissage,
mais il convient de surveiller les niveaux d’huile et d’essence des machines. Les
mesures de sécurité sont les mêmes que dans les ateliers de tissage.
Les risques pour la santé
Les risques pour la santé sont aussi généralement moindres dans ce secteur que dans
les ateliers de tissage. Les niveaux sonores vont en général de 85 à 95 dBA. Les
affections respiratoires ne semblent pas très fréquentes chez les travailleurs qui
traitent le coton brut et le lin, et les normes imposées pour ces matières
premières ne s’appliquent souvent pas au tricotage.

LES TAPIS MÉCANIQUES


The Carpet and Rug Institute

Les tapis tissés ou noués à la main sont apparus en Perse plusieurs siècles avant
J.-C. Aux Etats-Unis, la première manufacture de tapis tissés a été construite à
Philadelphie en 1791. En 1839, l’industrie s’est complètement transformée
lorsqu’une force motrice fut, pour la première fois, appliquée au tissage des tapis
par Erastus Bigelow. Dans les ateliers modernes, la plupart des tapis se font à la
machine, en utilisant l’un ou l’autre des deux procédés de confection mécanique, le
tuftage et le tissage.

Les tapis tuftés ou touffetés sont aujourd’hui les plus répandus. Aux Etats-Unis,
par exemple, près de 96% des tapis produits sont tuftés, procédé emprunté à la
manufacture de dessus de lit tuftés située en Géorgie. Les tapis tuftés sont
confectionnés en faisant passer une fibre de poil dans un dossier prétissé
(généralement en polypropylène), puis en y fixant un second dossier présentant un
enduit à base de latex qui maintient les fils en place et réunit les deux dossiers
pour rendre le tapis plus stable.

La confection du tapis
Le tuftage mécanique
La machine à tufter comprend des centaines d’aiguilles (jusqu’à 2 400) placées sur
une barre horizontale qui couvre toute la largeur de la machine (voir figure
89.11). Le cantre, constitué de bobines de fil placées sur des râteliers, est
dirigé par des tubes de guidage de faible diamètre vers les aiguilles placées sur
une barre à saccades, ou jerker . Généralement, il existe deux bobinots de fil pour
chaque aiguille. L’extrémité du fil du premier bobinot est réunie avec l’extrémité
du second de façon que, lorsque le fil du premier bobinot est épuisé, le fil soit
fourni par le second sans qu’il soit nécessaire d’arrêter la machine. Chaque
extrémité de fil présente un tube de guidage qui permet d’éviter que les fils ne
s’emmêlent. Les fils passent à travers une série de guides verticaux alignés et
fixes, installés sur le bâti de la machine, et par un guide situé à l’extrémité
d’un bras qui se déploie à partir de la barre à aiguilles mobile de la machine.
Lorsque la barre à aiguilles se déplace vers le haut et vers le bas, le rapport
entre les deux guides se trouve modifié. La figure 89.12 montre les produits tuftés
utilisés pour les tapis à usage domestique.

Figure 89.11 Machine à tufter


Figure 89.11

Figure 89.12 Coupe d'un tapis à usage domestique


Figure 89.12

La barre à saccades, ou jerker , reçoit le fil lâche dévidé pendant la montée des
aiguilles. Les fils sont enfilés sur leurs aiguilles respectives fixées sur la
barre. Les aiguilles se déplacent simultanément à raison de 500 courses à la minute
au moins, avec un mouvement de va-et-vient vertical. Une machine à tufter peut
produire de 1 000 à 2 000 m2 de tapis en huit heures.

Le premier élément du dossier dans lequel les fils sont insérés provient d’un
rouleau placé devant la machine. La vitesse du rouleau commande la longueur du
point et le nombre de points au cm2. Le nombre d’aiguilles au centimètre détermine
la jauge du tissu, 3/16 ou 5/32, par exemple.

Au-dessous de la plaque à aiguilles de la machine à tufter se trouvent des


boucleurs ou des combinaisons de boucleurs et de couteaux qui prélèvent et
retiennent momentanément les fils transportés par les aiguilles. Pour former des
poils bouclés, on a recours à des boucleurs configurés comme des crosses inversées
de hockey dont chaque tressautement éloigne les boucles de poils qu’ils ont formées
à mesure que le dossier se déroule.

Les boucleurs pour poils coupés ont une forme de «C» inversé et une surface
coupante sur le bord supérieur interne du croissant. Ils sont utilisés en
association avec des couteaux qui présentent un tranchant émoussé à une extrémité.
Au fur et à mesure que le dossier avance dans la machine vers les boucleurs pour
poils coupés, les fils prélevés dans les aiguilles sont coupés par cisaillement
entre le boucleur et l’arête tranchante du couteau. Sur les figures 89.13 et 89.14,
on peut voir les touffes sur un dossier et les différents types de boucles.

Figure 89.13 Coupe d'un tapis à usage commercial


Figure 89.13

Figure 89.14 Boucles; poils coupés et boucles; velours, laine de Saxe


Figure 89.14

Le tissage
Le tapis tissé est constitué d’un fil velours tissé en même temps que les fils de
chaîne et de trame qui forment l’intégralité du dossier. Les fils du dossier sont
généralement en jute, en coton ou en polypropylène. Le fil velours peut être en
laine, en coton ou en fibres synthétiques comme le nylon, le polyester, le
polypropylène, l’acrylique, etc. Un enduit est appliqué sur l’envers pour
stabiliser le tapis; un second dossier n’est pas nécessaire et n’est que rarement
ajouté. Parmi les variantes du tapis tissé, on peut noter le tapis velours, le
Wilton et le tapis Axminster.

Il existe d’autres méthodes de confection des tapis — tapis tricotés, aiguilletés,


liés par fusion —, mais ces méthodes sont moins utilisées et concernent des
produits et des marchés spécifiques.

La production des fibres et des fils


Les tapis sont confectionnés principalement avec des fils synthétiques — nylon,
polypropylène (oléfine) et polyester — et, acces-soirement, avec des fils
d’acrylique, de laine, de coton et des mélanges de ces différents fils. Dans les
années soixante, l’usage des fibres synthétiques s’est généralisé parce qu’elles
permettent d’obtenir un produit de qualité et de longue durée à un prix
raisonnable.

Les fils synthétiques sont obtenus par extrusion d’un polymère fondu injecté à
travers les très petits orifices d’une plaque métallique, ou filière. On ajoute
parfois au polymère fondu des additifs pour obtenir des teintures dans la masse ou
des fibres moins transparentes, plus blanches et plus durables, ou encore d’autres
propriétés particulières. A la sortie de la filière, les filaments sont refroidis,
étirés et texturés.

Les fibres synthétiques peuvent être extrudées sous différentes formes et en


différentes sections — rondes, à trois lobes, à cinq lobes, à huit lobes ou carrées
— suivant la configuration et la forme des orifices de la filière. Ces diverses
sections déterminent de nombreuses propriétés du tapis (lustre, volume, texture
résistance aux salissures, etc.).

Après extrusion, les fibres font l’objet de traitements comme l’étirage et le


recuit (chauffage-refroidissement) qui augmentent leur résistance à la traction et
améliorent l’ensemble de leurs propriétés physiques. Le faisceau de filaments fait
ensuite l’objet d’un traitement de frisage ou de texturage, ce qui confère aux
filaments droits une configuration en vrilles, en spirales ou en dents de scie.

Le fil peut être produit soit sous forme de brin soit sous forme de filament
continu gonflant. Ce dernier est constitué de fils continus de fibre synthétique
formant faisceaux. Le fil extrudé s’obtient en enroulant directement sur des
bobines de renvidage le nombre de filaments correspondant au nombre de deniers que
l’on souhaite obtenir.

Les fibres en brins sont transformées en fils filés par les procédés classiques de
filage des textiles. Pour obtenir des fibres en brin, on extrude de gros faisceaux
de fibres appelés «câbles de filature». Après frisage, le câble est coupé en fibres
de 10 à 20 cm de longueur. Trois étapes importantes interviennent dans la
préparation — mélangeage, cardage et étirage — avant le filage. Le mélangeage
associe des balles de fibres en brins afin que les fibres s’entremêlent et que le
fil ne se divise pas au cours des opérations ultérieures de teinture. Le cardage
redresse les fibres et les configure en rubans. L’étirage a trois fonctions
principales: il mélange les fibres, les dispose en parallèle et diminue le poids
par unité de longueur de l’ensemble du faisceau de fibre, ce qui facilite le filage
au stade final.

Après le filage, qui étire le ruban jusqu’à la taille désirée, le fil est formé en
torons et retordu pour obtenir différents effets. Il est ensuite enroulé sur des
cônes pour être préparé en vue du thermofixage et du retordage.

Les techniques de coloration


Les fibres synthétiques revêtant diverses formes, elles retiennent différemment la
teinture et ne réagissent pas non plus de la même façon aux colorants. On peut
traiter et modifier des fibres du même type de façon à modifier leur affinité pour
certains colorants; on obtient ainsi un effet bicolore ou multicolore.

L’opération de coloration des tapis peut être effectuée à deux stades de la


fabrication: on peut teindre la fibre ou le fil avant même que le tissu soit tufté
(teinture préalable), ou teindre le tissu tufté (teinture ultérieure des produits
écrus) avant l’application du second dossier et les opérations de finissage. Les
méthodes de teinture préalable comprennent la teinture dans la masse, la teinture
en bourre et la teinture sur fil. Les méthodes de teinture ultérieure des produits
écrus comprennent: la teinture de la pièce, l’application du colorant à partir d’un
bain de teinture sur le tapis non fini; la teinture en bac à tourniquet, qui traite
des lots de produits écrus d’environ 150 m de long; la teinture en continu, qui
consiste à teindre des quantités pratiquement illimitées à l’aide d’un appareil
fixe injectant de la teinture sur toute la largeur d’un tapis progressivement
déroulé sous le dispositif d’application. L’impression des tapis se fait à l’aide
d’un matériel qui est sensiblement le même que le matériel d’impression des
textiles, mais en plus grand. On utilise des machines d’impression à cadre plat ou
au rouleau.

Le finissage des tapis


Le finissage des tapis répond à trois objectifs: ancrer chaque touffe dans le
dossier, fixer le dossier tufté à un second dossier, tondre et nettoyer les poils
pour donner à la surface une belle apparence. Le fait d’ajouter un second dossier,
en polypropylène tissé, en jute ou en matelassé, par exemple, permet de stabiliser
les dimensions du tapis.

On enduit tout d’abord l’envers du tapis, généralement avec un rouleau tournant


dans un mélange de latex synthétique étalé au moyen d’une racle (ou docteur). Le
latex est une solution visqueuse, dont la viscosité dynamique est généralement de 8
000 à 15 000 centipoises; on utilise normalement de 750 à 950 g de latex par mètre
carré.

Un second dossier est délicatement placé sur l’enduit de latex. On presse alors les
deux dossiers l’un contre l’autre entre deux cylindres de liaison. L’ensemble,
maintenu bien à plat et sans pli, passe ensuite dans un long four qui mesure
généralement de 24 à 49 m de long, dans lequel s’effectuent le séchage et la
polymérisation dans trois zones de température échelonnées entre 115 et 150 °C, et
cela pendant 2 à 5 minutes. Le séchage du tapis demande un taux élevé
d’évaporation, obtenu en soufflant de l’air chaud vers des zones dans lesquelles la
chaleur est strictement contrôlée.

On tond le tapis légèrement en surface pour le débarrasser du duvet qui aurait pu


se former sur les extrémités des fibres pendant les opérations de teinture et de
finissage. La tondeuse est une machine qui brosse énergiquement les poils du tapis
pour les redresser et les uniformiser; une série de lames rotatives coupent
l’extrémité des fibres à la hauteur voulue. Deux ou quatre lames opèrent en tandem.
La machine à double tondage présente un double jeu de brosses dures en nylon ou en
soies de sanglier et deux têtes par unité, utilisées en tandem. Le tapis est
soigneusement inspecté, emballé et entreposé, ou découpé, emballé et expédié.

Les mesures de sécurité et de santé dans les ateliers de confection de tapis


L’adoption, la mise en application et le suivi de mesures de sécurité adéquates est
la règle dans les ateliers modernes ainsi que, le cas échéant, le démarrage rapide
et la conduite d’enquêtes approfondie lors d’un d’accident. L’encoffrement des
machines a permis de renforcer la sécurité. Une maintenance de qualité est jugée
essentielle tant pour améliorer la qualité et la productivité que pour protéger les
travailleurs.

Le personnel devrait être familiarisé avec les installations électriques et les


pratiques permettant d’éviter les accidents pouvant résulter d’une mise en marche
intempestive des machines. Il devrait également savoir distinguer les pièces sous
tension des autres pièces de l’équipement électrique, déterminer la tension
nominale des pièces exposées et sous tension et connaître les distances de sécurité
nécessaires en fonction des tensions correspondantes. Lorsque des machines sont
mises à l’arrêt et que l’alimentation électrique est verrouillée, les travailleurs
doivent être informés qu’il leur est interdit de les remettre en marche ou de les
remettre sous tension.

Les matériels anciens encore en usage devraient être fréquemment inspectés et les
pièces déformées remplacées si besoin est. Les arbres de transmission, les
courroies trapézoïdales, les mécanismes d’entraînement à poulie, à chaîne et à
pignons, les treuils et les appareils de levage devraient être régulièrement
inspectés et des dispositifs de protection installés là où ils sont nécessaires.

Dans les ateliers, on utilise des chariots porte-bobines que l’on pousse à la main
pour déplacer la matière première; étant donné que des résidus de la production du
fil s’accumulent sur le sol, il convient de nettoyer les roues de ces chariots pour
éviter qu’elles ne se bloquent.

Les travailleurs devraient connaître les risques que présente la mise en œuvre
d’air comprimé, qui est d’un usage courant dans les opérations de nettoyage.

Des chariots élévateurs à fourche, électriques ou au propane, sont largement


utilisés dans la fabrication de tapis et dans les entrepôts. Il est
particulièrement important d’en assurer un bon entretien et de procéder avec
prudence lorsqu’on fait le plein de carburant ou que l’on change une batterie. Ces
chariots à fourche étant employés dans des locaux où d’autres personnes
travaillent, différentes précautions s’imposent: passages exclusivement réservés
aux travailleurs et auxquels les chariots n’ont pas accès, signaux provisoires
lorsque des personnes doivent travailler dans des zones de fort passage des
chariots à fourche, accès aux entrepôts et au quai d’expédition réservé aux
opérateurs de chariots à fourche et au personnel chargé de l’expédition,
aménagement d’une circulation à sens unique, etc.

Une révision de la conception des machines visant à limiter les mouvements


répétitifs devrait contribuer à réduire le nombre de lésions dues à ces mouvements.
On devrait également encourager les travailleurs à pratiquer régulièrement des
exercices simples des mains et des poignets, leur ménager des pauses suffisantes et
procéder à de fréquentes rotations.

On peut limiter les troubles musculo-squelettiques résultant du soulèvement et du


port des charges en faisant appel à des engins mécaniques, à des chariots à bras et
à des chariots mécaniques, en disposant les matières premières sur des plates-
formes ou des tables et, si possible, en facilitant leur manutention par la
réduction de leurs dimensions, de leur volume et de leur poids. Une formation aux
techniques correctes de soulèvement des charges et des exercices physiques peuvent
aussi s’avérer utiles, notamment chez les ouvriers reprenant le travail après un
arrêt dû à des dorsalgies.

Il est conseillé de mettre au point un programme de protection de l’ouïe pour


éviter les troubles résultant des niveaux élevés de bruit que l’on rencontre dans
certains ateliers. Des contrôles du niveau sonore des machines permettront de
déterminer les zones dans lesquelles les moyens de prévention technique ne sont pas
suffisamment efficaces et dans lesquelles les travailleurs devraient porter un
équipement de protection individuelle et être soumis chaque année à un test
audiométrique.

Les ateliers devraient se conformer aux normes modernes d’extraction des peluches
et des poussières et de dissipation de la chaleur.

LES TAPIS TISSÉS ET TUFTÉS À LA MAIN


M.E. Radjabi *

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de


l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

Tous les tapis d’Orient sont tissés à la main. Ils sont souvent confectionnés à
domicile; tous les membres de la famille, y compris les très jeunes enfants,
travaillent sur le métier de longues heures pendant la journée et même la nuit. Il
s’agit parfois simplement d’une occupation à temps partiel pour la famille; dans
certaines régions, la confection des tapis n’est plus effectuée à domicile, mais
s’est déplacée vers des manufactures dont la taille demeure généralement modeste.

Les opérations
Les opérations associées à la confection des tapis comprennent la préparation du
fil — qui consiste à tirer la laine et à la classer en diverses variétés, à la
laver, à la filer et à la teindre —, le dessin du motif du tapis et le tissage
proprement dit.

La préparation du fil
Parfois, le fil est déjà façonné et teint lorsqu’il parvient aux ateliers de
tissage. Dans d’autres cas, la fibre brute, le plus souvent de laine, est préparée,
filée et teinte sur place. La première opération, généralement effectuée par des
femmes assises à même le sol, consiste à classer la matière première par variété.
Ensuite, la laine est lavée et filée à la main. La teinture se fait habituellement
dans des récipients ouverts, et l’on emploie principalement des colorants à base
d’aniline ou d’alizarine; les colorants naturels ne sont plus guère utilisés.
Le dessin et le tissage
Dans la fabrication familiale ou «tribale», les motifs sont traditionnels et il
n’est pas nécessaire d’en inventer de nouveaux; toutefois, dans une entreprise
employant un certain nombre de travailleurs, un dessinateur trace des ébauches
qu’il transpose sur du papier quadrillé, dont chaque case représente un point; le
tisseur peut ainsi s’assurer du nombre et de la disposition des nœuds.

Le métier se compose le plus souvent de deux cylindres de bois horizontaux fixés


sur des montants. L’un des cylindres est situé à une distance de 10 à 30 cm au-
dessus du sol, l’autre à environ 3 m; le fil de chaîne est tendu verticalement
entre les deux cylindres. Il n’y a habituellement qu’un seul tisseur par métier
mais, pour les tapis de grandes dimensions, leur nombre peut aller jusqu’à six. Une
fois sur deux, le tisseur est accroupi à même le sol devant le cylindre inférieur.
Parfois, il est assis sur une poutre de bois ou sur une planche horizontale
étroite, que l’on relève au fur et à mesure que le travail avance. Le tisseur doit
nouer de petites longueurs de fil de laine ou de soie autour des fils de chaîne
pris deux à deux, puis passer le fil à la main d’une lisière à l’autre du tapis.
Chaque fil de trame ou duite est étroitement appliqué contre la fibre du tapis au
moyen d’un peigne manœuvré à la main. Les touffes de fil dépassant de la fibre sont
égalisées ou coupées aux ciseaux.

Tandis que le tapis avance, il est souvent enroulé autour du cylindre inférieur,
dont le diamètre augmente. Lorsque le tisseur est accroupi à même le sol, la
position du cylindre inférieur l’empêche d’allonger les jambes et, à mesure que le
diamètre de ce cylindre augmente, le tisseur est repoussé en arrière et doit se
courber de plus en plus en avant pour nouer les fils (voir figure 89.15). Cette
posture peut être évitée lorsque les tisseurs sont assis ou accroupis sur une
poutre que l’on peut relever jusqu’à 4 m au-dessus du sol mais, là encore, ils
n’ont bien souvent pas la place suffisante pour étendre leurs jambes et sont
contraints de demeurer dans une position inconfortable. Dans certains cas,
pourtant, le tisseur peut s’asseoir sur un siège fixe, équipé d’un dossier et d’un
coussin (il s’agit en fait d’une chaise sans pieds qui peut être déplacée
horizontalement le long de la poutre au fur et à mesure que le travail avance). Des
types améliorés de métiers surélevés ont été mis au point; ils permettent au
tisseur d’être assis sur une chaise et de disposer d’une place suffisante pour
étendre ses jambes.

Figure 89.15 Métier ancien – le tisseur est obligé de rester accroupi


Figure 89.15

Dans certaines régions d’Iran, les fils de chaîne sont disposés horizontalement et
le tisseur doit s’installer sur le tapis lui-même, ce qui rend sa tâche encore plus
difficile.

Les risques pour la santé


La confection des tapis, bien souvent encore effectuée à domicile, comporte de
nombreux risques: en effet, les maisons sont pauvres, les pièces sont petites et
surpeuplées, mal éclairées et mal aérées. Le matériel et les méthodes se
transmettent de génération en génération, ne laissant pratiquement aucune place aux
possibilités d’éducation et de formation qui permettraient de rompre avec les
techniques traditionnelles. Les tisseurs sont sujets à des déformations osseuses, à
des troubles oculaires et sont soumis à des risques mécaniques et aux
intoxications.

Les déformations osseuses


La position accroupie que les tisseurs doivent adopter devant les métiers de type
ancien et la nécessité de se courber pour faire les nœuds provoquent à la longue
des déformations importantes. Celles-ci sont souvent aggravées par les carences
nutritionnelles liées à la pauvreté. Si les travailleurs sont ainsi employés dès le
plus jeune âge, leurs membres inférieurs risquent d’être déformés (genu valgum), et
ils peuvent également souffrir d’arthrite déformante du genou. Le rétrécissement du
bassin que l’on observe parfois chez les femmes peut occasionner des accouchements
difficiles, nécessitant souvent une césarienne. Les déformations de la colonne
vertébrale (scolioses et lordoses) sont également très fréquentes.

Les troubles oculaires


Le tisseur doit porter une attention constante au point ou au nœud qu’il est en
train de faire, ce qui peut entraîner une fatigue oculaire considérable, notamment
lorsque l’éclairage est insuffisant. Il faut souligner que, dans certains ateliers
à domicile, l’éclairage électrique demeure inconnu et que l’on utilise encore des
lampes à pétrole ou à huile pour travailler après la tombée du jour. On a observé
des cas de cécité presque complète survenant après seulement douze ans de travail.

Les affections des mains et des doigts


Le fait de nouer constamment les fils et de faire passer avec les doigts les fils
de trame à travers les fils de chaîne provoque une enflure des phalanges, de
l’arthrite et des névralgies qui occasionnent des déformations permanentes.

Le stress
L’extrême précision de ce travail, qui demande une grande dextérité et une
attention constante pendant de longues heures, provoque parfois des troubles
nerveux et un stress que ne peuvent qu’aggraver l’exploitation des travailleurs et
une discipline très dure. Les enfants se voient souvent «voler leur enfance», et
les adultes, qui manquent généralement des contacts sociaux indispensables à un bon
équilibre affectif, peuvent développer des maladies nerveuses qui se traduisent par
des tremblements des mains (susceptibles de diminuer leur rendement) et, parfois,
des troubles mentaux.

Les risques mécaniques


Ils sont pratiquement inexistants, étant donné qu’aucune machine à moteur n’est
utilisée. Si les métiers ne sont pas convenablement entretenus, le système de
levier qui permet de régler la tension de la chaîne risque de se rompre et de
heurter le tisseur. Ce risque peut être prévenu par la mise en place d’un
dispositif de tension à engrenage.

Les risques chimiques


Les colorants utilisés, surtout lorsqu’ils sont employés avec du bichromate de
potassium ou de sodium, peuvent provoquer des infections cutanées et des
dermatoses. L’emploi d’ammoniaque, d’acides puissants et d’alcalis présente
également un danger. Les dessinateurs se servent parfois de pigments au plomb et
l’on a observé chez eux des cas de saturnisme, car ils ont l’habitude de sucer
l’extrémité du pinceau pour en lisser les poils; les pigments au plomb devraient
être remplacés par d’autres, non toxiques.

Les risques biologiques


Les germes infectieux contenus dans la laine brute provenant de régions dans
lesquelles le bacille est endémique peuvent provoquer le charbon. Les autorités
locales compétentes veilleront à ce que la laine soit convenablement stérilisée
avant d’être livrée aux ateliers et aux fabriques.

Les mesures préventives


Les opérations de tri des matières premières telles que la laine, le poil de
chameau ou de chèvre, etc. devraient s’effectuer au-dessus d’une grille métallique
pourvue d’un dispositif d’aspiration permettant de capter toutes les poussières et
de les évacuer vers un collecteur situé à l’extérieur.

Les locaux dans lesquels on procède au lavage et à la teinture de la laine


devraient être convenablement ventilés, et des gants de caoutchouc et des tabliers
imperméables fournis au personnel chargé de ces opérations. Tous les déchets
liquides devraient être neutralisés avant d’être rejetés dans les cours d’eau ou
les égouts.

Un bon éclairage est indispensable dans les locaux de dessin et de tissage.


L’éclairage pose problème lorsqu’il n’y a pas d’électricité et que le travail se
poursuit après la tombée du jour.

L’amélioration la plus importante consisterait à surélever le rouleau inférieur du


métier. Les tisseurs n’auraient plus à s’accroupir à même le sol de façon
inconfortable et antihygiénique et pourraient s’asseoir sur un bon siège. Cet
aménagement ergonomique permettrait non seulement d’améliorer la santé des
travailleurs, mais également d’accroître leur rendement.

Les ateliers devraient être nettoyés et bien aérés et être revêtus d’un plancher
remplaçant la terre battue. Par temps froid, ils devraient être chauffés. La
manipulation des fils de chaîne est pénible pour les doigts et peut occasionner de
l’arthrite: aussi emploiera-t-on le plus souvent possible des couteaux spéciaux en
forme de crochet pour nouer les fils de chaîne. Des examens médicaux d’embauche et
périodiques sont vivement recommandés pour tous les travailleurs.

Les tapis tuftés à la main


La confection de tapis par nouage du fil à la main est un procédé très lent. Le
nombre de nœuds varie de 2 à 360 par cm2, suivant la qualité du tapis. Un tapis de
grandes dimensions au motif complexe peut demander une année de travail et le
nouage de centaines de milliers de nœuds.

Le tuftage à la main est une autre méthode de confection des tapis. On utilise pour
cela un outil spécial présentant une aiguille dans le chas de laquelle on enfile le
fil. Un calicot sur lequel a été tracé le dessin du tapis est suspendu
verticalement; lorsque le tisseur place l’outil contre le tissu et appuie sur un
bouton, l’aiguille pénètre dans le tissu puis se rétracte, en laissant sur l’envers
une boucle de fil d’environ 10 mm. Il déplace alors horizontalement l’outil de 2 ou
3 mm, en laissant une boucle à la surface du tissu, et appuie à nouveau sur le
bouton pour former une nouvelle boucle sur l’envers. Avec un peu d’habitude, on
peut obtenir en une minute jusqu’à 30 boucles de chaque côté. Selon le dessin, le
tisseur doit s’arrêter de temps à autre pour changer la couleur de fil en fonction
du motif. Lorsque cette opération est achevée, le tapis est descendu et étendu par
terre à l’envers. On applique alors sur l’envers un enduit de caoutchouc, puis un
dossier en toile de jute résistante. On retourne ensuite le tapis sur l’endroit et
les boucles de fil sont égalisées au moyen de ciseaux électriques. Parfois, le
motif du tapis est obtenu en coupant les poils à des hauteurs différentes.

Cette méthode de confection engendre nettement moins de risques que la manufacture


des tapis noués à la main. L’opérateur est généralement assis sur une planche
devant la toile et a suffisamment de place pour étendre ses jambes. On soulève la
planche au fur et à mesure que le travail avance. Pour un plus grand confort, le
tisseur pourrait disposer d’un dossier pour s’appuyer et d’un siège confortable
qu’il déplacerait horizontalement le long de la planche à mesure que le tapis
avance. L’effort visuel est moins grand et les mouvements des doigts ou des mains
ne sont pas susceptibles dans ce cas d’engendrer des affections ou des
déformations.

L’enduit de caoutchouc employé pour ce type de tapis contient généralement un


solvant toxique et inflammable. L’opération de revêtement devrait donc être
effectuée dans un local indépendant, équipé d’un système efficace de ventilation
par extraction, d’au moins deux sorties de secours et dont sont bannies les flammes
nues et les lampes non protégées. Dans ce local, tous les interrupteurs et les
équipements électriques devraient être conformes aux normes imposées pour les
matériels antidéflagrants. On ne conservera dans ce local que la quantité minimale
d’enduits inflammables et des extincteurs seront prévus. Un local ignifugé
d’entreposage des solutions inflammables ne devrait pas être situé à l’intérieur
d’un bâtiment occupé.

La législation
Dans la plupart des pays, les dispositions d’ordre général relatives aux
établissements industriels fixent les conditions de sécurité et de santé. Parfois,
pourtant, elles ne s’appliquent pas aux entreprises familiales ou au travail à
domicile et sont difficiles à mettre en œuvre dans les petites entreprises isolées
qui emploient néanmoins de nombreux travailleurs. Cette branche d’activité est
connue pour l’exploitation de la main-d’œuvre et le travail des enfants, bien
souvent au mépris de toutes les réglementations en vigueur. On peut espérer que le
mouvement qui se fait jour dans le monde entier (depuis le milieu des années
quatre-vingt-dix) parmi les acheteurs de tapis tissés ou tuftés à la main, et qui
préconise le boycott des produits issus d’un travail au noir ou confectionnés par
des travailleurs exploités, permettra de mettre fin à cette situation.

LES TROUBLES RESPIRATOIRES ET LES AUTRES MALADIES OBSERVÉS DANS L’INDUSTRIE TEXTILE
E. Neil Schachter

Il y a près de 300 ans que l’on parle des risques liés au travail dans l’industrie
textile. Au début du XVIIIe siècle, Ramazzini, 1713 [1964] décrivait déjà une forme
particulière d’asthme chez les cardeurs de lin et de chanvre. Il évoquait les
poussières malodorantes et toxiques qui provoquaient une toux incessante finissant
par évoluer en affection asthmatique. Ce type de symptôme est effectivement apparu
dès les débuts de l’industrie textile, comme le montrent les études physiologiques
de Bouhuys et coll. (1973) à Philipsburg Manor (recherches sur l’implantation dans
les premières colonies néerlandaises de North Tarrytown, New York, Etats-Unis).
Pendant tout le XIXe siècle et au début du XXe siècle, de nombreux auteurs ont
décrit de plus en plus souvent les manifestations respiratoires des maladies
professionnelles observées dans les usines textiles. Ces pathologies ont cependant
été souvent ignorées, aux Etats-Unis, jusqu’au milieu du XXe siècle où les enquêtes
menées sous la direction de Richard Schilling (1981) ont indiqué que, malgré les
dénis de l’industrie et du gouvernement, la byssinose était bien une réalité
(American Textile Reporter, 1969; Britten, Bloomfield et Goddard, 1933; Department
of Labor (DOL), 1945). De nombreuses études ultérieures ont montré que les
travailleurs du textile souffrent de leur milieu de travail dans toutes les régions
du monde.

Historique des syndromes cliniques observés dans l’industrie textile


Le travail dans l’industrie textile est associé à de nombreux symptômes
respiratoires, dont les plus fréquents et les plus caractéristiques sont, de loin,
ceux de la byssinose. Comme on peut le lire dans le chapitre no 10, «L’appareil
respiratoire», de la présente Encyclopédie, de nombreuses fibres végétales, mais
pas toutes, peuvent être à l’origine d’une byssinose chez les personnes occupées à
leur transformation en produits textiles. Cette maladie se caractérise
principalement par sa relation temporelle avec la semaine de travail. Typiquement,
après quelques années passées dans cette branche, le travailleur décrit une
sensation de constriction thoracique qui débute le premier jour de travail de la
semaine. Ce symptôme disparaît dans la soirée et aucune gêne n’est plus ressentie
jusqu’au lundi suivant. Cette dyspnée du lundi peut subsister telle quelle pendant
plusieurs années, mais aussi progresser, les symptômes étant alors ressentis les
autres jours, voire pendant toute la semaine de travail. Au stade final, la maladie
se manifeste aussi pendant les jours de congé et les vacances. Lorsque les
symptômes deviennent permanents, la dyspnée est décrite comme dépendant de l’effort
physique. A ce stade, une toux non productive peut être présente. Les symptômes du
lundi s’accompagnent d’une réduction de la fonction pulmonaire par rapport à la
valeur de référence, qui peut aussi être constatée les autres jours, même en
l’absence de symptômes, bien que les modifications physiologiques ne soient pas
aussi marquées (Bouhuys, 1974; Schilling, 1956). La fonction pulmonaire basale
(enregistrée le lundi avant la reprise du travail) se détériore au fur et à mesure
de l’évolution de la maladie. Les modifications respiratoires et physiologiques
caractéristiques observées chez les personnes atteintes de byssinose ont été
codifiées selon différents stades (voir tableau 89.2) qui servent actuellement de
référence à la plupart des études cliniques et épidémiologiques. Des symptômes
autres que la constriction thoracique, notamment la toux et la bronchite, sont
fréquents chez les travailleurs de l’industrie textile. Il s’agit probablement de
variantes dues à l’irritation des voies aériennes provoquée par l’inhalation de
poussières.

Tableau 89.2 Stades de la byssinose


Stade 0

Absence de troubles, de constriction thoracique et de toux

Stade 1/2

Constriction thoracique ou toux occasionnelle le premier jour de travail de la


semaine

Stade 1

Constriction thoracique systématique le premier jour de travail de la semaine

Stade 2

Constriction thoracique systématique le premier jour de travail de la semaine et


certains autres jours

Stade 3

Symptômes de stade 2, accompagnés d’incapacité permanente due à une détérioration


de la fonction respiratoire

Source: Bouhuys, 1974.

Il n’existe malheureusement à ce jour aucun test simple pour confirmer un


diagnostic de byssinose. Celui-ci doit être posé sur la base des signes physiques
et fonctionnels présentés par le sujet et des connaissances du médecin quant au
contexte clinique et industriel susceptible de favoriser cette pathologie. Bien
qu’elles ne soient pas toujours spécifiques, les données sur la fonction
respiratoire peuvent être très utiles pour poser le diagnostic et déterminer la
gravité des troubles.

Outre la byssinose classique, les travailleurs du textile peuvent être victimes de


plusieurs autres syndromes, en général accompagnés de fièvre et non liés au premier
jour de la semaine de travail.

La fièvre du coton (appelée aussi fièvre du chanvre): la maladie se caractérise par


de la fièvre, de la toux, des frissons et une rhinite apparaissant lors du premier
contact avec l’atelier ou lors de la reprise du travail après une absence
prolongée. La constriction thoracique ne paraît pas associée à ce syndrome. La
fréquence des observations est très variable, allant de 5% du personnel (Schilling,
1956) à la majeure partie des effectifs (Uragoda, 1977; Doig, 1949; Harris et
coll., 1972). En principe, les symptômes régressent au bout de quelques jours, même
si le sujet reste dans l’atelier. Le mécanisme pathogène a été imputé à une
endotoxine présente dans des débris végétaux. Cette pathologie a été mise en
relation avec une entité couramment décrite aujourd’hui dans les branches
d’activité mettant en œuvre des matières organiques, le syndrome toxique dû aux
poussières organiques, examiné dans le chapitre no 10, «L’appareil respiratoire».

La toux des tisserands est avant tout un état asthmatique typiquement accompagné de
fièvre, qui survient aussi bien chez les nouveaux travailleurs que chez les
anciens. Contrairement à la fièvre du coton, les symptômes peuvent persister
pendant des mois. Le syndrome a été associé à des produits utilisés pour traiter le
fil, tels que la poudre de graines de tamarin (Murray, Dingwall-Fordyce et Lane,
1957) et la gomme de caroube (Vigliani, Parmeggiani et Sassi, 1954).

Le troisième syndrome autre que la byssinose associé à la fabrication des textiles


est la fièvre du matelassier (Neal, Schneiter et Caminita, 1942). Ce terme fait
référence au contexte dans lequel la maladie a été décrite, se caractérisant par un
épisode aigu de fièvre et d’autres symptômes constitutionnels, dont des troubles
digestifs et une gêne rétrosternale chez des travailleurs manipulant du coton de
basse qualité. Ces troubles ont été attribués à la contamination du coton par
Aerobacter cloacae.

En général, ces syndromes fébriles sont considérés comme cliniquement distincts de


la byssinose. Dans des études effectuées par Schilling (1956), sur 528 travailleurs
du coton, 38 avaient des antécédents de fièvre du coton. La prévalence de cette
pathologie chez les travailleurs atteints de byssinose classique était de 10%
(14/134), contre 6% (24/394) parmi les personnes indemnes de cette maladie. Les
différences observées n’étaient pas statistiquement significatives.

La bronchite chronique, telle que définie d’après les antécédents médicaux, est
très fréquente chez les travailleurs du textile et, notamment, chez les non-
fumeurs. Cette observation n’est pas étonnante puisque la caractéristique
histologique dominante de la bronchite chronique est une hyperplasie des glandes
muqueuses (Edwards et coll., 1975; Moran, 1983). La symptomatologie de la bronchite
chronique doit être soigneusement distinguée des symptômes de la byssinose
classique, bien que les troubles se recoupent souvent et qu’il existe probablement
dans ce contexte différentes manifestations physiopathologiques de la même
inflammation des voies respiratoires.

Les études pathologiques des travailleurs du textile sont peu nombreuses. Les
observations montrent toutefois que les grandes voies aériennes sont
systématiquement impliquées (Edwards et coll., 1975; Rooke, 1981a; Moran, 1983),
sans que l’on ne relève aucun signe de destruction du parenchyme pulmonaire
(emphysème) (Moran, 1983).

L’évolution clinique de la byssinose


Une maladie aiguë ou chronique?
Le système de classification présenté au tableau 89.2 correspond à une progression
allant des symptômes du lundi à une affection respiratoire chronique et
pratiquement irréversible chez les sujets atteints de byssinose. Les résultats des
études transversales, dont la première a été conduite dans le Lancashire (Royaume-
Uni), dans des ateliers de traitement du coton, ont démontré le caractère évolutif
de la maladie, avec des formes de byssinose dont la sévérité était liée à
l’ancienneté de l’exposition (Schilling, 1956). Des résultats similaires ont été
mis en évidence par d’autres enquêtes (Molyneux et Tombleson, 1970). L’évolution de
la maladie peut aussi survenir assez rapidement après l’embauche, c’est-à-dire dès
les premières années (Mustafa, Bos et Lakha, 1979).

Les études transversales ont également montré que d’autres symptômes et syndromes
respiratoires chroniques, tels que sifflement ou bronchite chronique, sont aussi
beaucoup plus fréquents chez les personnes qui ont travaillé longtemps dans
l’industrie cotonnière qu’au sein d’une population témoin comparable (Bouhuys et
coll., 1977; Bouhuys, Beck et Schoenberg, 1979). La fréquence des cas de bronchite
chronique était systématiquement plus élevée chez les travailleurs du coton que
dans les populations témoins, même après ajustement tenant compte du sexe et du
tabagisme. Dans la byssinose de stade 3, outre la symptomatologie, les sujets
présentent des modifications de la fonction respiratoire. Apparue dans les études
transversales portant sur des travailleurs du textile, l’association entre la
détérioration de la fonction respiratoire et les stades les plus avancés de la
byssinose tend à mettre en évidence le caractère évolutif de la maladie du stade 1
vers le stade 3. Plusieurs de ces études transversales indiquent en outre que la
diminution de la fonction pulmonaire au cours de la semaine de travail par rapport
à la valeur de référence (corrélée à la constriction thoracique aiguë) est associée
à une évolution chronique irréversible.

Dans une étude de Roach et Schilling (1960), l’existence d’une relation dose-
réponse dans la symptomatologie aiguë confirme la relation entre pathologies aiguës
et chroniques chez les travailleurs de l’industrie textile. Ces auteurs ont observé
une relation linéaire très marquée entre la réponse biologique et les
concentrations de poussières sur le lieu de travail. D’après leurs observations, la
limite de sécurité applicable à l’exposition à des poussières macroscopiques se
situe à 1 mg/m3. Cette valeur a été adoptée ultérieurement par la Conférence
américaine des hygiénistes gouvernementaux du travail (American Conference of
Governmental Industrial Hygien-ists (ACGIH)) et, jusqu’à la fin des années
soixante-dix, elle est restée en vigueur aux Etats-Unis pour les poussières de
coton. Des observations rapportées par la suite ont démontré que les poussières
fines (< 7 µm) étaient responsables de pratiquement tous les cas de byssinose
(Molyneux et Tombleson, 1970; Mckerrow et Schilling, 1961; McKerrow et coll., 1962;
Wood et Roach, 1964). Une étude faite en 1973 par Merchant et coll. sur les
symptômes respiratoires et la fonction pulmonaire dans 22 usines textiles de
Caroline du Nord a porté sur 1 260 travailleurs du coton, 803 du coton et du
synthétique et 904 de la laine et du synthétique. Cette étude a confirmé la
relation linéaire qui existe entre la prévalence de la byssinose (et la
détérioration de la fonction pulmonaire) et les concentrations de poussières
exemptes de fibres de coton.

Les modifications de la fonction respiratoire que semblaient indiquer les études


transversales ont été confirmées par un certain nombre d’études longitudinales qui
complètent et prolongent les résultats antérieurs. Les études longitudinales ont
souligné la détérioration rapide de la fonction pulmonaire chez les travailleurs de
l’industrie cotonnière ainsi que la forte incidence de nouveaux symptômes.

Dans une série d’enquêtes portant sur plusieurs milliers de travailleurs du textile
suivis à la fin des années soixante pendant une période de cinq ans, Fox et coll.
(1973a, 1973b) ont constaté un accroissement du nombre des cas de byssinose,
parallèle à l’ancienneté de l’exposition. Ils ont observé aussi une diminution
annuelle du volume expiratoire maximal seconde (VEMS) (pourcentage par rapport à la
valeur théorique) sept fois plus importante que chez les témoins.

Une seule étude portant sur les broncho-pneumopathies chroniques chez les
travailleurs du textile a été menée au début des années soixante-dix par Arend
Bouhuys (Bouhuys et coll., 1977). L’originalité de cette étude a été d’inclure
aussi bien le personnel en activité que les retraités. Les sujets étaient ou
avaient été employés dans l’une des quatre usines locales de Columbia, en Caroline
du Sud. Les critères de sélection de la cohorte ont été décrits dans la première
analyse transversale. A l’origine, le groupe retenu comptait 692 personnes, mais
l’analyse a été restreinte à 646 sujets de race blanche, âgés d’au moins 45 ans en
1973. Ces personnes avaient travaillé en moyenne trente-cinq ans dans l’usine. Le
groupe témoin retenu pour l’analyse transversale était constitué de sujets de race
blanche d’au moins 45 ans, dans trois localités ayant fait l’objet d’une étude
transversale: Ansonia, Lebanon (Connecticut) et Winnsboro (Caroline du Sud). Malgré
les différences géographiques, socio-économiques ou autres, la fonction pulmonaire
dans cette population n’était pas différente de celle qui avait été mesurée chez
les travailleurs du textile affectés aux tâches les moins poussiéreuses. Aucune
variation de la fonction pulmonaire et des symptômes respiratoires n’étant apparue
dans les trois sous-populations témoins, seuls les sujets de Lebanon étudiés en
1972 et en 1978 ont été retenus comme témoins pour l’étude longitudinale effectuée
en 1973 et en 1979 chez les travailleurs du textile (Beck, Doyle et Schachter,
1981; Beck, Doyle et Schachter, 1982).

La symptomatologie aussi bien que la fonction pulmonaire ont été largement


étudiées. Au cours d’une étude prospective, on a pu déterminer que l’incidence de
sept symptômes ou syndromes respiratoires (dont la byssinose) était plus élevée
chez les travailleurs du textile que chez les témoins, même après ajustement tenant
compte du tabagisme (Beck, Maunder et Schachter, 1984). La subdivision des
travailleurs du textile en sujets actifs et retraités a montré une incidence
maximale de la symptomatologie chez les personnes qui avaient pris leur retraite au
cours de l’étude. Les résultats semblent indiquer que le risque de détérioration
est présent non seulement chez les personnes en activité, mais aussi chez les
retraités, probablement en raison de l’irréversibilité de l’atteinte pulmonaire.

Dans cette cohorte, la détérioration de la fonction pulmonaire a été quantifiée sur


une période de six ans. La diminution moyenne chez les travailleurs du textile (42
ml/an chez les hommes et 30 ml/an chez les femmes) s’est révélée significativement
plus importante que chez les témoins (27 ml/an et 15 ml/an respectivement). Compte
tenu du tabagisme, la diminution du volume expiratoire maximal seconde (VEMS) était
plus élevée chez les travailleurs que chez les témoins.

De nombreux auteurs ont soulevé la question du tabagisme qui peut laisser perplexe.
De nombreux travailleurs du textile étant des fumeurs de cigarettes, il a été
avancé que la broncho-pneumopathie chronique attribuée à l’exposition aux
poussières de textiles était en réalité largement imputable au tabagisme. Deux
réponses ont été apportées à cette question, sur la base des observations
effectuées chez les travailleurs de Columbia. Dans l’étude de Beck, Maunder et
Schachter (1984), une analyse de variance bifactorielle portant sur tous les
paramètres de la fonction respiratoire a démontré que les effets de la poussière de
coton et du tabagisme étaient uniquement additifs. En d’autres termes, la
détérioration quantitative de la fonction pulmonaire due à l’un des deux facteurs
(tabagisme ou exposition aux poussières) ne varie pas en fonction de la présence ou
de l’absence du second facteur. La détérioration de la capacité vitale et la
diminution du VEMS apparaissent quantitativement similaires (antécédents de
tabagisme de 56 paquets-année en moyenne, pour 35 ans de travail en usine). Dans
une étude de même type, Schachter et coll. (1989) ont montré que l’utilisation d’un
paramètre reflétant la courbe du débit expiratoire de pointe (l’angle bêta)
permettait de distinguer les profils d’anomalies fonctionnelles respiratoires dus
au tabagisme et aux poussières de coton. Ces travaux ont confirmé les conclusions
antérieures de Merchant.

La mortalité
Les études consacrées à l’effet sur la mortalité de l’exposition aux poussières de
coton n’ont pas démontré d’influence systématique. L’analyse des résultats publiés
à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle au Royaume-Uni semble mettre en
évidence une mortalité cardio-vasculaire accrue chez les travailleurs âgés dans
l’industrie textile (Schilling et Goodman, 1951). En revanche, l’examen des données
disponibles dans les localités de la Nouvelle-Angleterre où étaient implantées des
usines textiles à la fin du XIXe siècle n’a pas confirmé ce phénomène (Arlidge,
1892). De même, Henderson et Enterline (1973) ont abouti à des conclusions
négatives dans leur étude portant sur des travailleurs qui avaient été employés
dans des usines situées en Géorgie entre 1938 et 1951. Au contraire, Dubrow et Gute
(1988), qui ont conduit une étude sur des travailleurs du textile dans le Rhode
Island décédés entre 1968 et 1978, ont observé une augmentation significative du
taux de mortalité proportionnelle imputable aux pathologies respiratoires non
malignes. Ce phénomène était associé à une exposition accrue aux poussières puisque
le taux était plus élevé chez les travailleurs affectés au cardage, au doublage et
au peignage que chez les autres travailleurs du textile. Il faut souligner que,
dans cette étude comme dans d’autres (Dubrow et Gute, 1988; Merchant et Ortmeyer,
1981), la mortalité par cancer du poumon était faible. Cet argument a été mis en
avant pour affirmer que le tabagisme n’était pas une cause majeure de mortalité
dans ces groupes.

Des observations effectuées en Caroline du Sud semblent indiquer que les broncho-
pneumopathies chroniques sont une cause majeure de mortalité ou constituent, en
tout cas, un facteur prédisposant. En effet, chez les travailleurs qui sont décédés
entre 45 et 64 ans au cours d’une période de suivi de six ans, la fonction
pulmonaire mesurée d’après le VEMS résiduel (valeur observée par rapport à la
valeur théorique) s’était considérablement détériorée lors de l’étude initiale chez
les hommes non-fumeurs décédés au cours des six années de suivi (VEMS résiduel
moyen = 0,9 l) (Beck et coll., 1981). Il est fort possible que l’effet du travail
en usine sur la mortalité ait été masqué par un phénomène de sélection (effet du
travailleur en bonne santé). Enfin, Rooke (1981b) a estimé que, sur les 121 décès
observés en moyenne chaque année chez les travailleurs invalides, 39 étaient
imputables à la byssinose.

Le renforcement des contrôles et le recul de la maladie


Des études effectuées au Royaume-Uni et aux Etats-Unis semblent indiquer que la
prévalence ainsi que les formes de broncho-pneumopathie observées chez les
travailleurs du textile ont évolué grâce à l’application de normes plus strictes
sur la qualité de l’air dans les usines de ces pays. En 1996, Fishwick et coll. ont
rapporté les résultats d’une étude transversale portant sur 1 057 ouvriers
travaillant dans 11 filatures du Lancashire. Les examens ont porté sur 97% du
personnel dont la plupart (713) manipulaient du coton et les autres, des fibres
synthétiques. La byssinose n’a été confirmée que chez 3,5% des travailleurs, et la
bronchite chronique chez 5,3%. Le VEMS était cependant diminué chez les personnes
exposées à de fortes concentrations de poussières. Ces prévalences sont très
réduites par rapport à celles qui avaient été rapportées dans les premières
enquêtes effectuées dans ces mêmes établissements. Cette faible prévalence de la
byssinose et des cas de bronchite associés semble aller de pair avec les efforts
visant à réduire les concentrations de poussières au Royaume-Uni. Dans cette
population, la détérioration de la fonction pulmonaire s’explique à la fois par le
tabagisme et par l’exposition aux poussières de coton.

Aux Etats-Unis, Glindmeyer et coll. (1991, 1994) ont conduit une étude prospective
sur cinq ans dans 9 usines (6 usines de coton et 3 de fibres synthétiques), entre
1982 et 1987. Celle-ci a porté sur 1 817 travailleurs affectés exclusivement à la
fabrication de filés de coton, à l’encollage et au tissage ou à la fabrication de
textiles synthétiques. Dans l’ensemble, moins de 2% des travail-leurs présentaient
des symptômes de byssinose. Cependant, les travailleurs affectés aux opérations de
fabrication des filés présentaient une détérioration annuelle de la fonction
pulmonaire plus importante que les travailleurs chargés de l’encollage et du
tissage. Les premiers accusaient une détérioration en fonction de la dose absorbée,
en relation également avec la qualité du coton utilisé. Ces usines respectaient les
normes de l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational
Safety and Health Administration (OSHA)), avec des concentrations moyennes de
poussières de coton en suspension dans l’air (exemptes de coton-fibre) atteignant,
sur 8 heures, 196 µg/m3 pour la fabrication du fil et 455 µg/m3 pour l’encollage et
le tissage. Glindmeyer et coll. (1994), qui ont mis en relation les variations de
la fonction pulmonaire au cours de la semaine de travail (équivalent fonctionnel
objectif des symptômes de byssinose) et la détérioration de ce paramètre dans le
temps, ont montré que les premières annonçaient de façon significative l’évolution
longitudinale.

Si la fabrication des textiles dans les régions développées paraît aujourd’hui


associée à des pathologies moins fréquentes et moins sévères, il n’en va pas de
même dans les pays en développement. De fortes prévalences de byssinose sont
toujours enregistrées dans le monde, notamment dans les pays où les normes
gouvernementales sont laxistes ou inexistantes. Dans sa revue de la littérature,
Parikh (1992) a constaté que la prévalence de la byssinose dépassait de loin 20%
dans des pays tels que l’Inde, le Cameroun, l’Ethiopie, le Soudan et l’Egypte.
Zuskin et coll. (1991) ont suivi 66 travailleurs en Croatie, dans une usine textile
traitant le coton, où les concentrations moyennes de poussières inhalables étaient
encore égales à 1,0 mg/m3. La prévalence de la byssinose avait doublé, et la
diminution annuelle de la fonction pulmonaire était pratiquement deux fois
supérieure aux estimations calculées pour une population saine de non-fumeurs.

Les maladies non respiratoires liées au travail dans l’industrie textile


Outre les syndromes respiratoires caractéristiques qui peuvent toucher les
travailleurs de l’industrie textile, un certain nombre d’autres risques ont été mis
en relation avec les conditions de travail et les produits dangereux que l’on
rencontre dans cette industrie.

La cancérogenèse a été associée au travail dans l’industrie textile. Les premières


études avaient indiqué une incidence élevée de cancer colorectal chez les
travailleurs occupés à la fabrication des fibres synthétiques (Vobecky et coll.,
1979; Vobecky, Devroede et Caro, 1984). Une étude rétrospective effectuée par
Goldberg et Theriault (1994a) dans des établissements fabriquant des textiles
synthétiques semble mettre en évidence une association avec la durée de l’emploi
dans les ateliers d’extrusion du polypropylène et du triacétate de cellulose. Ces
auteurs ont signalé d’autres associations avec des maladies néoplasiques, mais
leurs observations n’ont pas convaincu (1994b).

L’exposition aux colorants azoïques a été associée au cancer de la vessie dans de


nombreuses branches d’activité. Siemiatycki et coll. (1994) ont noté une faible
association entre le cancer de la vessie et le travail des fibres acryliques et du
polyéthylène, surtout chez les teinturiers. Les plus anciens d’entre eux
présentaient notamment un risque dix fois plus élevé de cancer de la vessie
(signification statistique marginale). Des observations similaires ont été
rapportées par d’autres auteurs, bien que des résultats négatifs aient aussi été
publiés (Anthony et Thomas, 1970; Steenland, Burnett et Osorio, 1987; Silverman et
coll., 1989).

Les traumatismes dus aux mouvements répétés constituent un risque reconnu dans
l’industrie textile lorsqu’on a recours à des machines qui fonctionnent à vitesse
élevée (Thomas, 1991). Une description du syndrome du canal carpien (Forst et
Hryhorczuk, 1988) chez une couturière se servant d’une machine à coudre électrique
illustre la pathogénie de ce type d’affection. Une analyse des lésions des mains
chez les travailleurs de la laine dans le Yorkshire, traitées entre 1965 et 1984
par l’Unité régionale de chirurgie plastique, a montré une constance de l’incidence
annuelle de ces lésions, alors que les effectifs avaient été divisés par 5, ce qui
indique un risque accru dans cette population (Myles et Roberts, 1985).

Une toxicité hépatique a été rapportée par Redlich et coll. (1988) chez des
travailleurs du textile exposés au diméthylformamide, utilisé comme solvant dans
une usine de traitement de tissus. Cette toxicité a été reconnue lors d’une
«épidémie» d’hépatopathies dans un établissement de New Haven (Connecticut) qui
produit des tissus enduits de polyuréthane.

Le sulfure de carbone , composé organique utilisé pour la préparation de textiles


synthétiques, a été associé à une mortalité accrue par cardiopathie ischémique
(Partanen et coll., 1970; Sweetnam, Taylor et Elwood, 1987). Ce phénomène pourrait
être lié à l’effet de ce produit sur les lipides sanguins et la pression
diastolique (Egeland et coll., 1992). Le même composé a également été associé à une
neurotoxicité périphérique, à des lésions des organes sensoriels et à des troubles
des fonctions hormonale et reproductive. On estime généralement que ces effets
toxiques apparaissent après une exposition prolongée à des concentrations dépassant
10 à 20 ppm (Riihimaki et coll., 1992).

Des réactions allergiques — eczéma, urticaire et asthme — à des colorants réactifs


ont été rapportées chez des travailleurs des ateliers de teinture (Estlander, 1988;
Sadhra, Duhra et Foulds, 1989; Seidenari, Mauzini et Danese, 1991).

Enfin, des cas de stérilité ont été décrits chez des hommes et des femmes à la
suite d’une exposition à diverses substances présentes dans l’industrie textile
(Rachootin et Olsen, 1983; Buiatti et coll., 1984).

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Partie XIV. Industries des textiles et de l'habillement


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Partie XIV. Industries des textiles et de l'habillement
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Chapitre 89 - L'industrie textile
L’INDUSTRIE TEXTILE: HISTOIRE, SÉCURITÉ ET SANTÉ
Leon J. Warshaw

L’industrie textile
Le terme industrie textile (du latin texere , tisser) s’appliquait à l’origine au
tissage d’étoffes à partir de fibres, mais il recouvre aujourd’hui toute une série
d’autres procédés tels que le tricotage, le tuftage (ou touffetage) et le feutrage,
pour n’en citer que quelques-uns. Ce terme s’étend même à la fabrication de filés
ou de non-tissés à partir de fibres naturelles ou synthétiques, ainsi qu’au
finissage et à la teinture des étoffes.

La production de filés
A l’époque préhistorique, on utilisait des poils d’animaux, des plantes et des
graines pour fabriquer des fibres. La soie a été introduite en Chine vers 2600
avant J.-C. et les premières fibres synthétiques ont été mises au point au milieu
du XVIIIe siècle. Les fibres synthétiques fabriquées à partir de cellulose ou de
produits pétrochimiques sont de plus en plus utilisées, seules ou en mélange avec
d’autres fibres synthétiques ou naturelles, mais elles n’ont jamais remplacé
totalement les fibres naturelles telles que la laine, le coton, le lin et la soie.
La soie est la seule fibre naturelle formée de filaments qu’il est possible de
réunir et de transformer en fil par torsion. Les autres fibres naturelles doivent
être préalablement étirées et alignées parallèlement par peignage, puis
transformées en un fil continu par filage. Le fuseau est le premier outil utilisé
pour filer. Il a été mécanisé en Europe vers l’an 1400 grâce à l’invention du
rouet. C’est à la fin du XVIIe siècle qu’est apparue la machine à filer qui
permettait de faire fonctionner simultanément plusieurs fuseaux. Avec le métier à
filer inventé en 1769 par Richard Arkwright et le métier renvideur de Samuel
Crompton, qui permettait de faire fonctionner un millier de broches à la fois, la
filature est passée du stade artisanal à l’ère industrielle.

La fabrication des tissus


La fabrication des tissus a une histoire similaire. Depuis l’Anti-quité, l’outil de
base était le métier à tisser manuel. Des améliorations mécaniques ont été
apportées par la lisse sur laquelle on attache un fil de chaîne sur deux. Au XIIIe
siècle a été introduite la pédale qui permettait de faire fonctionner plusieurs
jeux de lisses. Avec l’intégration du battant qui mettait en place le fil de trame,
le métier mécanisé est devenu l’instrument de tissage prédominant en Europe, voire
dans les autres parties du monde, à l’exception des régions où les traditions
culturelles faisaient survivre les anciens métiers manuels.

La mécanisation du tissage a commencé en 1733 avec la navette volante de John Kay,


qui permettait de lancer automatiquement la navette sur toute la largeur du métier.
Edmund Cartwright mit au point le métier à vapeur et, en 1788, il créa avec James
Watt, en Angleterre, la première usine textile fondée sur ce principe. Les usines,
alors affranchies de l’énergie hydraulique, pouvaient être construites n’importe
où. Un autre développement important a été le système à cartes perforées inventé en
1801 par le Français Joseph Marie Jacquard, grâce auquel les motifs pouvaient être
tissés automatiquement. Les anciens métiers à vapeur, en bois, ont été
progressivement remplacés par des machines construites en acier ou en d’autres
métaux. Les progrès techniques intervenus depuis lors ont consisté à en augmenter
la taille et la rapidité et à en améliorer l’automatisation.

La teinture et l’impression
A l’origine, on utilisait des colorants naturels pour teindre les fils et les
tissus, mais ces procédés se sont compliqués au XIXe siècle avec la découverte des
colorants dérivés des goudrons de houille, puis avec la mise au point des fibres
synthétiques au XXe siècle. Au début, l’impression à la planche servait à teindre
les tissus (la sérigraphie a été mise au point pour cette application vers le
milieu du XIXe siècle), mais elle a été rapidement remplacée par l’impression au
rouleau. Des rouleaux en cuivre gravé ont été utilisés pour la première fois en
Angleterre en 1785. Des améliorations rapides ont permis d’imprimer, grâce à ce
procédé, en six couleurs différentes, parfaitement transférées. Avec les techniques
modernes, on peut imprimer 180 m de tissu par minute en 16 couleurs ou davantage.

Le finissage
Jadis, le finissage des tissus passait par le brossage ou le tondage, l’apprêtage
ou l’encollage, ou encore le calandrage pour obtenir un effet brillant.
Aujourd’hui, les tissus sont rétrécis, mercerisés (les fils et les tissus de coton
sont traités par des solutions caustiques pour les renforcer et les faire briller)
et soumis à toute une série de traitements destinés à améliorer entre autres la
résistance au froissement, à l’eau, au feu et aux moisissures ou encore la tenue
des plis.

Des traitements spéciaux permettent d’obtenir des fibres à haute performance ,


appelées ainsi en raison de leur solidité exceptionnelle et de leur résistance aux
températures très élevées. Ainsi, l’aramide est une fibre similaire au nylon, mais
plus résistante que l’acier, et le Kevlar®, fabriqué à partir de l’aramide, est
utilisé pour fabriquer des tissus pare-balles et des vêtements qui résistent aussi
bien à la chaleur qu’aux produits chimiques. D’autres fibres synthétiques combinées
à du carbone, du bore, de la silice, de l’aluminium ou d’autres matières sont
utilisées pour produire des matériaux structurés légers et extrêmement robustes
entrant dans la fabrication des avions, des navettes spatiales, des filtres et des
membranes résistant aux produits chimiques, ou encore des accessoires de protection
utilisés par les sportifs.

De l’artisanat à l’industrie
La fabrication des textiles était initialement un art manuel pratiqué soit par des
fileurs et des tisseurs qui travaillaient à domicile, soit par de petites équipes
d’artisans qualifiés. Les progrès techniques ont fait naître de grandes entreprises
textiles économiquement très importantes, principalement au Royaume-Uni et dans les
pays d’Europe occidentale. Les premiers immigrants installés en Amérique du Nord
ont implanté des fabriques de tissus en Nouvelle-Angleterre (Samuel Slater, qui
avait dirigé une usine textile en Angleterre, a construit de mémoire un métier à
filer à Providence, Rhode Island, en 1790). L’invention de l’égreneuse par Eli
Whitney, qui permettait de nettoyer très rapidement le coton récolté, a entraîné un
accroissement de la demande en tissus de coton.

Cette tendance s’est accélérée grâce à la commercialisation de la machine à


coudre . Au début du XVIIIe siècle, plusieurs inventeurs ont mis au point des
machines permettant de coudre le tissu. En France, Barthélemy Thimonnier déposa un
brevet en 1830 pour sa machine à coudre. En 1841, alors que 80 de ses machines
travaillaient pour l’armée française, son usine fut détruite par des tailleurs qui
estimaient que cette innovation pouvait compromettre leurs moyens de subsistance.
En Angleterre, à la même époque, Walter Hunt mit au point une machine améliorée,
mais abandonna son projet, craignant que son invention ne mette des couturières
pauvres au chômage. En 1848, Elias Howe déposa un brevet aux Etats-Unis pour une
machine très similaire à celle de Hunt; il s’engagea par la suite dans de
nombreuses procédures en contrefaçon contre des industriels et finit par les
gagner. L’invention de la machine à coudre moderne revient à Isaac Merritt Singer
qui mit au point le bras libre, le pied-de-biche pour maintenir le tissu et la roue
pour l’entraîner, et qui remplaça la manivelle par une pédale laissant les deux
mains libres pour guider l’ouvrage. En plus de la conception et de la fabrication
de cette machine, l’inventeur créa la première grande entreprise tournée vers le
consommateur, qui se caractérisait par des innovations telles que des campagnes
publicitaires, la vente à tempérament et la proposition de contrats d’entretien.

Ainsi, les progrès techniques accomplis au cours des XVIIIe et XIXe siècles n’ont
pas seulement donné le coup d’envoi à l’industrie textile moderne, mais ont été à
l’origine de la révolution industrielle et de mutations familiales et sociales
profondes. De nouveaux changements ont lieu aujourd’hui, puisque les grosses
entreprises textiles se déplacent vers de nouvelles régions qui offrent une main-
d’œuvre et des sources d’énergie moins onéreuses, tandis que la bataille de la
concurrence suscite des développements techniques incessants tels que la production
assistée par ordinateur (PAO) qui permet de réduire les effectifs et d’améliorer la
qualité. Les politiciens, quant à eux, négocient des quotas et des tarifs, ou
mettent en place des barrières économiques pour obtenir ou conserver des avantages
concurrentiels pour leur pays. Ainsi, l’industrie textile fournit des produits
essentiels à une population mondiale en pleine expansion, tout en exerçant une
influence profonde sur le commerce international et l’économie des nations.

Les problèmes de sécurité et de santé


A mesure que les machines sont devenues plus grosses, plus rapides et plus
compliquées, de nouveaux risques sont apparus. La complexité croissante des
matériaux et des procédés a suscité de nouveaux risques pour la santé. Alors que le
personnel devait faire face à la mécanisation et à des exigences de productivité
accrues, le stress professionnel, largement méconnu ou ignoré, a commencé de peser
de plus en plus lourdement sur le bien-être des salariés. L’impact de la révolution
industrielle s’est manifesté essentiellement au niveau de la vie sociale, marquée
par la migration des travailleurs vers les villes et par tous les maux de
l’urbanisation. Aujourd’hui même, on assiste aussi à ce type d’effets, alors que
l’industrie textile et d’autres branches se déplacent vers des pays et des régions
en développement, à un rythme encore plus rapide.

Les risques liés aux différents secteurs de cette branche sont exposés dans les
articles du présent chapitre qui soulignent l’importance des facteurs suivants:
entretien des locaux et des machines; installation de systèmes de protection et de
dispositifs de sécurité efficaces pour éviter tout contact avec les pièces en
mouvement; mise en place d’une ventilation par aspiration localisée en complément
d’un bon système général de ventilation et de régulation de la température; enfin,
fourniture d’équipements et de vêtements de protection individuelle lorsqu’un
risque ne peut être totalement maîtrisé ou supprimé par la conception initiale, par
la prévention collective ou par l’utilisation de substances moins dangereuses. Les
auteurs insistent tous sur la nécessité d’informer et de former sans relâche le
personnel à tous les niveaux et sur l’importance de la surveillance.

Les problèmes liés à l’environnement


Les préoccupations qui se font jour au sujet de l’environnement dans l’industrie
textile ont deux origines: les opérations de fabrication elles-mêmes et les risques
liés au mode d’utilisation des produits.

La fabrication des textiles


Les principaux problèmes d’environnement créés par les usines textiles sont
imputables aux substances toxiques libérées dans l’air et dans les eaux usées.
Outre la toxicité éventuelle des substances, les odeurs désagréables posent souvent
problème, notamment lorsque des ateliers de teinture et d’impression sont situés à
proximité de zones résidentielles. Les gaz dégagés par les systèmes de ventilation
peuvent contenir des vapeurs de solvants, du formaldéhyde, des hydrocarbures, du
sulfure d’hydrogène et des composés métalliques. Les solvants sont parfois
récupérés et distillés pour être réutilisés. Les particules peuvent être captées
par filtration. L’épuration est efficace pour les composés volatils hydrosolubles
tels que le méthanol, mais non pas pour les opérations d’impression pigmentaire où
les hydrocarbures constituent l’essentiel des émissions. Les substances
inflammables peuvent être brûlées, mais cette technique est relativement coûteuse.
La dernière solution, enfin, consiste à employer des matériaux à émissivité aussi
faible que possible, ce qui se réfère non seulement aux teintures, aux liants et
aux agents de liaison transversale utilisés pour l’impression, mais aussi à la
teneur des tissus en formaldéhyde et en monomères résiduels.

La contamination des eaux usées par les colorants non fixés pose un problème
d’environnement grave, non seulement en raison des risques potentiels pour la santé
de l’être humain et des animaux, mais aussi en raison de la forte visibilité des
colorations produites. Dans les opérations de teinture ordinaire, on peut obtenir
une fixation de plus de 90%, mais ce taux tombe à 60%, voire moins, lorsqu’on se
sert de colorants réactifs. En d’autres termes, plus d’un tiers de la teinture
passe dans les eaux usées lors du dégommage du tissu imprimé, sans compter les
quantités dues au lavage des cadres, des pochoirs et des tambours.

Un certain nombre de pays ont fixé des limites portant sur la coloration des eaux
usées, mais il est souvent extrêmement difficile de les respecter sans installer un
système d’épuration très coûteux. Entre autres solutions, on utilise des teintures
dont l’effet contaminant est moindre et on tente de mettre au point des colorants
et des épaississants de synthèse qui augmentent le degré de fixation des teintures
et réduisent les excédents à éliminer par lavage (Grund, 1995).

L’utilisation des textiles et l’environnement


Les résidus de formaldéhyde et de certains complexes de métaux lourds (dont la
plupart sont inertes) peuvent produire une irritation et une sensibilisation
cutanée chez les personnes qui portent des tissus teints.

Le formaldéhyde et les solvants résiduels se trouvant dans les tapis et les tissus
servant pour l’ameublement et les rideaux continuent de se vaporiser
progressivement pendant un certain temps. Dans les immeubles très bien isolés, où
le système d’air conditionné recycle la plus grande partie de l’air au lieu de
l’évacuer à l’extérieur, ces substances peuvent atteindre des concentrations
suffisantes pour produire des symptômes chez les occupants, comme mentionné dans le
chapitre no 13, «Les troubles systémiques», de l’Encyclopédie.

Marks and Spencer, revendeur anglo-canadien de vêtements, a ouvert la voie en


fixant des limites à la teneur en formaldéhyde des vêtements qu’il achète. Des
fabricants de vêtements tels que Levi Strauss aux Etats-Unis ont répondu à cette
exigence. Certains pays ont adopté des mesures législatives sur ce point
(Allemagne, Danemark, Finlande et Japon). Grâce à la prise de conscience des
consommateurs, certains fabricants de tissus ont volontairement adhéré à ces normes
afin d’obtenir des labels écologiques (voir figure 89.1).

Figure 89.1 Labels écologiques utilisés pour les textiles


Figure 89.1

Conclusion
Les progrès techniques permettent d’élargir la gamme des tissus fabriqués par
l’industrie textile et contribuent à améliorer la productivité. Il est essentiel
cependant qu’ils soient aussi régis par des impératifs de sécurité, de santé et de
bien-être du personnel. Quoi qu’il en soit, la mise en œuvre de ces avancées pose
des problèmes dans les entreprises plus anciennes dont la viabilité financière est
mal assurée et qui n’ont pas les moyens d’effectuer les investissements
nécessaires. Il en va de même dans des régions en développement qui recherchent de
nouvelles industries à tout prix, même au détriment de la sécurité et de la santé
des travailleurs. Cependant, quelles que soient les circonstances, l’éducation et
la formation du personnel devraient permettre de réduire considérablement les
risques auxquels il est exposé.

LA CROISSANCE DE L’INDUSTRIE TEXTILE


Jung-Der Wang

Depuis son apparition sur la Terre, l’être humain a eu besoin de vêtements et de


nourriture pour survivre. La fabrication de tissus et de vêtements remonte donc aux
origines de l’humanité. Les anciens se servaient de leurs mains pour tisser et
tricoter du coton ou de la laine et obtenir ainsi du tissu ou de la toile. Ce n’est
qu’à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle que la révolution industrielle a
transformé les techniques de fabrication des vêtements. Plusieurs sortes d’énergie
motrice commençaient alors à être employées. Les principales matières premières
restaient cependant les fibres de coton, de laine et de cellulose. Depuis la
seconde guerre mondiale, la production des fibres synthétiques mises au point par
l’industrie pétrochimique s’est considérablement accrue. En 1994, les fabricants de
textiles ont utilisé dans le monde 17,7 millions de tonnes de fibres synthétiques,
ce qui représente 48,2% de l’ensemble de ces dernières. Ce pourcentage devrait
dépasser 50% après l’an 2000 (voir figure 89.2).

Figure 89.2 Evolution de la consommation de fibres par l'industrie textile jusqu'en


1994 et projection jusqu'en 2004
Figure 89.2

Selon une enquête de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et


l’agriculture (FAO) sur la consommation mondiale de fibres par l’industrie du
vêtement, les taux de croissance annuels moyens ont atteint 2,9, 2,3 et 3,7% pour
les périodes 1969-1989, 1979-1989 et 1984-1989, respectivement. Si l’on tient
compte de la tendance antérieure, de la croissance démographique, de la hausse du
produit intérieur brut par personne et de l’augmentation de l’utilisation des
différents produits textiles due à l’amélioration des revenus, la demande de
produits textiles a atteint 42,2 millions de tonnes en l’an 2000 et devrait
atteindre 46,9 millions en 2005 (voir figure 89.2). Cette tendance met en évidence
une augmentation régulière de la demande et laisse présager que l’industrie textile
continuera d’employer une main-d’œuvre importante.

Une autre transformation majeure est l’automatisation progressive du tissage et du


tricotage qui, associée à l’augmentation du coût du travail, a entraîné le
déplacement de ce secteur industriel vers les pays en développement. Bien que la
production des filés et des textiles ainsi que la fabrication en amont de certaines
fibres synthétiques restent encore l’apanage des pays développés, une grande partie
de l’industrie du vêtement, grande consommatrice de main-d’œuvre et située en aval
de la chaîne de fabrication, a déjà migré vers les pays en développement.
L’industrie du textile et de l’habillement implantée dans la région Asie-Pacifique
assure actuellement 70% environ de la production mondiale. Le tableau 89.1 montre
l’évolution de l’emploi dans cette région. La sécurité et la santé des travailleurs
du textile sont ainsi devenues des questions de grande importance dans les pays en
développement. Les figures 89.3 à 89.6 illustrent certaines opérations textiles
effectuées dans les régions en développement.

Tableau 89.1 Nombre d'entreprises et de salariés recensés dans l'industrie


textile et le secteur de l'habilement dans certains pays et territoires de la
région
Asie-Pacifique en 1985 et en 1995
Nombre

Année

Australie

Chine

Corée, République de

Hong-kong

Inde

Indonésie

Malaisie

Nouvelle-Zélande

Pakistan

Entreprises

1985
1995

2 535
4 503

45 500
47 412

12 310
14 262

13 114
6 808

13 435
13 508

1 929
2 182

376
238

2 803
2 547

1 357
1 452

Salariés (x103)

1985
1995

96
88

4 396
9 170

684
510

375
139

1 753
1 675

432
912

58
76

31
21

n.d.
n.d.

n.d.: donnée non disponible.

Figure 89.3 Le peignage


Figure 89.3
Figure 89.4 Le cardage
Figure 89.4

Figure 89.5 Une cueilleuse mécanique moderne


Figure 89.5

Figure 89.6 L'ourdissage


Figure 89.6

LA PRODUCTION ET L’ÉGRENAGE DU COTON


W. Stanley Anthony

La production de coton
Les pratiques culturales du coton commencent après la cueillette précédente. Les
premières opérations consistent en principe à broyer les tiges, à arracher les
racines et à briser les mottes au pulvérisateur à disques. Des engrais et des
herbicides sont généralement appliqués et incorporés dans le sol avant que la terre
soit préparée pour l’irrigation ou l’ensemencement. Etant donné que les
caractéristiques du sol, les engrais utilisés antérieurement et les méthodes de
cueillette peuvent donner lieu à des degrés de fertilité très différents, les
programmes de fertilisation doivent être fondés sur des analyses pédologiques. La
lutte contre les plantes adventices est indispensable pour obtenir un rendement
élevé en coton égrené et une qualité satisfaisante: en effet, le rendement et
l’efficacité de la récolte peuvent chuter de 30% en présence de mauvaises herbes.
Les herbicides ont été largement utilisés dans de nombreux pays depuis le début des
années soixante. Parmi les méthodes auxquelles on recourt, il faut citer
l’application d’herbicides sur le feuillage des plantes adventices avant les semis,
l’intégration dans le sol à ce même stade et le traitement avant et après
l’émergence de la plantule.

Plusieurs facteurs jouent un rôle important pour obtenir des plants de qualité: la
préparation des sillons, l’humidité et la température du sol, la qualité des
semences, les maladies des plantules, l’emploi de fongicides et la salinité du sol.
L’utilisation de semences de bonne qualité mises en terre dans des sillons bien
préparés est un facteur clé pour obtenir des plants précoces, uniformes et
vigoureux. Les bonnes semences devraient avoir un taux de germination d’au moins
50% dans un test à froid. Dans un test froid/chaud, l’indice de vigueur de la
semence devrait être d’au moins 140. Il est recommandé de semer 12 à 18 graines par
mètre sur chaque rangée pour obtenir de 14 000 à 20 000 plants par hectare. Un
semoir à mécanisme de dosage approprié devrait être utilisé pour assurer un
espacement uniforme des graines, quelle que soit leur taille. Les taux de
germination et d’émergence sont étroitement liés dans une fourchette de température
allant de 15 à 38 °C.

Des maladies précoces touchant les plantules peuvent empêcher l’obtention de


plantations uniformes et contraindre à réensemencer. Parmi les agents pathogènes
importants à ce stade, il faut citer Pythium, Rhizoctonia, Fusarium et
Thielaviopsis qui peuvent affaiblir les plantations et créer de grands espaces
dénudés. Il ne faut semer que des graines correctement traitées avec un ou
plusieurs fongicides.

En ce qui concerne l’eau consommée lors des différents stades du développement de


la plante, le coton présente des caractéristiques semblables à celles des autres
cultures. La consommation d’eau correspond en général à 2,5 mm par jour entre
l’émergence et la formation du premier carré. Pendant cette période, la perte
d’humidité du sol par évaporation peut dépasser la quantité d’eau libérée par la
plante. La consommation augmente fortement dès l’apparition des premières fleurs
pour atteindre un maximum de 10 mm par jour en pleine floraison. Ces quantités se
rapportent à la quantité totale d’eau nécessaire pour obtenir une récolte de coton
(précipitations et irrigation).

Les populations d’insectes peuvent avoir un impact important sur la qualité du


coton et le rendement. Il faut intervenir en début de saison pour favoriser la
fructification et un développement végétatif équilibré. Il est essentiel de
protéger les fruits dès les premiers stades de la fructification pour obtenir une
bonne récolte. Plus de 80% de la production se constituent au cours des trois à
quatre premières semaines de fructification. Le coton devrait être examiné au moins
deux fois par semaine au cours de cette période pour surveiller et contrôler les
insectes et les dommages éventuels.

Un programme de défoliation bien conduit réduit les débris végétaux qui peuvent
altérer la qualité du coton récolté. Les régulateurs de croissance chimiques sont
des défoliants utiles, car ils permettent de maîtriser la croissance végétative et
contribuent à une fructification plus précoce.

La récolte
Deux types d’équipements mécaniques sont utilisés pour la cueil-lette du coton: la
récolteuse à broches et l’écapsuleuse de coton . La récolteuse à broches est une
machine de type sélectif qui utilise des broches coniques et barbelées pour
extraire la fibre de la graine. Cette cueilleuse peut être employée plusieurs fois
sur une plantation pour obtenir des récoltes stratifiées. L’écapsuleuse de coton
est, en revanche, une cueilleuse non sélective à passage unique qui récolte non
seulement les capsules bien ouvertes, mais aussi celles qui sont craquelées et
fermées, ainsi que les débris de capsules et autres corps étrangers.

Les pratiques agronomiques qui visent à obtenir une culture uniforme et de bonne
qualité contribuent généralement à l’efficacité de la récolte. Le champ devrait
être correctement drainé et les rangées tracées de manière à faciliter le passage
des machines. L’extrémité des rangées devrait être libre de plantes adventices, et
une bordure de 7,6 à 9 m devrait être ménagée autour du champ pour permettre les
manœuvres et l’alignement des cueilleuses sur les rangées. Cette bordure devrait
être débarrassée des mauvaises herbes. La pulvérisation des mottes est déconseillée
par temps pluvieux; il est préférable de détruire les mauvaises herbes par des
produits chimiques ou par la tonte. La hauteur des plants ne devrait pas dépasser
1,20 m environ pour le coton cueilli par récolteuse à broches, et 9 cm pour le
coton récolté par écapsuleuse. La hauteur des plants peut être contrôlée dans une
certaine mesure à l’aide de régulateurs de croissance chimique utilisés au moment
opportun. Il est préférable que la capsule inférieure se trouve à 10 cm du sol au
moins. Les activités culturales — fertilisation, travail du sol et irrigation —
pendant la croissance devraient être conduites avec soin pour obtenir une récolte
régulière de coton bien développé.

La défoliation chimique est une pratique qui induit la chute du feuillage. Des
défoliants peuvent être employés pour minimiser la contamination par les débris de
feuilles vertes et favoriser le séchage rapide de la rosée matinale sur le duvet.
Toutefois, les défoliants ne devraient pas être utilisés avant l’ouverture d’au
moins 60% des capsules. La récolte ne devrait être effectuée que sept à quatorze
jours après l’application d’un défoliant (ce délai varie en fonction des produits
chimiques choisis et des conditions météorologiques). Des agents de dessiccation
chimique peuvent aussi être employés pour préparer la récolte. La dessiccation
provoque une perte rapide de l’eau contenue dans le tissu végétal et entraîne la
mort de celui-ci; les feuilles mortes qui en résultent restent attachées à la
plante.

Dans la production cotonnière, la tendance actuelle est au raccourcissement de la


saison et à la récolte unique. Les produits chimiques qui accélèrent l’ouverture
des capsules sont appliqués avec le défoliant ou peu après la chute des feuilles;
ils permettent des récoltes plus précoces et augmentent le pourcentage de capsules
prêtes à être cueillies au cours de la première récolte. Comme ces produits
chimiques peuvent ouvrir totalement ou partiellement des capsules immatures, la
qualité de la récolte peut être gravement altérée si ces produits sont utilisés
trop tôt (indice micronaire trop faible).

Le stockage
La teneur en humidité du coton avant et pendant le stockage est un facteur
critique. Une humidité excessive induit une surchauffe du coton stocké, ce qui
entraîne un changement de couleur du coton-fibre, une germination plus faible des
graines, voire une combustion spontanée. Le coton-graine ayant une teneur en
humidité supérieure à 12% ne devrait pas être stocké. La température intérieure des
bâtiments nouvellement construits devrait aussi être surveillée pendant les cinq à
sept premiers jours du stockage. Si la température s’élève de 11 °C ou dépasse 49
°C, il convient de procéder à un égrenage immédiat pour éviter les risques de
pertes importantes.

Plusieurs facteurs influent sur la qualité des graines et des fibres au cours du
stockage du coton-graine. La teneur en humidité est le principal d’entre eux. Parmi
les autres paramètres, il faut citer la durée du stockage, la quantité de corps
étrangers très humides, la variation de la teneur en humidité à l’intérieur de la
masse stockée, la température initiale du coton-graine, la température de celui-ci
au cours du stockage, les conditions météorologiques pendant cette période
(température, humidité relative et précipitations), ainsi que la protection du
coton contre la pluie et l’humidité du sol. Le jaunissement est accéléré lorsque
les températures sont élevées. Les montées en température et les températures
maximales sont deux facteurs importants (la hausse de la température est
directement liée à la chaleur générée par l’activité biologique).

L’égrenage
Environ 80 millions de balles de coton sont produites chaque année dans le monde;
20 millions d’entre elles passent par les quelque 1 300 égreneuses se trouvant aux
Etats-Unis. La principale fonction de l’égreneuse est de séparer la fibre des
graines, mais cette machine doit aussi éliminer une grande partie des corps
étrangers, faute de quoi la valeur du coton-fibre serait considérablement réduite.
Une égreneuse doit: 1) produire un coton-fibre de qualité satisfaisante pour le
marché; et 2) égrener le coton en portant le moins possible atteinte à la qualité
de filage des fibres afin que le coton réponde à la demande des utilisateurs
finaux, le filateur et le consommateur. La préservation de la qualité au cours de
cette opération impose donc un choix et un fonctionnement appropriés de chaque
machine du système d’égrenage. La manipulation et le séchage mécaniques peuvent
modifier les caractéristiques qualitatives naturelles du coton. Au mieux,
l’égreneuse préserve les caractéristiques qualitatives inhérentes au coton qu’elle
reçoit. Dans les paragraphes qui suivent, nous examinerons brièvement le rôle des
principales machines et opérations d’égrenage.

Les machines utilisées pour traiter le coton-graine


Le coton est apporté par une remorque ou un autre véhicule de transport et déversé
dans une poche de l’égreneuse qui élimine capsules vertes, cailloux et autres corps
étrangers. Une alimentation contrôlée assure un débit uniforme et une bonne
dispersion du coton, ce qui accroît l’efficacité du système d’épuration et de
séchage. Si le coton n’est pas correctement dispersé, il risque de traverser les
séchoirs sous forme d’agglomérats et de ne sécher qu’en surface.

Au début du séchage, l’air chaud fait circuler le coton sur des clayettes pendant
dix à quinze secondes. La température de l’air est réglée en fonction du degré de
séchage souhaité. Afin de ne pas endommager les fibres, la température ne devrait
jamais dépasser 177 °C au cours d’une opération normale. Des températures
supérieures à 150 °C peuvent entraîner une modification physique permanente des
fibres de coton. Des capteurs de température devraient être placés aussi près que
possible du point de rencontre entre le coton et l’air chaud. Si le capteur est
situé près de la sortie de la tour de séchage, la température au point de rencontre
peut excéder de 55 à 110 °C celle qui est enregistrée par le capteur d’aval. La
chute de température en aval résulte de l’évaporation et de la perte de chaleur au
travers des parois des machines et des tuyauteries. Le séchage se poursuit alors
que l’air chaud véhicule le coton-graine vers l’épurateur à cylindres, constitué de
six à sept cylindres rotatifs garnis de pointes qui tournent à 400-500 tours/min.
Ces cylindres frottent le coton sur une série de grilles à barreaux ou de tamis, le
secouent et entraînent l’évacuation, par les orifices prévus à cet effet, des corps
étrangers de petite taille tels que feuilles, débris et impuretés. Les épurateurs à
cylindres séparent le coton en gros tampons et le préparent aux opérations
d’épuration et de séchage ultérieures. Il est fréquent d’enregistrer à ce niveau
des vitesses de traitement d’environ six balles par heure et par mètre linéaire de
cylindre.

