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L’industrie textile
Le terme industrie textile (du latin texere , tisser) s’appliquait à l’origine au
tissage d’étoffes à partir de fibres, mais il recouvre aujourd’hui toute une série
d’autres procédés tels que le tricotage, le tuftage (ou touffetage) et le feutrage,
pour n’en citer que quelques-uns. Ce terme s’étend même à la fabrication de filés
ou de non-tissés à partir de fibres naturelles ou synthétiques, ainsi qu’au
finissage et à la teinture des étoffes.
La production de filés
A l’époque préhistorique, on utilisait des poils d’animaux, des plantes et des
graines pour fabriquer des fibres. La soie a été introduite en Chine vers 2600
avant J.-C. et les premières fibres synthétiques ont été mises au point au milieu
du XVIIIe siècle. Les fibres synthétiques fabriquées à partir de cellulose ou de
produits pétrochimiques sont de plus en plus utilisées, seules ou en mélange avec
d’autres fibres synthétiques ou naturelles, mais elles n’ont jamais remplacé
totalement les fibres naturelles telles que la laine, le coton, le lin et la soie.
La soie est la seule fibre naturelle formée de filaments qu’il est possible de
réunir et de transformer en fil par torsion. Les autres fibres naturelles doivent
être préalablement étirées et alignées parallèlement par peignage, puis
transformées en un fil continu par filage. Le fuseau est le premier outil utilisé
pour filer. Il a été mécanisé en Europe vers l’an 1400 grâce à l’invention du
rouet. C’est à la fin du XVIIe siècle qu’est apparue la machine à filer qui
permettait de faire fonctionner simultanément plusieurs fuseaux. Avec le métier à
filer inventé en 1769 par Richard Arkwright et le métier renvideur de Samuel
Crompton, qui permettait de faire fonctionner un millier de broches à la fois, la
filature est passée du stade artisanal à l’ère industrielle.
La teinture et l’impression
A l’origine, on utilisait des colorants naturels pour teindre les fils et les
tissus, mais ces procédés se sont compliqués au XIXe siècle avec la découverte des
colorants dérivés des goudrons de houille, puis avec la mise au point des fibres
synthétiques au XXe siècle. Au début, l’impression à la planche servait à teindre
les tissus (la sérigraphie a été mise au point pour cette application vers le
milieu du XIXe siècle), mais elle a été rapidement remplacée par l’impression au
rouleau. Des rouleaux en cuivre gravé ont été utilisés pour la première fois en
Angleterre en 1785. Des améliorations rapides ont permis d’imprimer, grâce à ce
procédé, en six couleurs différentes, parfaitement transférées. Avec les techniques
modernes, on peut imprimer 180 m de tissu par minute en 16 couleurs ou davantage.
Le finissage
Jadis, le finissage des tissus passait par le brossage ou le tondage, l’apprêtage
ou l’encollage, ou encore le calandrage pour obtenir un effet brillant.
Aujourd’hui, les tissus sont rétrécis, mercerisés (les fils et les tissus de coton
sont traités par des solutions caustiques pour les renforcer et les faire briller)
et soumis à toute une série de traitements destinés à améliorer entre autres la
résistance au froissement, à l’eau, au feu et aux moisissures ou encore la tenue
des plis.
De l’artisanat à l’industrie
La fabrication des textiles était initialement un art manuel pratiqué soit par des
fileurs et des tisseurs qui travaillaient à domicile, soit par de petites équipes
d’artisans qualifiés. Les progrès techniques ont fait naître de grandes entreprises
textiles économiquement très importantes, principalement au Royaume-Uni et dans les
pays d’Europe occidentale. Les premiers immigrants installés en Amérique du Nord
ont implanté des fabriques de tissus en Nouvelle-Angleterre (Samuel Slater, qui
avait dirigé une usine textile en Angleterre, a construit de mémoire un métier à
filer à Providence, Rhode Island, en 1790). L’invention de l’égreneuse par Eli
Whitney, qui permettait de nettoyer très rapidement le coton récolté, a entraîné un
accroissement de la demande en tissus de coton.
Ainsi, les progrès techniques accomplis au cours des XVIIIe et XIXe siècles n’ont
pas seulement donné le coup d’envoi à l’industrie textile moderne, mais ont été à
l’origine de la révolution industrielle et de mutations familiales et sociales
profondes. De nouveaux changements ont lieu aujourd’hui, puisque les grosses
entreprises textiles se déplacent vers de nouvelles régions qui offrent une main-
d’œuvre et des sources d’énergie moins onéreuses, tandis que la bataille de la
concurrence suscite des développements techniques incessants tels que la production
assistée par ordinateur (PAO) qui permet de réduire les effectifs et d’améliorer la
qualité. Les politiciens, quant à eux, négocient des quotas et des tarifs, ou
mettent en place des barrières économiques pour obtenir ou conserver des avantages
concurrentiels pour leur pays. Ainsi, l’industrie textile fournit des produits
essentiels à une population mondiale en pleine expansion, tout en exerçant une
influence profonde sur le commerce international et l’économie des nations.
Les risques liés aux différents secteurs de cette branche sont exposés dans les
articles du présent chapitre qui soulignent l’importance des facteurs suivants:
entretien des locaux et des machines; installation de systèmes de protection et de
dispositifs de sécurité efficaces pour éviter tout contact avec les pièces en
mouvement; mise en place d’une ventilation par aspiration localisée en complément
d’un bon système général de ventilation et de régulation de la température; enfin,
fourniture d’équipements et de vêtements de protection individuelle lorsqu’un
risque ne peut être totalement maîtrisé ou supprimé par la conception initiale, par
la prévention collective ou par l’utilisation de substances moins dangereuses. Les
auteurs insistent tous sur la nécessité d’informer et de former sans relâche le
personnel à tous les niveaux et sur l’importance de la surveillance.
La contamination des eaux usées par les colorants non fixés pose un problème
d’environnement grave, non seulement en raison des risques potentiels pour la santé
de l’être humain et des animaux, mais aussi en raison de la forte visibilité des
colorations produites. Dans les opérations de teinture ordinaire, on peut obtenir
une fixation de plus de 90%, mais ce taux tombe à 60%, voire moins, lorsqu’on se
sert de colorants réactifs. En d’autres termes, plus d’un tiers de la teinture
passe dans les eaux usées lors du dégommage du tissu imprimé, sans compter les
quantités dues au lavage des cadres, des pochoirs et des tambours.
Un certain nombre de pays ont fixé des limites portant sur la coloration des eaux
usées, mais il est souvent extrêmement difficile de les respecter sans installer un
système d’épuration très coûteux. Entre autres solutions, on utilise des teintures
dont l’effet contaminant est moindre et on tente de mettre au point des colorants
et des épaississants de synthèse qui augmentent le degré de fixation des teintures
et réduisent les excédents à éliminer par lavage (Grund, 1995).
Le formaldéhyde et les solvants résiduels se trouvant dans les tapis et les tissus
servant pour l’ameublement et les rideaux continuent de se vaporiser
progressivement pendant un certain temps. Dans les immeubles très bien isolés, où
le système d’air conditionné recycle la plus grande partie de l’air au lieu de
l’évacuer à l’extérieur, ces substances peuvent atteindre des concentrations
suffisantes pour produire des symptômes chez les occupants, comme mentionné dans le
chapitre no 13, «Les troubles systémiques», de l’Encyclopédie.
Conclusion
Les progrès techniques permettent d’élargir la gamme des tissus fabriqués par
l’industrie textile et contribuent à améliorer la productivité. Il est essentiel
cependant qu’ils soient aussi régis par des impératifs de sécurité, de santé et de
bien-être du personnel. Quoi qu’il en soit, la mise en œuvre de ces avancées pose
des problèmes dans les entreprises plus anciennes dont la viabilité financière est
mal assurée et qui n’ont pas les moyens d’effectuer les investissements
nécessaires. Il en va de même dans des régions en développement qui recherchent de
nouvelles industries à tout prix, même au détriment de la sécurité et de la santé
des travailleurs. Cependant, quelles que soient les circonstances, l’éducation et
la formation du personnel devraient permettre de réduire considérablement les
risques auxquels il est exposé.
LA CROISSANCE DE L’INDUSTRIE TEXTILE
Jung-Der Wang
Année
Australie
Chine
Corée, République de
Hong-kong
Inde
Indonésie
Malaisie
Nouvelle-Zélande
Pakistan
Entreprises
1985
1995
2 535
4 503
45 500
47 412
12 310
14 262
13 114
6 808
13 435
13 508
1 929
2 182
376
238
2 803
2 547
1 357
1 452
Salariés (x103)
1985
1995
96
88
4 396
9 170
684
510
375
139
1 753
1 675
432
912
58
76
31
21
n.d.
n.d.
La production de coton
Les pratiques culturales du coton commencent après la cueillette précédente. Les
premières opérations consistent en principe à broyer les tiges, à arracher les
racines et à briser les mottes au pulvérisateur à disques. Des engrais et des
herbicides sont généralement appliqués et incorporés dans le sol avant que la terre
soit préparée pour l’irrigation ou l’ensemencement. Etant donné que les
caractéristiques du sol, les engrais utilisés antérieurement et les méthodes de
cueillette peuvent donner lieu à des degrés de fertilité très différents, les
programmes de fertilisation doivent être fondés sur des analyses pédologiques. La
lutte contre les plantes adventices est indispensable pour obtenir un rendement
élevé en coton égrené et une qualité satisfaisante: en effet, le rendement et
l’efficacité de la récolte peuvent chuter de 30% en présence de mauvaises herbes.
Les herbicides ont été largement utilisés dans de nombreux pays depuis le début des
années soixante. Parmi les méthodes auxquelles on recourt, il faut citer
l’application d’herbicides sur le feuillage des plantes adventices avant les semis,
l’intégration dans le sol à ce même stade et le traitement avant et après
l’émergence de la plantule.
Plusieurs facteurs jouent un rôle important pour obtenir des plants de qualité: la
préparation des sillons, l’humidité et la température du sol, la qualité des
semences, les maladies des plantules, l’emploi de fongicides et la salinité du sol.
L’utilisation de semences de bonne qualité mises en terre dans des sillons bien
préparés est un facteur clé pour obtenir des plants précoces, uniformes et
vigoureux. Les bonnes semences devraient avoir un taux de germination d’au moins
50% dans un test à froid. Dans un test froid/chaud, l’indice de vigueur de la
semence devrait être d’au moins 140. Il est recommandé de semer 12 à 18 graines par
mètre sur chaque rangée pour obtenir de 14 000 à 20 000 plants par hectare. Un
semoir à mécanisme de dosage approprié devrait être utilisé pour assurer un
espacement uniforme des graines, quelle que soit leur taille. Les taux de
germination et d’émergence sont étroitement liés dans une fourchette de température
allant de 15 à 38 °C.
Un programme de défoliation bien conduit réduit les débris végétaux qui peuvent
altérer la qualité du coton récolté. Les régulateurs de croissance chimiques sont
des défoliants utiles, car ils permettent de maîtriser la croissance végétative et
contribuent à une fructification plus précoce.
La récolte
Deux types d’équipements mécaniques sont utilisés pour la cueil-lette du coton: la
récolteuse à broches et l’écapsuleuse de coton . La récolteuse à broches est une
machine de type sélectif qui utilise des broches coniques et barbelées pour
extraire la fibre de la graine. Cette cueilleuse peut être employée plusieurs fois
sur une plantation pour obtenir des récoltes stratifiées. L’écapsuleuse de coton
est, en revanche, une cueilleuse non sélective à passage unique qui récolte non
seulement les capsules bien ouvertes, mais aussi celles qui sont craquelées et
fermées, ainsi que les débris de capsules et autres corps étrangers.
Les pratiques agronomiques qui visent à obtenir une culture uniforme et de bonne
qualité contribuent généralement à l’efficacité de la récolte. Le champ devrait
être correctement drainé et les rangées tracées de manière à faciliter le passage
des machines. L’extrémité des rangées devrait être libre de plantes adventices, et
une bordure de 7,6 à 9 m devrait être ménagée autour du champ pour permettre les
manœuvres et l’alignement des cueilleuses sur les rangées. Cette bordure devrait
être débarrassée des mauvaises herbes. La pulvérisation des mottes est déconseillée
par temps pluvieux; il est préférable de détruire les mauvaises herbes par des
produits chimiques ou par la tonte. La hauteur des plants ne devrait pas dépasser
1,20 m environ pour le coton cueilli par récolteuse à broches, et 9 cm pour le
coton récolté par écapsuleuse. La hauteur des plants peut être contrôlée dans une
certaine mesure à l’aide de régulateurs de croissance chimique utilisés au moment
opportun. Il est préférable que la capsule inférieure se trouve à 10 cm du sol au
moins. Les activités culturales — fertilisation, travail du sol et irrigation —
pendant la croissance devraient être conduites avec soin pour obtenir une récolte
régulière de coton bien développé.
La défoliation chimique est une pratique qui induit la chute du feuillage. Des
défoliants peuvent être employés pour minimiser la contamination par les débris de
feuilles vertes et favoriser le séchage rapide de la rosée matinale sur le duvet.
Toutefois, les défoliants ne devraient pas être utilisés avant l’ouverture d’au
moins 60% des capsules. La récolte ne devrait être effectuée que sept à quatorze
jours après l’application d’un défoliant (ce délai varie en fonction des produits
chimiques choisis et des conditions météorologiques). Des agents de dessiccation
chimique peuvent aussi être employés pour préparer la récolte. La dessiccation
provoque une perte rapide de l’eau contenue dans le tissu végétal et entraîne la
mort de celui-ci; les feuilles mortes qui en résultent restent attachées à la
plante.