L’arracheuse extrait les corps étrangers les plus gros tels que les débris de
capsules et les brindilles. Cette machine utilise la force centrifuge créée par des
cylindres à scies qui tournent à 300-400 tours/min, ce qui rejette les corps
étrangers alors que la fibre est retenue par les scies. Les corps étrangers
éliminés sont introduits dans un système de traitement des débris. Les vitesses de
traitement atteignent fréquemment 4,9 à 6,6 balles par heure et par mètre linéaire
de cylindre.

L’égrenage (séparation des fibres de la graine)


Après un nouveau cycle de séchage et d’épuration par cylindres, le coton est amené
à chaque égreneuse par un transporteur-distributeur. Situé au-dessus de
l’égreneuse, l’extracteur-chargeur apporte une quantité donnée de coton, selon un
rythme régulier, tout en effectuant également une opération d’épuration. La teneur
en humidité de la fibre de coton au niveau du tablier de l’extracteur-chargeur est
décisive et doit être suffisamment basse pour que l’égreneuse puisse facilement
éliminer les corps étrangers. Elle ne devrait cependant pas tomber au-dessous de
5%, car il en résulterait une rupture des fibres au moment de la séparation des
graines et, par conséquent, une réduction notable de la longueur des fibres et du
rendement à l’égrenage. Du point de vue qualitatif, une teneur élevée en fibres
courtes augmente le volume des déchets lors de la fabrication des textiles, ce qui
n’est pas souhaitable. Les ruptures excessives de fibres peuvent être évitées en
maintenant une teneur en humidité de 6 à 7% au niveau du tablier de l’extracteur-
chargeur.

Deux types d’égreneuses sont couramment utilisés: l’égreneuse à scies et


l’égreneuse à cylindres cannelés. En 1794, Eli Whitney mit au point une égreneuse
qui permettait de séparer la fibre de la graine grâce à un cylindre muni de pointes
ou de scies. En 1796, Henry Ogden Holmes inventa une égreneuse à scies et à
cannelures qui remplaça celle de Whitney; l’égrenage qui était auparavant effectué
par lots devint alors une opération continue. Le coton (généralement Gossypium
hirsutum ) pénètre dans l’égreneuse à scies en passant par une décortiqueuse. Les
scies accrochent le coton et l’entraînent par-dessus les cannelures largement
espacées (ou cannelures de décorticage) de la décortiqueuse. Les touffes de coton
sont attirées vers le fond d’un bac mobile. L’opération d’égrenage est réalisée par
un ensemble de scies qui tournent entre des cannelures plus fines (ou cannelures
d’égrenage). Les dents des scies passent entre les cannelures au point d’égrenage.
A cet endroit, le bord d’attaque des dents est pratiquement parallèle à la
cannelure, et les dents arrachent les fibres des graines trop grosses pour passer
entre les cannelures. Des vitesses d’égrenage supérieures à celles recommandées par
le fabricant peuvent diminuer la qualité des fibres, endommager les graines et
provoquer des bourrages. La vitesse des scies de l’égreneuse a également son
importance; les vitesses élevées ont tendance à endommager davantage les fibres
lors de l’égrenage.
Les égreneuses à cylindres ont été les premiers outils mécaniques utilisés pour
séparer les fibres de coton à soies extralongues (Gossypium barbadense) de leurs
graines. L’égreneuse de Churka, d’origine inconnue, était composée de deux
cylindres qui tournaient ensemble à la même vitesse circonférencielle, arrachant la
fibre de la graine par pinçage et produisant environ 1 kg de coton-fibre par jour.
En 1840, Fones McCarthy mit au point une égreneuse plus efficace composée d’un
rouleau garni de cuir, d’un couteau fixe plaqué contre le rouleau et d’un couteau à
mouvement alternatif qui arrachait la graine de la fibre, maintenue par le rouleau
et le couteau fixe. A la fin des années cinquante, une égreneuse à rouleaux et à
couteaux rotatifs a été mise au point aux Etats-Unis par le laboratoire de
recherche sur l’égrenage du coton pour la région du sud-ouest, rattaché au service
de recherche agricole du ministère de l’Agriculture, en collaboration avec des
constructeurs d’égreneuses et des ateliers d’égrenage privés. Cette machine est la
seule égreneuse à rouleaux actuellement employée aux Etats-Unis.

L’épuration des fibres


Le coton est transporté de l’égreneuse vers les condenseurs en passant par de
grands conduits, puis transformé à nouveau en nappe. La nappe est retirée du
tambour du condenseur et chargée dans l’épurateur de fibres à scies. A l’intérieur
de l’épurateur, le coton passe entre les rouleaux d’alimentation, puis sur la table
d’alimentation qui plaque les fibres contre la scie de l’épurateur. La scie
transporte le coton sous des barreaux de grille où s’effectue, grâce à la force
centrifuge, la séparation mécanique des graines immatures et des corps étrangers.
Il est essentiel que l’écart entre les extrémités de la scie et les barreaux de la
grille soit correctement réglé. Les barreaux de la grille doivent être droits, avec
un bord d’attaque acéré, pour ne pas réduire l’efficacité de l’épuration et limiter
les pertes. Si la vitesse d’alimentation de l’épurateur dépasse les recommandations
du fabricant, l’efficacité de l’épuration est réduite et la perte en fibres de
qualité s’accroît. Le coton égrené au rouleau est généralement nettoyé à l’aide
d’épurateurs non agressifs, sans scie, pour réduire les pertes.

Les épurateurs de fibres permettent d’améliorer la qualité du coton en éliminant


les corps étrangers. Dans certains cas, ces appareils peuvent aussi améliorer la
couleur d’un coton légèrement taché en effectuant un mélange pour obtenir une
qualité blanche. Ils permettent également de transformer un coton taché en un coton
légèrement taché, voire blanc.

La mise en balles
Le coton épuré est compressé en balles qui doivent être recouvertes pour les
protéger de toute salissure au cours du transport et du stockage. Trois types de
balles sont produits: balles plates modifiées, balles à densité universelle de
compression et balles à densité universelle d’égrenage. Ces balles sont pressées à
des densités de 224 et de 449 kg/m3 pour les balles plates modifiées et pour les
balles à densité universelle, respectivement. Dans la plupart des égreneuses, le
coton est pressé dans une presse double dans laquelle le coton-fibre est tout
d’abord comprimé par un mécanisme mécanique ou hydraulique. La presse est alors
mise en rotation et la compression du coton-fibre est portée à 320 ou 641 kg/m3
avec des presses pour balles plates modifiées ou des presses pour balles à densité
universelle d’égrenage, respectivement. Les balles plates modifiées sont
recomprimées pour être transformées en balles à densité universelle de compression,
afin de réduire les coûts de fret. En 1995, environ 98% des balles préparées aux
Etats-Unis étaient des balles à densité universelle d’égrenage.

La qualité des fibres


Chaque stade de la production influe sur la qualité du coton, y compris le choix de
la variété, la récolte et l’égrenage. Certains paramètres de qualité dépendent
directement des caractères gé-nétiques, tandis que d’autres sont principalement
fonction des conditions d’environnement ou des pratiques de récolte et d’égrenage.
Tout problème survenant au cours de n’importe quelle étape de la production ou du
traitement peut être à l’origine d’une baisse irréversible de la qualité des fibres
et d’une perte de bénéfice pour le producteur comme pour le fabricant de textiles.

La qualité des fibres est optimale le jour de l’ouverture des capsules.


L’exposition aux intempéries, la récolte mécanique, les manipulations, l’égrenage
et la fabrication peuvent réduire cette qualité naturelle. De nombreux facteurs
sont révélateurs de la qualité globale de la fibre de coton; les plus importants
sont la solidité, la longueur des fibres, la teneur en fibres courtes (inférieures
à 1,27 cm), l’uniformité de longueur, la maturité, la finesse, la teneur en débris,
la couleur, la teneur en fragments d’enveloppes de graines et en boutons ainsi que
l’adhésivité. Le marché reconnaît généralement ces facteurs, même s’ils ne sont pas
tous mesurés sur chaque balle.

L’égrenage peut influer significativement sur la longueur des fibres, l’uniformité


et la teneur en fragments d’enveloppes de graines, en débris, en fibres courtes et
en boutons. Les deux facteurs qui ont le plus d’impact sur la qualité sont la
régulation de l’humidité des fibres au cours de l’égrenage et de l’épuration, et
l’utilisation d’épurateurs à scies.

La fourchette recommandée pour l’humidité de la fibre lors de l’égrenage est de 6 à


7%. Lorsque l’humidité est faible, les épurateurs éliminent mieux les débris, mais
endommagent davantage les fibres. Une humidité plus élevée préserve la longueur des
fibres, mais donne lieu à des problèmes d’égrenage et à une mauvaise épuration,
comme le montre la figure 89.7. Si le séchage est accru pour améliorer
l’élimination des débris, il en résulte une baisse de la qualité des filés. Bien
que l’aspect du fil s’améliore jusqu’à un certain point avec le séchage, grâce à
une meilleure élimination des corps étrangers, la teneur accrue en fibres courtes
compromet les avantages dus à l’élimination des corps étrangers.

Figure 89.7 Compromis recherché lors de l'égrenage du coton


Figure 89.7

L’épuration ne modifie guère la couleur véritable de la fibre, contrairement au


peignage et à l’élimination des débris. L’épuration du coton-fibre permet parfois
de mélanger les fibres de manière à réduire le nombre de balles considérées comme
tachées ou légèrement tachées. L’égrenage n’a aucun impact sur la finesse et la
maturité. Tous les dispositifs mécaniques ou pneumatiques utilisés au cours de
l’épuration et de l’égrenage accroissent la teneur en boutons, mais ce sont les
épurateurs de fibres qui ont ici le plus d’effet. La quantité de fragments
d’enveloppes de graines dans le coton-fibre dépend de l’état des graines et de
l’opération d’égrenage. Les épurateurs de fibres réduisent la taille des fragments,
mais non leur quantité. La solidité et l’aspect du fil ainsi que la rupture à
l’extrémité de filage sont trois facteurs qualitatifs importants pour le
comportement en filature; ils dépendent tous de l’uniformité de la longueur et,
donc, de la proportion de fibres courtes ou cassées. Ces trois éléments sont
généralement préservés au mieux lorsque le coton est égrené en limitant au minimum
l’utilisation de machines de séchage et d’épuration.

Des recommandations ont été formulées sur la séquence et le nombre des machines
d’égrenage permettant de sécher et d’épurer le coton cueilli par des récolteuses à
broches, afin d’obtenir des balles de valeur satisfaisante et de préserver la
qualité naturelle du coton. Ces recommandations ont généralement été suivies et
sont donc reconnues depuis plusieurs décennies par l’industrie cotonnière des
Etats-Unis. Elles prévoient des systèmes de primes et d’escomptes pour la
commercialisation et tiennent compte de l’efficacité de l’épuration et de
l’endommagement des fibres caractérisant les différentes égreneuses. Ces
recommandations doivent être adaptées si la récolte a été effectuée dans des
conditions particulières.
Lorsque les différentes machines d’égrenage sont utilisées selon la séquence
recommandée, 75 à 85% des corps étrangers sont généralement éliminés du coton. Ces
appareils rejettent malheureusement aussi une petite quantité de coton de bonne
qualité. L’épuration réduisant ainsi la quantité de coton commercialisable, il
importe de trouver un compromis entre cette opération et ses effets positifs comme
la réduction de la teneur en corps étrangers, d’une part, et ses effets négatifs
comme l’endommagement ou la perte de fibres, d’autre part.

Les problèmes de sécurité et de santé


Comme toute opération de transformation, l’égrenage du coton comporte de nombreux
risques. L’analyse des demandes de prestations au titre des accidents du travail
indique que les lésions touchent essentiellement les mains ou les doigts, puis le
dos ou la colonne vertébrale, les yeux, les pieds ou les orteils, les bras ou les
épaules, les jambes, le tronc et la tête. L’industrie s’est efforcée de réduire
considérablement les risques et d’organiser la formation à la sécurité, mais
l’égrenage reste un point noir: en effet, la fréquence élevée des accidents, leur
gravité et le grand nombre de jours d’arrêt de travail sont sources de
préoccupation. Le coût total des lésions professionnelles dues à l’égrenage doit se
calculer en ajoutant aux coûts directs (soins médicaux et autres indemnités) les
coûts indirects (journées perdues, immobilisation des machines, manque à gagner,
surcoût des assurances du personnel, perte de productivité et nombreux autres
facteurs négatifs). Les coûts directs sont plus faciles à déterminer, mais bien
moins élevés que les coûts indirects.

De nombreux règlements internationaux régissant la sécurité et la santé dans


l’égrenage du coton sont inspirés de la législation des Etats-Unis appliquée par
l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and
Health Administration (OSHA)) et l’Agence de protection de l’environnement
(Environmental Protection Agency (EPA)), qui réglemente aussi les pesticides.

D’autres dispositions relatives à l’agriculture peuvent également s’appliquer aux


installations d’égrenage: obligation d’apposer le symbole identifiant les véhicules
lents sur les remorques/tracteurs circulant sur la voie publique, installation
d’arceaux de sécurité sur les tracteurs manœuvrés par le personnel et conditions
d’hébergement correctes pour le personnel temporaire. Dans la mesure où ces
installations sont considérées comme des entreprises agricoles et ne sont pas
spécifiquement visées par de nombreux règlements, les employeurs de ce secteur
souhaiteront probablement se conformer à d’autres dispositions, telles que les
normes de l’OSHA applicables à l’industrie en général (OSHA Regulations (Standards
— 29CFR) (Part 1910)). Certaines normes spécifiques prévues par l’OSHA devraient
être appliquées dans le secteur de l’égrenage, à savoir les textes se référant aux
incendies et aux plans d’urgence (29 CFR 1910.38a), aux issues de secours (29 CFR
1910.35-40) et à l’exposition au bruit (29 CFR 1910.95). Les principales
obligations concernant les issues de secours et autres issues figurent dans les
textes référencés 29 CFR 1910.36 et 29 CFR 1910.37. Dans d’autres pays où les
travailleurs agricoles relèvent de dispositions légales, le respect de ces normes
sera obligatoire. Les normes concernant le bruit et les autres facteurs de sécurité
et de santé sont examinées ailleurs dans l’Encyclopédie.

La participation des travailleurs aux programmes de sécurité


Les programmes les plus efficaces sont ceux qui ont réussi à sensibiliser les
salariés à la sécurité. Leur motivation peut être le fruit d’une politique de
sécurité intéressant les travailleurs à tous les aspects du programme, de la mise
en place d’une formation à la sécurité, du bon exemple et d’incitations
appropriées.

L’obligation de porter des équipements de protection individuelle dans certaines


zones et de respecter des pratiques de travail sûres permet de réduire les cas de
maladies professionnelles. Des accessoires de protection auditive (bouchons
d’oreille, serre-tête antibruit) et respiratoire (masques antipoussières) devraient
être utilisés pour toutes les opérations réalisées dans des zones très bruyantes ou
fortement empoussiérées. Certaines personnes, plus sensibles que d’autres au bruit
et aux troubles respiratoires, devraient être affectées à des postes se trouvant
dans des zones moins bruyantes ou moins poussiéreuses. En ce qui concerne les
risques liés à la manutention de charges lourdes ou à une chaleur excessive, il
convient de recourir à la formation, d’utiliser des auxiliaires de manutention, de
fournir des vêtements adaptés, de mettre en place un système de ventilation et de
prévoir des pauses en dehors des zones surchauffées.

Toutes les personnes affectées à l’égrenage doivent participer aux mesures de


sécurité; un milieu de travail sûr ne peut être instauré que si chacun collabore
sans réserve au programme de prévention mis en place.

LA FABRICATION DES FILÉS DE COTON


Phillip J. Wakelyn

Le coton représente environ 50% de la consommation mondiale de fibres textiles. La


Chine, les Etats-Unis, la Fédération de Russie, l’Inde et le Japon sont les
principaux consommateurs de coton. La consommation est évaluée d’après la quantité
de fibres de coton brut achetées et utilisées pour fabriquer des produits textiles.
La production mondiale de coton est annuellement de l’ordre de 80 à 90 millions de
balles (17,4 à 19,6 millions de tonnes). La Chine, les Etats-Unis, l’Inde,
l’Ouzbékistan et le Pakistan sont les principaux producteurs de coton et assurent
plus de 70% de la production cotonnière mondiale, le reste étant produit par
quelque 75 autres pays. Cinquante-sept pays exportent du coton brut et 65 des
tissus de coton. Nombre de pays accordent une grande importance à la production
intérieure pour réduire leur dépendance vis-à-vis des importations.

La fabrication des filés comprend une série d’opérations qui transforment les
fibres de coton brut en fil se prêtant à la fabrication de produits finis. Ces
opérations sont nécessaires pour obtenir les filés propres, solides et uniformes
requis par les marchés d’aujourd’hui. A partir d’un paquet de fibres emmêlées et
fortement compressées extrait des balles de coton et contenant de nombreux corps
étrangers et de fibres inutilisables (matières diverses, débris végétaux,
impuretés, etc.) en quantités variables, les opérations continues d’ouverture, de
mélangeage, d’épuration, de cardage, d’étirage, de passage au banc à broches et de
filage ont pour objet de transformer les fibres en fil.

Bien que les opérations de fabrication soient très complexes, la pression de la


concurrence continue de pousser les groupes industriels et les constructeurs à
rechercher, pour traiter le coton, des méthodes et des machines plus efficaces
appelées à supplanter peut-être un jour celles qu’on emploie actuellement.
Cependant, selon toute probabilité, les systèmes classiques de mélangeage, de
cardage, d’étirage, de passage au banc à broches et de filage continueront d’être
utilisés. Seule l’opération de battage-nappage semble clairement appelée à
disparaître dans un avenir proche.

Le fil est destiné à la fabrication de produits finis tissés ou tricotés (vêtements


ou tissus industriels), de fil à coudre et de cordages. Les filés produits se
différencient entre autres par leur diamètre et leur poids par unité de longueur.
Si le principe de fabrication n’a pas changé depuis des années, les vitesses de
traitement, les techniques de commande et la taille des balles ont évolué. Les
propriétés du fil et l’efficacité du traitement sont liées à celles des fibres de
coton traitées. Les propriétés finales du fil sont également dépendantes des
conditions de traitement.

La filature
L’ouverture, le mélangeage et l’épuration
En principe, les ateliers de filature procèdent à des mélanges de balles présentant
les propriétés nécessaires pour produire un fil destiné à une utilisation
spécifique. Le nombre de balles employées dans chaque mélange par les différents
établissements peut aller de 6 ou 12 à plus de 50. Le traitement débute par le
transfert des balles à mélanger vers l’atelier d’ouverture des fibres, où les
emballages et les cercles sont enlevés. Les couches de coton sont retirées
manuellement des balles et placées dans des chargeuses munies de bandes
transporteuses garnies de dents. Dans d’autres systèmes, des balles entières sont
placées sur des plates-formes qui leur impriment un mouvement de va-et-vient au-
dessous ou au-dessus d’un mécanisme d’arrachage. L’objectif est de transformer les
couches compactes des balles en petites touffes légères et duveteuses pour
faciliter l’élimination des corps étrangers. Etant donné que les balles sont
livrées en différentes densités, les cercles sont souvent coupés vingt-quatre
heures avant le traitement afin de les briser plus facilement. Cette précaution
facilite l’ouverture et contribue à régulariser la vitesse de chargement. Les
ouvreuses assurent les fonctions d’ouverture et d’épuration initiale.

Le cardage et le peignage
La carde est la machine la plus importante dans la fabrication des filés. Dans
presque toutes les usines textiles, elle assure la deuxième et la dernière
opération d’épuration. Elle est composée d’un système de trois cylindres rotatifs
garnis de fines pointes métalliques inclinées et d’une série de barres plates,
également munies de pointes métalliques, qui transforment successivement les petits
agglomérats et les petites touffes en fibres bien séparées et ouvertes, éliminent
un très gros pourcentage de débris et de corps étrangers, recueillent les fibres
sous forme d’un ruban qui est soigneusement lové dans un pot pour les opérations
ultérieures (voir figure 89.4).

Jadis, le coton était amené à la carde sous la forme d’une bande formée sur un
batteur-nappeur constitué de rouleaux d’alimentation, de batteurs et d’un ensemble
de tamis cylindriques sur lesquels les touffes de coton ouvertes étaient
recueillies et roulées en nappe (voir figure 89.5). La nappe était retirée des
tamis en une couche plate et régulière, puis enroulée en bande. Cependant, la
nombreuse main-d’œuvre requise et l’existence de systèmes automatiques de
manutention susceptibles d’améliorer la qualité ont contribué à l’obsolescence du
batteur-nappeur.

La suppression de cette étape a été possible grâce à l’installation de machines


d’ouverture et d’épuration plus efficaces et de cheminées d’alimentation munies de
mécanismes pneumatiques qui alimentent les cardes en touffes de fibres ouvertes et
épurées. Cette étape contribue à la régularité du traitement et à l’amélioration de
la qualité, tout en réduisant les besoins de main-d’œuvre.

Un petit nombre d’établissements produisent du coton peigné, c’est-à-dire la


qualité de fil la plus propre et la plus régulière qui soit. Le peignage exige une
épuration plus poussée que le cardage; il élimine les fibres courtes, les boutons
et les débris, et permet ainsi d’obtenir un ruban parfaitement propre et brillant.
La peigneuse est une machine compliquée constituée de rouleaux d’alimentation
cannelés et d’un cylindre partiellement garni d’aiguilles, destiné à extraire les
fibres courtes et à parfaire le parallélisme des fibres (voir figure 89.3).

L’étirage et le passage au banc à broches


L’étirage est la première opération de fabrication des filés faisant appel à des
cylindres qui effectuent la quasi-totalité de l’étirage. Les pots contenant les
rubans de carde sont empilés dans le râtelier du banc d’étirage. L’étirage consiste
à faire passer un ruban dans un système de cylindres appariés, mais animés de
vitesses différentes. L’étirage tend les fibres du ruban pour les rendre
rectilignes et aussi parallèles que possible à l’axe du ruban, ce qui est
indispensable pour obtenir les propriétés désirées lorsque les fibres doivent être
transformées en fil par torsion. L’étirage uniformise également le poids du ruban
par unité de longueur et facilite les possibilités de mélange. Les fibres produites
par l’opération d’étirage final, réalisée sur le banc finisseur, sont pratiquement
rectilignes et parallèles à l’axe du ruban. Le poids par unité de longueur d’un
ruban issu de l’étirage final est trop élevé pour permettre la transformation en
fil sur les systèmes traditionnels de filature à anneaux.

Le passage au banc à broches ramène le poids du ruban à un niveau adapté au filage


et à la torsion, tout en conservant l’intégrité des brins étirés. Les bacs
contenant les rubans issus de l’étirage final ou du peignage sont placés dans le
râtelier, et chaque ruban est conduit entre deux jeux de cylindres animés de
vitesses croissantes, ce qui fait passer le diamètre du ruban d’environ 2,5 cm à la
taille d’un crayon ordinaire. Une torsion est imprimée aux fibres grâce à une
ailette fixée sur la broche. Le produit en résultant, dénommé mèche, vient
s’enrouler sur une bobine d’environ 37,5 cm de long et de 14 cm de diamètre.

Le filage
Le filage est l’étape la plus coûteuse de la transformation des fibres de coton en
fil. Il comprend la préparation et le filage proprement dit (appelé aussi
filature). Actuellement, plus de 85% du fil produit dans le monde l’est avec des
continus à filer à anneaux: ces métiers sont conçus pour transformer la mèche en
fil du calibre (ou numéro) voulu et à lui imprimer la torsion souhaitée, cette
dernière étant proportionnelle à la résistance. Le rapport entre la longueur
initiale et la longueur finale est de l’ordre de 10 à 50. Les bobines de mèches
sont placées sur des supports qui leur permettent de passer librement dans le
cylindre d’étirage du continu à filer à anneaux. Après étirage, le fil traverse un
guide, puis un curseur avant de passer sur la bobine de fil. La broche
d’entraînement de cette bobine tourne à grande vitesse, ce qui fait gonfler le fil
à mesure qu’elle lui imprime une torsion. Les fils se trouvant sur les bobines sont
trop courts pour être utilisés lors des opérations ultérieures; ils sont transférés
vers des pots tournants et amenés à l’opération suivante (bobinage ou renvidage).

Dans la production de fils plus lourds ou plus grossiers, le filage à anneaux est
aujourd’hui remplacé par le procédé dit à fibres libérées, dit aussi «open-end» (à
bouts ouverts). Un ruban de fibres est amené dans une turbine tournant à vitesse
très élevée, dans laquelle la force centrifuge transforme les fibres en fil. La
bobine n’est pas utile dans ce procédé, et le fil est mis en place sur le support
voulu lors de l’opération suivante.

De nombreux efforts de recherche-développement sont consa-crés à la mise au point


de méthodes radicalement nouvelles pour fabriquer les filés. Certains systèmes de
filature en cours d’élaboration pourraient révolutionner la fabrication des filés
et modifier l’importance relative des propriétés des fibres. Parmi les principes
utilisés dans les nouveaux systèmes, quatre paraissent utilisables pour le coton.
Des systèmes de filature à âme sont actuellement employés pour produire certains
filés spéciaux et les fils à coudre. Des fils sans torsion ont été obtenus
industriellement en quantité limitée grâce à un procédé qui permet de lier les
fibres entre elles avec un alcool polyvinylique ou un autre agent de liaison. Ce
procédé pourrait permettre une productivité élevée et assurer une très grande
uniformité des fils. Les tricots et autres tissus d’habillement fabriqués avec ce
type de fil ont un très bel aspect. Dans la filature à tourbillon d’air, étudiée
par plusieurs constructeurs de machines, le ruban d’étirage est amené à un rouleau
d’ouverture, comme dans la filature à turbine. La filature à tourbillon d’air
permet d’atteindre des vitesses de production très élevées, mais les prototypes
sont particulièrement sensibles aux variations de longueur des fibres et aux corps
étrangers tels que les particules de déchets.

Le renvidage et le bobinage
Après le filage, le fil doit être présenté en fonction de l’utilisation prévue —
tissage ou tricotage. Le renvidage, le bobinage, la torsion et l’enroulement du fil
sur canettes sont considérés comme des étapes préparatoires au tissage et au
tricotage. En principe, les produits bobinés seront utilisés comme fils de chaîne
(fils passant dans le sens de la longueur d’un tissu) et les produits renvidés
serviront de fils de trame (fils passant dans le sens de la largeur d’un tissu), ou
duites. Les produits de la filature à fibres libérées court-circuitent ces étapes
et sont directement emballés en tant que fils de trame ou fils de chaîne. Le
retordage consiste à tordre ensemble deux fils ou plus avant les autres opérations
afin d’obtenir un fil retors d’une grosseur double, voire triple ou quadruple,
nettement plus solide qu’un fil simple de la même grosseur. Dans l’enroulement du
fil sur canettes, le fil est disposé sur des bobines suffisamment petites pour
tenir à l’intérieur de la navette d’un métier à boîtes multiples. Cette opération a
parfois lieu sur le métier lui-même (voir plus loin dans ce chapitre l’article «Le
tissage et le tricotage»).

Le traitement des déchets


Dans les usines modernes où l’on s’intéresse à la lutte contre l’empoussièrement,
on accorde beaucoup d’importance à la manipulation des déchets. Dans les opérations
textiles classiques, les déchets — lorsqu’ils ne pouvaient être recyclés — étaient
récupérés manuellement et transférés vers un entrepôt où ils s’accumulaient jusqu’à
ce que l’on dispose d’une quantité suffisante d’un même type pour confectionner une
balle. Aujourd’hui, des dispositifs d’aspiration centralisée renvoient
automatiquement les déchets provenant de l’ouverture, du battage-nappage, du
cardage, de l’étirage et du passage au banc à broches. Ces systèmes sont utilisés
pour nettoyer les machines, pour récupérer automatiquement les déchets se trouvant
sous les machines (peluches et impuretés provenant du cardage) et pour renvoyer les
déchets inutilisables récupérés au sol, ainsi que les résidus des diviseurs à
filtre. La presse à balles classique est une presse ascendante verticale qui permet
de presser des balles de 227 kg. Avec les techniques modernes de traitement des
déchets, ceux-ci sont amenés par le système d’aspiration centrale dans une cuve qui
alimente une presse à balles horizontale. Les déchets issus de la fabrication des
filés peuvent être recyclés ou réutilisés par d’autres industries. Ainsi,
l’industrie de la filature des déchets produit du fil à serpillière, et le
garnettage peut servir à produire les nappes de coton utilisées par les
matelassiers ou par les tapissiers pour certains meubles.

La sécurité et la santé
Les machines
Tous les types de machines servant à fabriquer les textiles de coton peuvent
provoquer des accidents, bien que la fréquence de ceux-ci ne soit pas très élevée.
La mise en place d’une protection efficace sur les innombrables pièces en mouvement
pose de multiples problèmes et requiert une attention constante. La formation des
opérateurs à des pratiques de travail sûres est également essentielle. Elle permet
notamment d’éviter de réparer une machine en marche, ce qui est à l’origine de
nombreux accidents. Chaque élément de machine peut avoir une source motrice
d’énergie (électrique, mécanique, pneumatique, hydraulique, inertielle, etc.) qu’il
importe de couper avant de procéder à une réparation ou à une opération
d’entretien. Les sources d’énergie devraient être clairement identifiées dans
chaque atelier; l’équipement nécessaire devrait se trouver sur place et le
personnel devrait savoir que les sources d’énergie dangereuses doivent
systématiquement être déconnectées avant toute intervention sur les machines. Des
inspections régulières devraient être effectuées pour s’assurer que les procédures
d’arrêt sont respectées et correctement appliquées.

L’inhalation de poussières de coton (byssinose)


L’inhalation des poussières produites par la transformation des fibres de coton en
filés et en tissus est responsable d’une maladie pulmonaire professionnelle appelée
byssinose qui atteint certaines personnes. La maladie ne survient généralement
qu’après 15 à 20 ans d’exposition à des concentrations élevées de poussières
(supérieures à 0,5-1,0 mg/m3). Selon les normes de l’Administration de la sécurité
et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)) et
de la Conférence américaine des hygiénistes gouvernementaux du travail (American
Conference of Governmental Industrial Hygienists (ACGIH)), aux Etats-Unis, la
limite d’exposition professionnelle aux poussières de coton lors de la fabrication
de fils textiles est fixée à 0,2 mg/m3 de poussières respirables, mesurées à l’aide
d’un élutriateur vertical. Les poussières de coton sont des particules véhiculées
par l’air, mises en suspension dans l’atmosphère lors de la manipulation et du
traitement du coton. Il s’agit de mélanges hétérogènes et complexes comprenant
également des débris végétaux et de terre et des micro-organismes (bactéries et
champignons) dont la composition et l’activité biologique varient. L’agent
étiologique et le mécanisme pathogène de la byssinose restent inconnus. Les débris
de cotonnier présents sur les fibres ainsi que les endotoxines des bactéries Gram
négatif se trouvant sur les fibres et les débris végétaux seraient la cause directe
ou le réservoir de l’agent pathogène. La fibre de coton elle-même, principalement
composée de cellulose, n’est pas directement pathogène, car la cellulose est inerte
et ne provoque pas de maladies respiratoires. Des mesures de prévention technique
appropriées dans les zones de traitement des textiles en coton (voir figure 89.8),
associées à des pratiques de travail correctes, à une surveillance médicale et à
l’utilisation d’équipements de protection individuelle, permettent de prévenir la
plupart des cas de byssinose. Par ailleurs, le lavage doux dans des autoclaves de
débouillissage par lots dans le cadre de l’utilisation de systèmes à nappe continue
permet d’abaisser le taux résiduel d’endotoxines dans les poussières véhiculées par
le coton-fibre ou par l’air. On parvient ainsi à des taux inférieurs à ceux qui
provoquent une insuffisance respiratoire aiguë mesurée d’après le volume
expiratoire maximal seconde (VEMS).

Figure 89.8 Système d'extraction des poussières sur une cardeuse


Figure 89.8

Le bruit
Le bruit peut poser des problèmes lors de certaines opérations de fabrication des
filés. Dans les usines modernes, il est généralement inférieur à 90 dBA, ce qui
correspond à la norme en vigueur aux Etats-Unis. Dans bien des pays, la limite est
plus sévère. Grâce aux efforts des constructeurs de machines et des spécialistes de
la question, les niveaux de bruit continuent de diminuer en dépit de l’augmentation
des vitesses. La solution consiste à fabriquer des machines plus silencieuses. Aux
Etats-Unis, un programme de protection de l’ouïe est obligatoire dans les
entreprises où le niveau sonore dépasse 85 dBA, ce qui implique la surveillance du
bruit, des tests audiométriques et la fourniture de dispositifs de protection pour
le personnel lorsque le bruit ne peut être ramené au-dessous de 90 dBA.

La chaleur
Etant donné que les opérations de filage requièrent parfois des températures
élevées et une humidification artificielle de l’air, une surveillance attentive est
dans tous les cas indispensable pour garantir le respect des limites maximales
admissibles. Des systèmes d’air conditionné bien conçus et correctement entretenus
tendent de plus en plus à remplacer les méthodes plus archaïques de régulation
thermique et hygrométrique.

Les systèmes de gestion de la sécurité et de la santé au travail


La plupart des usines modernes de fabrication de fils textiles ont mis en place un
système de gestion de la sécurité et de la santé pour maîtriser les risques
auxquels le personnel peut être exposé. Il peut s’agir soit de programmes
volontaires tels que celui des fabricants de textiles des Etats-Unis («Quest for
the Best in Health and Safety»), soit de programmes imposés par voie réglementaire
(«US State of California Occupational Injury and Illness Prevention Programme —
Title 8, California Code of Regulations, Section 3203»). Tout système de gestion de
la sécurité et de la santé devrait être suffisamment souple pour permettre aux
entreprises de l’adapter à leurs propres besoins.

L’INDUSTRIE LAINIÈRE
D.A. Hargrave*

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de


l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

Les origines de l’industrie lainière se perdent dans la nuit des temps. Nos
lointains ancêtres n’ont pas eu de peine à domestiquer le mouton, qui a grandement
contribué à satisfaire leurs besoins essentiels en matière alimentaire et
vestimentaire. Dans les sociétés primitives, on frottait les unes contre les autres
les fibres prélevées sur l’animal pour en faire un fil et, partant de ce principe
initial, les procédés de filage ont gagné en complexité. L’industrie lainière a
joué un rôle de pionnier dans la mise au point et l’adaptation de procédés
mécanisés et a été l’une des premières à industrialiser sa production.

Les matières premières


La longueur de la fibre prélevée sur l’animal est l’élément dominant, mais non le
seul, dans le choix du traitement ultérieur. Les types de laines disponibles
peuvent être classés en trois catégories: a) les laines mérinos; b) les laines
métisses fines, moyennes ou grossières; c) les laines pour tapis. On distingue
diverses qualités dans chaque catégorie. La laine mérinos est caractérisée par sa
finesse et ses brins sont courts, contrairement aux laines pour tapis dont les
brins sont longs et épais. Aujourd’hui, les fibres synthétiques qui imitent la
laine sont mélangées aux fibres naturelles en proportion croissante et subissent
les mêmes traitements. Les poils d’autres animaux — mohair (chèvre), alpaga (lama),
cachemire (chèvre, chameau), angora (chèvre) et vigogne (lama sauvage) — jouent
aussi un rôle important, bien qu’accessoire dans cette branche; ils sont
relativement chers et sont habituellement transformés par des entreprises
spécialisées.

La filature
Il existe deux procédés de filage distincts, selon qu’on entend obtenir des fils
cardés ou des fils peignés. Les machines se ressemblent sur bien des points, mais
les produits recherchés sont différents. En principe, on prend pour les peignés des
laines à brins plus longs qu’on maintient parallèles lors du cardage, du
défeutrage, du boudinage et du peignage, les brins courts étant rejetés. On obtient
ainsi un filé fin et résistant qui donne, par tissage, une étoffe légère, d’aspect
lisse et de bonne tenue, comme celle qu’on utilise pour les costumes d’homme. Pour
les cardés, le but est d’entremêler et d’entrelacer les fibres pour obtenir un filé
doux et aéré qui donne, par tissage, une étoffe pleine et gonflante, à surface
laineuse (tweeds, couvertures et tissus lourds pour pardessus). L’uniformité des
brins n’étant pas nécessaire pour les cardés, le filateur peut mélanger de la laine
vierge à des brins courts rejetés lors de la production des peignés, à des laines
d’effilochage récupérées par destruction de vieux vêtements, etc. Le «shoddy» est
tiré de déchets souples, et le «mungo» de déchets serrés.

Il faut garder à l’esprit que ces opérations sont fort complexes et que l’état et
le type de la matière première utilisée, ainsi que les spécifications du produit
fini, influencent à chaque stade les opérations et leur séquence. Ainsi, on peut
teindre la laine avant le filage, en filés, en fin de fabrication, ou encore à
l’état de pièce tissée. Les opérations peuvent être effectuées dans différentes
usines.

Les risques et leur prévention


Comme dans toute l’industrie textile, les grosses machines comportant des parties
en mouvement rapide posent des problèmes de bruit et présentent des risques
mécaniques. La poussière peut également être source de difficulté. Les engrenages,
les chaînes et pignons, les arbres, courroies et poulies de transmission devraient
être placés sous carter de protection. Il en va de même pour les organes des
machines propres à l’industrie lainière, à savoir:

rouleaux d’alimentation et dévidoirs des diverses machines de préparation et


d’ouverture (effilocheuses, loups, garnetteuses, déchiqueteuses à chiffons, etc.);
cylindres briseurs et chasseurs, cylindres adjacents, cardes et cardes briseuses;
ouvertures d’alimentation entre les dévidoirs et les peigneurs des effilocheurs,
cardes et garnetteuses;
cylindres et barrettes aiguillées des machines d’étirage;
arbres arrière des bancs d’étirage et des bancs à broches;
espace entre le chariot et la têtière des métiers renvideurs;
clavettes, boulons et autres pièces de fixation formant saillie sur l’ensouple des
bobinoirs de chaîne;
rouleaux presseurs des machines de dégraissage, de foulage et d’essorage du tissu;
ouvertures d’alimentation entre le tissu, l’enrouleur et le rouleau des
soufflantes;
cylindre porte-lames des machines à raser;
pales des ventilateurs équipant les transporteurs pneumatiques (tous les portillons
de visite des gaines de ces systèmes devraient être à bonne distance des pales du
ventilateur, car celui-ci met un certain temps à s’immobiliser après la coupure du
courant et il convient d’être très prudent, car l’opérateur qui doit intervenir en
cas de bourrage ne peut généralement pas voir les pales en mouvement);
navette libre des métiers; des dispositifs de protection bien conçus devraient
l’empêcher de s’échapper du bâti ou limiter sa course si elle s’échappe.
La protection de ces organes dangereux pose des problèmes pratiques puisque les
dispositifs installés doivent être adaptés aux méthodes de travail courantes dans
chaque opération pour éviter notamment que le travailleur l’enlève ou la rende
inopérante au moment précis où les risques sont les plus grands (procédure d’arrêt
des machines, par exemple). Une formation spécifique et une surveillance étroite
sont nécessaires pour que, en aucun cas, l’évacuation des déchets ou le nettoyage
des machines ne soient effectués lorsque les moteurs sont en marche. Une lourde
responsabilité incombe aux constructeurs de machines chargés de veiller à ce que la
sécurité soit intégrée dès le stade de la conception en bureau d’études, et au
personnel d’encadrement, qui devrait s’assurer que les travailleurs ont été
convenablement formés.

L’espacement des machines


Le rapprochement excessif des machines accroît évidemment les risques d’accidents.
Dans beaucoup de locaux anciens, on compte une forte concentration de machines sur
une surface donnée, ce qui réduit d’autant les voies de passage, les dégagement et
les emplacements de stockage provisoire des matières premières et des produits
finis. Dans certaines anciennes usines, les passages libres entre les cardes sont
si étroits qu’il est impossible d’encoffrer les courroies et les poulies et que
l’on doit se contenter de monter un coin protecteur dans leurs angles rentrants; en
pareil cas, il est très important que la fourche soit parfaitement lisse et bien
conçue pour guider la courroie. L’espacement entre les machines devrait être
réglementé par l’adoption de normes minimales en la matière, comme l’a recommandé
une commission du gouvernement britannique.

La manutention des matériaux


En l’absence de méthodes modernes de manutention mécanique, le risque d’accident
est toujours présent dès qu’il faut soulever de lourdes charges. Les opérations de
manutention devraient être aussi mécanisées que possible; si tel n’est pas le cas,
il conviendra de prendre les précautions exposées au chapitre no 102, «Les
transports et l’entreposage» de la présente Encyclopédie . Les techniques correctes
sont particulièrement importantes pour les travailleurs chargés de monter ou de
démonter les grosses ensouples sur les métiers ou de manipuler des balles de laine
lourdes et encombrantes aux différents stades de la préparation. Il convient,
chaque fois que la chose est possible, d’utiliser des diables, des chariots et des
patins de glissement pour déplacer ce type de charge.

Les risques d’incendie


Les risques d’incendie ne doivent pas être sous-estimés, surtout dans les anciennes
usines construites sur plusieurs étages. Les locaux devraient être conformes aux
réglementations locales qui imposent également la non-obstruction des couloirs et
des issues, la présence de systèmes de détection d’incendie, d’extincteurs et de
tuyaux d’incendie, d’éclairages de secours, etc. La propreté et l’entretien des
locaux éviteront l’accumulation des poussières et des peluches qui favorisent la
propagation du feu. Aucune réparation nécessitant des chalumeaux ou tout autre
outillage à flamme nue ne devrait être autorisée pendant les heures de travail.
L’ensemble du personnel devrait être formé aux procédures à suivre en cas
d’incendie et des exercices seront prévus à intervalles convenables, autant que
possible en collaboration avec les sapeurs-pompiers, la police et les services
médicaux d’urgence.

La sécurité générale
L’accent a été mis sur les dangers qui surviennent plus particulièrement dans
l’industrie lainière, mais il faut souligner que la plupart des accidents se
produisent dans des circonstances que l’on retrouve dans toutes les branches
d’activité (chutes de personnes ou d’objets, manutentions, utilisation d’outils à
main, etc.) et que les principes généraux de sécurité s’appliquent à l’industrie
lainière comme à la plupart des autres industries.

Les problèmes de santé


La fièvre charbonneuse
La maladie le plus souvent liée aux textiles laineux est la fièvre charbonneuse,
connue aussi sous le nom de charbon ou d’anthrax. Elle est due à la bactéridie
charbonneuse (Bacillus anthracis) et constituait autrefois un risque grave,
particulièrement lors des opérations de triage; toutefois, elle a été presque
entièrement jugulée dans ce secteur de l’industrie textile grâce aux mesures ci-
après:

amélioration des méthodes de production dans les pays exportateurs où la fièvre


charbonneuse est endémique;
désinfection des matières premières susceptibles de contenir des spores du charbon;
manipulation, sous des hottes d’aspiration, des matières premières susceptibles
d’être contaminées;
exposition de la balle de laine aux micro-ondes, pendant une durée et à une
température suffisantes pour détruire tout micro-organisme pathogène; ce traitement
facilite également la récupération de la lanoline de la laine;
progrès réalisés dans le traitement de la maladie, en particulier vaccination du
personnel notoirement exposé;
information et formation du personnel et mise à disposition d’installations
sanitaires et, si nécessaire, d’équipements de protection individuelle.
Outre les spores du bacille charbonneux, on sait que les spores de Coccidioides
immitis peuvent aussi contaminer la laine, surtout dans le sud-ouest des Etats-
Unis. Ce champignon provoque une maladie connue sous le nom de coccidioïdomycose
qui, à l’instar du syndrome respiratoire de la fièvre charbonneuse, n’offre que peu
de chances de guérison. La fièvre charbonneuse risque aussi de provoquer une
ulcération ou une pustule maligne lorsque l’infection a lieu à l’occasion d’une
rupture de la barrière cutanée.

Les produits chimiques


Divers produits chimiques sont utilisés, par exemple pour le dégraissage (dioxyde
de diéthylène, détergents synthétiques, trichloroéthylène et, jadis, tétrachlorure
de carbone), la désinfection (formaldéhyde), le blanchiment (dioxyde de soufre,
chlore) et la teinture (chlorate de potassium, anilines). Ces produits comportent
des risques d’asphyxie par les gaz, d’intoxication, d’irritation des yeux, des
muqueuses et des poumons, et peuvent provoquer des réactions cutanées. En règle
générale, la prévention passe par les mesures suivantes:

utilisation d’un produit chimique moins dangereux;


ventilation par aspiration localisée;
rigueur en matière d’étiquetage, de stockage et de transport des liquides corrosifs
ou nocifs;
équipements de protection individuelle;
installations sanitaires efficaces (avec douches, si possible);
hygiène individuelle stricte.
Autres risques
Le bruit, les éclairages inadaptés et le niveau élevé de température et d’humidité
requis pour le traitement de la laine peuvent avoir un effet préjudiciable sur la
santé du personnel. De nombreux pays ont élaboré des normes dans ces domaines. La
vapeur, les condensations et l’humidité peuvent être difficiles à éliminer
efficacement des ateliers de teinture, et le recours aux spécialistes est souvent
nécessaire. Dans les ateliers de tissage, il reste beaucoup à faire pour lutter
contre le bruit. L’éclairage, quant à lui, devrait faire l’objet de spécifications
rigoureuses, notamment lors de la fabrication d’étoffes foncées.

Les poussières
De même que les poussières générées par les opérations de préparation risquent de
véhiculer les spores du bacille charbonneux, de nombreuses machines (effilocheuses
et cardeuses, notamment) produisent des poussières en quantités suffisantes pour
causer une irritation des muqueuses respiratoires. Ces poussières devraient donc
être éliminées grâce à un système efficace de ventilation par aspiration localisée.

Le bruit
Les filatures de laine sont souvent des endroits très bruyants en raison du grand
nombre de pièces en mouvement, notamment dans les métiers à tisser. Une
lubrification correcte atténue le bruit, mais elle ne dispense pas d’envisager la
mise en place de dispositifs antibruit et de réfléchir à d’autres solutions. La
prévention des pertes auditives d’origine professionnelle passe en grande partie
par l’utilisation de dispositifs de protection (coquilles, bouchons d’oreille). Il
est indispensable d’informer le personnel sur leur utilisation correcte et de
vérifier l’emploi qui en est fait. Un programme de protection de l’ouïe comportant
des audiogrammes périodiques est obligatoire dans de nombreux pays. Lorsque les
machines sont remplacées ou réparées, il convient d’adopter des mesures de nature à
réduire le bruit.

Le stress professionnel
Le stress professionnel, avec les effets qu’il exerce sur la santé et le bien-être
des travailleurs, est un problème réel dans l’industrie lainière. Etant donné que
de nombreuses usines fonctionnent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, le recours
au travail posté est souvent nécessaire. Pour satisfaire aux exigences de la
production, les chaînes fonctionnent en continu, de sorte que les travailleurs sont
«attachés» à une ou à plusieurs machines et doivent attendre un remplaçant pour se
rendre aux toilettes ou se reposer. Le bruit ambiant, le port de coquilles ou de
bouchons d’oreille et les tâches de routine fortement répétitives ont pour effet
d’isoler les opérateurs et d’entraver la communication, ce qui est souvent ressenti
comme stressant. La qualité de la surveillance et l’existence d’espaces de détente
sur les lieux de travail ont une grande influence sur les niveaux de stress
professionnel.

Conclusion
Si les grandes entreprises modernes sont en mesure d’investir dans les nouvelles
réalisations techniques, de nombreuses usines plus anciennes ou plus petites
continuent de fonctionner avec des machines obsolètes. Les impératifs économiques
tendent à réduire l’attention portée à la sécurité et à la santé du personnel. Dans
de nombreuses régions développées, les industriels abandonnent souvent leurs usines
au profit de nouvelles installations construites dans des pays en développement,
plus spécialement dans celles où la main-d’œuvre est bon marché et où les
réglementations en matière de sécurité et de santé sont inexistantes ou
généralement ignorées. Des investissements raisonnables en faveur de la santé et du
bien-être des travailleurs peuvent apporter des bénéfices non négligeables aux
entreprises comme aux salariés de l’industrie lainière, caractérisée par sa forte
intensité de main-d’œuvre.

L’INDUSTRIE DE LA SOIE
J. Kubota *

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de


l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

La soie est une fibre lustrée, résistante et élastique, produite par le ver à soie,
larve du bombyx; le même terme s’applique aussi au fil et au tissu faits de cette
fibre. Selon la tradition, l’industrie de la soie est née en Chine en 2640 avant
J.-C. Vers le IIIe siècle de notre ère, le ver à soie et son produit ont pénétré au
Japon en passant par la Corée, puis un peu plus tard en Inde. De là, la production
de la soie s’est lentement étendue vers l’ouest, à l’Europe et au Nouveau Monde.

Le processus de production comprend une séquence d’opérations qui ne sont pas


nécessairement effectuées dans la même entreprise ou le même établissement,
notamment:

La sériciculture. La production des cocons pour en tirer les filaments de soie


grège est appelée sériciculture , terme qui couvre l’alimentation des vers, la
formation des cocons, etc. Elle n’est possible que là où existent des mûriers en
quantité suffisante pour nourrir les larves. Les claies sur lesquelles les vers
sont élevés doivent être tenues dans un local à une température constante de 25 °C,
ce qui nécessite un chauffage artificiel dans les pays froids et selon la saison.
Les vers filent leur cocon après s’être alimentés pendant quarante-deux jours.
La filature. L’opération caractéristique de la filature de la soie, appelée
dévidage, consiste à assembler les filaments du cocon en un brin continu, uniforme
et régulier. La gomme naturelle — grès ou séricine — est tout d’abord amollie dans
de l’eau bouillante. Dans une bassine d’eau chaude, les extrémités des filaments de
plusieurs cocons sont saisies, rassemblées et tirées pour être fixées à un dévidoir
sur lequel les filaments s’enroulent pour former la soie grège, également dite
«crue».
Le moulinage. Dans cette opération, les brins sont tordus et doublés pour donner un
fil plus fort.
Le dégommage. La soie grège est mise à bouillir dans une eau savonneuse à environ
95 °C.
Le blanchiment. La soie, grège ou cuite, est traitée au peroxyde d’hydrogène ou au
peroxyde de sodium.
Le tissage. Le fil de soie est tissé pour obtenir une étoffe, opération
généralement confiée à d’autres ateliers.
La teinture. La soie peut être teinte à l’état de filament ou de fil, ou encore
après le tissage.
La sécurité et la santé
Le monoxyde de carbone
Des symptômes d’intoxication au monoxyde de carbone se manifestant par des
céphalées, des vertiges et, parfois, des nausées et des vomissements, généralement
sans gravité, ont été signalés au Japon où la sériciculture est fréquemment
pratiquée à domicile, dans des locaux mal ventilés et chauffés au charbon.
Les dermatoses
Le mal des bassines . Une dermite des mains a été observée très fréquemment,
surtout au Japon, chez les femmes qui dévidaient la soie. On a signalé que le taux
de morbidité par mal des bassines était de 30 à 50% chez les personnes employées au
dévidage pendant les années vingt, et que 14% d’entre elles devaient s’arrêter de
travailler en moyenne trois jours par an. Les lésions cutanées, localisées surtout
aux doigts, aux poignets et sur les avant-bras, se caractérisaient par un érythème
sous forme de petites vésicules devenant chroniques, pustuleuses ou eczémateuses et
extrêmement douloureuses. On attribuait généralement cette affection aux produits
de décomposition des chrysalides mortes et à un parasite du cocon. Plus récemment,
des observations faites au Japon ont montré qu’elle est probablement due à la
température du bain de dévidage. Jusqu’en 1960, l’eau y était pratiquement toujours
maintenue à 65 °C; toutefois, depuis l’introduction des nouvelles installations
assurant une température comprise entre 30 et 45 °C, aucun cas de lésion cutanée
typique du dévidage n’a été signalé chez les travailleurs chargés de cette
opération.

La manipulation de la soie grège peut produire des réactions cutanées allergiques


chez certaines personnes. On a observé un œdème du visage et une inflammation des
yeux en l’absence de tout contact local direct avec le bain de dévidage. Des
dermatoses ont aussi été constatées chez les personnes occupées au moulinage.

Les problèmes respiratoires


Dans l’ex-Union soviétique, une épidémie inhabituelle d’amygdalite chez les fileurs
de soie a pu être attribuée aux bactéries présentes dans l’eau des bassines de
dévidage et dans l’atmosphère des chambres à cocons. La désinfection, le
renouvellement fréquent de l’eau de dévidage et l’aspiration de l’air aux dévidoirs
ont apporté une amélioration rapide.

Des observations épidémiologiques détaillées portant sur de longues périodes,


effectuées également dans l’ex-Union soviétique, ont montré que les travailleurs de
l’industrie de la soie naturelle peuvent contracter une allergie respiratoire
caractérisée par un asthme bronchique, une bronchite asthmatiforme ou une rhinite
allergique. Il semble que la soie naturelle puisse provoquer une sensibilisation à
tous les stades de la production.

Des accès d’insuffisance respiratoire aiguë ont également été rapportés chez des
travailleurs chargés du bobinage ou de l’alimentation d’un métier à filer ou d’une
bobineuse. Selon la vitesse de la machine, la substance protéique qui entoure le
filament de soie peut se transformer en aérosol qui, s’il est inhalable, provoque
une réaction pulmonaire très similaire à celle de la byssinose.

Le bruit
L’exposition au bruit peut atteindre un stade dommageable pour les personnes qui
travaillent sur des machines de filage ou de bobinage des fils de soie ou dans les
ateliers de tissage. Une lubrification appropriée des machines et la mise en place
de dispositifs antibruit peuvent réduire partiellement le bruit, mais l’exposition
ininterrompue pendant toute la journée de travail peut avoir un effet cumulatif.
S’il n’est pas possible de réduire le niveau sonore ambiant, il convient de mettre
à la disposition des travailleurs des appareils de protection individuelle. Comme
pour tous ceux d’entre eux qui sont exposés au bruit, un programme de protection de
l’ouïe prévoyant des audiogrammes périodiques est souhaitable.

Les mesures relatives à la sécurité et à la santé


La régulation de la température, de l’humidité et de la ventilation est essentielle
à toutes les étapes du travail de la soie. Les travailleurs à domicile ne devraient
pas échapper à la surveillance. Les salles d’élevage devraient être convenablement
ventilées et les poêles à charbon ou à kérosène devraient être remplacés par des
chauffages électriques ou d’autres systèmes.
L’abaissement de la température des bains de dévidage peut être efficace pour
prévenir les dermatoses. L’eau devrait être changée fréquemment, et une aspiration
localisée mise en place. Il faut, autant que possible, éviter le contact direct de
la peau avec la soie dans les bains de dévidage.

De bonnes installations sanitaires et une hygiène individuelle stricte sont


indispensables. Au Japon, le lavage des mains avec une solution d’acide acétique à
3% a donné de bons résultats.

Il est souhaitable de procéder à un examen médical à l’embauche, suivi d’un


contrôle médical régulier.

Dans l’industrie de la soie, les machines présentent les mêmes risques que dans
l’industrie textile en général. Un entretien correct des locaux, des protections
adéquates pour les organes mobiles, une formation continue à la sécurité et une
surveillance rigoureuse sont les meilleurs moyens de prévenir les accidents. Les
métiers mécaniques devraient être munis de dispositifs de protection pour éviter
les accidents dus aux navettes volantes. La fabrication du fil et les opérations de
tissage exigent un très bon éclairage.

LA VISCOSE (RAYONNE)
M.M. El Attal *

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de


l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

La rayonne est une fibre synthétique obtenue par traitement chimique de la


cellulose (pâte de bois). On l’utilise seule ou mélangée à d’autres fibres
synthétiques ou naturelles pour obtenir des tissus solides, très absorbants et
moelleux pouvant être teints dans des couleurs vives et résistantes.

La fabrication de rayonne a pour origine la recherche d’une soie artificielle. En


1664, Robert Hooke, chercheur britannique connu pour ses études sur les cellules
végétales, prédit qu’il serait un jour possible d’obtenir artificiellement de la
soie; près de deux siècles plus tard, en 1855, des fibres furent obtenues par
trempage de brindilles de mûriers dans de l’acide nitrique. Le premier procédé qui
a connu un succès commercial fut mis au point en 1884 par l’inventeur français
Hilaire de Chardonnet. En 1891, les chercheurs britanniques Cross et Bevan
perfectionnèrent le procédé de fabrication de la viscose. Vers 1895, la rayonne
était déjà commercialisée à petite échelle et son utilisation se développa
rapidement.

Les méthodes de fabrication


Les procédés permettant d’obtenir la rayonne varient suivant l’usage auquel elle
est destinée.

Dans le procédé viscose , la cellulose tirée de la pâte de bois est mise à tremper
dans une solution de soude caustique, et le liquide en excès est éliminé par
pressage; il se forme ainsi de l’alcali-cellulose qu’on débarrasse, à ce stade, des
impuretés qu’elle contient. Puis on réduit les feuilles d’alcali-cellulose en
miettes blanches qu’on laisse mûrir pendant quelques jours à température constante.
Ces miettes sont ensuite placées dans une autre cuve (baratte) où elles sont
soumises à l’action du sulfure de carbone qui les transforme en xanthate de
cellulose. Les miettes virent à l’orange doré. Elles sont alors dissoutes dans de
l’hydroxyde de sodium dilué, ce qui permet d’obtenir un liquide visqueux de couleur
orange appelé viscose. On mélange différents lots de viscose pour assurer une
qualité uniforme, puis la viscose est filtrée et stockée pendant plusieurs jours
dans des conditions très strictes de température et d’humidité qui en favorisent le
mûrissement. On procède ensuite à son extrusion à travers une filière percée
d’orifices très fins qui l’acheminent dans un bac contenant une solution d’acide
sulfurique à 10% environ. Elle forme alors des fils continus qui sont entraînés par
enroulement, ou coupés à la longueur désirée, et filés comme le coton ou la laine.
La rayonne est utilisée pour fabriquer des vêtements et des tissus lourds.

Dans le procédé cupro-ammoniacal , utilisé pour la fabrication de tissus semblables


à de la soie et de bas transparents, la pâte de cellulose dissoute dans la solution
d’hydroxyde de sodium est traitée à l’oxyde de cuivre ammoniacal. Les filaments
sortant des filières sont introduits dans un canal de filage et étirés pour obtenir
l’épaisseur voulue sous l’action d’un jet d’eau.

Dans les procédés viscose et cupro-ammoniacal, la cellulose est reconstituée, mais


l’acétate et le triacétate sont des esters de cellulose et sont parfois considérés
comme une catégorie de fibres à part. Les tissus en acétate sont connus pour leurs
couleurs vives et pour leurs drapés et sont, de ce fait, d’usage courant dans la
confection de vêtements. De courtes fibres d’acétate sont utilisées dans le
rembourrage des oreillers, des matelas et des édredons. Les fils de triacétate ont
les mêmes propriétés, mais sont particulièrement recherchés parce qu’ils permettent
de garder les plis.

Les risques et leur prévention


Les risques majeurs du procédé viscose sont l’exposition au sulfure de carbone et
au sulfure d’hydrogène. Ces deux gaz ont des effets toxiques qui varient suivant
l’intensité et la durée de l’exposition et les organes concernés; ces effets vont
de la fatigue et de l’étourdissement jusqu’à la perte de conscience et à la mort,
en passant par l’irritation des voies respiratoires, les troubles gastro-
intestinaux et de graves perturbations neuropsychiques, auditives et visuelles.

De plus, avec un point d’inflammation de –30 °C et des limites d’explosion situées


entre 1 et 50%, le sulfure de carbone présente un risque élevé d’incendie et
d’explosion.

Les acides et les alcalis utilisés dans le procédé viscose sont assez dilués, mais
le danger est toujours présent lors de la préparation des dilutions, en raison des
éclaboussures qui atteignent parfois les yeux. Les miettes alcalines produites
pendant le déchiquetage des feuilles d’alcali-cellulose risquent d’irriter les
mains et les yeux des travailleurs, tandis que les vapeurs acides et le sulfure
d’hydrogène émanant du bain de filature peuvent provoquer une kérato-conjonctivite
caractérisée par un larmoiement abondant, une photophobie et d’importantes douleurs
oculaires.

Une surveillance constante doit être exercée au moyen d’un détecteur enregistreur
automatique, fonctionnant en continu, pour maintenir les concentrations de sulfure
de carbone et de sulfure d’hydrogène au-dessous des limites autorisées. Il est
conseillé d’encoffrer entièrement les machines et d’installer un système efficace
de ventilation par aspiration localisée (avec prises d’air au niveau du sol, ces
gaz étant plus lourds que l’air). Les travailleurs devraient être entraînés à
réagir aux situations d’urgence en cas de fuite de produits toxiques; les personnes
chargées de la maintenance et des réparations devraient disposer d’équipements de
protection individuelle appropriés; une formation solide et une surveillance
attentive leur éviteront, en outre, de prendre des risques inutiles.

Des salles de repos et des installations sanitaires sont une nécessité absolue. Une
surveillance médicale pendant la période d’essai et des visites médicales
périodiques sont recommandées.

LES FIBRES SYNTHÉTIQUES


A.E. Quinn et R. Mattiussi *
* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de
l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

Les fibres synthétiques sont fabriquées avec des polymères de synthèse obtenus à
partir de substances ou de composés fournis par l’industrie pétrochimique. A la
différence des fibres naturelles (laine, coton et soie), qui existaient déjà dans
l’Antiquité, les fibres synthétiques ne sont apparues que récemment: leur histoire
commence avec la mise au point du procédé de fabrication de la viscose en 1891 par
Cross et Bevan, deux chercheurs britanniques. Quelques années plus tard, la rayonne
était produite à petite échelle; sa véritable commercialisation commença au début
du XXe siècle. Depuis lors, un grand nombre de fibres synthétiques ont été mises au
point; elles possèdent chacune des propriétés qui répondent à un type particulier
de tissu et sont utilisées seules ou combinées à d’autres fibres. Il n’est pas
toujours facile d’en connaître le nombre exact du fait que la même fibre est
parfois commercialisée sous des noms différents, dans divers pays.

Les fibres sont obtenues en injectant des polymères à l’état fondu à travers les
orifices d’une filière pour obtenir un filament continu. Ce filament peut être
tissé directement pour former un tissu, mais pour imiter les caractéristiques des
fibres naturelles, il peut aussi être texturé, ce qui lui donne du volume, ou
encore être coupé et filé.

Les catégories de fibres synthétiques


Les principales catégories de fibres synthétiques commercialisées sont:

Les polyamides (nylons). Les divers types de nylon sont différenciés par les
chiffres qui indiquent le nombre d’atomes de carbone qu’ils renferment, le premier
de ces chiffres s’appliquant à la diamine. Ainsi, le premier en date des nylons,
formé d’hexaméthylènediamine et d’acide adipique, est connu sous le nom de nylon 66
ou 6.6 aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, du fait que la diamine et l’acide
bibasique contiennent chacun 6 atomes de carbone. Il est commercialisé sous les
marques Perlon T en Allemagne, Nailon en Italie, Nylsuisse en Suisse, Anid en
Espagne et Ducilo en Argentine.
Les polyesters. Le premier polyester a été produit en 1941. Le polyester est obtenu
par réaction de l’éthylèneglycol avec de l’acide téréphtalique. Les chaînes
moléculaires courtes s’assemblent en longues chaînes pour donner une masse
plastique que des pompes forcent à l’état fondu à travers des filières, à la sortie
desquelles les filaments durcissent dans un courant d’air froid, puis sont étirés.
Les fibres de polyester sont vendues sous les marques de Terylene au Royaume-Uni,
de Dacron aux Etats-Unis, de Tergal en France, de Terital et Wistel en Italie, de
Lavsan dans la CEI et de Toray-Tetoran au Japon.
Les dérivés polyvinyliques. Le produit le plus important de cette catégorie est le
polyacrylonitrile ou fibre acrylique dont la production a été lancée en 1948. Il
est maintenant commercialisé sous diverses marques: Acrilan et Orlon aux Etats-
Unis, Crylor en France, Leacril et Velicren en Italie, Amanian en Pologne,
Courtelle au Royaume-Uni, etc.
Les polyoléfines. La plus courante de ces fibres, connue sous le nom de Courlene au
Royaume-Uni, est obtenue par un procédé analogue à celui qui est utilisé pour le
nylon. Le polymère fondu à 300 °C est injecté à travers des filières, puis refroidi
à l’air ou dans l’eau pour former la fibre qui est ensuite étirée.
Les polypropylènes. Ce polymère, connu sous la marque de Hostalen en Allemagne, de
Meraklon en Italie et de Ulstron au Royaume-Uni, est filé à l’état fondu, puis
étiré et recuit.
Les polyuréthanes. La première de ces fibres, produite depuis 1943, a été le Perlon
U , polyuréthane obtenu par réaction de 1,4-butanediol avec
l’hexaméthylènediisocyanate. Les polyuréthanes servent maintenant de base à un
nouveau type de fibres synthétiques appelées spandex, d’une élasticité comparable à
celle du caoutchouc. Ils sont produits à partir de polyuréthane linéaire vulcanisé
à très haute température et sous très forte pression, donnant ainsi un polyuréthane
«vulcanisé» à liaison transversale qui s’extrude sous forme de monobrin. Ce fil
peut être gainé de fibre de rayonne ou de nylon qui en améliore l’aspect, le fil
lui-même servant d’âme élastique. Il est très utilisé dans la confection des
vêtements et sous-vêtements en tissu élastique. Les fils de spandex sont vendus
sous les marques Lycra, Vyrene et Glospan aux Etats-Unis et Spandrell au Royaume-
Uni.
Les procédés spéciaux
Le classement des fibres par longueur
La soie est la seule fibre naturelle qui se présente sous forme de filament
continu; les autres fibres naturelles n’existent qu’en fibres discontinues ou
«brins». La longueur de la fibre de coton est d’environ 2,6 cm, celle de la laine
de 6 à 10 cm et celle du lin de 30 à 50 cm. Les filaments continus des fibres
synthétiques sont parfois coupés à la machine pour obtenir des brins courts comme
dans le cas des fibres naturelles. Ces brins peuvent être ensuite travaillés de
nouveau sur une machine à filer le coton ou la laine; on obtient ainsi un meilleur
fini, qui élimine l’aspect vitreux de certaines fibres synthétiques. Parfois,
pendant le filage, on mélange plusieurs types de fibres synthétiques, ou encore des
fibres synthétiques et des fibres naturelles.

Le frisage
Pour donner à une fibre synthétique l’aspect et le toucher de la laine, on peut
faire passer les brins coupés (tors ou emmêlés) dans une machine spéciale, équipée
de cylindres cannelés, qui leur confère un frisage durable. Cette opération peut
aussi se faire chimiquement en agissant sur la coagulation du filament, de façon à
obtenir une fibre de section asymétrique, un côté étant plus épais que l’autre.
Lorsque la fibre est humide, le côté épais se gondole, et la fibre frise. Pour
obtenir des fils ondulés, connus aux Etats-Unis sous le nom de fils non torques ou
fils non texturés mousse, le fil synthétique est tricoté en jersey, thermodurci
dans cet état, et détricoté. La plus récente des méthodes utilisées consiste à
faire passer deux fils de nylon dans un appareil qui les chauffe à 180 °C, puis sur
une broche tournant à grande vitesse qui les retord. Sur la première machine
utilisée, les broches tournent à 60 000 tours/min; sur les plus récentes, la
vitesse de rotation est de l’ordre de 1,5 million tours/min.

Les fibres synthétiques pour vêtements de travail


Les tissus de polyester conviennent bien, de par leur résistance aux agents
chimiques, à la confection de vêtements de protection des travailleurs qui
manipulent des acides. Les vêtements en tissu de polyoléfine protègent
convenablement en cas d’exposition prolongée aux acides et aux alcalis. Les
vêtements en Nomex, un nouveau nylon résistant à des chaleurs élevées, sont
particulièrement efficaces en cas d’incendie; le Nomex résiste bien aussi à la
température ambiante, aux solvants tels que le benzène, l’acétone, le
trichloroéthylène et le tétrachlorure de carbone. Certains tissus de propylène
résistent à toute une gamme de substances corrosives; ils sont utilisés pour les
vêtements de travail et de laboratoire.

En raison de leur légèreté, ces tissus synthétiques sont préférés aux lourds tissus
caoutchoutés ou plastifiés dont on aurait besoin pour obtenir le même niveau de
protection. Ils sont également beaucoup plus agréables à porter en ambiance chaude
et humide. Lorsqu’il s’agit de choisir des vêtements de protection en fibres
synthétiques, il faut d’abord en déterminer le nom générique et obtenir des
précisions sur leurs propriétés, par exemple le retrait, la photosensibilité, le
comportement en présence d’agents de nettoyage à sec et de détergents, la
résistance aux huiles, aux substances chimiques corrosives, aux solvants ordinaires
et à la chaleur et la propension du tissu à se charger d’électricité statique.

Les risques et leur prévention


Les accidents
Les sols et les passages devraient être maintenus propres et secs pour éviter les
glissades et les chutes (les cuves ne doivent présenter aucune fuite et, si
possible, être équipées de déflecteurs de protection contre les éclaboussures); les
machines, courroies, arbres de transmission et poulies devraient être
convenablement protégés. Les machines utilisées en filature pour filer, carder,
dévider et ourdir devraient être protégées par des carters pour empêcher que
certains de leurs éléments ne soient projetés et que les travailleurs
n’introduisent leurs mains dans les zones dangereuses. Des dispositifs de
verrouillage devraient empêcher la mise en marche intempestive des machines pendant
les opérations de nettoyage et de maintenance.

Les incendies et les explosions


De grandes quantités de substances toxiques ou inflammables sont utilisées dans
l’industrie des fibres synthétiques. Les substances inflammables devraient être
entreposées de préférence à l’air libre ou dans un local spécialement construit
pour résister au feu. Des remblais devraient être aménagés pour les empêcher de se
répandre en cas de fuite. Les risques associés à la manutention des fûts et autres
récipients pourront être réduits si l’alimentation en substances toxiques est
automatisée et se fait par un système bien entretenu de pompes et de conduites. Des
vêtements de protection et des équipements de lutte contre l’incendie devraient
être mis à la disposition des travailleurs et ceux-ci devraient être convenablement
entraînés à leur utilisation grâce à des exercices pratiques périodiques, menés de
préférence en collaboration avec les autorités locales de lutte contre l’incendie
ou sous leur contrôle.

Dans le filage par voie sèche, lorsque les filaments émergent des filières pour
être séchés à l’air, les solvants s’évaporent en grandes quantités. Les vapeurs
dégagées présentent un grave risque d’explosion et d’intoxication et devraient être
évacuées par aspiration. Leur concentration devrait être surveillée et maintenue
au-dessous des limites d’explosion du solvant. Les vapeurs peuvent être distillées
et récupérées pour être réutilisées ou brûlées, mais il ne faut en aucun cas les
laisser s’échapper dans l’atmosphère.

Lorsqu’on utilise des solvants inflammables, il devrait être interdit de fumer. Il


faut éviter les flammes nues et les étincelles. De plus, le matériel et les
installations électriques devraient être de construction antidéflagrante. Pour
éviter l’accumulation d’électricité statique qui pourrait donner lieu à des
étincelles dangereuses, les machines devraient être mises à la terre.

Les risques d’intoxication


Un système efficace de ventilation par aspiration localisée permet de maintenir les
concentrations de vapeur de solvants et de produits chimiques potentiellement
toxiques au-dessous de la limite admissible. Des masques de protection respiratoire
seront mis à la disposition du personnel chargé de la maintenance et des
réparations ainsi que des travailleurs chargés d’intervenir en cas de fuite ou
d’incendie.

LES PRODUITS EN FEUTRE NATUREL


Jerzy A. Sokal

Le feutre est une matière fibreuse obtenue en chauffant, humectant, malaxant, entre
autres procédés, des fibres de laine, des poils et de la fourrure, en vue de
constituer un tissu non tissé fortement aggloméré. Certains feutres sont
aiguilletés: leurs fibres sont fixées à un élément de fond lâchement tissé, ou
dossier, généralement fait de laine ou de jute.

La fabrication du feutre de chapellerie


Ce feutre, utilisé surtout pour la confection des chapeaux, est généralement obtenu
à partir de poils de rongeurs (lapins, lièvres, rats musqués, ragondins et castors)
et, parfois, de certains autres animaux. Après triage, les peaux sont sécrétées au
peroxyde d’hydrogène et à l’acide sulfurique, puis on procède à la coupe, au
durcissage et à la teinture des poils, habituellement réalisée avec des colorants
de synthèse (colorants acides ou contenant des composés métalliques complexes). Le
feutre teint est alors traité à la gomme-laque ou au polyacétate de vinyle pour
l’alourdir.

La fabrication du feutre de laine


Pour fabriquer ce feutre, on utilise des restes de laine ou une laine recyclée. Le
jute, provenant la plupart du temps de vieux sacs, est employé pour certains
feutres aiguilletés; on peut y ajouter d’autres fibres de coton ou de soie ou des
fibres synthétiques.

La laine est d’abord triée et sélectionnée. On sépare les fibres dans une
effilocheuse, cylindre garni de pointes qui tourne et déchire les fibres, puis on
les soumet au garnettage dans une machine dont les rouleaux et les cylindres sont
garnis de fils métalliques en dents de scie. Les fibres sont nettoyées par
carbonisation dans une solution d’acide sulfurique à 18%; après séchage à une
température de 100 °C, elles sont mélangées et, le cas échéant, enrobées d’huile
minérale contenant un émulsifiant. Après effilochage et cardage, opérations qui
mélangent encore les fibres et les disposent plus ou moins parallèlement les unes
aux autres, la matière est placée sur un transporteur en déposant des couches d’un
fin voile qui est renvidé sur des perches et forme des nappes. Ces nappes molles
sont dirigées vers le local de durcissement où elles sont aspergées d’eau et
comprimées entre deux lourdes plaques; la plaque supérieure vibre, provoquant la
frisure et l’adhérence des fibres.

Pour compléter le feutrage, le tissu est placé dans des cuves d’acide sulfurique
dilué et pilonné au moyen de lourds marteaux de bois. Il est ensuite lavé (avec
addition de tétrachloroéthylène), essoré et teint, généralement avec des colorants
de synthèse. On ajoute parfois des substances chimiques qui rendent le feutre
imputrescible. Les étapes finales comprennent le séchage (à 65 °C pour les feutres
mous, à 112 °C pour les feutres durs), le tondage, le sablage, le brossage, le
pressage et le rognage.

Les risques professionnels


Les accidents
Les machines servant à la fabrication du feutre ont des courroies de transmission,
des mécanismes d’entraînement à chaîne et pignons, des arbres moteurs, des
cylindres garnis de pointes et des rouleaux utilisés pour le garnettage et
l’effilochage, des presses, des rouleaux, des marteaux, etc. Ces parties devraient
être convenablement protégées et munies de systèmes de verrouillage pour éviter que
les travailleurs chargés de la maintenance ou du nettoyage ne puissent se blesser.
Une bonne tenue des locaux est également indispensable pour prévenir les glissades
et les chutes.

Le bruit
Les opérations sont souvent bruyantes; lorsque les encoffrements, les enceintes
acoustiques et un graissage convenable ne suffisent pas à maintenir le bruit à un
niveau satisfaisant, des casques protecteurs ou des bouchons d’oreille devraient
être fournis aux travailleurs. De nombreux pays imposent un programme de protection
de l’ouïe prévoyant des audiogrammes à intervalles réguliers.

La poussière
Les locaux de fabrication du feutre sont poussiéreux et malsains pour les personnes
présentant des troubles respiratoires chroniques. La poussière n’est heureusement
pas associée à des maladies spécifiques, mais une ventilation par extraction est
cependant nécessaire. Les poils des animaux peuvent provoquer des réactions
allergiques chez les sujets sensibles; l’asthme bronchique demeure exceptionnel. La
poussière comporte également un risque d’incendie.

Les produits chimiques


L’acide sulfurique utilisé dans la production du feutre est généralement dilué; il
faut néanmoins veiller à prendre toutes les précautions nécessaires au moment de la
dilution de l’acide concentré. Des flacons de rinçage oculaire en cas
d’éclaboussures ou de déversements devraient donc être placés à proximité et des
équipements de protection individuelle (lunettes, tabliers, gants et chaussures)
devraient être fournis aux travailleurs.

Le tannage de certains feutres de papeterie se fait parfois à base de quinone,


produit susceptible d’entraîner des lésions de la peau et des muqueuses. Les
poussières et les vapeurs de quinone peuvent provoquer des taches sur la
conjonctive et la cornée de l’œil et, en cas d’exposition prolongée ou répétée,
affecter la vision. La poudre de quinone doit être humidifiée pour éviter la
pulvérulence et ne devrait être manipulée que dans des chambres équipées d’un
dispositif de ventilation par aspiration localisée. Les mains, les bras, le visage
et les yeux des travailleurs devraient être protégés par des vêtements et des
accessoires adaptés.

La chaleur et les incendies


La température élevée de la matière (60 °C) nécessaire au formage manuel des
chapeaux impose le port de gants de protection des mains.

L’incendie est un risque courant aux premiers stades de la fabrication du feutre


quand l’empoussièrement est important. Il peut être provoqué par une allumette ou
une étincelle provenant d’objets métalliques laissés dans les déchets de laine, par
un palier de machine surchauffé ou par un court-circuit. Il peut également survenir
lors des opérations de finissage, lorsque des vapeurs de solvants inflammables
s’accumulent dans les fours de séchage. Etant donné qu’elle endommage le matériel
et corrode les équipements, l’eau est moins utilisée que les extincteurs à poudre
sèche pour éteindre les incendies. Les équipements modernes sont munis d’orifices
par lesquels la substance active peut être pulvérisée, ou d’un dispositif
d’émission automatique de dioxyde de carbone.

L’infection charbonneuse
Quelques cas de charbon ont été observés, bien que rarement, à la suite d’une
exposition à de la laine contaminée importée de régions dans lesquelles la maladie
est endémique.

LA TEINTURE, L’IMPRESSION ET LE FINISSAGE


J.M. Strother et A.K. Niyogi *

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de


l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

La teinture
La teinture résulte d’une combinaison chimique ou d’une puissante affinité physique
entre un colorant et une fibre textile. Divers colorants et procédés sont utilisés,
suivant le type de tissu et le produit fini désiré.

Les catégories de colorants


Pour la laine, la soie et le coton, on emploie des colorants acides ou basiques en
bain faiblement acide. Certains colorants acides sont appliqués après mordançage
des fibres à l’oxyde métallique, à l’acide tannique ou aux dichromates. Les
colorants directs , peu stables, sont employés pour teindre la laine, la rayonne et
le coton. La teinture se fait à une température voisine de l’ébullition. Pour
teindre le coton avec des colorants au soufre , on prépare un bain avec de la
teinture, du carbonate de sodium, du sulfure de sodium et de l’eau chaude. Cette
teinture se fait également à une température proche de l’ébullition. Pour teindre
le coton aux colorants azoïques , on dissout du naphtol dans une solution aqueuse
de soude caustique; le coton est imprégné de naphtoxyde de sodium avant d’être
traité par un composé de diazonium en solution qui fixe le colorant sur la matière
à teindre. Les colorants de cuve sont transformés en composés leuco par l’action de
l’hydroxyde de sodium et de l’hydrosulfite de sodium. La teinture s’effectue à une
température comprise entre 30 et 60 °C. Les colorants dispersables (ou
plastosolubles) servent à la teinture de toutes les fibres synthétiques qui
possèdent des propriétés hydrophobes. On accélère la vitesse de diffusion du
colorant dans la fibre au moyen d’adjuvants phénoliques appelés «transporteurs».
Les colorants minéraux sont généralement des sels de fer et de chrome. Après
l’imprégnation, leur précipitation est assurée par adjonction d’une solution
alcaline à chaud. Les colorants réactifs utilisés pour le coton sont appliqués en
bain chaud ou froid de carbonate de sodium et de sel de cuisine.

La préparation des tissus


Avant la teinture, les tissus de coton subissent une préparation en plusieurs
étapes successives. Le tissu passe d’abord dans une tondeuse qui coupe les fibres
faiblement adhérentes; pour parachever ce rasage, il circule rapidement au-dessus
d’une rampe de brûleurs à gaz (la flambeuse), les flammèches produites étant
éteintes par passage du tissu dans un bac à eau. Le désencollage, qui a pour objet
de débarrasser complètement le tissu des parements gélatineux, se fait par passage
du tissu dans une cuve à malter contenant une solution de diastase qui élimine
l’intégralité de l’encollage. Les autres impuretés sont éliminées par
débouillissage dans un autoclave où le coton subit une cuisson alcaline dans une
solution diluée de soude caustique, de carbonate de sodium ou d’huile de ricin
sulfatée (huile pour rouge turc) pendant huit à douze heures à haute température et
sous haute pression.

Pour les tissus teintés, l’opération se fait en cuve ouverte et sans soude
caustique. La coloration naturelle du tissu s’élimine dans la solution
d’hypochlorite des cuves de blanchiment, après quoi le tissu est aéré, lavé et
déchloré dans une solution de bisulfite de sodium, lavé de nouveau et dégraissé à
l’acide chlorhydrique ou sulfurique dilué. Après un dernier lessivage très poussé,
le tissu est prêt pour la teinture ou l’impression.

La teinture
La teinture proprement dite se fait au «jigger» ou au foulard, machines où le tissu
passe dans une solution colorante stationnaire, préparée par dissolution d’une
poudre de teinture dans un produit chimique approprié, suivie de dilution dans
l’eau. Après la teinture, le tissu subit un traitement de finissage.

La teinture du nylon
La préparation des fibres de polyamide (nylon) en vue de la teinture comporte un
lessivage, un dépôt et, dans certains cas, un blanchiment. Le traitement choisi
pour le lessivage du polyamide dépend principalement de la composition du parement.
Les parements hydrosolubles à base de poly(alcool vinylique) ou d’acide
polyacrylique s’éliminent par lessivage dans une liqueur composée de savon et
d’ammoniaque ou de Lissapol N, voire d’un autre détergent ou de carbonate de
sodium. Après lessivage et rinçage abondant, le tissu est prêt pour la teinture ou
l’impression qui se font généralement en machine (au «jigger» ou au foulard).

La teinture de la laine
On lessive d’abord la laine brute par un procédé émulsifiant dans lequel
interviennent le savon et le carbonate de sodium. L’opération se déroule dans une
laveuse, longue auge pourvue de racles, d’un double fond et, à la sortie, de
rouleaux exprimeurs. Après ce lavage, la laine subit un blanchiment au peroxyde
d’hydrogène ou au dioxyde de soufre (gaz sulfureux), auquel cas le produit humide
est abandonné toute une nuit à l’action du gaz. On neutralise ensuite le gaz acide
par passage du tissu dans un bain de carbonate de sodium en solution, suivi d’un
lessivage. Après teinture, le tissu est rincé, essoré et enfin séché.

Les risques et leur prévention


Les incendies et les explosions
Les risques d’incendie rencontrés dans un atelier de teinture sont liés aux
solvants inflammables utilisés dans certains procédés et à quelques colorants
particuliers, également inflammables. Pour ces deux types de substances, il faut
prévoir des installations de stockage sûres. Celles-ci devraient comprendre des
locaux bien conçus, construits en matériaux résistant au feu. Les locaux
d’entreposage des liquides inflammables devraient être pourvus de seuils surélevés
et inclinés aux embrasures des portes, afin que les fuites éventuelles de liquide
soient retenues à l’intérieur du local et qu’il ne puisse se répandre en des
endroits où il pourrait prendre feu. Ces locaux seront aménagés de préférence à
l’écart du bâtiment principal de l’entreprise. Si des quantités importantes de ces
produits sont conservées dans des réservoirs à l’extérieur des bâtiments, des
murets devraient être édifiés tout autour des réservoirs pour constituer une
cuvette de rétention capable de contenir les fuites éventuelles.

Des dispositions analogues devraient être prises lorsque le combustible gazeux qui
alimente les flambeuses provient d’une fraction légère de pétrole. L’installation
génératrice de gaz et les réservoirs de stockage de l’essence de pétrole volatile
devraient se trouver de préférence en dehors des bâtiments.

Les risques liés aux produits chimiques


Nombre de manufactures emploient pour le blanchiment des solutions d’hypochlorite;
d’autres effectuent cette opération au moyen de chlore gazeux ou d’une poudre à
blanchir qui libère du chlore lorsqu’on la charge dans un réservoir. Dans l’un et
l’autre cas, les travailleurs risquent d’être exposés à une atmosphère dangereuse
si des précautions ne sont pas prises. Le chlore irrite les yeux et la peau et,
surtout, le tissu pulmonaire, où il peut provoquer un œdème dont les symptômes
n’apparaissent pas immédiatement. Pour limiter le dégagement de chlore dans
l’atmosphère des locaux de travail, les cuves de blanchiment devraient être des
récipients clos, dont les évents laissent échapper un minimum de produit, afin que
les concentrations maximales admissibles ne soient pas dépassées; des dosages du
chlore dans l’air devraient être effectués périodiquement pour vérifier la
concentration.

Les vannes et autres dispositifs de commande du réservoir de chlore liquide qui


alimentent les ateliers de teinture devraient être surveillés par un opérateur
compétent, une fuite non maîtrisée pouvant avoir des conséquences désastreuses.
Lorsqu’il est nécessaire de pénétrer dans une enceinte ayant contenu du chlore ou
tout autre gaz ou vapeur dangereux, toutes les précautions applicables au travail
en espace confiné devraient être observées.

L’emploi d’alcalis et d’acides corrosifs ainsi que le débouillissage peuvent avoir


pour effet de brûler ou d’échauder le personnel. De grandes quantités d’acide
chlorhydrique et d’acide sulfurique sont utilisées dans les opérations de teinture.
La soude caustique est réservée pour le blanchiment, le mercerisage et la teinture.
Le dioxyde de soufre, employé pour le blanchiment, et le sulfure de carbone, mis en
œuvre comme solvant dans le procédé viscose, peuvent également polluer l’atmosphère
des locaux. Les hydrocarbures aromatiques comme le benzène, le toluène et le
xylène, les solvants naphta et les amines aromatiques telles que les colorants à
l’aniline sont des substances chimiques toxiques auxquelles les travailleurs
peuvent être exposés. Le dichlorobenzène est émulsifié dans l’eau, grâce à un agent
émulsifiant; il sert à teindre les fibres polyester. Un système de ventilation par
extraction est indispensable.

Maints colorants sont des irritants de la peau qui peuvent causer des dermatoses.
Les travailleurs sont souvent tentés de recourir à des mélanges dangereux
d’abrasifs, d’alcalis et d’agents de blanchiment pour enlever les taches de
teinture qu’ils portent aux mains.

Les solvants organiques qui interviennent dans les procédés de teinture ou qu’on
utilise pour nettoyer les machines peuvent aussi causer des dermatoses ou affaiblir
la résistance de la peau à l’action irritante d’autres substances dangereuses mises
en œuvre. Ils peuvent par ailleurs induire des atteintes du système nerveux
périphérique — c’est le cas, par exemple, du méthylbutylcétone (MBK). Certains
colorants se sont révélés cancérogènes, comme la rhodamine B, le magenta, la β-
naphtylamine, de même que certaines bases comme la dianisidine. L’emploi de β-
naphtylamine a généralement été abandonné dans les ateliers de teinture. Cette
question est examinée en détail ailleurs dans l’Encyclopédie.

En dehors des fibres et de leurs contaminants, des allergies peuvent être


provoquées par le parement et même par les enzymes utilisées pour l’éliminer.

Des moyens appropriés de protection individuelle, notamment de protection oculaire,


devraient être fournis au personnel pour le protéger des risques de contact avec
les nombreuses substances dangereuses auxquelles il est exposé. Il est parfois
possible d’employer des crèmes isolantes, mais on veillera à utiliser un produit
approprié qu’on puisse éliminer par lavage. Il est rare cependant que ce moyen
assure une fiabilité comparable à celle que confèrent des gants bien conçus. Les
vêtements de protection devraient être lavés à intervalles réguliers; ceux qui ont
été souillés par des projections ou autrement pollués par les colorants devraient
être remplacés au plus tôt. Des installations sanitaires, des douches ou des bains
devraient être mis à la disposition des travailleurs, qu’il conviendra d’inciter à
en faire usage. L’hygiène individuelle revêt une importance capitale dans cette
branche d’activité. Malheureusement, même dans l’hypothèse où toutes les mesures de
sécurité ont été prises, il arrive que des travailleurs se révèlent
particulièrement sensibles à l’action de certaines substances et doivent alors être
mutés à d’autres postes.

Les risques d’accidents


Des accidents graves par échaudure se sont produits lors de l’admission
accidentelle de liqueur bouillante dans un autoclave où un travailleur était occupé
à disposer le tissu à traiter. Un tel accident peut survenir suite à la manœuvre
intempestive d’une vanne, ou lorsqu’un autoclave situé en amont déverse la liqueur
bouillante dans une conduite commune d’évacuation qui, par un orifice resté ouvert,
la refoule dans le récipient occupé. Quand un travailleur se trouve à l’intérieur
d’un autoclave pour quelque raison que ce soit, les vannes d’admission devraient
être verrouillées en position de fermeture, et l’autoclave devrait être isolé des
autres récipients de la batterie. Si ce verrouillage est assuré par une clé, la
personne qui risquerait d’être la victime de l’admission accidentelle de liquide
bouillant dans le récipient devrait conserver cette clé sur elle jusqu’à ce qu’elle
quitte l’autoclave.

L’impression
L’impression s’effectue sur une machine à rouleaux. Le colorant ou le pigment est
épaissi à l’amidon ou émulsionné; si l’on utilise des pigments, cette émulsion est
préparée avec un solvant organique. La pâte ou l’émulsion obtenue est prélevée par
les rouleaux graveurs qui appliquent le motif sur le tissu, puis la couleur est
fixée dans une machine de polymérisation. Le tissu imprimé fait ensuite l’objet du
finissage approprié.

L’impression par voie humide


L’impression par voie humide ou au mouillé est effectuée selon des méthodes
semblables à celles que l’on utilise pour la teinture elle-même; c’est le cas pour
l’impression en cuve et l’impression réactive. Ces méthodes d’impression ne sont
employées que pour les tissus 100% coton et pour la rayonne. Les risques que ces
opérations présentent pour la santé sont identiques à ceux qui ont été exposés plus
haut.

L’impression à l’aide de pigments à base de solvants


Ces systèmes d’impression font appel à de grandes quantités de solvants, comme les
essences minérales servant dans le système d’épaississement. Les risques principaux
qu’ils présentent sont:

L’inflammabilité. Les systèmes d’épaississement contiennent jusqu’à 40% de solvants


et sont extrêmement inflammables. Ils devraient être entreposés avec soin dans des
locaux convenablement ventilés et les installations devraient être mises à la
terre. Lors du transport des produits, on prendra garde également d’éviter
l’apparition d’étincelles engendrées par l’électricité statique.
Les émissions dans l’atmosphère. Avec ces systèmes d’impression, des vapeurs de
solvants sont émises lors du séchage et de la polymérisation. La réglementation en
matière d’environnement indique généralement les niveaux admissibles d’émissions de
composés organiques volatils.
La vidange. Le système d’impression étant à base de solvants, la pâte d’impression
ne devrait pas être évacuée dans le système de traitement des eaux usées, mais sous
forme de déchet solide. Les sites de dépôt de ces déchets peuvent être à l’origine
de problèmes environnementaux du fait de la contamination du sol et des nappes
phréatiques; ils devraient recevoir par conséquent un revêtement imperméable.
L’impression à l’aide de pigments en solution aqueuse
Aucun des risques pour la santé engendrés par l’impression à l’aide de pigments à
base de solvants n’est provoqué par les techniques utilisant des pigments à l’eau.
Bien que l’on emploie quelques solvants, les quantités sont si faibles qu’elles
sont négligeables. La présence de formaldéhyde constitue le risque principal.

L’impression à l’aide de pigments nécessite l’utilisation d’un agent de liaison


chimique, qui favorise la fixation des pigments sur le tissu. Ces agents se
présentent sous forme de produits isolés (la mélamine, par exemple) ou de
composants d’autres substances chimiques comme les liants et les antimèches, ou se
trouvent dans les pigments eux-mêmes. Le formaldéhyde est indispensable à leur
action.

Le formaldéhyde est un sensibilisateur et un irritant qui peut produire des


réactions parfois violentes chez les travailleurs qui y sont exposés, lorsqu’ils
inhalent l’air ambiant à proximité de la machine d’impression en marche ou qu’ils
entrent en contact avec le tissu imprimé. Les réactions vont d’une légère
irritation des yeux à de graves troubles respiratoires, en passant par des lésions
cutanées. S’il a été établi que le formaldéhyde est cancérogène chez la souris, il
n’a pas jusqu’ici été associé de façon concluante à l’apparition de cancers chez
l’être humain. Il est classé dans la catégorie 2A, «Probablement cancérogène pour
l’être humain», par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).

Pour protéger l’environnement local, les rejets de formaldéhyde dans l’atmosphère


devraient être contrôlés pour s’assurer que les niveaux ne dépassent pas ceux qui
sont autorisés par la réglementation en vigueur.

L’ammoniaque constitue un autre risque potentiel. La pâte d’impression étant


sensible au pH, on utilise souvent de l’ammoniaque pour l’épaissir. On devrait
manipuler ce produit dans un local bien ventilé et porter un masque respiratoire si
besoin est.

Les teintures et les pigments employés pour l’impression des tissus se présentant
généralement sous forme liquide, il n’y a pas de risque d’exposition à la poussière
comme c’est le cas dans les opérations de teinture.
Le finissage
Le finissage est un terme qui s’applique à toute une gamme de traitements
généralement effectués au cours de l’opération précédant la fabrication. Toutefois,
certaines opérations de finissage peuvent également être réalisées après la
fabrication.

Le finissage mécanique
Ce type de finissage comprend des procédés qui modifient la texture ou l’apparence
d’un tissu sans faire appel à des produits chimiques; on peut citer:

Le sanforisage. Ce procédé a pour effet de rendre le tissu irrétrécissable et doux


au toucher. Le tissu est tendu sur un petit cylindre chauffé à la vapeur, pressé
étroitement par un sabot sur un tapis de caoutchouc, puis passé sur un gros
cylindre.
Le calandrage. Dans ce procédé, qui a pour effet de modifier le toucher et
l’apparence du tissu, on fait passer celui-ci entre de grands rouleaux d’acier en
lui appliquant une pression très élevée. Ces rouleaux peuvent être chauffés à la
vapeur ou au gaz jusqu’à 232 °C.
Le sablage. Dans ce procédé, qui a pour effet de modifier la surface du tissu et de
le rendre plus doux au toucher, on fait passer le tissu sur des rouleaux recouverts
de sable.
Le gaufrage. Dans ce procédé, le tissu passe entre des cylindres d’acier chauffés
dont le motif gravé viendra s’imprimer de façon définitive sur le tissu.
Le thermofixage. Dans ce procédé, qui a pour effet de rendre le tissu
irrétrécissable, le tissu synthétique, généralement du polyester, passe dans une
rame élargisseuse ou une machine de thermofixage par semi-contact, à des
températures suffisantes pour provoquer un début de fonte des molécules du tissu.
Le brossage. Dans ce procédé, qui a pour effet de modifier l’apparence et le
toucher du tissu, on fait passer celui-ci entre des brosses rotatives tournant à
grande vitesse.
Le suédage. Dans ce procédé, qui a pour effet de modifier l’apparence et le toucher
du tissu, on fait passer celui-ci entre un cylindre d’acier de petite taille et un
cylindre de grande taille recouvert de papier de verre.
Les risques associés à ces opérations proviennent principalement de la chaleur, des
très hautes températures utilisées et des zones de pincement des parties mobiles de
la machine. Il faut veiller à équiper cette dernière de carters de protection ou
installer des garde-corps pour éviter les accidents.

Le finissage chimique
Le finissage chimique est effectué au moyen de divers équipements (foulards,
«jiggers», machines de teinture par jet, auges, barres de pulvérisation,
autoclaves, machines de teinture à palette, rouleaux de transfert par enduction et
bains moussants).

Il est un type de finissage chimique qui n’implique aucune réaction chimique: il


s’agit de l’application d’un agent adoucissant qui a pour effet de modifier le
toucher et la texture du tissu ou de le rendre plus facile à coudre. Cette
opération ne présente aucun risque particulier en dehors d’une éventuelle
irritation de contact au niveau de la peau ou des yeux; le port de gants et de
protections oculaires permet d’éviter ce problème.

Un autre type de finissage chimique implique en revanche une réaction chimique: il


s’agit du finissage du coton à la résine qui permet d’obtenir les propriétés
physiques souhaitées, un faible rétrécissement et une apparence satinée. Pour le
coton, par exemple, une résine de diméthylol-dihydroxyéthylèneurée (DMDHEU)
catalyse la formation d’une liaison avec les molécules du tissu, ce qui a pour
effet de le modifier définitivement. Le risque principal que présente ce type de
finissage est le dégagement de formaldéhyde au moment de la réaction.
Conclusion
Comme dans les autres secteurs de l’industrie textile, les opérations de teinture,
d’impression et de finissage se déroulent soit dans des établissements anciens,
souvent de petite taille, dans lesquels la sécurité et la santé des travailleurs
sont fréquemment négligées, voire ignorées, soit dans des établissements plus
récents, de plus grande taille, dans lesquels la technologie est en évolution
constante et la maîtrise des risques est, dans la mesure du possible, intégrée dès
la conception des installations. En plus des risques spécifiques mentionnés plus
haut, des problèmes surviennent fréquemment, liés à l’éclairage, au bruit, à une
protection insuffisante des machines, au soulèvement et au port d’objets lourds ou
volumineux, etc. Un programme de prévention bien conçu et mis en œuvre, intégrant
une solide formation et une surveillance efficace des travailleurs, est dès lors
indispensable.

LES TISSUS NON TISSÉS


William A. Blackburn et Subhash K. Batra

Les tissus en textiles non tissés ont fait une première apparition à la fin des
années quarante. Ils se sont développés dans les années cinquante et ont été
commercialisés dans les années soixante. Au cours des trente-cinq années qui ont
suivi, le secteur des non-tissés a atteint sa maturité et a trouvé des marchés soit
en offrant un bon rapport qualité-prix en lieu et place des textiles traditionnels,
soit en proposant des produits mis au point pour des utilisations spécifiques. Ce
secteur a mieux absorbé les récessions que les textiles traditionnels et a connu
une croissance plus rapide. Les risques professionnels sont les mêmes que dans les
autres secteurs de l’industrie textile (bruit, fibres en suspension dans l’air,
produits chimiques utilisés pour le collage des fibres, sécurité des surfaces de
travail, zones de pincement, brûlures par exposition à la chaleur, lésions
dorsales, etc.).

La sécurité est généralement satisfaisante dans ce secteur et le nombre d’accidents


par unité de production y reste limité. L’industrie a su relever les défis
présentés par la réglementation relative à la propreté de l’air et de l’eau. Aux
Etats-Unis, l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational
Safety and Health Administration (OSHA)) a promulgué plusieurs règlements qui
imposent une formation à la sécurité et des procédés de fabrication qui ont
considérablement amélioré la protection des travailleurs. Dans le monde entier, les
établissements conscients de leur responsabilité adoptent petit à petit des
pratiques du même genre.

Les matières premières utilisées par cette industrie sont généralement les mêmes
que celles qui sont employées dans l’industrie textile traditionnelle et atteignent
chaque année près de 1 million de tonnes. Les fibres naturelles dont on se sert
sont principalement le coton et la pâte de bois. Quant aux fibres manufacturées, ce
sont la rayonne, les polyoléfines (polyéthylène et polypropylène), les polyesters
et, en quantités plus limitées, les nylons, les acryliques, les aramides, etc.

Au début de la croissance du secteur des non-tissés, on dénombrait une dizaine de


procédés de fabrication: non-tissés encollés au filage (ou filés-liés), non-tissés
de fusion-soufflage, voile et mélanges obtenus par voie pneumatique, non-tissés
obtenus par voie humide ou par voie sèche (liés par aiguilletage, liaison thermique
ou liaison chimique), non-tissés obtenus par couture-tricotage, etc. Aux Etats-
Unis, de nombreux marchés spécifiques sont saturés pour les non-tissés et de
nouveaux débouchés sont recherchés, notamment dans l’important secteur des
composites. Des non-tissés laminés sous forme de fines pellicules et autres
revêtements ouvrent de nouvelles perspectives. L’entreposage des rouleaux de non-
tissés est actuellement très surveillé du fait de l’inflammabilité de certains
produits de densité très faible que leurs grandes surfaces exposent
particulièrement à ce risque; on considère à cet égard que les rouleaux dont le
rapport volume/poids est supérieur à une certaine valeur posent problème.

Les matières premières


Les fibres cellulosiques
Le volume de coton blanchi entrant dans la fabrication des non-tissés est en
augmentation constante, tandis que les mélanges coton-polyester et rayonne-
polyester dans les non-tissés aiguilletés par jet d’eau connaissent un grand succès
dans les applications médicales et l’hygiène féminine. On commence à utiliser du
coton non blanchi dans la fabrication des non-tissés, et des tissus expérimentaux
très intéressants ont été obtenus par le procédé d’aiguilletage par jet d’eau.

Inquiets des répercussions écologiques des sous-produits de la fabrication, les


défenseurs de l’environnement se sont élevés contre la fabrication de rayonne. Aux
Etats-Unis, certains fabricants de rayonne ont préféré abandonner ce créneau plutôt
que de faire face aux frais élevés qu’entraînerait l’observation des normes
imposées en matière de pureté de l’eau et de l’air. Les entreprises qui ont choisi
de se conformer à ces exigences semblent ne plus rencontrer de problèmes après
modification de leurs procédés.

Les fibres en pâte de bois constituent l’un des principaux composants des couches
jetables, des protections pour incontinence et autres tissus absorbants. On utilise
des fibres de bois dur et de papier kraft. Dans les seuls Etats-Unis, on emploie
chaque année plus de 1 million de tonnes de pâte de bois. Une petite partie est
utilisée pour les non-tissés obtenus par voie pneumatique. Les produits servent
souvent à fabriquer des serviettes, pour des applications qui vont de la cuisine
aux sports.

Les fibres synthétiques


Les deux fibres polyoléfines les plus populaires sont le polyéthylène et le
polypropylène. Ces polymères sont transformés en fibres coupées qui sont ensuite
transformées en tissus non tissés, ou en nappes de monofils obtenues par liage,
c’est-à-dire par extrusion des polymères pour former des filaments réunis en voiles
et liés par traitement thermique. Certains des tissus ainsi obtenus servent à
fabriquer des vêtements de protection. En 1995, plus de 400 millions de bleus de
travail avaient été fabriqués à partir d’un tissu de polyéthylène très apprécié
obtenu par liage.

Aux Etats-Unis, l’utilisation la plus importante d’un non-tissé (environ 10 000 km2
par an) concerne le voile supérieur des couches jetables. C’est ce voile qui entre
en contact avec la peau du bébé et l’isole des autres composants de la couche. Des
tissus obtenus à partir de ces fibres sont également utilisés pour des produits
durables et pour certaines applications géotextiles dans lesquelles ils sont
supposés durer indéfiniment. Ces tissus sont toutefois dégradés par les
ultraviolets ou par certains autres types de rayonnements.

Les fibres thermoplastiques obtenues à partir de polymères et de copolymères


polyester sont très employées pour la fabrication des non-tissés dans les procédés
de fibres coupées et de liage à la filature. On estime à plus de 250 000 tonnes les
quantités totales de polymères polyester et polyoléfine utilisées chaque année aux
Etats-Unis pour fabriquer les non-tissés. Des mélanges de fibres polyester et de
pâte de bois obtenus par voie humide, aiguilletés par jet d’eau puis recouverts
d’un revêtement imperméable, sont d’usage courant pour les blouses et les draps
dont on se sert dans les blocs opératoires. En 1995, aux Etats-Unis seulement,
l’utilisation de non-tissés jetables à usage médical a dépassé 2 000 km2 par an.

Les fibres de nylon ne sont utilisées que modérément sous forme de fibres coupées
et assez peu dans les non-tissés encollés au filage (ou filés-liés). Les
principales applications des non-tissés encollés au filage sont le renforcement des
dossiers de moquettes et la fabrication des filtres en laine de verre. Ces tissus
confèrent une surface de faible friction aux dossiers, ce qui facilite la pose des
moquettes. Dans les filtres en laine de verre, le tissu permet de retenir les
fibres de verre dans le filtre et les empêche de pénétrer dans l’air filtré.
D’autres non-tissés particuliers, comme les aramides, trouvent des applications
dans des créneaux du marché dans lesquels leurs propriétés, comme une très faible
inflammabilité, par exemple, en rendent l’usage intéressant. Certains de ces non-
tissés sont aussi mis en œuvre dans l’industrie de l’ameublement pour diminuer
l’inflammabilité des canapés et des fauteuils.

Les procédés non tissés par liage et par fusion-soufflage


Dans ces procédés, des polymères synthétiques appropriés sont fondus, filtrés,
extrudés, étirés, chargés d’électricité électrostatique, disposés en voiles, liés
et enroulés. Il convient d’observer pour ces opérations les mesures de sécurité qui
s’appliquent normalement à l’utilisation des machines à extruder, des filtres, des
filières et des cylindres chauffés pour le liage.

Les travailleurs devraient se protéger les yeux et éviter de porter des vêtements
amples, des cravates, des bagues ou autres bijoux qui pourraient être happés par
les parties mobiles des machines. Ces procédés font presque toujours appel à
d’importants volumes d’air; aussi, des précautions particulières devraient être
prises pour éviter toute situation susceptible de favoriser les incendies; les
gaines d’aération devraient être dégagées, car il serait difficile d’y éteindre un
début d’incendie. Il importe en outre de s’assurer que les sols ne présentent pas
de risques de trébuchement ou de glissade.

Dans les procédés par liage, les installations devraient être nettoyées et tout
résidu de polymère éliminé par brûlage. Des fours très chauds sont généralement
utilisés à cette fin et les pièces nettoyées y sont entreposées. Une protection
adéquate est nécessaire tout au long de ces opérations, à commencer par le port de
gants résistants à la chaleur, la fourniture d’autres équipements de protection
thermique et la mise en service d’une ventilation assez puissante pour limiter la
chaleur et les fumées.

Les procédés par liage sont avantageux d’un point de vue économique, notamment
parce qu’ils sont relativement rapides et que l’on peut changer les bobines
enrouleuses sans interrompre les opérations. L’utilisation d’engins bien conçus
pour changer les rouleaux et une bonne formation du personnel devraient offrir une
marge de sécurité satisfaisante pendant cette opération.

Les procédés par voie sèche


Les règles de sécurité applicables aux procédés comportant des opérations comme
ouvrir les balles de fibres, mélanger les fibres pour alimenter uniformément une
machine à carder, carder pour former des voiles et croiser des voiles pour leur
conférer une résistance optimale dans toutes les directions, puis en assurer le
transfert pour liage, valent aussi pour les procédés textiles traditionnels. Toutes
les parties de machine dangereuses dans lesquelles les mains des travailleurs
pourraient être happées et, notamment, les angles rentrants des cylindres,
devraient être protégées. Certains procédés par voie sèche produisent des quantités
limitées de fibres en suspension dans l’air; les travailleurs devraient donc
disposer d’équipements de protection respiratoire appropriés.

Si les voiles formés doivent faire l’objet d’un liage à chaud, une petite quantité
(10% du poids environ) d’une fibre ou d’une poudre fondant à basse température sera
généralement ajoutée au voile. Cette substance est fondue par passage dans un four
à air chaud ou par exposition à des cylindres chauffés, puis refroidie pour obtenir
le liage du tissu. Dans ce cas, des équipements de protection thermique devraient
être mis à la disposition des travailleurs. Aux Etats-Unis, on produit chaque année
100 000 tonnes de non-tissés dont le liage se fait à chaud.
Si les voiles sont liés par aiguilletage, on utilise un métier à aiguilles. La
rangée d’aiguilles traverse le voile; les aiguilles accrochent les fibres de
surface, les font passer du dessus au dessous du tissu, puis relâchent les fibres
pendant leur course de retour. Le nombre de pénétrations par unité de surface est
parfois limité, parfois très important, comme c’est le cas pour le feutre
aiguilleté. On peut faire appel à un métier pour aiguilleter à partir du dessus et
du dessous du voile. Les aiguilles cassées seront remplacées. Les métiers devraient
être verrouillés pour éviter les accidents pendant ces opérations de maintenance.
Comme pour le cardage, ces procédés produisent parfois des fibres courtes; il est
donc recommandé d’installer une bonne ventilation et de mettre à disposition des
masques respiratoires. De plus, les yeux devraient être protégés des projections de
morceaux d’aiguilles cassées. Aux Etats-Unis, on produit chaque année 100 000
tonnes de non-tissés aiguilletés.

Si les voiles sont liés chimiquement, le procédé consiste généralement à pulvériser


l’adhésif sur une face du voile, puis à faire passer celui-ci dans une zone de
polymérisation, généralement un four ouvert. On inverse ensuite le sens du voile,
on applique à nouveau l’adhésif, et le voile repasse dans le four. Un troisième
passage dans le four est parfois nécessaire pour achever la polymérisation. Les gaz
libérés doivent naturellement être évacués et il faut recueillir et évacuer tous
les effluents toxiques (aux Etats-Unis, ces mesures sont imposées en vertu de
diverses réglementations de l’Etat fédéral ou des Etats sur la pureté de l’air). En
ce qui concerne la liaison chimique par adhésif, l’opinion internationale s’est
émue du rejet de formaldéhyde dans l’atmosphère et une réduction des émanations a
été demandée. L’Agence américaine de protection de l’environnement (Environmental
Protection Agency (EPA)) a abaissé les limites autorisées de formaldéhyde dégagé,
qui ne sont plus désormais que le dixième de ce qu’elles étaient auparavant. On
craint que ces nouvelles limites ne posent des problèmes aux laboratoires chargés
des mesurages. L’industrie des adhésifs a réagi en proposant de nouveaux liants ne
contenant pas de formaldéhyde.

Le procédé par voie pneumatique ou «air-laid»


Il existe un problème de terminologie en ce qui concerne les non-tissés obtenus par
voie pneumatique («air-laid»). L’une des variantes des procédés de cardage comprend
une cardeuse présentant une section qui distribue au hasard les fibres traitées
dans un courant d’air. Ce procédé est souvent appelé «procédé non-tissé air-laid».
Un autre procédé bien différent, également dénommé «air-laid», consiste à disperser
les fibres dans un courant d’air et à diriger les fibres en suspension vers un
dispositif qui les dépose sur un tapis roulant. Le voile formé est alors lié par
pulvérisation et polymérisé. Ce procédé de dépôt peut être répété avec différents
types de fibres afin d’obtenir des non-tissés présentant des couches de diverses
composition. Dans ce cas, les fibres utilisées peuvent être très courtes et il
convient de prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter l’inhalation de
celles qui sont en suspension dans l’air.

Le procédé par voie humide (au mouillé)


Le procédé non-tissé par voie humide emprunte la technologie mise au point pour la
fabrication du papier et consiste à former des voiles à partir de fibres dispersées
dans l’eau. L’opération est favorisée par des agents de dispersion qui permettent
d’éviter la formation de tas de fibres hétérogènes. La dispersion de fibres est
filtrée sur des tapis roulants et essorée par pressage entre des éléments en
feutre. Au cours de l’opération, on ajoute souvent un liant qui assure le liage du
voile pendant le séchage. Une autre méthode, plus récente, consiste à effectuer le
liage par aiguilletage sous jet d’eau à haute pression. Le séchage constitue
l’étape finale; il peut comporter des opérations d’adoucissement du tissu par
microcrêpage ou par toute autre technique du même genre. Ce procédé ne comporte,
semble-t-il, aucun risque majeur.

Le procédé par couture-tricotage


Ce procédé est bien souvent exclu de la définition des non-tissés, car il fait
parfois appel à des fils pour coudre les voiles afin de former des tissus.
Certaines définitions des non-tissés excluent en effet tous les tissus qui
contiennent des «fils». Dans ce procédé, le voile passe dans une machine classique
de piqûre et l’on obtient des structures présentant un grand nombre de
combinaisons, dont celles qui utilisent des fils élastiques permettant de produire
des tissus stretch. Ici encore, le procédé ne semble comporter aucun risque majeur.

Le finissage
Les traitements de surface des non-tissés comprennent l’application de retardateurs
d’ignition, d’agents hydrofuges, d’adoucissants, d’antibactériens, de
thermofusibles, de lubrifiants, etc., ainsi que les traitements antistatiques. Ces
traitements de surface des non-tissés sont appliqués, selon le procédé et le type
de traitement, soit en ligne en cours de procédé, soit après la fabrication. Le
plus souvent, les traitements antistatiques sont appliqués en ligne, de même que
les traitements de surface comme l’effet corona. Les traitements tels que les
retardateurs d’ignition et les agents hydrofuges, par contre, sont le plus souvent
appliqués ultérieurement. Parmi les traitements spécifiques, on peut noter
l’exposition des voiles à un plasma de haute densité qui a pour effet d’influencer
la polarité des tissus et d’améliorer leurs performances dans les applications de
filtrage. La sécurité de ces procédés chimiques et physiques est différente pour
chaque application et doit être étudiée dans chaque cas.

LE TISSAGE ET LE TRICOTAGE
Charles Crocker

Le tissage et le tricotage sont les deux principaux procédés de fabrication des


tissus. Ils s’effectuent aujourd’hui sur des machines automatiques entraînées par
des moteurs électriques. Les tissus obtenus sont destinés à toute une gamme
d’utilisations: vêtements, ameublement, applications industrielles, etc.

Le tissage
Le tissage consiste à entrelacer des fils tendus perpendiculairement les uns aux
autres. C’est la plus ancienne méthode de fabrication des tissus; des métiers
manuels étaient déjà utilisés dans la préhistoire. Le concept fondamental
d’entrecroisement n’a pas changé: les fils de chaîne sont disposés sur un rouleau
de grande taille appelé ensouple dérouleuse, monté à l’arrière de la machine.
L’extrémité des fils de chaîne est enfilée dans un harnais qui permet de lever ou
de baisser les fils de chaîne pour livrer passage à la navette. Le tissage le plus
simple demande deux harnais, mais on utilise parfois jusqu’à six harnais pour des
armures plus compliquées. Les métiers Jacquard sont employés pour fabriquer les
tissus aux motifs les plus décoratifs, et certains dispositifs permettent de tirer
ou de relâcher séparément chaque fil de chaîne. On enfile alors chaque extrémité de
fil sur un peigne (ou ros) aux dents métalliques parallèles et très rapprochées,
porté par la chasse ou battant du métier à tisser. Ce battant est conçu pour se
déplacer en formant un arc autour d’un point d’ancrage central. Les extrémités du
fil de chaîne sont attachées à la bobine enrouleuse, et le tissu vient s’y envider.

La plus ancienne méthode permettant de passer le fil de trame sur toute la largeur
des fils de chaîne est la navette, qui est propulsée librement d’un bord à l’autre
du métier et dévide le fil de trame placé sur une petite bobine qui se trouve à
l’intérieur. Une technique récente et plus rapide, illustrée à figure 89.9, appelée
tissage sans navette, fait appel soit à un jet fluide (air ou eau), soit à de
petits projectiles glissant sur une tringle mobile, soit encore à de petits
dispositifs en forme d’épée appelés lances ou rapières pour transférer le fil de
trame.

Figure 89.9 Machines à tisser à jet d'air


Figure 89.9
Le personnel employé dans ce secteur d’activité occupe généralement quatre types de
fonctions:

Les opérateurs de machines, appelés tisserands, qui parcourent la zone de


production dont ils sont responsables et qui contrôlent les opérations de
production, corrigent certains dysfonctionnements, par exemple en cas de rupture de
fils, et relancent les machines qui se sont arrêtées.
Les mécaniciens qui montent, règlent et réparent les machines à tisser.
Les manutentionnaires qui transportent et chargent les matières premières (fils de
chaîne et de trame) sur les métiers à tisser et récupèrent et déplacent les
produits finis (rouleaux de tissu).
Les travailleurs chargés du nettoyage, du graissage des machines, de la
maintenance, etc.
Les risques d’accidents
Le tissage ne présente que des risques limités pour la sécurité des travailleurs.
Il en existe pourtant un certain nombre qui appellent des mesures appropriées.

Les chutes
Les sols encombrés (pièces de machines, etc.) ou glissants (flaques d’huile, de
graisse ou d’eau) peuvent provoquer des chutes. Le maintien de l’ordre et de la
propreté revêt une importance particulière dans les ateliers de tissage: un grand
nombre de travailleurs de production passent la plus grande partie de leur journée
à parcourir leur lieu de travail, en gardant les yeux fixés sur les opérations en
cours et sans voir les objets qui peuvent se trouver sur le sol.

Les machines
Les dispositifs de transmission et la plupart des autres points de pincement sont
généralement protégés. En revanche, le ros, les harnais et d’autres parties des
machines auxquelles les tisserands doivent souvent accéder ne le sont que
partiellement. Un espace de travail et de passage suffisant devrait être aménagé
autour des machines; l’observation de bonnes pratiques de travail peut, en outre,
aider les travailleurs à éviter les risques qu’entraîne la marche des installations
de production. Dans le tissage à navette, des capots de protection montés sur le
ros permettent d’éviter que la navette ne soit éjectée ou de la rabattre en lui
conférant une trajectoire descendante. Le verrouillage, le blocage mécanique, etc.,
sont également nécessaires pour empêcher une mise en marche intempestive lorsqu’un
mécanicien ou d’autres travailleurs interviennent sur des machines à l’arrêt.

Les manutentions
Celles-ci comprennent le soulèvement et le déplacement de lourds cylindres d’appel,
d’ensouples d’enroulement, d’ensouples dérouleuses, etc. Des chariots à bras aident
à décharger, à faire la levée des petits rouleaux de tissu et à les transporter et
limitent le risque de lésions musculaires. Des chariots électriques sont parfois
utilisés pour procéder au levage des grands rouleaux de tissu placés à l’avant de
la machine. Des chariots hydrauliques, à commande mécanique ou manuelle, permettent
de déplacer des ensouples dérouleuses qui peuvent peser plusieurs centaines de
kilogrammes. Les manutentionnaires devraient porter des chaussures de sécurité.

Les incendies et les combustions


Le tissage génère une quantité considérable de peluche, de poussières et de fibres
en suspension qui peuvent présenter des risques d’incendie si les fibres sont
combustibles. Parmi les mesures préventives, on peut mentionner des systèmes
permettant de recueillir la poussière (placés sous les machines dans les
installations modernes), un nettoyage régulier des machines par le personnel de
service et l’utilisation de matériel électrique conçu pour éviter les étincelles
(par exemple, classe III, division 1, emplacements dangereux).

Les risques pour la santé


Dans les ateliers de tissage modernes, les risques pour la santé se limitent
généralement aux pertes auditives induites par le bruit et aux affections
respiratoires liées à certains types de fibres utilisés dans les fils.

Le bruit
La plupart des métiers à tisser, souvent nombreux dans un atelier de production
classique, produisent des niveaux de bruit généralement supérieurs à 90 dBA. Dans
certains ateliers de tissage à navette ou de tissage extrêmement rapide sans
navette, ces niveaux peuvent même dépasser 100 dBA. La plupart du temps, les
travailleurs occupés dans ce secteur d’activité devraient porter des appareils de
protection de l’ouïe appropriés et être soumis à un programme de surveillance de
leur acuité auditive.

Les poussières de fibres


Des affections pulmonaires (byssinose) ont longtemps été associées aux poussières
engendrées par le traitement du coton brut et des fibres de lin; elles sont
examinées plus loin dans le présent chapitre ainsi que dans le chapitre no 10,
«L’appareil respiratoire», de l’Encyclopédie . Dans les installations modernes, des
systèmes de nettoyage par ventilation et filtration d’air, avec des points de
collecte des poussières situés au-dessous des machines à tisser et en d’autres
points des ateliers de tissage, permettent généralement de maintenir les
concentrations de poussières à un niveau inférieur aux limites admissibles, c’est-
à-dire 750 µg/m3 d’air dans le cas de la norme de l’Administration de la sécurité
et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA))
relative aux poussières de coton. De plus, une protection respiratoire devrait être
utilisée lors des opérations de nettoyage. Un suivi médical devrait permettre
d’identifier les travailleurs particulièrement sensibles aux effets de ces
poussières.

Le tricotage mécanique *
* Les articles tricotés à la main constituent un important secteur artisanal. Les
données relatives aux effectifs des travailleurs occupés, en général des femmes,
sont notoirement insuffisantes. Le lecteur est renvoyé au chapitre no 96, «Les
arts, les loisirs et les spectacles», pour un apreçu des risques pour la santé que
cette activité fait encourir.

Le procédé de tricotage mécanique consiste à entrelacer des mailles de fil sur des
machines automatiques (voir figure 89.10). Ces machines se composent de rangées de
petites aiguilles à crochets permettant de faire passer les mailles nouvellement
formées à travers des mailles déjà formées. Les aiguilles à crochets présentent un
enclenchement original qui verrouille le crochet, ce qui permet de tirer facilement
la maille, puis s’ouvre pour permettre à la maille de descendre. Sur les
tricoteuses mécaniques circulaires, les aiguilles sont disposées en cercle, et le
tricot produit sort de la machine sous forme tubulaire et s’enroule autour d’une
envideuse. Les métiers à tricoter rectilignes et les métiers à chaîne, quant à eux,
présentent une rangée rectiligne d’aiguilles; le tricot sort à plat de la machine
et vient s’enrouler sur la bobine envideuse. Les métiers à tricoter circulaires et
les métiers à tricoter rectilignes sont généralement alimentés par des cônes de
fil, tandis que les métiers à chaîne le sont par des ensouples semblables à celles
utilisées dans le tissage, mais de plus petite taille.

Figure 89.10 Tricoteuse mécanique circulaire


Figure 89.10

Dans ce secteur d’activité, les travailleurs peuvent occuper le même type de


fonctions que dans le tissage. Le nom donné à ces fonctions correspond à celui de
la tâche qu’ils exécutent.

Les risques d’accidents


Dans les ateliers de tricotage, les risques d’accidents sont semblables à ceux des
ateliers de tissage, mais généralement moindres. Les taches d’huile sur le sol sont
cependant plutôt fréquentes dans les ateliers de tricotage, en raison du graissage
fréquent des aiguilles. Les risques de se faire happer par une machine sont, par
contre, moins importants, car il n’existe pas autant de points de pincement sur ces
machines que sur les métiers à tisser et qu’une grande partie des machines se
prêtent à l’encoffrage. Des dispositifs de verrouillage de l’alimentation
électrique sont indispensables.

Manœuvrer l’enrouleur du tissu présente malgré tout un risque d’entorse ou de


foulure pour l’opérateur, qui ne rencontre cependant pas les mêmes risques que le
travailleur appelé à manœuvrer les lourdes ensouples, sauf dans les métiers à
chaîne. Les mesures de prévention sont identiques à celles qui sont préconisées
pour le tissage. Les concentrations de peluches, de fibres en suspension et de
poussières produites par les tricoteuses sont loin d’atteindre celles du tissage,
mais il convient de surveiller les niveaux d’huile et d’essence des machines. Les
mesures de sécurité sont les mêmes que dans les ateliers de tissage.

Les risques pour la santé


Les risques pour la santé sont aussi généralement moindres dans ce secteur que dans
les ateliers de tissage. Les niveaux sonores vont en général de 85 à 95 dBA. Les
affections respiratoires ne semblent pas très fréquentes chez les travailleurs qui
traitent le coton brut et le lin, et les normes imposées pour ces matières
premières ne s’appliquent souvent pas au tricotage.

LES TAPIS MÉCANIQUES


The Carpet and Rug Institute

Les tapis tissés ou noués à la main sont apparus en Perse plusieurs siècles avant
J.-C. Aux Etats-Unis, la première manufacture de tapis tissés a été construite à
Philadelphie en 1791. En 1839, l’industrie s’est complètement transformée
lorsqu’une force motrice fut, pour la première fois, appliquée au tissage des tapis
par Erastus Bigelow. Dans les ateliers modernes, la plupart des tapis se font à la
machine, en utilisant l’un ou l’autre des deux procédés de confection mécanique, le
tuftage et le tissage.

Les tapis tuftés ou touffetés sont aujourd’hui les plus répandus. Aux Etats-Unis,
par exemple, près de 96% des tapis produits sont tuftés, procédé emprunté à la
manufacture de dessus de lit tuftés située en Géorgie. Les tapis tuftés sont
confectionnés en faisant passer une fibre de poil dans un dossier prétissé
(généralement en polypropylène), puis en y fixant un second dossier présentant un
enduit à base de latex qui maintient les fils en place et réunit les deux dossiers
pour rendre le tapis plus stable.

La confection du tapis
Le tuftage mécanique
La machine à tufter comprend des centaines d’aiguilles (jusqu’à 2 400) placées sur
une barre horizontale qui couvre toute la largeur de la machine (voir figure
89.11). Le cantre, constitué de bobines de fil placées sur des râteliers, est
dirigé par des tubes de guidage de faible diamètre vers les aiguilles placées sur
une barre à saccades, ou jerker . Généralement, il existe deux bobinots de fil pour
chaque aiguille. L’extrémité du fil du premier bobinot est réunie avec l’extrémité
du second de façon que, lorsque le fil du premier bobinot est épuisé, le fil soit
fourni par le second sans qu’il soit nécessaire d’arrêter la machine. Chaque
extrémité de fil présente un tube de guidage qui permet d’éviter que les fils ne
s’emmêlent. Les fils passent à travers une série de guides verticaux alignés et
fixes, installés sur le bâti de la machine, et par un guide situé à l’extrémité
d’un bras qui se déploie à partir de la barre à aiguilles mobile de la machine.
Lorsque la barre à aiguilles se déplace vers le haut et vers le bas, le rapport
entre les deux guides se trouve modifié. La figure 89.12 montre les produits tuftés
utilisés pour les tapis à usage domestique.

Figure 89.11 Machine à tufter


Figure 89.11

Figure 89.12 Coupe d'un tapis à usage domestique


Figure 89.12

La barre à saccades, ou jerker , reçoit le fil lâche dévidé pendant la montée des
aiguilles. Les fils sont enfilés sur leurs aiguilles respectives fixées sur la
barre. Les aiguilles se déplacent simultanément à raison de 500 courses à la minute
au moins, avec un mouvement de va-et-vient vertical. Une machine à tufter peut
produire de 1 000 à 2 000 m2 de tapis en huit heures.

Le premier élément du dossier dans lequel les fils sont insérés provient d’un
rouleau placé devant la machine. La vitesse du rouleau commande la longueur du
point et le nombre de points au cm2. Le nombre d’aiguilles au centimètre détermine
la jauge du tissu, 3/16 ou 5/32, par exemple.

Au-dessous de la plaque à aiguilles de la machine à tufter se trouvent des


boucleurs ou des combinaisons de boucleurs et de couteaux qui prélèvent et
retiennent momentanément les fils transportés par les aiguilles. Pour former des
poils bouclés, on a recours à des boucleurs configurés comme des crosses inversées
de hockey dont chaque tressautement éloigne les boucles de poils qu’ils ont formées
à mesure que le dossier se déroule.

Les boucleurs pour poils coupés ont une forme de «C» inversé et une surface
coupante sur le bord supérieur interne du croissant. Ils sont utilisés en
association avec des couteaux qui présentent un tranchant émoussé à une extrémité.
Au fur et à mesure que le dossier avance dans la machine vers les boucleurs pour
poils coupés, les fils prélevés dans les aiguilles sont coupés par cisaillement
entre le boucleur et l’arête tranchante du couteau. Sur les figures 89.13 et 89.14,
on peut voir les touffes sur un dossier et les différents types de boucles.

Figure 89.13 Coupe d'un tapis à usage commercial


Figure 89.13

Figure 89.14 Boucles; poils coupés et boucles; velours, laine de Saxe


Figure 89.14

Le tissage
Le tapis tissé est constitué d’un fil velours tissé en même temps que les fils de
chaîne et de trame qui forment l’intégralité du dossier. Les fils du dossier sont
généralement en jute, en coton ou en polypropylène. Le fil velours peut être en
laine, en coton ou en fibres synthétiques comme le nylon, le polyester, le
polypropylène, l’acrylique, etc. Un enduit est appliqué sur l’envers pour
stabiliser le tapis; un second dossier n’est pas nécessaire et n’est que rarement
ajouté. Parmi les variantes du tapis tissé, on peut noter le tapis velours, le
Wilton et le tapis Axminster.

Il existe d’autres méthodes de confection des tapis — tapis tricotés, aiguilletés,


liés par fusion —, mais ces méthodes sont moins utilisées et concernent des
produits et des marchés spécifiques.

La production des fibres et des fils


Les tapis sont confectionnés principalement avec des fils synthétiques — nylon,
polypropylène (oléfine) et polyester — et, acces-soirement, avec des fils
d’acrylique, de laine, de coton et des mélanges de ces différents fils. Dans les
années soixante, l’usage des fibres synthétiques s’est généralisé parce qu’elles
permettent d’obtenir un produit de qualité et de longue durée à un prix
raisonnable.

Les fils synthétiques sont obtenus par extrusion d’un polymère fondu injecté à
travers les très petits orifices d’une plaque métallique, ou filière. On ajoute
parfois au polymère fondu des additifs pour obtenir des teintures dans la masse ou
des fibres moins transparentes, plus blanches et plus durables, ou encore d’autres
propriétés particulières. A la sortie de la filière, les filaments sont refroidis,
étirés et texturés.

Les fibres synthétiques peuvent être extrudées sous différentes formes et en


différentes sections — rondes, à trois lobes, à cinq lobes, à huit lobes ou carrées
— suivant la configuration et la forme des orifices de la filière. Ces diverses
sections déterminent de nombreuses propriétés du tapis (lustre, volume, texture
résistance aux salissures, etc.).

Après extrusion, les fibres font l’objet de traitements comme l’étirage et le


recuit (chauffage-refroidissement) qui augmentent leur résistance à la traction et
améliorent l’ensemble de leurs propriétés physiques. Le faisceau de filaments fait
ensuite l’objet d’un traitement de frisage ou de texturage, ce qui confère aux
filaments droits une configuration en vrilles, en spirales ou en dents de scie.

Le fil peut être produit soit sous forme de brin soit sous forme de filament
continu gonflant. Ce dernier est constitué de fils continus de fibre synthétique
formant faisceaux. Le fil extrudé s’obtient en enroulant directement sur des
bobines de renvidage le nombre de filaments correspondant au nombre de deniers que
l’on souhaite obtenir.

Les fibres en brins sont transformées en fils filés par les procédés classiques de
filage des textiles. Pour obtenir des fibres en brin, on extrude de gros faisceaux
de fibres appelés «câbles de filature». Après frisage, le câble est coupé en fibres
de 10 à 20 cm de longueur. Trois étapes importantes interviennent dans la
préparation — mélangeage, cardage et étirage — avant le filage. Le mélangeage
associe des balles de fibres en brins afin que les fibres s’entremêlent et que le
fil ne se divise pas au cours des opérations ultérieures de teinture. Le cardage
redresse les fibres et les configure en rubans. L’étirage a trois fonctions
principales: il mélange les fibres, les dispose en parallèle et diminue le poids
par unité de longueur de l’ensemble du faisceau de fibre, ce qui facilite le filage
au stade final.

Après le filage, qui étire le ruban jusqu’à la taille désirée, le fil est formé en
torons et retordu pour obtenir différents effets. Il est ensuite enroulé sur des
cônes pour être préparé en vue du thermofixage et du retordage.

Les techniques de coloration


Les fibres synthétiques revêtant diverses formes, elles retiennent différemment la
teinture et ne réagissent pas non plus de la même façon aux colorants. On peut
traiter et modifier des fibres du même type de façon à modifier leur affinité pour
certains colorants; on obtient ainsi un effet bicolore ou multicolore.

L’opération de coloration des tapis peut être effectuée à deux stades de la


fabrication: on peut teindre la fibre ou le fil avant même que le tissu soit tufté
(teinture préalable), ou teindre le tissu tufté (teinture ultérieure des produits
écrus) avant l’application du second dossier et les opérations de finissage. Les
méthodes de teinture préalable comprennent la teinture dans la masse, la teinture
en bourre et la teinture sur fil. Les méthodes de teinture ultérieure des produits
écrus comprennent: la teinture de la pièce, l’application du colorant à partir d’un
bain de teinture sur le tapis non fini; la teinture en bac à tourniquet, qui traite
des lots de produits écrus d’environ 150 m de long; la teinture en continu, qui
consiste à teindre des quantités pratiquement illimitées à l’aide d’un appareil
fixe injectant de la teinture sur toute la largeur d’un tapis progressivement
déroulé sous le dispositif d’application. L’impression des tapis se fait à l’aide
d’un matériel qui est sensiblement le même que le matériel d’impression des
textiles, mais en plus grand. On utilise des machines d’impression à cadre plat ou
au rouleau.

Le finissage des tapis


Le finissage des tapis répond à trois objectifs: ancrer chaque touffe dans le
dossier, fixer le dossier tufté à un second dossier, tondre et nettoyer les poils
pour donner à la surface une belle apparence. Le fait d’ajouter un second dossier,
en polypropylène tissé, en jute ou en matelassé, par exemple, permet de stabiliser
les dimensions du tapis.

On enduit tout d’abord l’envers du tapis, généralement avec un rouleau tournant


dans un mélange de latex synthétique étalé au moyen d’une racle (ou docteur). Le
latex est une solution visqueuse, dont la viscosité dynamique est généralement de 8
000 à 15 000 centipoises; on utilise normalement de 750 à 950 g de latex par mètre
carré.

Un second dossier est délicatement placé sur l’enduit de latex. On presse alors les
deux dossiers l’un contre l’autre entre deux cylindres de liaison. L’ensemble,
maintenu bien à plat et sans pli, passe ensuite dans un long four qui mesure
généralement de 24 à 49 m de long, dans lequel s’effectuent le séchage et la
polymérisation dans trois zones de température échelonnées entre 115 et 150 °C, et
cela pendant 2 à 5 minutes. Le séchage du tapis demande un taux élevé
d’évaporation, obtenu en soufflant de l’air chaud vers des zones dans lesquelles la
chaleur est strictement contrôlée.

On tond le tapis légèrement en surface pour le débarrasser du duvet qui aurait pu


se former sur les extrémités des fibres pendant les opérations de teinture et de
finissage. La tondeuse est une machine qui brosse énergiquement les poils du tapis
pour les redresser et les uniformiser; une série de lames rotatives coupent
l’extrémité des fibres à la hauteur voulue. Deux ou quatre lames opèrent en tandem.
La machine à double tondage présente un double jeu de brosses dures en nylon ou en
soies de sanglier et deux têtes par unité, utilisées en tandem. Le tapis est
soigneusement inspecté, emballé et entreposé, ou découpé, emballé et expédié.

Les mesures de sécurité et de santé dans les ateliers de confection de tapis


L’adoption, la mise en application et le suivi de mesures de sécurité adéquates est
la règle dans les ateliers modernes ainsi que, le cas échéant, le démarrage rapide
et la conduite d’enquêtes approfondie lors d’un d’accident. L’encoffrement des
machines a permis de renforcer la sécurité. Une maintenance de qualité est jugée
essentielle tant pour améliorer la qualité et la productivité que pour protéger les
travailleurs.

Le personnel devrait être familiarisé avec les installations électriques et les


pratiques permettant d’éviter les accidents pouvant résulter d’une mise en marche
intempestive des machines. Il devrait également savoir distinguer les pièces sous
tension des autres pièces de l’équipement électrique, déterminer la tension
nominale des pièces exposées et sous tension et connaître les distances de sécurité
nécessaires en fonction des tensions correspondantes. Lorsque des machines sont
mises à l’arrêt et que l’alimentation électrique est verrouillée, les travailleurs
doivent être informés qu’il leur est interdit de les remettre en marche ou de les
remettre sous tension.

Les matériels anciens encore en usage devraient être fréquemment inspectés et les
pièces déformées remplacées si besoin est. Les arbres de transmission, les
courroies trapézoïdales, les mécanismes d’entraînement à poulie, à chaîne et à
pignons, les treuils et les appareils de levage devraient être régulièrement
inspectés et des dispositifs de protection installés là où ils sont nécessaires.

Dans les ateliers, on utilise des chariots porte-bobines que l’on pousse à la main
pour déplacer la matière première; étant donné que des résidus de la production du
fil s’accumulent sur le sol, il convient de nettoyer les roues de ces chariots pour
éviter qu’elles ne se bloquent.

Les travailleurs devraient connaître les risques que présente la mise en œuvre
d’air comprimé, qui est d’un usage courant dans les opérations de nettoyage.

Des chariots élévateurs à fourche, électriques ou au propane, sont largement


utilisés dans la fabrication de tapis et dans les entrepôts. Il est
particulièrement important d’en assurer un bon entretien et de procéder avec
prudence lorsqu’on fait le plein de carburant ou que l’on change une batterie. Ces
chariots à fourche étant employés dans des locaux où d’autres personnes
travaillent, différentes précautions s’imposent: passages exclusivement réservés
aux travailleurs et auxquels les chariots n’ont pas accès, signaux provisoires
lorsque des personnes doivent travailler dans des zones de fort passage des
chariots à fourche, accès aux entrepôts et au quai d’expédition réservé aux
opérateurs de chariots à fourche et au personnel chargé de l’expédition,
aménagement d’une circulation à sens unique, etc.

Une révision de la conception des machines visant à limiter les mouvements


répétitifs devrait contribuer à réduire le nombre de lésions dues à ces mouvements.
On devrait également encourager les travailleurs à pratiquer régulièrement des
exercices simples des mains et des poignets, leur ménager des pauses suffisantes et
procéder à de fréquentes rotations.

On peut limiter les troubles musculo-squelettiques résultant du soulèvement et du


port des charges en faisant appel à des engins mécaniques, à des chariots à bras et
à des chariots mécaniques, en disposant les matières premières sur des plates-
formes ou des tables et, si possible, en facilitant leur manutention par la
réduction de leurs dimensions, de leur volume et de leur poids. Une formation aux
techniques correctes de soulèvement des charges et des exercices physiques peuvent
aussi s’avérer utiles, notamment chez les ouvriers reprenant le travail après un
arrêt dû à des dorsalgies.

Il est conseillé de mettre au point un programme de protection de l’ouïe pour


éviter les troubles résultant des niveaux élevés de bruit que l’on rencontre dans
certains ateliers. Des contrôles du niveau sonore des machines permettront de
déterminer les zones dans lesquelles les moyens de prévention technique ne sont pas
suffisamment efficaces et dans lesquelles les travailleurs devraient porter un
équipement de protection individuelle et être soumis chaque année à un test
audiométrique.

Les ateliers devraient se conformer aux normes modernes d’extraction des peluches
et des poussières et de dissipation de la chaleur.

LES TAPIS TISSÉS ET TUFTÉS À LA MAIN


M.E. Radjabi *

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de


l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

Tous les tapis d’Orient sont tissés à la main. Ils sont souvent confectionnés à
domicile; tous les membres de la famille, y compris les très jeunes enfants,
travaillent sur le métier de longues heures pendant la journée et même la nuit. Il
s’agit parfois simplement d’une occupation à temps partiel pour la famille; dans
certaines régions, la confection des tapis n’est plus effectuée à domicile, mais
s’est déplacée vers des manufactures dont la taille demeure généralement modeste.

Les opérations
Les opérations associées à la confection des tapis comprennent la préparation du
fil — qui consiste à tirer la laine et à la classer en diverses variétés, à la
laver, à la filer et à la teindre —, le dessin du motif du tapis et le tissage
proprement dit.

La préparation du fil
Parfois, le fil est déjà façonné et teint lorsqu’il parvient aux ateliers de
tissage. Dans d’autres cas, la fibre brute, le plus souvent de laine, est préparée,
filée et teinte sur place. La première opération, généralement effectuée par des
femmes assises à même le sol, consiste à classer la matière première par variété.
Ensuite, la laine est lavée et filée à la main. La teinture se fait habituellement
dans des récipients ouverts, et l’on emploie principalement des colorants à base
d’aniline ou d’alizarine; les colorants naturels ne sont plus guère utilisés.

Le dessin et le tissage
Dans la fabrication familiale ou «tribale», les motifs sont traditionnels et il
n’est pas nécessaire d’en inventer de nouveaux; toutefois, dans une entreprise
employant un certain nombre de travailleurs, un dessinateur trace des ébauches
qu’il transpose sur du papier quadrillé, dont chaque case représente un point; le
tisseur peut ainsi s’assurer du nombre et de la disposition des nœuds.

Le métier se compose le plus souvent de deux cylindres de bois horizontaux fixés


sur des montants. L’un des cylindres est situé à une distance de 10 à 30 cm au-
dessus du sol, l’autre à environ 3 m; le fil de chaîne est tendu verticalement
entre les deux cylindres. Il n’y a habituellement qu’un seul tisseur par métier
mais, pour les tapis de grandes dimensions, leur nombre peut aller jusqu’à six. Une
fois sur deux, le tisseur est accroupi à même le sol devant le cylindre inférieur.
Parfois, il est assis sur une poutre de bois ou sur une planche horizontale
étroite, que l’on relève au fur et à mesure que le travail avance. Le tisseur doit
nouer de petites longueurs de fil de laine ou de soie autour des fils de chaîne
pris deux à deux, puis passer le fil à la main d’une lisière à l’autre du tapis.
Chaque fil de trame ou duite est étroitement appliqué contre la fibre du tapis au
moyen d’un peigne manœuvré à la main. Les touffes de fil dépassant de la fibre sont
égalisées ou coupées aux ciseaux.

Tandis que le tapis avance, il est souvent enroulé autour du cylindre inférieur,
dont le diamètre augmente. Lorsque le tisseur est accroupi à même le sol, la
position du cylindre inférieur l’empêche d’allonger les jambes et, à mesure que le
diamètre de ce cylindre augmente, le tisseur est repoussé en arrière et doit se
courber de plus en plus en avant pour nouer les fils (voir figure 89.15). Cette
posture peut être évitée lorsque les tisseurs sont assis ou accroupis sur une
poutre que l’on peut relever jusqu’à 4 m au-dessus du sol mais, là encore, ils
n’ont bien souvent pas la place suffisante pour étendre leurs jambes et sont
contraints de demeurer dans une position inconfortable. Dans certains cas,
pourtant, le tisseur peut s’asseoir sur un siège fixe, équipé d’un dossier et d’un
coussin (il s’agit en fait d’une chaise sans pieds qui peut être déplacée
horizontalement le long de la poutre au fur et à mesure que le travail avance). Des
types améliorés de métiers surélevés ont été mis au point; ils permettent au
tisseur d’être assis sur une chaise et de disposer d’une place suffisante pour
étendre ses jambes.

Figure 89.15 Métier ancien – le tisseur est obligé de rester accroupi


Figure 89.15
Dans certaines régions d’Iran, les fils de chaîne sont disposés horizontalement et
le tisseur doit s’installer sur le tapis lui-même, ce qui rend sa tâche encore plus
difficile.

Les risques pour la santé


La confection des tapis, bien souvent encore effectuée à domicile, comporte de
nombreux risques: en effet, les maisons sont pauvres, les pièces sont petites et
surpeuplées, mal éclairées et mal aérées. Le matériel et les méthodes se
transmettent de génération en génération, ne laissant pratiquement aucune place aux
possibilités d’éducation et de formation qui permettraient de rompre avec les
techniques traditionnelles. Les tisseurs sont sujets à des déformations osseuses, à
des troubles oculaires et sont soumis à des risques mécaniques et aux
intoxications.

Les déformations osseuses


La position accroupie que les tisseurs doivent adopter devant les métiers de type
ancien et la nécessité de se courber pour faire les nœuds provoquent à la longue
des déformations importantes. Celles-ci sont souvent aggravées par les carences
nutritionnelles liées à la pauvreté. Si les travailleurs sont ainsi employés dès le
plus jeune âge, leurs membres inférieurs risquent d’être déformés (genu valgum), et
ils peuvent également souffrir d’arthrite déformante du genou. Le rétrécissement du
bassin que l’on observe parfois chez les femmes peut occasionner des accouchements
difficiles, nécessitant souvent une césarienne. Les déformations de la colonne
vertébrale (scolioses et lordoses) sont également très fréquentes.

Les troubles oculaires


Le tisseur doit porter une attention constante au point ou au nœud qu’il est en
train de faire, ce qui peut entraîner une fatigue oculaire considérable, notamment
lorsque l’éclairage est insuffisant. Il faut souligner que, dans certains ateliers
à domicile, l’éclairage électrique demeure inconnu et que l’on utilise encore des
lampes à pétrole ou à huile pour travailler après la tombée du jour. On a observé
des cas de cécité presque complète survenant après seulement douze ans de travail.

Les affections des mains et des doigts


Le fait de nouer constamment les fils et de faire passer avec les doigts les fils
de trame à travers les fils de chaîne provoque une enflure des phalanges, de
l’arthrite et des névralgies qui occasionnent des déformations permanentes.

Le stress
L’extrême précision de ce travail, qui demande une grande dextérité et une
attention constante pendant de longues heures, provoque parfois des troubles
nerveux et un stress que ne peuvent qu’aggraver l’exploitation des travailleurs et
une discipline très dure. Les enfants se voient souvent «voler leur enfance», et
les adultes, qui manquent généralement des contacts sociaux indispensables à un bon
équilibre affectif, peuvent développer des maladies nerveuses qui se traduisent par
des tremblements des mains (susceptibles de diminuer leur rendement) et, parfois,
des troubles mentaux.

Les risques mécaniques


Ils sont pratiquement inexistants, étant donné qu’aucune machine à moteur n’est
utilisée. Si les métiers ne sont pas convenablement entretenus, le système de
levier qui permet de régler la tension de la chaîne risque de se rompre et de
heurter le tisseur. Ce risque peut être prévenu par la mise en place d’un
dispositif de tension à engrenage.

Les risques chimiques


Les colorants utilisés, surtout lorsqu’ils sont employés avec du bichromate de
potassium ou de sodium, peuvent provoquer des infections cutanées et des
dermatoses. L’emploi d’ammoniaque, d’acides puissants et d’alcalis présente
également un danger. Les dessinateurs se servent parfois de pigments au plomb et
l’on a observé chez eux des cas de saturnisme, car ils ont l’habitude de sucer
l’extrémité du pinceau pour en lisser les poils; les pigments au plomb devraient
être remplacés par d’autres, non toxiques.

Les risques biologiques


Les germes infectieux contenus dans la laine brute provenant de régions dans
lesquelles le bacille est endémique peuvent provoquer le charbon. Les autorités
locales compétentes veilleront à ce que la laine soit convenablement stérilisée
avant d’être livrée aux ateliers et aux fabriques.

Les mesures préventives


Les opérations de tri des matières premières telles que la laine, le poil de
chameau ou de chèvre, etc. devraient s’effectuer au-dessus d’une grille métallique
pourvue d’un dispositif d’aspiration permettant de capter toutes les poussières et
de les évacuer vers un collecteur situé à l’extérieur.

Les locaux dans lesquels on procède au lavage et à la teinture de la laine


devraient être convenablement ventilés, et des gants de caoutchouc et des tabliers
imperméables fournis au personnel chargé de ces opérations. Tous les déchets
liquides devraient être neutralisés avant d’être rejetés dans les cours d’eau ou
les égouts.

Un bon éclairage est indispensable dans les locaux de dessin et de tissage.


L’éclairage pose problème lorsqu’il n’y a pas d’électricité et que le travail se
poursuit après la tombée du jour.

L’amélioration la plus importante consisterait à surélever le rouleau inférieur du


métier. Les tisseurs n’auraient plus à s’accroupir à même le sol de façon
inconfortable et antihygiénique et pourraient s’asseoir sur un bon siège. Cet
aménagement ergonomique permettrait non seulement d’améliorer la santé des
travailleurs, mais également d’accroître leur rendement.

Les ateliers devraient être nettoyés et bien aérés et être revêtus d’un plancher
remplaçant la terre battue. Par temps froid, ils devraient être chauffés. La
manipulation des fils de chaîne est pénible pour les doigts et peut occasionner de
l’arthrite: aussi emploiera-t-on le plus souvent possible des couteaux spéciaux en
forme de crochet pour nouer les fils de chaîne. Des examens médicaux d’embauche et
périodiques sont vivement recommandés pour tous les travailleurs.

Les tapis tuftés à la main


La confection de tapis par nouage du fil à la main est un procédé très lent. Le
nombre de nœuds varie de 2 à 360 par cm2, suivant la qualité du tapis. Un tapis de
grandes dimensions au motif complexe peut demander une année de travail et le
nouage de centaines de milliers de nœuds.

Le tuftage à la main est une autre méthode de confection des tapis. On utilise pour
cela un outil spécial présentant une aiguille dans le chas de laquelle on enfile le
fil. Un calicot sur lequel a été tracé le dessin du tapis est suspendu
verticalement; lorsque le tisseur place l’outil contre le tissu et appuie sur un
bouton, l’aiguille pénètre dans le tissu puis se rétracte, en laissant sur l’envers
une boucle de fil d’environ 10 mm. Il déplace alors horizontalement l’outil de 2 ou
3 mm, en laissant une boucle à la surface du tissu, et appuie à nouveau sur le
bouton pour former une nouvelle boucle sur l’envers. Avec un peu d’habitude, on
peut obtenir en une minute jusqu’à 30 boucles de chaque côté. Selon le dessin, le
tisseur doit s’arrêter de temps à autre pour changer la couleur de fil en fonction
du motif. Lorsque cette opération est achevée, le tapis est descendu et étendu par
terre à l’envers. On applique alors sur l’envers un enduit de caoutchouc, puis un
dossier en toile de jute résistante. On retourne ensuite le tapis sur l’endroit et
les boucles de fil sont égalisées au moyen de ciseaux électriques. Parfois, le
motif du tapis est obtenu en coupant les poils à des hauteurs différentes.

Cette méthode de confection engendre nettement moins de risques que la manufacture


des tapis noués à la main. L’opérateur est généralement assis sur une planche
devant la toile et a suffisamment de place pour étendre ses jambes. On soulève la
planche au fur et à mesure que le travail avance. Pour un plus grand confort, le
tisseur pourrait disposer d’un dossier pour s’appuyer et d’un siège confortable
qu’il déplacerait horizontalement le long de la planche à mesure que le tapis
avance. L’effort visuel est moins grand et les mouvements des doigts ou des mains
ne sont pas susceptibles dans ce cas d’engendrer des affections ou des
déformations.

L’enduit de caoutchouc employé pour ce type de tapis contient généralement un


solvant toxique et inflammable. L’opération de revêtement devrait donc être
effectuée dans un local indépendant, équipé d’un système efficace de ventilation
par extraction, d’au moins deux sorties de secours et dont sont bannies les flammes
nues et les lampes non protégées. Dans ce local, tous les interrupteurs et les
équipements électriques devraient être conformes aux normes imposées pour les
matériels antidéflagrants. On ne conservera dans ce local que la quantité minimale
d’enduits inflammables et des extincteurs seront prévus. Un local ignifugé
d’entreposage des solutions inflammables ne devrait pas être situé à l’intérieur
d’un bâtiment occupé.

La législation
Dans la plupart des pays, les dispositions d’ordre général relatives aux
établissements industriels fixent les conditions de sécurité et de santé. Parfois,
pourtant, elles ne s’appliquent pas aux entreprises familiales ou au travail à
domicile et sont difficiles à mettre en œuvre dans les petites entreprises isolées
qui emploient néanmoins de nombreux travailleurs. Cette branche d’activité est
connue pour l’exploitation de la main-d’œuvre et le travail des enfants, bien
souvent au mépris de toutes les réglementations en vigueur. On peut espérer que le
mouvement qui se fait jour dans le monde entier (depuis le milieu des années
quatre-vingt-dix) parmi les acheteurs de tapis tissés ou tuftés à la main, et qui
préconise le boycott des produits issus d’un travail au noir ou confectionnés par
des travailleurs exploités, permettra de mettre fin à cette situation.

LES TROUBLES RESPIRATOIRES ET LES AUTRES MALADIES OBSERVÉS DANS L’INDUSTRIE TEXTILE
E. Neil Schachter

Il y a près de 300 ans que l’on parle des risques liés au travail dans l’industrie
textile. Au début du XVIIIe siècle, Ramazzini, 1713 [1964] décrivait déjà une forme
particulière d’asthme chez les cardeurs de lin et de chanvre. Il évoquait les
poussières malodorantes et toxiques qui provoquaient une toux incessante finissant
par évoluer en affection asthmatique. Ce type de symptôme est effectivement apparu
dès les débuts de l’industrie textile, comme le montrent les études physiologiques
de Bouhuys et coll. (1973) à Philipsburg Manor (recherches sur l’implantation dans
les premières colonies néerlandaises de North Tarrytown, New York, Etats-Unis).
Pendant tout le XIXe siècle et au début du XXe siècle, de nombreux auteurs ont
décrit de plus en plus souvent les manifestations respiratoires des maladies
professionnelles observées dans les usines textiles. Ces pathologies ont cependant
été souvent ignorées, aux Etats-Unis, jusqu’au milieu du XXe siècle où les enquêtes
menées sous la direction de Richard Schilling (1981) ont indiqué que, malgré les
dénis de l’industrie et du gouvernement, la byssinose était bien une réalité
(American Textile Reporter, 1969; Britten, Bloomfield et Goddard, 1933; Department
of Labor (DOL), 1945). De nombreuses études ultérieures ont montré que les
travailleurs du textile souffrent de leur milieu de travail dans toutes les régions
du monde.
Historique des syndromes cliniques observés dans l’industrie textile
Le travail dans l’industrie textile est associé à de nombreux symptômes
respiratoires, dont les plus fréquents et les plus caractéristiques sont, de loin,
ceux de la byssinose. Comme on peut le lire dans le chapitre no 10, «L’appareil
respiratoire», de la présente Encyclopédie, de nombreuses fibres végétales, mais
pas toutes, peuvent être à l’origine d’une byssinose chez les personnes occupées à
leur transformation en produits textiles. Cette maladie se caractérise
principalement par sa relation temporelle avec la semaine de travail. Typiquement,
après quelques années passées dans cette branche, le travailleur décrit une
sensation de constriction thoracique qui débute le premier jour de travail de la
semaine. Ce symptôme disparaît dans la soirée et aucune gêne n’est plus ressentie
jusqu’au lundi suivant. Cette dyspnée du lundi peut subsister telle quelle pendant
plusieurs années, mais aussi progresser, les symptômes étant alors ressentis les
autres jours, voire pendant toute la semaine de travail. Au stade final, la maladie
se manifeste aussi pendant les jours de congé et les vacances. Lorsque les
symptômes deviennent permanents, la dyspnée est décrite comme dépendant de l’effort
physique. A ce stade, une toux non productive peut être présente. Les symptômes du
lundi s’accompagnent d’une réduction de la fonction pulmonaire par rapport à la
valeur de référence, qui peut aussi être constatée les autres jours, même en
l’absence de symptômes, bien que les modifications physiologiques ne soient pas
aussi marquées (Bouhuys, 1974; Schilling, 1956). La fonction pulmonaire basale
(enregistrée le lundi avant la reprise du travail) se détériore au fur et à mesure
de l’évolution de la maladie. Les modifications respiratoires et physiologiques
caractéristiques observées chez les personnes atteintes de byssinose ont été
codifiées selon différents stades (voir tableau 89.2) qui servent actuellement de
référence à la plupart des études cliniques et épidémiologiques. Des symptômes
autres que la constriction thoracique, notamment la toux et la bronchite, sont
fréquents chez les travailleurs de l’industrie textile. Il s’agit probablement de
variantes dues à l’irritation des voies aériennes provoquée par l’inhalation de
poussières.

Tableau 89.2 Stades de la byssinose


Stade 0

Absence de troubles, de constriction thoracique et de toux

Stade 1/2

Constriction thoracique ou toux occasionnelle le premier jour de travail de la


semaine

Stade 1

Constriction thoracique systématique le premier jour de travail de la semaine

Stade 2

Constriction thoracique systématique le premier jour de travail de la semaine et


certains autres jours

Stade 3

Symptômes de stade 2, accompagnés d’incapacité permanente due à une détérioration


de la fonction respiratoire

Source: Bouhuys, 1974.

Il n’existe malheureusement à ce jour aucun test simple pour confirmer un


diagnostic de byssinose. Celui-ci doit être posé sur la base des signes physiques
et fonctionnels présentés par le sujet et des connaissances du médecin quant au
contexte clinique et industriel susceptible de favoriser cette pathologie. Bien
qu’elles ne soient pas toujours spécifiques, les données sur la fonction
respiratoire peuvent être très utiles pour poser le diagnostic et déterminer la
gravité des troubles.

Outre la byssinose classique, les travailleurs du textile peuvent être victimes de


plusieurs autres syndromes, en général accompagnés de fièvre et non liés au premier
jour de la semaine de travail.

La fièvre du coton (appelée aussi fièvre du chanvre): la maladie se caractérise par


de la fièvre, de la toux, des frissons et une rhinite apparaissant lors du premier
contact avec l’atelier ou lors de la reprise du travail après une absence
prolongée. La constriction thoracique ne paraît pas associée à ce syndrome. La
fréquence des observations est très variable, allant de 5% du personnel (Schilling,
1956) à la majeure partie des effectifs (Uragoda, 1977; Doig, 1949; Harris et
coll., 1972). En principe, les symptômes régressent au bout de quelques jours, même
si le sujet reste dans l’atelier. Le mécanisme pathogène a été imputé à une
endotoxine présente dans des débris végétaux. Cette pathologie a été mise en
relation avec une entité couramment décrite aujourd’hui dans les branches
d’activité mettant en œuvre des matières organiques, le syndrome toxique dû aux
poussières organiques, examiné dans le chapitre no 10, «L’appareil respiratoire».

La toux des tisserands est avant tout un état asthmatique typiquement accompagné de
fièvre, qui survient aussi bien chez les nouveaux travailleurs que chez les
anciens. Contrairement à la fièvre du coton, les symptômes peuvent persister
pendant des mois. Le syndrome a été associé à des produits utilisés pour traiter le
fil, tels que la poudre de graines de tamarin (Murray, Dingwall-Fordyce et Lane,
1957) et la gomme de caroube (Vigliani, Parmeggiani et Sassi, 1954).

Le troisième syndrome autre que la byssinose associé à la fabrication des textiles


est la fièvre du matelassier (Neal, Schneiter et Caminita, 1942). Ce terme fait
référence au contexte dans lequel la maladie a été décrite, se caractérisant par un
épisode aigu de fièvre et d’autres symptômes constitutionnels, dont des troubles
digestifs et une gêne rétrosternale chez des travailleurs manipulant du coton de
basse qualité. Ces troubles ont été attribués à la contamination du coton par
Aerobacter cloacae.

En général, ces syndromes fébriles sont considérés comme cliniquement distincts de


la byssinose. Dans des études effectuées par Schilling (1956), sur 528 travailleurs
du coton, 38 avaient des antécédents de fièvre du coton. La prévalence de cette
pathologie chez les travailleurs atteints de byssinose classique était de 10%
(14/134), contre 6% (24/394) parmi les personnes indemnes de cette maladie. Les
différences observées n’étaient pas statistiquement significatives.

La bronchite chronique, telle que définie d’après les antécédents médicaux, est
très fréquente chez les travailleurs du textile et, notamment, chez les non-
fumeurs. Cette observation n’est pas étonnante puisque la caractéristique
histologique dominante de la bronchite chronique est une hyperplasie des glandes
muqueuses (Edwards et coll., 1975; Moran, 1983). La symptomatologie de la bronchite
chronique doit être soigneusement distinguée des symptômes de la byssinose
classique, bien que les troubles se recoupent souvent et qu’il existe probablement
dans ce contexte différentes manifestations physiopathologiques de la même
inflammation des voies respiratoires.

Les études pathologiques des travailleurs du textile sont peu nombreuses. Les
observations montrent toutefois que les grandes voies aériennes sont
systématiquement impliquées (Edwards et coll., 1975; Rooke, 1981a; Moran, 1983),
sans que l’on ne relève aucun signe de destruction du parenchyme pulmonaire
(emphysème) (Moran, 1983).

L’évolution clinique de la byssinose


Une maladie aiguë ou chronique?
Le système de classification présenté au tableau 89.2 correspond à une progression
allant des symptômes du lundi à une affection respiratoire chronique et
pratiquement irréversible chez les sujets atteints de byssinose. Les résultats des
études transversales, dont la première a été conduite dans le Lancashire (Royaume-
Uni), dans des ateliers de traitement du coton, ont démontré le caractère évolutif
de la maladie, avec des formes de byssinose dont la sévérité était liée à
l’ancienneté de l’exposition (Schilling, 1956). Des résultats similaires ont été
mis en évidence par d’autres enquêtes (Molyneux et Tombleson, 1970). L’évolution de
la maladie peut aussi survenir assez rapidement après l’embauche, c’est-à-dire dès
les premières années (Mustafa, Bos et Lakha, 1979).

Les études transversales ont également montré que d’autres symptômes et syndromes
respiratoires chroniques, tels que sifflement ou bronchite chronique, sont aussi
beaucoup plus fréquents chez les personnes qui ont travaillé longtemps dans
l’industrie cotonnière qu’au sein d’une population témoin comparable (Bouhuys et
coll., 1977; Bouhuys, Beck et Schoenberg, 1979). La fréquence des cas de bronchite
chronique était systématiquement plus élevée chez les travailleurs du coton que
dans les populations témoins, même après ajustement tenant compte du sexe et du
tabagisme. Dans la byssinose de stade 3, outre la symptomatologie, les sujets
présentent des modifications de la fonction respiratoire. Apparue dans les études
transversales portant sur des travailleurs du textile, l’association entre la
détérioration de la fonction respiratoire et les stades les plus avancés de la
byssinose tend à mettre en évidence le caractère évolutif de la maladie du stade 1
vers le stade 3. Plusieurs de ces études transversales indiquent en outre que la
diminution de la fonction pulmonaire au cours de la semaine de travail par rapport
à la valeur de référence (corrélée à la constriction thoracique aiguë) est associée
à une évolution chronique irréversible.

Dans une étude de Roach et Schilling (1960), l’existence d’une relation dose-
réponse dans la symptomatologie aiguë confirme la relation entre pathologies aiguës
et chroniques chez les travailleurs de l’industrie textile. Ces auteurs ont observé
une relation linéaire très marquée entre la réponse biologique et les
concentrations de poussières sur le lieu de travail. D’après leurs observations, la
limite de sécurité applicable à l’exposition à des poussières macroscopiques se
situe à 1 mg/m3. Cette valeur a été adoptée ultérieurement par la Conférence
américaine des hygiénistes gouvernementaux du travail (American Conference of
Governmental Industrial Hygien-ists (ACGIH)) et, jusqu’à la fin des années
soixante-dix, elle est restée en vigueur aux Etats-Unis pour les poussières de
coton. Des observations rapportées par la suite ont démontré que les poussières
fines (< 7 µm) étaient responsables de pratiquement tous les cas de byssinose
(Molyneux et Tombleson, 1970; Mckerrow et Schilling, 1961; McKerrow et coll., 1962;
Wood et Roach, 1964). Une étude faite en 1973 par Merchant et coll. sur les
symptômes respiratoires et la fonction pulmonaire dans 22 usines textiles de
Caroline du Nord a porté sur 1 260 travailleurs du coton, 803 du coton et du
synthétique et 904 de la laine et du synthétique. Cette étude a confirmé la
relation linéaire qui existe entre la prévalence de la byssinose (et la
détérioration de la fonction pulmonaire) et les concentrations de poussières
exemptes de fibres de coton.

Les modifications de la fonction respiratoire que semblaient indiquer les études


transversales ont été confirmées par un certain nombre d’études longitudinales qui
complètent et prolongent les résultats antérieurs. Les études longitudinales ont
souligné la détérioration rapide de la fonction pulmonaire chez les travailleurs de
l’industrie cotonnière ainsi que la forte incidence de nouveaux symptômes.
Dans une série d’enquêtes portant sur plusieurs milliers de travailleurs du textile
suivis à la fin des années soixante pendant une période de cinq ans, Fox et coll.
(1973a, 1973b) ont constaté un accroissement du nombre des cas de byssinose,
parallèle à l’ancienneté de l’exposition. Ils ont observé aussi une diminution
annuelle du volume expiratoire maximal seconde (VEMS) (pourcentage par rapport à la
valeur théorique) sept fois plus importante que chez les témoins.

Une seule étude portant sur les broncho-pneumopathies chroniques chez les
travailleurs du textile a été menée au début des années soixante-dix par Arend
Bouhuys (Bouhuys et coll., 1977). L’originalité de cette étude a été d’inclure
aussi bien le personnel en activité que les retraités. Les sujets étaient ou
avaient été employés dans l’une des quatre usines locales de Columbia, en Caroline
du Sud. Les critères de sélection de la cohorte ont été décrits dans la première
analyse transversale. A l’origine, le groupe retenu comptait 692 personnes, mais
l’analyse a été restreinte à 646 sujets de race blanche, âgés d’au moins 45 ans en
1973. Ces personnes avaient travaillé en moyenne trente-cinq ans dans l’usine. Le
groupe témoin retenu pour l’analyse transversale était constitué de sujets de race
blanche d’au moins 45 ans, dans trois localités ayant fait l’objet d’une étude
transversale: Ansonia, Lebanon (Connecticut) et Winnsboro (Caroline du Sud). Malgré
les différences géographiques, socio-économiques ou autres, la fonction pulmonaire
dans cette population n’était pas différente de celle qui avait été mesurée chez
les travailleurs du textile affectés aux tâches les moins poussiéreuses. Aucune
variation de la fonction pulmonaire et des symptômes respiratoires n’étant apparue
dans les trois sous-populations témoins, seuls les sujets de Lebanon étudiés en
1972 et en 1978 ont été retenus comme témoins pour l’étude longitudinale effectuée
en 1973 et en 1979 chez les travailleurs du textile (Beck, Doyle et Schachter,
1981; Beck, Doyle et Schachter, 1982).

La symptomatologie aussi bien que la fonction pulmonaire ont été largement


étudiées. Au cours d’une étude prospective, on a pu déterminer que l’incidence de
sept symptômes ou syndromes respiratoires (dont la byssinose) était plus élevée
chez les travailleurs du textile que chez les témoins, même après ajustement tenant
compte du tabagisme (Beck, Maunder et Schachter, 1984). La subdivision des
travailleurs du textile en sujets actifs et retraités a montré une incidence
maximale de la symptomatologie chez les personnes qui avaient pris leur retraite au
cours de l’étude. Les résultats semblent indiquer que le risque de détérioration
est présent non seulement chez les personnes en activité, mais aussi chez les
retraités, probablement en raison de l’irréversibilité de l’atteinte pulmonaire.

Dans cette cohorte, la détérioration de la fonction pulmonaire a été quantifiée sur


une période de six ans. La diminution moyenne chez les travailleurs du textile (42
ml/an chez les hommes et 30 ml/an chez les femmes) s’est révélée significativement
plus importante que chez les témoins (27 ml/an et 15 ml/an respectivement). Compte
tenu du tabagisme, la diminution du volume expiratoire maximal seconde (VEMS) était
plus élevée chez les travailleurs que chez les témoins.

De nombreux auteurs ont soulevé la question du tabagisme qui peut laisser perplexe.
De nombreux travailleurs du textile étant des fumeurs de cigarettes, il a été
avancé que la broncho-pneumopathie chronique attribuée à l’exposition aux
poussières de textiles était en réalité largement imputable au tabagisme. Deux
réponses ont été apportées à cette question, sur la base des observations
effectuées chez les travailleurs de Columbia. Dans l’étude de Beck, Maunder et
Schachter (1984), une analyse de variance bifactorielle portant sur tous les
paramètres de la fonction respiratoire a démontré que les effets de la poussière de
coton et du tabagisme étaient uniquement additifs. En d’autres termes, la
détérioration quantitative de la fonction pulmonaire due à l’un des deux facteurs
(tabagisme ou exposition aux poussières) ne varie pas en fonction de la présence ou
de l’absence du second facteur. La détérioration de la capacité vitale et la
diminution du VEMS apparaissent quantitativement similaires (antécédents de
tabagisme de 56 paquets-année en moyenne, pour 35 ans de travail en usine). Dans
une étude de même type, Schachter et coll. (1989) ont montré que l’utilisation d’un
paramètre reflétant la courbe du débit expiratoire de pointe (l’angle bêta)
permettait de distinguer les profils d’anomalies fonctionnelles respiratoires dus
au tabagisme et aux poussières de coton. Ces travaux ont confirmé les conclusions
antérieures de Merchant.

La mortalité
Les études consacrées à l’effet sur la mortalité de l’exposition aux poussières de
coton n’ont pas démontré d’influence systématique. L’analyse des résultats publiés
à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle au Royaume-Uni semble mettre en
évidence une mortalité cardio-vasculaire accrue chez les travailleurs âgés dans
l’industrie textile (Schilling et Goodman, 1951). En revanche, l’examen des données
disponibles dans les localités de la Nouvelle-Angleterre où étaient implantées des
usines textiles à la fin du XIXe siècle n’a pas confirmé ce phénomène (Arlidge,
1892). De même, Henderson et Enterline (1973) ont abouti à des conclusions
négatives dans leur étude portant sur des travailleurs qui avaient été employés
dans des usines situées en Géorgie entre 1938 et 1951. Au contraire, Dubrow et Gute
(1988), qui ont conduit une étude sur des travailleurs du textile dans le Rhode
Island décédés entre 1968 et 1978, ont observé une augmentation significative du
taux de mortalité proportionnelle imputable aux pathologies respiratoires non
malignes. Ce phénomène était associé à une exposition accrue aux poussières puisque
le taux était plus élevé chez les travailleurs affectés au cardage, au doublage et
au peignage que chez les autres travailleurs du textile. Il faut souligner que,
dans cette étude comme dans d’autres (Dubrow et Gute, 1988; Merchant et Ortmeyer,
1981), la mortalité par cancer du poumon était faible. Cet argument a été mis en
avant pour affirmer que le tabagisme n’était pas une cause majeure de mortalité
dans ces groupes.