Le stockage
La teneur en humidité du coton avant et pendant le stockage est un facteur
critique. Une humidité excessive induit une surchauffe du coton stocké, ce qui
entraîne un changement de couleur du coton-fibre, une germination plus faible des
graines, voire une combustion spontanée. Le coton-graine ayant une teneur en
humidité supérieure à 12% ne devrait pas être stocké. La température intérieure des
bâtiments nouvellement construits devrait aussi être surveillée pendant les cinq à
sept premiers jours du stockage. Si la température s’élève de 11 °C ou dépasse 49
°C, il convient de procéder à un égrenage immédiat pour éviter les risques de
pertes importantes.
Plusieurs facteurs influent sur la qualité des graines et des fibres au cours du
stockage du coton-graine. La teneur en humidité est le principal d’entre eux. Parmi
les autres paramètres, il faut citer la durée du stockage, la quantité de corps
étrangers très humides, la variation de la teneur en humidité à l’intérieur de la
masse stockée, la température initiale du coton-graine, la température de celui-ci
au cours du stockage, les conditions météorologiques pendant cette période
(température, humidité relative et précipitations), ainsi que la protection du
coton contre la pluie et l’humidité du sol. Le jaunissement est accéléré lorsque
les températures sont élevées. Les montées en température et les températures
maximales sont deux facteurs importants (la hausse de la température est
directement liée à la chaleur générée par l’activité biologique).
L’égrenage
Environ 80 millions de balles de coton sont produites chaque année dans le monde;
20 millions d’entre elles passent par les quelque 1 300 égreneuses se trouvant aux
Etats-Unis. La principale fonction de l’égreneuse est de séparer la fibre des
graines, mais cette machine doit aussi éliminer une grande partie des corps
étrangers, faute de quoi la valeur du coton-fibre serait considérablement réduite.
Une égreneuse doit: 1) produire un coton-fibre de qualité satisfaisante pour le
marché; et 2) égrener le coton en portant le moins possible atteinte à la qualité
de filage des fibres afin que le coton réponde à la demande des utilisateurs
finaux, le filateur et le consommateur. La préservation de la qualité au cours de
cette opération impose donc un choix et un fonctionnement appropriés de chaque
machine du système d’égrenage. La manipulation et le séchage mécaniques peuvent
modifier les caractéristiques qualitatives naturelles du coton. Au mieux,
l’égreneuse préserve les caractéristiques qualitatives inhérentes au coton qu’elle
reçoit. Dans les paragraphes qui suivent, nous examinerons brièvement le rôle des
principales machines et opérations d’égrenage.
Au début du séchage, l’air chaud fait circuler le coton sur des clayettes pendant
dix à quinze secondes. La température de l’air est réglée en fonction du degré de
séchage souhaité. Afin de ne pas endommager les fibres, la température ne devrait
jamais dépasser 177 °C au cours d’une opération normale. Des températures
supérieures à 150 °C peuvent entraîner une modification physique permanente des
fibres de coton. Des capteurs de température devraient être placés aussi près que
possible du point de rencontre entre le coton et l’air chaud. Si le capteur est
situé près de la sortie de la tour de séchage, la température au point de rencontre
peut excéder de 55 à 110 °C celle qui est enregistrée par le capteur d’aval. La
chute de température en aval résulte de l’évaporation et de la perte de chaleur au
travers des parois des machines et des tuyauteries. Le séchage se poursuit alors
que l’air chaud véhicule le coton-graine vers l’épurateur à cylindres, constitué de
six à sept cylindres rotatifs garnis de pointes qui tournent à 400-500 tours/min.
Ces cylindres frottent le coton sur une série de grilles à barreaux ou de tamis, le
secouent et entraînent l’évacuation, par les orifices prévus à cet effet, des corps
étrangers de petite taille tels que feuilles, débris et impuretés. Les épurateurs à
cylindres séparent le coton en gros tampons et le préparent aux opérations
d’épuration et de séchage ultérieures. Il est fréquent d’enregistrer à ce niveau
des vitesses de traitement d’environ six balles par heure et par mètre linéaire de
cylindre.
L’arracheuse extrait les corps étrangers les plus gros tels que les débris de
capsules et les brindilles. Cette machine utilise la force centrifuge créée par des
cylindres à scies qui tournent à 300-400 tours/min, ce qui rejette les corps
étrangers alors que la fibre est retenue par les scies. Les corps étrangers
éliminés sont introduits dans un système de traitement des débris. Les vitesses de
traitement atteignent fréquemment 4,9 à 6,6 balles par heure et par mètre linéaire
de cylindre.
Les égreneuses à cylindres ont été les premiers outils mécaniques utilisés pour
séparer les fibres de coton à soies extralongues (Gossypium barbadense) de leurs
graines. L’égreneuse de Churka, d’origine inconnue, était composée de deux
cylindres qui tournaient ensemble à la même vitesse circonférencielle, arrachant la
fibre de la graine par pinçage et produisant environ 1 kg de coton-fibre par jour.
En 1840, Fones McCarthy mit au point une égreneuse plus efficace composée d’un
rouleau garni de cuir, d’un couteau fixe plaqué contre le rouleau et d’un couteau à
mouvement alternatif qui arrachait la graine de la fibre, maintenue par le rouleau
et le couteau fixe. A la fin des années cinquante, une égreneuse à rouleaux et à
couteaux rotatifs a été mise au point aux Etats-Unis par le laboratoire de
recherche sur l’égrenage du coton pour la région du sud-ouest, rattaché au service
de recherche agricole du ministère de l’Agriculture, en collaboration avec des
constructeurs d’égreneuses et des ateliers d’égrenage privés. Cette machine est la
seule égreneuse à rouleaux actuellement employée aux Etats-Unis.
La mise en balles
Le coton épuré est compressé en balles qui doivent être recouvertes pour les
protéger de toute salissure au cours du transport et du stockage. Trois types de
balles sont produits: balles plates modifiées, balles à densité universelle de
compression et balles à densité universelle d’égrenage. Ces balles sont pressées à
des densités de 224 et de 449 kg/m3 pour les balles plates modifiées et pour les
balles à densité universelle, respectivement. Dans la plupart des égreneuses, le
coton est pressé dans une presse double dans laquelle le coton-fibre est tout
d’abord comprimé par un mécanisme mécanique ou hydraulique. La presse est alors
mise en rotation et la compression du coton-fibre est portée à 320 ou 641 kg/m3
avec des presses pour balles plates modifiées ou des presses pour balles à densité
universelle d’égrenage, respectivement. Les balles plates modifiées sont
recomprimées pour être transformées en balles à densité universelle de compression,
afin de réduire les coûts de fret. En 1995, environ 98% des balles préparées aux
Etats-Unis étaient des balles à densité universelle d’égrenage.
Des recommandations ont été formulées sur la séquence et le nombre des machines
d’égrenage permettant de sécher et d’épurer le coton cueilli par des récolteuses à
broches, afin d’obtenir des balles de valeur satisfaisante et de préserver la
qualité naturelle du coton. Ces recommandations ont généralement été suivies et
sont donc reconnues depuis plusieurs décennies par l’industrie cotonnière des
Etats-Unis. Elles prévoient des systèmes de primes et d’escomptes pour la
commercialisation et tiennent compte de l’efficacité de l’épuration et de
l’endommagement des fibres caractérisant les différentes égreneuses. Ces
recommandations doivent être adaptées si la récolte a été effectuée dans des
conditions particulières.
La fabrication des filés comprend une série d’opérations qui transforment les
fibres de coton brut en fil se prêtant à la fabrication de produits finis. Ces
opérations sont nécessaires pour obtenir les filés propres, solides et uniformes
requis par les marchés d’aujourd’hui. A partir d’un paquet de fibres emmêlées et
fortement compressées extrait des balles de coton et contenant de nombreux corps
étrangers et de fibres inutilisables (matières diverses, débris végétaux,
impuretés, etc.) en quantités variables, les opérations continues d’ouverture, de
mélangeage, d’épuration, de cardage, d’étirage, de passage au banc à broches et de
filage ont pour objet de transformer les fibres en fil.
La filature
L’ouverture, le mélangeage et l’épuration
En principe, les ateliers de filature procèdent à des mélanges de balles présentant
les propriétés nécessaires pour produire un fil destiné à une utilisation
spécifique. Le nombre de balles employées dans chaque mélange par les différents
établissements peut aller de 6 ou 12 à plus de 50. Le traitement débute par le
transfert des balles à mélanger vers l’atelier d’ouverture des fibres, où les
emballages et les cercles sont enlevés. Les couches de coton sont retirées
manuellement des balles et placées dans des chargeuses munies de bandes
transporteuses garnies de dents. Dans d’autres systèmes, des balles entières sont
placées sur des plates-formes qui leur impriment un mouvement de va-et-vient au-
dessous ou au-dessus d’un mécanisme d’arrachage. L’objectif est de transformer les
couches compactes des balles en petites touffes légères et duveteuses pour
faciliter l’élimination des corps étrangers. Etant donné que les balles sont
livrées en différentes densités, les cercles sont souvent coupés vingt-quatre
heures avant le traitement afin de les briser plus facilement. Cette précaution
facilite l’ouverture et contribue à régulariser la vitesse de chargement. Les
ouvreuses assurent les fonctions d’ouverture et d’épuration initiale.
Le cardage et le peignage
La carde est la machine la plus importante dans la fabrication des filés. Dans
presque toutes les usines textiles, elle assure la deuxième et la dernière
opération d’épuration. Elle est composée d’un système de trois cylindres rotatifs
garnis de fines pointes métalliques inclinées et d’une série de barres plates,
également munies de pointes métalliques, qui transforment successivement les petits
agglomérats et les petites touffes en fibres bien séparées et ouvertes, éliminent
un très gros pourcentage de débris et de corps étrangers, recueillent les fibres
sous forme d’un ruban qui est soigneusement lové dans un pot pour les opérations
ultérieures (voir figure 89.4).
Jadis, le coton était amené à la carde sous la forme d’une bande formée sur un
batteur-nappeur constitué de rouleaux d’alimentation, de batteurs et d’un ensemble
de tamis cylindriques sur lesquels les touffes de coton ouvertes étaient
recueillies et roulées en nappe (voir figure 89.5). La nappe était retirée des
tamis en une couche plate et régulière, puis enroulée en bande. Cependant, la
nombreuse main-d’œuvre requise et l’existence de systèmes automatiques de
manutention susceptibles d’améliorer la qualité ont contribué à l’obsolescence du
batteur-nappeur.
Le filage
Le filage est l’étape la plus coûteuse de la transformation des fibres de coton en
fil. Il comprend la préparation et le filage proprement dit (appelé aussi
filature). Actuellement, plus de 85% du fil produit dans le monde l’est avec des
continus à filer à anneaux: ces métiers sont conçus pour transformer la mèche en
fil du calibre (ou numéro) voulu et à lui imprimer la torsion souhaitée, cette
dernière étant proportionnelle à la résistance. Le rapport entre la longueur
initiale et la longueur finale est de l’ordre de 10 à 50. Les bobines de mèches
sont placées sur des supports qui leur permettent de passer librement dans le
cylindre d’étirage du continu à filer à anneaux. Après étirage, le fil traverse un
guide, puis un curseur avant de passer sur la bobine de fil. La broche
d’entraînement de cette bobine tourne à grande vitesse, ce qui fait gonfler le fil
à mesure qu’elle lui imprime une torsion. Les fils se trouvant sur les bobines sont
trop courts pour être utilisés lors des opérations ultérieures; ils sont transférés
vers des pots tournants et amenés à l’opération suivante (bobinage ou renvidage).
Dans la production de fils plus lourds ou plus grossiers, le filage à anneaux est
aujourd’hui remplacé par le procédé dit à fibres libérées, dit aussi «open-end» (à
bouts ouverts). Un ruban de fibres est amené dans une turbine tournant à vitesse
très élevée, dans laquelle la force centrifuge transforme les fibres en fil. La
bobine n’est pas utile dans ce procédé, et le fil est mis en place sur le support
voulu lors de l’opération suivante.
Le renvidage et le bobinage
Après le filage, le fil doit être présenté en fonction de l’utilisation prévue —
tissage ou tricotage. Le renvidage, le bobinage, la torsion et l’enroulement du fil
sur canettes sont considérés comme des étapes préparatoires au tissage et au
tricotage. En principe, les produits bobinés seront utilisés comme fils de chaîne
(fils passant dans le sens de la longueur d’un tissu) et les produits renvidés
serviront de fils de trame (fils passant dans le sens de la largeur d’un tissu), ou
duites. Les produits de la filature à fibres libérées court-circuitent ces étapes
et sont directement emballés en tant que fils de trame ou fils de chaîne. Le
retordage consiste à tordre ensemble deux fils ou plus avant les autres opérations
afin d’obtenir un fil retors d’une grosseur double, voire triple ou quadruple,
nettement plus solide qu’un fil simple de la même grosseur. Dans l’enroulement du
fil sur canettes, le fil est disposé sur des bobines suffisamment petites pour
tenir à l’intérieur de la navette d’un métier à boîtes multiples. Cette opération a
parfois lieu sur le métier lui-même (voir plus loin dans ce chapitre l’article «Le
tissage et le tricotage»).