Des observations effectuées en Caroline du Sud semblent indiquer que les broncho-
pneumopathies chroniques sont une cause majeure de mortalité ou constituent, en
tout cas, un facteur prédisposant. En effet, chez les travailleurs qui sont décédés
entre 45 et 64 ans au cours d’une période de suivi de six ans, la fonction
pulmonaire mesurée d’après le VEMS résiduel (valeur observée par rapport à la
valeur théorique) s’était considérablement détériorée lors de l’étude initiale chez
les hommes non-fumeurs décédés au cours des six années de suivi (VEMS résiduel
moyen = 0,9 l) (Beck et coll., 1981). Il est fort possible que l’effet du travail
en usine sur la mortalité ait été masqué par un phénomène de sélection (effet du
travailleur en bonne santé). Enfin, Rooke (1981b) a estimé que, sur les 121 décès
observés en moyenne chaque année chez les travailleurs invalides, 39 étaient
imputables à la byssinose.

Le renforcement des contrôles et le recul de la maladie


Des études effectuées au Royaume-Uni et aux Etats-Unis semblent indiquer que la
prévalence ainsi que les formes de broncho-pneumopathie observées chez les
travailleurs du textile ont évolué grâce à l’application de normes plus strictes
sur la qualité de l’air dans les usines de ces pays. En 1996, Fishwick et coll. ont
rapporté les résultats d’une étude transversale portant sur 1 057 ouvriers
travaillant dans 11 filatures du Lancashire. Les examens ont porté sur 97% du
personnel dont la plupart (713) manipulaient du coton et les autres, des fibres
synthétiques. La byssinose n’a été confirmée que chez 3,5% des travailleurs, et la
bronchite chronique chez 5,3%. Le VEMS était cependant diminué chez les personnes
exposées à de fortes concentrations de poussières. Ces prévalences sont très
réduites par rapport à celles qui avaient été rapportées dans les premières
enquêtes effectuées dans ces mêmes établissements. Cette faible prévalence de la
byssinose et des cas de bronchite associés semble aller de pair avec les efforts
visant à réduire les concentrations de poussières au Royaume-Uni. Dans cette
population, la détérioration de la fonction pulmonaire s’explique à la fois par le
tabagisme et par l’exposition aux poussières de coton.
Aux Etats-Unis, Glindmeyer et coll. (1991, 1994) ont conduit une étude prospective
sur cinq ans dans 9 usines (6 usines de coton et 3 de fibres synthétiques), entre
1982 et 1987. Celle-ci a porté sur 1 817 travailleurs affectés exclusivement à la
fabrication de filés de coton, à l’encollage et au tissage ou à la fabrication de
textiles synthétiques. Dans l’ensemble, moins de 2% des travail-leurs présentaient
des symptômes de byssinose. Cependant, les travailleurs affectés aux opérations de
fabrication des filés présentaient une détérioration annuelle de la fonction
pulmonaire plus importante que les travailleurs chargés de l’encollage et du
tissage. Les premiers accusaient une détérioration en fonction de la dose absorbée,
en relation également avec la qualité du coton utilisé. Ces usines respectaient les
normes de l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational
Safety and Health Administration (OSHA)), avec des concentrations moyennes de
poussières de coton en suspension dans l’air (exemptes de coton-fibre) atteignant,
sur 8 heures, 196 µg/m3 pour la fabrication du fil et 455 µg/m3 pour l’encollage et
le tissage. Glindmeyer et coll. (1994), qui ont mis en relation les variations de
la fonction pulmonaire au cours de la semaine de travail (équivalent fonctionnel
objectif des symptômes de byssinose) et la détérioration de ce paramètre dans le
temps, ont montré que les premières annonçaient de façon significative l’évolution
longitudinale.

Si la fabrication des textiles dans les régions développées paraît aujourd’hui


associée à des pathologies moins fréquentes et moins sévères, il n’en va pas de
même dans les pays en développement. De fortes prévalences de byssinose sont
toujours enregistrées dans le monde, notamment dans les pays où les normes
gouvernementales sont laxistes ou inexistantes. Dans sa revue de la littérature,
Parikh (1992) a constaté que la prévalence de la byssinose dépassait de loin 20%
dans des pays tels que l’Inde, le Cameroun, l’Ethiopie, le Soudan et l’Egypte.
Zuskin et coll. (1991) ont suivi 66 travailleurs en Croatie, dans une usine textile
traitant le coton, où les concentrations moyennes de poussières inhalables étaient
encore égales à 1,0 mg/m3. La prévalence de la byssinose avait doublé, et la
diminution annuelle de la fonction pulmonaire était pratiquement deux fois
supérieure aux estimations calculées pour une population saine de non-fumeurs.

Les maladies non respiratoires liées au travail dans l’industrie textile


Outre les syndromes respiratoires caractéristiques qui peuvent toucher les
travailleurs de l’industrie textile, un certain nombre d’autres risques ont été mis
en relation avec les conditions de travail et les produits dangereux que l’on
rencontre dans cette industrie.

La cancérogenèse a été associée au travail dans l’industrie textile. Les premières


études avaient indiqué une incidence élevée de cancer colorectal chez les
travailleurs occupés à la fabrication des fibres synthétiques (Vobecky et coll.,
1979; Vobecky, Devroede et Caro, 1984). Une étude rétrospective effectuée par
Goldberg et Theriault (1994a) dans des établissements fabriquant des textiles
synthétiques semble mettre en évidence une association avec la durée de l’emploi
dans les ateliers d’extrusion du polypropylène et du triacétate de cellulose. Ces
auteurs ont signalé d’autres associations avec des maladies néoplasiques, mais
leurs observations n’ont pas convaincu (1994b).

L’exposition aux colorants azoïques a été associée au cancer de la vessie dans de


nombreuses branches d’activité. Siemiatycki et coll. (1994) ont noté une faible
association entre le cancer de la vessie et le travail des fibres acryliques et du
polyéthylène, surtout chez les teinturiers. Les plus anciens d’entre eux
présentaient notamment un risque dix fois plus élevé de cancer de la vessie
(signification statistique marginale). Des observations similaires ont été
rapportées par d’autres auteurs, bien que des résultats négatifs aient aussi été
publiés (Anthony et Thomas, 1970; Steenland, Burnett et Osorio, 1987; Silverman et
coll., 1989).
Les traumatismes dus aux mouvements répétés constituent un risque reconnu dans
l’industrie textile lorsqu’on a recours à des machines qui fonctionnent à vitesse
élevée (Thomas, 1991). Une description du syndrome du canal carpien (Forst et
Hryhorczuk, 1988) chez une couturière se servant d’une machine à coudre électrique
illustre la pathogénie de ce type d’affection. Une analyse des lésions des mains
chez les travailleurs de la laine dans le Yorkshire, traitées entre 1965 et 1984
par l’Unité régionale de chirurgie plastique, a montré une constance de l’incidence
annuelle de ces lésions, alors que les effectifs avaient été divisés par 5, ce qui
indique un risque accru dans cette population (Myles et Roberts, 1985).

Une toxicité hépatique a été rapportée par Redlich et coll. (1988) chez des
travailleurs du textile exposés au diméthylformamide, utilisé comme solvant dans
une usine de traitement de tissus. Cette toxicité a été reconnue lors d’une
«épidémie» d’hépatopathies dans un établissement de New Haven (Connecticut) qui
produit des tissus enduits de polyuréthane.

Le sulfure de carbone , composé organique utilisé pour la préparation de textiles


synthétiques, a été associé à une mortalité accrue par cardiopathie ischémique
(Partanen et coll., 1970; Sweetnam, Taylor et Elwood, 1987). Ce phénomène pourrait
être lié à l’effet de ce produit sur les lipides sanguins et la pression
diastolique (Egeland et coll., 1992). Le même composé a également été associé à une
neurotoxicité périphérique, à des lésions des organes sensoriels et à des troubles
des fonctions hormonale et reproductive. On estime généralement que ces effets
toxiques apparaissent après une exposition prolongée à des concentrations dépassant
10 à 20 ppm (Riihimaki et coll., 1992).

Des réactions allergiques — eczéma, urticaire et asthme — à des colorants réactifs


ont été rapportées chez des travailleurs des ateliers de teinture (Estlander, 1988;
Sadhra, Duhra et Foulds, 1989; Seidenari, Mauzini et Danese, 1991).

Enfin, des cas de stérilité ont été décrits chez des hommes et des femmes à la
suite d’une exposition à diverses substances présentes dans l’industrie textile
(Rachootin et Olsen, 1983; Buiatti et coll., 1984).

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Partie XIV. Industries des textiles et de l'habillement


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Partie XIV. Industries des textiles et de l'habillement
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Chapitre 89 - L'industrie textile
L’INDUSTRIE TEXTILE: HISTOIRE, SÉCURITÉ ET SANTÉ
Leon J. Warshaw

L’industrie textile
Le terme industrie textile (du latin texere , tisser) s’appliquait à l’origine au
tissage d’étoffes à partir de fibres, mais il recouvre aujourd’hui toute une série
d’autres procédés tels que le tricotage, le tuftage (ou touffetage) et le feutrage,
pour n’en citer que quelques-uns. Ce terme s’étend même à la fabrication de filés
ou de non-tissés à partir de fibres naturelles ou synthétiques, ainsi qu’au
finissage et à la teinture des étoffes.

La production de filés
A l’époque préhistorique, on utilisait des poils d’animaux, des plantes et des
graines pour fabriquer des fibres. La soie a été introduite en Chine vers 2600
avant J.-C. et les premières fibres synthétiques ont été mises au point au milieu
du XVIIIe siècle. Les fibres synthétiques fabriquées à partir de cellulose ou de
produits pétrochimiques sont de plus en plus utilisées, seules ou en mélange avec
d’autres fibres synthétiques ou naturelles, mais elles n’ont jamais remplacé
totalement les fibres naturelles telles que la laine, le coton, le lin et la soie.

La soie est la seule fibre naturelle formée de filaments qu’il est possible de
réunir et de transformer en fil par torsion. Les autres fibres naturelles doivent
être préalablement étirées et alignées parallèlement par peignage, puis
transformées en un fil continu par filage. Le fuseau est le premier outil utilisé
pour filer. Il a été mécanisé en Europe vers l’an 1400 grâce à l’invention du
rouet. C’est à la fin du XVIIe siècle qu’est apparue la machine à filer qui
permettait de faire fonctionner simultanément plusieurs fuseaux. Avec le métier à
filer inventé en 1769 par Richard Arkwright et le métier renvideur de Samuel
Crompton, qui permettait de faire fonctionner un millier de broches à la fois, la
filature est passée du stade artisanal à l’ère industrielle.

La fabrication des tissus


La fabrication des tissus a une histoire similaire. Depuis l’Anti-quité, l’outil de
base était le métier à tisser manuel. Des améliorations mécaniques ont été
apportées par la lisse sur laquelle on attache un fil de chaîne sur deux. Au XIIIe
siècle a été introduite la pédale qui permettait de faire fonctionner plusieurs
jeux de lisses. Avec l’intégration du battant qui mettait en place le fil de trame,
le métier mécanisé est devenu l’instrument de tissage prédominant en Europe, voire
dans les autres parties du monde, à l’exception des régions où les traditions
culturelles faisaient survivre les anciens métiers manuels.

La mécanisation du tissage a commencé en 1733 avec la navette volante de John Kay,


qui permettait de lancer automatiquement la navette sur toute la largeur du métier.
Edmund Cartwright mit au point le métier à vapeur et, en 1788, il créa avec James
Watt, en Angleterre, la première usine textile fondée sur ce principe. Les usines,
alors affranchies de l’énergie hydraulique, pouvaient être construites n’importe
où. Un autre développement important a été le système à cartes perforées inventé en
1801 par le Français Joseph Marie Jacquard, grâce auquel les motifs pouvaient être
tissés automatiquement. Les anciens métiers à vapeur, en bois, ont été
progressivement remplacés par des machines construites en acier ou en d’autres
métaux. Les progrès techniques intervenus depuis lors ont consisté à en augmenter
la taille et la rapidité et à en améliorer l’automatisation.

La teinture et l’impression
A l’origine, on utilisait des colorants naturels pour teindre les fils et les
tissus, mais ces procédés se sont compliqués au XIXe siècle avec la découverte des
colorants dérivés des goudrons de houille, puis avec la mise au point des fibres
synthétiques au XXe siècle. Au début, l’impression à la planche servait à teindre
les tissus (la sérigraphie a été mise au point pour cette application vers le
milieu du XIXe siècle), mais elle a été rapidement remplacée par l’impression au
rouleau. Des rouleaux en cuivre gravé ont été utilisés pour la première fois en
Angleterre en 1785. Des améliorations rapides ont permis d’imprimer, grâce à ce
procédé, en six couleurs différentes, parfaitement transférées. Avec les techniques
modernes, on peut imprimer 180 m de tissu par minute en 16 couleurs ou davantage.

Le finissage
Jadis, le finissage des tissus passait par le brossage ou le tondage, l’apprêtage
ou l’encollage, ou encore le calandrage pour obtenir un effet brillant.
Aujourd’hui, les tissus sont rétrécis, mercerisés (les fils et les tissus de coton
sont traités par des solutions caustiques pour les renforcer et les faire briller)
et soumis à toute une série de traitements destinés à améliorer entre autres la
résistance au froissement, à l’eau, au feu et aux moisissures ou encore la tenue
des plis.

Des traitements spéciaux permettent d’obtenir des fibres à haute performance ,


appelées ainsi en raison de leur solidité exceptionnelle et de leur résistance aux
températures très élevées. Ainsi, l’aramide est une fibre similaire au nylon, mais
plus résistante que l’acier, et le Kevlar®, fabriqué à partir de l’aramide, est
utilisé pour fabriquer des tissus pare-balles et des vêtements qui résistent aussi
bien à la chaleur qu’aux produits chimiques. D’autres fibres synthétiques combinées
à du carbone, du bore, de la silice, de l’aluminium ou d’autres matières sont
utilisées pour produire des matériaux structurés légers et extrêmement robustes
entrant dans la fabrication des avions, des navettes spatiales, des filtres et des
membranes résistant aux produits chimiques, ou encore des accessoires de protection
utilisés par les sportifs.

De l’artisanat à l’industrie
La fabrication des textiles était initialement un art manuel pratiqué soit par des
fileurs et des tisseurs qui travaillaient à domicile, soit par de petites équipes
d’artisans qualifiés. Les progrès techniques ont fait naître de grandes entreprises
textiles économiquement très importantes, principalement au Royaume-Uni et dans les
pays d’Europe occidentale. Les premiers immigrants installés en Amérique du Nord
ont implanté des fabriques de tissus en Nouvelle-Angleterre (Samuel Slater, qui
avait dirigé une usine textile en Angleterre, a construit de mémoire un métier à
filer à Providence, Rhode Island, en 1790). L’invention de l’égreneuse par Eli
Whitney, qui permettait de nettoyer très rapidement le coton récolté, a entraîné un
accroissement de la demande en tissus de coton.

Cette tendance s’est accélérée grâce à la commercialisation de la machine à


coudre . Au début du XVIIIe siècle, plusieurs inventeurs ont mis au point des
machines permettant de coudre le tissu. En France, Barthélemy Thimonnier déposa un
brevet en 1830 pour sa machine à coudre. En 1841, alors que 80 de ses machines
travaillaient pour l’armée française, son usine fut détruite par des tailleurs qui
estimaient que cette innovation pouvait compromettre leurs moyens de subsistance.
En Angleterre, à la même époque, Walter Hunt mit au point une machine améliorée,
mais abandonna son projet, craignant que son invention ne mette des couturières
pauvres au chômage. En 1848, Elias Howe déposa un brevet aux Etats-Unis pour une
machine très similaire à celle de Hunt; il s’engagea par la suite dans de
nombreuses procédures en contrefaçon contre des industriels et finit par les
gagner. L’invention de la machine à coudre moderne revient à Isaac Merritt Singer
qui mit au point le bras libre, le pied-de-biche pour maintenir le tissu et la roue
pour l’entraîner, et qui remplaça la manivelle par une pédale laissant les deux
mains libres pour guider l’ouvrage. En plus de la conception et de la fabrication
de cette machine, l’inventeur créa la première grande entreprise tournée vers le
consommateur, qui se caractérisait par des innovations telles que des campagnes
publicitaires, la vente à tempérament et la proposition de contrats d’entretien.

Ainsi, les progrès techniques accomplis au cours des XVIIIe et XIXe siècles n’ont
pas seulement donné le coup d’envoi à l’industrie textile moderne, mais ont été à
l’origine de la révolution industrielle et de mutations familiales et sociales
profondes. De nouveaux changements ont lieu aujourd’hui, puisque les grosses
entreprises textiles se déplacent vers de nouvelles régions qui offrent une main-
d’œuvre et des sources d’énergie moins onéreuses, tandis que la bataille de la
concurrence suscite des développements techniques incessants tels que la production
assistée par ordinateur (PAO) qui permet de réduire les effectifs et d’améliorer la
qualité. Les politiciens, quant à eux, négocient des quotas et des tarifs, ou
mettent en place des barrières économiques pour obtenir ou conserver des avantages
concurrentiels pour leur pays. Ainsi, l’industrie textile fournit des produits
essentiels à une population mondiale en pleine expansion, tout en exerçant une
influence profonde sur le commerce international et l’économie des nations.

Les problèmes de sécurité et de santé


A mesure que les machines sont devenues plus grosses, plus rapides et plus
compliquées, de nouveaux risques sont apparus. La complexité croissante des
matériaux et des procédés a suscité de nouveaux risques pour la santé. Alors que le
personnel devait faire face à la mécanisation et à des exigences de productivité
accrues, le stress professionnel, largement méconnu ou ignoré, a commencé de peser
de plus en plus lourdement sur le bien-être des salariés. L’impact de la révolution
industrielle s’est manifesté essentiellement au niveau de la vie sociale, marquée
par la migration des travailleurs vers les villes et par tous les maux de
l’urbanisation. Aujourd’hui même, on assiste aussi à ce type d’effets, alors que
l’industrie textile et d’autres branches se déplacent vers des pays et des régions
en développement, à un rythme encore plus rapide.

Les risques liés aux différents secteurs de cette branche sont exposés dans les
articles du présent chapitre qui soulignent l’importance des facteurs suivants:
entretien des locaux et des machines; installation de systèmes de protection et de
dispositifs de sécurité efficaces pour éviter tout contact avec les pièces en
mouvement; mise en place d’une ventilation par aspiration localisée en complément
d’un bon système général de ventilation et de régulation de la température; enfin,
fourniture d’équipements et de vêtements de protection individuelle lorsqu’un
risque ne peut être totalement maîtrisé ou supprimé par la conception initiale, par
la prévention collective ou par l’utilisation de substances moins dangereuses. Les
auteurs insistent tous sur la nécessité d’informer et de former sans relâche le
personnel à tous les niveaux et sur l’importance de la surveillance.

Les problèmes liés à l’environnement


Les préoccupations qui se font jour au sujet de l’environnement dans l’industrie
textile ont deux origines: les opérations de fabrication elles-mêmes et les risques
liés au mode d’utilisation des produits.

La fabrication des textiles


Les principaux problèmes d’environnement créés par les usines textiles sont
imputables aux substances toxiques libérées dans l’air et dans les eaux usées.
Outre la toxicité éventuelle des substances, les odeurs désagréables posent souvent
problème, notamment lorsque des ateliers de teinture et d’impression sont situés à
proximité de zones résidentielles. Les gaz dégagés par les systèmes de ventilation
peuvent contenir des vapeurs de solvants, du formaldéhyde, des hydrocarbures, du
sulfure d’hydrogène et des composés métalliques. Les solvants sont parfois
récupérés et distillés pour être réutilisés. Les particules peuvent être captées
par filtration. L’épuration est efficace pour les composés volatils hydrosolubles
tels que le méthanol, mais non pas pour les opérations d’impression pigmentaire où
les hydrocarbures constituent l’essentiel des émissions. Les substances
inflammables peuvent être brûlées, mais cette technique est relativement coûteuse.
La dernière solution, enfin, consiste à employer des matériaux à émissivité aussi
faible que possible, ce qui se réfère non seulement aux teintures, aux liants et
aux agents de liaison transversale utilisés pour l’impression, mais aussi à la
teneur des tissus en formaldéhyde et en monomères résiduels.
La contamination des eaux usées par les colorants non fixés pose un problème
d’environnement grave, non seulement en raison des risques potentiels pour la santé
de l’être humain et des animaux, mais aussi en raison de la forte visibilité des
colorations produites. Dans les opérations de teinture ordinaire, on peut obtenir
une fixation de plus de 90%, mais ce taux tombe à 60%, voire moins, lorsqu’on se
sert de colorants réactifs. En d’autres termes, plus d’un tiers de la teinture
passe dans les eaux usées lors du dégommage du tissu imprimé, sans compter les
quantités dues au lavage des cadres, des pochoirs et des tambours.

Un certain nombre de pays ont fixé des limites portant sur la coloration des eaux
usées, mais il est souvent extrêmement difficile de les respecter sans installer un
système d’épuration très coûteux. Entre autres solutions, on utilise des teintures
dont l’effet contaminant est moindre et on tente de mettre au point des colorants
et des épaississants de synthèse qui augmentent le degré de fixation des teintures
et réduisent les excédents à éliminer par lavage (Grund, 1995).

L’utilisation des textiles et l’environnement


Les résidus de formaldéhyde et de certains complexes de métaux lourds (dont la
plupart sont inertes) peuvent produire une irritation et une sensibilisation
cutanée chez les personnes qui portent des tissus teints.

Le formaldéhyde et les solvants résiduels se trouvant dans les tapis et les tissus
servant pour l’ameublement et les rideaux continuent de se vaporiser
progressivement pendant un certain temps. Dans les immeubles très bien isolés, où
le système d’air conditionné recycle la plus grande partie de l’air au lieu de
l’évacuer à l’extérieur, ces substances peuvent atteindre des concentrations
suffisantes pour produire des symptômes chez les occupants, comme mentionné dans le
chapitre no 13, «Les troubles systémiques», de l’Encyclopédie.

Marks and Spencer, revendeur anglo-canadien de vêtements, a ouvert la voie en


fixant des limites à la teneur en formaldéhyde des vêtements qu’il achète. Des
fabricants de vêtements tels que Levi Strauss aux Etats-Unis ont répondu à cette
exigence. Certains pays ont adopté des mesures législatives sur ce point
(Allemagne, Danemark, Finlande et Japon). Grâce à la prise de conscience des
consommateurs, certains fabricants de tissus ont volontairement adhéré à ces normes
afin d’obtenir des labels écologiques (voir figure 89.1).

Figure 89.1 Labels écologiques utilisés pour les textiles


Figure 89.1

Conclusion
Les progrès techniques permettent d’élargir la gamme des tissus fabriqués par
l’industrie textile et contribuent à améliorer la productivité. Il est essentiel
cependant qu’ils soient aussi régis par des impératifs de sécurité, de santé et de
bien-être du personnel. Quoi qu’il en soit, la mise en œuvre de ces avancées pose
des problèmes dans les entreprises plus anciennes dont la viabilité financière est
mal assurée et qui n’ont pas les moyens d’effectuer les investissements
nécessaires. Il en va de même dans des régions en développement qui recherchent de
nouvelles industries à tout prix, même au détriment de la sécurité et de la santé
des travailleurs. Cependant, quelles que soient les circonstances, l’éducation et
la formation du personnel devraient permettre de réduire considérablement les
risques auxquels il est exposé.

LA CROISSANCE DE L’INDUSTRIE TEXTILE


Jung-Der Wang

Depuis son apparition sur la Terre, l’être humain a eu besoin de vêtements et de


nourriture pour survivre. La fabrication de tissus et de vêtements remonte donc aux
origines de l’humanité. Les anciens se servaient de leurs mains pour tisser et
tricoter du coton ou de la laine et obtenir ainsi du tissu ou de la toile. Ce n’est
qu’à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle que la révolution industrielle a
transformé les techniques de fabrication des vêtements. Plusieurs sortes d’énergie
motrice commençaient alors à être employées. Les principales matières premières
restaient cependant les fibres de coton, de laine et de cellulose. Depuis la
seconde guerre mondiale, la production des fibres synthétiques mises au point par
l’industrie pétrochimique s’est considérablement accrue. En 1994, les fabricants de
textiles ont utilisé dans le monde 17,7 millions de tonnes de fibres synthétiques,
ce qui représente 48,2% de l’ensemble de ces dernières. Ce pourcentage devrait
dépasser 50% après l’an 2000 (voir figure 89.2).

Figure 89.2 Evolution de la consommation de fibres par l'industrie textile jusqu'en


1994 et projection jusqu'en 2004
Figure 89.2

Selon une enquête de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et


l’agriculture (FAO) sur la consommation mondiale de fibres par l’industrie du
vêtement, les taux de croissance annuels moyens ont atteint 2,9, 2,3 et 3,7% pour
les périodes 1969-1989, 1979-1989 et 1984-1989, respectivement. Si l’on tient
compte de la tendance antérieure, de la croissance démographique, de la hausse du
produit intérieur brut par personne et de l’augmentation de l’utilisation des
différents produits textiles due à l’amélioration des revenus, la demande de
produits textiles a atteint 42,2 millions de tonnes en l’an 2000 et devrait
atteindre 46,9 millions en 2005 (voir figure 89.2). Cette tendance met en évidence
une augmentation régulière de la demande et laisse présager que l’industrie textile
continuera d’employer une main-d’œuvre importante.

Une autre transformation majeure est l’automatisation progressive du tissage et du


tricotage qui, associée à l’augmentation du coût du travail, a entraîné le
déplacement de ce secteur industriel vers les pays en développement. Bien que la
production des filés et des textiles ainsi que la fabrication en amont de certaines
fibres synthétiques restent encore l’apanage des pays développés, une grande partie
de l’industrie du vêtement, grande consommatrice de main-d’œuvre et située en aval
de la chaîne de fabrication, a déjà migré vers les pays en développement.
L’industrie du textile et de l’habillement implantée dans la région Asie-Pacifique
assure actuellement 70% environ de la production mondiale. Le tableau 89.1 montre
l’évolution de l’emploi dans cette région. La sécurité et la santé des travailleurs
du textile sont ainsi devenues des questions de grande importance dans les pays en
développement. Les figures 89.3 à 89.6 illustrent certaines opérations textiles
effectuées dans les régions en développement.

Tableau 89.1 Nombre d'entreprises et de salariés recensés dans l'industrie


textile et le secteur de l'habilement dans certains pays et territoires de la
région
Asie-Pacifique en 1985 et en 1995
Nombre

Année

Australie

Chine

Corée, République de

Hong-kong

Inde
Indonésie

Malaisie

Nouvelle-Zélande

Pakistan

Entreprises

1985
1995

2 535
4 503

45 500
47 412

12 310
14 262

13 114
6 808

13 435
13 508

1 929
2 182

376
238

2 803
2 547

1 357
1 452

Salariés (x103)

1985
1995

96
88

4 396
9 170

684
510

375
139

1 753
1 675

432
912

58
76

31
21

n.d.
n.d.

n.d.: donnée non disponible.

Figure 89.3 Le peignage


Figure 89.3

Figure 89.4 Le cardage


Figure 89.4

Figure 89.5 Une cueilleuse mécanique moderne


Figure 89.5

Figure 89.6 L'ourdissage


Figure 89.6

LA PRODUCTION ET L’ÉGRENAGE DU COTON


W. Stanley Anthony

La production de coton
Les pratiques culturales du coton commencent après la cueillette précédente. Les
premières opérations consistent en principe à broyer les tiges, à arracher les
racines et à briser les mottes au pulvérisateur à disques. Des engrais et des
herbicides sont généralement appliqués et incorporés dans le sol avant que la terre
soit préparée pour l’irrigation ou l’ensemencement. Etant donné que les
caractéristiques du sol, les engrais utilisés antérieurement et les méthodes de
cueillette peuvent donner lieu à des degrés de fertilité très différents, les
programmes de fertilisation doivent être fondés sur des analyses pédologiques. La
lutte contre les plantes adventices est indispensable pour obtenir un rendement
élevé en coton égrené et une qualité satisfaisante: en effet, le rendement et
l’efficacité de la récolte peuvent chuter de 30% en présence de mauvaises herbes.
Les herbicides ont été largement utilisés dans de nombreux pays depuis le début des
années soixante. Parmi les méthodes auxquelles on recourt, il faut citer
l’application d’herbicides sur le feuillage des plantes adventices avant les semis,
l’intégration dans le sol à ce même stade et le traitement avant et après
l’émergence de la plantule.

Plusieurs facteurs jouent un rôle important pour obtenir des plants de qualité: la
préparation des sillons, l’humidité et la température du sol, la qualité des
semences, les maladies des plantules, l’emploi de fongicides et la salinité du sol.
L’utilisation de semences de bonne qualité mises en terre dans des sillons bien
préparés est un facteur clé pour obtenir des plants précoces, uniformes et
vigoureux. Les bonnes semences devraient avoir un taux de germination d’au moins
50% dans un test à froid. Dans un test froid/chaud, l’indice de vigueur de la
semence devrait être d’au moins 140. Il est recommandé de semer 12 à 18 graines par
mètre sur chaque rangée pour obtenir de 14 000 à 20 000 plants par hectare. Un
semoir à mécanisme de dosage approprié devrait être utilisé pour assurer un
espacement uniforme des graines, quelle que soit leur taille. Les taux de
germination et d’émergence sont étroitement liés dans une fourchette de température
allant de 15 à 38 °C.

Des maladies précoces touchant les plantules peuvent empêcher l’obtention de


plantations uniformes et contraindre à réensemencer. Parmi les agents pathogènes
importants à ce stade, il faut citer Pythium, Rhizoctonia, Fusarium et
Thielaviopsis qui peuvent affaiblir les plantations et créer de grands espaces
dénudés. Il ne faut semer que des graines correctement traitées avec un ou
plusieurs fongicides.

En ce qui concerne l’eau consommée lors des différents stades du développement de


la plante, le coton présente des caractéristiques semblables à celles des autres
cultures. La consommation d’eau correspond en général à 2,5 mm par jour entre
l’émergence et la formation du premier carré. Pendant cette période, la perte
d’humidité du sol par évaporation peut dépasser la quantité d’eau libérée par la
plante. La consommation augmente fortement dès l’apparition des premières fleurs
pour atteindre un maximum de 10 mm par jour en pleine floraison. Ces quantités se
rapportent à la quantité totale d’eau nécessaire pour obtenir une récolte de coton
(précipitations et irrigation).

Les populations d’insectes peuvent avoir un impact important sur la qualité du


coton et le rendement. Il faut intervenir en début de saison pour favoriser la
fructification et un développement végétatif équilibré. Il est essentiel de
protéger les fruits dès les premiers stades de la fructification pour obtenir une
bonne récolte. Plus de 80% de la production se constituent au cours des trois à
quatre premières semaines de fructification. Le coton devrait être examiné au moins
deux fois par semaine au cours de cette période pour surveiller et contrôler les
insectes et les dommages éventuels.

Un programme de défoliation bien conduit réduit les débris végétaux qui peuvent
altérer la qualité du coton récolté. Les régulateurs de croissance chimiques sont
des défoliants utiles, car ils permettent de maîtriser la croissance végétative et
contribuent à une fructification plus précoce.

La récolte
Deux types d’équipements mécaniques sont utilisés pour la cueil-lette du coton: la
récolteuse à broches et l’écapsuleuse de coton . La récolteuse à broches est une
machine de type sélectif qui utilise des broches coniques et barbelées pour
extraire la fibre de la graine. Cette cueilleuse peut être employée plusieurs fois
sur une plantation pour obtenir des récoltes stratifiées. L’écapsuleuse de coton
est, en revanche, une cueilleuse non sélective à passage unique qui récolte non
seulement les capsules bien ouvertes, mais aussi celles qui sont craquelées et
fermées, ainsi que les débris de capsules et autres corps étrangers.

Les pratiques agronomiques qui visent à obtenir une culture uniforme et de bonne
qualité contribuent généralement à l’efficacité de la récolte. Le champ devrait
être correctement drainé et les rangées tracées de manière à faciliter le passage
des machines. L’extrémité des rangées devrait être libre de plantes adventices, et
une bordure de 7,6 à 9 m devrait être ménagée autour du champ pour permettre les
manœuvres et l’alignement des cueilleuses sur les rangées. Cette bordure devrait
être débarrassée des mauvaises herbes. La pulvérisation des mottes est déconseillée
par temps pluvieux; il est préférable de détruire les mauvaises herbes par des
produits chimiques ou par la tonte. La hauteur des plants ne devrait pas dépasser
1,20 m environ pour le coton cueilli par récolteuse à broches, et 9 cm pour le
coton récolté par écapsuleuse. La hauteur des plants peut être contrôlée dans une
certaine mesure à l’aide de régulateurs de croissance chimique utilisés au moment
opportun. Il est préférable que la capsule inférieure se trouve à 10 cm du sol au
moins. Les activités culturales — fertilisation, travail du sol et irrigation —
pendant la croissance devraient être conduites avec soin pour obtenir une récolte
régulière de coton bien développé.

La défoliation chimique est une pratique qui induit la chute du feuillage. Des
défoliants peuvent être employés pour minimiser la contamination par les débris de
feuilles vertes et favoriser le séchage rapide de la rosée matinale sur le duvet.
Toutefois, les défoliants ne devraient pas être utilisés avant l’ouverture d’au
moins 60% des capsules. La récolte ne devrait être effectuée que sept à quatorze
jours après l’application d’un défoliant (ce délai varie en fonction des produits
chimiques choisis et des conditions météorologiques). Des agents de dessiccation
chimique peuvent aussi être employés pour préparer la récolte. La dessiccation
provoque une perte rapide de l’eau contenue dans le tissu végétal et entraîne la
mort de celui-ci; les feuilles mortes qui en résultent restent attachées à la
plante.

Dans la production cotonnière, la tendance actuelle est au raccourcissement de la


saison et à la récolte unique. Les produits chimiques qui accélèrent l’ouverture
des capsules sont appliqués avec le défoliant ou peu après la chute des feuilles;
ils permettent des récoltes plus précoces et augmentent le pourcentage de capsules
prêtes à être cueillies au cours de la première récolte. Comme ces produits
chimiques peuvent ouvrir totalement ou partiellement des capsules immatures, la
qualité de la récolte peut être gravement altérée si ces produits sont utilisés
trop tôt (indice micronaire trop faible).

Le stockage
La teneur en humidité du coton avant et pendant le stockage est un facteur
critique. Une humidité excessive induit une surchauffe du coton stocké, ce qui
entraîne un changement de couleur du coton-fibre, une germination plus faible des
graines, voire une combustion spontanée. Le coton-graine ayant une teneur en
humidité supérieure à 12% ne devrait pas être stocké. La température intérieure des
bâtiments nouvellement construits devrait aussi être surveillée pendant les cinq à
sept premiers jours du stockage. Si la température s’élève de 11 °C ou dépasse 49
°C, il convient de procéder à un égrenage immédiat pour éviter les risques de
pertes importantes.

Plusieurs facteurs influent sur la qualité des graines et des fibres au cours du
stockage du coton-graine. La teneur en humidité est le principal d’entre eux. Parmi
les autres paramètres, il faut citer la durée du stockage, la quantité de corps
étrangers très humides, la variation de la teneur en humidité à l’intérieur de la
masse stockée, la température initiale du coton-graine, la température de celui-ci
au cours du stockage, les conditions météorologiques pendant cette période
(température, humidité relative et précipitations), ainsi que la protection du
coton contre la pluie et l’humidité du sol. Le jaunissement est accéléré lorsque
les températures sont élevées. Les montées en température et les températures
maximales sont deux facteurs importants (la hausse de la température est
directement liée à la chaleur générée par l’activité biologique).

L’égrenage
Environ 80 millions de balles de coton sont produites chaque année dans le monde;
20 millions d’entre elles passent par les quelque 1 300 égreneuses se trouvant aux
Etats-Unis. La principale fonction de l’égreneuse est de séparer la fibre des
graines, mais cette machine doit aussi éliminer une grande partie des corps
étrangers, faute de quoi la valeur du coton-fibre serait considérablement réduite.
Une égreneuse doit: 1) produire un coton-fibre de qualité satisfaisante pour le
marché; et 2) égrener le coton en portant le moins possible atteinte à la qualité
de filage des fibres afin que le coton réponde à la demande des utilisateurs
finaux, le filateur et le consommateur. La préservation de la qualité au cours de
cette opération impose donc un choix et un fonctionnement appropriés de chaque
machine du système d’égrenage. La manipulation et le séchage mécaniques peuvent
modifier les caractéristiques qualitatives naturelles du coton. Au mieux,
l’égreneuse préserve les caractéristiques qualitatives inhérentes au coton qu’elle
reçoit. Dans les paragraphes qui suivent, nous examinerons brièvement le rôle des
principales machines et opérations d’égrenage.

Les machines utilisées pour traiter le coton-graine


Le coton est apporté par une remorque ou un autre véhicule de transport et déversé
dans une poche de l’égreneuse qui élimine capsules vertes, cailloux et autres corps
étrangers. Une alimentation contrôlée assure un débit uniforme et une bonne
dispersion du coton, ce qui accroît l’efficacité du système d’épuration et de
séchage. Si le coton n’est pas correctement dispersé, il risque de traverser les
séchoirs sous forme d’agglomérats et de ne sécher qu’en surface.

Au début du séchage, l’air chaud fait circuler le coton sur des clayettes pendant
dix à quinze secondes. La température de l’air est réglée en fonction du degré de
séchage souhaité. Afin de ne pas endommager les fibres, la température ne devrait
jamais dépasser 177 °C au cours d’une opération normale. Des températures
supérieures à 150 °C peuvent entraîner une modification physique permanente des
fibres de coton. Des capteurs de température devraient être placés aussi près que
possible du point de rencontre entre le coton et l’air chaud. Si le capteur est
situé près de la sortie de la tour de séchage, la température au point de rencontre
peut excéder de 55 à 110 °C celle qui est enregistrée par le capteur d’aval. La
chute de température en aval résulte de l’évaporation et de la perte de chaleur au
travers des parois des machines et des tuyauteries. Le séchage se poursuit alors
que l’air chaud véhicule le coton-graine vers l’épurateur à cylindres, constitué de
six à sept cylindres rotatifs garnis de pointes qui tournent à 400-500 tours/min.
Ces cylindres frottent le coton sur une série de grilles à barreaux ou de tamis, le
secouent et entraînent l’évacuation, par les orifices prévus à cet effet, des corps
étrangers de petite taille tels que feuilles, débris et impuretés. Les épurateurs à
cylindres séparent le coton en gros tampons et le préparent aux opérations
d’épuration et de séchage ultérieures. Il est fréquent d’enregistrer à ce niveau
des vitesses de traitement d’environ six balles par heure et par mètre linéaire de
cylindre.

L’arracheuse extrait les corps étrangers les plus gros tels que les débris de
capsules et les brindilles. Cette machine utilise la force centrifuge créée par des
cylindres à scies qui tournent à 300-400 tours/min, ce qui rejette les corps
étrangers alors que la fibre est retenue par les scies. Les corps étrangers
éliminés sont introduits dans un système de traitement des débris. Les vitesses de
traitement atteignent fréquemment 4,9 à 6,6 balles par heure et par mètre linéaire
de cylindre.

L’égrenage (séparation des fibres de la graine)


Après un nouveau cycle de séchage et d’épuration par cylindres, le coton est amené
à chaque égreneuse par un transporteur-distributeur. Situé au-dessus de
l’égreneuse, l’extracteur-chargeur apporte une quantité donnée de coton, selon un
rythme régulier, tout en effectuant également une opération d’épuration. La teneur
en humidité de la fibre de coton au niveau du tablier de l’extracteur-chargeur est
décisive et doit être suffisamment basse pour que l’égreneuse puisse facilement
éliminer les corps étrangers. Elle ne devrait cependant pas tomber au-dessous de
5%, car il en résulterait une rupture des fibres au moment de la séparation des
graines et, par conséquent, une réduction notable de la longueur des fibres et du
rendement à l’égrenage. Du point de vue qualitatif, une teneur élevée en fibres
courtes augmente le volume des déchets lors de la fabrication des textiles, ce qui
n’est pas souhaitable. Les ruptures excessives de fibres peuvent être évitées en
maintenant une teneur en humidité de 6 à 7% au niveau du tablier de l’extracteur-
chargeur.

Deux types d’égreneuses sont couramment utilisés: l’égreneuse à scies et


l’égreneuse à cylindres cannelés. En 1794, Eli Whitney mit au point une égreneuse
qui permettait de séparer la fibre de la graine grâce à un cylindre muni de pointes
ou de scies. En 1796, Henry Ogden Holmes inventa une égreneuse à scies et à
cannelures qui remplaça celle de Whitney; l’égrenage qui était auparavant effectué
par lots devint alors une opération continue. Le coton (généralement Gossypium
hirsutum ) pénètre dans l’égreneuse à scies en passant par une décortiqueuse. Les
scies accrochent le coton et l’entraînent par-dessus les cannelures largement
espacées (ou cannelures de décorticage) de la décortiqueuse. Les touffes de coton
sont attirées vers le fond d’un bac mobile. L’opération d’égrenage est réalisée par
un ensemble de scies qui tournent entre des cannelures plus fines (ou cannelures
d’égrenage). Les dents des scies passent entre les cannelures au point d’égrenage.
A cet endroit, le bord d’attaque des dents est pratiquement parallèle à la
cannelure, et les dents arrachent les fibres des graines trop grosses pour passer
entre les cannelures. Des vitesses d’égrenage supérieures à celles recommandées par
le fabricant peuvent diminuer la qualité des fibres, endommager les graines et
provoquer des bourrages. La vitesse des scies de l’égreneuse a également son
importance; les vitesses élevées ont tendance à endommager davantage les fibres
lors de l’égrenage.

Les égreneuses à cylindres ont été les premiers outils mécaniques utilisés pour
séparer les fibres de coton à soies extralongues (Gossypium barbadense) de leurs
graines. L’égreneuse de Churka, d’origine inconnue, était composée de deux
cylindres qui tournaient ensemble à la même vitesse circonférencielle, arrachant la
fibre de la graine par pinçage et produisant environ 1 kg de coton-fibre par jour.
En 1840, Fones McCarthy mit au point une égreneuse plus efficace composée d’un
rouleau garni de cuir, d’un couteau fixe plaqué contre le rouleau et d’un couteau à
mouvement alternatif qui arrachait la graine de la fibre, maintenue par le rouleau
et le couteau fixe. A la fin des années cinquante, une égreneuse à rouleaux et à
couteaux rotatifs a été mise au point aux Etats-Unis par le laboratoire de
recherche sur l’égrenage du coton pour la région du sud-ouest, rattaché au service
de recherche agricole du ministère de l’Agriculture, en collaboration avec des
constructeurs d’égreneuses et des ateliers d’égrenage privés. Cette machine est la
seule égreneuse à rouleaux actuellement employée aux Etats-Unis.

L’épuration des fibres


Le coton est transporté de l’égreneuse vers les condenseurs en passant par de
grands conduits, puis transformé à nouveau en nappe. La nappe est retirée du
tambour du condenseur et chargée dans l’épurateur de fibres à scies. A l’intérieur
de l’épurateur, le coton passe entre les rouleaux d’alimentation, puis sur la table
d’alimentation qui plaque les fibres contre la scie de l’épurateur. La scie
transporte le coton sous des barreaux de grille où s’effectue, grâce à la force
centrifuge, la séparation mécanique des graines immatures et des corps étrangers.
Il est essentiel que l’écart entre les extrémités de la scie et les barreaux de la
grille soit correctement réglé. Les barreaux de la grille doivent être droits, avec
un bord d’attaque acéré, pour ne pas réduire l’efficacité de l’épuration et limiter
les pertes. Si la vitesse d’alimentation de l’épurateur dépasse les recommandations
du fabricant, l’efficacité de l’épuration est réduite et la perte en fibres de
qualité s’accroît. Le coton égrené au rouleau est généralement nettoyé à l’aide
d’épurateurs non agressifs, sans scie, pour réduire les pertes.

Les épurateurs de fibres permettent d’améliorer la qualité du coton en éliminant


les corps étrangers. Dans certains cas, ces appareils peuvent aussi améliorer la
couleur d’un coton légèrement taché en effectuant un mélange pour obtenir une
qualité blanche. Ils permettent également de transformer un coton taché en un coton
légèrement taché, voire blanc.

La mise en balles
Le coton épuré est compressé en balles qui doivent être recouvertes pour les
protéger de toute salissure au cours du transport et du stockage. Trois types de
balles sont produits: balles plates modifiées, balles à densité universelle de
compression et balles à densité universelle d’égrenage. Ces balles sont pressées à
des densités de 224 et de 449 kg/m3 pour les balles plates modifiées et pour les
balles à densité universelle, respectivement. Dans la plupart des égreneuses, le
coton est pressé dans une presse double dans laquelle le coton-fibre est tout
d’abord comprimé par un mécanisme mécanique ou hydraulique. La presse est alors
mise en rotation et la compression du coton-fibre est portée à 320 ou 641 kg/m3
avec des presses pour balles plates modifiées ou des presses pour balles à densité
universelle d’égrenage, respectivement. Les balles plates modifiées sont
recomprimées pour être transformées en balles à densité universelle de compression,
afin de réduire les coûts de fret. En 1995, environ 98% des balles préparées aux
Etats-Unis étaient des balles à densité universelle d’égrenage.

La qualité des fibres


Chaque stade de la production influe sur la qualité du coton, y compris le choix de
la variété, la récolte et l’égrenage. Certains paramètres de qualité dépendent
directement des caractères gé-nétiques, tandis que d’autres sont principalement
fonction des conditions d’environnement ou des pratiques de récolte et d’égrenage.
Tout problème survenant au cours de n’importe quelle étape de la production ou du
traitement peut être à l’origine d’une baisse irréversible de la qualité des fibres
et d’une perte de bénéfice pour le producteur comme pour le fabricant de textiles.

La qualité des fibres est optimale le jour de l’ouverture des capsules.


L’exposition aux intempéries, la récolte mécanique, les manipulations, l’égrenage
et la fabrication peuvent réduire cette qualité naturelle. De nombreux facteurs
sont révélateurs de la qualité globale de la fibre de coton; les plus importants
sont la solidité, la longueur des fibres, la teneur en fibres courtes (inférieures
à 1,27 cm), l’uniformité de longueur, la maturité, la finesse, la teneur en débris,
la couleur, la teneur en fragments d’enveloppes de graines et en boutons ainsi que
l’adhésivité. Le marché reconnaît généralement ces facteurs, même s’ils ne sont pas
tous mesurés sur chaque balle.

L’égrenage peut influer significativement sur la longueur des fibres, l’uniformité


et la teneur en fragments d’enveloppes de graines, en débris, en fibres courtes et
en boutons. Les deux facteurs qui ont le plus d’impact sur la qualité sont la
régulation de l’humidité des fibres au cours de l’égrenage et de l’épuration, et
l’utilisation d’épurateurs à scies.

La fourchette recommandée pour l’humidité de la fibre lors de l’égrenage est de 6 à


7%. Lorsque l’humidité est faible, les épurateurs éliminent mieux les débris, mais
endommagent davantage les fibres. Une humidité plus élevée préserve la longueur des
fibres, mais donne lieu à des problèmes d’égrenage et à une mauvaise épuration,
comme le montre la figure 89.7. Si le séchage est accru pour améliorer
l’élimination des débris, il en résulte une baisse de la qualité des filés. Bien
que l’aspect du fil s’améliore jusqu’à un certain point avec le séchage, grâce à
une meilleure élimination des corps étrangers, la teneur accrue en fibres courtes
compromet les avantages dus à l’élimination des corps étrangers.

Figure 89.7 Compromis recherché lors de l'égrenage du coton


Figure 89.7

L’épuration ne modifie guère la couleur véritable de la fibre, contrairement au


peignage et à l’élimination des débris. L’épuration du coton-fibre permet parfois
de mélanger les fibres de manière à réduire le nombre de balles considérées comme
tachées ou légèrement tachées. L’égrenage n’a aucun impact sur la finesse et la
maturité. Tous les dispositifs mécaniques ou pneumatiques utilisés au cours de
l’épuration et de l’égrenage accroissent la teneur en boutons, mais ce sont les
épurateurs de fibres qui ont ici le plus d’effet. La quantité de fragments
d’enveloppes de graines dans le coton-fibre dépend de l’état des graines et de
l’opération d’égrenage. Les épurateurs de fibres réduisent la taille des fragments,
mais non leur quantité. La solidité et l’aspect du fil ainsi que la rupture à
l’extrémité de filage sont trois facteurs qualitatifs importants pour le
comportement en filature; ils dépendent tous de l’uniformité de la longueur et,
donc, de la proportion de fibres courtes ou cassées. Ces trois éléments sont
généralement préservés au mieux lorsque le coton est égrené en limitant au minimum
l’utilisation de machines de séchage et d’épuration.

Des recommandations ont été formulées sur la séquence et le nombre des machines
d’égrenage permettant de sécher et d’épurer le coton cueilli par des récolteuses à
broches, afin d’obtenir des balles de valeur satisfaisante et de préserver la
qualité naturelle du coton. Ces recommandations ont généralement été suivies et
sont donc reconnues depuis plusieurs décennies par l’industrie cotonnière des
Etats-Unis. Elles prévoient des systèmes de primes et d’escomptes pour la
commercialisation et tiennent compte de l’efficacité de l’épuration et de
l’endommagement des fibres caractérisant les différentes égreneuses. Ces
recommandations doivent être adaptées si la récolte a été effectuée dans des
conditions particulières.

Lorsque les différentes machines d’égrenage sont utilisées selon la séquence


recommandée, 75 à 85% des corps étrangers sont généralement éliminés du coton. Ces
appareils rejettent malheureusement aussi une petite quantité de coton de bonne
qualité. L’épuration réduisant ainsi la quantité de coton commercialisable, il
importe de trouver un compromis entre cette opération et ses effets positifs comme
la réduction de la teneur en corps étrangers, d’une part, et ses effets négatifs
comme l’endommagement ou la perte de fibres, d’autre part.

Les problèmes de sécurité et de santé


Comme toute opération de transformation, l’égrenage du coton comporte de nombreux
risques. L’analyse des demandes de prestations au titre des accidents du travail
indique que les lésions touchent essentiellement les mains ou les doigts, puis le
dos ou la colonne vertébrale, les yeux, les pieds ou les orteils, les bras ou les
épaules, les jambes, le tronc et la tête. L’industrie s’est efforcée de réduire
considérablement les risques et d’organiser la formation à la sécurité, mais
l’égrenage reste un point noir: en effet, la fréquence élevée des accidents, leur
gravité et le grand nombre de jours d’arrêt de travail sont sources de
préoccupation. Le coût total des lésions professionnelles dues à l’égrenage doit se
calculer en ajoutant aux coûts directs (soins médicaux et autres indemnités) les
coûts indirects (journées perdues, immobilisation des machines, manque à gagner,
surcoût des assurances du personnel, perte de productivité et nombreux autres
facteurs négatifs). Les coûts directs sont plus faciles à déterminer, mais bien
moins élevés que les coûts indirects.

De nombreux règlements internationaux régissant la sécurité et la santé dans


l’égrenage du coton sont inspirés de la législation des Etats-Unis appliquée par
l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and
Health Administration (OSHA)) et l’Agence de protection de l’environnement
(Environmental Protection Agency (EPA)), qui réglemente aussi les pesticides.

D’autres dispositions relatives à l’agriculture peuvent également s’appliquer aux


installations d’égrenage: obligation d’apposer le symbole identifiant les véhicules
lents sur les remorques/tracteurs circulant sur la voie publique, installation
d’arceaux de sécurité sur les tracteurs manœuvrés par le personnel et conditions
d’hébergement correctes pour le personnel temporaire. Dans la mesure où ces
installations sont considérées comme des entreprises agricoles et ne sont pas
spécifiquement visées par de nombreux règlements, les employeurs de ce secteur
souhaiteront probablement se conformer à d’autres dispositions, telles que les
normes de l’OSHA applicables à l’industrie en général (OSHA Regulations (Standards
— 29CFR) (Part 1910)). Certaines normes spécifiques prévues par l’OSHA devraient
être appliquées dans le secteur de l’égrenage, à savoir les textes se référant aux
incendies et aux plans d’urgence (29 CFR 1910.38a), aux issues de secours (29 CFR
1910.35-40) et à l’exposition au bruit (29 CFR 1910.95). Les principales
obligations concernant les issues de secours et autres issues figurent dans les
textes référencés 29 CFR 1910.36 et 29 CFR 1910.37. Dans d’autres pays où les
travailleurs agricoles relèvent de dispositions légales, le respect de ces normes
sera obligatoire. Les normes concernant le bruit et les autres facteurs de sécurité
et de santé sont examinées ailleurs dans l’Encyclopédie.

La participation des travailleurs aux programmes de sécurité


Les programmes les plus efficaces sont ceux qui ont réussi à sensibiliser les
salariés à la sécurité. Leur motivation peut être le fruit d’une politique de
sécurité intéressant les travailleurs à tous les aspects du programme, de la mise
en place d’une formation à la sécurité, du bon exemple et d’incitations
appropriées.

L’obligation de porter des équipements de protection individuelle dans certaines


zones et de respecter des pratiques de travail sûres permet de réduire les cas de
maladies professionnelles. Des accessoires de protection auditive (bouchons
d’oreille, serre-tête antibruit) et respiratoire (masques antipoussières) devraient
être utilisés pour toutes les opérations réalisées dans des zones très bruyantes ou
fortement empoussiérées. Certaines personnes, plus sensibles que d’autres au bruit
et aux troubles respiratoires, devraient être affectées à des postes se trouvant
dans des zones moins bruyantes ou moins poussiéreuses. En ce qui concerne les
risques liés à la manutention de charges lourdes ou à une chaleur excessive, il
convient de recourir à la formation, d’utiliser des auxiliaires de manutention, de
fournir des vêtements adaptés, de mettre en place un système de ventilation et de
prévoir des pauses en dehors des zones surchauffées.

Toutes les personnes affectées à l’égrenage doivent participer aux mesures de


sécurité; un milieu de travail sûr ne peut être instauré que si chacun collabore
sans réserve au programme de prévention mis en place.

LA FABRICATION DES FILÉS DE COTON


Phillip J. Wakelyn

Le coton représente environ 50% de la consommation mondiale de fibres textiles. La


Chine, les Etats-Unis, la Fédération de Russie, l’Inde et le Japon sont les
principaux consommateurs de coton. La consommation est évaluée d’après la quantité
de fibres de coton brut achetées et utilisées pour fabriquer des produits textiles.
La production mondiale de coton est annuellement de l’ordre de 80 à 90 millions de
balles (17,4 à 19,6 millions de tonnes). La Chine, les Etats-Unis, l’Inde,
l’Ouzbékistan et le Pakistan sont les principaux producteurs de coton et assurent
plus de 70% de la production cotonnière mondiale, le reste étant produit par
quelque 75 autres pays. Cinquante-sept pays exportent du coton brut et 65 des
tissus de coton. Nombre de pays accordent une grande importance à la production
intérieure pour réduire leur dépendance vis-à-vis des importations.

La fabrication des filés comprend une série d’opérations qui transforment les
fibres de coton brut en fil se prêtant à la fabrication de produits finis. Ces
opérations sont nécessaires pour obtenir les filés propres, solides et uniformes
requis par les marchés d’aujourd’hui. A partir d’un paquet de fibres emmêlées et
fortement compressées extrait des balles de coton et contenant de nombreux corps
étrangers et de fibres inutilisables (matières diverses, débris végétaux,
impuretés, etc.) en quantités variables, les opérations continues d’ouverture, de
mélangeage, d’épuration, de cardage, d’étirage, de passage au banc à broches et de
filage ont pour objet de transformer les fibres en fil.

Bien que les opérations de fabrication soient très complexes, la pression de la


concurrence continue de pousser les groupes industriels et les constructeurs à
rechercher, pour traiter le coton, des méthodes et des machines plus efficaces
appelées à supplanter peut-être un jour celles qu’on emploie actuellement.
Cependant, selon toute probabilité, les systèmes classiques de mélangeage, de
cardage, d’étirage, de passage au banc à broches et de filage continueront d’être
utilisés. Seule l’opération de battage-nappage semble clairement appelée à
disparaître dans un avenir proche.

Le fil est destiné à la fabrication de produits finis tissés ou tricotés (vêtements


ou tissus industriels), de fil à coudre et de cordages. Les filés produits se
différencient entre autres par leur diamètre et leur poids par unité de longueur.
Si le principe de fabrication n’a pas changé depuis des années, les vitesses de
traitement, les techniques de commande et la taille des balles ont évolué. Les
propriétés du fil et l’efficacité du traitement sont liées à celles des fibres de
coton traitées. Les propriétés finales du fil sont également dépendantes des
conditions de traitement.

La filature
L’ouverture, le mélangeage et l’épuration
En principe, les ateliers de filature procèdent à des mélanges de balles présentant
les propriétés nécessaires pour produire un fil destiné à une utilisation
spécifique. Le nombre de balles employées dans chaque mélange par les différents
établissements peut aller de 6 ou 12 à plus de 50. Le traitement débute par le
transfert des balles à mélanger vers l’atelier d’ouverture des fibres, où les
emballages et les cercles sont enlevés. Les couches de coton sont retirées
manuellement des balles et placées dans des chargeuses munies de bandes
transporteuses garnies de dents. Dans d’autres systèmes, des balles entières sont
placées sur des plates-formes qui leur impriment un mouvement de va-et-vient au-
dessous ou au-dessus d’un mécanisme d’arrachage. L’objectif est de transformer les
couches compactes des balles en petites touffes légères et duveteuses pour
faciliter l’élimination des corps étrangers. Etant donné que les balles sont
livrées en différentes densités, les cercles sont souvent coupés vingt-quatre
heures avant le traitement afin de les briser plus facilement. Cette précaution
facilite l’ouverture et contribue à régulariser la vitesse de chargement. Les
ouvreuses assurent les fonctions d’ouverture et d’épuration initiale.

Le cardage et le peignage
La carde est la machine la plus importante dans la fabrication des filés. Dans
presque toutes les usines textiles, elle assure la deuxième et la dernière
opération d’épuration. Elle est composée d’un système de trois cylindres rotatifs
garnis de fines pointes métalliques inclinées et d’une série de barres plates,
également munies de pointes métalliques, qui transforment successivement les petits
agglomérats et les petites touffes en fibres bien séparées et ouvertes, éliminent
un très gros pourcentage de débris et de corps étrangers, recueillent les fibres
sous forme d’un ruban qui est soigneusement lové dans un pot pour les opérations
ultérieures (voir figure 89.4).

Jadis, le coton était amené à la carde sous la forme d’une bande formée sur un
batteur-nappeur constitué de rouleaux d’alimentation, de batteurs et d’un ensemble
de tamis cylindriques sur lesquels les touffes de coton ouvertes étaient
recueillies et roulées en nappe (voir figure 89.5). La nappe était retirée des
tamis en une couche plate et régulière, puis enroulée en bande. Cependant, la
nombreuse main-d’œuvre requise et l’existence de systèmes automatiques de
manutention susceptibles d’améliorer la qualité ont contribué à l’obsolescence du
batteur-nappeur.

La suppression de cette étape a été possible grâce à l’installation de machines


d’ouverture et d’épuration plus efficaces et de cheminées d’alimentation munies de
mécanismes pneumatiques qui alimentent les cardes en touffes de fibres ouvertes et
épurées. Cette étape contribue à la régularité du traitement et à l’amélioration de
la qualité, tout en réduisant les besoins de main-d’œuvre.

Un petit nombre d’établissements produisent du coton peigné, c’est-à-dire la


qualité de fil la plus propre et la plus régulière qui soit. Le peignage exige une
épuration plus poussée que le cardage; il élimine les fibres courtes, les boutons
et les débris, et permet ainsi d’obtenir un ruban parfaitement propre et brillant.
La peigneuse est une machine compliquée constituée de rouleaux d’alimentation
cannelés et d’un cylindre partiellement garni d’aiguilles, destiné à extraire les
fibres courtes et à parfaire le parallélisme des fibres (voir figure 89.3).

L’étirage et le passage au banc à broches


L’étirage est la première opération de fabrication des filés faisant appel à des
cylindres qui effectuent la quasi-totalité de l’étirage. Les pots contenant les
rubans de carde sont empilés dans le râtelier du banc d’étirage. L’étirage consiste
à faire passer un ruban dans un système de cylindres appariés, mais animés de
vitesses différentes. L’étirage tend les fibres du ruban pour les rendre
rectilignes et aussi parallèles que possible à l’axe du ruban, ce qui est
indispensable pour obtenir les propriétés désirées lorsque les fibres doivent être
transformées en fil par torsion. L’étirage uniformise également le poids du ruban
par unité de longueur et facilite les possibilités de mélange. Les fibres produites
par l’opération d’étirage final, réalisée sur le banc finisseur, sont pratiquement
rectilignes et parallèles à l’axe du ruban. Le poids par unité de longueur d’un
ruban issu de l’étirage final est trop élevé pour permettre la transformation en
fil sur les systèmes traditionnels de filature à anneaux.

Le passage au banc à broches ramène le poids du ruban à un niveau adapté au filage


et à la torsion, tout en conservant l’intégrité des brins étirés. Les bacs
contenant les rubans issus de l’étirage final ou du peignage sont placés dans le
râtelier, et chaque ruban est conduit entre deux jeux de cylindres animés de
vitesses croissantes, ce qui fait passer le diamètre du ruban d’environ 2,5 cm à la
taille d’un crayon ordinaire. Une torsion est imprimée aux fibres grâce à une
ailette fixée sur la broche. Le produit en résultant, dénommé mèche, vient
s’enrouler sur une bobine d’environ 37,5 cm de long et de 14 cm de diamètre.

Le filage
Le filage est l’étape la plus coûteuse de la transformation des fibres de coton en
fil. Il comprend la préparation et le filage proprement dit (appelé aussi
filature). Actuellement, plus de 85% du fil produit dans le monde l’est avec des
continus à filer à anneaux: ces métiers sont conçus pour transformer la mèche en
fil du calibre (ou numéro) voulu et à lui imprimer la torsion souhaitée, cette
dernière étant proportionnelle à la résistance. Le rapport entre la longueur
initiale et la longueur finale est de l’ordre de 10 à 50. Les bobines de mèches
sont placées sur des supports qui leur permettent de passer librement dans le
cylindre d’étirage du continu à filer à anneaux. Après étirage, le fil traverse un
guide, puis un curseur avant de passer sur la bobine de fil. La broche
d’entraînement de cette bobine tourne à grande vitesse, ce qui fait gonfler le fil
à mesure qu’elle lui imprime une torsion. Les fils se trouvant sur les bobines sont
trop courts pour être utilisés lors des opérations ultérieures; ils sont transférés
vers des pots tournants et amenés à l’opération suivante (bobinage ou renvidage).

Dans la production de fils plus lourds ou plus grossiers, le filage à anneaux est
aujourd’hui remplacé par le procédé dit à fibres libérées, dit aussi «open-end» (à
bouts ouverts). Un ruban de fibres est amené dans une turbine tournant à vitesse
très élevée, dans laquelle la force centrifuge transforme les fibres en fil. La
bobine n’est pas utile dans ce procédé, et le fil est mis en place sur le support
voulu lors de l’opération suivante.

De nombreux efforts de recherche-développement sont consa-crés à la mise au point


de méthodes radicalement nouvelles pour fabriquer les filés. Certains systèmes de
filature en cours d’élaboration pourraient révolutionner la fabrication des filés
et modifier l’importance relative des propriétés des fibres. Parmi les principes
utilisés dans les nouveaux systèmes, quatre paraissent utilisables pour le coton.
Des systèmes de filature à âme sont actuellement employés pour produire certains
filés spéciaux et les fils à coudre. Des fils sans torsion ont été obtenus
industriellement en quantité limitée grâce à un procédé qui permet de lier les
fibres entre elles avec un alcool polyvinylique ou un autre agent de liaison. Ce
procédé pourrait permettre une productivité élevée et assurer une très grande
uniformité des fils. Les tricots et autres tissus d’habillement fabriqués avec ce
type de fil ont un très bel aspect. Dans la filature à tourbillon d’air, étudiée
par plusieurs constructeurs de machines, le ruban d’étirage est amené à un rouleau
d’ouverture, comme dans la filature à turbine. La filature à tourbillon d’air
permet d’atteindre des vitesses de production très élevées, mais les prototypes
sont particulièrement sensibles aux variations de longueur des fibres et aux corps
étrangers tels que les particules de déchets.

Le renvidage et le bobinage
Après le filage, le fil doit être présenté en fonction de l’utilisation prévue —
tissage ou tricotage. Le renvidage, le bobinage, la torsion et l’enroulement du fil
sur canettes sont considérés comme des étapes préparatoires au tissage et au
tricotage. En principe, les produits bobinés seront utilisés comme fils de chaîne
(fils passant dans le sens de la longueur d’un tissu) et les produits renvidés
serviront de fils de trame (fils passant dans le sens de la largeur d’un tissu), ou
duites. Les produits de la filature à fibres libérées court-circuitent ces étapes
et sont directement emballés en tant que fils de trame ou fils de chaîne. Le
retordage consiste à tordre ensemble deux fils ou plus avant les autres opérations
afin d’obtenir un fil retors d’une grosseur double, voire triple ou quadruple,
nettement plus solide qu’un fil simple de la même grosseur. Dans l’enroulement du
fil sur canettes, le fil est disposé sur des bobines suffisamment petites pour
tenir à l’intérieur de la navette d’un métier à boîtes multiples. Cette opération a
parfois lieu sur le métier lui-même (voir plus loin dans ce chapitre l’article «Le
tissage et le tricotage»).

Le traitement des déchets


Dans les usines modernes où l’on s’intéresse à la lutte contre l’empoussièrement,
on accorde beaucoup d’importance à la manipulation des déchets. Dans les opérations
textiles classiques, les déchets — lorsqu’ils ne pouvaient être recyclés — étaient
récupérés manuellement et transférés vers un entrepôt où ils s’accumulaient jusqu’à
ce que l’on dispose d’une quantité suffisante d’un même type pour confectionner une
balle. Aujourd’hui, des dispositifs d’aspiration centralisée renvoient
automatiquement les déchets provenant de l’ouverture, du battage-nappage, du
cardage, de l’étirage et du passage au banc à broches. Ces systèmes sont utilisés
pour nettoyer les machines, pour récupérer automatiquement les déchets se trouvant
sous les machines (peluches et impuretés provenant du cardage) et pour renvoyer les
déchets inutilisables récupérés au sol, ainsi que les résidus des diviseurs à
filtre. La presse à balles classique est une presse ascendante verticale qui permet
de presser des balles de 227 kg. Avec les techniques modernes de traitement des
déchets, ceux-ci sont amenés par le système d’aspiration centrale dans une cuve qui
alimente une presse à balles horizontale. Les déchets issus de la fabrication des
filés peuvent être recyclés ou réutilisés par d’autres industries. Ainsi,
l’industrie de la filature des déchets produit du fil à serpillière, et le
garnettage peut servir à produire les nappes de coton utilisées par les
matelassiers ou par les tapissiers pour certains meubles.

La sécurité et la santé
Les machines
Tous les types de machines servant à fabriquer les textiles de coton peuvent
provoquer des accidents, bien que la fréquence de ceux-ci ne soit pas très élevée.
La mise en place d’une protection efficace sur les innombrables pièces en mouvement
pose de multiples problèmes et requiert une attention constante. La formation des
opérateurs à des pratiques de travail sûres est également essentielle. Elle permet
notamment d’éviter de réparer une machine en marche, ce qui est à l’origine de
nombreux accidents. Chaque élément de machine peut avoir une source motrice
d’énergie (électrique, mécanique, pneumatique, hydraulique, inertielle, etc.) qu’il
importe de couper avant de procéder à une réparation ou à une opération
d’entretien. Les sources d’énergie devraient être clairement identifiées dans
chaque atelier; l’équipement nécessaire devrait se trouver sur place et le
personnel devrait savoir que les sources d’énergie dangereuses doivent
systématiquement être déconnectées avant toute intervention sur les machines. Des
inspections régulières devraient être effectuées pour s’assurer que les procédures
d’arrêt sont respectées et correctement appliquées.

L’inhalation de poussières de coton (byssinose)


L’inhalation des poussières produites par la transformation des fibres de coton en
filés et en tissus est responsable d’une maladie pulmonaire professionnelle appelée
byssinose qui atteint certaines personnes. La maladie ne survient généralement
qu’après 15 à 20 ans d’exposition à des concentrations élevées de poussières
(supérieures à 0,5-1,0 mg/m3). Selon les normes de l’Administration de la sécurité
et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)) et
de la Conférence américaine des hygiénistes gouvernementaux du travail (American
Conference of Governmental Industrial Hygienists (ACGIH)), aux Etats-Unis, la
limite d’exposition professionnelle aux poussières de coton lors de la fabrication
de fils textiles est fixée à 0,2 mg/m3 de poussières respirables, mesurées à l’aide
d’un élutriateur vertical. Les poussières de coton sont des particules véhiculées
par l’air, mises en suspension dans l’atmosphère lors de la manipulation et du
traitement du coton. Il s’agit de mélanges hétérogènes et complexes comprenant
également des débris végétaux et de terre et des micro-organismes (bactéries et
champignons) dont la composition et l’activité biologique varient. L’agent
étiologique et le mécanisme pathogène de la byssinose restent inconnus. Les débris
de cotonnier présents sur les fibres ainsi que les endotoxines des bactéries Gram
négatif se trouvant sur les fibres et les débris végétaux seraient la cause directe
ou le réservoir de l’agent pathogène. La fibre de coton elle-même, principalement
composée de cellulose, n’est pas directement pathogène, car la cellulose est inerte
et ne provoque pas de maladies respiratoires. Des mesures de prévention technique
appropriées dans les zones de traitement des textiles en coton (voir figure 89.8),
associées à des pratiques de travail correctes, à une surveillance médicale et à
l’utilisation d’équipements de protection individuelle, permettent de prévenir la
plupart des cas de byssinose. Par ailleurs, le lavage doux dans des autoclaves de
débouillissage par lots dans le cadre de l’utilisation de systèmes à nappe continue
permet d’abaisser le taux résiduel d’endotoxines dans les poussières véhiculées par
le coton-fibre ou par l’air. On parvient ainsi à des taux inférieurs à ceux qui
provoquent une insuffisance respiratoire aiguë mesurée d’après le volume
expiratoire maximal seconde (VEMS).

Figure 89.8 Système d'extraction des poussières sur une cardeuse


Figure 89.8

Le bruit
Le bruit peut poser des problèmes lors de certaines opérations de fabrication des
filés. Dans les usines modernes, il est généralement inférieur à 90 dBA, ce qui
correspond à la norme en vigueur aux Etats-Unis. Dans bien des pays, la limite est
plus sévère. Grâce aux efforts des constructeurs de machines et des spécialistes de
la question, les niveaux de bruit continuent de diminuer en dépit de l’augmentation
des vitesses. La solution consiste à fabriquer des machines plus silencieuses. Aux
Etats-Unis, un programme de protection de l’ouïe est obligatoire dans les
entreprises où le niveau sonore dépasse 85 dBA, ce qui implique la surveillance du
bruit, des tests audiométriques et la fourniture de dispositifs de protection pour
le personnel lorsque le bruit ne peut être ramené au-dessous de 90 dBA.

La chaleur
Etant donné que les opérations de filage requièrent parfois des températures
élevées et une humidification artificielle de l’air, une surveillance attentive est
dans tous les cas indispensable pour garantir le respect des limites maximales
admissibles. Des systèmes d’air conditionné bien conçus et correctement entretenus
tendent de plus en plus à remplacer les méthodes plus archaïques de régulation
thermique et hygrométrique.

Les systèmes de gestion de la sécurité et de la santé au travail


La plupart des usines modernes de fabrication de fils textiles ont mis en place un
système de gestion de la sécurité et de la santé pour maîtriser les risques
auxquels le personnel peut être exposé. Il peut s’agir soit de programmes
volontaires tels que celui des fabricants de textiles des Etats-Unis («Quest for
the Best in Health and Safety»), soit de programmes imposés par voie réglementaire
(«US State of California Occupational Injury and Illness Prevention Programme —
Title 8, California Code of Regulations, Section 3203»). Tout système de gestion de
la sécurité et de la santé devrait être suffisamment souple pour permettre aux
entreprises de l’adapter à leurs propres besoins.

L’INDUSTRIE LAINIÈRE
D.A. Hargrave*

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de


l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

Les origines de l’industrie lainière se perdent dans la nuit des temps. Nos
lointains ancêtres n’ont pas eu de peine à domestiquer le mouton, qui a grandement
contribué à satisfaire leurs besoins essentiels en matière alimentaire et
vestimentaire. Dans les sociétés primitives, on frottait les unes contre les autres
les fibres prélevées sur l’animal pour en faire un fil et, partant de ce principe
initial, les procédés de filage ont gagné en complexité. L’industrie lainière a
joué un rôle de pionnier dans la mise au point et l’adaptation de procédés
mécanisés et a été l’une des premières à industrialiser sa production.

Les matières premières


La longueur de la fibre prélevée sur l’animal est l’élément dominant, mais non le
seul, dans le choix du traitement ultérieur. Les types de laines disponibles
peuvent être classés en trois catégories: a) les laines mérinos; b) les laines
métisses fines, moyennes ou grossières; c) les laines pour tapis. On distingue
diverses qualités dans chaque catégorie. La laine mérinos est caractérisée par sa
finesse et ses brins sont courts, contrairement aux laines pour tapis dont les
brins sont longs et épais. Aujourd’hui, les fibres synthétiques qui imitent la
laine sont mélangées aux fibres naturelles en proportion croissante et subissent
les mêmes traitements. Les poils d’autres animaux — mohair (chèvre), alpaga (lama),
cachemire (chèvre, chameau), angora (chèvre) et vigogne (lama sauvage) — jouent
aussi un rôle important, bien qu’accessoire dans cette branche; ils sont
relativement chers et sont habituellement transformés par des entreprises
spécialisées.

La filature
Il existe deux procédés de filage distincts, selon qu’on entend obtenir des fils
cardés ou des fils peignés. Les machines se ressemblent sur bien des points, mais
les produits recherchés sont différents. En principe, on prend pour les peignés des
laines à brins plus longs qu’on maintient parallèles lors du cardage, du
défeutrage, du boudinage et du peignage, les brins courts étant rejetés. On obtient
ainsi un filé fin et résistant qui donne, par tissage, une étoffe légère, d’aspect
lisse et de bonne tenue, comme celle qu’on utilise pour les costumes d’homme. Pour
les cardés, le but est d’entremêler et d’entrelacer les fibres pour obtenir un filé
doux et aéré qui donne, par tissage, une étoffe pleine et gonflante, à surface
laineuse (tweeds, couvertures et tissus lourds pour pardessus). L’uniformité des
brins n’étant pas nécessaire pour les cardés, le filateur peut mélanger de la laine
vierge à des brins courts rejetés lors de la production des peignés, à des laines
d’effilochage récupérées par destruction de vieux vêtements, etc. Le «shoddy» est
tiré de déchets souples, et le «mungo» de déchets serrés.

Il faut garder à l’esprit que ces opérations sont fort complexes et que l’état et
le type de la matière première utilisée, ainsi que les spécifications du produit
fini, influencent à chaque stade les opérations et leur séquence. Ainsi, on peut
teindre la laine avant le filage, en filés, en fin de fabrication, ou encore à
l’état de pièce tissée. Les opérations peuvent être effectuées dans différentes
usines.

Les risques et leur prévention


Comme dans toute l’industrie textile, les grosses machines comportant des parties
en mouvement rapide posent des problèmes de bruit et présentent des risques
mécaniques. La poussière peut également être source de difficulté. Les engrenages,
les chaînes et pignons, les arbres, courroies et poulies de transmission devraient
être placés sous carter de protection. Il en va de même pour les organes des
machines propres à l’industrie lainière, à savoir:

rouleaux d’alimentation et dévidoirs des diverses machines de préparation et


d’ouverture (effilocheuses, loups, garnetteuses, déchiqueteuses à chiffons, etc.);
cylindres briseurs et chasseurs, cylindres adjacents, cardes et cardes briseuses;
ouvertures d’alimentation entre les dévidoirs et les peigneurs des effilocheurs,
cardes et garnetteuses;
cylindres et barrettes aiguillées des machines d’étirage;
arbres arrière des bancs d’étirage et des bancs à broches;
espace entre le chariot et la têtière des métiers renvideurs;
clavettes, boulons et autres pièces de fixation formant saillie sur l’ensouple des
bobinoirs de chaîne;
rouleaux presseurs des machines de dégraissage, de foulage et d’essorage du tissu;
ouvertures d’alimentation entre le tissu, l’enrouleur et le rouleau des
soufflantes;
cylindre porte-lames des machines à raser;
pales des ventilateurs équipant les transporteurs pneumatiques (tous les portillons
de visite des gaines de ces systèmes devraient être à bonne distance des pales du
ventilateur, car celui-ci met un certain temps à s’immobiliser après la coupure du
courant et il convient d’être très prudent, car l’opérateur qui doit intervenir en
cas de bourrage ne peut généralement pas voir les pales en mouvement);
navette libre des métiers; des dispositifs de protection bien conçus devraient
l’empêcher de s’échapper du bâti ou limiter sa course si elle s’échappe.
La protection de ces organes dangereux pose des problèmes pratiques puisque les
dispositifs installés doivent être adaptés aux méthodes de travail courantes dans
chaque opération pour éviter notamment que le travailleur l’enlève ou la rende
inopérante au moment précis où les risques sont les plus grands (procédure d’arrêt
des machines, par exemple). Une formation spécifique et une surveillance étroite
sont nécessaires pour que, en aucun cas, l’évacuation des déchets ou le nettoyage
des machines ne soient effectués lorsque les moteurs sont en marche. Une lourde
responsabilité incombe aux constructeurs de machines chargés de veiller à ce que la
sécurité soit intégrée dès le stade de la conception en bureau d’études, et au
personnel d’encadrement, qui devrait s’assurer que les travailleurs ont été
convenablement formés.

L’espacement des machines


Le rapprochement excessif des machines accroît évidemment les risques d’accidents.
Dans beaucoup de locaux anciens, on compte une forte concentration de machines sur
une surface donnée, ce qui réduit d’autant les voies de passage, les dégagement et
les emplacements de stockage provisoire des matières premières et des produits
finis. Dans certaines anciennes usines, les passages libres entre les cardes sont
si étroits qu’il est impossible d’encoffrer les courroies et les poulies et que
l’on doit se contenter de monter un coin protecteur dans leurs angles rentrants; en
pareil cas, il est très important que la fourche soit parfaitement lisse et bien
conçue pour guider la courroie. L’espacement entre les machines devrait être
réglementé par l’adoption de normes minimales en la matière, comme l’a recommandé
une commission du gouvernement britannique.

La manutention des matériaux


En l’absence de méthodes modernes de manutention mécanique, le risque d’accident
est toujours présent dès qu’il faut soulever de lourdes charges. Les opérations de
manutention devraient être aussi mécanisées que possible; si tel n’est pas le cas,
il conviendra de prendre les précautions exposées au chapitre no 102, «Les
transports et l’entreposage» de la présente Encyclopédie . Les techniques correctes
sont particulièrement importantes pour les travailleurs chargés de monter ou de
démonter les grosses ensouples sur les métiers ou de manipuler des balles de laine
lourdes et encombrantes aux différents stades de la préparation. Il convient,
chaque fois que la chose est possible, d’utiliser des diables, des chariots et des
patins de glissement pour déplacer ce type de charge.

Les risques d’incendie


Les risques d’incendie ne doivent pas être sous-estimés, surtout dans les anciennes
usines construites sur plusieurs étages. Les locaux devraient être conformes aux
réglementations locales qui imposent également la non-obstruction des couloirs et
des issues, la présence de systèmes de détection d’incendie, d’extincteurs et de
tuyaux d’incendie, d’éclairages de secours, etc. La propreté et l’entretien des
locaux éviteront l’accumulation des poussières et des peluches qui favorisent la
propagation du feu. Aucune réparation nécessitant des chalumeaux ou tout autre
outillage à flamme nue ne devrait être autorisée pendant les heures de travail.
L’ensemble du personnel devrait être formé aux procédures à suivre en cas
d’incendie et des exercices seront prévus à intervalles convenables, autant que
possible en collaboration avec les sapeurs-pompiers, la police et les services
médicaux d’urgence.

La sécurité générale
L’accent a été mis sur les dangers qui surviennent plus particulièrement dans
l’industrie lainière, mais il faut souligner que la plupart des accidents se
produisent dans des circonstances que l’on retrouve dans toutes les branches
d’activité (chutes de personnes ou d’objets, manutentions, utilisation d’outils à
main, etc.) et que les principes généraux de sécurité s’appliquent à l’industrie
lainière comme à la plupart des autres industries.

Les problèmes de santé


La fièvre charbonneuse
La maladie le plus souvent liée aux textiles laineux est la fièvre charbonneuse,
connue aussi sous le nom de charbon ou d’anthrax. Elle est due à la bactéridie
charbonneuse (Bacillus anthracis) et constituait autrefois un risque grave,
particulièrement lors des opérations de triage; toutefois, elle a été presque
entièrement jugulée dans ce secteur de l’industrie textile grâce aux mesures ci-
après:

amélioration des méthodes de production dans les pays exportateurs où la fièvre


charbonneuse est endémique;
désinfection des matières premières susceptibles de contenir des spores du charbon;
manipulation, sous des hottes d’aspiration, des matières premières susceptibles
d’être contaminées;
exposition de la balle de laine aux micro-ondes, pendant une durée et à une
température suffisantes pour détruire tout micro-organisme pathogène; ce traitement
facilite également la récupération de la lanoline de la laine;
progrès réalisés dans le traitement de la maladie, en particulier vaccination du
personnel notoirement exposé;
information et formation du personnel et mise à disposition d’installations
sanitaires et, si nécessaire, d’équipements de protection individuelle.
Outre les spores du bacille charbonneux, on sait que les spores de Coccidioides
immitis peuvent aussi contaminer la laine, surtout dans le sud-ouest des Etats-
Unis. Ce champignon provoque une maladie connue sous le nom de coccidioïdomycose
qui, à l’instar du syndrome respiratoire de la fièvre charbonneuse, n’offre que peu
de chances de guérison. La fièvre charbonneuse risque aussi de provoquer une
ulcération ou une pustule maligne lorsque l’infection a lieu à l’occasion d’une
rupture de la barrière cutanée.

Les produits chimiques


Divers produits chimiques sont utilisés, par exemple pour le dégraissage (dioxyde
de diéthylène, détergents synthétiques, trichloroéthylène et, jadis, tétrachlorure
de carbone), la désinfection (formaldéhyde), le blanchiment (dioxyde de soufre,
chlore) et la teinture (chlorate de potassium, anilines). Ces produits comportent
des risques d’asphyxie par les gaz, d’intoxication, d’irritation des yeux, des
muqueuses et des poumons, et peuvent provoquer des réactions cutanées. En règle
générale, la prévention passe par les mesures suivantes:

utilisation d’un produit chimique moins dangereux;


ventilation par aspiration localisée;
rigueur en matière d’étiquetage, de stockage et de transport des liquides corrosifs
ou nocifs;
équipements de protection individuelle;
installations sanitaires efficaces (avec douches, si possible);
hygiène individuelle stricte.
Autres risques
Le bruit, les éclairages inadaptés et le niveau élevé de température et d’humidité
requis pour le traitement de la laine peuvent avoir un effet préjudiciable sur la
santé du personnel. De nombreux pays ont élaboré des normes dans ces domaines. La
vapeur, les condensations et l’humidité peuvent être difficiles à éliminer
efficacement des ateliers de teinture, et le recours aux spécialistes est souvent
nécessaire. Dans les ateliers de tissage, il reste beaucoup à faire pour lutter
contre le bruit. L’éclairage, quant à lui, devrait faire l’objet de spécifications
rigoureuses, notamment lors de la fabrication d’étoffes foncées.

Les poussières
De même que les poussières générées par les opérations de préparation risquent de
véhiculer les spores du bacille charbonneux, de nombreuses machines (effilocheuses
et cardeuses, notamment) produisent des poussières en quantités suffisantes pour
causer une irritation des muqueuses respiratoires. Ces poussières devraient donc
être éliminées grâce à un système efficace de ventilation par aspiration localisée.

Le bruit
Les filatures de laine sont souvent des endroits très bruyants en raison du grand
nombre de pièces en mouvement, notamment dans les métiers à tisser. Une
lubrification correcte atténue le bruit, mais elle ne dispense pas d’envisager la
mise en place de dispositifs antibruit et de réfléchir à d’autres solutions. La
prévention des pertes auditives d’origine professionnelle passe en grande partie
par l’utilisation de dispositifs de protection (coquilles, bouchons d’oreille). Il
est indispensable d’informer le personnel sur leur utilisation correcte et de
vérifier l’emploi qui en est fait. Un programme de protection de l’ouïe comportant
des audiogrammes périodiques est obligatoire dans de nombreux pays. Lorsque les
machines sont remplacées ou réparées, il convient d’adopter des mesures de nature à
réduire le bruit.
Le stress professionnel
Le stress professionnel, avec les effets qu’il exerce sur la santé et le bien-être
des travailleurs, est un problème réel dans l’industrie lainière. Etant donné que
de nombreuses usines fonctionnent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, le recours
au travail posté est souvent nécessaire. Pour satisfaire aux exigences de la
production, les chaînes fonctionnent en continu, de sorte que les travailleurs sont
«attachés» à une ou à plusieurs machines et doivent attendre un remplaçant pour se
rendre aux toilettes ou se reposer. Le bruit ambiant, le port de coquilles ou de
bouchons d’oreille et les tâches de routine fortement répétitives ont pour effet
d’isoler les opérateurs et d’entraver la communication, ce qui est souvent ressenti
comme stressant. La qualité de la surveillance et l’existence d’espaces de détente
sur les lieux de travail ont une grande influence sur les niveaux de stress
professionnel.