Le bruit
Le bruit peut poser des problèmes lors de certaines opérations de fabrication des
filés. Dans les usines modernes, il est généralement inférieur à 90 dBA, ce qui
correspond à la norme en vigueur aux Etats-Unis. Dans bien des pays, la limite est
plus sévère. Grâce aux efforts des constructeurs de machines et des spécialistes de
la question, les niveaux de bruit continuent de diminuer en dépit de l’augmentation
des vitesses. La solution consiste à fabriquer des machines plus silencieuses. Aux
Etats-Unis, un programme de protection de l’ouïe est obligatoire dans les
entreprises où le niveau sonore dépasse 85 dBA, ce qui implique la surveillance du
bruit, des tests audiométriques et la fourniture de dispositifs de protection pour
le personnel lorsque le bruit ne peut être ramené au-dessous de 90 dBA.
La chaleur
Etant donné que les opérations de filage requièrent parfois des températures
élevées et une humidification artificielle de l’air, une surveillance attentive est
dans tous les cas indispensable pour garantir le respect des limites maximales
admissibles. Des systèmes d’air conditionné bien conçus et correctement entretenus
tendent de plus en plus à remplacer les méthodes plus archaïques de régulation
thermique et hygrométrique.
L’INDUSTRIE LAINIÈRE
D.A. Hargrave*
Les origines de l’industrie lainière se perdent dans la nuit des temps. Nos
lointains ancêtres n’ont pas eu de peine à domestiquer le mouton, qui a grandement
contribué à satisfaire leurs besoins essentiels en matière alimentaire et
vestimentaire. Dans les sociétés primitives, on frottait les unes contre les autres
les fibres prélevées sur l’animal pour en faire un fil et, partant de ce principe
initial, les procédés de filage ont gagné en complexité. L’industrie lainière a
joué un rôle de pionnier dans la mise au point et l’adaptation de procédés
mécanisés et a été l’une des premières à industrialiser sa production.
La filature
Il existe deux procédés de filage distincts, selon qu’on entend obtenir des fils
cardés ou des fils peignés. Les machines se ressemblent sur bien des points, mais
les produits recherchés sont différents. En principe, on prend pour les peignés des
laines à brins plus longs qu’on maintient parallèles lors du cardage, du
défeutrage, du boudinage et du peignage, les brins courts étant rejetés. On obtient
ainsi un filé fin et résistant qui donne, par tissage, une étoffe légère, d’aspect
lisse et de bonne tenue, comme celle qu’on utilise pour les costumes d’homme. Pour
les cardés, le but est d’entremêler et d’entrelacer les fibres pour obtenir un filé
doux et aéré qui donne, par tissage, une étoffe pleine et gonflante, à surface
laineuse (tweeds, couvertures et tissus lourds pour pardessus). L’uniformité des
brins n’étant pas nécessaire pour les cardés, le filateur peut mélanger de la laine
vierge à des brins courts rejetés lors de la production des peignés, à des laines
d’effilochage récupérées par destruction de vieux vêtements, etc. Le «shoddy» est
tiré de déchets souples, et le «mungo» de déchets serrés.
Il faut garder à l’esprit que ces opérations sont fort complexes et que l’état et
le type de la matière première utilisée, ainsi que les spécifications du produit
fini, influencent à chaque stade les opérations et leur séquence. Ainsi, on peut
teindre la laine avant le filage, en filés, en fin de fabrication, ou encore à
l’état de pièce tissée. Les opérations peuvent être effectuées dans différentes
usines.
La sécurité générale
L’accent a été mis sur les dangers qui surviennent plus particulièrement dans
l’industrie lainière, mais il faut souligner que la plupart des accidents se
produisent dans des circonstances que l’on retrouve dans toutes les branches
d’activité (chutes de personnes ou d’objets, manutentions, utilisation d’outils à
main, etc.) et que les principes généraux de sécurité s’appliquent à l’industrie
lainière comme à la plupart des autres industries.
Les poussières
De même que les poussières générées par les opérations de préparation risquent de
véhiculer les spores du bacille charbonneux, de nombreuses machines (effilocheuses
et cardeuses, notamment) produisent des poussières en quantités suffisantes pour
causer une irritation des muqueuses respiratoires. Ces poussières devraient donc
être éliminées grâce à un système efficace de ventilation par aspiration localisée.
Le bruit
Les filatures de laine sont souvent des endroits très bruyants en raison du grand
nombre de pièces en mouvement, notamment dans les métiers à tisser. Une
lubrification correcte atténue le bruit, mais elle ne dispense pas d’envisager la
mise en place de dispositifs antibruit et de réfléchir à d’autres solutions. La
prévention des pertes auditives d’origine professionnelle passe en grande partie
par l’utilisation de dispositifs de protection (coquilles, bouchons d’oreille). Il
est indispensable d’informer le personnel sur leur utilisation correcte et de
vérifier l’emploi qui en est fait. Un programme de protection de l’ouïe comportant
des audiogrammes périodiques est obligatoire dans de nombreux pays. Lorsque les
machines sont remplacées ou réparées, il convient d’adopter des mesures de nature à
réduire le bruit.
Le stress professionnel
Le stress professionnel, avec les effets qu’il exerce sur la santé et le bien-être
des travailleurs, est un problème réel dans l’industrie lainière. Etant donné que
de nombreuses usines fonctionnent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, le recours
au travail posté est souvent nécessaire. Pour satisfaire aux exigences de la
production, les chaînes fonctionnent en continu, de sorte que les travailleurs sont
«attachés» à une ou à plusieurs machines et doivent attendre un remplaçant pour se
rendre aux toilettes ou se reposer. Le bruit ambiant, le port de coquilles ou de
bouchons d’oreille et les tâches de routine fortement répétitives ont pour effet
d’isoler les opérateurs et d’entraver la communication, ce qui est souvent ressenti
comme stressant. La qualité de la surveillance et l’existence d’espaces de détente
sur les lieux de travail ont une grande influence sur les niveaux de stress
professionnel.
Conclusion
Si les grandes entreprises modernes sont en mesure d’investir dans les nouvelles
réalisations techniques, de nombreuses usines plus anciennes ou plus petites
continuent de fonctionner avec des machines obsolètes. Les impératifs économiques
tendent à réduire l’attention portée à la sécurité et à la santé du personnel. Dans
de nombreuses régions développées, les industriels abandonnent souvent leurs usines
au profit de nouvelles installations construites dans des pays en développement,
plus spécialement dans celles où la main-d’œuvre est bon marché et où les
réglementations en matière de sécurité et de santé sont inexistantes ou
généralement ignorées. Des investissements raisonnables en faveur de la santé et du
bien-être des travailleurs peuvent apporter des bénéfices non négligeables aux
entreprises comme aux salariés de l’industrie lainière, caractérisée par sa forte
intensité de main-d’œuvre.
L’INDUSTRIE DE LA SOIE
J. Kubota *
La soie est une fibre lustrée, résistante et élastique, produite par le ver à soie,
larve du bombyx; le même terme s’applique aussi au fil et au tissu faits de cette
fibre. Selon la tradition, l’industrie de la soie est née en Chine en 2640 avant
J.-C. Vers le IIIe siècle de notre ère, le ver à soie et son produit ont pénétré au
Japon en passant par la Corée, puis un peu plus tard en Inde. De là, la production
de la soie s’est lentement étendue vers l’ouest, à l’Europe et au Nouveau Monde.
Les dermatoses
Le mal des bassines . Une dermite des mains a été observée très fréquemment,
surtout au Japon, chez les femmes qui dévidaient la soie. On a signalé que le taux
de morbidité par mal des bassines était de 30 à 50% chez les personnes employées au
dévidage pendant les années vingt, et que 14% d’entre elles devaient s’arrêter de
travailler en moyenne trois jours par an. Les lésions cutanées, localisées surtout
aux doigts, aux poignets et sur les avant-bras, se caractérisaient par un érythème
sous forme de petites vésicules devenant chroniques, pustuleuses ou eczémateuses et
extrêmement douloureuses. On attribuait généralement cette affection aux produits
de décomposition des chrysalides mortes et à un parasite du cocon. Plus récemment,
des observations faites au Japon ont montré qu’elle est probablement due à la
température du bain de dévidage. Jusqu’en 1960, l’eau y était pratiquement toujours
maintenue à 65 °C; toutefois, depuis l’introduction des nouvelles installations
assurant une température comprise entre 30 et 45 °C, aucun cas de lésion cutanée
typique du dévidage n’a été signalé chez les travailleurs chargés de cette
opération.
Le bruit
L’exposition au bruit peut atteindre un stade dommageable pour les personnes qui
travaillent sur des machines de filage ou de bobinage des fils de soie ou dans les
ateliers de tissage. Une lubrification appropriée des machines et la mise en place
de dispositifs antibruit peuvent réduire partiellement le bruit, mais l’exposition
ininterrompue pendant toute la journée de travail peut avoir un effet cumulatif.
S’il n’est pas possible de réduire le niveau sonore ambiant, il convient de mettre
à la disposition des travailleurs des appareils de protection individuelle. Comme
pour tous ceux d’entre eux qui sont exposés au bruit, un programme de protection de
l’ouïe prévoyant des audiogrammes périodiques est souhaitable.
Dans l’industrie de la soie, les machines présentent les mêmes risques que dans
l’industrie textile en général. Un entretien correct des locaux, des protections
adéquates pour les organes mobiles, une formation continue à la sécurité et une
surveillance rigoureuse sont les meilleurs moyens de prévenir les accidents. Les
métiers mécaniques devraient être munis de dispositifs de protection pour éviter
les accidents dus aux navettes volantes. La fabrication du fil et les opérations de
tissage exigent un très bon éclairage.
LA VISCOSE (RAYONNE)
M.M. El Attal *
Dans le procédé viscose , la cellulose tirée de la pâte de bois est mise à tremper
dans une solution de soude caustique, et le liquide en excès est éliminé par
pressage; il se forme ainsi de l’alcali-cellulose qu’on débarrasse, à ce stade, des
impuretés qu’elle contient. Puis on réduit les feuilles d’alcali-cellulose en
miettes blanches qu’on laisse mûrir pendant quelques jours à température constante.
Ces miettes sont ensuite placées dans une autre cuve (baratte) où elles sont
soumises à l’action du sulfure de carbone qui les transforme en xanthate de
cellulose. Les miettes virent à l’orange doré. Elles sont alors dissoutes dans de
l’hydroxyde de sodium dilué, ce qui permet d’obtenir un liquide visqueux de couleur
orange appelé viscose. On mélange différents lots de viscose pour assurer une
qualité uniforme, puis la viscose est filtrée et stockée pendant plusieurs jours
dans des conditions très strictes de température et d’humidité qui en favorisent le
mûrissement. On procède ensuite à son extrusion à travers une filière percée
d’orifices très fins qui l’acheminent dans un bac contenant une solution d’acide
sulfurique à 10% environ. Elle forme alors des fils continus qui sont entraînés par
enroulement, ou coupés à la longueur désirée, et filés comme le coton ou la laine.
La rayonne est utilisée pour fabriquer des vêtements et des tissus lourds.
Les acides et les alcalis utilisés dans le procédé viscose sont assez dilués, mais
le danger est toujours présent lors de la préparation des dilutions, en raison des
éclaboussures qui atteignent parfois les yeux. Les miettes alcalines produites
pendant le déchiquetage des feuilles d’alcali-cellulose risquent d’irriter les
mains et les yeux des travailleurs, tandis que les vapeurs acides et le sulfure
d’hydrogène émanant du bain de filature peuvent provoquer une kérato-conjonctivite
caractérisée par un larmoiement abondant, une photophobie et d’importantes douleurs
oculaires.
Une surveillance constante doit être exercée au moyen d’un détecteur enregistreur
automatique, fonctionnant en continu, pour maintenir les concentrations de sulfure
de carbone et de sulfure d’hydrogène au-dessous des limites autorisées. Il est
conseillé d’encoffrer entièrement les machines et d’installer un système efficace
de ventilation par aspiration localisée (avec prises d’air au niveau du sol, ces
gaz étant plus lourds que l’air). Les travailleurs devraient être entraînés à
réagir aux situations d’urgence en cas de fuite de produits toxiques; les personnes
chargées de la maintenance et des réparations devraient disposer d’équipements de
protection individuelle appropriés; une formation solide et une surveillance
attentive leur éviteront, en outre, de prendre des risques inutiles.
Des salles de repos et des installations sanitaires sont une nécessité absolue. Une
surveillance médicale pendant la période d’essai et des visites médicales
périodiques sont recommandées.
Les fibres synthétiques sont fabriquées avec des polymères de synthèse obtenus à
partir de substances ou de composés fournis par l’industrie pétrochimique. A la
différence des fibres naturelles (laine, coton et soie), qui existaient déjà dans
l’Antiquité, les fibres synthétiques ne sont apparues que récemment: leur histoire
commence avec la mise au point du procédé de fabrication de la viscose en 1891 par
Cross et Bevan, deux chercheurs britanniques. Quelques années plus tard, la rayonne
était produite à petite échelle; sa véritable commercialisation commença au début
du XXe siècle. Depuis lors, un grand nombre de fibres synthétiques ont été mises au
point; elles possèdent chacune des propriétés qui répondent à un type particulier
de tissu et sont utilisées seules ou combinées à d’autres fibres. Il n’est pas
toujours facile d’en connaître le nombre exact du fait que la même fibre est
parfois commercialisée sous des noms différents, dans divers pays.
Les fibres sont obtenues en injectant des polymères à l’état fondu à travers les
orifices d’une filière pour obtenir un filament continu. Ce filament peut être
tissé directement pour former un tissu, mais pour imiter les caractéristiques des
fibres naturelles, il peut aussi être texturé, ce qui lui donne du volume, ou
encore être coupé et filé.