Conclusion
Si les grandes entreprises modernes sont en mesure d’investir dans les nouvelles
réalisations techniques, de nombreuses usines plus anciennes ou plus petites
continuent de fonctionner avec des machines obsolètes. Les impératifs économiques
tendent à réduire l’attention portée à la sécurité et à la santé du personnel. Dans
de nombreuses régions développées, les industriels abandonnent souvent leurs usines
au profit de nouvelles installations construites dans des pays en développement,
plus spécialement dans celles où la main-d’œuvre est bon marché et où les
réglementations en matière de sécurité et de santé sont inexistantes ou
généralement ignorées. Des investissements raisonnables en faveur de la santé et du
bien-être des travailleurs peuvent apporter des bénéfices non négligeables aux
entreprises comme aux salariés de l’industrie lainière, caractérisée par sa forte
intensité de main-d’œuvre.

L’INDUSTRIE DE LA SOIE
J. Kubota *

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de


l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

La soie est une fibre lustrée, résistante et élastique, produite par le ver à soie,
larve du bombyx; le même terme s’applique aussi au fil et au tissu faits de cette
fibre. Selon la tradition, l’industrie de la soie est née en Chine en 2640 avant
J.-C. Vers le IIIe siècle de notre ère, le ver à soie et son produit ont pénétré au
Japon en passant par la Corée, puis un peu plus tard en Inde. De là, la production
de la soie s’est lentement étendue vers l’ouest, à l’Europe et au Nouveau Monde.

Le processus de production comprend une séquence d’opérations qui ne sont pas


nécessairement effectuées dans la même entreprise ou le même établissement,
notamment:

La sériciculture. La production des cocons pour en tirer les filaments de soie


grège est appelée sériciculture , terme qui couvre l’alimentation des vers, la
formation des cocons, etc. Elle n’est possible que là où existent des mûriers en
quantité suffisante pour nourrir les larves. Les claies sur lesquelles les vers
sont élevés doivent être tenues dans un local à une température constante de 25 °C,
ce qui nécessite un chauffage artificiel dans les pays froids et selon la saison.
Les vers filent leur cocon après s’être alimentés pendant quarante-deux jours.
La filature. L’opération caractéristique de la filature de la soie, appelée
dévidage, consiste à assembler les filaments du cocon en un brin continu, uniforme
et régulier. La gomme naturelle — grès ou séricine — est tout d’abord amollie dans
de l’eau bouillante. Dans une bassine d’eau chaude, les extrémités des filaments de
plusieurs cocons sont saisies, rassemblées et tirées pour être fixées à un dévidoir
sur lequel les filaments s’enroulent pour former la soie grège, également dite
«crue».
Le moulinage. Dans cette opération, les brins sont tordus et doublés pour donner un
fil plus fort.
Le dégommage. La soie grège est mise à bouillir dans une eau savonneuse à environ
95 °C.
Le blanchiment. La soie, grège ou cuite, est traitée au peroxyde d’hydrogène ou au
peroxyde de sodium.
Le tissage. Le fil de soie est tissé pour obtenir une étoffe, opération
généralement confiée à d’autres ateliers.
La teinture. La soie peut être teinte à l’état de filament ou de fil, ou encore
après le tissage.
La sécurité et la santé
Le monoxyde de carbone
Des symptômes d’intoxication au monoxyde de carbone se manifestant par des
céphalées, des vertiges et, parfois, des nausées et des vomissements, généralement
sans gravité, ont été signalés au Japon où la sériciculture est fréquemment
pratiquée à domicile, dans des locaux mal ventilés et chauffés au charbon.

Les dermatoses
Le mal des bassines . Une dermite des mains a été observée très fréquemment,
surtout au Japon, chez les femmes qui dévidaient la soie. On a signalé que le taux
de morbidité par mal des bassines était de 30 à 50% chez les personnes employées au
dévidage pendant les années vingt, et que 14% d’entre elles devaient s’arrêter de
travailler en moyenne trois jours par an. Les lésions cutanées, localisées surtout
aux doigts, aux poignets et sur les avant-bras, se caractérisaient par un érythème
sous forme de petites vésicules devenant chroniques, pustuleuses ou eczémateuses et
extrêmement douloureuses. On attribuait généralement cette affection aux produits
de décomposition des chrysalides mortes et à un parasite du cocon. Plus récemment,
des observations faites au Japon ont montré qu’elle est probablement due à la
température du bain de dévidage. Jusqu’en 1960, l’eau y était pratiquement toujours
maintenue à 65 °C; toutefois, depuis l’introduction des nouvelles installations
assurant une température comprise entre 30 et 45 °C, aucun cas de lésion cutanée
typique du dévidage n’a été signalé chez les travailleurs chargés de cette
opération.

La manipulation de la soie grège peut produire des réactions cutanées allergiques


chez certaines personnes. On a observé un œdème du visage et une inflammation des
yeux en l’absence de tout contact local direct avec le bain de dévidage. Des
dermatoses ont aussi été constatées chez les personnes occupées au moulinage.

Les problèmes respiratoires


Dans l’ex-Union soviétique, une épidémie inhabituelle d’amygdalite chez les fileurs
de soie a pu être attribuée aux bactéries présentes dans l’eau des bassines de
dévidage et dans l’atmosphère des chambres à cocons. La désinfection, le
renouvellement fréquent de l’eau de dévidage et l’aspiration de l’air aux dévidoirs
ont apporté une amélioration rapide.

Des observations épidémiologiques détaillées portant sur de longues périodes,


effectuées également dans l’ex-Union soviétique, ont montré que les travailleurs de
l’industrie de la soie naturelle peuvent contracter une allergie respiratoire
caractérisée par un asthme bronchique, une bronchite asthmatiforme ou une rhinite
allergique. Il semble que la soie naturelle puisse provoquer une sensibilisation à
tous les stades de la production.

Des accès d’insuffisance respiratoire aiguë ont également été rapportés chez des
travailleurs chargés du bobinage ou de l’alimentation d’un métier à filer ou d’une
bobineuse. Selon la vitesse de la machine, la substance protéique qui entoure le
filament de soie peut se transformer en aérosol qui, s’il est inhalable, provoque
une réaction pulmonaire très similaire à celle de la byssinose.
Le bruit
L’exposition au bruit peut atteindre un stade dommageable pour les personnes qui
travaillent sur des machines de filage ou de bobinage des fils de soie ou dans les
ateliers de tissage. Une lubrification appropriée des machines et la mise en place
de dispositifs antibruit peuvent réduire partiellement le bruit, mais l’exposition
ininterrompue pendant toute la journée de travail peut avoir un effet cumulatif.
S’il n’est pas possible de réduire le niveau sonore ambiant, il convient de mettre
à la disposition des travailleurs des appareils de protection individuelle. Comme
pour tous ceux d’entre eux qui sont exposés au bruit, un programme de protection de
l’ouïe prévoyant des audiogrammes périodiques est souhaitable.

Les mesures relatives à la sécurité et à la santé


La régulation de la température, de l’humidité et de la ventilation est essentielle
à toutes les étapes du travail de la soie. Les travailleurs à domicile ne devraient
pas échapper à la surveillance. Les salles d’élevage devraient être convenablement
ventilées et les poêles à charbon ou à kérosène devraient être remplacés par des
chauffages électriques ou d’autres systèmes.

L’abaissement de la température des bains de dévidage peut être efficace pour


prévenir les dermatoses. L’eau devrait être changée fréquemment, et une aspiration
localisée mise en place. Il faut, autant que possible, éviter le contact direct de
la peau avec la soie dans les bains de dévidage.

De bonnes installations sanitaires et une hygiène individuelle stricte sont


indispensables. Au Japon, le lavage des mains avec une solution d’acide acétique à
3% a donné de bons résultats.

Il est souhaitable de procéder à un examen médical à l’embauche, suivi d’un


contrôle médical régulier.

Dans l’industrie de la soie, les machines présentent les mêmes risques que dans
l’industrie textile en général. Un entretien correct des locaux, des protections
adéquates pour les organes mobiles, une formation continue à la sécurité et une
surveillance rigoureuse sont les meilleurs moyens de prévenir les accidents. Les
métiers mécaniques devraient être munis de dispositifs de protection pour éviter
les accidents dus aux navettes volantes. La fabrication du fil et les opérations de
tissage exigent un très bon éclairage.

LA VISCOSE (RAYONNE)
M.M. El Attal *

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de


l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

La rayonne est une fibre synthétique obtenue par traitement chimique de la


cellulose (pâte de bois). On l’utilise seule ou mélangée à d’autres fibres
synthétiques ou naturelles pour obtenir des tissus solides, très absorbants et
moelleux pouvant être teints dans des couleurs vives et résistantes.

La fabrication de rayonne a pour origine la recherche d’une soie artificielle. En


1664, Robert Hooke, chercheur britannique connu pour ses études sur les cellules
végétales, prédit qu’il serait un jour possible d’obtenir artificiellement de la
soie; près de deux siècles plus tard, en 1855, des fibres furent obtenues par
trempage de brindilles de mûriers dans de l’acide nitrique. Le premier procédé qui
a connu un succès commercial fut mis au point en 1884 par l’inventeur français
Hilaire de Chardonnet. En 1891, les chercheurs britanniques Cross et Bevan
perfectionnèrent le procédé de fabrication de la viscose. Vers 1895, la rayonne
était déjà commercialisée à petite échelle et son utilisation se développa
rapidement.

Les méthodes de fabrication


Les procédés permettant d’obtenir la rayonne varient suivant l’usage auquel elle
est destinée.

Dans le procédé viscose , la cellulose tirée de la pâte de bois est mise à tremper
dans une solution de soude caustique, et le liquide en excès est éliminé par
pressage; il se forme ainsi de l’alcali-cellulose qu’on débarrasse, à ce stade, des
impuretés qu’elle contient. Puis on réduit les feuilles d’alcali-cellulose en
miettes blanches qu’on laisse mûrir pendant quelques jours à température constante.
Ces miettes sont ensuite placées dans une autre cuve (baratte) où elles sont
soumises à l’action du sulfure de carbone qui les transforme en xanthate de
cellulose. Les miettes virent à l’orange doré. Elles sont alors dissoutes dans de
l’hydroxyde de sodium dilué, ce qui permet d’obtenir un liquide visqueux de couleur
orange appelé viscose. On mélange différents lots de viscose pour assurer une
qualité uniforme, puis la viscose est filtrée et stockée pendant plusieurs jours
dans des conditions très strictes de température et d’humidité qui en favorisent le
mûrissement. On procède ensuite à son extrusion à travers une filière percée
d’orifices très fins qui l’acheminent dans un bac contenant une solution d’acide
sulfurique à 10% environ. Elle forme alors des fils continus qui sont entraînés par
enroulement, ou coupés à la longueur désirée, et filés comme le coton ou la laine.
La rayonne est utilisée pour fabriquer des vêtements et des tissus lourds.

Dans le procédé cupro-ammoniacal , utilisé pour la fabrication de tissus semblables


à de la soie et de bas transparents, la pâte de cellulose dissoute dans la solution
d’hydroxyde de sodium est traitée à l’oxyde de cuivre ammoniacal. Les filaments
sortant des filières sont introduits dans un canal de filage et étirés pour obtenir
l’épaisseur voulue sous l’action d’un jet d’eau.

Dans les procédés viscose et cupro-ammoniacal, la cellulose est reconstituée, mais


l’acétate et le triacétate sont des esters de cellulose et sont parfois considérés
comme une catégorie de fibres à part. Les tissus en acétate sont connus pour leurs
couleurs vives et pour leurs drapés et sont, de ce fait, d’usage courant dans la
confection de vêtements. De courtes fibres d’acétate sont utilisées dans le
rembourrage des oreillers, des matelas et des édredons. Les fils de triacétate ont
les mêmes propriétés, mais sont particulièrement recherchés parce qu’ils permettent
de garder les plis.

Les risques et leur prévention


Les risques majeurs du procédé viscose sont l’exposition au sulfure de carbone et
au sulfure d’hydrogène. Ces deux gaz ont des effets toxiques qui varient suivant
l’intensité et la durée de l’exposition et les organes concernés; ces effets vont
de la fatigue et de l’étourdissement jusqu’à la perte de conscience et à la mort,
en passant par l’irritation des voies respiratoires, les troubles gastro-
intestinaux et de graves perturbations neuropsychiques, auditives et visuelles.

De plus, avec un point d’inflammation de –30 °C et des limites d’explosion situées


entre 1 et 50%, le sulfure de carbone présente un risque élevé d’incendie et
d’explosion.

Les acides et les alcalis utilisés dans le procédé viscose sont assez dilués, mais
le danger est toujours présent lors de la préparation des dilutions, en raison des
éclaboussures qui atteignent parfois les yeux. Les miettes alcalines produites
pendant le déchiquetage des feuilles d’alcali-cellulose risquent d’irriter les
mains et les yeux des travailleurs, tandis que les vapeurs acides et le sulfure
d’hydrogène émanant du bain de filature peuvent provoquer une kérato-conjonctivite
caractérisée par un larmoiement abondant, une photophobie et d’importantes douleurs
oculaires.
Une surveillance constante doit être exercée au moyen d’un détecteur enregistreur
automatique, fonctionnant en continu, pour maintenir les concentrations de sulfure
de carbone et de sulfure d’hydrogène au-dessous des limites autorisées. Il est
conseillé d’encoffrer entièrement les machines et d’installer un système efficace
de ventilation par aspiration localisée (avec prises d’air au niveau du sol, ces
gaz étant plus lourds que l’air). Les travailleurs devraient être entraînés à
réagir aux situations d’urgence en cas de fuite de produits toxiques; les personnes
chargées de la maintenance et des réparations devraient disposer d’équipements de
protection individuelle appropriés; une formation solide et une surveillance
attentive leur éviteront, en outre, de prendre des risques inutiles.

Des salles de repos et des installations sanitaires sont une nécessité absolue. Une
surveillance médicale pendant la période d’essai et des visites médicales
périodiques sont recommandées.

LES FIBRES SYNTHÉTIQUES


A.E. Quinn et R. Mattiussi *

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de


l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

Les fibres synthétiques sont fabriquées avec des polymères de synthèse obtenus à
partir de substances ou de composés fournis par l’industrie pétrochimique. A la
différence des fibres naturelles (laine, coton et soie), qui existaient déjà dans
l’Antiquité, les fibres synthétiques ne sont apparues que récemment: leur histoire
commence avec la mise au point du procédé de fabrication de la viscose en 1891 par
Cross et Bevan, deux chercheurs britanniques. Quelques années plus tard, la rayonne
était produite à petite échelle; sa véritable commercialisation commença au début
du XXe siècle. Depuis lors, un grand nombre de fibres synthétiques ont été mises au
point; elles possèdent chacune des propriétés qui répondent à un type particulier
de tissu et sont utilisées seules ou combinées à d’autres fibres. Il n’est pas
toujours facile d’en connaître le nombre exact du fait que la même fibre est
parfois commercialisée sous des noms différents, dans divers pays.

Les fibres sont obtenues en injectant des polymères à l’état fondu à travers les
orifices d’une filière pour obtenir un filament continu. Ce filament peut être
tissé directement pour former un tissu, mais pour imiter les caractéristiques des
fibres naturelles, il peut aussi être texturé, ce qui lui donne du volume, ou
encore être coupé et filé.

Les catégories de fibres synthétiques


Les principales catégories de fibres synthétiques commercialisées sont:

Les polyamides (nylons). Les divers types de nylon sont différenciés par les
chiffres qui indiquent le nombre d’atomes de carbone qu’ils renferment, le premier
de ces chiffres s’appliquant à la diamine. Ainsi, le premier en date des nylons,
formé d’hexaméthylènediamine et d’acide adipique, est connu sous le nom de nylon 66
ou 6.6 aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, du fait que la diamine et l’acide
bibasique contiennent chacun 6 atomes de carbone. Il est commercialisé sous les
marques Perlon T en Allemagne, Nailon en Italie, Nylsuisse en Suisse, Anid en
Espagne et Ducilo en Argentine.
Les polyesters. Le premier polyester a été produit en 1941. Le polyester est obtenu
par réaction de l’éthylèneglycol avec de l’acide téréphtalique. Les chaînes
moléculaires courtes s’assemblent en longues chaînes pour donner une masse
plastique que des pompes forcent à l’état fondu à travers des filières, à la sortie
desquelles les filaments durcissent dans un courant d’air froid, puis sont étirés.
Les fibres de polyester sont vendues sous les marques de Terylene au Royaume-Uni,
de Dacron aux Etats-Unis, de Tergal en France, de Terital et Wistel en Italie, de
Lavsan dans la CEI et de Toray-Tetoran au Japon.
Les dérivés polyvinyliques. Le produit le plus important de cette catégorie est le
polyacrylonitrile ou fibre acrylique dont la production a été lancée en 1948. Il
est maintenant commercialisé sous diverses marques: Acrilan et Orlon aux Etats-
Unis, Crylor en France, Leacril et Velicren en Italie, Amanian en Pologne,
Courtelle au Royaume-Uni, etc.
Les polyoléfines. La plus courante de ces fibres, connue sous le nom de Courlene au
Royaume-Uni, est obtenue par un procédé analogue à celui qui est utilisé pour le
nylon. Le polymère fondu à 300 °C est injecté à travers des filières, puis refroidi
à l’air ou dans l’eau pour former la fibre qui est ensuite étirée.
Les polypropylènes. Ce polymère, connu sous la marque de Hostalen en Allemagne, de
Meraklon en Italie et de Ulstron au Royaume-Uni, est filé à l’état fondu, puis
étiré et recuit.
Les polyuréthanes. La première de ces fibres, produite depuis 1943, a été le Perlon
U , polyuréthane obtenu par réaction de 1,4-butanediol avec
l’hexaméthylènediisocyanate. Les polyuréthanes servent maintenant de base à un
nouveau type de fibres synthétiques appelées spandex, d’une élasticité comparable à
celle du caoutchouc. Ils sont produits à partir de polyuréthane linéaire vulcanisé
à très haute température et sous très forte pression, donnant ainsi un polyuréthane
«vulcanisé» à liaison transversale qui s’extrude sous forme de monobrin. Ce fil
peut être gainé de fibre de rayonne ou de nylon qui en améliore l’aspect, le fil
lui-même servant d’âme élastique. Il est très utilisé dans la confection des
vêtements et sous-vêtements en tissu élastique. Les fils de spandex sont vendus
sous les marques Lycra, Vyrene et Glospan aux Etats-Unis et Spandrell au Royaume-
Uni.
Les procédés spéciaux
Le classement des fibres par longueur
La soie est la seule fibre naturelle qui se présente sous forme de filament
continu; les autres fibres naturelles n’existent qu’en fibres discontinues ou
«brins». La longueur de la fibre de coton est d’environ 2,6 cm, celle de la laine
de 6 à 10 cm et celle du lin de 30 à 50 cm. Les filaments continus des fibres
synthétiques sont parfois coupés à la machine pour obtenir des brins courts comme
dans le cas des fibres naturelles. Ces brins peuvent être ensuite travaillés de
nouveau sur une machine à filer le coton ou la laine; on obtient ainsi un meilleur
fini, qui élimine l’aspect vitreux de certaines fibres synthétiques. Parfois,
pendant le filage, on mélange plusieurs types de fibres synthétiques, ou encore des
fibres synthétiques et des fibres naturelles.

Le frisage
Pour donner à une fibre synthétique l’aspect et le toucher de la laine, on peut
faire passer les brins coupés (tors ou emmêlés) dans une machine spéciale, équipée
de cylindres cannelés, qui leur confère un frisage durable. Cette opération peut
aussi se faire chimiquement en agissant sur la coagulation du filament, de façon à
obtenir une fibre de section asymétrique, un côté étant plus épais que l’autre.
Lorsque la fibre est humide, le côté épais se gondole, et la fibre frise. Pour
obtenir des fils ondulés, connus aux Etats-Unis sous le nom de fils non torques ou
fils non texturés mousse, le fil synthétique est tricoté en jersey, thermodurci
dans cet état, et détricoté. La plus récente des méthodes utilisées consiste à
faire passer deux fils de nylon dans un appareil qui les chauffe à 180 °C, puis sur
une broche tournant à grande vitesse qui les retord. Sur la première machine
utilisée, les broches tournent à 60 000 tours/min; sur les plus récentes, la
vitesse de rotation est de l’ordre de 1,5 million tours/min.

Les fibres synthétiques pour vêtements de travail


Les tissus de polyester conviennent bien, de par leur résistance aux agents
chimiques, à la confection de vêtements de protection des travailleurs qui
manipulent des acides. Les vêtements en tissu de polyoléfine protègent
convenablement en cas d’exposition prolongée aux acides et aux alcalis. Les
vêtements en Nomex, un nouveau nylon résistant à des chaleurs élevées, sont
particulièrement efficaces en cas d’incendie; le Nomex résiste bien aussi à la
température ambiante, aux solvants tels que le benzène, l’acétone, le
trichloroéthylène et le tétrachlorure de carbone. Certains tissus de propylène
résistent à toute une gamme de substances corrosives; ils sont utilisés pour les
vêtements de travail et de laboratoire.

En raison de leur légèreté, ces tissus synthétiques sont préférés aux lourds tissus
caoutchoutés ou plastifiés dont on aurait besoin pour obtenir le même niveau de
protection. Ils sont également beaucoup plus agréables à porter en ambiance chaude
et humide. Lorsqu’il s’agit de choisir des vêtements de protection en fibres
synthétiques, il faut d’abord en déterminer le nom générique et obtenir des
précisions sur leurs propriétés, par exemple le retrait, la photosensibilité, le
comportement en présence d’agents de nettoyage à sec et de détergents, la
résistance aux huiles, aux substances chimiques corrosives, aux solvants ordinaires
et à la chaleur et la propension du tissu à se charger d’électricité statique.

Les risques et leur prévention


Les accidents
Les sols et les passages devraient être maintenus propres et secs pour éviter les
glissades et les chutes (les cuves ne doivent présenter aucune fuite et, si
possible, être équipées de déflecteurs de protection contre les éclaboussures); les
machines, courroies, arbres de transmission et poulies devraient être
convenablement protégés. Les machines utilisées en filature pour filer, carder,
dévider et ourdir devraient être protégées par des carters pour empêcher que
certains de leurs éléments ne soient projetés et que les travailleurs
n’introduisent leurs mains dans les zones dangereuses. Des dispositifs de
verrouillage devraient empêcher la mise en marche intempestive des machines pendant
les opérations de nettoyage et de maintenance.

Les incendies et les explosions


De grandes quantités de substances toxiques ou inflammables sont utilisées dans
l’industrie des fibres synthétiques. Les substances inflammables devraient être
entreposées de préférence à l’air libre ou dans un local spécialement construit
pour résister au feu. Des remblais devraient être aménagés pour les empêcher de se
répandre en cas de fuite. Les risques associés à la manutention des fûts et autres
récipients pourront être réduits si l’alimentation en substances toxiques est
automatisée et se fait par un système bien entretenu de pompes et de conduites. Des
vêtements de protection et des équipements de lutte contre l’incendie devraient
être mis à la disposition des travailleurs et ceux-ci devraient être convenablement
entraînés à leur utilisation grâce à des exercices pratiques périodiques, menés de
préférence en collaboration avec les autorités locales de lutte contre l’incendie
ou sous leur contrôle.

Dans le filage par voie sèche, lorsque les filaments émergent des filières pour
être séchés à l’air, les solvants s’évaporent en grandes quantités. Les vapeurs
dégagées présentent un grave risque d’explosion et d’intoxication et devraient être
évacuées par aspiration. Leur concentration devrait être surveillée et maintenue
au-dessous des limites d’explosion du solvant. Les vapeurs peuvent être distillées
et récupérées pour être réutilisées ou brûlées, mais il ne faut en aucun cas les
laisser s’échapper dans l’atmosphère.

Lorsqu’on utilise des solvants inflammables, il devrait être interdit de fumer. Il


faut éviter les flammes nues et les étincelles. De plus, le matériel et les
installations électriques devraient être de construction antidéflagrante. Pour
éviter l’accumulation d’électricité statique qui pourrait donner lieu à des
étincelles dangereuses, les machines devraient être mises à la terre.

Les risques d’intoxication


Un système efficace de ventilation par aspiration localisée permet de maintenir les
concentrations de vapeur de solvants et de produits chimiques potentiellement
toxiques au-dessous de la limite admissible. Des masques de protection respiratoire
seront mis à la disposition du personnel chargé de la maintenance et des
réparations ainsi que des travailleurs chargés d’intervenir en cas de fuite ou
d’incendie.

LES PRODUITS EN FEUTRE NATUREL


Jerzy A. Sokal

Le feutre est une matière fibreuse obtenue en chauffant, humectant, malaxant, entre
autres procédés, des fibres de laine, des poils et de la fourrure, en vue de
constituer un tissu non tissé fortement aggloméré. Certains feutres sont
aiguilletés: leurs fibres sont fixées à un élément de fond lâchement tissé, ou
dossier, généralement fait de laine ou de jute.

La fabrication du feutre de chapellerie


Ce feutre, utilisé surtout pour la confection des chapeaux, est généralement obtenu
à partir de poils de rongeurs (lapins, lièvres, rats musqués, ragondins et castors)
et, parfois, de certains autres animaux. Après triage, les peaux sont sécrétées au
peroxyde d’hydrogène et à l’acide sulfurique, puis on procède à la coupe, au
durcissage et à la teinture des poils, habituellement réalisée avec des colorants
de synthèse (colorants acides ou contenant des composés métalliques complexes). Le
feutre teint est alors traité à la gomme-laque ou au polyacétate de vinyle pour
l’alourdir.

La fabrication du feutre de laine


Pour fabriquer ce feutre, on utilise des restes de laine ou une laine recyclée. Le
jute, provenant la plupart du temps de vieux sacs, est employé pour certains
feutres aiguilletés; on peut y ajouter d’autres fibres de coton ou de soie ou des
fibres synthétiques.

La laine est d’abord triée et sélectionnée. On sépare les fibres dans une
effilocheuse, cylindre garni de pointes qui tourne et déchire les fibres, puis on
les soumet au garnettage dans une machine dont les rouleaux et les cylindres sont
garnis de fils métalliques en dents de scie. Les fibres sont nettoyées par
carbonisation dans une solution d’acide sulfurique à 18%; après séchage à une
température de 100 °C, elles sont mélangées et, le cas échéant, enrobées d’huile
minérale contenant un émulsifiant. Après effilochage et cardage, opérations qui
mélangent encore les fibres et les disposent plus ou moins parallèlement les unes
aux autres, la matière est placée sur un transporteur en déposant des couches d’un
fin voile qui est renvidé sur des perches et forme des nappes. Ces nappes molles
sont dirigées vers le local de durcissement où elles sont aspergées d’eau et
comprimées entre deux lourdes plaques; la plaque supérieure vibre, provoquant la
frisure et l’adhérence des fibres.

Pour compléter le feutrage, le tissu est placé dans des cuves d’acide sulfurique
dilué et pilonné au moyen de lourds marteaux de bois. Il est ensuite lavé (avec
addition de tétrachloroéthylène), essoré et teint, généralement avec des colorants
de synthèse. On ajoute parfois des substances chimiques qui rendent le feutre
imputrescible. Les étapes finales comprennent le séchage (à 65 °C pour les feutres
mous, à 112 °C pour les feutres durs), le tondage, le sablage, le brossage, le
pressage et le rognage.

Les risques professionnels


Les accidents
Les machines servant à la fabrication du feutre ont des courroies de transmission,
des mécanismes d’entraînement à chaîne et pignons, des arbres moteurs, des
cylindres garnis de pointes et des rouleaux utilisés pour le garnettage et
l’effilochage, des presses, des rouleaux, des marteaux, etc. Ces parties devraient
être convenablement protégées et munies de systèmes de verrouillage pour éviter que
les travailleurs chargés de la maintenance ou du nettoyage ne puissent se blesser.
Une bonne tenue des locaux est également indispensable pour prévenir les glissades
et les chutes.

Le bruit
Les opérations sont souvent bruyantes; lorsque les encoffrements, les enceintes
acoustiques et un graissage convenable ne suffisent pas à maintenir le bruit à un
niveau satisfaisant, des casques protecteurs ou des bouchons d’oreille devraient
être fournis aux travailleurs. De nombreux pays imposent un programme de protection
de l’ouïe prévoyant des audiogrammes à intervalles réguliers.

La poussière
Les locaux de fabrication du feutre sont poussiéreux et malsains pour les personnes
présentant des troubles respiratoires chroniques. La poussière n’est heureusement
pas associée à des maladies spécifiques, mais une ventilation par extraction est
cependant nécessaire. Les poils des animaux peuvent provoquer des réactions
allergiques chez les sujets sensibles; l’asthme bronchique demeure exceptionnel. La
poussière comporte également un risque d’incendie.

Les produits chimiques


L’acide sulfurique utilisé dans la production du feutre est généralement dilué; il
faut néanmoins veiller à prendre toutes les précautions nécessaires au moment de la
dilution de l’acide concentré. Des flacons de rinçage oculaire en cas
d’éclaboussures ou de déversements devraient donc être placés à proximité et des
équipements de protection individuelle (lunettes, tabliers, gants et chaussures)
devraient être fournis aux travailleurs.

Le tannage de certains feutres de papeterie se fait parfois à base de quinone,


produit susceptible d’entraîner des lésions de la peau et des muqueuses. Les
poussières et les vapeurs de quinone peuvent provoquer des taches sur la
conjonctive et la cornée de l’œil et, en cas d’exposition prolongée ou répétée,
affecter la vision. La poudre de quinone doit être humidifiée pour éviter la
pulvérulence et ne devrait être manipulée que dans des chambres équipées d’un
dispositif de ventilation par aspiration localisée. Les mains, les bras, le visage
et les yeux des travailleurs devraient être protégés par des vêtements et des
accessoires adaptés.

La chaleur et les incendies


La température élevée de la matière (60 °C) nécessaire au formage manuel des
chapeaux impose le port de gants de protection des mains.

L’incendie est un risque courant aux premiers stades de la fabrication du feutre


quand l’empoussièrement est important. Il peut être provoqué par une allumette ou
une étincelle provenant d’objets métalliques laissés dans les déchets de laine, par
un palier de machine surchauffé ou par un court-circuit. Il peut également survenir
lors des opérations de finissage, lorsque des vapeurs de solvants inflammables
s’accumulent dans les fours de séchage. Etant donné qu’elle endommage le matériel
et corrode les équipements, l’eau est moins utilisée que les extincteurs à poudre
sèche pour éteindre les incendies. Les équipements modernes sont munis d’orifices
par lesquels la substance active peut être pulvérisée, ou d’un dispositif
d’émission automatique de dioxyde de carbone.

L’infection charbonneuse
Quelques cas de charbon ont été observés, bien que rarement, à la suite d’une
exposition à de la laine contaminée importée de régions dans lesquelles la maladie
est endémique.

LA TEINTURE, L’IMPRESSION ET LE FINISSAGE


J.M. Strother et A.K. Niyogi *

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de


l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

La teinture
La teinture résulte d’une combinaison chimique ou d’une puissante affinité physique
entre un colorant et une fibre textile. Divers colorants et procédés sont utilisés,
suivant le type de tissu et le produit fini désiré.

Les catégories de colorants


Pour la laine, la soie et le coton, on emploie des colorants acides ou basiques en
bain faiblement acide. Certains colorants acides sont appliqués après mordançage
des fibres à l’oxyde métallique, à l’acide tannique ou aux dichromates. Les
colorants directs , peu stables, sont employés pour teindre la laine, la rayonne et
le coton. La teinture se fait à une température voisine de l’ébullition. Pour
teindre le coton avec des colorants au soufre , on prépare un bain avec de la
teinture, du carbonate de sodium, du sulfure de sodium et de l’eau chaude. Cette
teinture se fait également à une température proche de l’ébullition. Pour teindre
le coton aux colorants azoïques , on dissout du naphtol dans une solution aqueuse
de soude caustique; le coton est imprégné de naphtoxyde de sodium avant d’être
traité par un composé de diazonium en solution qui fixe le colorant sur la matière
à teindre. Les colorants de cuve sont transformés en composés leuco par l’action de
l’hydroxyde de sodium et de l’hydrosulfite de sodium. La teinture s’effectue à une
température comprise entre 30 et 60 °C. Les colorants dispersables (ou
plastosolubles) servent à la teinture de toutes les fibres synthétiques qui
possèdent des propriétés hydrophobes. On accélère la vitesse de diffusion du
colorant dans la fibre au moyen d’adjuvants phénoliques appelés «transporteurs».
Les colorants minéraux sont généralement des sels de fer et de chrome. Après
l’imprégnation, leur précipitation est assurée par adjonction d’une solution
alcaline à chaud. Les colorants réactifs utilisés pour le coton sont appliqués en
bain chaud ou froid de carbonate de sodium et de sel de cuisine.

La préparation des tissus


Avant la teinture, les tissus de coton subissent une préparation en plusieurs
étapes successives. Le tissu passe d’abord dans une tondeuse qui coupe les fibres
faiblement adhérentes; pour parachever ce rasage, il circule rapidement au-dessus
d’une rampe de brûleurs à gaz (la flambeuse), les flammèches produites étant
éteintes par passage du tissu dans un bac à eau. Le désencollage, qui a pour objet
de débarrasser complètement le tissu des parements gélatineux, se fait par passage
du tissu dans une cuve à malter contenant une solution de diastase qui élimine
l’intégralité de l’encollage. Les autres impuretés sont éliminées par
débouillissage dans un autoclave où le coton subit une cuisson alcaline dans une
solution diluée de soude caustique, de carbonate de sodium ou d’huile de ricin
sulfatée (huile pour rouge turc) pendant huit à douze heures à haute température et
sous haute pression.

Pour les tissus teintés, l’opération se fait en cuve ouverte et sans soude
caustique. La coloration naturelle du tissu s’élimine dans la solution
d’hypochlorite des cuves de blanchiment, après quoi le tissu est aéré, lavé et
déchloré dans une solution de bisulfite de sodium, lavé de nouveau et dégraissé à
l’acide chlorhydrique ou sulfurique dilué. Après un dernier lessivage très poussé,
le tissu est prêt pour la teinture ou l’impression.

La teinture
La teinture proprement dite se fait au «jigger» ou au foulard, machines où le tissu
passe dans une solution colorante stationnaire, préparée par dissolution d’une
poudre de teinture dans un produit chimique approprié, suivie de dilution dans
l’eau. Après la teinture, le tissu subit un traitement de finissage.
La teinture du nylon
La préparation des fibres de polyamide (nylon) en vue de la teinture comporte un
lessivage, un dépôt et, dans certains cas, un blanchiment. Le traitement choisi
pour le lessivage du polyamide dépend principalement de la composition du parement.
Les parements hydrosolubles à base de poly(alcool vinylique) ou d’acide
polyacrylique s’éliminent par lessivage dans une liqueur composée de savon et
d’ammoniaque ou de Lissapol N, voire d’un autre détergent ou de carbonate de
sodium. Après lessivage et rinçage abondant, le tissu est prêt pour la teinture ou
l’impression qui se font généralement en machine (au «jigger» ou au foulard).

La teinture de la laine
On lessive d’abord la laine brute par un procédé émulsifiant dans lequel
interviennent le savon et le carbonate de sodium. L’opération se déroule dans une
laveuse, longue auge pourvue de racles, d’un double fond et, à la sortie, de
rouleaux exprimeurs. Après ce lavage, la laine subit un blanchiment au peroxyde
d’hydrogène ou au dioxyde de soufre (gaz sulfureux), auquel cas le produit humide
est abandonné toute une nuit à l’action du gaz. On neutralise ensuite le gaz acide
par passage du tissu dans un bain de carbonate de sodium en solution, suivi d’un
lessivage. Après teinture, le tissu est rincé, essoré et enfin séché.

Les risques et leur prévention


Les incendies et les explosions
Les risques d’incendie rencontrés dans un atelier de teinture sont liés aux
solvants inflammables utilisés dans certains procédés et à quelques colorants
particuliers, également inflammables. Pour ces deux types de substances, il faut
prévoir des installations de stockage sûres. Celles-ci devraient comprendre des
locaux bien conçus, construits en matériaux résistant au feu. Les locaux
d’entreposage des liquides inflammables devraient être pourvus de seuils surélevés
et inclinés aux embrasures des portes, afin que les fuites éventuelles de liquide
soient retenues à l’intérieur du local et qu’il ne puisse se répandre en des
endroits où il pourrait prendre feu. Ces locaux seront aménagés de préférence à
l’écart du bâtiment principal de l’entreprise. Si des quantités importantes de ces
produits sont conservées dans des réservoirs à l’extérieur des bâtiments, des
murets devraient être édifiés tout autour des réservoirs pour constituer une
cuvette de rétention capable de contenir les fuites éventuelles.

Des dispositions analogues devraient être prises lorsque le combustible gazeux qui
alimente les flambeuses provient d’une fraction légère de pétrole. L’installation
génératrice de gaz et les réservoirs de stockage de l’essence de pétrole volatile
devraient se trouver de préférence en dehors des bâtiments.

Les risques liés aux produits chimiques


Nombre de manufactures emploient pour le blanchiment des solutions d’hypochlorite;
d’autres effectuent cette opération au moyen de chlore gazeux ou d’une poudre à
blanchir qui libère du chlore lorsqu’on la charge dans un réservoir. Dans l’un et
l’autre cas, les travailleurs risquent d’être exposés à une atmosphère dangereuse
si des précautions ne sont pas prises. Le chlore irrite les yeux et la peau et,
surtout, le tissu pulmonaire, où il peut provoquer un œdème dont les symptômes
n’apparaissent pas immédiatement. Pour limiter le dégagement de chlore dans
l’atmosphère des locaux de travail, les cuves de blanchiment devraient être des
récipients clos, dont les évents laissent échapper un minimum de produit, afin que
les concentrations maximales admissibles ne soient pas dépassées; des dosages du
chlore dans l’air devraient être effectués périodiquement pour vérifier la
concentration.

Les vannes et autres dispositifs de commande du réservoir de chlore liquide qui


alimentent les ateliers de teinture devraient être surveillés par un opérateur
compétent, une fuite non maîtrisée pouvant avoir des conséquences désastreuses.
Lorsqu’il est nécessaire de pénétrer dans une enceinte ayant contenu du chlore ou
tout autre gaz ou vapeur dangereux, toutes les précautions applicables au travail
en espace confiné devraient être observées.

L’emploi d’alcalis et d’acides corrosifs ainsi que le débouillissage peuvent avoir


pour effet de brûler ou d’échauder le personnel. De grandes quantités d’acide
chlorhydrique et d’acide sulfurique sont utilisées dans les opérations de teinture.
La soude caustique est réservée pour le blanchiment, le mercerisage et la teinture.
Le dioxyde de soufre, employé pour le blanchiment, et le sulfure de carbone, mis en
œuvre comme solvant dans le procédé viscose, peuvent également polluer l’atmosphère
des locaux. Les hydrocarbures aromatiques comme le benzène, le toluène et le
xylène, les solvants naphta et les amines aromatiques telles que les colorants à
l’aniline sont des substances chimiques toxiques auxquelles les travailleurs
peuvent être exposés. Le dichlorobenzène est émulsifié dans l’eau, grâce à un agent
émulsifiant; il sert à teindre les fibres polyester. Un système de ventilation par
extraction est indispensable.

Maints colorants sont des irritants de la peau qui peuvent causer des dermatoses.
Les travailleurs sont souvent tentés de recourir à des mélanges dangereux
d’abrasifs, d’alcalis et d’agents de blanchiment pour enlever les taches de
teinture qu’ils portent aux mains.

Les solvants organiques qui interviennent dans les procédés de teinture ou qu’on
utilise pour nettoyer les machines peuvent aussi causer des dermatoses ou affaiblir
la résistance de la peau à l’action irritante d’autres substances dangereuses mises
en œuvre. Ils peuvent par ailleurs induire des atteintes du système nerveux
périphérique — c’est le cas, par exemple, du méthylbutylcétone (MBK). Certains
colorants se sont révélés cancérogènes, comme la rhodamine B, le magenta, la β-
naphtylamine, de même que certaines bases comme la dianisidine. L’emploi de β-
naphtylamine a généralement été abandonné dans les ateliers de teinture. Cette
question est examinée en détail ailleurs dans l’Encyclopédie.

En dehors des fibres et de leurs contaminants, des allergies peuvent être


provoquées par le parement et même par les enzymes utilisées pour l’éliminer.

Des moyens appropriés de protection individuelle, notamment de protection oculaire,


devraient être fournis au personnel pour le protéger des risques de contact avec
les nombreuses substances dangereuses auxquelles il est exposé. Il est parfois
possible d’employer des crèmes isolantes, mais on veillera à utiliser un produit
approprié qu’on puisse éliminer par lavage. Il est rare cependant que ce moyen
assure une fiabilité comparable à celle que confèrent des gants bien conçus. Les
vêtements de protection devraient être lavés à intervalles réguliers; ceux qui ont
été souillés par des projections ou autrement pollués par les colorants devraient
être remplacés au plus tôt. Des installations sanitaires, des douches ou des bains
devraient être mis à la disposition des travailleurs, qu’il conviendra d’inciter à
en faire usage. L’hygiène individuelle revêt une importance capitale dans cette
branche d’activité. Malheureusement, même dans l’hypothèse où toutes les mesures de
sécurité ont été prises, il arrive que des travailleurs se révèlent
particulièrement sensibles à l’action de certaines substances et doivent alors être
mutés à d’autres postes.

Les risques d’accidents


Des accidents graves par échaudure se sont produits lors de l’admission
accidentelle de liqueur bouillante dans un autoclave où un travailleur était occupé
à disposer le tissu à traiter. Un tel accident peut survenir suite à la manœuvre
intempestive d’une vanne, ou lorsqu’un autoclave situé en amont déverse la liqueur
bouillante dans une conduite commune d’évacuation qui, par un orifice resté ouvert,
la refoule dans le récipient occupé. Quand un travailleur se trouve à l’intérieur
d’un autoclave pour quelque raison que ce soit, les vannes d’admission devraient
être verrouillées en position de fermeture, et l’autoclave devrait être isolé des
autres récipients de la batterie. Si ce verrouillage est assuré par une clé, la
personne qui risquerait d’être la victime de l’admission accidentelle de liquide
bouillant dans le récipient devrait conserver cette clé sur elle jusqu’à ce qu’elle
quitte l’autoclave.

L’impression
L’impression s’effectue sur une machine à rouleaux. Le colorant ou le pigment est
épaissi à l’amidon ou émulsionné; si l’on utilise des pigments, cette émulsion est
préparée avec un solvant organique. La pâte ou l’émulsion obtenue est prélevée par
les rouleaux graveurs qui appliquent le motif sur le tissu, puis la couleur est
fixée dans une machine de polymérisation. Le tissu imprimé fait ensuite l’objet du
finissage approprié.

L’impression par voie humide


L’impression par voie humide ou au mouillé est effectuée selon des méthodes
semblables à celles que l’on utilise pour la teinture elle-même; c’est le cas pour
l’impression en cuve et l’impression réactive. Ces méthodes d’impression ne sont
employées que pour les tissus 100% coton et pour la rayonne. Les risques que ces
opérations présentent pour la santé sont identiques à ceux qui ont été exposés plus
haut.

L’impression à l’aide de pigments à base de solvants


Ces systèmes d’impression font appel à de grandes quantités de solvants, comme les
essences minérales servant dans le système d’épaississement. Les risques principaux
qu’ils présentent sont:

L’inflammabilité. Les systèmes d’épaississement contiennent jusqu’à 40% de solvants


et sont extrêmement inflammables. Ils devraient être entreposés avec soin dans des
locaux convenablement ventilés et les installations devraient être mises à la
terre. Lors du transport des produits, on prendra garde également d’éviter
l’apparition d’étincelles engendrées par l’électricité statique.
Les émissions dans l’atmosphère. Avec ces systèmes d’impression, des vapeurs de
solvants sont émises lors du séchage et de la polymérisation. La réglementation en
matière d’environnement indique généralement les niveaux admissibles d’émissions de
composés organiques volatils.
La vidange. Le système d’impression étant à base de solvants, la pâte d’impression
ne devrait pas être évacuée dans le système de traitement des eaux usées, mais sous
forme de déchet solide. Les sites de dépôt de ces déchets peuvent être à l’origine
de problèmes environnementaux du fait de la contamination du sol et des nappes
phréatiques; ils devraient recevoir par conséquent un revêtement imperméable.
L’impression à l’aide de pigments en solution aqueuse
Aucun des risques pour la santé engendrés par l’impression à l’aide de pigments à
base de solvants n’est provoqué par les techniques utilisant des pigments à l’eau.
Bien que l’on emploie quelques solvants, les quantités sont si faibles qu’elles
sont négligeables. La présence de formaldéhyde constitue le risque principal.

L’impression à l’aide de pigments nécessite l’utilisation d’un agent de liaison


chimique, qui favorise la fixation des pigments sur le tissu. Ces agents se
présentent sous forme de produits isolés (la mélamine, par exemple) ou de
composants d’autres substances chimiques comme les liants et les antimèches, ou se
trouvent dans les pigments eux-mêmes. Le formaldéhyde est indispensable à leur
action.

Le formaldéhyde est un sensibilisateur et un irritant qui peut produire des


réactions parfois violentes chez les travailleurs qui y sont exposés, lorsqu’ils
inhalent l’air ambiant à proximité de la machine d’impression en marche ou qu’ils
entrent en contact avec le tissu imprimé. Les réactions vont d’une légère
irritation des yeux à de graves troubles respiratoires, en passant par des lésions
cutanées. S’il a été établi que le formaldéhyde est cancérogène chez la souris, il
n’a pas jusqu’ici été associé de façon concluante à l’apparition de cancers chez
l’être humain. Il est classé dans la catégorie 2A, «Probablement cancérogène pour
l’être humain», par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).

Pour protéger l’environnement local, les rejets de formaldéhyde dans l’atmosphère


devraient être contrôlés pour s’assurer que les niveaux ne dépassent pas ceux qui
sont autorisés par la réglementation en vigueur.

L’ammoniaque constitue un autre risque potentiel. La pâte d’impression étant


sensible au pH, on utilise souvent de l’ammoniaque pour l’épaissir. On devrait
manipuler ce produit dans un local bien ventilé et porter un masque respiratoire si
besoin est.

Les teintures et les pigments employés pour l’impression des tissus se présentant
généralement sous forme liquide, il n’y a pas de risque d’exposition à la poussière
comme c’est le cas dans les opérations de teinture.

Le finissage
Le finissage est un terme qui s’applique à toute une gamme de traitements
généralement effectués au cours de l’opération précédant la fabrication. Toutefois,
certaines opérations de finissage peuvent également être réalisées après la
fabrication.

Le finissage mécanique
Ce type de finissage comprend des procédés qui modifient la texture ou l’apparence
d’un tissu sans faire appel à des produits chimiques; on peut citer:

Le sanforisage. Ce procédé a pour effet de rendre le tissu irrétrécissable et doux


au toucher. Le tissu est tendu sur un petit cylindre chauffé à la vapeur, pressé
étroitement par un sabot sur un tapis de caoutchouc, puis passé sur un gros
cylindre.
Le calandrage. Dans ce procédé, qui a pour effet de modifier le toucher et
l’apparence du tissu, on fait passer celui-ci entre de grands rouleaux d’acier en
lui appliquant une pression très élevée. Ces rouleaux peuvent être chauffés à la
vapeur ou au gaz jusqu’à 232 °C.
Le sablage. Dans ce procédé, qui a pour effet de modifier la surface du tissu et de
le rendre plus doux au toucher, on fait passer le tissu sur des rouleaux recouverts
de sable.
Le gaufrage. Dans ce procédé, le tissu passe entre des cylindres d’acier chauffés
dont le motif gravé viendra s’imprimer de façon définitive sur le tissu.
Le thermofixage. Dans ce procédé, qui a pour effet de rendre le tissu
irrétrécissable, le tissu synthétique, généralement du polyester, passe dans une
rame élargisseuse ou une machine de thermofixage par semi-contact, à des
températures suffisantes pour provoquer un début de fonte des molécules du tissu.
Le brossage. Dans ce procédé, qui a pour effet de modifier l’apparence et le
toucher du tissu, on fait passer celui-ci entre des brosses rotatives tournant à
grande vitesse.
Le suédage. Dans ce procédé, qui a pour effet de modifier l’apparence et le toucher
du tissu, on fait passer celui-ci entre un cylindre d’acier de petite taille et un
cylindre de grande taille recouvert de papier de verre.
Les risques associés à ces opérations proviennent principalement de la chaleur, des
très hautes températures utilisées et des zones de pincement des parties mobiles de
la machine. Il faut veiller à équiper cette dernière de carters de protection ou
installer des garde-corps pour éviter les accidents.

Le finissage chimique
Le finissage chimique est effectué au moyen de divers équipements (foulards,
«jiggers», machines de teinture par jet, auges, barres de pulvérisation,
autoclaves, machines de teinture à palette, rouleaux de transfert par enduction et
bains moussants).

Il est un type de finissage chimique qui n’implique aucune réaction chimique: il


s’agit de l’application d’un agent adoucissant qui a pour effet de modifier le
toucher et la texture du tissu ou de le rendre plus facile à coudre. Cette
opération ne présente aucun risque particulier en dehors d’une éventuelle
irritation de contact au niveau de la peau ou des yeux; le port de gants et de
protections oculaires permet d’éviter ce problème.

Un autre type de finissage chimique implique en revanche une réaction chimique: il


s’agit du finissage du coton à la résine qui permet d’obtenir les propriétés
physiques souhaitées, un faible rétrécissement et une apparence satinée. Pour le
coton, par exemple, une résine de diméthylol-dihydroxyéthylèneurée (DMDHEU)
catalyse la formation d’une liaison avec les molécules du tissu, ce qui a pour
effet de le modifier définitivement. Le risque principal que présente ce type de
finissage est le dégagement de formaldéhyde au moment de la réaction.

Conclusion
Comme dans les autres secteurs de l’industrie textile, les opérations de teinture,
d’impression et de finissage se déroulent soit dans des établissements anciens,
souvent de petite taille, dans lesquels la sécurité et la santé des travailleurs
sont fréquemment négligées, voire ignorées, soit dans des établissements plus
récents, de plus grande taille, dans lesquels la technologie est en évolution
constante et la maîtrise des risques est, dans la mesure du possible, intégrée dès
la conception des installations. En plus des risques spécifiques mentionnés plus
haut, des problèmes surviennent fréquemment, liés à l’éclairage, au bruit, à une
protection insuffisante des machines, au soulèvement et au port d’objets lourds ou
volumineux, etc. Un programme de prévention bien conçu et mis en œuvre, intégrant
une solide formation et une surveillance efficace des travailleurs, est dès lors
indispensable.

LES TISSUS NON TISSÉS


William A. Blackburn et Subhash K. Batra

Les tissus en textiles non tissés ont fait une première apparition à la fin des
années quarante. Ils se sont développés dans les années cinquante et ont été
commercialisés dans les années soixante. Au cours des trente-cinq années qui ont
suivi, le secteur des non-tissés a atteint sa maturité et a trouvé des marchés soit
en offrant un bon rapport qualité-prix en lieu et place des textiles traditionnels,
soit en proposant des produits mis au point pour des utilisations spécifiques. Ce
secteur a mieux absorbé les récessions que les textiles traditionnels et a connu
une croissance plus rapide. Les risques professionnels sont les mêmes que dans les
autres secteurs de l’industrie textile (bruit, fibres en suspension dans l’air,
produits chimiques utilisés pour le collage des fibres, sécurité des surfaces de
travail, zones de pincement, brûlures par exposition à la chaleur, lésions
dorsales, etc.).

La sécurité est généralement satisfaisante dans ce secteur et le nombre d’accidents


par unité de production y reste limité. L’industrie a su relever les défis
présentés par la réglementation relative à la propreté de l’air et de l’eau. Aux
Etats-Unis, l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational
Safety and Health Administration (OSHA)) a promulgué plusieurs règlements qui
imposent une formation à la sécurité et des procédés de fabrication qui ont
considérablement amélioré la protection des travailleurs. Dans le monde entier, les
établissements conscients de leur responsabilité adoptent petit à petit des
pratiques du même genre.

Les matières premières utilisées par cette industrie sont généralement les mêmes
que celles qui sont employées dans l’industrie textile traditionnelle et atteignent
chaque année près de 1 million de tonnes. Les fibres naturelles dont on se sert
sont principalement le coton et la pâte de bois. Quant aux fibres manufacturées, ce
sont la rayonne, les polyoléfines (polyéthylène et polypropylène), les polyesters
et, en quantités plus limitées, les nylons, les acryliques, les aramides, etc.

Au début de la croissance du secteur des non-tissés, on dénombrait une dizaine de


procédés de fabrication: non-tissés encollés au filage (ou filés-liés), non-tissés
de fusion-soufflage, voile et mélanges obtenus par voie pneumatique, non-tissés
obtenus par voie humide ou par voie sèche (liés par aiguilletage, liaison thermique
ou liaison chimique), non-tissés obtenus par couture-tricotage, etc. Aux Etats-
Unis, de nombreux marchés spécifiques sont saturés pour les non-tissés et de
nouveaux débouchés sont recherchés, notamment dans l’important secteur des
composites. Des non-tissés laminés sous forme de fines pellicules et autres
revêtements ouvrent de nouvelles perspectives. L’entreposage des rouleaux de non-
tissés est actuellement très surveillé du fait de l’inflammabilité de certains
produits de densité très faible que leurs grandes surfaces exposent
particulièrement à ce risque; on considère à cet égard que les rouleaux dont le
rapport volume/poids est supérieur à une certaine valeur posent problème.

Les matières premières


Les fibres cellulosiques
Le volume de coton blanchi entrant dans la fabrication des non-tissés est en
augmentation constante, tandis que les mélanges coton-polyester et rayonne-
polyester dans les non-tissés aiguilletés par jet d’eau connaissent un grand succès
dans les applications médicales et l’hygiène féminine. On commence à utiliser du
coton non blanchi dans la fabrication des non-tissés, et des tissus expérimentaux
très intéressants ont été obtenus par le procédé d’aiguilletage par jet d’eau.

Inquiets des répercussions écologiques des sous-produits de la fabrication, les


défenseurs de l’environnement se sont élevés contre la fabrication de rayonne. Aux
Etats-Unis, certains fabricants de rayonne ont préféré abandonner ce créneau plutôt
que de faire face aux frais élevés qu’entraînerait l’observation des normes
imposées en matière de pureté de l’eau et de l’air. Les entreprises qui ont choisi
de se conformer à ces exigences semblent ne plus rencontrer de problèmes après
modification de leurs procédés.

Les fibres en pâte de bois constituent l’un des principaux composants des couches
jetables, des protections pour incontinence et autres tissus absorbants. On utilise
des fibres de bois dur et de papier kraft. Dans les seuls Etats-Unis, on emploie
chaque année plus de 1 million de tonnes de pâte de bois. Une petite partie est
utilisée pour les non-tissés obtenus par voie pneumatique. Les produits servent
souvent à fabriquer des serviettes, pour des applications qui vont de la cuisine
aux sports.

Les fibres synthétiques


Les deux fibres polyoléfines les plus populaires sont le polyéthylène et le
polypropylène. Ces polymères sont transformés en fibres coupées qui sont ensuite
transformées en tissus non tissés, ou en nappes de monofils obtenues par liage,
c’est-à-dire par extrusion des polymères pour former des filaments réunis en voiles
et liés par traitement thermique. Certains des tissus ainsi obtenus servent à
fabriquer des vêtements de protection. En 1995, plus de 400 millions de bleus de
travail avaient été fabriqués à partir d’un tissu de polyéthylène très apprécié
obtenu par liage.

Aux Etats-Unis, l’utilisation la plus importante d’un non-tissé (environ 10 000 km2
par an) concerne le voile supérieur des couches jetables. C’est ce voile qui entre
en contact avec la peau du bébé et l’isole des autres composants de la couche. Des
tissus obtenus à partir de ces fibres sont également utilisés pour des produits
durables et pour certaines applications géotextiles dans lesquelles ils sont
supposés durer indéfiniment. Ces tissus sont toutefois dégradés par les
ultraviolets ou par certains autres types de rayonnements.

Les fibres thermoplastiques obtenues à partir de polymères et de copolymères


polyester sont très employées pour la fabrication des non-tissés dans les procédés
de fibres coupées et de liage à la filature. On estime à plus de 250 000 tonnes les
quantités totales de polymères polyester et polyoléfine utilisées chaque année aux
Etats-Unis pour fabriquer les non-tissés. Des mélanges de fibres polyester et de
pâte de bois obtenus par voie humide, aiguilletés par jet d’eau puis recouverts
d’un revêtement imperméable, sont d’usage courant pour les blouses et les draps
dont on se sert dans les blocs opératoires. En 1995, aux Etats-Unis seulement,
l’utilisation de non-tissés jetables à usage médical a dépassé 2 000 km2 par an.

Les fibres de nylon ne sont utilisées que modérément sous forme de fibres coupées
et assez peu dans les non-tissés encollés au filage (ou filés-liés). Les
principales applications des non-tissés encollés au filage sont le renforcement des
dossiers de moquettes et la fabrication des filtres en laine de verre. Ces tissus
confèrent une surface de faible friction aux dossiers, ce qui facilite la pose des
moquettes. Dans les filtres en laine de verre, le tissu permet de retenir les
fibres de verre dans le filtre et les empêche de pénétrer dans l’air filtré.
D’autres non-tissés particuliers, comme les aramides, trouvent des applications
dans des créneaux du marché dans lesquels leurs propriétés, comme une très faible
inflammabilité, par exemple, en rendent l’usage intéressant. Certains de ces non-
tissés sont aussi mis en œuvre dans l’industrie de l’ameublement pour diminuer
l’inflammabilité des canapés et des fauteuils.

Les procédés non tissés par liage et par fusion-soufflage


Dans ces procédés, des polymères synthétiques appropriés sont fondus, filtrés,
extrudés, étirés, chargés d’électricité électrostatique, disposés en voiles, liés
et enroulés. Il convient d’observer pour ces opérations les mesures de sécurité qui
s’appliquent normalement à l’utilisation des machines à extruder, des filtres, des
filières et des cylindres chauffés pour le liage.

Les travailleurs devraient se protéger les yeux et éviter de porter des vêtements
amples, des cravates, des bagues ou autres bijoux qui pourraient être happés par
les parties mobiles des machines. Ces procédés font presque toujours appel à
d’importants volumes d’air; aussi, des précautions particulières devraient être
prises pour éviter toute situation susceptible de favoriser les incendies; les
gaines d’aération devraient être dégagées, car il serait difficile d’y éteindre un
début d’incendie. Il importe en outre de s’assurer que les sols ne présentent pas
de risques de trébuchement ou de glissade.

Dans les procédés par liage, les installations devraient être nettoyées et tout
résidu de polymère éliminé par brûlage. Des fours très chauds sont généralement
utilisés à cette fin et les pièces nettoyées y sont entreposées. Une protection
adéquate est nécessaire tout au long de ces opérations, à commencer par le port de
gants résistants à la chaleur, la fourniture d’autres équipements de protection
thermique et la mise en service d’une ventilation assez puissante pour limiter la
chaleur et les fumées.

Les procédés par liage sont avantageux d’un point de vue économique, notamment
parce qu’ils sont relativement rapides et que l’on peut changer les bobines
enrouleuses sans interrompre les opérations. L’utilisation d’engins bien conçus
pour changer les rouleaux et une bonne formation du personnel devraient offrir une
marge de sécurité satisfaisante pendant cette opération.

Les procédés par voie sèche


Les règles de sécurité applicables aux procédés comportant des opérations comme
ouvrir les balles de fibres, mélanger les fibres pour alimenter uniformément une
machine à carder, carder pour former des voiles et croiser des voiles pour leur
conférer une résistance optimale dans toutes les directions, puis en assurer le
transfert pour liage, valent aussi pour les procédés textiles traditionnels. Toutes
les parties de machine dangereuses dans lesquelles les mains des travailleurs
pourraient être happées et, notamment, les angles rentrants des cylindres,
devraient être protégées. Certains procédés par voie sèche produisent des quantités
limitées de fibres en suspension dans l’air; les travailleurs devraient donc
disposer d’équipements de protection respiratoire appropriés.

Si les voiles formés doivent faire l’objet d’un liage à chaud, une petite quantité
(10% du poids environ) d’une fibre ou d’une poudre fondant à basse température sera
généralement ajoutée au voile. Cette substance est fondue par passage dans un four
à air chaud ou par exposition à des cylindres chauffés, puis refroidie pour obtenir
le liage du tissu. Dans ce cas, des équipements de protection thermique devraient
être mis à la disposition des travailleurs. Aux Etats-Unis, on produit chaque année
100 000 tonnes de non-tissés dont le liage se fait à chaud.

Si les voiles sont liés par aiguilletage, on utilise un métier à aiguilles. La


rangée d’aiguilles traverse le voile; les aiguilles accrochent les fibres de
surface, les font passer du dessus au dessous du tissu, puis relâchent les fibres
pendant leur course de retour. Le nombre de pénétrations par unité de surface est
parfois limité, parfois très important, comme c’est le cas pour le feutre
aiguilleté. On peut faire appel à un métier pour aiguilleter à partir du dessus et
du dessous du voile. Les aiguilles cassées seront remplacées. Les métiers devraient
être verrouillés pour éviter les accidents pendant ces opérations de maintenance.
Comme pour le cardage, ces procédés produisent parfois des fibres courtes; il est
donc recommandé d’installer une bonne ventilation et de mettre à disposition des
masques respiratoires. De plus, les yeux devraient être protégés des projections de
morceaux d’aiguilles cassées. Aux Etats-Unis, on produit chaque année 100 000
tonnes de non-tissés aiguilletés.

Si les voiles sont liés chimiquement, le procédé consiste généralement à pulvériser


l’adhésif sur une face du voile, puis à faire passer celui-ci dans une zone de
polymérisation, généralement un four ouvert. On inverse ensuite le sens du voile,
on applique à nouveau l’adhésif, et le voile repasse dans le four. Un troisième
passage dans le four est parfois nécessaire pour achever la polymérisation. Les gaz
libérés doivent naturellement être évacués et il faut recueillir et évacuer tous
les effluents toxiques (aux Etats-Unis, ces mesures sont imposées en vertu de
diverses réglementations de l’Etat fédéral ou des Etats sur la pureté de l’air). En
ce qui concerne la liaison chimique par adhésif, l’opinion internationale s’est
émue du rejet de formaldéhyde dans l’atmosphère et une réduction des émanations a
été demandée. L’Agence américaine de protection de l’environnement (Environmental
Protection Agency (EPA)) a abaissé les limites autorisées de formaldéhyde dégagé,
qui ne sont plus désormais que le dixième de ce qu’elles étaient auparavant. On
craint que ces nouvelles limites ne posent des problèmes aux laboratoires chargés
des mesurages. L’industrie des adhésifs a réagi en proposant de nouveaux liants ne
contenant pas de formaldéhyde.

Le procédé par voie pneumatique ou «air-laid»


Il existe un problème de terminologie en ce qui concerne les non-tissés obtenus par
voie pneumatique («air-laid»). L’une des variantes des procédés de cardage comprend
une cardeuse présentant une section qui distribue au hasard les fibres traitées
dans un courant d’air. Ce procédé est souvent appelé «procédé non-tissé air-laid».
Un autre procédé bien différent, également dénommé «air-laid», consiste à disperser
les fibres dans un courant d’air et à diriger les fibres en suspension vers un
dispositif qui les dépose sur un tapis roulant. Le voile formé est alors lié par
pulvérisation et polymérisé. Ce procédé de dépôt peut être répété avec différents
types de fibres afin d’obtenir des non-tissés présentant des couches de diverses
composition. Dans ce cas, les fibres utilisées peuvent être très courtes et il
convient de prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter l’inhalation de
celles qui sont en suspension dans l’air.

Le procédé par voie humide (au mouillé)


Le procédé non-tissé par voie humide emprunte la technologie mise au point pour la
fabrication du papier et consiste à former des voiles à partir de fibres dispersées
dans l’eau. L’opération est favorisée par des agents de dispersion qui permettent
d’éviter la formation de tas de fibres hétérogènes. La dispersion de fibres est
filtrée sur des tapis roulants et essorée par pressage entre des éléments en
feutre. Au cours de l’opération, on ajoute souvent un liant qui assure le liage du
voile pendant le séchage. Une autre méthode, plus récente, consiste à effectuer le
liage par aiguilletage sous jet d’eau à haute pression. Le séchage constitue
l’étape finale; il peut comporter des opérations d’adoucissement du tissu par
microcrêpage ou par toute autre technique du même genre. Ce procédé ne comporte,
semble-t-il, aucun risque majeur.

Le procédé par couture-tricotage


Ce procédé est bien souvent exclu de la définition des non-tissés, car il fait
parfois appel à des fils pour coudre les voiles afin de former des tissus.
Certaines définitions des non-tissés excluent en effet tous les tissus qui
contiennent des «fils». Dans ce procédé, le voile passe dans une machine classique
de piqûre et l’on obtient des structures présentant un grand nombre de
combinaisons, dont celles qui utilisent des fils élastiques permettant de produire
des tissus stretch. Ici encore, le procédé ne semble comporter aucun risque majeur.

Le finissage
Les traitements de surface des non-tissés comprennent l’application de retardateurs
d’ignition, d’agents hydrofuges, d’adoucissants, d’antibactériens, de
thermofusibles, de lubrifiants, etc., ainsi que les traitements antistatiques. Ces
traitements de surface des non-tissés sont appliqués, selon le procédé et le type
de traitement, soit en ligne en cours de procédé, soit après la fabrication. Le
plus souvent, les traitements antistatiques sont appliqués en ligne, de même que
les traitements de surface comme l’effet corona. Les traitements tels que les
retardateurs d’ignition et les agents hydrofuges, par contre, sont le plus souvent
appliqués ultérieurement. Parmi les traitements spécifiques, on peut noter
l’exposition des voiles à un plasma de haute densité qui a pour effet d’influencer
la polarité des tissus et d’améliorer leurs performances dans les applications de
filtrage. La sécurité de ces procédés chimiques et physiques est différente pour
chaque application et doit être étudiée dans chaque cas.

LE TISSAGE ET LE TRICOTAGE
Charles Crocker

Le tissage et le tricotage sont les deux principaux procédés de fabrication des


tissus. Ils s’effectuent aujourd’hui sur des machines automatiques entraînées par
des moteurs électriques. Les tissus obtenus sont destinés à toute une gamme
d’utilisations: vêtements, ameublement, applications industrielles, etc.

Le tissage
Le tissage consiste à entrelacer des fils tendus perpendiculairement les uns aux
autres. C’est la plus ancienne méthode de fabrication des tissus; des métiers
manuels étaient déjà utilisés dans la préhistoire. Le concept fondamental
d’entrecroisement n’a pas changé: les fils de chaîne sont disposés sur un rouleau
de grande taille appelé ensouple dérouleuse, monté à l’arrière de la machine.
L’extrémité des fils de chaîne est enfilée dans un harnais qui permet de lever ou
de baisser les fils de chaîne pour livrer passage à la navette. Le tissage le plus
simple demande deux harnais, mais on utilise parfois jusqu’à six harnais pour des
armures plus compliquées. Les métiers Jacquard sont employés pour fabriquer les
tissus aux motifs les plus décoratifs, et certains dispositifs permettent de tirer
ou de relâcher séparément chaque fil de chaîne. On enfile alors chaque extrémité de
fil sur un peigne (ou ros) aux dents métalliques parallèles et très rapprochées,
porté par la chasse ou battant du métier à tisser. Ce battant est conçu pour se
déplacer en formant un arc autour d’un point d’ancrage central. Les extrémités du
fil de chaîne sont attachées à la bobine enrouleuse, et le tissu vient s’y envider.

La plus ancienne méthode permettant de passer le fil de trame sur toute la largeur
des fils de chaîne est la navette, qui est propulsée librement d’un bord à l’autre
du métier et dévide le fil de trame placé sur une petite bobine qui se trouve à
l’intérieur. Une technique récente et plus rapide, illustrée à figure 89.9, appelée
tissage sans navette, fait appel soit à un jet fluide (air ou eau), soit à de
petits projectiles glissant sur une tringle mobile, soit encore à de petits
dispositifs en forme d’épée appelés lances ou rapières pour transférer le fil de
trame.

Figure 89.9 Machines à tisser à jet d'air


Figure 89.9

Le personnel employé dans ce secteur d’activité occupe généralement quatre types de


fonctions:

Les opérateurs de machines, appelés tisserands, qui parcourent la zone de


production dont ils sont responsables et qui contrôlent les opérations de
production, corrigent certains dysfonctionnements, par exemple en cas de rupture de
fils, et relancent les machines qui se sont arrêtées.
Les mécaniciens qui montent, règlent et réparent les machines à tisser.
Les manutentionnaires qui transportent et chargent les matières premières (fils de
chaîne et de trame) sur les métiers à tisser et récupèrent et déplacent les
produits finis (rouleaux de tissu).
Les travailleurs chargés du nettoyage, du graissage des machines, de la
maintenance, etc.
Les risques d’accidents
Le tissage ne présente que des risques limités pour la sécurité des travailleurs.
Il en existe pourtant un certain nombre qui appellent des mesures appropriées.

Les chutes
Les sols encombrés (pièces de machines, etc.) ou glissants (flaques d’huile, de
graisse ou d’eau) peuvent provoquer des chutes. Le maintien de l’ordre et de la
propreté revêt une importance particulière dans les ateliers de tissage: un grand
nombre de travailleurs de production passent la plus grande partie de leur journée
à parcourir leur lieu de travail, en gardant les yeux fixés sur les opérations en
cours et sans voir les objets qui peuvent se trouver sur le sol.

Les machines
Les dispositifs de transmission et la plupart des autres points de pincement sont
généralement protégés. En revanche, le ros, les harnais et d’autres parties des
machines auxquelles les tisserands doivent souvent accéder ne le sont que
partiellement. Un espace de travail et de passage suffisant devrait être aménagé
autour des machines; l’observation de bonnes pratiques de travail peut, en outre,
aider les travailleurs à éviter les risques qu’entraîne la marche des installations
de production. Dans le tissage à navette, des capots de protection montés sur le
ros permettent d’éviter que la navette ne soit éjectée ou de la rabattre en lui
conférant une trajectoire descendante. Le verrouillage, le blocage mécanique, etc.,
sont également nécessaires pour empêcher une mise en marche intempestive lorsqu’un
mécanicien ou d’autres travailleurs interviennent sur des machines à l’arrêt.

Les manutentions
Celles-ci comprennent le soulèvement et le déplacement de lourds cylindres d’appel,
d’ensouples d’enroulement, d’ensouples dérouleuses, etc. Des chariots à bras aident
à décharger, à faire la levée des petits rouleaux de tissu et à les transporter et
limitent le risque de lésions musculaires. Des chariots électriques sont parfois
utilisés pour procéder au levage des grands rouleaux de tissu placés à l’avant de
la machine. Des chariots hydrauliques, à commande mécanique ou manuelle, permettent
de déplacer des ensouples dérouleuses qui peuvent peser plusieurs centaines de
kilogrammes. Les manutentionnaires devraient porter des chaussures de sécurité.

Les incendies et les combustions


Le tissage génère une quantité considérable de peluche, de poussières et de fibres
en suspension qui peuvent présenter des risques d’incendie si les fibres sont
combustibles. Parmi les mesures préventives, on peut mentionner des systèmes
permettant de recueillir la poussière (placés sous les machines dans les
installations modernes), un nettoyage régulier des machines par le personnel de
service et l’utilisation de matériel électrique conçu pour éviter les étincelles
(par exemple, classe III, division 1, emplacements dangereux).

Les risques pour la santé


Dans les ateliers de tissage modernes, les risques pour la santé se limitent
généralement aux pertes auditives induites par le bruit et aux affections
respiratoires liées à certains types de fibres utilisés dans les fils.

Le bruit
La plupart des métiers à tisser, souvent nombreux dans un atelier de production
classique, produisent des niveaux de bruit généralement supérieurs à 90 dBA. Dans
certains ateliers de tissage à navette ou de tissage extrêmement rapide sans
navette, ces niveaux peuvent même dépasser 100 dBA. La plupart du temps, les
travailleurs occupés dans ce secteur d’activité devraient porter des appareils de
protection de l’ouïe appropriés et être soumis à un programme de surveillance de
leur acuité auditive.

Les poussières de fibres


Des affections pulmonaires (byssinose) ont longtemps été associées aux poussières
engendrées par le traitement du coton brut et des fibres de lin; elles sont
examinées plus loin dans le présent chapitre ainsi que dans le chapitre no 10,
«L’appareil respiratoire», de l’Encyclopédie . Dans les installations modernes, des
systèmes de nettoyage par ventilation et filtration d’air, avec des points de
collecte des poussières situés au-dessous des machines à tisser et en d’autres
points des ateliers de tissage, permettent généralement de maintenir les
concentrations de poussières à un niveau inférieur aux limites admissibles, c’est-
à-dire 750 µg/m3 d’air dans le cas de la norme de l’Administration de la sécurité
et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA))
relative aux poussières de coton. De plus, une protection respiratoire devrait être
utilisée lors des opérations de nettoyage. Un suivi médical devrait permettre
d’identifier les travailleurs particulièrement sensibles aux effets de ces
poussières.

Le tricotage mécanique *
* Les articles tricotés à la main constituent un important secteur artisanal. Les
données relatives aux effectifs des travailleurs occupés, en général des femmes,
sont notoirement insuffisantes. Le lecteur est renvoyé au chapitre no 96, «Les
arts, les loisirs et les spectacles», pour un apreçu des risques pour la santé que
cette activité fait encourir.

Le procédé de tricotage mécanique consiste à entrelacer des mailles de fil sur des
machines automatiques (voir figure 89.10). Ces machines se composent de rangées de
petites aiguilles à crochets permettant de faire passer les mailles nouvellement
formées à travers des mailles déjà formées. Les aiguilles à crochets présentent un
enclenchement original qui verrouille le crochet, ce qui permet de tirer facilement
la maille, puis s’ouvre pour permettre à la maille de descendre. Sur les
tricoteuses mécaniques circulaires, les aiguilles sont disposées en cercle, et le
tricot produit sort de la machine sous forme tubulaire et s’enroule autour d’une
envideuse. Les métiers à tricoter rectilignes et les métiers à chaîne, quant à eux,
présentent une rangée rectiligne d’aiguilles; le tricot sort à plat de la machine
et vient s’enrouler sur la bobine envideuse. Les métiers à tricoter circulaires et
les métiers à tricoter rectilignes sont généralement alimentés par des cônes de
fil, tandis que les métiers à chaîne le sont par des ensouples semblables à celles
utilisées dans le tissage, mais de plus petite taille.

Figure 89.10 Tricoteuse mécanique circulaire


Figure 89.10

Dans ce secteur d’activité, les travailleurs peuvent occuper le même type de


fonctions que dans le tissage. Le nom donné à ces fonctions correspond à celui de
la tâche qu’ils exécutent.

Les risques d’accidents


Dans les ateliers de tricotage, les risques d’accidents sont semblables à ceux des
ateliers de tissage, mais généralement moindres. Les taches d’huile sur le sol sont
cependant plutôt fréquentes dans les ateliers de tricotage, en raison du graissage
fréquent des aiguilles. Les risques de se faire happer par une machine sont, par
contre, moins importants, car il n’existe pas autant de points de pincement sur ces
machines que sur les métiers à tisser et qu’une grande partie des machines se
prêtent à l’encoffrage. Des dispositifs de verrouillage de l’alimentation
électrique sont indispensables.

Manœuvrer l’enrouleur du tissu présente malgré tout un risque d’entorse ou de


foulure pour l’opérateur, qui ne rencontre cependant pas les mêmes risques que le
travailleur appelé à manœuvrer les lourdes ensouples, sauf dans les métiers à
chaîne. Les mesures de prévention sont identiques à celles qui sont préconisées
pour le tissage. Les concentrations de peluches, de fibres en suspension et de
poussières produites par les tricoteuses sont loin d’atteindre celles du tissage,
mais il convient de surveiller les niveaux d’huile et d’essence des machines. Les
mesures de sécurité sont les mêmes que dans les ateliers de tissage.

Les risques pour la santé


Les risques pour la santé sont aussi généralement moindres dans ce secteur que dans
les ateliers de tissage. Les niveaux sonores vont en général de 85 à 95 dBA. Les
affections respiratoires ne semblent pas très fréquentes chez les travailleurs qui
traitent le coton brut et le lin, et les normes imposées pour ces matières
premières ne s’appliquent souvent pas au tricotage.

LES TAPIS MÉCANIQUES


The Carpet and Rug Institute

Les tapis tissés ou noués à la main sont apparus en Perse plusieurs siècles avant
J.-C. Aux Etats-Unis, la première manufacture de tapis tissés a été construite à
Philadelphie en 1791. En 1839, l’industrie s’est complètement transformée
lorsqu’une force motrice fut, pour la première fois, appliquée au tissage des tapis
par Erastus Bigelow. Dans les ateliers modernes, la plupart des tapis se font à la
machine, en utilisant l’un ou l’autre des deux procédés de confection mécanique, le
tuftage et le tissage.

Les tapis tuftés ou touffetés sont aujourd’hui les plus répandus. Aux Etats-Unis,
par exemple, près de 96% des tapis produits sont tuftés, procédé emprunté à la
manufacture de dessus de lit tuftés située en Géorgie. Les tapis tuftés sont
confectionnés en faisant passer une fibre de poil dans un dossier prétissé
(généralement en polypropylène), puis en y fixant un second dossier présentant un
enduit à base de latex qui maintient les fils en place et réunit les deux dossiers
pour rendre le tapis plus stable.

La confection du tapis
Le tuftage mécanique
La machine à tufter comprend des centaines d’aiguilles (jusqu’à 2 400) placées sur
une barre horizontale qui couvre toute la largeur de la machine (voir figure
89.11). Le cantre, constitué de bobines de fil placées sur des râteliers, est
dirigé par des tubes de guidage de faible diamètre vers les aiguilles placées sur
une barre à saccades, ou jerker . Généralement, il existe deux bobinots de fil pour
chaque aiguille. L’extrémité du fil du premier bobinot est réunie avec l’extrémité
du second de façon que, lorsque le fil du premier bobinot est épuisé, le fil soit
fourni par le second sans qu’il soit nécessaire d’arrêter la machine. Chaque
extrémité de fil présente un tube de guidage qui permet d’éviter que les fils ne
s’emmêlent. Les fils passent à travers une série de guides verticaux alignés et
fixes, installés sur le bâti de la machine, et par un guide situé à l’extrémité
d’un bras qui se déploie à partir de la barre à aiguilles mobile de la machine.
Lorsque la barre à aiguilles se déplace vers le haut et vers le bas, le rapport
entre les deux guides se trouve modifié. La figure 89.12 montre les produits tuftés
utilisés pour les tapis à usage domestique.

Figure 89.11 Machine à tufter


Figure 89.11

Figure 89.12 Coupe d'un tapis à usage domestique


Figure 89.12

La barre à saccades, ou jerker , reçoit le fil lâche dévidé pendant la montée des
aiguilles. Les fils sont enfilés sur leurs aiguilles respectives fixées sur la
barre. Les aiguilles se déplacent simultanément à raison de 500 courses à la minute
au moins, avec un mouvement de va-et-vient vertical. Une machine à tufter peut
produire de 1 000 à 2 000 m2 de tapis en huit heures.

Le premier élément du dossier dans lequel les fils sont insérés provient d’un
rouleau placé devant la machine. La vitesse du rouleau commande la longueur du
point et le nombre de points au cm2. Le nombre d’aiguilles au centimètre détermine
la jauge du tissu, 3/16 ou 5/32, par exemple.

Au-dessous de la plaque à aiguilles de la machine à tufter se trouvent des


boucleurs ou des combinaisons de boucleurs et de couteaux qui prélèvent et
retiennent momentanément les fils transportés par les aiguilles. Pour former des
poils bouclés, on a recours à des boucleurs configurés comme des crosses inversées
de hockey dont chaque tressautement éloigne les boucles de poils qu’ils ont formées
à mesure que le dossier se déroule.

Les boucleurs pour poils coupés ont une forme de «C» inversé et une surface
coupante sur le bord supérieur interne du croissant. Ils sont utilisés en
association avec des couteaux qui présentent un tranchant émoussé à une extrémité.
Au fur et à mesure que le dossier avance dans la machine vers les boucleurs pour
poils coupés, les fils prélevés dans les aiguilles sont coupés par cisaillement
entre le boucleur et l’arête tranchante du couteau. Sur les figures 89.13 et 89.14,
on peut voir les touffes sur un dossier et les différents types de boucles.

Figure 89.13 Coupe d'un tapis à usage commercial


Figure 89.13

Figure 89.14 Boucles; poils coupés et boucles; velours, laine de Saxe


Figure 89.14
Le tissage
Le tapis tissé est constitué d’un fil velours tissé en même temps que les fils de
chaîne et de trame qui forment l’intégralité du dossier. Les fils du dossier sont
généralement en jute, en coton ou en polypropylène. Le fil velours peut être en
laine, en coton ou en fibres synthétiques comme le nylon, le polyester, le
polypropylène, l’acrylique, etc. Un enduit est appliqué sur l’envers pour
stabiliser le tapis; un second dossier n’est pas nécessaire et n’est que rarement
ajouté. Parmi les variantes du tapis tissé, on peut noter le tapis velours, le
Wilton et le tapis Axminster.

Il existe d’autres méthodes de confection des tapis — tapis tricotés, aiguilletés,


liés par fusion —, mais ces méthodes sont moins utilisées et concernent des
produits et des marchés spécifiques.

La production des fibres et des fils


Les tapis sont confectionnés principalement avec des fils synthétiques — nylon,
polypropylène (oléfine) et polyester — et, acces-soirement, avec des fils
d’acrylique, de laine, de coton et des mélanges de ces différents fils. Dans les
années soixante, l’usage des fibres synthétiques s’est généralisé parce qu’elles
permettent d’obtenir un produit de qualité et de longue durée à un prix
raisonnable.

Les fils synthétiques sont obtenus par extrusion d’un polymère fondu injecté à
travers les très petits orifices d’une plaque métallique, ou filière. On ajoute
parfois au polymère fondu des additifs pour obtenir des teintures dans la masse ou
des fibres moins transparentes, plus blanches et plus durables, ou encore d’autres
propriétés particulières. A la sortie de la filière, les filaments sont refroidis,
étirés et texturés.

Les fibres synthétiques peuvent être extrudées sous différentes formes et en


différentes sections — rondes, à trois lobes, à cinq lobes, à huit lobes ou carrées
— suivant la configuration et la forme des orifices de la filière. Ces diverses
sections déterminent de nombreuses propriétés du tapis (lustre, volume, texture
résistance aux salissures, etc.).

Après extrusion, les fibres font l’objet de traitements comme l’étirage et le


recuit (chauffage-refroidissement) qui augmentent leur résistance à la traction et
améliorent l’ensemble de leurs propriétés physiques. Le faisceau de filaments fait
ensuite l’objet d’un traitement de frisage ou de texturage, ce qui confère aux
filaments droits une configuration en vrilles, en spirales ou en dents de scie.

Le fil peut être produit soit sous forme de brin soit sous forme de filament
continu gonflant. Ce dernier est constitué de fils continus de fibre synthétique
formant faisceaux. Le fil extrudé s’obtient en enroulant directement sur des
bobines de renvidage le nombre de filaments correspondant au nombre de deniers que
l’on souhaite obtenir.

Les fibres en brins sont transformées en fils filés par les procédés classiques de
filage des textiles. Pour obtenir des fibres en brin, on extrude de gros faisceaux
de fibres appelés «câbles de filature». Après frisage, le câble est coupé en fibres
de 10 à 20 cm de longueur. Trois étapes importantes interviennent dans la
préparation — mélangeage, cardage et étirage — avant le filage. Le mélangeage
associe des balles de fibres en brins afin que les fibres s’entremêlent et que le
fil ne se divise pas au cours des opérations ultérieures de teinture. Le cardage
redresse les fibres et les configure en rubans. L’étirage a trois fonctions
principales: il mélange les fibres, les dispose en parallèle et diminue le poids
par unité de longueur de l’ensemble du faisceau de fibre, ce qui facilite le filage
au stade final.
Après le filage, qui étire le ruban jusqu’à la taille désirée, le fil est formé en
torons et retordu pour obtenir différents effets. Il est ensuite enroulé sur des
cônes pour être préparé en vue du thermofixage et du retordage.