Les polyamides (nylons). Les divers types de nylon sont différenciés par les
chiffres qui indiquent le nombre d’atomes de carbone qu’ils renferment, le premier
de ces chiffres s’appliquant à la diamine. Ainsi, le premier en date des nylons,
formé d’hexaméthylènediamine et d’acide adipique, est connu sous le nom de nylon 66
ou 6.6 aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, du fait que la diamine et l’acide
bibasique contiennent chacun 6 atomes de carbone. Il est commercialisé sous les
marques Perlon T en Allemagne, Nailon en Italie, Nylsuisse en Suisse, Anid en
Espagne et Ducilo en Argentine.
Les polyesters. Le premier polyester a été produit en 1941. Le polyester est obtenu
par réaction de l’éthylèneglycol avec de l’acide téréphtalique. Les chaînes
moléculaires courtes s’assemblent en longues chaînes pour donner une masse
plastique que des pompes forcent à l’état fondu à travers des filières, à la sortie
desquelles les filaments durcissent dans un courant d’air froid, puis sont étirés.
Les fibres de polyester sont vendues sous les marques de Terylene au Royaume-Uni,
de Dacron aux Etats-Unis, de Tergal en France, de Terital et Wistel en Italie, de
Lavsan dans la CEI et de Toray-Tetoran au Japon.
Les dérivés polyvinyliques. Le produit le plus important de cette catégorie est le
polyacrylonitrile ou fibre acrylique dont la production a été lancée en 1948. Il
est maintenant commercialisé sous diverses marques: Acrilan et Orlon aux Etats-
Unis, Crylor en France, Leacril et Velicren en Italie, Amanian en Pologne,
Courtelle au Royaume-Uni, etc.
Les polyoléfines. La plus courante de ces fibres, connue sous le nom de Courlene au
Royaume-Uni, est obtenue par un procédé analogue à celui qui est utilisé pour le
nylon. Le polymère fondu à 300 °C est injecté à travers des filières, puis refroidi
à l’air ou dans l’eau pour former la fibre qui est ensuite étirée.
Les polypropylènes. Ce polymère, connu sous la marque de Hostalen en Allemagne, de
Meraklon en Italie et de Ulstron au Royaume-Uni, est filé à l’état fondu, puis
étiré et recuit.
Les polyuréthanes. La première de ces fibres, produite depuis 1943, a été le Perlon
U , polyuréthane obtenu par réaction de 1,4-butanediol avec
l’hexaméthylènediisocyanate. Les polyuréthanes servent maintenant de base à un
nouveau type de fibres synthétiques appelées spandex, d’une élasticité comparable à
celle du caoutchouc. Ils sont produits à partir de polyuréthane linéaire vulcanisé
à très haute température et sous très forte pression, donnant ainsi un polyuréthane
«vulcanisé» à liaison transversale qui s’extrude sous forme de monobrin. Ce fil
peut être gainé de fibre de rayonne ou de nylon qui en améliore l’aspect, le fil
lui-même servant d’âme élastique. Il est très utilisé dans la confection des
vêtements et sous-vêtements en tissu élastique. Les fils de spandex sont vendus
sous les marques Lycra, Vyrene et Glospan aux Etats-Unis et Spandrell au Royaume-
Uni.
Les procédés spéciaux
Le classement des fibres par longueur
La soie est la seule fibre naturelle qui se présente sous forme de filament
continu; les autres fibres naturelles n’existent qu’en fibres discontinues ou
«brins». La longueur de la fibre de coton est d’environ 2,6 cm, celle de la laine
de 6 à 10 cm et celle du lin de 30 à 50 cm. Les filaments continus des fibres
synthétiques sont parfois coupés à la machine pour obtenir des brins courts comme
dans le cas des fibres naturelles. Ces brins peuvent être ensuite travaillés de
nouveau sur une machine à filer le coton ou la laine; on obtient ainsi un meilleur
fini, qui élimine l’aspect vitreux de certaines fibres synthétiques. Parfois,
pendant le filage, on mélange plusieurs types de fibres synthétiques, ou encore des
fibres synthétiques et des fibres naturelles.
Le frisage
Pour donner à une fibre synthétique l’aspect et le toucher de la laine, on peut
faire passer les brins coupés (tors ou emmêlés) dans une machine spéciale, équipée
de cylindres cannelés, qui leur confère un frisage durable. Cette opération peut
aussi se faire chimiquement en agissant sur la coagulation du filament, de façon à
obtenir une fibre de section asymétrique, un côté étant plus épais que l’autre.
Lorsque la fibre est humide, le côté épais se gondole, et la fibre frise. Pour
obtenir des fils ondulés, connus aux Etats-Unis sous le nom de fils non torques ou
fils non texturés mousse, le fil synthétique est tricoté en jersey, thermodurci
dans cet état, et détricoté. La plus récente des méthodes utilisées consiste à
faire passer deux fils de nylon dans un appareil qui les chauffe à 180 °C, puis sur
une broche tournant à grande vitesse qui les retord. Sur la première machine
utilisée, les broches tournent à 60 000 tours/min; sur les plus récentes, la
vitesse de rotation est de l’ordre de 1,5 million tours/min.
En raison de leur légèreté, ces tissus synthétiques sont préférés aux lourds tissus
caoutchoutés ou plastifiés dont on aurait besoin pour obtenir le même niveau de
protection. Ils sont également beaucoup plus agréables à porter en ambiance chaude
et humide. Lorsqu’il s’agit de choisir des vêtements de protection en fibres
synthétiques, il faut d’abord en déterminer le nom générique et obtenir des
précisions sur leurs propriétés, par exemple le retrait, la photosensibilité, le
comportement en présence d’agents de nettoyage à sec et de détergents, la
résistance aux huiles, aux substances chimiques corrosives, aux solvants ordinaires
et à la chaleur et la propension du tissu à se charger d’électricité statique.
Dans le filage par voie sèche, lorsque les filaments émergent des filières pour
être séchés à l’air, les solvants s’évaporent en grandes quantités. Les vapeurs
dégagées présentent un grave risque d’explosion et d’intoxication et devraient être
évacuées par aspiration. Leur concentration devrait être surveillée et maintenue
au-dessous des limites d’explosion du solvant. Les vapeurs peuvent être distillées
et récupérées pour être réutilisées ou brûlées, mais il ne faut en aucun cas les
laisser s’échapper dans l’atmosphère.
Le feutre est une matière fibreuse obtenue en chauffant, humectant, malaxant, entre
autres procédés, des fibres de laine, des poils et de la fourrure, en vue de
constituer un tissu non tissé fortement aggloméré. Certains feutres sont
aiguilletés: leurs fibres sont fixées à un élément de fond lâchement tissé, ou
dossier, généralement fait de laine ou de jute.
La laine est d’abord triée et sélectionnée. On sépare les fibres dans une
effilocheuse, cylindre garni de pointes qui tourne et déchire les fibres, puis on
les soumet au garnettage dans une machine dont les rouleaux et les cylindres sont
garnis de fils métalliques en dents de scie. Les fibres sont nettoyées par
carbonisation dans une solution d’acide sulfurique à 18%; après séchage à une
température de 100 °C, elles sont mélangées et, le cas échéant, enrobées d’huile
minérale contenant un émulsifiant. Après effilochage et cardage, opérations qui
mélangent encore les fibres et les disposent plus ou moins parallèlement les unes
aux autres, la matière est placée sur un transporteur en déposant des couches d’un
fin voile qui est renvidé sur des perches et forme des nappes. Ces nappes molles
sont dirigées vers le local de durcissement où elles sont aspergées d’eau et
comprimées entre deux lourdes plaques; la plaque supérieure vibre, provoquant la
frisure et l’adhérence des fibres.
Pour compléter le feutrage, le tissu est placé dans des cuves d’acide sulfurique
dilué et pilonné au moyen de lourds marteaux de bois. Il est ensuite lavé (avec
addition de tétrachloroéthylène), essoré et teint, généralement avec des colorants
de synthèse. On ajoute parfois des substances chimiques qui rendent le feutre
imputrescible. Les étapes finales comprennent le séchage (à 65 °C pour les feutres
mous, à 112 °C pour les feutres durs), le tondage, le sablage, le brossage, le
pressage et le rognage.
Le bruit
Les opérations sont souvent bruyantes; lorsque les encoffrements, les enceintes
acoustiques et un graissage convenable ne suffisent pas à maintenir le bruit à un
niveau satisfaisant, des casques protecteurs ou des bouchons d’oreille devraient
être fournis aux travailleurs. De nombreux pays imposent un programme de protection
de l’ouïe prévoyant des audiogrammes à intervalles réguliers.
La poussière
Les locaux de fabrication du feutre sont poussiéreux et malsains pour les personnes
présentant des troubles respiratoires chroniques. La poussière n’est heureusement
pas associée à des maladies spécifiques, mais une ventilation par extraction est
cependant nécessaire. Les poils des animaux peuvent provoquer des réactions
allergiques chez les sujets sensibles; l’asthme bronchique demeure exceptionnel. La
poussière comporte également un risque d’incendie.
L’infection charbonneuse
Quelques cas de charbon ont été observés, bien que rarement, à la suite d’une
exposition à de la laine contaminée importée de régions dans lesquelles la maladie
est endémique.
La teinture
La teinture résulte d’une combinaison chimique ou d’une puissante affinité physique
entre un colorant et une fibre textile. Divers colorants et procédés sont utilisés,
suivant le type de tissu et le produit fini désiré.
Pour les tissus teintés, l’opération se fait en cuve ouverte et sans soude
caustique. La coloration naturelle du tissu s’élimine dans la solution
d’hypochlorite des cuves de blanchiment, après quoi le tissu est aéré, lavé et
déchloré dans une solution de bisulfite de sodium, lavé de nouveau et dégraissé à
l’acide chlorhydrique ou sulfurique dilué. Après un dernier lessivage très poussé,
le tissu est prêt pour la teinture ou l’impression.
La teinture
La teinture proprement dite se fait au «jigger» ou au foulard, machines où le tissu
passe dans une solution colorante stationnaire, préparée par dissolution d’une
poudre de teinture dans un produit chimique approprié, suivie de dilution dans
l’eau. Après la teinture, le tissu subit un traitement de finissage.
La teinture du nylon
La préparation des fibres de polyamide (nylon) en vue de la teinture comporte un
lessivage, un dépôt et, dans certains cas, un blanchiment. Le traitement choisi
pour le lessivage du polyamide dépend principalement de la composition du parement.
Les parements hydrosolubles à base de poly(alcool vinylique) ou d’acide
polyacrylique s’éliminent par lessivage dans une liqueur composée de savon et
d’ammoniaque ou de Lissapol N, voire d’un autre détergent ou de carbonate de
sodium. Après lessivage et rinçage abondant, le tissu est prêt pour la teinture ou
l’impression qui se font généralement en machine (au «jigger» ou au foulard).
La teinture de la laine
On lessive d’abord la laine brute par un procédé émulsifiant dans lequel
interviennent le savon et le carbonate de sodium. L’opération se déroule dans une
laveuse, longue auge pourvue de racles, d’un double fond et, à la sortie, de
rouleaux exprimeurs. Après ce lavage, la laine subit un blanchiment au peroxyde
d’hydrogène ou au dioxyde de soufre (gaz sulfureux), auquel cas le produit humide
est abandonné toute une nuit à l’action du gaz. On neutralise ensuite le gaz acide
par passage du tissu dans un bain de carbonate de sodium en solution, suivi d’un
lessivage. Après teinture, le tissu est rincé, essoré et enfin séché.
Des dispositions analogues devraient être prises lorsque le combustible gazeux qui
alimente les flambeuses provient d’une fraction légère de pétrole. L’installation
génératrice de gaz et les réservoirs de stockage de l’essence de pétrole volatile
devraient se trouver de préférence en dehors des bâtiments.
Maints colorants sont des irritants de la peau qui peuvent causer des dermatoses.
Les travailleurs sont souvent tentés de recourir à des mélanges dangereux
d’abrasifs, d’alcalis et d’agents de blanchiment pour enlever les taches de
teinture qu’ils portent aux mains.
Les solvants organiques qui interviennent dans les procédés de teinture ou qu’on
utilise pour nettoyer les machines peuvent aussi causer des dermatoses ou affaiblir
la résistance de la peau à l’action irritante d’autres substances dangereuses mises
en œuvre. Ils peuvent par ailleurs induire des atteintes du système nerveux
périphérique — c’est le cas, par exemple, du méthylbutylcétone (MBK). Certains
colorants se sont révélés cancérogènes, comme la rhodamine B, le magenta, la β-
naphtylamine, de même que certaines bases comme la dianisidine. L’emploi de β-
naphtylamine a généralement été abandonné dans les ateliers de teinture. Cette
question est examinée en détail ailleurs dans l’Encyclopédie.
L’impression
L’impression s’effectue sur une machine à rouleaux. Le colorant ou le pigment est
épaissi à l’amidon ou émulsionné; si l’on utilise des pigments, cette émulsion est
préparée avec un solvant organique. La pâte ou l’émulsion obtenue est prélevée par
les rouleaux graveurs qui appliquent le motif sur le tissu, puis la couleur est
fixée dans une machine de polymérisation. Le tissu imprimé fait ensuite l’objet du
finissage approprié.
Les teintures et les pigments employés pour l’impression des tissus se présentant
généralement sous forme liquide, il n’y a pas de risque d’exposition à la poussière
comme c’est le cas dans les opérations de teinture.
Le finissage
Le finissage est un terme qui s’applique à toute une gamme de traitements
généralement effectués au cours de l’opération précédant la fabrication. Toutefois,
certaines opérations de finissage peuvent également être réalisées après la
fabrication.