Les techniques de coloration


Les fibres synthétiques revêtant diverses formes, elles retiennent différemment la
teinture et ne réagissent pas non plus de la même façon aux colorants. On peut
traiter et modifier des fibres du même type de façon à modifier leur affinité pour
certains colorants; on obtient ainsi un effet bicolore ou multicolore.

L’opération de coloration des tapis peut être effectuée à deux stades de la


fabrication: on peut teindre la fibre ou le fil avant même que le tissu soit tufté
(teinture préalable), ou teindre le tissu tufté (teinture ultérieure des produits
écrus) avant l’application du second dossier et les opérations de finissage. Les
méthodes de teinture préalable comprennent la teinture dans la masse, la teinture
en bourre et la teinture sur fil. Les méthodes de teinture ultérieure des produits
écrus comprennent: la teinture de la pièce, l’application du colorant à partir d’un
bain de teinture sur le tapis non fini; la teinture en bac à tourniquet, qui traite
des lots de produits écrus d’environ 150 m de long; la teinture en continu, qui
consiste à teindre des quantités pratiquement illimitées à l’aide d’un appareil
fixe injectant de la teinture sur toute la largeur d’un tapis progressivement
déroulé sous le dispositif d’application. L’impression des tapis se fait à l’aide
d’un matériel qui est sensiblement le même que le matériel d’impression des
textiles, mais en plus grand. On utilise des machines d’impression à cadre plat ou
au rouleau.

Le finissage des tapis


Le finissage des tapis répond à trois objectifs: ancrer chaque touffe dans le
dossier, fixer le dossier tufté à un second dossier, tondre et nettoyer les poils
pour donner à la surface une belle apparence. Le fait d’ajouter un second dossier,
en polypropylène tissé, en jute ou en matelassé, par exemple, permet de stabiliser
les dimensions du tapis.

On enduit tout d’abord l’envers du tapis, généralement avec un rouleau tournant


dans un mélange de latex synthétique étalé au moyen d’une racle (ou docteur). Le
latex est une solution visqueuse, dont la viscosité dynamique est généralement de 8
000 à 15 000 centipoises; on utilise normalement de 750 à 950 g de latex par mètre
carré.

Un second dossier est délicatement placé sur l’enduit de latex. On presse alors les
deux dossiers l’un contre l’autre entre deux cylindres de liaison. L’ensemble,
maintenu bien à plat et sans pli, passe ensuite dans un long four qui mesure
généralement de 24 à 49 m de long, dans lequel s’effectuent le séchage et la
polymérisation dans trois zones de température échelonnées entre 115 et 150 °C, et
cela pendant 2 à 5 minutes. Le séchage du tapis demande un taux élevé
d’évaporation, obtenu en soufflant de l’air chaud vers des zones dans lesquelles la
chaleur est strictement contrôlée.

On tond le tapis légèrement en surface pour le débarrasser du duvet qui aurait pu


se former sur les extrémités des fibres pendant les opérations de teinture et de
finissage. La tondeuse est une machine qui brosse énergiquement les poils du tapis
pour les redresser et les uniformiser; une série de lames rotatives coupent
l’extrémité des fibres à la hauteur voulue. Deux ou quatre lames opèrent en tandem.
La machine à double tondage présente un double jeu de brosses dures en nylon ou en
soies de sanglier et deux têtes par unité, utilisées en tandem. Le tapis est
soigneusement inspecté, emballé et entreposé, ou découpé, emballé et expédié.

Les mesures de sécurité et de santé dans les ateliers de confection de tapis


L’adoption, la mise en application et le suivi de mesures de sécurité adéquates est
la règle dans les ateliers modernes ainsi que, le cas échéant, le démarrage rapide
et la conduite d’enquêtes approfondie lors d’un d’accident. L’encoffrement des
machines a permis de renforcer la sécurité. Une maintenance de qualité est jugée
essentielle tant pour améliorer la qualité et la productivité que pour protéger les
travailleurs.

Le personnel devrait être familiarisé avec les installations électriques et les


pratiques permettant d’éviter les accidents pouvant résulter d’une mise en marche
intempestive des machines. Il devrait également savoir distinguer les pièces sous
tension des autres pièces de l’équipement électrique, déterminer la tension
nominale des pièces exposées et sous tension et connaître les distances de sécurité
nécessaires en fonction des tensions correspondantes. Lorsque des machines sont
mises à l’arrêt et que l’alimentation électrique est verrouillée, les travailleurs
doivent être informés qu’il leur est interdit de les remettre en marche ou de les
remettre sous tension.

Les matériels anciens encore en usage devraient être fréquemment inspectés et les
pièces déformées remplacées si besoin est. Les arbres de transmission, les
courroies trapézoïdales, les mécanismes d’entraînement à poulie, à chaîne et à
pignons, les treuils et les appareils de levage devraient être régulièrement
inspectés et des dispositifs de protection installés là où ils sont nécessaires.

Dans les ateliers, on utilise des chariots porte-bobines que l’on pousse à la main
pour déplacer la matière première; étant donné que des résidus de la production du
fil s’accumulent sur le sol, il convient de nettoyer les roues de ces chariots pour
éviter qu’elles ne se bloquent.

Les travailleurs devraient connaître les risques que présente la mise en œuvre
d’air comprimé, qui est d’un usage courant dans les opérations de nettoyage.

Des chariots élévateurs à fourche, électriques ou au propane, sont largement


utilisés dans la fabrication de tapis et dans les entrepôts. Il est
particulièrement important d’en assurer un bon entretien et de procéder avec
prudence lorsqu’on fait le plein de carburant ou que l’on change une batterie. Ces
chariots à fourche étant employés dans des locaux où d’autres personnes
travaillent, différentes précautions s’imposent: passages exclusivement réservés
aux travailleurs et auxquels les chariots n’ont pas accès, signaux provisoires
lorsque des personnes doivent travailler dans des zones de fort passage des
chariots à fourche, accès aux entrepôts et au quai d’expédition réservé aux
opérateurs de chariots à fourche et au personnel chargé de l’expédition,
aménagement d’une circulation à sens unique, etc.

Une révision de la conception des machines visant à limiter les mouvements


répétitifs devrait contribuer à réduire le nombre de lésions dues à ces mouvements.
On devrait également encourager les travailleurs à pratiquer régulièrement des
exercices simples des mains et des poignets, leur ménager des pauses suffisantes et
procéder à de fréquentes rotations.

On peut limiter les troubles musculo-squelettiques résultant du soulèvement et du


port des charges en faisant appel à des engins mécaniques, à des chariots à bras et
à des chariots mécaniques, en disposant les matières premières sur des plates-
formes ou des tables et, si possible, en facilitant leur manutention par la
réduction de leurs dimensions, de leur volume et de leur poids. Une formation aux
techniques correctes de soulèvement des charges et des exercices physiques peuvent
aussi s’avérer utiles, notamment chez les ouvriers reprenant le travail après un
arrêt dû à des dorsalgies.

Il est conseillé de mettre au point un programme de protection de l’ouïe pour


éviter les troubles résultant des niveaux élevés de bruit que l’on rencontre dans
certains ateliers. Des contrôles du niveau sonore des machines permettront de
déterminer les zones dans lesquelles les moyens de prévention technique ne sont pas
suffisamment efficaces et dans lesquelles les travailleurs devraient porter un
équipement de protection individuelle et être soumis chaque année à un test
audiométrique.

Les ateliers devraient se conformer aux normes modernes d’extraction des peluches
et des poussières et de dissipation de la chaleur.

LES TAPIS TISSÉS ET TUFTÉS À LA MAIN


M.E. Radjabi *

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de


l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

Tous les tapis d’Orient sont tissés à la main. Ils sont souvent confectionnés à
domicile; tous les membres de la famille, y compris les très jeunes enfants,
travaillent sur le métier de longues heures pendant la journée et même la nuit. Il
s’agit parfois simplement d’une occupation à temps partiel pour la famille; dans
certaines régions, la confection des tapis n’est plus effectuée à domicile, mais
s’est déplacée vers des manufactures dont la taille demeure généralement modeste.

Les opérations
Les opérations associées à la confection des tapis comprennent la préparation du
fil — qui consiste à tirer la laine et à la classer en diverses variétés, à la
laver, à la filer et à la teindre —, le dessin du motif du tapis et le tissage
proprement dit.

La préparation du fil
Parfois, le fil est déjà façonné et teint lorsqu’il parvient aux ateliers de
tissage. Dans d’autres cas, la fibre brute, le plus souvent de laine, est préparée,
filée et teinte sur place. La première opération, généralement effectuée par des
femmes assises à même le sol, consiste à classer la matière première par variété.
Ensuite, la laine est lavée et filée à la main. La teinture se fait habituellement
dans des récipients ouverts, et l’on emploie principalement des colorants à base
d’aniline ou d’alizarine; les colorants naturels ne sont plus guère utilisés.

Le dessin et le tissage
Dans la fabrication familiale ou «tribale», les motifs sont traditionnels et il
n’est pas nécessaire d’en inventer de nouveaux; toutefois, dans une entreprise
employant un certain nombre de travailleurs, un dessinateur trace des ébauches
qu’il transpose sur du papier quadrillé, dont chaque case représente un point; le
tisseur peut ainsi s’assurer du nombre et de la disposition des nœuds.

Le métier se compose le plus souvent de deux cylindres de bois horizontaux fixés


sur des montants. L’un des cylindres est situé à une distance de 10 à 30 cm au-
dessus du sol, l’autre à environ 3 m; le fil de chaîne est tendu verticalement
entre les deux cylindres. Il n’y a habituellement qu’un seul tisseur par métier
mais, pour les tapis de grandes dimensions, leur nombre peut aller jusqu’à six. Une
fois sur deux, le tisseur est accroupi à même le sol devant le cylindre inférieur.
Parfois, il est assis sur une poutre de bois ou sur une planche horizontale
étroite, que l’on relève au fur et à mesure que le travail avance. Le tisseur doit
nouer de petites longueurs de fil de laine ou de soie autour des fils de chaîne
pris deux à deux, puis passer le fil à la main d’une lisière à l’autre du tapis.
Chaque fil de trame ou duite est étroitement appliqué contre la fibre du tapis au
moyen d’un peigne manœuvré à la main. Les touffes de fil dépassant de la fibre sont
égalisées ou coupées aux ciseaux.

Tandis que le tapis avance, il est souvent enroulé autour du cylindre inférieur,
dont le diamètre augmente. Lorsque le tisseur est accroupi à même le sol, la
position du cylindre inférieur l’empêche d’allonger les jambes et, à mesure que le
diamètre de ce cylindre augmente, le tisseur est repoussé en arrière et doit se
courber de plus en plus en avant pour nouer les fils (voir figure 89.15). Cette
posture peut être évitée lorsque les tisseurs sont assis ou accroupis sur une
poutre que l’on peut relever jusqu’à 4 m au-dessus du sol mais, là encore, ils
n’ont bien souvent pas la place suffisante pour étendre leurs jambes et sont
contraints de demeurer dans une position inconfortable. Dans certains cas,
pourtant, le tisseur peut s’asseoir sur un siège fixe, équipé d’un dossier et d’un
coussin (il s’agit en fait d’une chaise sans pieds qui peut être déplacée
horizontalement le long de la poutre au fur et à mesure que le travail avance). Des
types améliorés de métiers surélevés ont été mis au point; ils permettent au
tisseur d’être assis sur une chaise et de disposer d’une place suffisante pour
étendre ses jambes.

Figure 89.15 Métier ancien – le tisseur est obligé de rester accroupi


Figure 89.15

Dans certaines régions d’Iran, les fils de chaîne sont disposés horizontalement et
le tisseur doit s’installer sur le tapis lui-même, ce qui rend sa tâche encore plus
difficile.

Les risques pour la santé


La confection des tapis, bien souvent encore effectuée à domicile, comporte de
nombreux risques: en effet, les maisons sont pauvres, les pièces sont petites et
surpeuplées, mal éclairées et mal aérées. Le matériel et les méthodes se
transmettent de génération en génération, ne laissant pratiquement aucune place aux
possibilités d’éducation et de formation qui permettraient de rompre avec les
techniques traditionnelles. Les tisseurs sont sujets à des déformations osseuses, à
des troubles oculaires et sont soumis à des risques mécaniques et aux
intoxications.

Les déformations osseuses


La position accroupie que les tisseurs doivent adopter devant les métiers de type
ancien et la nécessité de se courber pour faire les nœuds provoquent à la longue
des déformations importantes. Celles-ci sont souvent aggravées par les carences
nutritionnelles liées à la pauvreté. Si les travailleurs sont ainsi employés dès le
plus jeune âge, leurs membres inférieurs risquent d’être déformés (genu valgum), et
ils peuvent également souffrir d’arthrite déformante du genou. Le rétrécissement du
bassin que l’on observe parfois chez les femmes peut occasionner des accouchements
difficiles, nécessitant souvent une césarienne. Les déformations de la colonne
vertébrale (scolioses et lordoses) sont également très fréquentes.

Les troubles oculaires


Le tisseur doit porter une attention constante au point ou au nœud qu’il est en
train de faire, ce qui peut entraîner une fatigue oculaire considérable, notamment
lorsque l’éclairage est insuffisant. Il faut souligner que, dans certains ateliers
à domicile, l’éclairage électrique demeure inconnu et que l’on utilise encore des
lampes à pétrole ou à huile pour travailler après la tombée du jour. On a observé
des cas de cécité presque complète survenant après seulement douze ans de travail.

Les affections des mains et des doigts


Le fait de nouer constamment les fils et de faire passer avec les doigts les fils
de trame à travers les fils de chaîne provoque une enflure des phalanges, de
l’arthrite et des névralgies qui occasionnent des déformations permanentes.

Le stress
L’extrême précision de ce travail, qui demande une grande dextérité et une
attention constante pendant de longues heures, provoque parfois des troubles
nerveux et un stress que ne peuvent qu’aggraver l’exploitation des travailleurs et
une discipline très dure. Les enfants se voient souvent «voler leur enfance», et
les adultes, qui manquent généralement des contacts sociaux indispensables à un bon
équilibre affectif, peuvent développer des maladies nerveuses qui se traduisent par
des tremblements des mains (susceptibles de diminuer leur rendement) et, parfois,
des troubles mentaux.

Les risques mécaniques


Ils sont pratiquement inexistants, étant donné qu’aucune machine à moteur n’est
utilisée. Si les métiers ne sont pas convenablement entretenus, le système de
levier qui permet de régler la tension de la chaîne risque de se rompre et de
heurter le tisseur. Ce risque peut être prévenu par la mise en place d’un
dispositif de tension à engrenage.

Les risques chimiques


Les colorants utilisés, surtout lorsqu’ils sont employés avec du bichromate de
potassium ou de sodium, peuvent provoquer des infections cutanées et des
dermatoses. L’emploi d’ammoniaque, d’acides puissants et d’alcalis présente
également un danger. Les dessinateurs se servent parfois de pigments au plomb et
l’on a observé chez eux des cas de saturnisme, car ils ont l’habitude de sucer
l’extrémité du pinceau pour en lisser les poils; les pigments au plomb devraient
être remplacés par d’autres, non toxiques.

Les risques biologiques


Les germes infectieux contenus dans la laine brute provenant de régions dans
lesquelles le bacille est endémique peuvent provoquer le charbon. Les autorités
locales compétentes veilleront à ce que la laine soit convenablement stérilisée
avant d’être livrée aux ateliers et aux fabriques.

Les mesures préventives


Les opérations de tri des matières premières telles que la laine, le poil de
chameau ou de chèvre, etc. devraient s’effectuer au-dessus d’une grille métallique
pourvue d’un dispositif d’aspiration permettant de capter toutes les poussières et
de les évacuer vers un collecteur situé à l’extérieur.

Les locaux dans lesquels on procède au lavage et à la teinture de la laine


devraient être convenablement ventilés, et des gants de caoutchouc et des tabliers
imperméables fournis au personnel chargé de ces opérations. Tous les déchets
liquides devraient être neutralisés avant d’être rejetés dans les cours d’eau ou
les égouts.

Un bon éclairage est indispensable dans les locaux de dessin et de tissage.


L’éclairage pose problème lorsqu’il n’y a pas d’électricité et que le travail se
poursuit après la tombée du jour.

L’amélioration la plus importante consisterait à surélever le rouleau inférieur du


métier. Les tisseurs n’auraient plus à s’accroupir à même le sol de façon
inconfortable et antihygiénique et pourraient s’asseoir sur un bon siège. Cet
aménagement ergonomique permettrait non seulement d’améliorer la santé des
travailleurs, mais également d’accroître leur rendement.

Les ateliers devraient être nettoyés et bien aérés et être revêtus d’un plancher
remplaçant la terre battue. Par temps froid, ils devraient être chauffés. La
manipulation des fils de chaîne est pénible pour les doigts et peut occasionner de
l’arthrite: aussi emploiera-t-on le plus souvent possible des couteaux spéciaux en
forme de crochet pour nouer les fils de chaîne. Des examens médicaux d’embauche et
périodiques sont vivement recommandés pour tous les travailleurs.

Les tapis tuftés à la main


La confection de tapis par nouage du fil à la main est un procédé très lent. Le
nombre de nœuds varie de 2 à 360 par cm2, suivant la qualité du tapis. Un tapis de
grandes dimensions au motif complexe peut demander une année de travail et le
nouage de centaines de milliers de nœuds.

Le tuftage à la main est une autre méthode de confection des tapis. On utilise pour
cela un outil spécial présentant une aiguille dans le chas de laquelle on enfile le
fil. Un calicot sur lequel a été tracé le dessin du tapis est suspendu
verticalement; lorsque le tisseur place l’outil contre le tissu et appuie sur un
bouton, l’aiguille pénètre dans le tissu puis se rétracte, en laissant sur l’envers
une boucle de fil d’environ 10 mm. Il déplace alors horizontalement l’outil de 2 ou
3 mm, en laissant une boucle à la surface du tissu, et appuie à nouveau sur le
bouton pour former une nouvelle boucle sur l’envers. Avec un peu d’habitude, on
peut obtenir en une minute jusqu’à 30 boucles de chaque côté. Selon le dessin, le
tisseur doit s’arrêter de temps à autre pour changer la couleur de fil en fonction
du motif. Lorsque cette opération est achevée, le tapis est descendu et étendu par
terre à l’envers. On applique alors sur l’envers un enduit de caoutchouc, puis un
dossier en toile de jute résistante. On retourne ensuite le tapis sur l’endroit et
les boucles de fil sont égalisées au moyen de ciseaux électriques. Parfois, le
motif du tapis est obtenu en coupant les poils à des hauteurs différentes.

Cette méthode de confection engendre nettement moins de risques que la manufacture


des tapis noués à la main. L’opérateur est généralement assis sur une planche
devant la toile et a suffisamment de place pour étendre ses jambes. On soulève la
planche au fur et à mesure que le travail avance. Pour un plus grand confort, le
tisseur pourrait disposer d’un dossier pour s’appuyer et d’un siège confortable
qu’il déplacerait horizontalement le long de la planche à mesure que le tapis
avance. L’effort visuel est moins grand et les mouvements des doigts ou des mains
ne sont pas susceptibles dans ce cas d’engendrer des affections ou des
déformations.

L’enduit de caoutchouc employé pour ce type de tapis contient généralement un


solvant toxique et inflammable. L’opération de revêtement devrait donc être
effectuée dans un local indépendant, équipé d’un système efficace de ventilation
par extraction, d’au moins deux sorties de secours et dont sont bannies les flammes
nues et les lampes non protégées. Dans ce local, tous les interrupteurs et les
équipements électriques devraient être conformes aux normes imposées pour les
matériels antidéflagrants. On ne conservera dans ce local que la quantité minimale
d’enduits inflammables et des extincteurs seront prévus. Un local ignifugé
d’entreposage des solutions inflammables ne devrait pas être situé à l’intérieur
d’un bâtiment occupé.

La législation
Dans la plupart des pays, les dispositions d’ordre général relatives aux
établissements industriels fixent les conditions de sécurité et de santé. Parfois,
pourtant, elles ne s’appliquent pas aux entreprises familiales ou au travail à
domicile et sont difficiles à mettre en œuvre dans les petites entreprises isolées
qui emploient néanmoins de nombreux travailleurs. Cette branche d’activité est
connue pour l’exploitation de la main-d’œuvre et le travail des enfants, bien
souvent au mépris de toutes les réglementations en vigueur. On peut espérer que le
mouvement qui se fait jour dans le monde entier (depuis le milieu des années
quatre-vingt-dix) parmi les acheteurs de tapis tissés ou tuftés à la main, et qui
préconise le boycott des produits issus d’un travail au noir ou confectionnés par
des travailleurs exploités, permettra de mettre fin à cette situation.

LES TROUBLES RESPIRATOIRES ET LES AUTRES MALADIES OBSERVÉS DANS L’INDUSTRIE TEXTILE
E. Neil Schachter

Il y a près de 300 ans que l’on parle des risques liés au travail dans l’industrie
textile. Au début du XVIIIe siècle, Ramazzini, 1713 [1964] décrivait déjà une forme
particulière d’asthme chez les cardeurs de lin et de chanvre. Il évoquait les
poussières malodorantes et toxiques qui provoquaient une toux incessante finissant
par évoluer en affection asthmatique. Ce type de symptôme est effectivement apparu
dès les débuts de l’industrie textile, comme le montrent les études physiologiques
de Bouhuys et coll. (1973) à Philipsburg Manor (recherches sur l’implantation dans
les premières colonies néerlandaises de North Tarrytown, New York, Etats-Unis).
Pendant tout le XIXe siècle et au début du XXe siècle, de nombreux auteurs ont
décrit de plus en plus souvent les manifestations respiratoires des maladies
professionnelles observées dans les usines textiles. Ces pathologies ont cependant
été souvent ignorées, aux Etats-Unis, jusqu’au milieu du XXe siècle où les enquêtes
menées sous la direction de Richard Schilling (1981) ont indiqué que, malgré les
dénis de l’industrie et du gouvernement, la byssinose était bien une réalité
(American Textile Reporter, 1969; Britten, Bloomfield et Goddard, 1933; Department
of Labor (DOL), 1945). De nombreuses études ultérieures ont montré que les
travailleurs du textile souffrent de leur milieu de travail dans toutes les régions
du monde.

Historique des syndromes cliniques observés dans l’industrie textile


Le travail dans l’industrie textile est associé à de nombreux symptômes
respiratoires, dont les plus fréquents et les plus caractéristiques sont, de loin,
ceux de la byssinose. Comme on peut le lire dans le chapitre no 10, «L’appareil
respiratoire», de la présente Encyclopédie, de nombreuses fibres végétales, mais
pas toutes, peuvent être à l’origine d’une byssinose chez les personnes occupées à
leur transformation en produits textiles. Cette maladie se caractérise
principalement par sa relation temporelle avec la semaine de travail. Typiquement,
après quelques années passées dans cette branche, le travailleur décrit une
sensation de constriction thoracique qui débute le premier jour de travail de la
semaine. Ce symptôme disparaît dans la soirée et aucune gêne n’est plus ressentie
jusqu’au lundi suivant. Cette dyspnée du lundi peut subsister telle quelle pendant
plusieurs années, mais aussi progresser, les symptômes étant alors ressentis les
autres jours, voire pendant toute la semaine de travail. Au stade final, la maladie
se manifeste aussi pendant les jours de congé et les vacances. Lorsque les
symptômes deviennent permanents, la dyspnée est décrite comme dépendant de l’effort
physique. A ce stade, une toux non productive peut être présente. Les symptômes du
lundi s’accompagnent d’une réduction de la fonction pulmonaire par rapport à la
valeur de référence, qui peut aussi être constatée les autres jours, même en
l’absence de symptômes, bien que les modifications physiologiques ne soient pas
aussi marquées (Bouhuys, 1974; Schilling, 1956). La fonction pulmonaire basale
(enregistrée le lundi avant la reprise du travail) se détériore au fur et à mesure
de l’évolution de la maladie. Les modifications respiratoires et physiologiques
caractéristiques observées chez les personnes atteintes de byssinose ont été
codifiées selon différents stades (voir tableau 89.2) qui servent actuellement de
référence à la plupart des études cliniques et épidémiologiques. Des symptômes
autres que la constriction thoracique, notamment la toux et la bronchite, sont
fréquents chez les travailleurs de l’industrie textile. Il s’agit probablement de
variantes dues à l’irritation des voies aériennes provoquée par l’inhalation de
poussières.

Tableau 89.2 Stades de la byssinose


Stade 0

Absence de troubles, de constriction thoracique et de toux

Stade 1/2

Constriction thoracique ou toux occasionnelle le premier jour de travail de la


semaine
Stade 1

Constriction thoracique systématique le premier jour de travail de la semaine

Stade 2

Constriction thoracique systématique le premier jour de travail de la semaine et


certains autres jours

Stade 3

Symptômes de stade 2, accompagnés d’incapacité permanente due à une détérioration


de la fonction respiratoire

Source: Bouhuys, 1974.

Il n’existe malheureusement à ce jour aucun test simple pour confirmer un


diagnostic de byssinose. Celui-ci doit être posé sur la base des signes physiques
et fonctionnels présentés par le sujet et des connaissances du médecin quant au
contexte clinique et industriel susceptible de favoriser cette pathologie. Bien
qu’elles ne soient pas toujours spécifiques, les données sur la fonction
respiratoire peuvent être très utiles pour poser le diagnostic et déterminer la
gravité des troubles.

Outre la byssinose classique, les travailleurs du textile peuvent être victimes de


plusieurs autres syndromes, en général accompagnés de fièvre et non liés au premier
jour de la semaine de travail.

La fièvre du coton (appelée aussi fièvre du chanvre): la maladie se caractérise par


de la fièvre, de la toux, des frissons et une rhinite apparaissant lors du premier
contact avec l’atelier ou lors de la reprise du travail après une absence
prolongée. La constriction thoracique ne paraît pas associée à ce syndrome. La
fréquence des observations est très variable, allant de 5% du personnel (Schilling,
1956) à la majeure partie des effectifs (Uragoda, 1977; Doig, 1949; Harris et
coll., 1972). En principe, les symptômes régressent au bout de quelques jours, même
si le sujet reste dans l’atelier. Le mécanisme pathogène a été imputé à une
endotoxine présente dans des débris végétaux. Cette pathologie a été mise en
relation avec une entité couramment décrite aujourd’hui dans les branches
d’activité mettant en œuvre des matières organiques, le syndrome toxique dû aux
poussières organiques, examiné dans le chapitre no 10, «L’appareil respiratoire».

La toux des tisserands est avant tout un état asthmatique typiquement accompagné de
fièvre, qui survient aussi bien chez les nouveaux travailleurs que chez les
anciens. Contrairement à la fièvre du coton, les symptômes peuvent persister
pendant des mois. Le syndrome a été associé à des produits utilisés pour traiter le
fil, tels que la poudre de graines de tamarin (Murray, Dingwall-Fordyce et Lane,
1957) et la gomme de caroube (Vigliani, Parmeggiani et Sassi, 1954).

Le troisième syndrome autre que la byssinose associé à la fabrication des textiles


est la fièvre du matelassier (Neal, Schneiter et Caminita, 1942). Ce terme fait
référence au contexte dans lequel la maladie a été décrite, se caractérisant par un
épisode aigu de fièvre et d’autres symptômes constitutionnels, dont des troubles
digestifs et une gêne rétrosternale chez des travailleurs manipulant du coton de
basse qualité. Ces troubles ont été attribués à la contamination du coton par
Aerobacter cloacae.

En général, ces syndromes fébriles sont considérés comme cliniquement distincts de


la byssinose. Dans des études effectuées par Schilling (1956), sur 528 travailleurs
du coton, 38 avaient des antécédents de fièvre du coton. La prévalence de cette
pathologie chez les travailleurs atteints de byssinose classique était de 10%
(14/134), contre 6% (24/394) parmi les personnes indemnes de cette maladie. Les
différences observées n’étaient pas statistiquement significatives.

La bronchite chronique, telle que définie d’après les antécédents médicaux, est
très fréquente chez les travailleurs du textile et, notamment, chez les non-
fumeurs. Cette observation n’est pas étonnante puisque la caractéristique
histologique dominante de la bronchite chronique est une hyperplasie des glandes
muqueuses (Edwards et coll., 1975; Moran, 1983). La symptomatologie de la bronchite
chronique doit être soigneusement distinguée des symptômes de la byssinose
classique, bien que les troubles se recoupent souvent et qu’il existe probablement
dans ce contexte différentes manifestations physiopathologiques de la même
inflammation des voies respiratoires.

Les études pathologiques des travailleurs du textile sont peu nombreuses. Les
observations montrent toutefois que les grandes voies aériennes sont
systématiquement impliquées (Edwards et coll., 1975; Rooke, 1981a; Moran, 1983),
sans que l’on ne relève aucun signe de destruction du parenchyme pulmonaire
(emphysème) (Moran, 1983).

L’évolution clinique de la byssinose


Une maladie aiguë ou chronique?
Le système de classification présenté au tableau 89.2 correspond à une progression
allant des symptômes du lundi à une affection respiratoire chronique et
pratiquement irréversible chez les sujets atteints de byssinose. Les résultats des
études transversales, dont la première a été conduite dans le Lancashire (Royaume-
Uni), dans des ateliers de traitement du coton, ont démontré le caractère évolutif
de la maladie, avec des formes de byssinose dont la sévérité était liée à
l’ancienneté de l’exposition (Schilling, 1956). Des résultats similaires ont été
mis en évidence par d’autres enquêtes (Molyneux et Tombleson, 1970). L’évolution de
la maladie peut aussi survenir assez rapidement après l’embauche, c’est-à-dire dès
les premières années (Mustafa, Bos et Lakha, 1979).

Les études transversales ont également montré que d’autres symptômes et syndromes
respiratoires chroniques, tels que sifflement ou bronchite chronique, sont aussi
beaucoup plus fréquents chez les personnes qui ont travaillé longtemps dans
l’industrie cotonnière qu’au sein d’une population témoin comparable (Bouhuys et
coll., 1977; Bouhuys, Beck et Schoenberg, 1979). La fréquence des cas de bronchite
chronique était systématiquement plus élevée chez les travailleurs du coton que
dans les populations témoins, même après ajustement tenant compte du sexe et du
tabagisme. Dans la byssinose de stade 3, outre la symptomatologie, les sujets
présentent des modifications de la fonction respiratoire. Apparue dans les études
transversales portant sur des travailleurs du textile, l’association entre la
détérioration de la fonction respiratoire et les stades les plus avancés de la
byssinose tend à mettre en évidence le caractère évolutif de la maladie du stade 1
vers le stade 3. Plusieurs de ces études transversales indiquent en outre que la
diminution de la fonction pulmonaire au cours de la semaine de travail par rapport
à la valeur de référence (corrélée à la constriction thoracique aiguë) est associée
à une évolution chronique irréversible.

Dans une étude de Roach et Schilling (1960), l’existence d’une relation dose-
réponse dans la symptomatologie aiguë confirme la relation entre pathologies aiguës
et chroniques chez les travailleurs de l’industrie textile. Ces auteurs ont observé
une relation linéaire très marquée entre la réponse biologique et les
concentrations de poussières sur le lieu de travail. D’après leurs observations, la
limite de sécurité applicable à l’exposition à des poussières macroscopiques se
situe à 1 mg/m3. Cette valeur a été adoptée ultérieurement par la Conférence
américaine des hygiénistes gouvernementaux du travail (American Conference of
Governmental Industrial Hygien-ists (ACGIH)) et, jusqu’à la fin des années
soixante-dix, elle est restée en vigueur aux Etats-Unis pour les poussières de
coton. Des observations rapportées par la suite ont démontré que les poussières
fines (< 7 µm) étaient responsables de pratiquement tous les cas de byssinose
(Molyneux et Tombleson, 1970; Mckerrow et Schilling, 1961; McKerrow et coll., 1962;
Wood et Roach, 1964). Une étude faite en 1973 par Merchant et coll. sur les
symptômes respiratoires et la fonction pulmonaire dans 22 usines textiles de
Caroline du Nord a porté sur 1 260 travailleurs du coton, 803 du coton et du
synthétique et 904 de la laine et du synthétique. Cette étude a confirmé la
relation linéaire qui existe entre la prévalence de la byssinose (et la
détérioration de la fonction pulmonaire) et les concentrations de poussières
exemptes de fibres de coton.

Les modifications de la fonction respiratoire que semblaient indiquer les études


transversales ont été confirmées par un certain nombre d’études longitudinales qui
complètent et prolongent les résultats antérieurs. Les études longitudinales ont
souligné la détérioration rapide de la fonction pulmonaire chez les travailleurs de
l’industrie cotonnière ainsi que la forte incidence de nouveaux symptômes.

Dans une série d’enquêtes portant sur plusieurs milliers de travailleurs du textile
suivis à la fin des années soixante pendant une période de cinq ans, Fox et coll.
(1973a, 1973b) ont constaté un accroissement du nombre des cas de byssinose,
parallèle à l’ancienneté de l’exposition. Ils ont observé aussi une diminution
annuelle du volume expiratoire maximal seconde (VEMS) (pourcentage par rapport à la
valeur théorique) sept fois plus importante que chez les témoins.

Une seule étude portant sur les broncho-pneumopathies chroniques chez les
travailleurs du textile a été menée au début des années soixante-dix par Arend
Bouhuys (Bouhuys et coll., 1977). L’originalité de cette étude a été d’inclure
aussi bien le personnel en activité que les retraités. Les sujets étaient ou
avaient été employés dans l’une des quatre usines locales de Columbia, en Caroline
du Sud. Les critères de sélection de la cohorte ont été décrits dans la première
analyse transversale. A l’origine, le groupe retenu comptait 692 personnes, mais
l’analyse a été restreinte à 646 sujets de race blanche, âgés d’au moins 45 ans en
1973. Ces personnes avaient travaillé en moyenne trente-cinq ans dans l’usine. Le
groupe témoin retenu pour l’analyse transversale était constitué de sujets de race
blanche d’au moins 45 ans, dans trois localités ayant fait l’objet d’une étude
transversale: Ansonia, Lebanon (Connecticut) et Winnsboro (Caroline du Sud). Malgré
les différences géographiques, socio-économiques ou autres, la fonction pulmonaire
dans cette population n’était pas différente de celle qui avait été mesurée chez
les travailleurs du textile affectés aux tâches les moins poussiéreuses. Aucune
variation de la fonction pulmonaire et des symptômes respiratoires n’étant apparue
dans les trois sous-populations témoins, seuls les sujets de Lebanon étudiés en
1972 et en 1978 ont été retenus comme témoins pour l’étude longitudinale effectuée
en 1973 et en 1979 chez les travailleurs du textile (Beck, Doyle et Schachter,
1981; Beck, Doyle et Schachter, 1982).

La symptomatologie aussi bien que la fonction pulmonaire ont été largement


étudiées. Au cours d’une étude prospective, on a pu déterminer que l’incidence de
sept symptômes ou syndromes respiratoires (dont la byssinose) était plus élevée
chez les travailleurs du textile que chez les témoins, même après ajustement tenant
compte du tabagisme (Beck, Maunder et Schachter, 1984). La subdivision des
travailleurs du textile en sujets actifs et retraités a montré une incidence
maximale de la symptomatologie chez les personnes qui avaient pris leur retraite au
cours de l’étude. Les résultats semblent indiquer que le risque de détérioration
est présent non seulement chez les personnes en activité, mais aussi chez les
retraités, probablement en raison de l’irréversibilité de l’atteinte pulmonaire.

Dans cette cohorte, la détérioration de la fonction pulmonaire a été quantifiée sur


une période de six ans. La diminution moyenne chez les travailleurs du textile (42
ml/an chez les hommes et 30 ml/an chez les femmes) s’est révélée significativement
plus importante que chez les témoins (27 ml/an et 15 ml/an respectivement). Compte
tenu du tabagisme, la diminution du volume expiratoire maximal seconde (VEMS) était
plus élevée chez les travailleurs que chez les témoins.

De nombreux auteurs ont soulevé la question du tabagisme qui peut laisser perplexe.
De nombreux travailleurs du textile étant des fumeurs de cigarettes, il a été
avancé que la broncho-pneumopathie chronique attribuée à l’exposition aux
poussières de textiles était en réalité largement imputable au tabagisme. Deux
réponses ont été apportées à cette question, sur la base des observations
effectuées chez les travailleurs de Columbia. Dans l’étude de Beck, Maunder et
Schachter (1984), une analyse de variance bifactorielle portant sur tous les
paramètres de la fonction respiratoire a démontré que les effets de la poussière de
coton et du tabagisme étaient uniquement additifs. En d’autres termes, la
détérioration quantitative de la fonction pulmonaire due à l’un des deux facteurs
(tabagisme ou exposition aux poussières) ne varie pas en fonction de la présence ou
de l’absence du second facteur. La détérioration de la capacité vitale et la
diminution du VEMS apparaissent quantitativement similaires (antécédents de
tabagisme de 56 paquets-année en moyenne, pour 35 ans de travail en usine). Dans
une étude de même type, Schachter et coll. (1989) ont montré que l’utilisation d’un
paramètre reflétant la courbe du débit expiratoire de pointe (l’angle bêta)
permettait de distinguer les profils d’anomalies fonctionnelles respiratoires dus
au tabagisme et aux poussières de coton. Ces travaux ont confirmé les conclusions
antérieures de Merchant.

La mortalité
Les études consacrées à l’effet sur la mortalité de l’exposition aux poussières de
coton n’ont pas démontré d’influence systématique. L’analyse des résultats publiés
à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle au Royaume-Uni semble mettre en
évidence une mortalité cardio-vasculaire accrue chez les travailleurs âgés dans
l’industrie textile (Schilling et Goodman, 1951). En revanche, l’examen des données
disponibles dans les localités de la Nouvelle-Angleterre où étaient implantées des
usines textiles à la fin du XIXe siècle n’a pas confirmé ce phénomène (Arlidge,
1892). De même, Henderson et Enterline (1973) ont abouti à des conclusions
négatives dans leur étude portant sur des travailleurs qui avaient été employés
dans des usines situées en Géorgie entre 1938 et 1951. Au contraire, Dubrow et Gute
(1988), qui ont conduit une étude sur des travailleurs du textile dans le Rhode
Island décédés entre 1968 et 1978, ont observé une augmentation significative du
taux de mortalité proportionnelle imputable aux pathologies respiratoires non
malignes. Ce phénomène était associé à une exposition accrue aux poussières puisque
le taux était plus élevé chez les travailleurs affectés au cardage, au doublage et
au peignage que chez les autres travailleurs du textile. Il faut souligner que,
dans cette étude comme dans d’autres (Dubrow et Gute, 1988; Merchant et Ortmeyer,
1981), la mortalité par cancer du poumon était faible. Cet argument a été mis en
avant pour affirmer que le tabagisme n’était pas une cause majeure de mortalité
dans ces groupes.

Des observations effectuées en Caroline du Sud semblent indiquer que les broncho-
pneumopathies chroniques sont une cause majeure de mortalité ou constituent, en
tout cas, un facteur prédisposant. En effet, chez les travailleurs qui sont décédés
entre 45 et 64 ans au cours d’une période de suivi de six ans, la fonction
pulmonaire mesurée d’après le VEMS résiduel (valeur observée par rapport à la
valeur théorique) s’était considérablement détériorée lors de l’étude initiale chez
les hommes non-fumeurs décédés au cours des six années de suivi (VEMS résiduel
moyen = 0,9 l) (Beck et coll., 1981). Il est fort possible que l’effet du travail
en usine sur la mortalité ait été masqué par un phénomène de sélection (effet du
travailleur en bonne santé). Enfin, Rooke (1981b) a estimé que, sur les 121 décès
observés en moyenne chaque année chez les travailleurs invalides, 39 étaient
imputables à la byssinose.
Le renforcement des contrôles et le recul de la maladie
Des études effectuées au Royaume-Uni et aux Etats-Unis semblent indiquer que la
prévalence ainsi que les formes de broncho-pneumopathie observées chez les
travailleurs du textile ont évolué grâce à l’application de normes plus strictes
sur la qualité de l’air dans les usines de ces pays. En 1996, Fishwick et coll. ont
rapporté les résultats d’une étude transversale portant sur 1 057 ouvriers
travaillant dans 11 filatures du Lancashire. Les examens ont porté sur 97% du
personnel dont la plupart (713) manipulaient du coton et les autres, des fibres
synthétiques. La byssinose n’a été confirmée que chez 3,5% des travailleurs, et la
bronchite chronique chez 5,3%. Le VEMS était cependant diminué chez les personnes
exposées à de fortes concentrations de poussières. Ces prévalences sont très
réduites par rapport à celles qui avaient été rapportées dans les premières
enquêtes effectuées dans ces mêmes établissements. Cette faible prévalence de la
byssinose et des cas de bronchite associés semble aller de pair avec les efforts
visant à réduire les concentrations de poussières au Royaume-Uni. Dans cette
population, la détérioration de la fonction pulmonaire s’explique à la fois par le
tabagisme et par l’exposition aux poussières de coton.

Aux Etats-Unis, Glindmeyer et coll. (1991, 1994) ont conduit une étude prospective
sur cinq ans dans 9 usines (6 usines de coton et 3 de fibres synthétiques), entre
1982 et 1987. Celle-ci a porté sur 1 817 travailleurs affectés exclusivement à la
fabrication de filés de coton, à l’encollage et au tissage ou à la fabrication de
textiles synthétiques. Dans l’ensemble, moins de 2% des travail-leurs présentaient
des symptômes de byssinose. Cependant, les travailleurs affectés aux opérations de
fabrication des filés présentaient une détérioration annuelle de la fonction
pulmonaire plus importante que les travailleurs chargés de l’encollage et du
tissage. Les premiers accusaient une détérioration en fonction de la dose absorbée,
en relation également avec la qualité du coton utilisé. Ces usines respectaient les
normes de l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational
Safety and Health Administration (OSHA)), avec des concentrations moyennes de
poussières de coton en suspension dans l’air (exemptes de coton-fibre) atteignant,
sur 8 heures, 196 µg/m3 pour la fabrication du fil et 455 µg/m3 pour l’encollage et
le tissage. Glindmeyer et coll. (1994), qui ont mis en relation les variations de
la fonction pulmonaire au cours de la semaine de travail (équivalent fonctionnel
objectif des symptômes de byssinose) et la détérioration de ce paramètre dans le
temps, ont montré que les premières annonçaient de façon significative l’évolution
longitudinale.

Si la fabrication des textiles dans les régions développées paraît aujourd’hui


associée à des pathologies moins fréquentes et moins sévères, il n’en va pas de
même dans les pays en développement. De fortes prévalences de byssinose sont
toujours enregistrées dans le monde, notamment dans les pays où les normes
gouvernementales sont laxistes ou inexistantes. Dans sa revue de la littérature,
Parikh (1992) a constaté que la prévalence de la byssinose dépassait de loin 20%
dans des pays tels que l’Inde, le Cameroun, l’Ethiopie, le Soudan et l’Egypte.
Zuskin et coll. (1991) ont suivi 66 travailleurs en Croatie, dans une usine textile
traitant le coton, où les concentrations moyennes de poussières inhalables étaient
encore égales à 1,0 mg/m3. La prévalence de la byssinose avait doublé, et la
diminution annuelle de la fonction pulmonaire était pratiquement deux fois
supérieure aux estimations calculées pour une population saine de non-fumeurs.

Les maladies non respiratoires liées au travail dans l’industrie textile


Outre les syndromes respiratoires caractéristiques qui peuvent toucher les
travailleurs de l’industrie textile, un certain nombre d’autres risques ont été mis
en relation avec les conditions de travail et les produits dangereux que l’on
rencontre dans cette industrie.

La cancérogenèse a été associée au travail dans l’industrie textile. Les premières


études avaient indiqué une incidence élevée de cancer colorectal chez les
travailleurs occupés à la fabrication des fibres synthétiques (Vobecky et coll.,
1979; Vobecky, Devroede et Caro, 1984). Une étude rétrospective effectuée par
Goldberg et Theriault (1994a) dans des établissements fabriquant des textiles
synthétiques semble mettre en évidence une association avec la durée de l’emploi
dans les ateliers d’extrusion du polypropylène et du triacétate de cellulose. Ces
auteurs ont signalé d’autres associations avec des maladies néoplasiques, mais
leurs observations n’ont pas convaincu (1994b).

L’exposition aux colorants azoïques a été associée au cancer de la vessie dans de


nombreuses branches d’activité. Siemiatycki et coll. (1994) ont noté une faible
association entre le cancer de la vessie et le travail des fibres acryliques et du
polyéthylène, surtout chez les teinturiers. Les plus anciens d’entre eux
présentaient notamment un risque dix fois plus élevé de cancer de la vessie
(signification statistique marginale). Des observations similaires ont été
rapportées par d’autres auteurs, bien que des résultats négatifs aient aussi été
publiés (Anthony et Thomas, 1970; Steenland, Burnett et Osorio, 1987; Silverman et
coll., 1989).

Les traumatismes dus aux mouvements répétés constituent un risque reconnu dans
l’industrie textile lorsqu’on a recours à des machines qui fonctionnent à vitesse
élevée (Thomas, 1991). Une description du syndrome du canal carpien (Forst et
Hryhorczuk, 1988) chez une couturière se servant d’une machine à coudre électrique
illustre la pathogénie de ce type d’affection. Une analyse des lésions des mains
chez les travailleurs de la laine dans le Yorkshire, traitées entre 1965 et 1984
par l’Unité régionale de chirurgie plastique, a montré une constance de l’incidence
annuelle de ces lésions, alors que les effectifs avaient été divisés par 5, ce qui
indique un risque accru dans cette population (Myles et Roberts, 1985).

Une toxicité hépatique a été rapportée par Redlich et coll. (1988) chez des
travailleurs du textile exposés au diméthylformamide, utilisé comme solvant dans
une usine de traitement de tissus. Cette toxicité a été reconnue lors d’une
«épidémie» d’hépatopathies dans un établissement de New Haven (Connecticut) qui
produit des tissus enduits de polyuréthane.

Le sulfure de carbone , composé organique utilisé pour la préparation de textiles


synthétiques, a été associé à une mortalité accrue par cardiopathie ischémique
(Partanen et coll., 1970; Sweetnam, Taylor et Elwood, 1987). Ce phénomène pourrait
être lié à l’effet de ce produit sur les lipides sanguins et la pression
diastolique (Egeland et coll., 1992). Le même composé a également été associé à une
neurotoxicité périphérique, à des lésions des organes sensoriels et à des troubles
des fonctions hormonale et reproductive. On estime généralement que ces effets
toxiques apparaissent après une exposition prolongée à des concentrations dépassant
10 à 20 ppm (Riihimaki et coll., 1992).

Des réactions allergiques — eczéma, urticaire et asthme — à des colorants réactifs


ont été rapportées chez des travailleurs des ateliers de teinture (Estlander, 1988;
Sadhra, Duhra et Foulds, 1989; Seidenari, Mauzini et Danese, 1991).

Enfin, des cas de stérilité ont été décrits chez des hommes et des femmes à la
suite d’une exposition à diverses substances présentes dans l’industrie textile
(Rachootin et Olsen, 1983; Buiatti et coll., 1984).

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Partie XIV. Industries des textiles et de l'habillement


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Partie XIV. Industries des textiles et de l'habillement
English
Chapitre 89 - L'industrie textile
L’INDUSTRIE TEXTILE: HISTOIRE, SÉCURITÉ ET SANTÉ
Leon J. Warshaw

L’industrie textile
Le terme industrie textile (du latin texere , tisser) s’appliquait à l’origine au
tissage d’étoffes à partir de fibres, mais il recouvre aujourd’hui toute une série
d’autres procédés tels que le tricotage, le tuftage (ou touffetage) et le feutrage,
pour n’en citer que quelques-uns. Ce terme s’étend même à la fabrication de filés
ou de non-tissés à partir de fibres naturelles ou synthétiques, ainsi qu’au
finissage et à la teinture des étoffes.

La production de filés
A l’époque préhistorique, on utilisait des poils d’animaux, des plantes et des
graines pour fabriquer des fibres. La soie a été introduite en Chine vers 2600
avant J.-C. et les premières fibres synthétiques ont été mises au point au milieu
du XVIIIe siècle. Les fibres synthétiques fabriquées à partir de cellulose ou de
produits pétrochimiques sont de plus en plus utilisées, seules ou en mélange avec
d’autres fibres synthétiques ou naturelles, mais elles n’ont jamais remplacé
totalement les fibres naturelles telles que la laine, le coton, le lin et la soie.

La soie est la seule fibre naturelle formée de filaments qu’il est possible de
réunir et de transformer en fil par torsion. Les autres fibres naturelles doivent
être préalablement étirées et alignées parallèlement par peignage, puis
transformées en un fil continu par filage. Le fuseau est le premier outil utilisé
pour filer. Il a été mécanisé en Europe vers l’an 1400 grâce à l’invention du
rouet. C’est à la fin du XVIIe siècle qu’est apparue la machine à filer qui
permettait de faire fonctionner simultanément plusieurs fuseaux. Avec le métier à
filer inventé en 1769 par Richard Arkwright et le métier renvideur de Samuel
Crompton, qui permettait de faire fonctionner un millier de broches à la fois, la
filature est passée du stade artisanal à l’ère industrielle.

La fabrication des tissus


La fabrication des tissus a une histoire similaire. Depuis l’Anti-quité, l’outil de
base était le métier à tisser manuel. Des améliorations mécaniques ont été
apportées par la lisse sur laquelle on attache un fil de chaîne sur deux. Au XIIIe
siècle a été introduite la pédale qui permettait de faire fonctionner plusieurs
jeux de lisses. Avec l’intégration du battant qui mettait en place le fil de trame,
le métier mécanisé est devenu l’instrument de tissage prédominant en Europe, voire
dans les autres parties du monde, à l’exception des régions où les traditions
culturelles faisaient survivre les anciens métiers manuels.

La mécanisation du tissage a commencé en 1733 avec la navette volante de John Kay,


qui permettait de lancer automatiquement la navette sur toute la largeur du métier.
Edmund Cartwright mit au point le métier à vapeur et, en 1788, il créa avec James
Watt, en Angleterre, la première usine textile fondée sur ce principe. Les usines,
alors affranchies de l’énergie hydraulique, pouvaient être construites n’importe
où. Un autre développement important a été le système à cartes perforées inventé en
1801 par le Français Joseph Marie Jacquard, grâce auquel les motifs pouvaient être
tissés automatiquement. Les anciens métiers à vapeur, en bois, ont été
progressivement remplacés par des machines construites en acier ou en d’autres
métaux. Les progrès techniques intervenus depuis lors ont consisté à en augmenter
la taille et la rapidité et à en améliorer l’automatisation.

La teinture et l’impression
A l’origine, on utilisait des colorants naturels pour teindre les fils et les
tissus, mais ces procédés se sont compliqués au XIXe siècle avec la découverte des
colorants dérivés des goudrons de houille, puis avec la mise au point des fibres
synthétiques au XXe siècle. Au début, l’impression à la planche servait à teindre
les tissus (la sérigraphie a été mise au point pour cette application vers le
milieu du XIXe siècle), mais elle a été rapidement remplacée par l’impression au
rouleau. Des rouleaux en cuivre gravé ont été utilisés pour la première fois en
Angleterre en 1785. Des améliorations rapides ont permis d’imprimer, grâce à ce
procédé, en six couleurs différentes, parfaitement transférées. Avec les techniques
modernes, on peut imprimer 180 m de tissu par minute en 16 couleurs ou davantage.

Le finissage
Jadis, le finissage des tissus passait par le brossage ou le tondage, l’apprêtage
ou l’encollage, ou encore le calandrage pour obtenir un effet brillant.
Aujourd’hui, les tissus sont rétrécis, mercerisés (les fils et les tissus de coton
sont traités par des solutions caustiques pour les renforcer et les faire briller)
et soumis à toute une série de traitements destinés à améliorer entre autres la
résistance au froissement, à l’eau, au feu et aux moisissures ou encore la tenue
des plis.

Des traitements spéciaux permettent d’obtenir des fibres à haute performance ,


appelées ainsi en raison de leur solidité exceptionnelle et de leur résistance aux
températures très élevées. Ainsi, l’aramide est une fibre similaire au nylon, mais
plus résistante que l’acier, et le Kevlar®, fabriqué à partir de l’aramide, est
utilisé pour fabriquer des tissus pare-balles et des vêtements qui résistent aussi
bien à la chaleur qu’aux produits chimiques. D’autres fibres synthétiques combinées
à du carbone, du bore, de la silice, de l’aluminium ou d’autres matières sont
utilisées pour produire des matériaux structurés légers et extrêmement robustes
entrant dans la fabrication des avions, des navettes spatiales, des filtres et des
membranes résistant aux produits chimiques, ou encore des accessoires de protection
utilisés par les sportifs.

De l’artisanat à l’industrie
La fabrication des textiles était initialement un art manuel pratiqué soit par des
fileurs et des tisseurs qui travaillaient à domicile, soit par de petites équipes
d’artisans qualifiés. Les progrès techniques ont fait naître de grandes entreprises
textiles économiquement très importantes, principalement au Royaume-Uni et dans les
pays d’Europe occidentale. Les premiers immigrants installés en Amérique du Nord
ont implanté des fabriques de tissus en Nouvelle-Angleterre (Samuel Slater, qui
avait dirigé une usine textile en Angleterre, a construit de mémoire un métier à
filer à Providence, Rhode Island, en 1790). L’invention de l’égreneuse par Eli
Whitney, qui permettait de nettoyer très rapidement le coton récolté, a entraîné un
accroissement de la demande en tissus de coton.

Cette tendance s’est accélérée grâce à la commercialisation de la machine à


coudre . Au début du XVIIIe siècle, plusieurs inventeurs ont mis au point des
machines permettant de coudre le tissu. En France, Barthélemy Thimonnier déposa un
brevet en 1830 pour sa machine à coudre. En 1841, alors que 80 de ses machines
travaillaient pour l’armée française, son usine fut détruite par des tailleurs qui
estimaient que cette innovation pouvait compromettre leurs moyens de subsistance.
En Angleterre, à la même époque, Walter Hunt mit au point une machine améliorée,
mais abandonna son projet, craignant que son invention ne mette des couturières
pauvres au chômage. En 1848, Elias Howe déposa un brevet aux Etats-Unis pour une
machine très similaire à celle de Hunt; il s’engagea par la suite dans de
nombreuses procédures en contrefaçon contre des industriels et finit par les
gagner. L’invention de la machine à coudre moderne revient à Isaac Merritt Singer
qui mit au point le bras libre, le pied-de-biche pour maintenir le tissu et la roue
pour l’entraîner, et qui remplaça la manivelle par une pédale laissant les deux
mains libres pour guider l’ouvrage. En plus de la conception et de la fabrication
de cette machine, l’inventeur créa la première grande entreprise tournée vers le
consommateur, qui se caractérisait par des innovations telles que des campagnes
publicitaires, la vente à tempérament et la proposition de contrats d’entretien.

Ainsi, les progrès techniques accomplis au cours des XVIIIe et XIXe siècles n’ont
pas seulement donné le coup d’envoi à l’industrie textile moderne, mais ont été à
l’origine de la révolution industrielle et de mutations familiales et sociales
profondes. De nouveaux changements ont lieu aujourd’hui, puisque les grosses
entreprises textiles se déplacent vers de nouvelles régions qui offrent une main-
d’œuvre et des sources d’énergie moins onéreuses, tandis que la bataille de la
concurrence suscite des développements techniques incessants tels que la production
assistée par ordinateur (PAO) qui permet de réduire les effectifs et d’améliorer la
qualité. Les politiciens, quant à eux, négocient des quotas et des tarifs, ou
mettent en place des barrières économiques pour obtenir ou conserver des avantages
concurrentiels pour leur pays. Ainsi, l’industrie textile fournit des produits
essentiels à une population mondiale en pleine expansion, tout en exerçant une
influence profonde sur le commerce international et l’économie des nations.

Les problèmes de sécurité et de santé


A mesure que les machines sont devenues plus grosses, plus rapides et plus
compliquées, de nouveaux risques sont apparus. La complexité croissante des
matériaux et des procédés a suscité de nouveaux risques pour la santé. Alors que le
personnel devait faire face à la mécanisation et à des exigences de productivité
accrues, le stress professionnel, largement méconnu ou ignoré, a commencé de peser
de plus en plus lourdement sur le bien-être des salariés. L’impact de la révolution
industrielle s’est manifesté essentiellement au niveau de la vie sociale, marquée
par la migration des travailleurs vers les villes et par tous les maux de
l’urbanisation. Aujourd’hui même, on assiste aussi à ce type d’effets, alors que
l’industrie textile et d’autres branches se déplacent vers des pays et des régions
en développement, à un rythme encore plus rapide.

Les risques liés aux différents secteurs de cette branche sont exposés dans les
articles du présent chapitre qui soulignent l’importance des facteurs suivants:
entretien des locaux et des machines; installation de systèmes de protection et de
dispositifs de sécurité efficaces pour éviter tout contact avec les pièces en
mouvement; mise en place d’une ventilation par aspiration localisée en complément
d’un bon système général de ventilation et de régulation de la température; enfin,
fourniture d’équipements et de vêtements de protection individuelle lorsqu’un
risque ne peut être totalement maîtrisé ou supprimé par la conception initiale, par
la prévention collective ou par l’utilisation de substances moins dangereuses. Les
auteurs insistent tous sur la nécessité d’informer et de former sans relâche le
personnel à tous les niveaux et sur l’importance de la surveillance.

Les problèmes liés à l’environnement


Les préoccupations qui se font jour au sujet de l’environnement dans l’industrie
textile ont deux origines: les opérations de fabrication elles-mêmes et les risques
liés au mode d’utilisation des produits.
La fabrication des textiles
Les principaux problèmes d’environnement créés par les usines textiles sont
imputables aux substances toxiques libérées dans l’air et dans les eaux usées.
Outre la toxicité éventuelle des substances, les odeurs désagréables posent souvent
problème, notamment lorsque des ateliers de teinture et d’impression sont situés à
proximité de zones résidentielles. Les gaz dégagés par les systèmes de ventilation
peuvent contenir des vapeurs de solvants, du formaldéhyde, des hydrocarbures, du
sulfure d’hydrogène et des composés métalliques. Les solvants sont parfois
récupérés et distillés pour être réutilisés. Les particules peuvent être captées
par filtration. L’épuration est efficace pour les composés volatils hydrosolubles
tels que le méthanol, mais non pas pour les opérations d’impression pigmentaire où
les hydrocarbures constituent l’essentiel des émissions. Les substances
inflammables peuvent être brûlées, mais cette technique est relativement coûteuse.
La dernière solution, enfin, consiste à employer des matériaux à émissivité aussi
faible que possible, ce qui se réfère non seulement aux teintures, aux liants et
aux agents de liaison transversale utilisés pour l’impression, mais aussi à la
teneur des tissus en formaldéhyde et en monomères résiduels.

La contamination des eaux usées par les colorants non fixés pose un problème
d’environnement grave, non seulement en raison des risques potentiels pour la santé
de l’être humain et des animaux, mais aussi en raison de la forte visibilité des
colorations produites. Dans les opérations de teinture ordinaire, on peut obtenir
une fixation de plus de 90%, mais ce taux tombe à 60%, voire moins, lorsqu’on se
sert de colorants réactifs. En d’autres termes, plus d’un tiers de la teinture
passe dans les eaux usées lors du dégommage du tissu imprimé, sans compter les
quantités dues au lavage des cadres, des pochoirs et des tambours.

Un certain nombre de pays ont fixé des limites portant sur la coloration des eaux
usées, mais il est souvent extrêmement difficile de les respecter sans installer un
système d’épuration très coûteux. Entre autres solutions, on utilise des teintures
dont l’effet contaminant est moindre et on tente de mettre au point des colorants
et des épaississants de synthèse qui augmentent le degré de fixation des teintures
et réduisent les excédents à éliminer par lavage (Grund, 1995).

L’utilisation des textiles et l’environnement


Les résidus de formaldéhyde et de certains complexes de métaux lourds (dont la
plupart sont inertes) peuvent produire une irritation et une sensibilisation
cutanée chez les personnes qui portent des tissus teints.

Le formaldéhyde et les solvants résiduels se trouvant dans les tapis et les tissus
servant pour l’ameublement et les rideaux continuent de se vaporiser
progressivement pendant un certain temps. Dans les immeubles très bien isolés, où
le système d’air conditionné recycle la plus grande partie de l’air au lieu de
l’évacuer à l’extérieur, ces substances peuvent atteindre des concentrations
suffisantes pour produire des symptômes chez les occupants, comme mentionné dans le
chapitre no 13, «Les troubles systémiques», de l’Encyclopédie.

Marks and Spencer, revendeur anglo-canadien de vêtements, a ouvert la voie en


fixant des limites à la teneur en formaldéhyde des vêtements qu’il achète. Des
fabricants de vêtements tels que Levi Strauss aux Etats-Unis ont répondu à cette
exigence. Certains pays ont adopté des mesures législatives sur ce point
(Allemagne, Danemark, Finlande et Japon). Grâce à la prise de conscience des
consommateurs, certains fabricants de tissus ont volontairement adhéré à ces normes
afin d’obtenir des labels écologiques (voir figure 89.1).

Figure 89.1 Labels écologiques utilisés pour les textiles


Figure 89.1
Conclusion
Les progrès techniques permettent d’élargir la gamme des tissus fabriqués par
l’industrie textile et contribuent à améliorer la productivité. Il est essentiel
cependant qu’ils soient aussi régis par des impératifs de sécurité, de santé et de
bien-être du personnel. Quoi qu’il en soit, la mise en œuvre de ces avancées pose
des problèmes dans les entreprises plus anciennes dont la viabilité financière est
mal assurée et qui n’ont pas les moyens d’effectuer les investissements
nécessaires. Il en va de même dans des régions en développement qui recherchent de
nouvelles industries à tout prix, même au détriment de la sécurité et de la santé
des travailleurs. Cependant, quelles que soient les circonstances, l’éducation et
la formation du personnel devraient permettre de réduire considérablement les
risques auxquels il est exposé.

LA CROISSANCE DE L’INDUSTRIE TEXTILE


Jung-Der Wang

Depuis son apparition sur la Terre, l’être humain a eu besoin de vêtements et de


nourriture pour survivre. La fabrication de tissus et de vêtements remonte donc aux
origines de l’humanité. Les anciens se servaient de leurs mains pour tisser et
tricoter du coton ou de la laine et obtenir ainsi du tissu ou de la toile. Ce n’est
qu’à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle que la révolution industrielle a
transformé les techniques de fabrication des vêtements. Plusieurs sortes d’énergie
motrice commençaient alors à être employées. Les principales matières premières
restaient cependant les fibres de coton, de laine et de cellulose. Depuis la
seconde guerre mondiale, la production des fibres synthétiques mises au point par
l’industrie pétrochimique s’est considérablement accrue. En 1994, les fabricants de
textiles ont utilisé dans le monde 17,7 millions de tonnes de fibres synthétiques,
ce qui représente 48,2% de l’ensemble de ces dernières. Ce pourcentage devrait
dépasser 50% après l’an 2000 (voir figure 89.2).

Figure 89.2 Evolution de la consommation de fibres par l'industrie textile jusqu'en


1994 et projection jusqu'en 2004
Figure 89.2

Selon une enquête de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et


l’agriculture (FAO) sur la consommation mondiale de fibres par l’industrie du
vêtement, les taux de croissance annuels moyens ont atteint 2,9, 2,3 et 3,7% pour
les périodes 1969-1989, 1979-1989 et 1984-1989, respectivement. Si l’on tient
compte de la tendance antérieure, de la croissance démographique, de la hausse du
produit intérieur brut par personne et de l’augmentation de l’utilisation des
différents produits textiles due à l’amélioration des revenus, la demande de
produits textiles a atteint 42,2 millions de tonnes en l’an 2000 et devrait
atteindre 46,9 millions en 2005 (voir figure 89.2). Cette tendance met en évidence
une augmentation régulière de la demande et laisse présager que l’industrie textile
continuera d’employer une main-d’œuvre importante.

Une autre transformation majeure est l’automatisation progressive du tissage et du


tricotage qui, associée à l’augmentation du coût du travail, a entraîné le
déplacement de ce secteur industriel vers les pays en développement. Bien que la
production des filés et des textiles ainsi que la fabrication en amont de certaines
fibres synthétiques restent encore l’apanage des pays développés, une grande partie
de l’industrie du vêtement, grande consommatrice de main-d’œuvre et située en aval
de la chaîne de fabrication, a déjà migré vers les pays en développement.
L’industrie du textile et de l’habillement implantée dans la région Asie-Pacifique
assure actuellement 70% environ de la production mondiale. Le tableau 89.1 montre
l’évolution de l’emploi dans cette région. La sécurité et la santé des travailleurs
du textile sont ainsi devenues des questions de grande importance dans les pays en
développement. Les figures 89.3 à 89.6 illustrent certaines opérations textiles
effectuées dans les régions en développement.
Tableau 89.1 Nombre d'entreprises et de salariés recensés dans l'industrie
textile et le secteur de l'habilement dans certains pays et territoires de la
région
Asie-Pacifique en 1985 et en 1995
Nombre

Année

Australie

Chine

Corée, République de

Hong-kong

Inde

Indonésie

Malaisie

Nouvelle-Zélande

Pakistan

Entreprises

1985
1995

2 535
4 503

45 500
47 412

12 310
14 262

13 114
6 808

13 435
13 508

1 929
2 182

376
238

2 803
2 547

1 357
1 452
Salariés (x103)

1985
1995

96
88

4 396
9 170

684
510

375
139

1 753
1 675

432
912

58
76

31
21

n.d.
n.d.

n.d.: donnée non disponible.

Figure 89.3 Le peignage


Figure 89.3

Figure 89.4 Le cardage


Figure 89.4

Figure 89.5 Une cueilleuse mécanique moderne


Figure 89.5

Figure 89.6 L'ourdissage


Figure 89.6

LA PRODUCTION ET L’ÉGRENAGE DU COTON


W. Stanley Anthony

La production de coton
Les pratiques culturales du coton commencent après la cueillette précédente. Les
premières opérations consistent en principe à broyer les tiges, à arracher les
racines et à briser les mottes au pulvérisateur à disques. Des engrais et des
herbicides sont généralement appliqués et incorporés dans le sol avant que la terre
soit préparée pour l’irrigation ou l’ensemencement. Etant donné que les
caractéristiques du sol, les engrais utilisés antérieurement et les méthodes de
cueillette peuvent donner lieu à des degrés de fertilité très différents, les
programmes de fertilisation doivent être fondés sur des analyses pédologiques. La
lutte contre les plantes adventices est indispensable pour obtenir un rendement
élevé en coton égrené et une qualité satisfaisante: en effet, le rendement et
l’efficacité de la récolte peuvent chuter de 30% en présence de mauvaises herbes.
Les herbicides ont été largement utilisés dans de nombreux pays depuis le début des
années soixante. Parmi les méthodes auxquelles on recourt, il faut citer
l’application d’herbicides sur le feuillage des plantes adventices avant les semis,
l’intégration dans le sol à ce même stade et le traitement avant et après
l’émergence de la plantule.

Plusieurs facteurs jouent un rôle important pour obtenir des plants de qualité: la
préparation des sillons, l’humidité et la température du sol, la qualité des
semences, les maladies des plantules, l’emploi de fongicides et la salinité du sol.
L’utilisation de semences de bonne qualité mises en terre dans des sillons bien
préparés est un facteur clé pour obtenir des plants précoces, uniformes et
vigoureux. Les bonnes semences devraient avoir un taux de germination d’au moins
50% dans un test à froid. Dans un test froid/chaud, l’indice de vigueur de la
semence devrait être d’au moins 140. Il est recommandé de semer 12 à 18 graines par
mètre sur chaque rangée pour obtenir de 14 000 à 20 000 plants par hectare. Un
semoir à mécanisme de dosage approprié devrait être utilisé pour assurer un
espacement uniforme des graines, quelle que soit leur taille. Les taux de
germination et d’émergence sont étroitement liés dans une fourchette de température
allant de 15 à 38 °C.

Des maladies précoces touchant les plantules peuvent empêcher l’obtention de


plantations uniformes et contraindre à réensemencer. Parmi les agents pathogènes
importants à ce stade, il faut citer Pythium, Rhizoctonia, Fusarium et
Thielaviopsis qui peuvent affaiblir les plantations et créer de grands espaces
dénudés. Il ne faut semer que des graines correctement traitées avec un ou
plusieurs fongicides.

En ce qui concerne l’eau consommée lors des différents stades du développement de


la plante, le coton présente des caractéristiques semblables à celles des autres
cultures. La consommation d’eau correspond en général à 2,5 mm par jour entre
l’émergence et la formation du premier carré. Pendant cette période, la perte
d’humidité du sol par évaporation peut dépasser la quantité d’eau libérée par la
plante. La consommation augmente fortement dès l’apparition des premières fleurs
pour atteindre un maximum de 10 mm par jour en pleine floraison. Ces quantités se
rapportent à la quantité totale d’eau nécessaire pour obtenir une récolte de coton
(précipitations et irrigation).

Les populations d’insectes peuvent avoir un impact important sur la qualité du


coton et le rendement. Il faut intervenir en début de saison pour favoriser la
fructification et un développement végétatif équilibré. Il est essentiel de
protéger les fruits dès les premiers stades de la fructification pour obtenir une
bonne récolte. Plus de 80% de la production se constituent au cours des trois à
quatre premières semaines de fructification. Le coton devrait être examiné au moins
deux fois par semaine au cours de cette période pour surveiller et contrôler les
insectes et les dommages éventuels.

Un programme de défoliation bien conduit réduit les débris végétaux qui peuvent
altérer la qualité du coton récolté. Les régulateurs de croissance chimiques sont
des défoliants utiles, car ils permettent de maîtriser la croissance végétative et
contribuent à une fructification plus précoce.

La récolte
Deux types d’équipements mécaniques sont utilisés pour la cueil-lette du coton: la
récolteuse à broches et l’écapsuleuse de coton . La récolteuse à broches est une
machine de type sélectif qui utilise des broches coniques et barbelées pour
extraire la fibre de la graine. Cette cueilleuse peut être employée plusieurs fois
sur une plantation pour obtenir des récoltes stratifiées. L’écapsuleuse de coton
est, en revanche, une cueilleuse non sélective à passage unique qui récolte non
seulement les capsules bien ouvertes, mais aussi celles qui sont craquelées et
fermées, ainsi que les débris de capsules et autres corps étrangers.

Les pratiques agronomiques qui visent à obtenir une culture uniforme et de bonne
qualité contribuent généralement à l’efficacité de la récolte. Le champ devrait
être correctement drainé et les rangées tracées de manière à faciliter le passage
des machines. L’extrémité des rangées devrait être libre de plantes adventices, et
une bordure de 7,6 à 9 m devrait être ménagée autour du champ pour permettre les
manœuvres et l’alignement des cueilleuses sur les rangées. Cette bordure devrait
être débarrassée des mauvaises herbes. La pulvérisation des mottes est déconseillée
par temps pluvieux; il est préférable de détruire les mauvaises herbes par des
produits chimiques ou par la tonte. La hauteur des plants ne devrait pas dépasser
1,20 m environ pour le coton cueilli par récolteuse à broches, et 9 cm pour le
coton récolté par écapsuleuse. La hauteur des plants peut être contrôlée dans une
certaine mesure à l’aide de régulateurs de croissance chimique utilisés au moment
opportun. Il est préférable que la capsule inférieure se trouve à 10 cm du sol au
moins. Les activités culturales — fertilisation, travail du sol et irrigation —
pendant la croissance devraient être conduites avec soin pour obtenir une récolte
régulière de coton bien développé.

La défoliation chimique est une pratique qui induit la chute du feuillage. Des
défoliants peuvent être employés pour minimiser la contamination par les débris de
feuilles vertes et favoriser le séchage rapide de la rosée matinale sur le duvet.
Toutefois, les défoliants ne devraient pas être utilisés avant l’ouverture d’au
moins 60% des capsules. La récolte ne devrait être effectuée que sept à quatorze
jours après l’application d’un défoliant (ce délai varie en fonction des produits
chimiques choisis et des conditions météorologiques). Des agents de dessiccation
chimique peuvent aussi être employés pour préparer la récolte. La dessiccation
provoque une perte rapide de l’eau contenue dans le tissu végétal et entraîne la
mort de celui-ci; les feuilles mortes qui en résultent restent attachées à la
plante.

Dans la production cotonnière, la tendance actuelle est au raccourcissement de la


saison et à la récolte unique. Les produits chimiques qui accélèrent l’ouverture
des capsules sont appliqués avec le défoliant ou peu après la chute des feuilles;
ils permettent des récoltes plus précoces et augmentent le pourcentage de capsules
prêtes à être cueillies au cours de la première récolte. Comme ces produits
chimiques peuvent ouvrir totalement ou partiellement des capsules immatures, la
qualité de la récolte peut être gravement altérée si ces produits sont utilisés
trop tôt (indice micronaire trop faible).

Le stockage
La teneur en humidité du coton avant et pendant le stockage est un facteur
critique. Une humidité excessive induit une surchauffe du coton stocké, ce qui
entraîne un changement de couleur du coton-fibre, une germination plus faible des
graines, voire une combustion spontanée. Le coton-graine ayant une teneur en
humidité supérieure à 12% ne devrait pas être stocké. La température intérieure des
bâtiments nouvellement construits devrait aussi être surveillée pendant les cinq à
sept premiers jours du stockage. Si la température s’élève de 11 °C ou dépasse 49
°C, il convient de procéder à un égrenage immédiat pour éviter les risques de
pertes importantes.

Plusieurs facteurs influent sur la qualité des graines et des fibres au cours du
stockage du coton-graine. La teneur en humidité est le principal d’entre eux. Parmi
les autres paramètres, il faut citer la durée du stockage, la quantité de corps
étrangers très humides, la variation de la teneur en humidité à l’intérieur de la
masse stockée, la température initiale du coton-graine, la température de celui-ci
au cours du stockage, les conditions météorologiques pendant cette période
(température, humidité relative et précipitations), ainsi que la protection du
coton contre la pluie et l’humidité du sol. Le jaunissement est accéléré lorsque
les températures sont élevées. Les montées en température et les températures
maximales sont deux facteurs importants (la hausse de la température est
directement liée à la chaleur générée par l’activité biologique).

L’égrenage
Environ 80 millions de balles de coton sont produites chaque année dans le monde;
20 millions d’entre elles passent par les quelque 1 300 égreneuses se trouvant aux
Etats-Unis. La principale fonction de l’égreneuse est de séparer la fibre des
graines, mais cette machine doit aussi éliminer une grande partie des corps
étrangers, faute de quoi la valeur du coton-fibre serait considérablement réduite.
Une égreneuse doit: 1) produire un coton-fibre de qualité satisfaisante pour le
marché; et 2) égrener le coton en portant le moins possible atteinte à la qualité
de filage des fibres afin que le coton réponde à la demande des utilisateurs
finaux, le filateur et le consommateur. La préservation de la qualité au cours de
cette opération impose donc un choix et un fonctionnement appropriés de chaque
machine du système d’égrenage. La manipulation et le séchage mécaniques peuvent
modifier les caractéristiques qualitatives naturelles du coton. Au mieux,
l’égreneuse préserve les caractéristiques qualitatives inhérentes au coton qu’elle
reçoit. Dans les paragraphes qui suivent, nous examinerons brièvement le rôle des
principales machines et opérations d’égrenage.

Les machines utilisées pour traiter le coton-graine


Le coton est apporté par une remorque ou un autre véhicule de transport et déversé
dans une poche de l’égreneuse qui élimine capsules vertes, cailloux et autres corps
étrangers. Une alimentation contrôlée assure un débit uniforme et une bonne
dispersion du coton, ce qui accroît l’efficacité du système d’épuration et de
séchage. Si le coton n’est pas correctement dispersé, il risque de traverser les
séchoirs sous forme d’agglomérats et de ne sécher qu’en surface.

Au début du séchage, l’air chaud fait circuler le coton sur des clayettes pendant
dix à quinze secondes. La température de l’air est réglée en fonction du degré de
séchage souhaité. Afin de ne pas endommager les fibres, la température ne devrait
jamais dépasser 177 °C au cours d’une opération normale. Des températures
supérieures à 150 °C peuvent entraîner une modification physique permanente des
fibres de coton. Des capteurs de température devraient être placés aussi près que
possible du point de rencontre entre le coton et l’air chaud. Si le capteur est
situé près de la sortie de la tour de séchage, la température au point de rencontre
peut excéder de 55 à 110 °C celle qui est enregistrée par le capteur d’aval. La
chute de température en aval résulte de l’évaporation et de la perte de chaleur au
travers des parois des machines et des tuyauteries. Le séchage se poursuit alors
que l’air chaud véhicule le coton-graine vers l’épurateur à cylindres, constitué de
six à sept cylindres rotatifs garnis de pointes qui tournent à 400-500 tours/min.
Ces cylindres frottent le coton sur une série de grilles à barreaux ou de tamis, le
secouent et entraînent l’évacuation, par les orifices prévus à cet effet, des corps
étrangers de petite taille tels que feuilles, débris et impuretés. Les épurateurs à
cylindres séparent le coton en gros tampons et le préparent aux opérations
d’épuration et de séchage ultérieures. Il est fréquent d’enregistrer à ce niveau
des vitesses de traitement d’environ six balles par heure et par mètre linéaire de
cylindre.

L’arracheuse extrait les corps étrangers les plus gros tels que les débris de
capsules et les brindilles. Cette machine utilise la force centrifuge créée par des
cylindres à scies qui tournent à 300-400 tours/min, ce qui rejette les corps
étrangers alors que la fibre est retenue par les scies. Les corps étrangers
éliminés sont introduits dans un système de traitement des débris. Les vitesses de
traitement atteignent fréquemment 4,9 à 6,6 balles par heure et par mètre linéaire
de cylindre.
L’égrenage (séparation des fibres de la graine)
Après un nouveau cycle de séchage et d’épuration par cylindres, le coton est amené
à chaque égreneuse par un transporteur-distributeur. Situé au-dessus de
l’égreneuse, l’extracteur-chargeur apporte une quantité donnée de coton, selon un
rythme régulier, tout en effectuant également une opération d’épuration. La teneur
en humidité de la fibre de coton au niveau du tablier de l’extracteur-chargeur est
décisive et doit être suffisamment basse pour que l’égreneuse puisse facilement
éliminer les corps étrangers. Elle ne devrait cependant pas tomber au-dessous de
5%, car il en résulterait une rupture des fibres au moment de la séparation des
graines et, par conséquent, une réduction notable de la longueur des fibres et du
rendement à l’égrenage. Du point de vue qualitatif, une teneur élevée en fibres
courtes augmente le volume des déchets lors de la fabrication des textiles, ce qui
n’est pas souhaitable. Les ruptures excessives de fibres peuvent être évitées en
maintenant une teneur en humidité de 6 à 7% au niveau du tablier de l’extracteur-
chargeur.

Deux types d’égreneuses sont couramment utilisés: l’égreneuse à scies et


l’égreneuse à cylindres cannelés. En 1794, Eli Whitney mit au point une égreneuse
qui permettait de séparer la fibre de la graine grâce à un cylindre muni de pointes
ou de scies. En 1796, Henry Ogden Holmes inventa une égreneuse à scies et à
cannelures qui remplaça celle de Whitney; l’égrenage qui était auparavant effectué
par lots devint alors une opération continue. Le coton (généralement Gossypium
hirsutum ) pénètre dans l’égreneuse à scies en passant par une décortiqueuse. Les
scies accrochent le coton et l’entraînent par-dessus les cannelures largement
espacées (ou cannelures de décorticage) de la décortiqueuse. Les touffes de coton
sont attirées vers le fond d’un bac mobile. L’opération d’égrenage est réalisée par
un ensemble de scies qui tournent entre des cannelures plus fines (ou cannelures
d’égrenage). Les dents des scies passent entre les cannelures au point d’égrenage.
A cet endroit, le bord d’attaque des dents est pratiquement parallèle à la
cannelure, et les dents arrachent les fibres des graines trop grosses pour passer
entre les cannelures. Des vitesses d’égrenage supérieures à celles recommandées par
le fabricant peuvent diminuer la qualité des fibres, endommager les graines et
provoquer des bourrages. La vitesse des scies de l’égreneuse a également son
importance; les vitesses élevées ont tendance à endommager davantage les fibres
lors de l’égrenage.

Les égreneuses à cylindres ont été les premiers outils mécaniques utilisés pour
séparer les fibres de coton à soies extralongues (Gossypium barbadense) de leurs
graines. L’égreneuse de Churka, d’origine inconnue, était composée de deux
cylindres qui tournaient ensemble à la même vitesse circonférencielle, arrachant la
fibre de la graine par pinçage et produisant environ 1 kg de coton-fibre par jour.
En 1840, Fones McCarthy mit au point une égreneuse plus efficace composée d’un
rouleau garni de cuir, d’un couteau fixe plaqué contre le rouleau et d’un couteau à
mouvement alternatif qui arrachait la graine de la fibre, maintenue par le rouleau
et le couteau fixe. A la fin des années cinquante, une égreneuse à rouleaux et à
couteaux rotatifs a été mise au point aux Etats-Unis par le laboratoire de
recherche sur l’égrenage du coton pour la région du sud-ouest, rattaché au service
de recherche agricole du ministère de l’Agriculture, en collaboration avec des
constructeurs d’égreneuses et des ateliers d’égrenage privés. Cette machine est la
seule égreneuse à rouleaux actuellement employée aux Etats-Unis.

L’épuration des fibres


Le coton est transporté de l’égreneuse vers les condenseurs en passant par de
grands conduits, puis transformé à nouveau en nappe. La nappe est retirée du
tambour du condenseur et chargée dans l’épurateur de fibres à scies. A l’intérieur
de l’épurateur, le coton passe entre les rouleaux d’alimentation, puis sur la table
d’alimentation qui plaque les fibres contre la scie de l’épurateur. La scie
transporte le coton sous des barreaux de grille où s’effectue, grâce à la force
centrifuge, la séparation mécanique des graines immatures et des corps étrangers.
Il est essentiel que l’écart entre les extrémités de la scie et les barreaux de la
grille soit correctement réglé. Les barreaux de la grille doivent être droits, avec
un bord d’attaque acéré, pour ne pas réduire l’efficacité de l’épuration et limiter
les pertes. Si la vitesse d’alimentation de l’épurateur dépasse les recommandations
du fabricant, l’efficacité de l’épuration est réduite et la perte en fibres de
qualité s’accroît. Le coton égrené au rouleau est généralement nettoyé à l’aide
d’épurateurs non agressifs, sans scie, pour réduire les pertes.

Les épurateurs de fibres permettent d’améliorer la qualité du coton en éliminant


les corps étrangers. Dans certains cas, ces appareils peuvent aussi améliorer la
couleur d’un coton légèrement taché en effectuant un mélange pour obtenir une
qualité blanche. Ils permettent également de transformer un coton taché en un coton
légèrement taché, voire blanc.

La mise en balles
Le coton épuré est compressé en balles qui doivent être recouvertes pour les
protéger de toute salissure au cours du transport et du stockage. Trois types de
balles sont produits: balles plates modifiées, balles à densité universelle de
compression et balles à densité universelle d’égrenage. Ces balles sont pressées à
des densités de 224 et de 449 kg/m3 pour les balles plates modifiées et pour les
balles à densité universelle, respectivement. Dans la plupart des égreneuses, le
coton est pressé dans une presse double dans laquelle le coton-fibre est tout
d’abord comprimé par un mécanisme mécanique ou hydraulique. La presse est alors
mise en rotation et la compression du coton-fibre est portée à 320 ou 641 kg/m3
avec des presses pour balles plates modifiées ou des presses pour balles à densité
universelle d’égrenage, respectivement. Les balles plates modifiées sont
recomprimées pour être transformées en balles à densité universelle de compression,
afin de réduire les coûts de fret. En 1995, environ 98% des balles préparées aux
Etats-Unis étaient des balles à densité universelle d’égrenage.

La qualité des fibres


Chaque stade de la production influe sur la qualité du coton, y compris le choix de
la variété, la récolte et l’égrenage. Certains paramètres de qualité dépendent
directement des caractères gé-nétiques, tandis que d’autres sont principalement
fonction des conditions d’environnement ou des pratiques de récolte et d’égrenage.
Tout problème survenant au cours de n’importe quelle étape de la production ou du
traitement peut être à l’origine d’une baisse irréversible de la qualité des fibres
et d’une perte de bénéfice pour le producteur comme pour le fabricant de textiles.

La qualité des fibres est optimale le jour de l’ouverture des capsules.


L’exposition aux intempéries, la récolte mécanique, les manipulations, l’égrenage
et la fabrication peuvent réduire cette qualité naturelle. De nombreux facteurs
sont révélateurs de la qualité globale de la fibre de coton; les plus importants
sont la solidité, la longueur des fibres, la teneur en fibres courtes (inférieures
à 1,27 cm), l’uniformité de longueur, la maturité, la finesse, la teneur en débris,
la couleur, la teneur en fragments d’enveloppes de graines et en boutons ainsi que
l’adhésivité. Le marché reconnaît généralement ces facteurs, même s’ils ne sont pas
tous mesurés sur chaque balle.

L’égrenage peut influer significativement sur la longueur des fibres, l’uniformité


et la teneur en fragments d’enveloppes de graines, en débris, en fibres courtes et
en boutons. Les deux facteurs qui ont le plus d’impact sur la qualité sont la
régulation de l’humidité des fibres au cours de l’égrenage et de l’épuration, et
l’utilisation d’épurateurs à scies.