Le finissage mécanique
Ce type de finissage comprend des procédés qui modifient la texture ou l’apparence
d’un tissu sans faire appel à des produits chimiques; on peut citer:
Le finissage chimique
Le finissage chimique est effectué au moyen de divers équipements (foulards,
«jiggers», machines de teinture par jet, auges, barres de pulvérisation,
autoclaves, machines de teinture à palette, rouleaux de transfert par enduction et
bains moussants).
Conclusion
Comme dans les autres secteurs de l’industrie textile, les opérations de teinture,
d’impression et de finissage se déroulent soit dans des établissements anciens,
souvent de petite taille, dans lesquels la sécurité et la santé des travailleurs
sont fréquemment négligées, voire ignorées, soit dans des établissements plus
récents, de plus grande taille, dans lesquels la technologie est en évolution
constante et la maîtrise des risques est, dans la mesure du possible, intégrée dès
la conception des installations. En plus des risques spécifiques mentionnés plus
haut, des problèmes surviennent fréquemment, liés à l’éclairage, au bruit, à une
protection insuffisante des machines, au soulèvement et au port d’objets lourds ou
volumineux, etc. Un programme de prévention bien conçu et mis en œuvre, intégrant
une solide formation et une surveillance efficace des travailleurs, est dès lors
indispensable.
Les tissus en textiles non tissés ont fait une première apparition à la fin des
années quarante. Ils se sont développés dans les années cinquante et ont été
commercialisés dans les années soixante. Au cours des trente-cinq années qui ont
suivi, le secteur des non-tissés a atteint sa maturité et a trouvé des marchés soit
en offrant un bon rapport qualité-prix en lieu et place des textiles traditionnels,
soit en proposant des produits mis au point pour des utilisations spécifiques. Ce
secteur a mieux absorbé les récessions que les textiles traditionnels et a connu
une croissance plus rapide. Les risques professionnels sont les mêmes que dans les
autres secteurs de l’industrie textile (bruit, fibres en suspension dans l’air,
produits chimiques utilisés pour le collage des fibres, sécurité des surfaces de
travail, zones de pincement, brûlures par exposition à la chaleur, lésions
dorsales, etc.).
Les matières premières utilisées par cette industrie sont généralement les mêmes
que celles qui sont employées dans l’industrie textile traditionnelle et atteignent
chaque année près de 1 million de tonnes. Les fibres naturelles dont on se sert
sont principalement le coton et la pâte de bois. Quant aux fibres manufacturées, ce
sont la rayonne, les polyoléfines (polyéthylène et polypropylène), les polyesters
et, en quantités plus limitées, les nylons, les acryliques, les aramides, etc.
Les fibres en pâte de bois constituent l’un des principaux composants des couches
jetables, des protections pour incontinence et autres tissus absorbants. On utilise
des fibres de bois dur et de papier kraft. Dans les seuls Etats-Unis, on emploie
chaque année plus de 1 million de tonnes de pâte de bois. Une petite partie est
utilisée pour les non-tissés obtenus par voie pneumatique. Les produits servent
souvent à fabriquer des serviettes, pour des applications qui vont de la cuisine
aux sports.
Les fibres de nylon ne sont utilisées que modérément sous forme de fibres coupées
et assez peu dans les non-tissés encollés au filage (ou filés-liés). Les
principales applications des non-tissés encollés au filage sont le renforcement des
dossiers de moquettes et la fabrication des filtres en laine de verre. Ces tissus
confèrent une surface de faible friction aux dossiers, ce qui facilite la pose des
moquettes. Dans les filtres en laine de verre, le tissu permet de retenir les
fibres de verre dans le filtre et les empêche de pénétrer dans l’air filtré.
D’autres non-tissés particuliers, comme les aramides, trouvent des applications
dans des créneaux du marché dans lesquels leurs propriétés, comme une très faible
inflammabilité, par exemple, en rendent l’usage intéressant. Certains de ces non-
tissés sont aussi mis en œuvre dans l’industrie de l’ameublement pour diminuer
l’inflammabilité des canapés et des fauteuils.
Les travailleurs devraient se protéger les yeux et éviter de porter des vêtements
amples, des cravates, des bagues ou autres bijoux qui pourraient être happés par
les parties mobiles des machines. Ces procédés font presque toujours appel à
d’importants volumes d’air; aussi, des précautions particulières devraient être
prises pour éviter toute situation susceptible de favoriser les incendies; les
gaines d’aération devraient être dégagées, car il serait difficile d’y éteindre un
début d’incendie. Il importe en outre de s’assurer que les sols ne présentent pas
de risques de trébuchement ou de glissade.
Dans les procédés par liage, les installations devraient être nettoyées et tout
résidu de polymère éliminé par brûlage. Des fours très chauds sont généralement
utilisés à cette fin et les pièces nettoyées y sont entreposées. Une protection
adéquate est nécessaire tout au long de ces opérations, à commencer par le port de
gants résistants à la chaleur, la fourniture d’autres équipements de protection
thermique et la mise en service d’une ventilation assez puissante pour limiter la
chaleur et les fumées.
Les procédés par liage sont avantageux d’un point de vue économique, notamment
parce qu’ils sont relativement rapides et que l’on peut changer les bobines
enrouleuses sans interrompre les opérations. L’utilisation d’engins bien conçus
pour changer les rouleaux et une bonne formation du personnel devraient offrir une
marge de sécurité satisfaisante pendant cette opération.
Si les voiles formés doivent faire l’objet d’un liage à chaud, une petite quantité
(10% du poids environ) d’une fibre ou d’une poudre fondant à basse température sera
généralement ajoutée au voile. Cette substance est fondue par passage dans un four
à air chaud ou par exposition à des cylindres chauffés, puis refroidie pour obtenir
le liage du tissu. Dans ce cas, des équipements de protection thermique devraient
être mis à la disposition des travailleurs. Aux Etats-Unis, on produit chaque année
100 000 tonnes de non-tissés dont le liage se fait à chaud.
Le finissage
Les traitements de surface des non-tissés comprennent l’application de retardateurs
d’ignition, d’agents hydrofuges, d’adoucissants, d’antibactériens, de
thermofusibles, de lubrifiants, etc., ainsi que les traitements antistatiques. Ces
traitements de surface des non-tissés sont appliqués, selon le procédé et le type
de traitement, soit en ligne en cours de procédé, soit après la fabrication. Le
plus souvent, les traitements antistatiques sont appliqués en ligne, de même que
les traitements de surface comme l’effet corona. Les traitements tels que les
retardateurs d’ignition et les agents hydrofuges, par contre, sont le plus souvent
appliqués ultérieurement. Parmi les traitements spécifiques, on peut noter
l’exposition des voiles à un plasma de haute densité qui a pour effet d’influencer
la polarité des tissus et d’améliorer leurs performances dans les applications de
filtrage. La sécurité de ces procédés chimiques et physiques est différente pour
chaque application et doit être étudiée dans chaque cas.
LE TISSAGE ET LE TRICOTAGE
Charles Crocker
Le tissage
Le tissage consiste à entrelacer des fils tendus perpendiculairement les uns aux
autres. C’est la plus ancienne méthode de fabrication des tissus; des métiers
manuels étaient déjà utilisés dans la préhistoire. Le concept fondamental
d’entrecroisement n’a pas changé: les fils de chaîne sont disposés sur un rouleau
de grande taille appelé ensouple dérouleuse, monté à l’arrière de la machine.
L’extrémité des fils de chaîne est enfilée dans un harnais qui permet de lever ou
de baisser les fils de chaîne pour livrer passage à la navette. Le tissage le plus
simple demande deux harnais, mais on utilise parfois jusqu’à six harnais pour des
armures plus compliquées. Les métiers Jacquard sont employés pour fabriquer les
tissus aux motifs les plus décoratifs, et certains dispositifs permettent de tirer
ou de relâcher séparément chaque fil de chaîne. On enfile alors chaque extrémité de
fil sur un peigne (ou ros) aux dents métalliques parallèles et très rapprochées,
porté par la chasse ou battant du métier à tisser. Ce battant est conçu pour se
déplacer en formant un arc autour d’un point d’ancrage central. Les extrémités du
fil de chaîne sont attachées à la bobine enrouleuse, et le tissu vient s’y envider.
La plus ancienne méthode permettant de passer le fil de trame sur toute la largeur
des fils de chaîne est la navette, qui est propulsée librement d’un bord à l’autre
du métier et dévide le fil de trame placé sur une petite bobine qui se trouve à
l’intérieur. Une technique récente et plus rapide, illustrée à figure 89.9, appelée
tissage sans navette, fait appel soit à un jet fluide (air ou eau), soit à de
petits projectiles glissant sur une tringle mobile, soit encore à de petits
dispositifs en forme d’épée appelés lances ou rapières pour transférer le fil de
trame.
Les chutes
Les sols encombrés (pièces de machines, etc.) ou glissants (flaques d’huile, de
graisse ou d’eau) peuvent provoquer des chutes. Le maintien de l’ordre et de la
propreté revêt une importance particulière dans les ateliers de tissage: un grand
nombre de travailleurs de production passent la plus grande partie de leur journée
à parcourir leur lieu de travail, en gardant les yeux fixés sur les opérations en
cours et sans voir les objets qui peuvent se trouver sur le sol.
Les machines
Les dispositifs de transmission et la plupart des autres points de pincement sont
généralement protégés. En revanche, le ros, les harnais et d’autres parties des
machines auxquelles les tisserands doivent souvent accéder ne le sont que
partiellement. Un espace de travail et de passage suffisant devrait être aménagé
autour des machines; l’observation de bonnes pratiques de travail peut, en outre,
aider les travailleurs à éviter les risques qu’entraîne la marche des installations
de production. Dans le tissage à navette, des capots de protection montés sur le
ros permettent d’éviter que la navette ne soit éjectée ou de la rabattre en lui
conférant une trajectoire descendante. Le verrouillage, le blocage mécanique, etc.,
sont également nécessaires pour empêcher une mise en marche intempestive lorsqu’un
mécanicien ou d’autres travailleurs interviennent sur des machines à l’arrêt.
Les manutentions
Celles-ci comprennent le soulèvement et le déplacement de lourds cylindres d’appel,
d’ensouples d’enroulement, d’ensouples dérouleuses, etc. Des chariots à bras aident
à décharger, à faire la levée des petits rouleaux de tissu et à les transporter et
limitent le risque de lésions musculaires. Des chariots électriques sont parfois
utilisés pour procéder au levage des grands rouleaux de tissu placés à l’avant de
la machine. Des chariots hydrauliques, à commande mécanique ou manuelle, permettent
de déplacer des ensouples dérouleuses qui peuvent peser plusieurs centaines de
kilogrammes. Les manutentionnaires devraient porter des chaussures de sécurité.
Le bruit
La plupart des métiers à tisser, souvent nombreux dans un atelier de production
classique, produisent des niveaux de bruit généralement supérieurs à 90 dBA. Dans
certains ateliers de tissage à navette ou de tissage extrêmement rapide sans
navette, ces niveaux peuvent même dépasser 100 dBA. La plupart du temps, les
travailleurs occupés dans ce secteur d’activité devraient porter des appareils de
protection de l’ouïe appropriés et être soumis à un programme de surveillance de
leur acuité auditive.
Le tricotage mécanique *
* Les articles tricotés à la main constituent un important secteur artisanal. Les
données relatives aux effectifs des travailleurs occupés, en général des femmes,
sont notoirement insuffisantes. Le lecteur est renvoyé au chapitre no 96, «Les
arts, les loisirs et les spectacles», pour un apreçu des risques pour la santé que
cette activité fait encourir.
Le procédé de tricotage mécanique consiste à entrelacer des mailles de fil sur des
machines automatiques (voir figure 89.10). Ces machines se composent de rangées de
petites aiguilles à crochets permettant de faire passer les mailles nouvellement
formées à travers des mailles déjà formées. Les aiguilles à crochets présentent un
enclenchement original qui verrouille le crochet, ce qui permet de tirer facilement
la maille, puis s’ouvre pour permettre à la maille de descendre. Sur les
tricoteuses mécaniques circulaires, les aiguilles sont disposées en cercle, et le
tricot produit sort de la machine sous forme tubulaire et s’enroule autour d’une
envideuse. Les métiers à tricoter rectilignes et les métiers à chaîne, quant à eux,
présentent une rangée rectiligne d’aiguilles; le tricot sort à plat de la machine
et vient s’enrouler sur la bobine envideuse. Les métiers à tricoter circulaires et
les métiers à tricoter rectilignes sont généralement alimentés par des cônes de
fil, tandis que les métiers à chaîne le sont par des ensouples semblables à celles
utilisées dans le tissage, mais de plus petite taille.
Les tapis tissés ou noués à la main sont apparus en Perse plusieurs siècles avant
J.-C. Aux Etats-Unis, la première manufacture de tapis tissés a été construite à
Philadelphie en 1791. En 1839, l’industrie s’est complètement transformée
lorsqu’une force motrice fut, pour la première fois, appliquée au tissage des tapis
par Erastus Bigelow. Dans les ateliers modernes, la plupart des tapis se font à la
machine, en utilisant l’un ou l’autre des deux procédés de confection mécanique, le
tuftage et le tissage.
Les tapis tuftés ou touffetés sont aujourd’hui les plus répandus. Aux Etats-Unis,
par exemple, près de 96% des tapis produits sont tuftés, procédé emprunté à la
manufacture de dessus de lit tuftés située en Géorgie. Les tapis tuftés sont
confectionnés en faisant passer une fibre de poil dans un dossier prétissé
(généralement en polypropylène), puis en y fixant un second dossier présentant un
enduit à base de latex qui maintient les fils en place et réunit les deux dossiers
pour rendre le tapis plus stable.
La confection du tapis
Le tuftage mécanique
La machine à tufter comprend des centaines d’aiguilles (jusqu’à 2 400) placées sur
une barre horizontale qui couvre toute la largeur de la machine (voir figure
89.11). Le cantre, constitué de bobines de fil placées sur des râteliers, est
dirigé par des tubes de guidage de faible diamètre vers les aiguilles placées sur
une barre à saccades, ou jerker . Généralement, il existe deux bobinots de fil pour
chaque aiguille. L’extrémité du fil du premier bobinot est réunie avec l’extrémité
du second de façon que, lorsque le fil du premier bobinot est épuisé, le fil soit
fourni par le second sans qu’il soit nécessaire d’arrêter la machine. Chaque
extrémité de fil présente un tube de guidage qui permet d’éviter que les fils ne
s’emmêlent. Les fils passent à travers une série de guides verticaux alignés et
fixes, installés sur le bâti de la machine, et par un guide situé à l’extrémité
d’un bras qui se déploie à partir de la barre à aiguilles mobile de la machine.
Lorsque la barre à aiguilles se déplace vers le haut et vers le bas, le rapport
entre les deux guides se trouve modifié. La figure 89.12 montre les produits tuftés
utilisés pour les tapis à usage domestique.
La barre à saccades, ou jerker , reçoit le fil lâche dévidé pendant la montée des
aiguilles. Les fils sont enfilés sur leurs aiguilles respectives fixées sur la
barre. Les aiguilles se déplacent simultanément à raison de 500 courses à la minute
au moins, avec un mouvement de va-et-vient vertical. Une machine à tufter peut
produire de 1 000 à 2 000 m2 de tapis en huit heures.
Le premier élément du dossier dans lequel les fils sont insérés provient d’un
rouleau placé devant la machine. La vitesse du rouleau commande la longueur du
point et le nombre de points au cm2. Le nombre d’aiguilles au centimètre détermine
la jauge du tissu, 3/16 ou 5/32, par exemple.
Les boucleurs pour poils coupés ont une forme de «C» inversé et une surface
coupante sur le bord supérieur interne du croissant. Ils sont utilisés en
association avec des couteaux qui présentent un tranchant émoussé à une extrémité.
Au fur et à mesure que le dossier avance dans la machine vers les boucleurs pour
poils coupés, les fils prélevés dans les aiguilles sont coupés par cisaillement
entre le boucleur et l’arête tranchante du couteau. Sur les figures 89.13 et 89.14,
on peut voir les touffes sur un dossier et les différents types de boucles.
Le tissage
Le tapis tissé est constitué d’un fil velours tissé en même temps que les fils de
chaîne et de trame qui forment l’intégralité du dossier. Les fils du dossier sont
généralement en jute, en coton ou en polypropylène. Le fil velours peut être en
laine, en coton ou en fibres synthétiques comme le nylon, le polyester, le
polypropylène, l’acrylique, etc. Un enduit est appliqué sur l’envers pour
stabiliser le tapis; un second dossier n’est pas nécessaire et n’est que rarement
ajouté. Parmi les variantes du tapis tissé, on peut noter le tapis velours, le
Wilton et le tapis Axminster.
Les fils synthétiques sont obtenus par extrusion d’un polymère fondu injecté à
travers les très petits orifices d’une plaque métallique, ou filière. On ajoute
parfois au polymère fondu des additifs pour obtenir des teintures dans la masse ou
des fibres moins transparentes, plus blanches et plus durables, ou encore d’autres
propriétés particulières. A la sortie de la filière, les filaments sont refroidis,
étirés et texturés.
Le fil peut être produit soit sous forme de brin soit sous forme de filament
continu gonflant. Ce dernier est constitué de fils continus de fibre synthétique
formant faisceaux. Le fil extrudé s’obtient en enroulant directement sur des
bobines de renvidage le nombre de filaments correspondant au nombre de deniers que
l’on souhaite obtenir.
Les fibres en brins sont transformées en fils filés par les procédés classiques de
filage des textiles. Pour obtenir des fibres en brin, on extrude de gros faisceaux
de fibres appelés «câbles de filature». Après frisage, le câble est coupé en fibres
de 10 à 20 cm de longueur. Trois étapes importantes interviennent dans la
préparation — mélangeage, cardage et étirage — avant le filage. Le mélangeage
associe des balles de fibres en brins afin que les fibres s’entremêlent et que le
fil ne se divise pas au cours des opérations ultérieures de teinture. Le cardage
redresse les fibres et les configure en rubans. L’étirage a trois fonctions
principales: il mélange les fibres, les dispose en parallèle et diminue le poids
par unité de longueur de l’ensemble du faisceau de fibre, ce qui facilite le filage
au stade final.
Après le filage, qui étire le ruban jusqu’à la taille désirée, le fil est formé en
torons et retordu pour obtenir différents effets. Il est ensuite enroulé sur des
cônes pour être préparé en vue du thermofixage et du retordage.
Un second dossier est délicatement placé sur l’enduit de latex. On presse alors les
deux dossiers l’un contre l’autre entre deux cylindres de liaison. L’ensemble,
maintenu bien à plat et sans pli, passe ensuite dans un long four qui mesure
généralement de 24 à 49 m de long, dans lequel s’effectuent le séchage et la
polymérisation dans trois zones de température échelonnées entre 115 et 150 °C, et
cela pendant 2 à 5 minutes. Le séchage du tapis demande un taux élevé
d’évaporation, obtenu en soufflant de l’air chaud vers des zones dans lesquelles la
chaleur est strictement contrôlée.
Les matériels anciens encore en usage devraient être fréquemment inspectés et les
pièces déformées remplacées si besoin est. Les arbres de transmission, les
courroies trapézoïdales, les mécanismes d’entraînement à poulie, à chaîne et à
pignons, les treuils et les appareils de levage devraient être régulièrement
inspectés et des dispositifs de protection installés là où ils sont nécessaires.
Dans les ateliers, on utilise des chariots porte-bobines que l’on pousse à la main
pour déplacer la matière première; étant donné que des résidus de la production du
fil s’accumulent sur le sol, il convient de nettoyer les roues de ces chariots pour
éviter qu’elles ne se bloquent.
Les travailleurs devraient connaître les risques que présente la mise en œuvre
d’air comprimé, qui est d’un usage courant dans les opérations de nettoyage.
Les ateliers devraient se conformer aux normes modernes d’extraction des peluches
et des poussières et de dissipation de la chaleur.
Tous les tapis d’Orient sont tissés à la main. Ils sont souvent confectionnés à
domicile; tous les membres de la famille, y compris les très jeunes enfants,
travaillent sur le métier de longues heures pendant la journée et même la nuit. Il
s’agit parfois simplement d’une occupation à temps partiel pour la famille; dans
certaines régions, la confection des tapis n’est plus effectuée à domicile, mais
s’est déplacée vers des manufactures dont la taille demeure généralement modeste.
Les opérations
Les opérations associées à la confection des tapis comprennent la préparation du
fil — qui consiste à tirer la laine et à la classer en diverses variétés, à la
laver, à la filer et à la teindre —, le dessin du motif du tapis et le tissage
proprement dit.
La préparation du fil
Parfois, le fil est déjà façonné et teint lorsqu’il parvient aux ateliers de
tissage. Dans d’autres cas, la fibre brute, le plus souvent de laine, est préparée,
filée et teinte sur place. La première opération, généralement effectuée par des
femmes assises à même le sol, consiste à classer la matière première par variété.
Ensuite, la laine est lavée et filée à la main. La teinture se fait habituellement
dans des récipients ouverts, et l’on emploie principalement des colorants à base
d’aniline ou d’alizarine; les colorants naturels ne sont plus guère utilisés.
Le dessin et le tissage
Dans la fabrication familiale ou «tribale», les motifs sont traditionnels et il
n’est pas nécessaire d’en inventer de nouveaux; toutefois, dans une entreprise
employant un certain nombre de travailleurs, un dessinateur trace des ébauches
qu’il transpose sur du papier quadrillé, dont chaque case représente un point; le
tisseur peut ainsi s’assurer du nombre et de la disposition des nœuds.
Tandis que le tapis avance, il est souvent enroulé autour du cylindre inférieur,
dont le diamètre augmente. Lorsque le tisseur est accroupi à même le sol, la
position du cylindre inférieur l’empêche d’allonger les jambes et, à mesure que le
diamètre de ce cylindre augmente, le tisseur est repoussé en arrière et doit se
courber de plus en plus en avant pour nouer les fils (voir figure 89.15). Cette
posture peut être évitée lorsque les tisseurs sont assis ou accroupis sur une
poutre que l’on peut relever jusqu’à 4 m au-dessus du sol mais, là encore, ils
n’ont bien souvent pas la place suffisante pour étendre leurs jambes et sont
contraints de demeurer dans une position inconfortable. Dans certains cas,
pourtant, le tisseur peut s’asseoir sur un siège fixe, équipé d’un dossier et d’un
coussin (il s’agit en fait d’une chaise sans pieds qui peut être déplacée
horizontalement le long de la poutre au fur et à mesure que le travail avance). Des
types améliorés de métiers surélevés ont été mis au point; ils permettent au
tisseur d’être assis sur une chaise et de disposer d’une place suffisante pour
étendre ses jambes.
Dans certaines régions d’Iran, les fils de chaîne sont disposés horizontalement et
le tisseur doit s’installer sur le tapis lui-même, ce qui rend sa tâche encore plus
difficile.
Le stress
L’extrême précision de ce travail, qui demande une grande dextérité et une
attention constante pendant de longues heures, provoque parfois des troubles
nerveux et un stress que ne peuvent qu’aggraver l’exploitation des travailleurs et
une discipline très dure. Les enfants se voient souvent «voler leur enfance», et
les adultes, qui manquent généralement des contacts sociaux indispensables à un bon
équilibre affectif, peuvent développer des maladies nerveuses qui se traduisent par
des tremblements des mains (susceptibles de diminuer leur rendement) et, parfois,
des troubles mentaux.
Les ateliers devraient être nettoyés et bien aérés et être revêtus d’un plancher
remplaçant la terre battue. Par temps froid, ils devraient être chauffés. La
manipulation des fils de chaîne est pénible pour les doigts et peut occasionner de
l’arthrite: aussi emploiera-t-on le plus souvent possible des couteaux spéciaux en
forme de crochet pour nouer les fils de chaîne. Des examens médicaux d’embauche et
périodiques sont vivement recommandés pour tous les travailleurs.
Le tuftage à la main est une autre méthode de confection des tapis. On utilise pour
cela un outil spécial présentant une aiguille dans le chas de laquelle on enfile le
fil. Un calicot sur lequel a été tracé le dessin du tapis est suspendu
verticalement; lorsque le tisseur place l’outil contre le tissu et appuie sur un
bouton, l’aiguille pénètre dans le tissu puis se rétracte, en laissant sur l’envers
une boucle de fil d’environ 10 mm. Il déplace alors horizontalement l’outil de 2 ou
3 mm, en laissant une boucle à la surface du tissu, et appuie à nouveau sur le
bouton pour former une nouvelle boucle sur l’envers. Avec un peu d’habitude, on
peut obtenir en une minute jusqu’à 30 boucles de chaque côté. Selon le dessin, le
tisseur doit s’arrêter de temps à autre pour changer la couleur de fil en fonction
du motif. Lorsque cette opération est achevée, le tapis est descendu et étendu par
terre à l’envers. On applique alors sur l’envers un enduit de caoutchouc, puis un
dossier en toile de jute résistante. On retourne ensuite le tapis sur l’endroit et
les boucles de fil sont égalisées au moyen de ciseaux électriques. Parfois, le
motif du tapis est obtenu en coupant les poils à des hauteurs différentes.
La législation
Dans la plupart des pays, les dispositions d’ordre général relatives aux
établissements industriels fixent les conditions de sécurité et de santé. Parfois,
pourtant, elles ne s’appliquent pas aux entreprises familiales ou au travail à
domicile et sont difficiles à mettre en œuvre dans les petites entreprises isolées
qui emploient néanmoins de nombreux travailleurs. Cette branche d’activité est
connue pour l’exploitation de la main-d’œuvre et le travail des enfants, bien
souvent au mépris de toutes les réglementations en vigueur. On peut espérer que le
mouvement qui se fait jour dans le monde entier (depuis le milieu des années
quatre-vingt-dix) parmi les acheteurs de tapis tissés ou tuftés à la main, et qui
préconise le boycott des produits issus d’un travail au noir ou confectionnés par
des travailleurs exploités, permettra de mettre fin à cette situation.
LES TROUBLES RESPIRATOIRES ET LES AUTRES MALADIES OBSERVÉS DANS L’INDUSTRIE TEXTILE
E. Neil Schachter
Il y a près de 300 ans que l’on parle des risques liés au travail dans l’industrie
textile. Au début du XVIIIe siècle, Ramazzini, 1713 [1964] décrivait déjà une forme
particulière d’asthme chez les cardeurs de lin et de chanvre. Il évoquait les
poussières malodorantes et toxiques qui provoquaient une toux incessante finissant
par évoluer en affection asthmatique. Ce type de symptôme est effectivement apparu
dès les débuts de l’industrie textile, comme le montrent les études physiologiques
de Bouhuys et coll. (1973) à Philipsburg Manor (recherches sur l’implantation dans
les premières colonies néerlandaises de North Tarrytown, New York, Etats-Unis).