La fourchette recommandée pour l’humidité de la fibre lors de l’égrenage est de 6 à


7%. Lorsque l’humidité est faible, les épurateurs éliminent mieux les débris, mais
endommagent davantage les fibres. Une humidité plus élevée préserve la longueur des
fibres, mais donne lieu à des problèmes d’égrenage et à une mauvaise épuration,
comme le montre la figure 89.7. Si le séchage est accru pour améliorer
l’élimination des débris, il en résulte une baisse de la qualité des filés. Bien
que l’aspect du fil s’améliore jusqu’à un certain point avec le séchage, grâce à
une meilleure élimination des corps étrangers, la teneur accrue en fibres courtes
compromet les avantages dus à l’élimination des corps étrangers.

Figure 89.7 Compromis recherché lors de l'égrenage du coton


Figure 89.7

L’épuration ne modifie guère la couleur véritable de la fibre, contrairement au


peignage et à l’élimination des débris. L’épuration du coton-fibre permet parfois
de mélanger les fibres de manière à réduire le nombre de balles considérées comme
tachées ou légèrement tachées. L’égrenage n’a aucun impact sur la finesse et la
maturité. Tous les dispositifs mécaniques ou pneumatiques utilisés au cours de
l’épuration et de l’égrenage accroissent la teneur en boutons, mais ce sont les
épurateurs de fibres qui ont ici le plus d’effet. La quantité de fragments
d’enveloppes de graines dans le coton-fibre dépend de l’état des graines et de
l’opération d’égrenage. Les épurateurs de fibres réduisent la taille des fragments,
mais non leur quantité. La solidité et l’aspect du fil ainsi que la rupture à
l’extrémité de filage sont trois facteurs qualitatifs importants pour le
comportement en filature; ils dépendent tous de l’uniformité de la longueur et,
donc, de la proportion de fibres courtes ou cassées. Ces trois éléments sont
généralement préservés au mieux lorsque le coton est égrené en limitant au minimum
l’utilisation de machines de séchage et d’épuration.

Des recommandations ont été formulées sur la séquence et le nombre des machines
d’égrenage permettant de sécher et d’épurer le coton cueilli par des récolteuses à
broches, afin d’obtenir des balles de valeur satisfaisante et de préserver la
qualité naturelle du coton. Ces recommandations ont généralement été suivies et
sont donc reconnues depuis plusieurs décennies par l’industrie cotonnière des
Etats-Unis. Elles prévoient des systèmes de primes et d’escomptes pour la
commercialisation et tiennent compte de l’efficacité de l’épuration et de
l’endommagement des fibres caractérisant les différentes égreneuses. Ces
recommandations doivent être adaptées si la récolte a été effectuée dans des
conditions particulières.

Lorsque les différentes machines d’égrenage sont utilisées selon la séquence


recommandée, 75 à 85% des corps étrangers sont généralement éliminés du coton. Ces
appareils rejettent malheureusement aussi une petite quantité de coton de bonne
qualité. L’épuration réduisant ainsi la quantité de coton commercialisable, il
importe de trouver un compromis entre cette opération et ses effets positifs comme
la réduction de la teneur en corps étrangers, d’une part, et ses effets négatifs
comme l’endommagement ou la perte de fibres, d’autre part.

Les problèmes de sécurité et de santé


Comme toute opération de transformation, l’égrenage du coton comporte de nombreux
risques. L’analyse des demandes de prestations au titre des accidents du travail
indique que les lésions touchent essentiellement les mains ou les doigts, puis le
dos ou la colonne vertébrale, les yeux, les pieds ou les orteils, les bras ou les
épaules, les jambes, le tronc et la tête. L’industrie s’est efforcée de réduire
considérablement les risques et d’organiser la formation à la sécurité, mais
l’égrenage reste un point noir: en effet, la fréquence élevée des accidents, leur
gravité et le grand nombre de jours d’arrêt de travail sont sources de
préoccupation. Le coût total des lésions professionnelles dues à l’égrenage doit se
calculer en ajoutant aux coûts directs (soins médicaux et autres indemnités) les
coûts indirects (journées perdues, immobilisation des machines, manque à gagner,
surcoût des assurances du personnel, perte de productivité et nombreux autres
facteurs négatifs). Les coûts directs sont plus faciles à déterminer, mais bien
moins élevés que les coûts indirects.

De nombreux règlements internationaux régissant la sécurité et la santé dans


l’égrenage du coton sont inspirés de la législation des Etats-Unis appliquée par
l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational Safety and
Health Administration (OSHA)) et l’Agence de protection de l’environnement
(Environmental Protection Agency (EPA)), qui réglemente aussi les pesticides.

D’autres dispositions relatives à l’agriculture peuvent également s’appliquer aux


installations d’égrenage: obligation d’apposer le symbole identifiant les véhicules
lents sur les remorques/tracteurs circulant sur la voie publique, installation
d’arceaux de sécurité sur les tracteurs manœuvrés par le personnel et conditions
d’hébergement correctes pour le personnel temporaire. Dans la mesure où ces
installations sont considérées comme des entreprises agricoles et ne sont pas
spécifiquement visées par de nombreux règlements, les employeurs de ce secteur
souhaiteront probablement se conformer à d’autres dispositions, telles que les
normes de l’OSHA applicables à l’industrie en général (OSHA Regulations (Standards
— 29CFR) (Part 1910)). Certaines normes spécifiques prévues par l’OSHA devraient
être appliquées dans le secteur de l’égrenage, à savoir les textes se référant aux
incendies et aux plans d’urgence (29 CFR 1910.38a), aux issues de secours (29 CFR
1910.35-40) et à l’exposition au bruit (29 CFR 1910.95). Les principales
obligations concernant les issues de secours et autres issues figurent dans les
textes référencés 29 CFR 1910.36 et 29 CFR 1910.37. Dans d’autres pays où les
travailleurs agricoles relèvent de dispositions légales, le respect de ces normes
sera obligatoire. Les normes concernant le bruit et les autres facteurs de sécurité
et de santé sont examinées ailleurs dans l’Encyclopédie.

La participation des travailleurs aux programmes de sécurité


Les programmes les plus efficaces sont ceux qui ont réussi à sensibiliser les
salariés à la sécurité. Leur motivation peut être le fruit d’une politique de
sécurité intéressant les travailleurs à tous les aspects du programme, de la mise
en place d’une formation à la sécurité, du bon exemple et d’incitations
appropriées.

L’obligation de porter des équipements de protection individuelle dans certaines


zones et de respecter des pratiques de travail sûres permet de réduire les cas de
maladies professionnelles. Des accessoires de protection auditive (bouchons
d’oreille, serre-tête antibruit) et respiratoire (masques antipoussières) devraient
être utilisés pour toutes les opérations réalisées dans des zones très bruyantes ou
fortement empoussiérées. Certaines personnes, plus sensibles que d’autres au bruit
et aux troubles respiratoires, devraient être affectées à des postes se trouvant
dans des zones moins bruyantes ou moins poussiéreuses. En ce qui concerne les
risques liés à la manutention de charges lourdes ou à une chaleur excessive, il
convient de recourir à la formation, d’utiliser des auxiliaires de manutention, de
fournir des vêtements adaptés, de mettre en place un système de ventilation et de
prévoir des pauses en dehors des zones surchauffées.

Toutes les personnes affectées à l’égrenage doivent participer aux mesures de


sécurité; un milieu de travail sûr ne peut être instauré que si chacun collabore
sans réserve au programme de prévention mis en place.

LA FABRICATION DES FILÉS DE COTON


Phillip J. Wakelyn

Le coton représente environ 50% de la consommation mondiale de fibres textiles. La


Chine, les Etats-Unis, la Fédération de Russie, l’Inde et le Japon sont les
principaux consommateurs de coton. La consommation est évaluée d’après la quantité
de fibres de coton brut achetées et utilisées pour fabriquer des produits textiles.
La production mondiale de coton est annuellement de l’ordre de 80 à 90 millions de
balles (17,4 à 19,6 millions de tonnes). La Chine, les Etats-Unis, l’Inde,
l’Ouzbékistan et le Pakistan sont les principaux producteurs de coton et assurent
plus de 70% de la production cotonnière mondiale, le reste étant produit par
quelque 75 autres pays. Cinquante-sept pays exportent du coton brut et 65 des
tissus de coton. Nombre de pays accordent une grande importance à la production
intérieure pour réduire leur dépendance vis-à-vis des importations.

La fabrication des filés comprend une série d’opérations qui transforment les
fibres de coton brut en fil se prêtant à la fabrication de produits finis. Ces
opérations sont nécessaires pour obtenir les filés propres, solides et uniformes
requis par les marchés d’aujourd’hui. A partir d’un paquet de fibres emmêlées et
fortement compressées extrait des balles de coton et contenant de nombreux corps
étrangers et de fibres inutilisables (matières diverses, débris végétaux,
impuretés, etc.) en quantités variables, les opérations continues d’ouverture, de
mélangeage, d’épuration, de cardage, d’étirage, de passage au banc à broches et de
filage ont pour objet de transformer les fibres en fil.

Bien que les opérations de fabrication soient très complexes, la pression de la


concurrence continue de pousser les groupes industriels et les constructeurs à
rechercher, pour traiter le coton, des méthodes et des machines plus efficaces
appelées à supplanter peut-être un jour celles qu’on emploie actuellement.
Cependant, selon toute probabilité, les systèmes classiques de mélangeage, de
cardage, d’étirage, de passage au banc à broches et de filage continueront d’être
utilisés. Seule l’opération de battage-nappage semble clairement appelée à
disparaître dans un avenir proche.

Le fil est destiné à la fabrication de produits finis tissés ou tricotés (vêtements


ou tissus industriels), de fil à coudre et de cordages. Les filés produits se
différencient entre autres par leur diamètre et leur poids par unité de longueur.
Si le principe de fabrication n’a pas changé depuis des années, les vitesses de
traitement, les techniques de commande et la taille des balles ont évolué. Les
propriétés du fil et l’efficacité du traitement sont liées à celles des fibres de
coton traitées. Les propriétés finales du fil sont également dépendantes des
conditions de traitement.

La filature
L’ouverture, le mélangeage et l’épuration
En principe, les ateliers de filature procèdent à des mélanges de balles présentant
les propriétés nécessaires pour produire un fil destiné à une utilisation
spécifique. Le nombre de balles employées dans chaque mélange par les différents
établissements peut aller de 6 ou 12 à plus de 50. Le traitement débute par le
transfert des balles à mélanger vers l’atelier d’ouverture des fibres, où les
emballages et les cercles sont enlevés. Les couches de coton sont retirées
manuellement des balles et placées dans des chargeuses munies de bandes
transporteuses garnies de dents. Dans d’autres systèmes, des balles entières sont
placées sur des plates-formes qui leur impriment un mouvement de va-et-vient au-
dessous ou au-dessus d’un mécanisme d’arrachage. L’objectif est de transformer les
couches compactes des balles en petites touffes légères et duveteuses pour
faciliter l’élimination des corps étrangers. Etant donné que les balles sont
livrées en différentes densités, les cercles sont souvent coupés vingt-quatre
heures avant le traitement afin de les briser plus facilement. Cette précaution
facilite l’ouverture et contribue à régulariser la vitesse de chargement. Les
ouvreuses assurent les fonctions d’ouverture et d’épuration initiale.

Le cardage et le peignage
La carde est la machine la plus importante dans la fabrication des filés. Dans
presque toutes les usines textiles, elle assure la deuxième et la dernière
opération d’épuration. Elle est composée d’un système de trois cylindres rotatifs
garnis de fines pointes métalliques inclinées et d’une série de barres plates,
également munies de pointes métalliques, qui transforment successivement les petits
agglomérats et les petites touffes en fibres bien séparées et ouvertes, éliminent
un très gros pourcentage de débris et de corps étrangers, recueillent les fibres
sous forme d’un ruban qui est soigneusement lové dans un pot pour les opérations
ultérieures (voir figure 89.4).

Jadis, le coton était amené à la carde sous la forme d’une bande formée sur un
batteur-nappeur constitué de rouleaux d’alimentation, de batteurs et d’un ensemble
de tamis cylindriques sur lesquels les touffes de coton ouvertes étaient
recueillies et roulées en nappe (voir figure 89.5). La nappe était retirée des
tamis en une couche plate et régulière, puis enroulée en bande. Cependant, la
nombreuse main-d’œuvre requise et l’existence de systèmes automatiques de
manutention susceptibles d’améliorer la qualité ont contribué à l’obsolescence du
batteur-nappeur.

La suppression de cette étape a été possible grâce à l’installation de machines


d’ouverture et d’épuration plus efficaces et de cheminées d’alimentation munies de
mécanismes pneumatiques qui alimentent les cardes en touffes de fibres ouvertes et
épurées. Cette étape contribue à la régularité du traitement et à l’amélioration de
la qualité, tout en réduisant les besoins de main-d’œuvre.

Un petit nombre d’établissements produisent du coton peigné, c’est-à-dire la


qualité de fil la plus propre et la plus régulière qui soit. Le peignage exige une
épuration plus poussée que le cardage; il élimine les fibres courtes, les boutons
et les débris, et permet ainsi d’obtenir un ruban parfaitement propre et brillant.
La peigneuse est une machine compliquée constituée de rouleaux d’alimentation
cannelés et d’un cylindre partiellement garni d’aiguilles, destiné à extraire les
fibres courtes et à parfaire le parallélisme des fibres (voir figure 89.3).

L’étirage et le passage au banc à broches


L’étirage est la première opération de fabrication des filés faisant appel à des
cylindres qui effectuent la quasi-totalité de l’étirage. Les pots contenant les
rubans de carde sont empilés dans le râtelier du banc d’étirage. L’étirage consiste
à faire passer un ruban dans un système de cylindres appariés, mais animés de
vitesses différentes. L’étirage tend les fibres du ruban pour les rendre
rectilignes et aussi parallèles que possible à l’axe du ruban, ce qui est
indispensable pour obtenir les propriétés désirées lorsque les fibres doivent être
transformées en fil par torsion. L’étirage uniformise également le poids du ruban
par unité de longueur et facilite les possibilités de mélange. Les fibres produites
par l’opération d’étirage final, réalisée sur le banc finisseur, sont pratiquement
rectilignes et parallèles à l’axe du ruban. Le poids par unité de longueur d’un
ruban issu de l’étirage final est trop élevé pour permettre la transformation en
fil sur les systèmes traditionnels de filature à anneaux.

Le passage au banc à broches ramène le poids du ruban à un niveau adapté au filage


et à la torsion, tout en conservant l’intégrité des brins étirés. Les bacs
contenant les rubans issus de l’étirage final ou du peignage sont placés dans le
râtelier, et chaque ruban est conduit entre deux jeux de cylindres animés de
vitesses croissantes, ce qui fait passer le diamètre du ruban d’environ 2,5 cm à la
taille d’un crayon ordinaire. Une torsion est imprimée aux fibres grâce à une
ailette fixée sur la broche. Le produit en résultant, dénommé mèche, vient
s’enrouler sur une bobine d’environ 37,5 cm de long et de 14 cm de diamètre.

Le filage
Le filage est l’étape la plus coûteuse de la transformation des fibres de coton en
fil. Il comprend la préparation et le filage proprement dit (appelé aussi
filature). Actuellement, plus de 85% du fil produit dans le monde l’est avec des
continus à filer à anneaux: ces métiers sont conçus pour transformer la mèche en
fil du calibre (ou numéro) voulu et à lui imprimer la torsion souhaitée, cette
dernière étant proportionnelle à la résistance. Le rapport entre la longueur
initiale et la longueur finale est de l’ordre de 10 à 50. Les bobines de mèches
sont placées sur des supports qui leur permettent de passer librement dans le
cylindre d’étirage du continu à filer à anneaux. Après étirage, le fil traverse un
guide, puis un curseur avant de passer sur la bobine de fil. La broche
d’entraînement de cette bobine tourne à grande vitesse, ce qui fait gonfler le fil
à mesure qu’elle lui imprime une torsion. Les fils se trouvant sur les bobines sont
trop courts pour être utilisés lors des opérations ultérieures; ils sont transférés
vers des pots tournants et amenés à l’opération suivante (bobinage ou renvidage).

Dans la production de fils plus lourds ou plus grossiers, le filage à anneaux est
aujourd’hui remplacé par le procédé dit à fibres libérées, dit aussi «open-end» (à
bouts ouverts). Un ruban de fibres est amené dans une turbine tournant à vitesse
très élevée, dans laquelle la force centrifuge transforme les fibres en fil. La
bobine n’est pas utile dans ce procédé, et le fil est mis en place sur le support
voulu lors de l’opération suivante.

De nombreux efforts de recherche-développement sont consa-crés à la mise au point


de méthodes radicalement nouvelles pour fabriquer les filés. Certains systèmes de
filature en cours d’élaboration pourraient révolutionner la fabrication des filés
et modifier l’importance relative des propriétés des fibres. Parmi les principes
utilisés dans les nouveaux systèmes, quatre paraissent utilisables pour le coton.
Des systèmes de filature à âme sont actuellement employés pour produire certains
filés spéciaux et les fils à coudre. Des fils sans torsion ont été obtenus
industriellement en quantité limitée grâce à un procédé qui permet de lier les
fibres entre elles avec un alcool polyvinylique ou un autre agent de liaison. Ce
procédé pourrait permettre une productivité élevée et assurer une très grande
uniformité des fils. Les tricots et autres tissus d’habillement fabriqués avec ce
type de fil ont un très bel aspect. Dans la filature à tourbillon d’air, étudiée
par plusieurs constructeurs de machines, le ruban d’étirage est amené à un rouleau
d’ouverture, comme dans la filature à turbine. La filature à tourbillon d’air
permet d’atteindre des vitesses de production très élevées, mais les prototypes
sont particulièrement sensibles aux variations de longueur des fibres et aux corps
étrangers tels que les particules de déchets.

Le renvidage et le bobinage
Après le filage, le fil doit être présenté en fonction de l’utilisation prévue —
tissage ou tricotage. Le renvidage, le bobinage, la torsion et l’enroulement du fil
sur canettes sont considérés comme des étapes préparatoires au tissage et au
tricotage. En principe, les produits bobinés seront utilisés comme fils de chaîne
(fils passant dans le sens de la longueur d’un tissu) et les produits renvidés
serviront de fils de trame (fils passant dans le sens de la largeur d’un tissu), ou
duites. Les produits de la filature à fibres libérées court-circuitent ces étapes
et sont directement emballés en tant que fils de trame ou fils de chaîne. Le
retordage consiste à tordre ensemble deux fils ou plus avant les autres opérations
afin d’obtenir un fil retors d’une grosseur double, voire triple ou quadruple,
nettement plus solide qu’un fil simple de la même grosseur. Dans l’enroulement du
fil sur canettes, le fil est disposé sur des bobines suffisamment petites pour
tenir à l’intérieur de la navette d’un métier à boîtes multiples. Cette opération a
parfois lieu sur le métier lui-même (voir plus loin dans ce chapitre l’article «Le
tissage et le tricotage»).

Le traitement des déchets


Dans les usines modernes où l’on s’intéresse à la lutte contre l’empoussièrement,
on accorde beaucoup d’importance à la manipulation des déchets. Dans les opérations
textiles classiques, les déchets — lorsqu’ils ne pouvaient être recyclés — étaient
récupérés manuellement et transférés vers un entrepôt où ils s’accumulaient jusqu’à
ce que l’on dispose d’une quantité suffisante d’un même type pour confectionner une
balle. Aujourd’hui, des dispositifs d’aspiration centralisée renvoient
automatiquement les déchets provenant de l’ouverture, du battage-nappage, du
cardage, de l’étirage et du passage au banc à broches. Ces systèmes sont utilisés
pour nettoyer les machines, pour récupérer automatiquement les déchets se trouvant
sous les machines (peluches et impuretés provenant du cardage) et pour renvoyer les
déchets inutilisables récupérés au sol, ainsi que les résidus des diviseurs à
filtre. La presse à balles classique est une presse ascendante verticale qui permet
de presser des balles de 227 kg. Avec les techniques modernes de traitement des
déchets, ceux-ci sont amenés par le système d’aspiration centrale dans une cuve qui
alimente une presse à balles horizontale. Les déchets issus de la fabrication des
filés peuvent être recyclés ou réutilisés par d’autres industries. Ainsi,
l’industrie de la filature des déchets produit du fil à serpillière, et le
garnettage peut servir à produire les nappes de coton utilisées par les
matelassiers ou par les tapissiers pour certains meubles.

La sécurité et la santé
Les machines
Tous les types de machines servant à fabriquer les textiles de coton peuvent
provoquer des accidents, bien que la fréquence de ceux-ci ne soit pas très élevée.
La mise en place d’une protection efficace sur les innombrables pièces en mouvement
pose de multiples problèmes et requiert une attention constante. La formation des
opérateurs à des pratiques de travail sûres est également essentielle. Elle permet
notamment d’éviter de réparer une machine en marche, ce qui est à l’origine de
nombreux accidents. Chaque élément de machine peut avoir une source motrice
d’énergie (électrique, mécanique, pneumatique, hydraulique, inertielle, etc.) qu’il
importe de couper avant de procéder à une réparation ou à une opération
d’entretien. Les sources d’énergie devraient être clairement identifiées dans
chaque atelier; l’équipement nécessaire devrait se trouver sur place et le
personnel devrait savoir que les sources d’énergie dangereuses doivent
systématiquement être déconnectées avant toute intervention sur les machines. Des
inspections régulières devraient être effectuées pour s’assurer que les procédures
d’arrêt sont respectées et correctement appliquées.

L’inhalation de poussières de coton (byssinose)


L’inhalation des poussières produites par la transformation des fibres de coton en
filés et en tissus est responsable d’une maladie pulmonaire professionnelle appelée
byssinose qui atteint certaines personnes. La maladie ne survient généralement
qu’après 15 à 20 ans d’exposition à des concentrations élevées de poussières
(supérieures à 0,5-1,0 mg/m3). Selon les normes de l’Administration de la sécurité
et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA)) et
de la Conférence américaine des hygiénistes gouvernementaux du travail (American
Conference of Governmental Industrial Hygienists (ACGIH)), aux Etats-Unis, la
limite d’exposition professionnelle aux poussières de coton lors de la fabrication
de fils textiles est fixée à 0,2 mg/m3 de poussières respirables, mesurées à l’aide
d’un élutriateur vertical. Les poussières de coton sont des particules véhiculées
par l’air, mises en suspension dans l’atmosphère lors de la manipulation et du
traitement du coton. Il s’agit de mélanges hétérogènes et complexes comprenant
également des débris végétaux et de terre et des micro-organismes (bactéries et
champignons) dont la composition et l’activité biologique varient. L’agent
étiologique et le mécanisme pathogène de la byssinose restent inconnus. Les débris
de cotonnier présents sur les fibres ainsi que les endotoxines des bactéries Gram
négatif se trouvant sur les fibres et les débris végétaux seraient la cause directe
ou le réservoir de l’agent pathogène. La fibre de coton elle-même, principalement
composée de cellulose, n’est pas directement pathogène, car la cellulose est inerte
et ne provoque pas de maladies respiratoires. Des mesures de prévention technique
appropriées dans les zones de traitement des textiles en coton (voir figure 89.8),
associées à des pratiques de travail correctes, à une surveillance médicale et à
l’utilisation d’équipements de protection individuelle, permettent de prévenir la
plupart des cas de byssinose. Par ailleurs, le lavage doux dans des autoclaves de
débouillissage par lots dans le cadre de l’utilisation de systèmes à nappe continue
permet d’abaisser le taux résiduel d’endotoxines dans les poussières véhiculées par
le coton-fibre ou par l’air. On parvient ainsi à des taux inférieurs à ceux qui
provoquent une insuffisance respiratoire aiguë mesurée d’après le volume
expiratoire maximal seconde (VEMS).

Figure 89.8 Système d'extraction des poussières sur une cardeuse


Figure 89.8

Le bruit
Le bruit peut poser des problèmes lors de certaines opérations de fabrication des
filés. Dans les usines modernes, il est généralement inférieur à 90 dBA, ce qui
correspond à la norme en vigueur aux Etats-Unis. Dans bien des pays, la limite est
plus sévère. Grâce aux efforts des constructeurs de machines et des spécialistes de
la question, les niveaux de bruit continuent de diminuer en dépit de l’augmentation
des vitesses. La solution consiste à fabriquer des machines plus silencieuses. Aux
Etats-Unis, un programme de protection de l’ouïe est obligatoire dans les
entreprises où le niveau sonore dépasse 85 dBA, ce qui implique la surveillance du
bruit, des tests audiométriques et la fourniture de dispositifs de protection pour
le personnel lorsque le bruit ne peut être ramené au-dessous de 90 dBA.

La chaleur
Etant donné que les opérations de filage requièrent parfois des températures
élevées et une humidification artificielle de l’air, une surveillance attentive est
dans tous les cas indispensable pour garantir le respect des limites maximales
admissibles. Des systèmes d’air conditionné bien conçus et correctement entretenus
tendent de plus en plus à remplacer les méthodes plus archaïques de régulation
thermique et hygrométrique.

Les systèmes de gestion de la sécurité et de la santé au travail


La plupart des usines modernes de fabrication de fils textiles ont mis en place un
système de gestion de la sécurité et de la santé pour maîtriser les risques
auxquels le personnel peut être exposé. Il peut s’agir soit de programmes
volontaires tels que celui des fabricants de textiles des Etats-Unis («Quest for
the Best in Health and Safety»), soit de programmes imposés par voie réglementaire
(«US State of California Occupational Injury and Illness Prevention Programme —
Title 8, California Code of Regulations, Section 3203»). Tout système de gestion de
la sécurité et de la santé devrait être suffisamment souple pour permettre aux
entreprises de l’adapter à leurs propres besoins.

L’INDUSTRIE LAINIÈRE
D.A. Hargrave*

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de


l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

Les origines de l’industrie lainière se perdent dans la nuit des temps. Nos
lointains ancêtres n’ont pas eu de peine à domestiquer le mouton, qui a grandement
contribué à satisfaire leurs besoins essentiels en matière alimentaire et
vestimentaire. Dans les sociétés primitives, on frottait les unes contre les autres
les fibres prélevées sur l’animal pour en faire un fil et, partant de ce principe
initial, les procédés de filage ont gagné en complexité. L’industrie lainière a
joué un rôle de pionnier dans la mise au point et l’adaptation de procédés
mécanisés et a été l’une des premières à industrialiser sa production.

Les matières premières


La longueur de la fibre prélevée sur l’animal est l’élément dominant, mais non le
seul, dans le choix du traitement ultérieur. Les types de laines disponibles
peuvent être classés en trois catégories: a) les laines mérinos; b) les laines
métisses fines, moyennes ou grossières; c) les laines pour tapis. On distingue
diverses qualités dans chaque catégorie. La laine mérinos est caractérisée par sa
finesse et ses brins sont courts, contrairement aux laines pour tapis dont les
brins sont longs et épais. Aujourd’hui, les fibres synthétiques qui imitent la
laine sont mélangées aux fibres naturelles en proportion croissante et subissent
les mêmes traitements. Les poils d’autres animaux — mohair (chèvre), alpaga (lama),
cachemire (chèvre, chameau), angora (chèvre) et vigogne (lama sauvage) — jouent
aussi un rôle important, bien qu’accessoire dans cette branche; ils sont
relativement chers et sont habituellement transformés par des entreprises
spécialisées.

La filature
Il existe deux procédés de filage distincts, selon qu’on entend obtenir des fils
cardés ou des fils peignés. Les machines se ressemblent sur bien des points, mais
les produits recherchés sont différents. En principe, on prend pour les peignés des
laines à brins plus longs qu’on maintient parallèles lors du cardage, du
défeutrage, du boudinage et du peignage, les brins courts étant rejetés. On obtient
ainsi un filé fin et résistant qui donne, par tissage, une étoffe légère, d’aspect
lisse et de bonne tenue, comme celle qu’on utilise pour les costumes d’homme. Pour
les cardés, le but est d’entremêler et d’entrelacer les fibres pour obtenir un filé
doux et aéré qui donne, par tissage, une étoffe pleine et gonflante, à surface
laineuse (tweeds, couvertures et tissus lourds pour pardessus). L’uniformité des
brins n’étant pas nécessaire pour les cardés, le filateur peut mélanger de la laine
vierge à des brins courts rejetés lors de la production des peignés, à des laines
d’effilochage récupérées par destruction de vieux vêtements, etc. Le «shoddy» est
tiré de déchets souples, et le «mungo» de déchets serrés.

Il faut garder à l’esprit que ces opérations sont fort complexes et que l’état et
le type de la matière première utilisée, ainsi que les spécifications du produit
fini, influencent à chaque stade les opérations et leur séquence. Ainsi, on peut
teindre la laine avant le filage, en filés, en fin de fabrication, ou encore à
l’état de pièce tissée. Les opérations peuvent être effectuées dans différentes
usines.

Les risques et leur prévention


Comme dans toute l’industrie textile, les grosses machines comportant des parties
en mouvement rapide posent des problèmes de bruit et présentent des risques
mécaniques. La poussière peut également être source de difficulté. Les engrenages,
les chaînes et pignons, les arbres, courroies et poulies de transmission devraient
être placés sous carter de protection. Il en va de même pour les organes des
machines propres à l’industrie lainière, à savoir:

rouleaux d’alimentation et dévidoirs des diverses machines de préparation et


d’ouverture (effilocheuses, loups, garnetteuses, déchiqueteuses à chiffons, etc.);
cylindres briseurs et chasseurs, cylindres adjacents, cardes et cardes briseuses;
ouvertures d’alimentation entre les dévidoirs et les peigneurs des effilocheurs,
cardes et garnetteuses;
cylindres et barrettes aiguillées des machines d’étirage;
arbres arrière des bancs d’étirage et des bancs à broches;
espace entre le chariot et la têtière des métiers renvideurs;
clavettes, boulons et autres pièces de fixation formant saillie sur l’ensouple des
bobinoirs de chaîne;
rouleaux presseurs des machines de dégraissage, de foulage et d’essorage du tissu;
ouvertures d’alimentation entre le tissu, l’enrouleur et le rouleau des
soufflantes;
cylindre porte-lames des machines à raser;
pales des ventilateurs équipant les transporteurs pneumatiques (tous les portillons
de visite des gaines de ces systèmes devraient être à bonne distance des pales du
ventilateur, car celui-ci met un certain temps à s’immobiliser après la coupure du
courant et il convient d’être très prudent, car l’opérateur qui doit intervenir en
cas de bourrage ne peut généralement pas voir les pales en mouvement);
navette libre des métiers; des dispositifs de protection bien conçus devraient
l’empêcher de s’échapper du bâti ou limiter sa course si elle s’échappe.
La protection de ces organes dangereux pose des problèmes pratiques puisque les
dispositifs installés doivent être adaptés aux méthodes de travail courantes dans
chaque opération pour éviter notamment que le travailleur l’enlève ou la rende
inopérante au moment précis où les risques sont les plus grands (procédure d’arrêt
des machines, par exemple). Une formation spécifique et une surveillance étroite
sont nécessaires pour que, en aucun cas, l’évacuation des déchets ou le nettoyage
des machines ne soient effectués lorsque les moteurs sont en marche. Une lourde
responsabilité incombe aux constructeurs de machines chargés de veiller à ce que la
sécurité soit intégrée dès le stade de la conception en bureau d’études, et au
personnel d’encadrement, qui devrait s’assurer que les travailleurs ont été
convenablement formés.

L’espacement des machines


Le rapprochement excessif des machines accroît évidemment les risques d’accidents.
Dans beaucoup de locaux anciens, on compte une forte concentration de machines sur
une surface donnée, ce qui réduit d’autant les voies de passage, les dégagement et
les emplacements de stockage provisoire des matières premières et des produits
finis. Dans certaines anciennes usines, les passages libres entre les cardes sont
si étroits qu’il est impossible d’encoffrer les courroies et les poulies et que
l’on doit se contenter de monter un coin protecteur dans leurs angles rentrants; en
pareil cas, il est très important que la fourche soit parfaitement lisse et bien
conçue pour guider la courroie. L’espacement entre les machines devrait être
réglementé par l’adoption de normes minimales en la matière, comme l’a recommandé
une commission du gouvernement britannique.

La manutention des matériaux


En l’absence de méthodes modernes de manutention mécanique, le risque d’accident
est toujours présent dès qu’il faut soulever de lourdes charges. Les opérations de
manutention devraient être aussi mécanisées que possible; si tel n’est pas le cas,
il conviendra de prendre les précautions exposées au chapitre no 102, «Les
transports et l’entreposage» de la présente Encyclopédie . Les techniques correctes
sont particulièrement importantes pour les travailleurs chargés de monter ou de
démonter les grosses ensouples sur les métiers ou de manipuler des balles de laine
lourdes et encombrantes aux différents stades de la préparation. Il convient,
chaque fois que la chose est possible, d’utiliser des diables, des chariots et des
patins de glissement pour déplacer ce type de charge.

Les risques d’incendie


Les risques d’incendie ne doivent pas être sous-estimés, surtout dans les anciennes
usines construites sur plusieurs étages. Les locaux devraient être conformes aux
réglementations locales qui imposent également la non-obstruction des couloirs et
des issues, la présence de systèmes de détection d’incendie, d’extincteurs et de
tuyaux d’incendie, d’éclairages de secours, etc. La propreté et l’entretien des
locaux éviteront l’accumulation des poussières et des peluches qui favorisent la
propagation du feu. Aucune réparation nécessitant des chalumeaux ou tout autre
outillage à flamme nue ne devrait être autorisée pendant les heures de travail.
L’ensemble du personnel devrait être formé aux procédures à suivre en cas
d’incendie et des exercices seront prévus à intervalles convenables, autant que
possible en collaboration avec les sapeurs-pompiers, la police et les services
médicaux d’urgence.

La sécurité générale
L’accent a été mis sur les dangers qui surviennent plus particulièrement dans
l’industrie lainière, mais il faut souligner que la plupart des accidents se
produisent dans des circonstances que l’on retrouve dans toutes les branches
d’activité (chutes de personnes ou d’objets, manutentions, utilisation d’outils à
main, etc.) et que les principes généraux de sécurité s’appliquent à l’industrie
lainière comme à la plupart des autres industries.

Les problèmes de santé


La fièvre charbonneuse
La maladie le plus souvent liée aux textiles laineux est la fièvre charbonneuse,
connue aussi sous le nom de charbon ou d’anthrax. Elle est due à la bactéridie
charbonneuse (Bacillus anthracis) et constituait autrefois un risque grave,
particulièrement lors des opérations de triage; toutefois, elle a été presque
entièrement jugulée dans ce secteur de l’industrie textile grâce aux mesures ci-
après:

amélioration des méthodes de production dans les pays exportateurs où la fièvre


charbonneuse est endémique;
désinfection des matières premières susceptibles de contenir des spores du charbon;
manipulation, sous des hottes d’aspiration, des matières premières susceptibles
d’être contaminées;
exposition de la balle de laine aux micro-ondes, pendant une durée et à une
température suffisantes pour détruire tout micro-organisme pathogène; ce traitement
facilite également la récupération de la lanoline de la laine;
progrès réalisés dans le traitement de la maladie, en particulier vaccination du
personnel notoirement exposé;
information et formation du personnel et mise à disposition d’installations
sanitaires et, si nécessaire, d’équipements de protection individuelle.
Outre les spores du bacille charbonneux, on sait que les spores de Coccidioides
immitis peuvent aussi contaminer la laine, surtout dans le sud-ouest des Etats-
Unis. Ce champignon provoque une maladie connue sous le nom de coccidioïdomycose
qui, à l’instar du syndrome respiratoire de la fièvre charbonneuse, n’offre que peu
de chances de guérison. La fièvre charbonneuse risque aussi de provoquer une
ulcération ou une pustule maligne lorsque l’infection a lieu à l’occasion d’une
rupture de la barrière cutanée.

Les produits chimiques


Divers produits chimiques sont utilisés, par exemple pour le dégraissage (dioxyde
de diéthylène, détergents synthétiques, trichloroéthylène et, jadis, tétrachlorure
de carbone), la désinfection (formaldéhyde), le blanchiment (dioxyde de soufre,
chlore) et la teinture (chlorate de potassium, anilines). Ces produits comportent
des risques d’asphyxie par les gaz, d’intoxication, d’irritation des yeux, des
muqueuses et des poumons, et peuvent provoquer des réactions cutanées. En règle
générale, la prévention passe par les mesures suivantes:

utilisation d’un produit chimique moins dangereux;


ventilation par aspiration localisée;
rigueur en matière d’étiquetage, de stockage et de transport des liquides corrosifs
ou nocifs;
équipements de protection individuelle;
installations sanitaires efficaces (avec douches, si possible);
hygiène individuelle stricte.
Autres risques
Le bruit, les éclairages inadaptés et le niveau élevé de température et d’humidité
requis pour le traitement de la laine peuvent avoir un effet préjudiciable sur la
santé du personnel. De nombreux pays ont élaboré des normes dans ces domaines. La
vapeur, les condensations et l’humidité peuvent être difficiles à éliminer
efficacement des ateliers de teinture, et le recours aux spécialistes est souvent
nécessaire. Dans les ateliers de tissage, il reste beaucoup à faire pour lutter
contre le bruit. L’éclairage, quant à lui, devrait faire l’objet de spécifications
rigoureuses, notamment lors de la fabrication d’étoffes foncées.

Les poussières
De même que les poussières générées par les opérations de préparation risquent de
véhiculer les spores du bacille charbonneux, de nombreuses machines (effilocheuses
et cardeuses, notamment) produisent des poussières en quantités suffisantes pour
causer une irritation des muqueuses respiratoires. Ces poussières devraient donc
être éliminées grâce à un système efficace de ventilation par aspiration localisée.

Le bruit
Les filatures de laine sont souvent des endroits très bruyants en raison du grand
nombre de pièces en mouvement, notamment dans les métiers à tisser. Une
lubrification correcte atténue le bruit, mais elle ne dispense pas d’envisager la
mise en place de dispositifs antibruit et de réfléchir à d’autres solutions. La
prévention des pertes auditives d’origine professionnelle passe en grande partie
par l’utilisation de dispositifs de protection (coquilles, bouchons d’oreille). Il
est indispensable d’informer le personnel sur leur utilisation correcte et de
vérifier l’emploi qui en est fait. Un programme de protection de l’ouïe comportant
des audiogrammes périodiques est obligatoire dans de nombreux pays. Lorsque les
machines sont remplacées ou réparées, il convient d’adopter des mesures de nature à
réduire le bruit.

Le stress professionnel
Le stress professionnel, avec les effets qu’il exerce sur la santé et le bien-être
des travailleurs, est un problème réel dans l’industrie lainière. Etant donné que
de nombreuses usines fonctionnent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, le recours
au travail posté est souvent nécessaire. Pour satisfaire aux exigences de la
production, les chaînes fonctionnent en continu, de sorte que les travailleurs sont
«attachés» à une ou à plusieurs machines et doivent attendre un remplaçant pour se
rendre aux toilettes ou se reposer. Le bruit ambiant, le port de coquilles ou de
bouchons d’oreille et les tâches de routine fortement répétitives ont pour effet
d’isoler les opérateurs et d’entraver la communication, ce qui est souvent ressenti
comme stressant. La qualité de la surveillance et l’existence d’espaces de détente
sur les lieux de travail ont une grande influence sur les niveaux de stress
professionnel.

Conclusion
Si les grandes entreprises modernes sont en mesure d’investir dans les nouvelles
réalisations techniques, de nombreuses usines plus anciennes ou plus petites
continuent de fonctionner avec des machines obsolètes. Les impératifs économiques
tendent à réduire l’attention portée à la sécurité et à la santé du personnel. Dans
de nombreuses régions développées, les industriels abandonnent souvent leurs usines
au profit de nouvelles installations construites dans des pays en développement,
plus spécialement dans celles où la main-d’œuvre est bon marché et où les
réglementations en matière de sécurité et de santé sont inexistantes ou
généralement ignorées. Des investissements raisonnables en faveur de la santé et du
bien-être des travailleurs peuvent apporter des bénéfices non négligeables aux
entreprises comme aux salariés de l’industrie lainière, caractérisée par sa forte
intensité de main-d’œuvre.

L’INDUSTRIE DE LA SOIE
J. Kubota *

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de


l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

La soie est une fibre lustrée, résistante et élastique, produite par le ver à soie,
larve du bombyx; le même terme s’applique aussi au fil et au tissu faits de cette
fibre. Selon la tradition, l’industrie de la soie est née en Chine en 2640 avant
J.-C. Vers le IIIe siècle de notre ère, le ver à soie et son produit ont pénétré au
Japon en passant par la Corée, puis un peu plus tard en Inde. De là, la production
de la soie s’est lentement étendue vers l’ouest, à l’Europe et au Nouveau Monde.
Le processus de production comprend une séquence d’opérations qui ne sont pas
nécessairement effectuées dans la même entreprise ou le même établissement,
notamment:

La sériciculture. La production des cocons pour en tirer les filaments de soie


grège est appelée sériciculture , terme qui couvre l’alimentation des vers, la
formation des cocons, etc. Elle n’est possible que là où existent des mûriers en
quantité suffisante pour nourrir les larves. Les claies sur lesquelles les vers
sont élevés doivent être tenues dans un local à une température constante de 25 °C,
ce qui nécessite un chauffage artificiel dans les pays froids et selon la saison.
Les vers filent leur cocon après s’être alimentés pendant quarante-deux jours.
La filature. L’opération caractéristique de la filature de la soie, appelée
dévidage, consiste à assembler les filaments du cocon en un brin continu, uniforme
et régulier. La gomme naturelle — grès ou séricine — est tout d’abord amollie dans
de l’eau bouillante. Dans une bassine d’eau chaude, les extrémités des filaments de
plusieurs cocons sont saisies, rassemblées et tirées pour être fixées à un dévidoir
sur lequel les filaments s’enroulent pour former la soie grège, également dite
«crue».
Le moulinage. Dans cette opération, les brins sont tordus et doublés pour donner un
fil plus fort.
Le dégommage. La soie grège est mise à bouillir dans une eau savonneuse à environ
95 °C.
Le blanchiment. La soie, grège ou cuite, est traitée au peroxyde d’hydrogène ou au
peroxyde de sodium.
Le tissage. Le fil de soie est tissé pour obtenir une étoffe, opération
généralement confiée à d’autres ateliers.
La teinture. La soie peut être teinte à l’état de filament ou de fil, ou encore
après le tissage.
La sécurité et la santé
Le monoxyde de carbone
Des symptômes d’intoxication au monoxyde de carbone se manifestant par des
céphalées, des vertiges et, parfois, des nausées et des vomissements, généralement
sans gravité, ont été signalés au Japon où la sériciculture est fréquemment
pratiquée à domicile, dans des locaux mal ventilés et chauffés au charbon.

Les dermatoses
Le mal des bassines . Une dermite des mains a été observée très fréquemment,
surtout au Japon, chez les femmes qui dévidaient la soie. On a signalé que le taux
de morbidité par mal des bassines était de 30 à 50% chez les personnes employées au
dévidage pendant les années vingt, et que 14% d’entre elles devaient s’arrêter de
travailler en moyenne trois jours par an. Les lésions cutanées, localisées surtout
aux doigts, aux poignets et sur les avant-bras, se caractérisaient par un érythème
sous forme de petites vésicules devenant chroniques, pustuleuses ou eczémateuses et
extrêmement douloureuses. On attribuait généralement cette affection aux produits
de décomposition des chrysalides mortes et à un parasite du cocon. Plus récemment,
des observations faites au Japon ont montré qu’elle est probablement due à la
température du bain de dévidage. Jusqu’en 1960, l’eau y était pratiquement toujours
maintenue à 65 °C; toutefois, depuis l’introduction des nouvelles installations
assurant une température comprise entre 30 et 45 °C, aucun cas de lésion cutanée
typique du dévidage n’a été signalé chez les travailleurs chargés de cette
opération.

La manipulation de la soie grège peut produire des réactions cutanées allergiques


chez certaines personnes. On a observé un œdème du visage et une inflammation des
yeux en l’absence de tout contact local direct avec le bain de dévidage. Des
dermatoses ont aussi été constatées chez les personnes occupées au moulinage.

Les problèmes respiratoires


Dans l’ex-Union soviétique, une épidémie inhabituelle d’amygdalite chez les fileurs
de soie a pu être attribuée aux bactéries présentes dans l’eau des bassines de
dévidage et dans l’atmosphère des chambres à cocons. La désinfection, le
renouvellement fréquent de l’eau de dévidage et l’aspiration de l’air aux dévidoirs
ont apporté une amélioration rapide.

Des observations épidémiologiques détaillées portant sur de longues périodes,


effectuées également dans l’ex-Union soviétique, ont montré que les travailleurs de
l’industrie de la soie naturelle peuvent contracter une allergie respiratoire
caractérisée par un asthme bronchique, une bronchite asthmatiforme ou une rhinite
allergique. Il semble que la soie naturelle puisse provoquer une sensibilisation à
tous les stades de la production.

Des accès d’insuffisance respiratoire aiguë ont également été rapportés chez des
travailleurs chargés du bobinage ou de l’alimentation d’un métier à filer ou d’une
bobineuse. Selon la vitesse de la machine, la substance protéique qui entoure le
filament de soie peut se transformer en aérosol qui, s’il est inhalable, provoque
une réaction pulmonaire très similaire à celle de la byssinose.

Le bruit
L’exposition au bruit peut atteindre un stade dommageable pour les personnes qui
travaillent sur des machines de filage ou de bobinage des fils de soie ou dans les
ateliers de tissage. Une lubrification appropriée des machines et la mise en place
de dispositifs antibruit peuvent réduire partiellement le bruit, mais l’exposition
ininterrompue pendant toute la journée de travail peut avoir un effet cumulatif.
S’il n’est pas possible de réduire le niveau sonore ambiant, il convient de mettre
à la disposition des travailleurs des appareils de protection individuelle. Comme
pour tous ceux d’entre eux qui sont exposés au bruit, un programme de protection de
l’ouïe prévoyant des audiogrammes périodiques est souhaitable.

Les mesures relatives à la sécurité et à la santé


La régulation de la température, de l’humidité et de la ventilation est essentielle
à toutes les étapes du travail de la soie. Les travailleurs à domicile ne devraient
pas échapper à la surveillance. Les salles d’élevage devraient être convenablement
ventilées et les poêles à charbon ou à kérosène devraient être remplacés par des
chauffages électriques ou d’autres systèmes.

L’abaissement de la température des bains de dévidage peut être efficace pour


prévenir les dermatoses. L’eau devrait être changée fréquemment, et une aspiration
localisée mise en place. Il faut, autant que possible, éviter le contact direct de
la peau avec la soie dans les bains de dévidage.

De bonnes installations sanitaires et une hygiène individuelle stricte sont


indispensables. Au Japon, le lavage des mains avec une solution d’acide acétique à
3% a donné de bons résultats.

Il est souhaitable de procéder à un examen médical à l’embauche, suivi d’un


contrôle médical régulier.

Dans l’industrie de la soie, les machines présentent les mêmes risques que dans
l’industrie textile en général. Un entretien correct des locaux, des protections
adéquates pour les organes mobiles, une formation continue à la sécurité et une
surveillance rigoureuse sont les meilleurs moyens de prévenir les accidents. Les
métiers mécaniques devraient être munis de dispositifs de protection pour éviter
les accidents dus aux navettes volantes. La fabrication du fil et les opérations de
tissage exigent un très bon éclairage.

LA VISCOSE (RAYONNE)
M.M. El Attal *
* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de
l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

La rayonne est une fibre synthétique obtenue par traitement chimique de la


cellulose (pâte de bois). On l’utilise seule ou mélangée à d’autres fibres
synthétiques ou naturelles pour obtenir des tissus solides, très absorbants et
moelleux pouvant être teints dans des couleurs vives et résistantes.

La fabrication de rayonne a pour origine la recherche d’une soie artificielle. En


1664, Robert Hooke, chercheur britannique connu pour ses études sur les cellules
végétales, prédit qu’il serait un jour possible d’obtenir artificiellement de la
soie; près de deux siècles plus tard, en 1855, des fibres furent obtenues par
trempage de brindilles de mûriers dans de l’acide nitrique. Le premier procédé qui
a connu un succès commercial fut mis au point en 1884 par l’inventeur français
Hilaire de Chardonnet. En 1891, les chercheurs britanniques Cross et Bevan
perfectionnèrent le procédé de fabrication de la viscose. Vers 1895, la rayonne
était déjà commercialisée à petite échelle et son utilisation se développa
rapidement.

Les méthodes de fabrication


Les procédés permettant d’obtenir la rayonne varient suivant l’usage auquel elle
est destinée.

Dans le procédé viscose , la cellulose tirée de la pâte de bois est mise à tremper
dans une solution de soude caustique, et le liquide en excès est éliminé par
pressage; il se forme ainsi de l’alcali-cellulose qu’on débarrasse, à ce stade, des
impuretés qu’elle contient. Puis on réduit les feuilles d’alcali-cellulose en
miettes blanches qu’on laisse mûrir pendant quelques jours à température constante.
Ces miettes sont ensuite placées dans une autre cuve (baratte) où elles sont
soumises à l’action du sulfure de carbone qui les transforme en xanthate de
cellulose. Les miettes virent à l’orange doré. Elles sont alors dissoutes dans de
l’hydroxyde de sodium dilué, ce qui permet d’obtenir un liquide visqueux de couleur
orange appelé viscose. On mélange différents lots de viscose pour assurer une
qualité uniforme, puis la viscose est filtrée et stockée pendant plusieurs jours
dans des conditions très strictes de température et d’humidité qui en favorisent le
mûrissement. On procède ensuite à son extrusion à travers une filière percée
d’orifices très fins qui l’acheminent dans un bac contenant une solution d’acide
sulfurique à 10% environ. Elle forme alors des fils continus qui sont entraînés par
enroulement, ou coupés à la longueur désirée, et filés comme le coton ou la laine.
La rayonne est utilisée pour fabriquer des vêtements et des tissus lourds.

Dans le procédé cupro-ammoniacal , utilisé pour la fabrication de tissus semblables


à de la soie et de bas transparents, la pâte de cellulose dissoute dans la solution
d’hydroxyde de sodium est traitée à l’oxyde de cuivre ammoniacal. Les filaments
sortant des filières sont introduits dans un canal de filage et étirés pour obtenir
l’épaisseur voulue sous l’action d’un jet d’eau.

Dans les procédés viscose et cupro-ammoniacal, la cellulose est reconstituée, mais


l’acétate et le triacétate sont des esters de cellulose et sont parfois considérés
comme une catégorie de fibres à part. Les tissus en acétate sont connus pour leurs
couleurs vives et pour leurs drapés et sont, de ce fait, d’usage courant dans la
confection de vêtements. De courtes fibres d’acétate sont utilisées dans le
rembourrage des oreillers, des matelas et des édredons. Les fils de triacétate ont
les mêmes propriétés, mais sont particulièrement recherchés parce qu’ils permettent
de garder les plis.

Les risques et leur prévention


Les risques majeurs du procédé viscose sont l’exposition au sulfure de carbone et
au sulfure d’hydrogène. Ces deux gaz ont des effets toxiques qui varient suivant
l’intensité et la durée de l’exposition et les organes concernés; ces effets vont
de la fatigue et de l’étourdissement jusqu’à la perte de conscience et à la mort,
en passant par l’irritation des voies respiratoires, les troubles gastro-
intestinaux et de graves perturbations neuropsychiques, auditives et visuelles.

De plus, avec un point d’inflammation de –30 °C et des limites d’explosion situées


entre 1 et 50%, le sulfure de carbone présente un risque élevé d’incendie et
d’explosion.

Les acides et les alcalis utilisés dans le procédé viscose sont assez dilués, mais
le danger est toujours présent lors de la préparation des dilutions, en raison des
éclaboussures qui atteignent parfois les yeux. Les miettes alcalines produites
pendant le déchiquetage des feuilles d’alcali-cellulose risquent d’irriter les
mains et les yeux des travailleurs, tandis que les vapeurs acides et le sulfure
d’hydrogène émanant du bain de filature peuvent provoquer une kérato-conjonctivite
caractérisée par un larmoiement abondant, une photophobie et d’importantes douleurs
oculaires.

Une surveillance constante doit être exercée au moyen d’un détecteur enregistreur
automatique, fonctionnant en continu, pour maintenir les concentrations de sulfure
de carbone et de sulfure d’hydrogène au-dessous des limites autorisées. Il est
conseillé d’encoffrer entièrement les machines et d’installer un système efficace
de ventilation par aspiration localisée (avec prises d’air au niveau du sol, ces
gaz étant plus lourds que l’air). Les travailleurs devraient être entraînés à
réagir aux situations d’urgence en cas de fuite de produits toxiques; les personnes
chargées de la maintenance et des réparations devraient disposer d’équipements de
protection individuelle appropriés; une formation solide et une surveillance
attentive leur éviteront, en outre, de prendre des risques inutiles.

Des salles de repos et des installations sanitaires sont une nécessité absolue. Une
surveillance médicale pendant la période d’essai et des visites médicales
périodiques sont recommandées.

LES FIBRES SYNTHÉTIQUES


A.E. Quinn et R. Mattiussi *

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de


l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

Les fibres synthétiques sont fabriquées avec des polymères de synthèse obtenus à
partir de substances ou de composés fournis par l’industrie pétrochimique. A la
différence des fibres naturelles (laine, coton et soie), qui existaient déjà dans
l’Antiquité, les fibres synthétiques ne sont apparues que récemment: leur histoire
commence avec la mise au point du procédé de fabrication de la viscose en 1891 par
Cross et Bevan, deux chercheurs britanniques. Quelques années plus tard, la rayonne
était produite à petite échelle; sa véritable commercialisation commença au début
du XXe siècle. Depuis lors, un grand nombre de fibres synthétiques ont été mises au
point; elles possèdent chacune des propriétés qui répondent à un type particulier
de tissu et sont utilisées seules ou combinées à d’autres fibres. Il n’est pas
toujours facile d’en connaître le nombre exact du fait que la même fibre est
parfois commercialisée sous des noms différents, dans divers pays.

Les fibres sont obtenues en injectant des polymères à l’état fondu à travers les
orifices d’une filière pour obtenir un filament continu. Ce filament peut être
tissé directement pour former un tissu, mais pour imiter les caractéristiques des
fibres naturelles, il peut aussi être texturé, ce qui lui donne du volume, ou
encore être coupé et filé.
Les catégories de fibres synthétiques
Les principales catégories de fibres synthétiques commercialisées sont:

Les polyamides (nylons). Les divers types de nylon sont différenciés par les
chiffres qui indiquent le nombre d’atomes de carbone qu’ils renferment, le premier
de ces chiffres s’appliquant à la diamine. Ainsi, le premier en date des nylons,
formé d’hexaméthylènediamine et d’acide adipique, est connu sous le nom de nylon 66
ou 6.6 aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, du fait que la diamine et l’acide
bibasique contiennent chacun 6 atomes de carbone. Il est commercialisé sous les
marques Perlon T en Allemagne, Nailon en Italie, Nylsuisse en Suisse, Anid en
Espagne et Ducilo en Argentine.
Les polyesters. Le premier polyester a été produit en 1941. Le polyester est obtenu
par réaction de l’éthylèneglycol avec de l’acide téréphtalique. Les chaînes
moléculaires courtes s’assemblent en longues chaînes pour donner une masse
plastique que des pompes forcent à l’état fondu à travers des filières, à la sortie
desquelles les filaments durcissent dans un courant d’air froid, puis sont étirés.
Les fibres de polyester sont vendues sous les marques de Terylene au Royaume-Uni,
de Dacron aux Etats-Unis, de Tergal en France, de Terital et Wistel en Italie, de
Lavsan dans la CEI et de Toray-Tetoran au Japon.
Les dérivés polyvinyliques. Le produit le plus important de cette catégorie est le
polyacrylonitrile ou fibre acrylique dont la production a été lancée en 1948. Il
est maintenant commercialisé sous diverses marques: Acrilan et Orlon aux Etats-
Unis, Crylor en France, Leacril et Velicren en Italie, Amanian en Pologne,
Courtelle au Royaume-Uni, etc.
Les polyoléfines. La plus courante de ces fibres, connue sous le nom de Courlene au
Royaume-Uni, est obtenue par un procédé analogue à celui qui est utilisé pour le
nylon. Le polymère fondu à 300 °C est injecté à travers des filières, puis refroidi
à l’air ou dans l’eau pour former la fibre qui est ensuite étirée.
Les polypropylènes. Ce polymère, connu sous la marque de Hostalen en Allemagne, de
Meraklon en Italie et de Ulstron au Royaume-Uni, est filé à l’état fondu, puis
étiré et recuit.
Les polyuréthanes. La première de ces fibres, produite depuis 1943, a été le Perlon
U , polyuréthane obtenu par réaction de 1,4-butanediol avec
l’hexaméthylènediisocyanate. Les polyuréthanes servent maintenant de base à un
nouveau type de fibres synthétiques appelées spandex, d’une élasticité comparable à
celle du caoutchouc. Ils sont produits à partir de polyuréthane linéaire vulcanisé
à très haute température et sous très forte pression, donnant ainsi un polyuréthane
«vulcanisé» à liaison transversale qui s’extrude sous forme de monobrin. Ce fil
peut être gainé de fibre de rayonne ou de nylon qui en améliore l’aspect, le fil
lui-même servant d’âme élastique. Il est très utilisé dans la confection des
vêtements et sous-vêtements en tissu élastique. Les fils de spandex sont vendus
sous les marques Lycra, Vyrene et Glospan aux Etats-Unis et Spandrell au Royaume-
Uni.
Les procédés spéciaux
Le classement des fibres par longueur
La soie est la seule fibre naturelle qui se présente sous forme de filament
continu; les autres fibres naturelles n’existent qu’en fibres discontinues ou
«brins». La longueur de la fibre de coton est d’environ 2,6 cm, celle de la laine
de 6 à 10 cm et celle du lin de 30 à 50 cm. Les filaments continus des fibres
synthétiques sont parfois coupés à la machine pour obtenir des brins courts comme
dans le cas des fibres naturelles. Ces brins peuvent être ensuite travaillés de
nouveau sur une machine à filer le coton ou la laine; on obtient ainsi un meilleur
fini, qui élimine l’aspect vitreux de certaines fibres synthétiques. Parfois,
pendant le filage, on mélange plusieurs types de fibres synthétiques, ou encore des
fibres synthétiques et des fibres naturelles.

Le frisage
Pour donner à une fibre synthétique l’aspect et le toucher de la laine, on peut
faire passer les brins coupés (tors ou emmêlés) dans une machine spéciale, équipée
de cylindres cannelés, qui leur confère un frisage durable. Cette opération peut
aussi se faire chimiquement en agissant sur la coagulation du filament, de façon à
obtenir une fibre de section asymétrique, un côté étant plus épais que l’autre.
Lorsque la fibre est humide, le côté épais se gondole, et la fibre frise. Pour
obtenir des fils ondulés, connus aux Etats-Unis sous le nom de fils non torques ou
fils non texturés mousse, le fil synthétique est tricoté en jersey, thermodurci
dans cet état, et détricoté. La plus récente des méthodes utilisées consiste à
faire passer deux fils de nylon dans un appareil qui les chauffe à 180 °C, puis sur
une broche tournant à grande vitesse qui les retord. Sur la première machine
utilisée, les broches tournent à 60 000 tours/min; sur les plus récentes, la
vitesse de rotation est de l’ordre de 1,5 million tours/min.

Les fibres synthétiques pour vêtements de travail


Les tissus de polyester conviennent bien, de par leur résistance aux agents
chimiques, à la confection de vêtements de protection des travailleurs qui
manipulent des acides. Les vêtements en tissu de polyoléfine protègent
convenablement en cas d’exposition prolongée aux acides et aux alcalis. Les
vêtements en Nomex, un nouveau nylon résistant à des chaleurs élevées, sont
particulièrement efficaces en cas d’incendie; le Nomex résiste bien aussi à la
température ambiante, aux solvants tels que le benzène, l’acétone, le
trichloroéthylène et le tétrachlorure de carbone. Certains tissus de propylène
résistent à toute une gamme de substances corrosives; ils sont utilisés pour les
vêtements de travail et de laboratoire.

En raison de leur légèreté, ces tissus synthétiques sont préférés aux lourds tissus
caoutchoutés ou plastifiés dont on aurait besoin pour obtenir le même niveau de
protection. Ils sont également beaucoup plus agréables à porter en ambiance chaude
et humide. Lorsqu’il s’agit de choisir des vêtements de protection en fibres
synthétiques, il faut d’abord en déterminer le nom générique et obtenir des
précisions sur leurs propriétés, par exemple le retrait, la photosensibilité, le
comportement en présence d’agents de nettoyage à sec et de détergents, la
résistance aux huiles, aux substances chimiques corrosives, aux solvants ordinaires
et à la chaleur et la propension du tissu à se charger d’électricité statique.

Les risques et leur prévention


Les accidents
Les sols et les passages devraient être maintenus propres et secs pour éviter les
glissades et les chutes (les cuves ne doivent présenter aucune fuite et, si
possible, être équipées de déflecteurs de protection contre les éclaboussures); les
machines, courroies, arbres de transmission et poulies devraient être
convenablement protégés. Les machines utilisées en filature pour filer, carder,
dévider et ourdir devraient être protégées par des carters pour empêcher que
certains de leurs éléments ne soient projetés et que les travailleurs
n’introduisent leurs mains dans les zones dangereuses. Des dispositifs de
verrouillage devraient empêcher la mise en marche intempestive des machines pendant
les opérations de nettoyage et de maintenance.

Les incendies et les explosions


De grandes quantités de substances toxiques ou inflammables sont utilisées dans
l’industrie des fibres synthétiques. Les substances inflammables devraient être
entreposées de préférence à l’air libre ou dans un local spécialement construit
pour résister au feu. Des remblais devraient être aménagés pour les empêcher de se
répandre en cas de fuite. Les risques associés à la manutention des fûts et autres
récipients pourront être réduits si l’alimentation en substances toxiques est
automatisée et se fait par un système bien entretenu de pompes et de conduites. Des
vêtements de protection et des équipements de lutte contre l’incendie devraient
être mis à la disposition des travailleurs et ceux-ci devraient être convenablement
entraînés à leur utilisation grâce à des exercices pratiques périodiques, menés de
préférence en collaboration avec les autorités locales de lutte contre l’incendie
ou sous leur contrôle.

Dans le filage par voie sèche, lorsque les filaments émergent des filières pour
être séchés à l’air, les solvants s’évaporent en grandes quantités. Les vapeurs
dégagées présentent un grave risque d’explosion et d’intoxication et devraient être
évacuées par aspiration. Leur concentration devrait être surveillée et maintenue
au-dessous des limites d’explosion du solvant. Les vapeurs peuvent être distillées
et récupérées pour être réutilisées ou brûlées, mais il ne faut en aucun cas les
laisser s’échapper dans l’atmosphère.

Lorsqu’on utilise des solvants inflammables, il devrait être interdit de fumer. Il


faut éviter les flammes nues et les étincelles. De plus, le matériel et les
installations électriques devraient être de construction antidéflagrante. Pour
éviter l’accumulation d’électricité statique qui pourrait donner lieu à des
étincelles dangereuses, les machines devraient être mises à la terre.

Les risques d’intoxication


Un système efficace de ventilation par aspiration localisée permet de maintenir les
concentrations de vapeur de solvants et de produits chimiques potentiellement
toxiques au-dessous de la limite admissible. Des masques de protection respiratoire
seront mis à la disposition du personnel chargé de la maintenance et des
réparations ainsi que des travailleurs chargés d’intervenir en cas de fuite ou
d’incendie.

LES PRODUITS EN FEUTRE NATUREL


Jerzy A. Sokal

Le feutre est une matière fibreuse obtenue en chauffant, humectant, malaxant, entre
autres procédés, des fibres de laine, des poils et de la fourrure, en vue de
constituer un tissu non tissé fortement aggloméré. Certains feutres sont
aiguilletés: leurs fibres sont fixées à un élément de fond lâchement tissé, ou
dossier, généralement fait de laine ou de jute.

La fabrication du feutre de chapellerie


Ce feutre, utilisé surtout pour la confection des chapeaux, est généralement obtenu
à partir de poils de rongeurs (lapins, lièvres, rats musqués, ragondins et castors)
et, parfois, de certains autres animaux. Après triage, les peaux sont sécrétées au
peroxyde d’hydrogène et à l’acide sulfurique, puis on procède à la coupe, au
durcissage et à la teinture des poils, habituellement réalisée avec des colorants
de synthèse (colorants acides ou contenant des composés métalliques complexes). Le
feutre teint est alors traité à la gomme-laque ou au polyacétate de vinyle pour
l’alourdir.

La fabrication du feutre de laine


Pour fabriquer ce feutre, on utilise des restes de laine ou une laine recyclée. Le
jute, provenant la plupart du temps de vieux sacs, est employé pour certains
feutres aiguilletés; on peut y ajouter d’autres fibres de coton ou de soie ou des
fibres synthétiques.

La laine est d’abord triée et sélectionnée. On sépare les fibres dans une
effilocheuse, cylindre garni de pointes qui tourne et déchire les fibres, puis on
les soumet au garnettage dans une machine dont les rouleaux et les cylindres sont
garnis de fils métalliques en dents de scie. Les fibres sont nettoyées par
carbonisation dans une solution d’acide sulfurique à 18%; après séchage à une
température de 100 °C, elles sont mélangées et, le cas échéant, enrobées d’huile
minérale contenant un émulsifiant. Après effilochage et cardage, opérations qui
mélangent encore les fibres et les disposent plus ou moins parallèlement les unes
aux autres, la matière est placée sur un transporteur en déposant des couches d’un
fin voile qui est renvidé sur des perches et forme des nappes. Ces nappes molles
sont dirigées vers le local de durcissement où elles sont aspergées d’eau et
comprimées entre deux lourdes plaques; la plaque supérieure vibre, provoquant la
frisure et l’adhérence des fibres.

Pour compléter le feutrage, le tissu est placé dans des cuves d’acide sulfurique
dilué et pilonné au moyen de lourds marteaux de bois. Il est ensuite lavé (avec
addition de tétrachloroéthylène), essoré et teint, généralement avec des colorants
de synthèse. On ajoute parfois des substances chimiques qui rendent le feutre
imputrescible. Les étapes finales comprennent le séchage (à 65 °C pour les feutres
mous, à 112 °C pour les feutres durs), le tondage, le sablage, le brossage, le
pressage et le rognage.

Les risques professionnels


Les accidents
Les machines servant à la fabrication du feutre ont des courroies de transmission,
des mécanismes d’entraînement à chaîne et pignons, des arbres moteurs, des
cylindres garnis de pointes et des rouleaux utilisés pour le garnettage et
l’effilochage, des presses, des rouleaux, des marteaux, etc. Ces parties devraient
être convenablement protégées et munies de systèmes de verrouillage pour éviter que
les travailleurs chargés de la maintenance ou du nettoyage ne puissent se blesser.
Une bonne tenue des locaux est également indispensable pour prévenir les glissades
et les chutes.

Le bruit
Les opérations sont souvent bruyantes; lorsque les encoffrements, les enceintes
acoustiques et un graissage convenable ne suffisent pas à maintenir le bruit à un
niveau satisfaisant, des casques protecteurs ou des bouchons d’oreille devraient
être fournis aux travailleurs. De nombreux pays imposent un programme de protection
de l’ouïe prévoyant des audiogrammes à intervalles réguliers.

La poussière
Les locaux de fabrication du feutre sont poussiéreux et malsains pour les personnes
présentant des troubles respiratoires chroniques. La poussière n’est heureusement
pas associée à des maladies spécifiques, mais une ventilation par extraction est
cependant nécessaire. Les poils des animaux peuvent provoquer des réactions
allergiques chez les sujets sensibles; l’asthme bronchique demeure exceptionnel. La
poussière comporte également un risque d’incendie.

Les produits chimiques


L’acide sulfurique utilisé dans la production du feutre est généralement dilué; il
faut néanmoins veiller à prendre toutes les précautions nécessaires au moment de la
dilution de l’acide concentré. Des flacons de rinçage oculaire en cas
d’éclaboussures ou de déversements devraient donc être placés à proximité et des
équipements de protection individuelle (lunettes, tabliers, gants et chaussures)
devraient être fournis aux travailleurs.

Le tannage de certains feutres de papeterie se fait parfois à base de quinone,


produit susceptible d’entraîner des lésions de la peau et des muqueuses. Les
poussières et les vapeurs de quinone peuvent provoquer des taches sur la
conjonctive et la cornée de l’œil et, en cas d’exposition prolongée ou répétée,
affecter la vision. La poudre de quinone doit être humidifiée pour éviter la
pulvérulence et ne devrait être manipulée que dans des chambres équipées d’un
dispositif de ventilation par aspiration localisée. Les mains, les bras, le visage
et les yeux des travailleurs devraient être protégés par des vêtements et des
accessoires adaptés.

La chaleur et les incendies


La température élevée de la matière (60 °C) nécessaire au formage manuel des
chapeaux impose le port de gants de protection des mains.
L’incendie est un risque courant aux premiers stades de la fabrication du feutre
quand l’empoussièrement est important. Il peut être provoqué par une allumette ou
une étincelle provenant d’objets métalliques laissés dans les déchets de laine, par
un palier de machine surchauffé ou par un court-circuit. Il peut également survenir
lors des opérations de finissage, lorsque des vapeurs de solvants inflammables
s’accumulent dans les fours de séchage. Etant donné qu’elle endommage le matériel
et corrode les équipements, l’eau est moins utilisée que les extincteurs à poudre
sèche pour éteindre les incendies. Les équipements modernes sont munis d’orifices
par lesquels la substance active peut être pulvérisée, ou d’un dispositif
d’émission automatique de dioxyde de carbone.

L’infection charbonneuse
Quelques cas de charbon ont été observés, bien que rarement, à la suite d’une
exposition à de la laine contaminée importée de régions dans lesquelles la maladie
est endémique.

LA TEINTURE, L’IMPRESSION ET LE FINISSAGE


J.M. Strother et A.K. Niyogi *

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de


l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

La teinture
La teinture résulte d’une combinaison chimique ou d’une puissante affinité physique
entre un colorant et une fibre textile. Divers colorants et procédés sont utilisés,
suivant le type de tissu et le produit fini désiré.

Les catégories de colorants


Pour la laine, la soie et le coton, on emploie des colorants acides ou basiques en
bain faiblement acide. Certains colorants acides sont appliqués après mordançage
des fibres à l’oxyde métallique, à l’acide tannique ou aux dichromates. Les
colorants directs , peu stables, sont employés pour teindre la laine, la rayonne et
le coton. La teinture se fait à une température voisine de l’ébullition. Pour
teindre le coton avec des colorants au soufre , on prépare un bain avec de la
teinture, du carbonate de sodium, du sulfure de sodium et de l’eau chaude. Cette
teinture se fait également à une température proche de l’ébullition. Pour teindre
le coton aux colorants azoïques , on dissout du naphtol dans une solution aqueuse
de soude caustique; le coton est imprégné de naphtoxyde de sodium avant d’être
traité par un composé de diazonium en solution qui fixe le colorant sur la matière
à teindre. Les colorants de cuve sont transformés en composés leuco par l’action de
l’hydroxyde de sodium et de l’hydrosulfite de sodium. La teinture s’effectue à une
température comprise entre 30 et 60 °C. Les colorants dispersables (ou
plastosolubles) servent à la teinture de toutes les fibres synthétiques qui
possèdent des propriétés hydrophobes. On accélère la vitesse de diffusion du
colorant dans la fibre au moyen d’adjuvants phénoliques appelés «transporteurs».
Les colorants minéraux sont généralement des sels de fer et de chrome. Après
l’imprégnation, leur précipitation est assurée par adjonction d’une solution
alcaline à chaud. Les colorants réactifs utilisés pour le coton sont appliqués en
bain chaud ou froid de carbonate de sodium et de sel de cuisine.

La préparation des tissus


Avant la teinture, les tissus de coton subissent une préparation en plusieurs
étapes successives. Le tissu passe d’abord dans une tondeuse qui coupe les fibres
faiblement adhérentes; pour parachever ce rasage, il circule rapidement au-dessus
d’une rampe de brûleurs à gaz (la flambeuse), les flammèches produites étant
éteintes par passage du tissu dans un bac à eau. Le désencollage, qui a pour objet
de débarrasser complètement le tissu des parements gélatineux, se fait par passage
du tissu dans une cuve à malter contenant une solution de diastase qui élimine
l’intégralité de l’encollage. Les autres impuretés sont éliminées par
débouillissage dans un autoclave où le coton subit une cuisson alcaline dans une
solution diluée de soude caustique, de carbonate de sodium ou d’huile de ricin
sulfatée (huile pour rouge turc) pendant huit à douze heures à haute température et
sous haute pression.

Pour les tissus teintés, l’opération se fait en cuve ouverte et sans soude
caustique. La coloration naturelle du tissu s’élimine dans la solution
d’hypochlorite des cuves de blanchiment, après quoi le tissu est aéré, lavé et
déchloré dans une solution de bisulfite de sodium, lavé de nouveau et dégraissé à
l’acide chlorhydrique ou sulfurique dilué. Après un dernier lessivage très poussé,
le tissu est prêt pour la teinture ou l’impression.

La teinture
La teinture proprement dite se fait au «jigger» ou au foulard, machines où le tissu
passe dans une solution colorante stationnaire, préparée par dissolution d’une
poudre de teinture dans un produit chimique approprié, suivie de dilution dans
l’eau. Après la teinture, le tissu subit un traitement de finissage.

La teinture du nylon
La préparation des fibres de polyamide (nylon) en vue de la teinture comporte un
lessivage, un dépôt et, dans certains cas, un blanchiment. Le traitement choisi
pour le lessivage du polyamide dépend principalement de la composition du parement.
Les parements hydrosolubles à base de poly(alcool vinylique) ou d’acide
polyacrylique s’éliminent par lessivage dans une liqueur composée de savon et
d’ammoniaque ou de Lissapol N, voire d’un autre détergent ou de carbonate de
sodium. Après lessivage et rinçage abondant, le tissu est prêt pour la teinture ou
l’impression qui se font généralement en machine (au «jigger» ou au foulard).

La teinture de la laine
On lessive d’abord la laine brute par un procédé émulsifiant dans lequel
interviennent le savon et le carbonate de sodium. L’opération se déroule dans une
laveuse, longue auge pourvue de racles, d’un double fond et, à la sortie, de
rouleaux exprimeurs. Après ce lavage, la laine subit un blanchiment au peroxyde
d’hydrogène ou au dioxyde de soufre (gaz sulfureux), auquel cas le produit humide
est abandonné toute une nuit à l’action du gaz. On neutralise ensuite le gaz acide
par passage du tissu dans un bain de carbonate de sodium en solution, suivi d’un
lessivage. Après teinture, le tissu est rincé, essoré et enfin séché.

Les risques et leur prévention


Les incendies et les explosions
Les risques d’incendie rencontrés dans un atelier de teinture sont liés aux
solvants inflammables utilisés dans certains procédés et à quelques colorants
particuliers, également inflammables. Pour ces deux types de substances, il faut
prévoir des installations de stockage sûres. Celles-ci devraient comprendre des
locaux bien conçus, construits en matériaux résistant au feu. Les locaux
d’entreposage des liquides inflammables devraient être pourvus de seuils surélevés
et inclinés aux embrasures des portes, afin que les fuites éventuelles de liquide
soient retenues à l’intérieur du local et qu’il ne puisse se répandre en des
endroits où il pourrait prendre feu. Ces locaux seront aménagés de préférence à
l’écart du bâtiment principal de l’entreprise. Si des quantités importantes de ces
produits sont conservées dans des réservoirs à l’extérieur des bâtiments, des
murets devraient être édifiés tout autour des réservoirs pour constituer une
cuvette de rétention capable de contenir les fuites éventuelles.

Des dispositions analogues devraient être prises lorsque le combustible gazeux qui
alimente les flambeuses provient d’une fraction légère de pétrole. L’installation
génératrice de gaz et les réservoirs de stockage de l’essence de pétrole volatile
devraient se trouver de préférence en dehors des bâtiments.
Les risques liés aux produits chimiques
Nombre de manufactures emploient pour le blanchiment des solutions d’hypochlorite;
d’autres effectuent cette opération au moyen de chlore gazeux ou d’une poudre à
blanchir qui libère du chlore lorsqu’on la charge dans un réservoir. Dans l’un et
l’autre cas, les travailleurs risquent d’être exposés à une atmosphère dangereuse
si des précautions ne sont pas prises. Le chlore irrite les yeux et la peau et,
surtout, le tissu pulmonaire, où il peut provoquer un œdème dont les symptômes
n’apparaissent pas immédiatement. Pour limiter le dégagement de chlore dans
l’atmosphère des locaux de travail, les cuves de blanchiment devraient être des
récipients clos, dont les évents laissent échapper un minimum de produit, afin que
les concentrations maximales admissibles ne soient pas dépassées; des dosages du
chlore dans l’air devraient être effectués périodiquement pour vérifier la
concentration.

Les vannes et autres dispositifs de commande du réservoir de chlore liquide qui


alimentent les ateliers de teinture devraient être surveillés par un opérateur
compétent, une fuite non maîtrisée pouvant avoir des conséquences désastreuses.
Lorsqu’il est nécessaire de pénétrer dans une enceinte ayant contenu du chlore ou
tout autre gaz ou vapeur dangereux, toutes les précautions applicables au travail
en espace confiné devraient être observées.

L’emploi d’alcalis et d’acides corrosifs ainsi que le débouillissage peuvent avoir


pour effet de brûler ou d’échauder le personnel. De grandes quantités d’acide
chlorhydrique et d’acide sulfurique sont utilisées dans les opérations de teinture.
La soude caustique est réservée pour le blanchiment, le mercerisage et la teinture.
Le dioxyde de soufre, employé pour le blanchiment, et le sulfure de carbone, mis en
œuvre comme solvant dans le procédé viscose, peuvent également polluer l’atmosphère
des locaux. Les hydrocarbures aromatiques comme le benzène, le toluène et le
xylène, les solvants naphta et les amines aromatiques telles que les colorants à
l’aniline sont des substances chimiques toxiques auxquelles les travailleurs
peuvent être exposés. Le dichlorobenzène est émulsifié dans l’eau, grâce à un agent
émulsifiant; il sert à teindre les fibres polyester. Un système de ventilation par
extraction est indispensable.

Maints colorants sont des irritants de la peau qui peuvent causer des dermatoses.
Les travailleurs sont souvent tentés de recourir à des mélanges dangereux
d’abrasifs, d’alcalis et d’agents de blanchiment pour enlever les taches de
teinture qu’ils portent aux mains.

Les solvants organiques qui interviennent dans les procédés de teinture ou qu’on
utilise pour nettoyer les machines peuvent aussi causer des dermatoses ou affaiblir
la résistance de la peau à l’action irritante d’autres substances dangereuses mises
en œuvre. Ils peuvent par ailleurs induire des atteintes du système nerveux
périphérique — c’est le cas, par exemple, du méthylbutylcétone (MBK). Certains
colorants se sont révélés cancérogènes, comme la rhodamine B, le magenta, la β-
naphtylamine, de même que certaines bases comme la dianisidine. L’emploi de β-
naphtylamine a généralement été abandonné dans les ateliers de teinture. Cette
question est examinée en détail ailleurs dans l’Encyclopédie.

En dehors des fibres et de leurs contaminants, des allergies peuvent être


provoquées par le parement et même par les enzymes utilisées pour l’éliminer.

Des moyens appropriés de protection individuelle, notamment de protection oculaire,


devraient être fournis au personnel pour le protéger des risques de contact avec
les nombreuses substances dangereuses auxquelles il est exposé. Il est parfois
possible d’employer des crèmes isolantes, mais on veillera à utiliser un produit
approprié qu’on puisse éliminer par lavage. Il est rare cependant que ce moyen
assure une fiabilité comparable à celle que confèrent des gants bien conçus. Les
vêtements de protection devraient être lavés à intervalles réguliers; ceux qui ont
été souillés par des projections ou autrement pollués par les colorants devraient
être remplacés au plus tôt. Des installations sanitaires, des douches ou des bains
devraient être mis à la disposition des travailleurs, qu’il conviendra d’inciter à
en faire usage. L’hygiène individuelle revêt une importance capitale dans cette
branche d’activité. Malheureusement, même dans l’hypothèse où toutes les mesures de
sécurité ont été prises, il arrive que des travailleurs se révèlent
particulièrement sensibles à l’action de certaines substances et doivent alors être
mutés à d’autres postes.

Les risques d’accidents


Des accidents graves par échaudure se sont produits lors de l’admission
accidentelle de liqueur bouillante dans un autoclave où un travailleur était occupé
à disposer le tissu à traiter. Un tel accident peut survenir suite à la manœuvre
intempestive d’une vanne, ou lorsqu’un autoclave situé en amont déverse la liqueur
bouillante dans une conduite commune d’évacuation qui, par un orifice resté ouvert,
la refoule dans le récipient occupé. Quand un travailleur se trouve à l’intérieur
d’un autoclave pour quelque raison que ce soit, les vannes d’admission devraient
être verrouillées en position de fermeture, et l’autoclave devrait être isolé des
autres récipients de la batterie. Si ce verrouillage est assuré par une clé, la
personne qui risquerait d’être la victime de l’admission accidentelle de liquide
bouillant dans le récipient devrait conserver cette clé sur elle jusqu’à ce qu’elle
quitte l’autoclave.

L’impression
L’impression s’effectue sur une machine à rouleaux. Le colorant ou le pigment est
épaissi à l’amidon ou émulsionné; si l’on utilise des pigments, cette émulsion est
préparée avec un solvant organique. La pâte ou l’émulsion obtenue est prélevée par
les rouleaux graveurs qui appliquent le motif sur le tissu, puis la couleur est
fixée dans une machine de polymérisation. Le tissu imprimé fait ensuite l’objet du
finissage approprié.

L’impression par voie humide


L’impression par voie humide ou au mouillé est effectuée selon des méthodes
semblables à celles que l’on utilise pour la teinture elle-même; c’est le cas pour
l’impression en cuve et l’impression réactive. Ces méthodes d’impression ne sont
employées que pour les tissus 100% coton et pour la rayonne. Les risques que ces
opérations présentent pour la santé sont identiques à ceux qui ont été exposés plus
haut.

L’impression à l’aide de pigments à base de solvants


Ces systèmes d’impression font appel à de grandes quantités de solvants, comme les
essences minérales servant dans le système d’épaississement. Les risques principaux
qu’ils présentent sont:

L’inflammabilité. Les systèmes d’épaississement contiennent jusqu’à 40% de solvants


et sont extrêmement inflammables. Ils devraient être entreposés avec soin dans des
locaux convenablement ventilés et les installations devraient être mises à la
terre. Lors du transport des produits, on prendra garde également d’éviter
l’apparition d’étincelles engendrées par l’électricité statique.
Les émissions dans l’atmosphère. Avec ces systèmes d’impression, des vapeurs de
solvants sont émises lors du séchage et de la polymérisation. La réglementation en
matière d’environnement indique généralement les niveaux admissibles d’émissions de
composés organiques volatils.
La vidange. Le système d’impression étant à base de solvants, la pâte d’impression
ne devrait pas être évacuée dans le système de traitement des eaux usées, mais sous
forme de déchet solide. Les sites de dépôt de ces déchets peuvent être à l’origine
de problèmes environnementaux du fait de la contamination du sol et des nappes
phréatiques; ils devraient recevoir par conséquent un revêtement imperméable.
L’impression à l’aide de pigments en solution aqueuse
Aucun des risques pour la santé engendrés par l’impression à l’aide de pigments à
base de solvants n’est provoqué par les techniques utilisant des pigments à l’eau.
Bien que l’on emploie quelques solvants, les quantités sont si faibles qu’elles
sont négligeables. La présence de formaldéhyde constitue le risque principal.

L’impression à l’aide de pigments nécessite l’utilisation d’un agent de liaison


chimique, qui favorise la fixation des pigments sur le tissu. Ces agents se
présentent sous forme de produits isolés (la mélamine, par exemple) ou de
composants d’autres substances chimiques comme les liants et les antimèches, ou se
trouvent dans les pigments eux-mêmes. Le formaldéhyde est indispensable à leur
action.

Le formaldéhyde est un sensibilisateur et un irritant qui peut produire des


réactions parfois violentes chez les travailleurs qui y sont exposés, lorsqu’ils
inhalent l’air ambiant à proximité de la machine d’impression en marche ou qu’ils
entrent en contact avec le tissu imprimé. Les réactions vont d’une légère
irritation des yeux à de graves troubles respiratoires, en passant par des lésions
cutanées. S’il a été établi que le formaldéhyde est cancérogène chez la souris, il
n’a pas jusqu’ici été associé de façon concluante à l’apparition de cancers chez
l’être humain. Il est classé dans la catégorie 2A, «Probablement cancérogène pour
l’être humain», par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).

Pour protéger l’environnement local, les rejets de formaldéhyde dans l’atmosphère


devraient être contrôlés pour s’assurer que les niveaux ne dépassent pas ceux qui
sont autorisés par la réglementation en vigueur.

L’ammoniaque constitue un autre risque potentiel. La pâte d’impression étant


sensible au pH, on utilise souvent de l’ammoniaque pour l’épaissir. On devrait
manipuler ce produit dans un local bien ventilé et porter un masque respiratoire si
besoin est.

Les teintures et les pigments employés pour l’impression des tissus se présentant
généralement sous forme liquide, il n’y a pas de risque d’exposition à la poussière
comme c’est le cas dans les opérations de teinture.

Le finissage
Le finissage est un terme qui s’applique à toute une gamme de traitements
généralement effectués au cours de l’opération précédant la fabrication. Toutefois,
certaines opérations de finissage peuvent également être réalisées après la
fabrication.

Le finissage mécanique
Ce type de finissage comprend des procédés qui modifient la texture ou l’apparence
d’un tissu sans faire appel à des produits chimiques; on peut citer:

Le sanforisage. Ce procédé a pour effet de rendre le tissu irrétrécissable et doux


au toucher. Le tissu est tendu sur un petit cylindre chauffé à la vapeur, pressé
étroitement par un sabot sur un tapis de caoutchouc, puis passé sur un gros
cylindre.
Le calandrage. Dans ce procédé, qui a pour effet de modifier le toucher et
l’apparence du tissu, on fait passer celui-ci entre de grands rouleaux d’acier en
lui appliquant une pression très élevée. Ces rouleaux peuvent être chauffés à la
vapeur ou au gaz jusqu’à 232 °C.
Le sablage. Dans ce procédé, qui a pour effet de modifier la surface du tissu et de
le rendre plus doux au toucher, on fait passer le tissu sur des rouleaux recouverts
de sable.
Le gaufrage. Dans ce procédé, le tissu passe entre des cylindres d’acier chauffés
dont le motif gravé viendra s’imprimer de façon définitive sur le tissu.
Le thermofixage. Dans ce procédé, qui a pour effet de rendre le tissu
irrétrécissable, le tissu synthétique, généralement du polyester, passe dans une
rame élargisseuse ou une machine de thermofixage par semi-contact, à des
températures suffisantes pour provoquer un début de fonte des molécules du tissu.
Le brossage. Dans ce procédé, qui a pour effet de modifier l’apparence et le
toucher du tissu, on fait passer celui-ci entre des brosses rotatives tournant à
grande vitesse.
Le suédage. Dans ce procédé, qui a pour effet de modifier l’apparence et le toucher
du tissu, on fait passer celui-ci entre un cylindre d’acier de petite taille et un
cylindre de grande taille recouvert de papier de verre.
Les risques associés à ces opérations proviennent principalement de la chaleur, des
très hautes températures utilisées et des zones de pincement des parties mobiles de
la machine. Il faut veiller à équiper cette dernière de carters de protection ou
installer des garde-corps pour éviter les accidents.

Le finissage chimique
Le finissage chimique est effectué au moyen de divers équipements (foulards,
«jiggers», machines de teinture par jet, auges, barres de pulvérisation,
autoclaves, machines de teinture à palette, rouleaux de transfert par enduction et
bains moussants).

Il est un type de finissage chimique qui n’implique aucune réaction chimique: il


s’agit de l’application d’un agent adoucissant qui a pour effet de modifier le
toucher et la texture du tissu ou de le rendre plus facile à coudre. Cette
opération ne présente aucun risque particulier en dehors d’une éventuelle
irritation de contact au niveau de la peau ou des yeux; le port de gants et de
protections oculaires permet d’éviter ce problème.

Un autre type de finissage chimique implique en revanche une réaction chimique: il


s’agit du finissage du coton à la résine qui permet d’obtenir les propriétés
physiques souhaitées, un faible rétrécissement et une apparence satinée. Pour le
coton, par exemple, une résine de diméthylol-dihydroxyéthylèneurée (DMDHEU)
catalyse la formation d’une liaison avec les molécules du tissu, ce qui a pour
effet de le modifier définitivement. Le risque principal que présente ce type de
finissage est le dégagement de formaldéhyde au moment de la réaction.

Conclusion
Comme dans les autres secteurs de l’industrie textile, les opérations de teinture,
d’impression et de finissage se déroulent soit dans des établissements anciens,
souvent de petite taille, dans lesquels la sécurité et la santé des travailleurs
sont fréquemment négligées, voire ignorées, soit dans des établissements plus
récents, de plus grande taille, dans lesquels la technologie est en évolution
constante et la maîtrise des risques est, dans la mesure du possible, intégrée dès
la conception des installations. En plus des risques spécifiques mentionnés plus
haut, des problèmes surviennent fréquemment, liés à l’éclairage, au bruit, à une
protection insuffisante des machines, au soulèvement et au port d’objets lourds ou
volumineux, etc. Un programme de prévention bien conçu et mis en œuvre, intégrant
une solide formation et une surveillance efficace des travailleurs, est dès lors
indispensable.

LES TISSUS NON TISSÉS


William A. Blackburn et Subhash K. Batra

Les tissus en textiles non tissés ont fait une première apparition à la fin des
années quarante. Ils se sont développés dans les années cinquante et ont été
commercialisés dans les années soixante. Au cours des trente-cinq années qui ont
suivi, le secteur des non-tissés a atteint sa maturité et a trouvé des marchés soit
en offrant un bon rapport qualité-prix en lieu et place des textiles traditionnels,
soit en proposant des produits mis au point pour des utilisations spécifiques. Ce
secteur a mieux absorbé les récessions que les textiles traditionnels et a connu
une croissance plus rapide. Les risques professionnels sont les mêmes que dans les
autres secteurs de l’industrie textile (bruit, fibres en suspension dans l’air,
produits chimiques utilisés pour le collage des fibres, sécurité des surfaces de
travail, zones de pincement, brûlures par exposition à la chaleur, lésions
dorsales, etc.).

La sécurité est généralement satisfaisante dans ce secteur et le nombre d’accidents


par unité de production y reste limité. L’industrie a su relever les défis
présentés par la réglementation relative à la propreté de l’air et de l’eau. Aux
Etats-Unis, l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational
Safety and Health Administration (OSHA)) a promulgué plusieurs règlements qui
imposent une formation à la sécurité et des procédés de fabrication qui ont
considérablement amélioré la protection des travailleurs. Dans le monde entier, les
établissements conscients de leur responsabilité adoptent petit à petit des
pratiques du même genre.

Les matières premières utilisées par cette industrie sont généralement les mêmes
que celles qui sont employées dans l’industrie textile traditionnelle et atteignent
chaque année près de 1 million de tonnes. Les fibres naturelles dont on se sert
sont principalement le coton et la pâte de bois. Quant aux fibres manufacturées, ce
sont la rayonne, les polyoléfines (polyéthylène et polypropylène), les polyesters
et, en quantités plus limitées, les nylons, les acryliques, les aramides, etc.

Au début de la croissance du secteur des non-tissés, on dénombrait une dizaine de


procédés de fabrication: non-tissés encollés au filage (ou filés-liés), non-tissés
de fusion-soufflage, voile et mélanges obtenus par voie pneumatique, non-tissés
obtenus par voie humide ou par voie sèche (liés par aiguilletage, liaison thermique
ou liaison chimique), non-tissés obtenus par couture-tricotage, etc. Aux Etats-
Unis, de nombreux marchés spécifiques sont saturés pour les non-tissés et de
nouveaux débouchés sont recherchés, notamment dans l’important secteur des
composites. Des non-tissés laminés sous forme de fines pellicules et autres
revêtements ouvrent de nouvelles perspectives. L’entreposage des rouleaux de non-
tissés est actuellement très surveillé du fait de l’inflammabilité de certains
produits de densité très faible que leurs grandes surfaces exposent
particulièrement à ce risque; on considère à cet égard que les rouleaux dont le
rapport volume/poids est supérieur à une certaine valeur posent problème.

Les matières premières


Les fibres cellulosiques
Le volume de coton blanchi entrant dans la fabrication des non-tissés est en
augmentation constante, tandis que les mélanges coton-polyester et rayonne-
polyester dans les non-tissés aiguilletés par jet d’eau connaissent un grand succès
dans les applications médicales et l’hygiène féminine. On commence à utiliser du
coton non blanchi dans la fabrication des non-tissés, et des tissus expérimentaux
très intéressants ont été obtenus par le procédé d’aiguilletage par jet d’eau.

Inquiets des répercussions écologiques des sous-produits de la fabrication, les


défenseurs de l’environnement se sont élevés contre la fabrication de rayonne. Aux
Etats-Unis, certains fabricants de rayonne ont préféré abandonner ce créneau plutôt
que de faire face aux frais élevés qu’entraînerait l’observation des normes
imposées en matière de pureté de l’eau et de l’air. Les entreprises qui ont choisi
de se conformer à ces exigences semblent ne plus rencontrer de problèmes après
modification de leurs procédés.

Les fibres en pâte de bois constituent l’un des principaux composants des couches
jetables, des protections pour incontinence et autres tissus absorbants. On utilise
des fibres de bois dur et de papier kraft. Dans les seuls Etats-Unis, on emploie
chaque année plus de 1 million de tonnes de pâte de bois. Une petite partie est
utilisée pour les non-tissés obtenus par voie pneumatique. Les produits servent
souvent à fabriquer des serviettes, pour des applications qui vont de la cuisine
aux sports.

Les fibres synthétiques


Les deux fibres polyoléfines les plus populaires sont le polyéthylène et le
polypropylène. Ces polymères sont transformés en fibres coupées qui sont ensuite
transformées en tissus non tissés, ou en nappes de monofils obtenues par liage,
c’est-à-dire par extrusion des polymères pour former des filaments réunis en voiles
et liés par traitement thermique. Certains des tissus ainsi obtenus servent à
fabriquer des vêtements de protection. En 1995, plus de 400 millions de bleus de
travail avaient été fabriqués à partir d’un tissu de polyéthylène très apprécié
obtenu par liage.

Aux Etats-Unis, l’utilisation la plus importante d’un non-tissé (environ 10 000 km2
par an) concerne le voile supérieur des couches jetables. C’est ce voile qui entre
en contact avec la peau du bébé et l’isole des autres composants de la couche. Des
tissus obtenus à partir de ces fibres sont également utilisés pour des produits
durables et pour certaines applications géotextiles dans lesquelles ils sont
supposés durer indéfiniment. Ces tissus sont toutefois dégradés par les
ultraviolets ou par certains autres types de rayonnements.

Les fibres thermoplastiques obtenues à partir de polymères et de copolymères


polyester sont très employées pour la fabrication des non-tissés dans les procédés
de fibres coupées et de liage à la filature. On estime à plus de 250 000 tonnes les
quantités totales de polymères polyester et polyoléfine utilisées chaque année aux
Etats-Unis pour fabriquer les non-tissés. Des mélanges de fibres polyester et de
pâte de bois obtenus par voie humide, aiguilletés par jet d’eau puis recouverts
d’un revêtement imperméable, sont d’usage courant pour les blouses et les draps
dont on se sert dans les blocs opératoires. En 1995, aux Etats-Unis seulement,
l’utilisation de non-tissés jetables à usage médical a dépassé 2 000 km2 par an.

Les fibres de nylon ne sont utilisées que modérément sous forme de fibres coupées
et assez peu dans les non-tissés encollés au filage (ou filés-liés). Les
principales applications des non-tissés encollés au filage sont le renforcement des
dossiers de moquettes et la fabrication des filtres en laine de verre. Ces tissus
confèrent une surface de faible friction aux dossiers, ce qui facilite la pose des
moquettes. Dans les filtres en laine de verre, le tissu permet de retenir les
fibres de verre dans le filtre et les empêche de pénétrer dans l’air filtré.
D’autres non-tissés particuliers, comme les aramides, trouvent des applications
dans des créneaux du marché dans lesquels leurs propriétés, comme une très faible
inflammabilité, par exemple, en rendent l’usage intéressant. Certains de ces non-
tissés sont aussi mis en œuvre dans l’industrie de l’ameublement pour diminuer
l’inflammabilité des canapés et des fauteuils.

Les procédés non tissés par liage et par fusion-soufflage


Dans ces procédés, des polymères synthétiques appropriés sont fondus, filtrés,
extrudés, étirés, chargés d’électricité électrostatique, disposés en voiles, liés
et enroulés. Il convient d’observer pour ces opérations les mesures de sécurité qui
s’appliquent normalement à l’utilisation des machines à extruder, des filtres, des
filières et des cylindres chauffés pour le liage.

Les travailleurs devraient se protéger les yeux et éviter de porter des vêtements
amples, des cravates, des bagues ou autres bijoux qui pourraient être happés par
les parties mobiles des machines. Ces procédés font presque toujours appel à
d’importants volumes d’air; aussi, des précautions particulières devraient être
prises pour éviter toute situation susceptible de favoriser les incendies; les
gaines d’aération devraient être dégagées, car il serait difficile d’y éteindre un
début d’incendie. Il importe en outre de s’assurer que les sols ne présentent pas
de risques de trébuchement ou de glissade.

Dans les procédés par liage, les installations devraient être nettoyées et tout
résidu de polymère éliminé par brûlage. Des fours très chauds sont généralement
utilisés à cette fin et les pièces nettoyées y sont entreposées. Une protection
adéquate est nécessaire tout au long de ces opérations, à commencer par le port de
gants résistants à la chaleur, la fourniture d’autres équipements de protection
thermique et la mise en service d’une ventilation assez puissante pour limiter la
chaleur et les fumées.

Les procédés par liage sont avantageux d’un point de vue économique, notamment
parce qu’ils sont relativement rapides et que l’on peut changer les bobines
enrouleuses sans interrompre les opérations. L’utilisation d’engins bien conçus
pour changer les rouleaux et une bonne formation du personnel devraient offrir une
marge de sécurité satisfaisante pendant cette opération.

Les procédés par voie sèche


Les règles de sécurité applicables aux procédés comportant des opérations comme
ouvrir les balles de fibres, mélanger les fibres pour alimenter uniformément une
machine à carder, carder pour former des voiles et croiser des voiles pour leur
conférer une résistance optimale dans toutes les directions, puis en assurer le
transfert pour liage, valent aussi pour les procédés textiles traditionnels. Toutes
les parties de machine dangereuses dans lesquelles les mains des travailleurs
pourraient être happées et, notamment, les angles rentrants des cylindres,
devraient être protégées. Certains procédés par voie sèche produisent des quantités
limitées de fibres en suspension dans l’air; les travailleurs devraient donc
disposer d’équipements de protection respiratoire appropriés.

Si les voiles formés doivent faire l’objet d’un liage à chaud, une petite quantité
(10% du poids environ) d’une fibre ou d’une poudre fondant à basse température sera
généralement ajoutée au voile. Cette substance est fondue par passage dans un four
à air chaud ou par exposition à des cylindres chauffés, puis refroidie pour obtenir
le liage du tissu. Dans ce cas, des équipements de protection thermique devraient
être mis à la disposition des travailleurs. Aux Etats-Unis, on produit chaque année
100 000 tonnes de non-tissés dont le liage se fait à chaud.

Si les voiles sont liés par aiguilletage, on utilise un métier à aiguilles. La


rangée d’aiguilles traverse le voile; les aiguilles accrochent les fibres de
surface, les font passer du dessus au dessous du tissu, puis relâchent les fibres
pendant leur course de retour. Le nombre de pénétrations par unité de surface est
parfois limité, parfois très important, comme c’est le cas pour le feutre
aiguilleté. On peut faire appel à un métier pour aiguilleter à partir du dessus et
du dessous du voile. Les aiguilles cassées seront remplacées. Les métiers devraient
être verrouillés pour éviter les accidents pendant ces opérations de maintenance.
Comme pour le cardage, ces procédés produisent parfois des fibres courtes; il est
donc recommandé d’installer une bonne ventilation et de mettre à disposition des
masques respiratoires. De plus, les yeux devraient être protégés des projections de
morceaux d’aiguilles cassées. Aux Etats-Unis, on produit chaque année 100 000
tonnes de non-tissés aiguilletés.

Si les voiles sont liés chimiquement, le procédé consiste généralement à pulvériser


l’adhésif sur une face du voile, puis à faire passer celui-ci dans une zone de
polymérisation, généralement un four ouvert. On inverse ensuite le sens du voile,
on applique à nouveau l’adhésif, et le voile repasse dans le four. Un troisième
passage dans le four est parfois nécessaire pour achever la polymérisation. Les gaz
libérés doivent naturellement être évacués et il faut recueillir et évacuer tous
les effluents toxiques (aux Etats-Unis, ces mesures sont imposées en vertu de
diverses réglementations de l’Etat fédéral ou des Etats sur la pureté de l’air). En
ce qui concerne la liaison chimique par adhésif, l’opinion internationale s’est
émue du rejet de formaldéhyde dans l’atmosphère et une réduction des émanations a
été demandée. L’Agence américaine de protection de l’environnement (Environmental
Protection Agency (EPA)) a abaissé les limites autorisées de formaldéhyde dégagé,
qui ne sont plus désormais que le dixième de ce qu’elles étaient auparavant. On
craint que ces nouvelles limites ne posent des problèmes aux laboratoires chargés
des mesurages. L’industrie des adhésifs a réagi en proposant de nouveaux liants ne
contenant pas de formaldéhyde.

Le procédé par voie pneumatique ou «air-laid»


Il existe un problème de terminologie en ce qui concerne les non-tissés obtenus par
voie pneumatique («air-laid»). L’une des variantes des procédés de cardage comprend
une cardeuse présentant une section qui distribue au hasard les fibres traitées
dans un courant d’air. Ce procédé est souvent appelé «procédé non-tissé air-laid».
Un autre procédé bien différent, également dénommé «air-laid», consiste à disperser
les fibres dans un courant d’air et à diriger les fibres en suspension vers un
dispositif qui les dépose sur un tapis roulant. Le voile formé est alors lié par
pulvérisation et polymérisé. Ce procédé de dépôt peut être répété avec différents
types de fibres afin d’obtenir des non-tissés présentant des couches de diverses
composition. Dans ce cas, les fibres utilisées peuvent être très courtes et il
convient de prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter l’inhalation de
celles qui sont en suspension dans l’air.

Le procédé par voie humide (au mouillé)


Le procédé non-tissé par voie humide emprunte la technologie mise au point pour la
fabrication du papier et consiste à former des voiles à partir de fibres dispersées
dans l’eau. L’opération est favorisée par des agents de dispersion qui permettent
d’éviter la formation de tas de fibres hétérogènes. La dispersion de fibres est
filtrée sur des tapis roulants et essorée par pressage entre des éléments en
feutre. Au cours de l’opération, on ajoute souvent un liant qui assure le liage du
voile pendant le séchage. Une autre méthode, plus récente, consiste à effectuer le
liage par aiguilletage sous jet d’eau à haute pression. Le séchage constitue
l’étape finale; il peut comporter des opérations d’adoucissement du tissu par
microcrêpage ou par toute autre technique du même genre. Ce procédé ne comporte,
semble-t-il, aucun risque majeur.

Le procédé par couture-tricotage


Ce procédé est bien souvent exclu de la définition des non-tissés, car il fait
parfois appel à des fils pour coudre les voiles afin de former des tissus.
Certaines définitions des non-tissés excluent en effet tous les tissus qui
contiennent des «fils». Dans ce procédé, le voile passe dans une machine classique
de piqûre et l’on obtient des structures présentant un grand nombre de
combinaisons, dont celles qui utilisent des fils élastiques permettant de produire
des tissus stretch. Ici encore, le procédé ne semble comporter aucun risque majeur.

Le finissage
Les traitements de surface des non-tissés comprennent l’application de retardateurs
d’ignition, d’agents hydrofuges, d’adoucissants, d’antibactériens, de
thermofusibles, de lubrifiants, etc., ainsi que les traitements antistatiques. Ces
traitements de surface des non-tissés sont appliqués, selon le procédé et le type
de traitement, soit en ligne en cours de procédé, soit après la fabrication. Le
plus souvent, les traitements antistatiques sont appliqués en ligne, de même que
les traitements de surface comme l’effet corona. Les traitements tels que les
retardateurs d’ignition et les agents hydrofuges, par contre, sont le plus souvent
appliqués ultérieurement. Parmi les traitements spécifiques, on peut noter
l’exposition des voiles à un plasma de haute densité qui a pour effet d’influencer
la polarité des tissus et d’améliorer leurs performances dans les applications de
filtrage. La sécurité de ces procédés chimiques et physiques est différente pour
chaque application et doit être étudiée dans chaque cas.
LE TISSAGE ET LE TRICOTAGE
Charles Crocker

Le tissage et le tricotage sont les deux principaux procédés de fabrication des


tissus. Ils s’effectuent aujourd’hui sur des machines automatiques entraînées par
des moteurs électriques. Les tissus obtenus sont destinés à toute une gamme
d’utilisations: vêtements, ameublement, applications industrielles, etc.

Le tissage
Le tissage consiste à entrelacer des fils tendus perpendiculairement les uns aux
autres. C’est la plus ancienne méthode de fabrication des tissus; des métiers
manuels étaient déjà utilisés dans la préhistoire. Le concept fondamental
d’entrecroisement n’a pas changé: les fils de chaîne sont disposés sur un rouleau
de grande taille appelé ensouple dérouleuse, monté à l’arrière de la machine.
L’extrémité des fils de chaîne est enfilée dans un harnais qui permet de lever ou
de baisser les fils de chaîne pour livrer passage à la navette. Le tissage le plus
simple demande deux harnais, mais on utilise parfois jusqu’à six harnais pour des
armures plus compliquées. Les métiers Jacquard sont employés pour fabriquer les
tissus aux motifs les plus décoratifs, et certains dispositifs permettent de tirer
ou de relâcher séparément chaque fil de chaîne. On enfile alors chaque extrémité de
fil sur un peigne (ou ros) aux dents métalliques parallèles et très rapprochées,
porté par la chasse ou battant du métier à tisser. Ce battant est conçu pour se
déplacer en formant un arc autour d’un point d’ancrage central. Les extrémités du
fil de chaîne sont attachées à la bobine enrouleuse, et le tissu vient s’y envider.

La plus ancienne méthode permettant de passer le fil de trame sur toute la largeur
des fils de chaîne est la navette, qui est propulsée librement d’un bord à l’autre
du métier et dévide le fil de trame placé sur une petite bobine qui se trouve à
l’intérieur. Une technique récente et plus rapide, illustrée à figure 89.9, appelée
tissage sans navette, fait appel soit à un jet fluide (air ou eau), soit à de
petits projectiles glissant sur une tringle mobile, soit encore à de petits
dispositifs en forme d’épée appelés lances ou rapières pour transférer le fil de
trame.

Figure 89.9 Machines à tisser à jet d'air


Figure 89.9

Le personnel employé dans ce secteur d’activité occupe généralement quatre types de


fonctions:

Les opérateurs de machines, appelés tisserands, qui parcourent la zone de


production dont ils sont responsables et qui contrôlent les opérations de
production, corrigent certains dysfonctionnements, par exemple en cas de rupture de
fils, et relancent les machines qui se sont arrêtées.
Les mécaniciens qui montent, règlent et réparent les machines à tisser.
Les manutentionnaires qui transportent et chargent les matières premières (fils de
chaîne et de trame) sur les métiers à tisser et récupèrent et déplacent les
produits finis (rouleaux de tissu).
Les travailleurs chargés du nettoyage, du graissage des machines, de la
maintenance, etc.
Les risques d’accidents
Le tissage ne présente que des risques limités pour la sécurité des travailleurs.
Il en existe pourtant un certain nombre qui appellent des mesures appropriées.

Les chutes
Les sols encombrés (pièces de machines, etc.) ou glissants (flaques d’huile, de
graisse ou d’eau) peuvent provoquer des chutes. Le maintien de l’ordre et de la
propreté revêt une importance particulière dans les ateliers de tissage: un grand
nombre de travailleurs de production passent la plus grande partie de leur journée
à parcourir leur lieu de travail, en gardant les yeux fixés sur les opérations en
cours et sans voir les objets qui peuvent se trouver sur le sol.

Les machines
Les dispositifs de transmission et la plupart des autres points de pincement sont
généralement protégés. En revanche, le ros, les harnais et d’autres parties des
machines auxquelles les tisserands doivent souvent accéder ne le sont que
partiellement. Un espace de travail et de passage suffisant devrait être aménagé
autour des machines; l’observation de bonnes pratiques de travail peut, en outre,
aider les travailleurs à éviter les risques qu’entraîne la marche des installations
de production. Dans le tissage à navette, des capots de protection montés sur le
ros permettent d’éviter que la navette ne soit éjectée ou de la rabattre en lui
conférant une trajectoire descendante. Le verrouillage, le blocage mécanique, etc.,
sont également nécessaires pour empêcher une mise en marche intempestive lorsqu’un
mécanicien ou d’autres travailleurs interviennent sur des machines à l’arrêt.

Les manutentions
Celles-ci comprennent le soulèvement et le déplacement de lourds cylindres d’appel,
d’ensouples d’enroulement, d’ensouples dérouleuses, etc. Des chariots à bras aident
à décharger, à faire la levée des petits rouleaux de tissu et à les transporter et
limitent le risque de lésions musculaires. Des chariots électriques sont parfois
utilisés pour procéder au levage des grands rouleaux de tissu placés à l’avant de
la machine. Des chariots hydrauliques, à commande mécanique ou manuelle, permettent
de déplacer des ensouples dérouleuses qui peuvent peser plusieurs centaines de
kilogrammes. Les manutentionnaires devraient porter des chaussures de sécurité.

Les incendies et les combustions


Le tissage génère une quantité considérable de peluche, de poussières et de fibres
en suspension qui peuvent présenter des risques d’incendie si les fibres sont
combustibles. Parmi les mesures préventives, on peut mentionner des systèmes
permettant de recueillir la poussière (placés sous les machines dans les
installations modernes), un nettoyage régulier des machines par le personnel de
service et l’utilisation de matériel électrique conçu pour éviter les étincelles
(par exemple, classe III, division 1, emplacements dangereux).

Les risques pour la santé


Dans les ateliers de tissage modernes, les risques pour la santé se limitent
généralement aux pertes auditives induites par le bruit et aux affections
respiratoires liées à certains types de fibres utilisés dans les fils.

Le bruit
La plupart des métiers à tisser, souvent nombreux dans un atelier de production
classique, produisent des niveaux de bruit généralement supérieurs à 90 dBA. Dans
certains ateliers de tissage à navette ou de tissage extrêmement rapide sans
navette, ces niveaux peuvent même dépasser 100 dBA. La plupart du temps, les
travailleurs occupés dans ce secteur d’activité devraient porter des appareils de
protection de l’ouïe appropriés et être soumis à un programme de surveillance de
leur acuité auditive.

Les poussières de fibres


Des affections pulmonaires (byssinose) ont longtemps été associées aux poussières
engendrées par le traitement du coton brut et des fibres de lin; elles sont
examinées plus loin dans le présent chapitre ainsi que dans le chapitre no 10,
«L’appareil respiratoire», de l’Encyclopédie . Dans les installations modernes, des
systèmes de nettoyage par ventilation et filtration d’air, avec des points de
collecte des poussières situés au-dessous des machines à tisser et en d’autres
points des ateliers de tissage, permettent généralement de maintenir les
concentrations de poussières à un niveau inférieur aux limites admissibles, c’est-
à-dire 750 µg/m3 d’air dans le cas de la norme de l’Administration de la sécurité
et de la santé au travail (Occupational Safety and Health Administration (OSHA))
relative aux poussières de coton. De plus, une protection respiratoire devrait être
utilisée lors des opérations de nettoyage. Un suivi médical devrait permettre
d’identifier les travailleurs particulièrement sensibles aux effets de ces
poussières.

Le tricotage mécanique *
* Les articles tricotés à la main constituent un important secteur artisanal. Les
données relatives aux effectifs des travailleurs occupés, en général des femmes,
sont notoirement insuffisantes. Le lecteur est renvoyé au chapitre no 96, «Les
arts, les loisirs et les spectacles», pour un apreçu des risques pour la santé que
cette activité fait encourir.

Le procédé de tricotage mécanique consiste à entrelacer des mailles de fil sur des
machines automatiques (voir figure 89.10). Ces machines se composent de rangées de
petites aiguilles à crochets permettant de faire passer les mailles nouvellement
formées à travers des mailles déjà formées. Les aiguilles à crochets présentent un
enclenchement original qui verrouille le crochet, ce qui permet de tirer facilement
la maille, puis s’ouvre pour permettre à la maille de descendre. Sur les
tricoteuses mécaniques circulaires, les aiguilles sont disposées en cercle, et le
tricot produit sort de la machine sous forme tubulaire et s’enroule autour d’une
envideuse. Les métiers à tricoter rectilignes et les métiers à chaîne, quant à eux,
présentent une rangée rectiligne d’aiguilles; le tricot sort à plat de la machine
et vient s’enrouler sur la bobine envideuse. Les métiers à tricoter circulaires et
les métiers à tricoter rectilignes sont généralement alimentés par des cônes de
fil, tandis que les métiers à chaîne le sont par des ensouples semblables à celles
utilisées dans le tissage, mais de plus petite taille.

Figure 89.10 Tricoteuse mécanique circulaire


Figure 89.10

Dans ce secteur d’activité, les travailleurs peuvent occuper le même type de


fonctions que dans le tissage. Le nom donné à ces fonctions correspond à celui de
la tâche qu’ils exécutent.

Les risques d’accidents


Dans les ateliers de tricotage, les risques d’accidents sont semblables à ceux des
ateliers de tissage, mais généralement moindres. Les taches d’huile sur le sol sont
cependant plutôt fréquentes dans les ateliers de tricotage, en raison du graissage
fréquent des aiguilles. Les risques de se faire happer par une machine sont, par
contre, moins importants, car il n’existe pas autant de points de pincement sur ces
machines que sur les métiers à tisser et qu’une grande partie des machines se
prêtent à l’encoffrage. Des dispositifs de verrouillage de l’alimentation
électrique sont indispensables.

Manœuvrer l’enrouleur du tissu présente malgré tout un risque d’entorse ou de


foulure pour l’opérateur, qui ne rencontre cependant pas les mêmes risques que le
travailleur appelé à manœuvrer les lourdes ensouples, sauf dans les métiers à
chaîne. Les mesures de prévention sont identiques à celles qui sont préconisées
pour le tissage. Les concentrations de peluches, de fibres en suspension et de
poussières produites par les tricoteuses sont loin d’atteindre celles du tissage,
mais il convient de surveiller les niveaux d’huile et d’essence des machines. Les
mesures de sécurité sont les mêmes que dans les ateliers de tissage.

Les risques pour la santé


Les risques pour la santé sont aussi généralement moindres dans ce secteur que dans
les ateliers de tissage. Les niveaux sonores vont en général de 85 à 95 dBA. Les
affections respiratoires ne semblent pas très fréquentes chez les travailleurs qui
traitent le coton brut et le lin, et les normes imposées pour ces matières
premières ne s’appliquent souvent pas au tricotage.

LES TAPIS MÉCANIQUES


The Carpet and Rug Institute

Les tapis tissés ou noués à la main sont apparus en Perse plusieurs siècles avant
J.-C. Aux Etats-Unis, la première manufacture de tapis tissés a été construite à
Philadelphie en 1791. En 1839, l’industrie s’est complètement transformée
lorsqu’une force motrice fut, pour la première fois, appliquée au tissage des tapis
par Erastus Bigelow. Dans les ateliers modernes, la plupart des tapis se font à la
machine, en utilisant l’un ou l’autre des deux procédés de confection mécanique, le
tuftage et le tissage.

Les tapis tuftés ou touffetés sont aujourd’hui les plus répandus. Aux Etats-Unis,
par exemple, près de 96% des tapis produits sont tuftés, procédé emprunté à la
manufacture de dessus de lit tuftés située en Géorgie. Les tapis tuftés sont
confectionnés en faisant passer une fibre de poil dans un dossier prétissé
(généralement en polypropylène), puis en y fixant un second dossier présentant un
enduit à base de latex qui maintient les fils en place et réunit les deux dossiers
pour rendre le tapis plus stable.

La confection du tapis
Le tuftage mécanique
La machine à tufter comprend des centaines d’aiguilles (jusqu’à 2 400) placées sur
une barre horizontale qui couvre toute la largeur de la machine (voir figure
89.11). Le cantre, constitué de bobines de fil placées sur des râteliers, est
dirigé par des tubes de guidage de faible diamètre vers les aiguilles placées sur
une barre à saccades, ou jerker . Généralement, il existe deux bobinots de fil pour
chaque aiguille. L’extrémité du fil du premier bobinot est réunie avec l’extrémité
du second de façon que, lorsque le fil du premier bobinot est épuisé, le fil soit
fourni par le second sans qu’il soit nécessaire d’arrêter la machine. Chaque
extrémité de fil présente un tube de guidage qui permet d’éviter que les fils ne
s’emmêlent. Les fils passent à travers une série de guides verticaux alignés et
fixes, installés sur le bâti de la machine, et par un guide situé à l’extrémité
d’un bras qui se déploie à partir de la barre à aiguilles mobile de la machine.
Lorsque la barre à aiguilles se déplace vers le haut et vers le bas, le rapport
entre les deux guides se trouve modifié. La figure 89.12 montre les produits tuftés
utilisés pour les tapis à usage domestique.

Figure 89.11 Machine à tufter


Figure 89.11

Figure 89.12 Coupe d'un tapis à usage domestique


Figure 89.12

La barre à saccades, ou jerker , reçoit le fil lâche dévidé pendant la montée des
aiguilles. Les fils sont enfilés sur leurs aiguilles respectives fixées sur la
barre. Les aiguilles se déplacent simultanément à raison de 500 courses à la minute
au moins, avec un mouvement de va-et-vient vertical. Une machine à tufter peut
produire de 1 000 à 2 000 m2 de tapis en huit heures.

Le premier élément du dossier dans lequel les fils sont insérés provient d’un
rouleau placé devant la machine. La vitesse du rouleau commande la longueur du
point et le nombre de points au cm2. Le nombre d’aiguilles au centimètre détermine
la jauge du tissu, 3/16 ou 5/32, par exemple.

Au-dessous de la plaque à aiguilles de la machine à tufter se trouvent des


boucleurs ou des combinaisons de boucleurs et de couteaux qui prélèvent et
retiennent momentanément les fils transportés par les aiguilles. Pour former des
poils bouclés, on a recours à des boucleurs configurés comme des crosses inversées
de hockey dont chaque tressautement éloigne les boucles de poils qu’ils ont formées
à mesure que le dossier se déroule.

Les boucleurs pour poils coupés ont une forme de «C» inversé et une surface
coupante sur le bord supérieur interne du croissant. Ils sont utilisés en
association avec des couteaux qui présentent un tranchant émoussé à une extrémité.
Au fur et à mesure que le dossier avance dans la machine vers les boucleurs pour
poils coupés, les fils prélevés dans les aiguilles sont coupés par cisaillement
entre le boucleur et l’arête tranchante du couteau. Sur les figures 89.13 et 89.14,
on peut voir les touffes sur un dossier et les différents types de boucles.

Figure 89.13 Coupe d'un tapis à usage commercial


Figure 89.13

Figure 89.14 Boucles; poils coupés et boucles; velours, laine de Saxe


Figure 89.14

Le tissage
Le tapis tissé est constitué d’un fil velours tissé en même temps que les fils de
chaîne et de trame qui forment l’intégralité du dossier. Les fils du dossier sont
généralement en jute, en coton ou en polypropylène. Le fil velours peut être en
laine, en coton ou en fibres synthétiques comme le nylon, le polyester, le
polypropylène, l’acrylique, etc. Un enduit est appliqué sur l’envers pour
stabiliser le tapis; un second dossier n’est pas nécessaire et n’est que rarement
ajouté. Parmi les variantes du tapis tissé, on peut noter le tapis velours, le
Wilton et le tapis Axminster.

Il existe d’autres méthodes de confection des tapis — tapis tricotés, aiguilletés,


liés par fusion —, mais ces méthodes sont moins utilisées et concernent des
produits et des marchés spécifiques.

La production des fibres et des fils


Les tapis sont confectionnés principalement avec des fils synthétiques — nylon,
polypropylène (oléfine) et polyester — et, acces-soirement, avec des fils
d’acrylique, de laine, de coton et des mélanges de ces différents fils. Dans les
années soixante, l’usage des fibres synthétiques s’est généralisé parce qu’elles
permettent d’obtenir un produit de qualité et de longue durée à un prix
raisonnable.

Les fils synthétiques sont obtenus par extrusion d’un polymère fondu injecté à
travers les très petits orifices d’une plaque métallique, ou filière. On ajoute
parfois au polymère fondu des additifs pour obtenir des teintures dans la masse ou
des fibres moins transparentes, plus blanches et plus durables, ou encore d’autres
propriétés particulières. A la sortie de la filière, les filaments sont refroidis,
étirés et texturés.

Les fibres synthétiques peuvent être extrudées sous différentes formes et en


différentes sections — rondes, à trois lobes, à cinq lobes, à huit lobes ou carrées
— suivant la configuration et la forme des orifices de la filière. Ces diverses
sections déterminent de nombreuses propriétés du tapis (lustre, volume, texture
résistance aux salissures, etc.).

Après extrusion, les fibres font l’objet de traitements comme l’étirage et le


recuit (chauffage-refroidissement) qui augmentent leur résistance à la traction et
améliorent l’ensemble de leurs propriétés physiques. Le faisceau de filaments fait
ensuite l’objet d’un traitement de frisage ou de texturage, ce qui confère aux
filaments droits une configuration en vrilles, en spirales ou en dents de scie.
Le fil peut être produit soit sous forme de brin soit sous forme de filament
continu gonflant. Ce dernier est constitué de fils continus de fibre synthétique
formant faisceaux. Le fil extrudé s’obtient en enroulant directement sur des
bobines de renvidage le nombre de filaments correspondant au nombre de deniers que
l’on souhaite obtenir.

Les fibres en brins sont transformées en fils filés par les procédés classiques de
filage des textiles. Pour obtenir des fibres en brin, on extrude de gros faisceaux
de fibres appelés «câbles de filature». Après frisage, le câble est coupé en fibres
de 10 à 20 cm de longueur. Trois étapes importantes interviennent dans la
préparation — mélangeage, cardage et étirage — avant le filage. Le mélangeage
associe des balles de fibres en brins afin que les fibres s’entremêlent et que le
fil ne se divise pas au cours des opérations ultérieures de teinture. Le cardage
redresse les fibres et les configure en rubans. L’étirage a trois fonctions
principales: il mélange les fibres, les dispose en parallèle et diminue le poids
par unité de longueur de l’ensemble du faisceau de fibre, ce qui facilite le filage
au stade final.

Après le filage, qui étire le ruban jusqu’à la taille désirée, le fil est formé en
torons et retordu pour obtenir différents effets. Il est ensuite enroulé sur des
cônes pour être préparé en vue du thermofixage et du retordage.

Les techniques de coloration


Les fibres synthétiques revêtant diverses formes, elles retiennent différemment la
teinture et ne réagissent pas non plus de la même façon aux colorants. On peut
traiter et modifier des fibres du même type de façon à modifier leur affinité pour
certains colorants; on obtient ainsi un effet bicolore ou multicolore.

L’opération de coloration des tapis peut être effectuée à deux stades de la


fabrication: on peut teindre la fibre ou le fil avant même que le tissu soit tufté
(teinture préalable), ou teindre le tissu tufté (teinture ultérieure des produits
écrus) avant l’application du second dossier et les opérations de finissage. Les
méthodes de teinture préalable comprennent la teinture dans la masse, la teinture
en bourre et la teinture sur fil. Les méthodes de teinture ultérieure des produits
écrus comprennent: la teinture de la pièce, l’application du colorant à partir d’un
bain de teinture sur le tapis non fini; la teinture en bac à tourniquet, qui traite
des lots de produits écrus d’environ 150 m de long; la teinture en continu, qui
consiste à teindre des quantités pratiquement illimitées à l’aide d’un appareil
fixe injectant de la teinture sur toute la largeur d’un tapis progressivement
déroulé sous le dispositif d’application. L’impression des tapis se fait à l’aide
d’un matériel qui est sensiblement le même que le matériel d’impression des
textiles, mais en plus grand. On utilise des machines d’impression à cadre plat ou
au rouleau.

Le finissage des tapis


Le finissage des tapis répond à trois objectifs: ancrer chaque touffe dans le
dossier, fixer le dossier tufté à un second dossier, tondre et nettoyer les poils
pour donner à la surface une belle apparence. Le fait d’ajouter un second dossier,
en polypropylène tissé, en jute ou en matelassé, par exemple, permet de stabiliser
les dimensions du tapis.

On enduit tout d’abord l’envers du tapis, généralement avec un rouleau tournant


dans un mélange de latex synthétique étalé au moyen d’une racle (ou docteur). Le
latex est une solution visqueuse, dont la viscosité dynamique est généralement de 8
000 à 15 000 centipoises; on utilise normalement de 750 à 950 g de latex par mètre
carré.

Un second dossier est délicatement placé sur l’enduit de latex. On presse alors les
deux dossiers l’un contre l’autre entre deux cylindres de liaison. L’ensemble,
maintenu bien à plat et sans pli, passe ensuite dans un long four qui mesure
généralement de 24 à 49 m de long, dans lequel s’effectuent le séchage et la
polymérisation dans trois zones de température échelonnées entre 115 et 150 °C, et
cela pendant 2 à 5 minutes. Le séchage du tapis demande un taux élevé
d’évaporation, obtenu en soufflant de l’air chaud vers des zones dans lesquelles la
chaleur est strictement contrôlée.

On tond le tapis légèrement en surface pour le débarrasser du duvet qui aurait pu


se former sur les extrémités des fibres pendant les opérations de teinture et de
finissage. La tondeuse est une machine qui brosse énergiquement les poils du tapis
pour les redresser et les uniformiser; une série de lames rotatives coupent
l’extrémité des fibres à la hauteur voulue. Deux ou quatre lames opèrent en tandem.
La machine à double tondage présente un double jeu de brosses dures en nylon ou en
soies de sanglier et deux têtes par unité, utilisées en tandem. Le tapis est
soigneusement inspecté, emballé et entreposé, ou découpé, emballé et expédié.

Les mesures de sécurité et de santé dans les ateliers de confection de tapis


L’adoption, la mise en application et le suivi de mesures de sécurité adéquates est
la règle dans les ateliers modernes ainsi que, le cas échéant, le démarrage rapide
et la conduite d’enquêtes approfondie lors d’un d’accident. L’encoffrement des
machines a permis de renforcer la sécurité. Une maintenance de qualité est jugée
essentielle tant pour améliorer la qualité et la productivité que pour protéger les
travailleurs.

Le personnel devrait être familiarisé avec les installations électriques et les


pratiques permettant d’éviter les accidents pouvant résulter d’une mise en marche
intempestive des machines. Il devrait également savoir distinguer les pièces sous
tension des autres pièces de l’équipement électrique, déterminer la tension
nominale des pièces exposées et sous tension et connaître les distances de sécurité
nécessaires en fonction des tensions correspondantes. Lorsque des machines sont
mises à l’arrêt et que l’alimentation électrique est verrouillée, les travailleurs
doivent être informés qu’il leur est interdit de les remettre en marche ou de les
remettre sous tension.

Les matériels anciens encore en usage devraient être fréquemment inspectés et les
pièces déformées remplacées si besoin est. Les arbres de transmission, les
courroies trapézoïdales, les mécanismes d’entraînement à poulie, à chaîne et à
pignons, les treuils et les appareils de levage devraient être régulièrement
inspectés et des dispositifs de protection installés là où ils sont nécessaires.

Dans les ateliers, on utilise des chariots porte-bobines que l’on pousse à la main
pour déplacer la matière première; étant donné que des résidus de la production du
fil s’accumulent sur le sol, il convient de nettoyer les roues de ces chariots pour
éviter qu’elles ne se bloquent.

Les travailleurs devraient connaître les risques que présente la mise en œuvre
d’air comprimé, qui est d’un usage courant dans les opérations de nettoyage.

Des chariots élévateurs à fourche, électriques ou au propane, sont largement


utilisés dans la fabrication de tapis et dans les entrepôts. Il est
particulièrement important d’en assurer un bon entretien et de procéder avec
prudence lorsqu’on fait le plein de carburant ou que l’on change une batterie. Ces
chariots à fourche étant employés dans des locaux où d’autres personnes
travaillent, différentes précautions s’imposent: passages exclusivement réservés
aux travailleurs et auxquels les chariots n’ont pas accès, signaux provisoires
lorsque des personnes doivent travailler dans des zones de fort passage des
chariots à fourche, accès aux entrepôts et au quai d’expédition réservé aux
opérateurs de chariots à fourche et au personnel chargé de l’expédition,
aménagement d’une circulation à sens unique, etc.
Une révision de la conception des machines visant à limiter les mouvements
répétitifs devrait contribuer à réduire le nombre de lésions dues à ces mouvements.
On devrait également encourager les travailleurs à pratiquer régulièrement des
exercices simples des mains et des poignets, leur ménager des pauses suffisantes et
procéder à de fréquentes rotations.

On peut limiter les troubles musculo-squelettiques résultant du soulèvement et du


port des charges en faisant appel à des engins mécaniques, à des chariots à bras et
à des chariots mécaniques, en disposant les matières premières sur des plates-
formes ou des tables et, si possible, en facilitant leur manutention par la
réduction de leurs dimensions, de leur volume et de leur poids. Une formation aux
techniques correctes de soulèvement des charges et des exercices physiques peuvent
aussi s’avérer utiles, notamment chez les ouvriers reprenant le travail après un
arrêt dû à des dorsalgies.

Il est conseillé de mettre au point un programme de protection de l’ouïe pour


éviter les troubles résultant des niveaux élevés de bruit que l’on rencontre dans
certains ateliers. Des contrôles du niveau sonore des machines permettront de
déterminer les zones dans lesquelles les moyens de prévention technique ne sont pas
suffisamment efficaces et dans lesquelles les travailleurs devraient porter un
équipement de protection individuelle et être soumis chaque année à un test
audiométrique.

Les ateliers devraient se conformer aux normes modernes d’extraction des peluches
et des poussières et de dissipation de la chaleur.

LES TAPIS TISSÉS ET TUFTÉS À LA MAIN


M.E. Radjabi *

* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de


l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.

Tous les tapis d’Orient sont tissés à la main. Ils sont souvent confectionnés à
domicile; tous les membres de la famille, y compris les très jeunes enfants,
travaillent sur le métier de longues heures pendant la journée et même la nuit. Il
s’agit parfois simplement d’une occupation à temps partiel pour la famille; dans
certaines régions, la confection des tapis n’est plus effectuée à domicile, mais
s’est déplacée vers des manufactures dont la taille demeure généralement modeste.

Les opérations
Les opérations associées à la confection des tapis comprennent la préparation du
fil — qui consiste à tirer la laine et à la classer en diverses variétés, à la
laver, à la filer et à la teindre —, le dessin du motif du tapis et le tissage
proprement dit.

La préparation du fil
Parfois, le fil est déjà façonné et teint lorsqu’il parvient aux ateliers de
tissage. Dans d’autres cas, la fibre brute, le plus souvent de laine, est préparée,
filée et teinte sur place. La première opération, généralement effectuée par des
femmes assises à même le sol, consiste à classer la matière première par variété.
Ensuite, la laine est lavée et filée à la main. La teinture se fait habituellement
dans des récipients ouverts, et l’on emploie principalement des colorants à base
d’aniline ou d’alizarine; les colorants naturels ne sont plus guère utilisés.

Le dessin et le tissage
Dans la fabrication familiale ou «tribale», les motifs sont traditionnels et il
n’est pas nécessaire d’en inventer de nouveaux; toutefois, dans une entreprise
employant un certain nombre de travailleurs, un dessinateur trace des ébauches
qu’il transpose sur du papier quadrillé, dont chaque case représente un point; le
tisseur peut ainsi s’assurer du nombre et de la disposition des nœuds.

Le métier se compose le plus souvent de deux cylindres de bois horizontaux fixés


sur des montants. L’un des cylindres est situé à une distance de 10 à 30 cm au-
dessus du sol, l’autre à environ 3 m; le fil de chaîne est tendu verticalement
entre les deux cylindres. Il n’y a habituellement qu’un seul tisseur par métier
mais, pour les tapis de grandes dimensions, leur nombre peut aller jusqu’à six. Une
fois sur deux, le tisseur est accroupi à même le sol devant le cylindre inférieur.
Parfois, il est assis sur une poutre de bois ou sur une planche horizontale
étroite, que l’on relève au fur et à mesure que le travail avance. Le tisseur doit
nouer de petites longueurs de fil de laine ou de soie autour des fils de chaîne
pris deux à deux, puis passer le fil à la main d’une lisière à l’autre du tapis.
Chaque fil de trame ou duite est étroitement appliqué contre la fibre du tapis au
moyen d’un peigne manœuvré à la main. Les touffes de fil dépassant de la fibre sont
égalisées ou coupées aux ciseaux.

Tandis que le tapis avance, il est souvent enroulé autour du cylindre inférieur,
dont le diamètre augmente. Lorsque le tisseur est accroupi à même le sol, la
position du cylindre inférieur l’empêche d’allonger les jambes et, à mesure que le
diamètre de ce cylindre augmente, le tisseur est repoussé en arrière et doit se
courber de plus en plus en avant pour nouer les fils (voir figure 89.15). Cette
posture peut être évitée lorsque les tisseurs sont assis ou accroupis sur une
poutre que l’on peut relever jusqu’à 4 m au-dessus du sol mais, là encore, ils
n’ont bien souvent pas la place suffisante pour étendre leurs jambes et sont
contraints de demeurer dans une position inconfortable. Dans certains cas,
pourtant, le tisseur peut s’asseoir sur un siège fixe, équipé d’un dossier et d’un
coussin (il s’agit en fait d’une chaise sans pieds qui peut être déplacée
horizontalement le long de la poutre au fur et à mesure que le travail avance). Des
types améliorés de métiers surélevés ont été mis au point; ils permettent au
tisseur d’être assis sur une chaise et de disposer d’une place suffisante pour
étendre ses jambes.

Figure 89.15 Métier ancien – le tisseur est obligé de rester accroupi


Figure 89.15

Dans certaines régions d’Iran, les fils de chaîne sont disposés horizontalement et
le tisseur doit s’installer sur le tapis lui-même, ce qui rend sa tâche encore plus
difficile.

Les risques pour la santé


La confection des tapis, bien souvent encore effectuée à domicile, comporte de
nombreux risques: en effet, les maisons sont pauvres, les pièces sont petites et
surpeuplées, mal éclairées et mal aérées. Le matériel et les méthodes se
transmettent de génération en génération, ne laissant pratiquement aucune place aux
possibilités d’éducation et de formation qui permettraient de rompre avec les
techniques traditionnelles. Les tisseurs sont sujets à des déformations osseuses, à
des troubles oculaires et sont soumis à des risques mécaniques et aux
intoxications.

Les déformations osseuses


La position accroupie que les tisseurs doivent adopter devant les métiers de type
ancien et la nécessité de se courber pour faire les nœuds provoquent à la longue
des déformations importantes. Celles-ci sont souvent aggravées par les carences
nutritionnelles liées à la pauvreté. Si les travailleurs sont ainsi employés dès le
plus jeune âge, leurs membres inférieurs risquent d’être déformés (genu valgum), et
ils peuvent également souffrir d’arthrite déformante du genou. Le rétrécissement du
bassin que l’on observe parfois chez les femmes peut occasionner des accouchements
difficiles, nécessitant souvent une césarienne. Les déformations de la colonne
vertébrale (scolioses et lordoses) sont également très fréquentes.

Les troubles oculaires


Le tisseur doit porter une attention constante au point ou au nœud qu’il est en
train de faire, ce qui peut entraîner une fatigue oculaire considérable, notamment
lorsque l’éclairage est insuffisant. Il faut souligner que, dans certains ateliers
à domicile, l’éclairage électrique demeure inconnu et que l’on utilise encore des
lampes à pétrole ou à huile pour travailler après la tombée du jour. On a observé
des cas de cécité presque complète survenant après seulement douze ans de travail.

Les affections des mains et des doigts


Le fait de nouer constamment les fils et de faire passer avec les doigts les fils
de trame à travers les fils de chaîne provoque une enflure des phalanges, de
l’arthrite et des névralgies qui occasionnent des déformations permanentes.

Le stress
L’extrême précision de ce travail, qui demande une grande dextérité et une
attention constante pendant de longues heures, provoque parfois des troubles
nerveux et un stress que ne peuvent qu’aggraver l’exploitation des travailleurs et
une discipline très dure. Les enfants se voient souvent «voler leur enfance», et
les adultes, qui manquent généralement des contacts sociaux indispensables à un bon
équilibre affectif, peuvent développer des maladies nerveuses qui se traduisent par
des tremblements des mains (susceptibles de diminuer leur rendement) et, parfois,
des troubles mentaux.

Les risques mécaniques


Ils sont pratiquement inexistants, étant donné qu’aucune machine à moteur n’est
utilisée. Si les métiers ne sont pas convenablement entretenus, le système de
levier qui permet de régler la tension de la chaîne risque de se rompre et de
heurter le tisseur. Ce risque peut être prévenu par la mise en place d’un
dispositif de tension à engrenage.

Les risques chimiques


Les colorants utilisés, surtout lorsqu’ils sont employés avec du bichromate de
potassium ou de sodium, peuvent provoquer des infections cutanées et des
dermatoses. L’emploi d’ammoniaque, d’acides puissants et d’alcalis présente
également un danger. Les dessinateurs se servent parfois de pigments au plomb et
l’on a observé chez eux des cas de saturnisme, car ils ont l’habitude de sucer
l’extrémité du pinceau pour en lisser les poils; les pigments au plomb devraient
être remplacés par d’autres, non toxiques.

Les risques biologiques


Les germes infectieux contenus dans la laine brute provenant de régions dans
lesquelles le bacille est endémique peuvent provoquer le charbon. Les autorités
locales compétentes veilleront à ce que la laine soit convenablement stérilisée
avant d’être livrée aux ateliers et aux fabriques.

Les mesures préventives


Les opérations de tri des matières premières telles que la laine, le poil de
chameau ou de chèvre, etc. devraient s’effectuer au-dessus d’une grille métallique
pourvue d’un dispositif d’aspiration permettant de capter toutes les poussières et
de les évacuer vers un collecteur situé à l’extérieur.

Les locaux dans lesquels on procède au lavage et à la teinture de la laine


devraient être convenablement ventilés, et des gants de caoutchouc et des tabliers
imperméables fournis au personnel chargé de ces opérations. Tous les déchets
liquides devraient être neutralisés avant d’être rejetés dans les cours d’eau ou
les égouts.
Un bon éclairage est indispensable dans les locaux de dessin et de tissage.
L’éclairage pose problème lorsqu’il n’y a pas d’électricité et que le travail se
poursuit après la tombée du jour.

L’amélioration la plus importante consisterait à surélever le rouleau inférieur du


métier. Les tisseurs n’auraient plus à s’accroupir à même le sol de façon
inconfortable et antihygiénique et pourraient s’asseoir sur un bon siège. Cet
aménagement ergonomique permettrait non seulement d’améliorer la santé des
travailleurs, mais également d’accroître leur rendement.

Les ateliers devraient être nettoyés et bien aérés et être revêtus d’un plancher
remplaçant la terre battue. Par temps froid, ils devraient être chauffés. La
manipulation des fils de chaîne est pénible pour les doigts et peut occasionner de
l’arthrite: aussi emploiera-t-on le plus souvent possible des couteaux spéciaux en
forme de crochet pour nouer les fils de chaîne. Des examens médicaux d’embauche et
périodiques sont vivement recommandés pour tous les travailleurs.

Les tapis tuftés à la main


La confection de tapis par nouage du fil à la main est un procédé très lent. Le
nombre de nœuds varie de 2 à 360 par cm2, suivant la qualité du tapis. Un tapis de
grandes dimensions au motif complexe peut demander une année de travail et le
nouage de centaines de milliers de nœuds.

Le tuftage à la main est une autre méthode de confection des tapis. On utilise pour
cela un outil spécial présentant une aiguille dans le chas de laquelle on enfile le
fil. Un calicot sur lequel a été tracé le dessin du tapis est suspendu
verticalement; lorsque le tisseur place l’outil contre le tissu et appuie sur un
bouton, l’aiguille pénètre dans le tissu puis se rétracte, en laissant sur l’envers
une boucle de fil d’environ 10 mm. Il déplace alors horizontalement l’outil de 2 ou
3 mm, en laissant une boucle à la surface du tissu, et appuie à nouveau sur le
bouton pour former une nouvelle boucle sur l’envers. Avec un peu d’habitude, on
peut obtenir en une minute jusqu’à 30 boucles de chaque côté. Selon le dessin, le
tisseur doit s’arrêter de temps à autre pour changer la couleur de fil en fonction
du motif. Lorsque cette opération est achevée, le tapis est descendu et étendu par
terre à l’envers. On applique alors sur l’envers un enduit de caoutchouc, puis un
dossier en toile de jute résistante. On retourne ensuite le tapis sur l’endroit et
les boucles de fil sont égalisées au moyen de ciseaux électriques. Parfois, le
motif du tapis est obtenu en coupant les poils à des hauteurs différentes.

Cette méthode de confection engendre nettement moins de risques que la manufacture


des tapis noués à la main. L’opérateur est généralement assis sur une planche
devant la toile et a suffisamment de place pour étendre ses jambes. On soulève la
planche au fur et à mesure que le travail avance. Pour un plus grand confort, le
tisseur pourrait disposer d’un dossier pour s’appuyer et d’un siège confortable
qu’il déplacerait horizontalement le long de la planche à mesure que le tapis
avance. L’effort visuel est moins grand et les mouvements des doigts ou des mains
ne sont pas susceptibles dans ce cas d’engendrer des affections ou des
déformations.

L’enduit de caoutchouc employé pour ce type de tapis contient généralement un


solvant toxique et inflammable. L’opération de revêtement devrait donc être
effectuée dans un local indépendant, équipé d’un système efficace de ventilation
par extraction, d’au moins deux sorties de secours et dont sont bannies les flammes
nues et les lampes non protégées. Dans ce local, tous les interrupteurs et les
équipements électriques devraient être conformes aux normes imposées pour les
matériels antidéflagrants. On ne conservera dans ce local que la quantité minimale
d’enduits inflammables et des extincteurs seront prévus. Un local ignifugé
d’entreposage des solutions inflammables ne devrait pas être situé à l’intérieur
d’un bâtiment occupé.
La législation
Dans la plupart des pays, les dispositions d’ordre général relatives aux
établissements industriels fixent les conditions de sécurité et de santé. Parfois,
pourtant, elles ne s’appliquent pas aux entreprises familiales ou au travail à
domicile et sont difficiles à mettre en œuvre dans les petites entreprises isolées
qui emploient néanmoins de nombreux travailleurs. Cette branche d’activité est
connue pour l’exploitation de la main-d’œuvre et le travail des enfants, bien
souvent au mépris de toutes les réglementations en vigueur. On peut espérer que le
mouvement qui se fait jour dans le monde entier (depuis le milieu des années
quatre-vingt-dix) parmi les acheteurs de tapis tissés ou tuftés à la main, et qui
préconise le boycott des produits issus d’un travail au noir ou confectionnés par
des travailleurs exploités, permettra de mettre fin à cette situation.

LES TROUBLES RESPIRATOIRES ET LES AUTRES MALADIES OBSERVÉS DANS L’INDUSTRIE TEXTILE
E. Neil Schachter

Il y a près de 300 ans que l’on parle des risques liés au travail dans l’industrie
textile. Au début du XVIIIe siècle, Ramazzini, 1713 [1964] décrivait déjà une forme
particulière d’asthme chez les cardeurs de lin et de chanvre. Il évoquait les
poussières malodorantes et toxiques qui provoquaient une toux incessante finissant
par évoluer en affection asthmatique. Ce type de symptôme est effectivement apparu
dès les débuts de l’industrie textile, comme le montrent les études physiologiques
de Bouhuys et coll. (1973) à Philipsburg Manor (recherches sur l’implantation dans
les premières colonies néerlandaises de North Tarrytown, New York, Etats-Unis).
Pendant tout le XIXe siècle et au début du XXe siècle, de nombreux auteurs ont
décrit de plus en plus souvent les manifestations respiratoires des maladies
professionnelles observées dans les usines textiles. Ces pathologies ont cependant
été souvent ignorées, aux Etats-Unis, jusqu’au milieu du XXe siècle où les enquêtes
menées sous la direction de Richard Schilling (1981) ont indiqué que, malgré les
dénis de l’industrie et du gouvernement, la byssinose était bien une réalité
(American Textile Reporter, 1969; Britten, Bloomfield et Goddard, 1933; Department
of Labor (DOL), 1945). De nombreuses études ultérieures ont montré que les
travailleurs du textile souffrent de leur milieu de travail dans toutes les régions
du monde.

Historique des syndromes cliniques observés dans l’industrie textile


Le travail dans l’industrie textile est associé à de nombreux symptômes
respiratoires, dont les plus fréquents et les plus caractéristiques sont, de loin,
ceux de la byssinose. Comme on peut le lire dans le chapitre no 10, «L’appareil
respiratoire», de la présente Encyclopédie, de nombreuses fibres végétales, mais
pas toutes, peuvent être à l’origine d’une byssinose chez les personnes occupées à
leur transformation en produits textiles. Cette maladie se caractérise
principalement par sa relation temporelle avec la semaine de travail. Typiquement,
après quelques années passées dans cette branche, le travailleur décrit une
sensation de constriction thoracique qui débute le premier jour de travail de la
semaine. Ce symptôme disparaît dans la soirée et aucune gêne n’est plus ressentie
jusqu’au lundi suivant. Cette dyspnée du lundi peut subsister telle quelle pendant
plusieurs années, mais aussi progresser, les symptômes étant alors ressentis les
autres jours, voire pendant toute la semaine de travail. Au stade final, la maladie
se manifeste aussi pendant les jours de congé et les vacances. Lorsque les
symptômes deviennent permanents, la dyspnée est décrite comme dépendant de l’effort
physique. A ce stade, une toux non productive peut être présente. Les symptômes du
lundi s’accompagnent d’une réduction de la fonction pulmonaire par rapport à la
valeur de référence, qui peut aussi être constatée les autres jours, même en
l’absence de symptômes, bien que les modifications physiologiques ne soient pas
aussi marquées (Bouhuys, 1974; Schilling, 1956). La fonction pulmonaire basale
(enregistrée le lundi avant la reprise du travail) se détériore au fur et à mesure
de l’évolution de la maladie. Les modifications respiratoires et physiologiques
caractéristiques observées chez les personnes atteintes de byssinose ont été
codifiées selon différents stades (voir tableau 89.2) qui servent actuellement de
référence à la plupart des études cliniques et épidémiologiques. Des symptômes
autres que la constriction thoracique, notamment la toux et la bronchite, sont
fréquents chez les travailleurs de l’industrie textile. Il s’agit probablement de
variantes dues à l’irritation des voies aériennes provoquée par l’inhalation de
poussières.

Tableau 89.2 Stades de la byssinose


Stade 0

Absence de troubles, de constriction thoracique et de toux

Stade 1/2

Constriction thoracique ou toux occasionnelle le premier jour de travail de la


semaine

Stade 1

Constriction thoracique systématique le premier jour de travail de la semaine

Stade 2

Constriction thoracique systématique le premier jour de travail de la semaine et


certains autres jours

Stade 3

Symptômes de stade 2, accompagnés d’incapacité permanente due à une détérioration


de la fonction respiratoire

Source: Bouhuys, 1974.

Il n’existe malheureusement à ce jour aucun test simple pour confirmer un


diagnostic de byssinose. Celui-ci doit être posé sur la base des signes physiques
et fonctionnels présentés par le sujet et des connaissances du médecin quant au
contexte clinique et industriel susceptible de favoriser cette pathologie. Bien
qu’elles ne soient pas toujours spécifiques, les données sur la fonction
respiratoire peuvent être très utiles pour poser le diagnostic et déterminer la
gravité des troubles.

Outre la byssinose classique, les travailleurs du textile peuvent être victimes de


plusieurs autres syndromes, en général accompagnés de fièvre et non liés au premier
jour de la semaine de travail.

La fièvre du coton (appelée aussi fièvre du chanvre): la maladie se caractérise par


de la fièvre, de la toux, des frissons et une rhinite apparaissant lors du premier
contact avec l’atelier ou lors de la reprise du travail après une absence
prolongée. La constriction thoracique ne paraît pas associée à ce syndrome. La
fréquence des observations est très variable, allant de 5% du personnel (Schilling,
1956) à la majeure partie des effectifs (Uragoda, 1977; Doig, 1949; Harris et
coll., 1972). En principe, les symptômes régressent au bout de quelques jours, même
si le sujet reste dans l’atelier. Le mécanisme pathogène a été imputé à une
endotoxine présente dans des débris végétaux. Cette pathologie a été mise en
relation avec une entité couramment décrite aujourd’hui dans les branches
d’activité mettant en œuvre des matières organiques, le syndrome toxique dû aux
poussières organiques, examiné dans le chapitre no 10, «L’appareil respiratoire».
La toux des tisserands est avant tout un état asthmatique typiquement accompagné de
fièvre, qui survient aussi bien chez les nouveaux travailleurs que chez les
anciens. Contrairement à la fièvre du coton, les symptômes peuvent persister
pendant des mois. Le syndrome a été associé à des produits utilisés pour traiter le
fil, tels que la poudre de graines de tamarin (Murray, Dingwall-Fordyce et Lane,
1957) et la gomme de caroube (Vigliani, Parmeggiani et Sassi, 1954).

Le troisième syndrome autre que la byssinose associé à la fabrication des textiles


est la fièvre du matelassier (Neal, Schneiter et Caminita, 1942). Ce terme fait
référence au contexte dans lequel la maladie a été décrite, se caractérisant par un
épisode aigu de fièvre et d’autres symptômes constitutionnels, dont des troubles
digestifs et une gêne rétrosternale chez des travailleurs manipulant du coton de
basse qualité. Ces troubles ont été attribués à la contamination du coton par
Aerobacter cloacae.

En général, ces syndromes fébriles sont considérés comme cliniquement distincts de


la byssinose. Dans des études effectuées par Schilling (1956), sur 528 travailleurs
du coton, 38 avaient des antécédents de fièvre du coton. La prévalence de cette
pathologie chez les travailleurs atteints de byssinose classique était de 10%
(14/134), contre 6% (24/394) parmi les personnes indemnes de cette maladie. Les
différences observées n’étaient pas statistiquement significatives.

La bronchite chronique, telle que définie d’après les antécédents médicaux, est
très fréquente chez les travailleurs du textile et, notamment, chez les non-
fumeurs. Cette observation n’est pas étonnante puisque la caractéristique
histologique dominante de la bronchite chronique est une hyperplasie des glandes
muqueuses (Edwards et coll., 1975; Moran, 1983). La symptomatologie de la bronchite
chronique doit être soigneusement distinguée des symptômes de la byssinose
classique, bien que les troubles se recoupent souvent et qu’il existe probablement
dans ce contexte différentes manifestations physiopathologiques de la même
inflammation des voies respiratoires.

Les études pathologiques des travailleurs du textile sont peu nombreuses. Les
observations montrent toutefois que les grandes voies aériennes sont
systématiquement impliquées (Edwards et coll., 1975; Rooke, 1981a; Moran, 1983),
sans que l’on ne relève aucun signe de destruction du parenchyme pulmonaire
(emphysème) (Moran, 1983).

L’évolution clinique de la byssinose


Une maladie aiguë ou chronique?
Le système de classification présenté au tableau 89.2 correspond à une progression
allant des symptômes du lundi à une affection respiratoire chronique et
pratiquement irréversible chez les sujets atteints de byssinose. Les résultats des
études transversales, dont la première a été conduite dans le Lancashire (Royaume-
Uni), dans des ateliers de traitement du coton, ont démontré le caractère évolutif
de la maladie, avec des formes de byssinose dont la sévérité était liée à
l’ancienneté de l’exposition (Schilling, 1956). Des résultats similaires ont été
mis en évidence par d’autres enquêtes (Molyneux et Tombleson, 1970). L’évolution de
la maladie peut aussi survenir assez rapidement après l’embauche, c’est-à-dire dès
les premières années (Mustafa, Bos et Lakha, 1979).

Les études transversales ont également montré que d’autres symptômes et syndromes
respiratoires chroniques, tels que sifflement ou bronchite chronique, sont aussi
beaucoup plus fréquents chez les personnes qui ont travaillé longtemps dans
l’industrie cotonnière qu’au sein d’une population témoin comparable (Bouhuys et
coll., 1977; Bouhuys, Beck et Schoenberg, 1979). La fréquence des cas de bronchite
chronique était systématiquement plus élevée chez les travailleurs du coton que
dans les populations témoins, même après ajustement tenant compte du sexe et du
tabagisme. Dans la byssinose de stade 3, outre la symptomatologie, les sujets
présentent des modifications de la fonction respiratoire. Apparue dans les études
transversales portant sur des travailleurs du textile, l’association entre la
détérioration de la fonction respiratoire et les stades les plus avancés de la
byssinose tend à mettre en évidence le caractère évolutif de la maladie du stade 1
vers le stade 3. Plusieurs de ces études transversales indiquent en outre que la
diminution de la fonction pulmonaire au cours de la semaine de travail par rapport
à la valeur de référence (corrélée à la constriction thoracique aiguë) est associée
à une évolution chronique irréversible.

Dans une étude de Roach et Schilling (1960), l’existence d’une relation dose-
réponse dans la symptomatologie aiguë confirme la relation entre pathologies aiguës
et chroniques chez les travailleurs de l’industrie textile. Ces auteurs ont observé
une relation linéaire très marquée entre la réponse biologique et les
concentrations de poussières sur le lieu de travail. D’après leurs observations, la
limite de sécurité applicable à l’exposition à des poussières macroscopiques se
situe à 1 mg/m3. Cette valeur a été adoptée ultérieurement par la Conférence
américaine des hygiénistes gouvernementaux du travail (American Conference of
Governmental Industrial Hygien-ists (ACGIH)) et, jusqu’à la fin des années
soixante-dix, elle est restée en vigueur aux Etats-Unis pour les poussières de
coton. Des observations rapportées par la suite ont démontré que les poussières
fines (< 7 µm) étaient responsables de pratiquement tous les cas de byssinose
(Molyneux et Tombleson, 1970; Mckerrow et Schilling, 1961; McKerrow et coll., 1962;
Wood et Roach, 1964). Une étude faite en 1973 par Merchant et coll. sur les
symptômes respiratoires et la fonction pulmonaire dans 22 usines textiles de
Caroline du Nord a porté sur 1 260 travailleurs du coton, 803 du coton et du
synthétique et 904 de la laine et du synthétique. Cette étude a confirmé la
relation linéaire qui existe entre la prévalence de la byssinose (et la
détérioration de la fonction pulmonaire) et les concentrations de poussières
exemptes de fibres de coton.

Les modifications de la fonction respiratoire que semblaient indiquer les études


transversales ont été confirmées par un certain nombre d’études longitudinales qui
complètent et prolongent les résultats antérieurs. Les études longitudinales ont
souligné la détérioration rapide de la fonction pulmonaire chez les travailleurs de
l’industrie cotonnière ainsi que la forte incidence de nouveaux symptômes.

Dans une série d’enquêtes portant sur plusieurs milliers de travailleurs du textile
suivis à la fin des années soixante pendant une période de cinq ans, Fox et coll.
(1973a, 1973b) ont constaté un accroissement du nombre des cas de byssinose,
parallèle à l’ancienneté de l’exposition. Ils ont observé aussi une diminution
annuelle du volume expiratoire maximal seconde (VEMS) (pourcentage par rapport à la
valeur théorique) sept fois plus importante que chez les témoins.

Une seule étude portant sur les broncho-pneumopathies chroniques chez les
travailleurs du textile a été menée au début des années soixante-dix par Arend
Bouhuys (Bouhuys et coll., 1977). L’originalité de cette étude a été d’inclure
aussi bien le personnel en activité que les retraités. Les sujets étaient ou
avaient été employés dans l’une des quatre usines locales de Columbia, en Caroline
du Sud. Les critères de sélection de la cohorte ont été décrits dans la première
analyse transversale. A l’origine, le groupe retenu comptait 692 personnes, mais
l’analyse a été restreinte à 646 sujets de race blanche, âgés d’au moins 45 ans en
1973. Ces personnes avaient travaillé en moyenne trente-cinq ans dans l’usine. Le
groupe témoin retenu pour l’analyse transversale était constitué de sujets de race
blanche d’au moins 45 ans, dans trois localités ayant fait l’objet d’une étude
transversale: Ansonia, Lebanon (Connecticut) et Winnsboro (Caroline du Sud). Malgré
les différences géographiques, socio-économiques ou autres, la fonction pulmonaire
dans cette population n’était pas différente de celle qui avait été mesurée chez
les travailleurs du textile affectés aux tâches les moins poussiéreuses. Aucune
variation de la fonction pulmonaire et des symptômes respiratoires n’étant apparue
dans les trois sous-populations témoins, seuls les sujets de Lebanon étudiés en
1972 et en 1978 ont été retenus comme témoins pour l’étude longitudinale effectuée
en 1973 et en 1979 chez les travailleurs du textile (Beck, Doyle et Schachter,
1981; Beck, Doyle et Schachter, 1982).

La symptomatologie aussi bien que la fonction pulmonaire ont été largement


étudiées. Au cours d’une étude prospective, on a pu déterminer que l’incidence de
sept symptômes ou syndromes respiratoires (dont la byssinose) était plus élevée
chez les travailleurs du textile que chez les témoins, même après ajustement tenant
compte du tabagisme (Beck, Maunder et Schachter, 1984). La subdivision des
travailleurs du textile en sujets actifs et retraités a montré une incidence
maximale de la symptomatologie chez les personnes qui avaient pris leur retraite au
cours de l’étude. Les résultats semblent indiquer que le risque de détérioration
est présent non seulement chez les personnes en activité, mais aussi chez les
retraités, probablement en raison de l’irréversibilité de l’atteinte pulmonaire.

Dans cette cohorte, la détérioration de la fonction pulmonaire a été quantifiée sur


une période de six ans. La diminution moyenne chez les travailleurs du textile (42
ml/an chez les hommes et 30 ml/an chez les femmes) s’est révélée significativement
plus importante que chez les témoins (27 ml/an et 15 ml/an respectivement). Compte
tenu du tabagisme, la diminution du volume expiratoire maximal seconde (VEMS) était
plus élevée chez les travailleurs que chez les témoins.

De nombreux auteurs ont soulevé la question du tabagisme qui peut laisser perplexe.
De nombreux travailleurs du textile étant des fumeurs de cigarettes, il a été
avancé que la broncho-pneumopathie chronique attribuée à l’exposition aux
poussières de textiles était en réalité largement imputable au tabagisme. Deux
réponses ont été apportées à cette question, sur la base des observations
effectuées chez les travailleurs de Columbia. Dans l’étude de Beck, Maunder et
Schachter (1984), une analyse de variance bifactorielle portant sur tous les
paramètres de la fonction respiratoire a démontré que les effets de la poussière de
coton et du tabagisme étaient uniquement additifs. En d’autres termes, la
détérioration quantitative de la fonction pulmonaire due à l’un des deux facteurs
(tabagisme ou exposition aux poussières) ne varie pas en fonction de la présence ou
de l’absence du second facteur. La détérioration de la capacité vitale et la
diminution du VEMS apparaissent quantitativement similaires (antécédents de
tabagisme de 56 paquets-année en moyenne, pour 35 ans de travail en usine). Dans
une étude de même type, Schachter et coll. (1989) ont montré que l’utilisation d’un
paramètre reflétant la courbe du débit expiratoire de pointe (l’angle bêta)
permettait de distinguer les profils d’anomalies fonctionnelles respiratoires dus
au tabagisme et aux poussières de coton. Ces travaux ont confirmé les conclusions
antérieures de Merchant.

La mortalité
Les études consacrées à l’effet sur la mortalité de l’exposition aux poussières de
coton n’ont pas démontré d’influence systématique. L’analyse des résultats publiés
à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle au Royaume-Uni semble mettre en
évidence une mortalité cardio-vasculaire accrue chez les travailleurs âgés dans
l’industrie textile (Schilling et Goodman, 1951). En revanche, l’examen des données
disponibles dans les localités de la Nouvelle-Angleterre où étaient implantées des
usines textiles à la fin du XIXe siècle n’a pas confirmé ce phénomène (Arlidge,
1892). De même, Henderson et Enterline (1973) ont abouti à des conclusions
négatives dans leur étude portant sur des travailleurs qui avaient été employés
dans des usines situées en Géorgie entre 1938 et 1951. Au contraire, Dubrow et Gute
(1988), qui ont conduit une étude sur des travailleurs du textile dans le Rhode
Island décédés entre 1968 et 1978, ont observé une augmentation significative du
taux de mortalité proportionnelle imputable aux pathologies respiratoires non
malignes. Ce phénomène était associé à une exposition accrue aux poussières puisque
le taux était plus élevé chez les travailleurs affectés au cardage, au doublage et
au peignage que chez les autres travailleurs du textile. Il faut souligner que,
dans cette étude comme dans d’autres (Dubrow et Gute, 1988; Merchant et Ortmeyer,
1981), la mortalité par cancer du poumon était faible. Cet argument a été mis en
avant pour affirmer que le tabagisme n’était pas une cause majeure de mortalité
dans ces groupes.

Des observations effectuées en Caroline du Sud semblent indiquer que les broncho-
pneumopathies chroniques sont une cause majeure de mortalité ou constituent, en
tout cas, un facteur prédisposant. En effet, chez les travailleurs qui sont décédés
entre 45 et 64 ans au cours d’une période de suivi de six ans, la fonction
pulmonaire mesurée d’après le VEMS résiduel (valeur observée par rapport à la
valeur théorique) s’était considérablement détériorée lors de l’étude initiale chez
les hommes non-fumeurs décédés au cours des six années de suivi (VEMS résiduel
moyen = 0,9 l) (Beck et coll., 1981). Il est fort possible que l’effet du travail
en usine sur la mortalité ait été masqué par un phénomène de sélection (effet du
travailleur en bonne santé). Enfin, Rooke (1981b) a estimé que, sur les 121 décès
observés en moyenne chaque année chez les travailleurs invalides, 39 étaient
imputables à la byssinose.

Le renforcement des contrôles et le recul de la maladie


Des études effectuées au Royaume-Uni et aux Etats-Unis semblent indiquer que la
prévalence ainsi que les formes de broncho-pneumopathie observées chez les
travailleurs du textile ont évolué grâce à l’application de normes plus strictes
sur la qualité de l’air dans les usines de ces pays. En 1996, Fishwick et coll. ont
rapporté les résultats d’une étude transversale portant sur 1 057 ouvriers
travaillant dans 11 filatures du Lancashire. Les examens ont porté sur 97% du
personnel dont la plupart (713) manipulaient du coton et les autres, des fibres
synthétiques. La byssinose n’a été confirmée que chez 3,5% des travailleurs, et la
bronchite chronique chez 5,3%. Le VEMS était cependant diminué chez les personnes
exposées à de fortes concentrations de poussières. Ces prévalences sont très
réduites par rapport à celles qui avaient été rapportées dans les premières
enquêtes effectuées dans ces mêmes établissements. Cette faible prévalence de la
byssinose et des cas de bronchite associés semble aller de pair avec les efforts
visant à réduire les concentrations de poussières au Royaume-Uni. Dans cette
population, la détérioration de la fonction pulmonaire s’explique à la fois par le
tabagisme et par l’exposition aux poussières de coton.

Aux Etats-Unis, Glindmeyer et coll. (1991, 1994) ont conduit une étude prospective
sur cinq ans dans 9 usines (6 usines de coton et 3 de fibres synthétiques), entre
1982 et 1987. Celle-ci a porté sur 1 817 travailleurs affectés exclusivement à la
fabrication de filés de coton, à l’encollage et au tissage ou à la fabrication de
textiles synthétiques. Dans l’ensemble, moins de 2% des travail-leurs présentaient
des symptômes de byssinose. Cependant, les travailleurs affectés aux opérations de
fabrication des filés présentaient une détérioration annuelle de la fonction
pulmonaire plus importante que les travailleurs chargés de l’encollage et du
tissage. Les premiers accusaient une détérioration en fonction de la dose absorbée,
en relation également avec la qualité du coton utilisé. Ces usines respectaient les
normes de l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational
Safety and Health Administration (OSHA)), avec des concentrations moyennes de
poussières de coton en suspension dans l’air (exemptes de coton-fibre) atteignant,
sur 8 heures, 196 µg/m3 pour la fabrication du fil et 455 µg/m3 pour l’encollage et
le tissage. Glindmeyer et coll. (1994), qui ont mis en relation les variations de
la fonction pulmonaire au cours de la semaine de travail (équivalent fonctionnel
objectif des symptômes de byssinose) et la détérioration de ce paramètre dans le
temps, ont montré que les premières annonçaient de façon significative l’évolution
longitudinale.

Si la fabrication des textiles dans les régions développées paraît aujourd’hui


associée à des pathologies moins fréquentes et moins sévères, il n’en va pas de
même dans les pays en développement. De fortes prévalences de byssinose sont
toujours enregistrées dans le monde, notamment dans les pays où les normes
gouvernementales sont laxistes ou inexistantes. Dans sa revue de la littérature,
Parikh (1992) a constaté que la prévalence de la byssinose dépassait de loin 20%
dans des pays tels que l’Inde, le Cameroun, l’Ethiopie, le Soudan et l’Egypte.
Zuskin et coll. (1991) ont suivi 66 travailleurs en Croatie, dans une usine textile
traitant le coton, où les concentrations moyennes de poussières inhalables étaient
encore égales à 1,0 mg/m3. La prévalence de la byssinose avait doublé, et la
diminution annuelle de la fonction pulmonaire était pratiquement deux fois
supérieure aux estimations calculées pour une population saine de non-fumeurs.

Les maladies non respiratoires liées au travail dans l’industrie textile


Outre les syndromes respiratoires caractéristiques qui peuvent toucher les
travailleurs de l’industrie textile, un certain nombre d’autres risques ont été mis
en relation avec les conditions de travail et les produits dangereux que l’on
rencontre dans cette industrie.

La cancérogenèse a été associée au travail dans l’industrie textile. Les premières


études avaient indiqué une incidence élevée de cancer colorectal chez les
travailleurs occupés à la fabrication des fibres synthétiques (Vobecky et coll.,
1979; Vobecky, Devroede et Caro, 1984). Une étude rétrospective effectuée par
Goldberg et Theriault (1994a) dans des établissements fabriquant des textiles
synthétiques semble mettre en évidence une association avec la durée de l’emploi
dans les ateliers d’extrusion du polypropylène et du triacétate de cellulose. Ces
auteurs ont signalé d’autres associations avec des maladies néoplasiques, mais
leurs observations n’ont pas convaincu (1994b).

L’exposition aux colorants azoïques a été associée au cancer de la vessie dans de


nombreuses branches d’activité. Siemiatycki et coll. (1994) ont noté une faible
association entre le cancer de la vessie et le travail des fibres acryliques et du
polyéthylène, surtout chez les teinturiers. Les plus anciens d’entre eux
présentaient notamment un risque dix fois plus élevé de cancer de la vessie
(signification statistique marginale). Des observations similaires ont été
rapportées par d’autres auteurs, bien que des résultats négatifs aient aussi été
publiés (Anthony et Thomas, 1970; Steenland, Burnett et Osorio, 1987; Silverman et
coll., 1989).

Les traumatismes dus aux mouvements répétés constituent un risque reconnu dans
l’industrie textile lorsqu’on a recours à des machines qui fonctionnent à vitesse
élevée (Thomas, 1991). Une description du syndrome du canal carpien (Forst et
Hryhorczuk, 1988) chez une couturière se servant d’une machine à coudre électrique
illustre la pathogénie de ce type d’affection. Une analyse des lésions des mains
chez les travailleurs de la laine dans le Yorkshire, traitées entre 1965 et 1984
par l’Unité régionale de chirurgie plastique, a montré une constance de l’incidence
annuelle de ces lésions, alors que les effectifs avaient été divisés par 5, ce qui
indique un risque accru dans cette population (Myles et Roberts, 1985).

Une toxicité hépatique a été rapportée par Redlich et coll. (1988) chez des
travailleurs du textile exposés au diméthylformamide, utilisé comme solvant dans
une usine de traitement de tissus. Cette toxicité a été reconnue lors d’une
«épidémie» d’hépatopathies dans un établissement de New Haven (Connecticut) qui
produit des tissus enduits de polyuréthane.

Le sulfure de carbone , composé organique utilisé pour la préparation de textiles


synthétiques, a été associé à une mortalité accrue par cardiopathie ischémique
(Partanen et coll., 1970; Sweetnam, Taylor et Elwood, 1987). Ce phénomène pourrait
être lié à l’effet de ce produit sur les lipides sanguins et la pression
diastolique (Egeland et coll., 1992). Le même composé a également été associé à une
neurotoxicité périphérique, à des lésions des organes sensoriels et à des troubles
des fonctions hormonale et reproductive. On estime généralement que ces effets
toxiques apparaissent après une exposition prolongée à des concentrations dépassant
10 à 20 ppm (Riihimaki et coll., 1992).

Des réactions allergiques — eczéma, urticaire et asthme — à des colorants réactifs


ont été rapportées chez des travailleurs des ateliers de teinture (Estlander, 1988;
Sadhra, Duhra et Foulds, 1989; Seidenari, Mauzini et Danese, 1991).

Enfin, des cas de stérilité ont été décrits chez des hommes et des femmes à la
suite d’une exposition à diverses substances présentes dans l’industrie textile
(Rachootin et Olsen, 1983; Buiatti et coll., 1984).

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Partie XIV. Industries des textiles et de l'habillement


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