Pendant tout le XIXe siècle et au début du XXe siècle, de nombreux auteurs ont
décrit de plus en plus souvent les manifestations respiratoires des maladies
professionnelles observées dans les usines textiles. Ces pathologies ont cependant
été souvent ignorées, aux Etats-Unis, jusqu’au milieu du XXe siècle où les enquêtes
menées sous la direction de Richard Schilling (1981) ont indiqué que, malgré les
dénis de l’industrie et du gouvernement, la byssinose était bien une réalité
(American Textile Reporter, 1969; Britten, Bloomfield et Goddard, 1933; Department
of Labor (DOL), 1945). De nombreuses études ultérieures ont montré que les
travailleurs du textile souffrent de leur milieu de travail dans toutes les régions
du monde.
Stade 1
Stade 2
Stade 3
La toux des tisserands est avant tout un état asthmatique typiquement accompagné de
fièvre, qui survient aussi bien chez les nouveaux travailleurs que chez les
anciens. Contrairement à la fièvre du coton, les symptômes peuvent persister
pendant des mois. Le syndrome a été associé à des produits utilisés pour traiter le
fil, tels que la poudre de graines de tamarin (Murray, Dingwall-Fordyce et Lane,
1957) et la gomme de caroube (Vigliani, Parmeggiani et Sassi, 1954).
La bronchite chronique, telle que définie d’après les antécédents médicaux, est
très fréquente chez les travailleurs du textile et, notamment, chez les non-
fumeurs. Cette observation n’est pas étonnante puisque la caractéristique
histologique dominante de la bronchite chronique est une hyperplasie des glandes
muqueuses (Edwards et coll., 1975; Moran, 1983). La symptomatologie de la bronchite
chronique doit être soigneusement distinguée des symptômes de la byssinose
classique, bien que les troubles se recoupent souvent et qu’il existe probablement
dans ce contexte différentes manifestations physiopathologiques de la même
inflammation des voies respiratoires.
Les études pathologiques des travailleurs du textile sont peu nombreuses. Les
observations montrent toutefois que les grandes voies aériennes sont
systématiquement impliquées (Edwards et coll., 1975; Rooke, 1981a; Moran, 1983),
sans que l’on ne relève aucun signe de destruction du parenchyme pulmonaire
(emphysème) (Moran, 1983).
Les études transversales ont également montré que d’autres symptômes et syndromes
respiratoires chroniques, tels que sifflement ou bronchite chronique, sont aussi
beaucoup plus fréquents chez les personnes qui ont travaillé longtemps dans
l’industrie cotonnière qu’au sein d’une population témoin comparable (Bouhuys et
coll., 1977; Bouhuys, Beck et Schoenberg, 1979). La fréquence des cas de bronchite
chronique était systématiquement plus élevée chez les travailleurs du coton que
dans les populations témoins, même après ajustement tenant compte du sexe et du
tabagisme. Dans la byssinose de stade 3, outre la symptomatologie, les sujets
présentent des modifications de la fonction respiratoire. Apparue dans les études
transversales portant sur des travailleurs du textile, l’association entre la
détérioration de la fonction respiratoire et les stades les plus avancés de la
byssinose tend à mettre en évidence le caractère évolutif de la maladie du stade 1
vers le stade 3. Plusieurs de ces études transversales indiquent en outre que la
diminution de la fonction pulmonaire au cours de la semaine de travail par rapport
à la valeur de référence (corrélée à la constriction thoracique aiguë) est associée
à une évolution chronique irréversible.
Dans une étude de Roach et Schilling (1960), l’existence d’une relation dose-
réponse dans la symptomatologie aiguë confirme la relation entre pathologies aiguës
et chroniques chez les travailleurs de l’industrie textile. Ces auteurs ont observé
une relation linéaire très marquée entre la réponse biologique et les
concentrations de poussières sur le lieu de travail. D’après leurs observations, la
limite de sécurité applicable à l’exposition à des poussières macroscopiques se
situe à 1 mg/m3. Cette valeur a été adoptée ultérieurement par la Conférence
américaine des hygiénistes gouvernementaux du travail (American Conference of
Governmental Industrial Hygien-ists (ACGIH)) et, jusqu’à la fin des années
soixante-dix, elle est restée en vigueur aux Etats-Unis pour les poussières de
coton. Des observations rapportées par la suite ont démontré que les poussières
fines (< 7 µm) étaient responsables de pratiquement tous les cas de byssinose
(Molyneux et Tombleson, 1970; Mckerrow et Schilling, 1961; McKerrow et coll., 1962;
Wood et Roach, 1964). Une étude faite en 1973 par Merchant et coll. sur les
symptômes respiratoires et la fonction pulmonaire dans 22 usines textiles de
Caroline du Nord a porté sur 1 260 travailleurs du coton, 803 du coton et du
synthétique et 904 de la laine et du synthétique. Cette étude a confirmé la
relation linéaire qui existe entre la prévalence de la byssinose (et la
détérioration de la fonction pulmonaire) et les concentrations de poussières
exemptes de fibres de coton.
Dans une série d’enquêtes portant sur plusieurs milliers de travailleurs du textile
suivis à la fin des années soixante pendant une période de cinq ans, Fox et coll.
(1973a, 1973b) ont constaté un accroissement du nombre des cas de byssinose,
parallèle à l’ancienneté de l’exposition. Ils ont observé aussi une diminution
annuelle du volume expiratoire maximal seconde (VEMS) (pourcentage par rapport à la
valeur théorique) sept fois plus importante que chez les témoins.
Une seule étude portant sur les broncho-pneumopathies chroniques chez les
travailleurs du textile a été menée au début des années soixante-dix par Arend
Bouhuys (Bouhuys et coll., 1977). L’originalité de cette étude a été d’inclure
aussi bien le personnel en activité que les retraités. Les sujets étaient ou
avaient été employés dans l’une des quatre usines locales de Columbia, en Caroline
du Sud. Les critères de sélection de la cohorte ont été décrits dans la première
analyse transversale. A l’origine, le groupe retenu comptait 692 personnes, mais
l’analyse a été restreinte à 646 sujets de race blanche, âgés d’au moins 45 ans en
1973. Ces personnes avaient travaillé en moyenne trente-cinq ans dans l’usine. Le
groupe témoin retenu pour l’analyse transversale était constitué de sujets de race
blanche d’au moins 45 ans, dans trois localités ayant fait l’objet d’une étude
transversale: Ansonia, Lebanon (Connecticut) et Winnsboro (Caroline du Sud). Malgré
les différences géographiques, socio-économiques ou autres, la fonction pulmonaire
dans cette population n’était pas différente de celle qui avait été mesurée chez
les travailleurs du textile affectés aux tâches les moins poussiéreuses. Aucune
variation de la fonction pulmonaire et des symptômes respiratoires n’étant apparue
dans les trois sous-populations témoins, seuls les sujets de Lebanon étudiés en
1972 et en 1978 ont été retenus comme témoins pour l’étude longitudinale effectuée
en 1973 et en 1979 chez les travailleurs du textile (Beck, Doyle et Schachter,
1981; Beck, Doyle et Schachter, 1982).
De nombreux auteurs ont soulevé la question du tabagisme qui peut laisser perplexe.
De nombreux travailleurs du textile étant des fumeurs de cigarettes, il a été
avancé que la broncho-pneumopathie chronique attribuée à l’exposition aux
poussières de textiles était en réalité largement imputable au tabagisme. Deux
réponses ont été apportées à cette question, sur la base des observations
effectuées chez les travailleurs de Columbia. Dans l’étude de Beck, Maunder et
Schachter (1984), une analyse de variance bifactorielle portant sur tous les
paramètres de la fonction respiratoire a démontré que les effets de la poussière de
coton et du tabagisme étaient uniquement additifs. En d’autres termes, la
détérioration quantitative de la fonction pulmonaire due à l’un des deux facteurs
(tabagisme ou exposition aux poussières) ne varie pas en fonction de la présence ou
de l’absence du second facteur. La détérioration de la capacité vitale et la
diminution du VEMS apparaissent quantitativement similaires (antécédents de
tabagisme de 56 paquets-année en moyenne, pour 35 ans de travail en usine). Dans
une étude de même type, Schachter et coll. (1989) ont montré que l’utilisation d’un
paramètre reflétant la courbe du débit expiratoire de pointe (l’angle bêta)
permettait de distinguer les profils d’anomalies fonctionnelles respiratoires dus
au tabagisme et aux poussières de coton. Ces travaux ont confirmé les conclusions
antérieures de Merchant.
La mortalité
Les études consacrées à l’effet sur la mortalité de l’exposition aux poussières de
coton n’ont pas démontré d’influence systématique. L’analyse des résultats publiés
à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle au Royaume-Uni semble mettre en
évidence une mortalité cardio-vasculaire accrue chez les travailleurs âgés dans
l’industrie textile (Schilling et Goodman, 1951). En revanche, l’examen des données
disponibles dans les localités de la Nouvelle-Angleterre où étaient implantées des
usines textiles à la fin du XIXe siècle n’a pas confirmé ce phénomène (Arlidge,
1892). De même, Henderson et Enterline (1973) ont abouti à des conclusions
négatives dans leur étude portant sur des travailleurs qui avaient été employés
dans des usines situées en Géorgie entre 1938 et 1951. Au contraire, Dubrow et Gute
(1988), qui ont conduit une étude sur des travailleurs du textile dans le Rhode
Island décédés entre 1968 et 1978, ont observé une augmentation significative du
taux de mortalité proportionnelle imputable aux pathologies respiratoires non
malignes. Ce phénomène était associé à une exposition accrue aux poussières puisque
le taux était plus élevé chez les travailleurs affectés au cardage, au doublage et
au peignage que chez les autres travailleurs du textile. Il faut souligner que,
dans cette étude comme dans d’autres (Dubrow et Gute, 1988; Merchant et Ortmeyer,
1981), la mortalité par cancer du poumon était faible. Cet argument a été mis en
avant pour affirmer que le tabagisme n’était pas une cause majeure de mortalité
dans ces groupes.
Des observations effectuées en Caroline du Sud semblent indiquer que les broncho-
pneumopathies chroniques sont une cause majeure de mortalité ou constituent, en
tout cas, un facteur prédisposant. En effet, chez les travailleurs qui sont décédés
entre 45 et 64 ans au cours d’une période de suivi de six ans, la fonction
pulmonaire mesurée d’après le VEMS résiduel (valeur observée par rapport à la
valeur théorique) s’était considérablement détériorée lors de l’étude initiale chez
les hommes non-fumeurs décédés au cours des six années de suivi (VEMS résiduel
moyen = 0,9 l) (Beck et coll., 1981). Il est fort possible que l’effet du travail
en usine sur la mortalité ait été masqué par un phénomène de sélection (effet du
travailleur en bonne santé). Enfin, Rooke (1981b) a estimé que, sur les 121 décès
observés en moyenne chaque année chez les travailleurs invalides, 39 étaient
imputables à la byssinose.
Aux Etats-Unis, Glindmeyer et coll. (1991, 1994) ont conduit une étude prospective
sur cinq ans dans 9 usines (6 usines de coton et 3 de fibres synthétiques), entre
1982 et 1987. Celle-ci a porté sur 1 817 travailleurs affectés exclusivement à la
fabrication de filés de coton, à l’encollage et au tissage ou à la fabrication de
textiles synthétiques. Dans l’ensemble, moins de 2% des travail-leurs présentaient
des symptômes de byssinose. Cependant, les travailleurs affectés aux opérations de
fabrication des filés présentaient une détérioration annuelle de la fonction
pulmonaire plus importante que les travailleurs chargés de l’encollage et du
tissage. Les premiers accusaient une détérioration en fonction de la dose absorbée,
en relation également avec la qualité du coton utilisé. Ces usines respectaient les
normes de l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational
Safety and Health Administration (OSHA)), avec des concentrations moyennes de
poussières de coton en suspension dans l’air (exemptes de coton-fibre) atteignant,
sur 8 heures, 196 µg/m3 pour la fabrication du fil et 455 µg/m3 pour l’encollage et
le tissage. Glindmeyer et coll. (1994), qui ont mis en relation les variations de
la fonction pulmonaire au cours de la semaine de travail (équivalent fonctionnel
objectif des symptômes de byssinose) et la détérioration de ce paramètre dans le
temps, ont montré que les premières annonçaient de façon significative l’évolution
longitudinale.
Les traumatismes dus aux mouvements répétés constituent un risque reconnu dans
l’industrie textile lorsqu’on a recours à des machines qui fonctionnent à vitesse
élevée (Thomas, 1991). Une description du syndrome du canal carpien (Forst et
Hryhorczuk, 1988) chez une couturière se servant d’une machine à coudre électrique
illustre la pathogénie de ce type d’affection. Une analyse des lésions des mains
chez les travailleurs de la laine dans le Yorkshire, traitées entre 1965 et 1984
par l’Unité régionale de chirurgie plastique, a montré une constance de l’incidence
annuelle de ces lésions, alors que les effectifs avaient été divisés par 5, ce qui
indique un risque accru dans cette population (Myles et Roberts, 1985).
Une toxicité hépatique a été rapportée par Redlich et coll. (1988) chez des
travailleurs du textile exposés au diméthylformamide, utilisé comme solvant dans
une usine de traitement de tissus. Cette toxicité a été reconnue lors d’une
«épidémie» d’hépatopathies dans un établissement de New Haven (Connecticut) qui
produit des tissus enduits de polyuréthane.
Enfin, des cas de stérilité ont été décrits chez des hommes et des femmes à la
suite d’une exposition à diverses substances présentes dans l’industrie textile
(Rachootin et Olsen, 1983; Buiatti et coll., 1984).
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L’industrie textile
Le terme industrie textile (du latin texere , tisser) s’appliquait à l’origine au
tissage d’étoffes à partir de fibres, mais il recouvre aujourd’hui toute une série
d’autres procédés tels que le tricotage, le tuftage (ou touffetage) et le feutrage,
pour n’en citer que quelques-uns. Ce terme s’étend même à la fabrication de filés
ou de non-tissés à partir de fibres naturelles ou synthétiques, ainsi qu’au
finissage et à la teinture des étoffes.
La production de filés
A l’époque préhistorique, on utilisait des poils d’animaux, des plantes et des
graines pour fabriquer des fibres. La soie a été introduite en Chine vers 2600
avant J.-C. et les premières fibres synthétiques ont été mises au point au milieu
du XVIIIe siècle. Les fibres synthétiques fabriquées à partir de cellulose ou de
produits pétrochimiques sont de plus en plus utilisées, seules ou en mélange avec
d’autres fibres synthétiques ou naturelles, mais elles n’ont jamais remplacé
totalement les fibres naturelles telles que la laine, le coton, le lin et la soie.
La soie est la seule fibre naturelle formée de filaments qu’il est possible de
réunir et de transformer en fil par torsion. Les autres fibres naturelles doivent
être préalablement étirées et alignées parallèlement par peignage, puis
transformées en un fil continu par filage. Le fuseau est le premier outil utilisé
pour filer. Il a été mécanisé en Europe vers l’an 1400 grâce à l’invention du
rouet. C’est à la fin du XVIIe siècle qu’est apparue la machine à filer qui
permettait de faire fonctionner simultanément plusieurs fuseaux. Avec le métier à
filer inventé en 1769 par Richard Arkwright et le métier renvideur de Samuel
Crompton, qui permettait de faire fonctionner un millier de broches à la fois, la
filature est passée du stade artisanal à l’ère industrielle.
La teinture et l’impression
A l’origine, on utilisait des colorants naturels pour teindre les fils et les
tissus, mais ces procédés se sont compliqués au XIXe siècle avec la découverte des
colorants dérivés des goudrons de houille, puis avec la mise au point des fibres
synthétiques au XXe siècle. Au début, l’impression à la planche servait à teindre
les tissus (la sérigraphie a été mise au point pour cette application vers le
milieu du XIXe siècle), mais elle a été rapidement remplacée par l’impression au
rouleau. Des rouleaux en cuivre gravé ont été utilisés pour la première fois en
Angleterre en 1785. Des améliorations rapides ont permis d’imprimer, grâce à ce
procédé, en six couleurs différentes, parfaitement transférées. Avec les techniques
modernes, on peut imprimer 180 m de tissu par minute en 16 couleurs ou davantage.
Le finissage
Jadis, le finissage des tissus passait par le brossage ou le tondage, l’apprêtage
ou l’encollage, ou encore le calandrage pour obtenir un effet brillant.
Aujourd’hui, les tissus sont rétrécis, mercerisés (les fils et les tissus de coton
sont traités par des solutions caustiques pour les renforcer et les faire briller)
et soumis à toute une série de traitements destinés à améliorer entre autres la
résistance au froissement, à l’eau, au feu et aux moisissures ou encore la tenue
des plis.
De l’artisanat à l’industrie
La fabrication des textiles était initialement un art manuel pratiqué soit par des
fileurs et des tisseurs qui travaillaient à domicile, soit par de petites équipes
d’artisans qualifiés. Les progrès techniques ont fait naître de grandes entreprises
textiles économiquement très importantes, principalement au Royaume-Uni et dans les
pays d’Europe occidentale. Les premiers immigrants installés en Amérique du Nord
ont implanté des fabriques de tissus en Nouvelle-Angleterre (Samuel Slater, qui
avait dirigé une usine textile en Angleterre, a construit de mémoire un métier à
filer à Providence, Rhode Island, en 1790). L’invention de l’égreneuse par Eli
Whitney, qui permettait de nettoyer très rapidement le coton récolté, a entraîné un
accroissement de la demande en tissus de coton.
Ainsi, les progrès techniques accomplis au cours des XVIIIe et XIXe siècles n’ont
pas seulement donné le coup d’envoi à l’industrie textile moderne, mais ont été à
l’origine de la révolution industrielle et de mutations familiales et sociales
profondes. De nouveaux changements ont lieu aujourd’hui, puisque les grosses
entreprises textiles se déplacent vers de nouvelles régions qui offrent une main-
d’œuvre et des sources d’énergie moins onéreuses, tandis que la bataille de la
concurrence suscite des développements techniques incessants tels que la production
assistée par ordinateur (PAO) qui permet de réduire les effectifs et d’améliorer la
qualité. Les politiciens, quant à eux, négocient des quotas et des tarifs, ou
mettent en place des barrières économiques pour obtenir ou conserver des avantages
concurrentiels pour leur pays. Ainsi, l’industrie textile fournit des produits
essentiels à une population mondiale en pleine expansion, tout en exerçant une
influence profonde sur le commerce international et l’économie des nations.
Les risques liés aux différents secteurs de cette branche sont exposés dans les
articles du présent chapitre qui soulignent l’importance des facteurs suivants:
entretien des locaux et des machines; installation de systèmes de protection et de
dispositifs de sécurité efficaces pour éviter tout contact avec les pièces en
mouvement; mise en place d’une ventilation par aspiration localisée en complément
d’un bon système général de ventilation et de régulation de la température; enfin,
fourniture d’équipements et de vêtements de protection individuelle lorsqu’un
risque ne peut être totalement maîtrisé ou supprimé par la conception initiale, par
la prévention collective ou par l’utilisation de substances moins dangereuses. Les
auteurs insistent tous sur la nécessité d’informer et de former sans relâche le
personnel à tous les niveaux et sur l’importance de la surveillance.
Les problèmes liés à l’environnement
Les préoccupations qui se font jour au sujet de l’environnement dans l’industrie
textile ont deux origines: les opérations de fabrication elles-mêmes et les risques
liés au mode d’utilisation des produits.
La contamination des eaux usées par les colorants non fixés pose un problème
d’environnement grave, non seulement en raison des risques potentiels pour la santé
de l’être humain et des animaux, mais aussi en raison de la forte visibilité des
colorations produites. Dans les opérations de teinture ordinaire, on peut obtenir
une fixation de plus de 90%, mais ce taux tombe à 60%, voire moins, lorsqu’on se
sert de colorants réactifs. En d’autres termes, plus d’un tiers de la teinture
passe dans les eaux usées lors du dégommage du tissu imprimé, sans compter les
quantités dues au lavage des cadres, des pochoirs et des tambours.
Un certain nombre de pays ont fixé des limites portant sur la coloration des eaux
usées, mais il est souvent extrêmement difficile de les respecter sans installer un
système d’épuration très coûteux. Entre autres solutions, on utilise des teintures
dont l’effet contaminant est moindre et on tente de mettre au point des colorants
et des épaississants de synthèse qui augmentent le degré de fixation des teintures
et réduisent les excédents à éliminer par lavage (Grund, 1995).
Le formaldéhyde et les solvants résiduels se trouvant dans les tapis et les tissus
servant pour l’ameublement et les rideaux continuent de se vaporiser
progressivement pendant un certain temps. Dans les immeubles très bien isolés, où
le système d’air conditionné recycle la plus grande partie de l’air au lieu de
l’évacuer à l’extérieur, ces substances peuvent atteindre des concentrations
suffisantes pour produire des symptômes chez les occupants, comme mentionné dans le
chapitre no 13, «Les troubles systémiques», de l’Encyclopédie.
Conclusion
Les progrès techniques permettent d’élargir la gamme des tissus fabriqués par
l’industrie textile et contribuent à améliorer la productivité. Il est essentiel
cependant qu’ils soient aussi régis par des impératifs de sécurité, de santé et de
bien-être du personnel. Quoi qu’il en soit, la mise en œuvre de ces avancées pose
des problèmes dans les entreprises plus anciennes dont la viabilité financière est
mal assurée et qui n’ont pas les moyens d’effectuer les investissements
nécessaires. Il en va de même dans des régions en développement qui recherchent de
nouvelles industries à tout prix, même au détriment de la sécurité et de la santé
des travailleurs. Cependant, quelles que soient les circonstances, l’éducation et
la formation du personnel devraient permettre de réduire considérablement les
risques auxquels il est exposé.
Année
Australie
Chine
Corée, République de
Hong-kong
Inde
Indonésie
Malaisie
Nouvelle-Zélande
Pakistan
Entreprises
1985
1995
2 535
4 503
45 500
47 412
12 310
14 262
13 114
6 808
13 435
13 508
1 929
2 182
376
238
2 803
2 547
1 357
1 452
Salariés (x103)
1985
1995
96
88
4 396
9 170
684
510
375
139
1 753
1 675
432
912
58
76
31
21
n.d.
n.d.
La production de coton
Les pratiques culturales du coton commencent après la cueillette précédente. Les
premières opérations consistent en principe à broyer les tiges, à arracher les
racines et à briser les mottes au pulvérisateur à disques. Des engrais et des
herbicides sont généralement appliqués et incorporés dans le sol avant que la terre
soit préparée pour l’irrigation ou l’ensemencement. Etant donné que les
caractéristiques du sol, les engrais utilisés antérieurement et les méthodes de
cueillette peuvent donner lieu à des degrés de fertilité très différents, les
programmes de fertilisation doivent être fondés sur des analyses pédologiques. La
lutte contre les plantes adventices est indispensable pour obtenir un rendement
élevé en coton égrené et une qualité satisfaisante: en effet, le rendement et
l’efficacité de la récolte peuvent chuter de 30% en présence de mauvaises herbes.
Les herbicides ont été largement utilisés dans de nombreux pays depuis le début des
années soixante. Parmi les méthodes auxquelles on recourt, il faut citer
l’application d’herbicides sur le feuillage des plantes adventices avant les semis,
l’intégration dans le sol à ce même stade et le traitement avant et après
l’émergence de la plantule.
Plusieurs facteurs jouent un rôle important pour obtenir des plants de qualité: la
préparation des sillons, l’humidité et la température du sol, la qualité des
semences, les maladies des plantules, l’emploi de fongicides et la salinité du sol.
L’utilisation de semences de bonne qualité mises en terre dans des sillons bien
préparés est un facteur clé pour obtenir des plants précoces, uniformes et
vigoureux. Les bonnes semences devraient avoir un taux de germination d’au moins
50% dans un test à froid. Dans un test froid/chaud, l’indice de vigueur de la
semence devrait être d’au moins 140. Il est recommandé de semer 12 à 18 graines par
mètre sur chaque rangée pour obtenir de 14 000 à 20 000 plants par hectare. Un
semoir à mécanisme de dosage approprié devrait être utilisé pour assurer un
espacement uniforme des graines, quelle que soit leur taille. Les taux de
germination et d’émergence sont étroitement liés dans une fourchette de température
allant de 15 à 38 °C.
Un programme de défoliation bien conduit réduit les débris végétaux qui peuvent
altérer la qualité du coton récolté. Les régulateurs de croissance chimiques sont
des défoliants utiles, car ils permettent de maîtriser la croissance végétative et
contribuent à une fructification plus précoce.
La récolte
Deux types d’équipements mécaniques sont utilisés pour la cueil-lette du coton: la
récolteuse à broches et l’écapsuleuse de coton . La récolteuse à broches est une
machine de type sélectif qui utilise des broches coniques et barbelées pour
extraire la fibre de la graine. Cette cueilleuse peut être employée plusieurs fois
sur une plantation pour obtenir des récoltes stratifiées. L’écapsuleuse de coton
est, en revanche, une cueilleuse non sélective à passage unique qui récolte non
seulement les capsules bien ouvertes, mais aussi celles qui sont craquelées et
fermées, ainsi que les débris de capsules et autres corps étrangers.
Les pratiques agronomiques qui visent à obtenir une culture uniforme et de bonne
qualité contribuent généralement à l’efficacité de la récolte. Le champ devrait
être correctement drainé et les rangées tracées de manière à faciliter le passage
des machines. L’extrémité des rangées devrait être libre de plantes adventices, et
une bordure de 7,6 à 9 m devrait être ménagée autour du champ pour permettre les
manœuvres et l’alignement des cueilleuses sur les rangées. Cette bordure devrait
être débarrassée des mauvaises herbes. La pulvérisation des mottes est déconseillée
par temps pluvieux; il est préférable de détruire les mauvaises herbes par des
produits chimiques ou par la tonte. La hauteur des plants ne devrait pas dépasser
1,20 m environ pour le coton cueilli par récolteuse à broches, et 9 cm pour le
coton récolté par écapsuleuse. La hauteur des plants peut être contrôlée dans une
certaine mesure à l’aide de régulateurs de croissance chimique utilisés au moment
opportun. Il est préférable que la capsule inférieure se trouve à 10 cm du sol au
moins. Les activités culturales — fertilisation, travail du sol et irrigation —
pendant la croissance devraient être conduites avec soin pour obtenir une récolte
régulière de coton bien développé.
La défoliation chimique est une pratique qui induit la chute du feuillage. Des
défoliants peuvent être employés pour minimiser la contamination par les débris de
feuilles vertes et favoriser le séchage rapide de la rosée matinale sur le duvet.
Toutefois, les défoliants ne devraient pas être utilisés avant l’ouverture d’au
moins 60% des capsules. La récolte ne devrait être effectuée que sept à quatorze
jours après l’application d’un défoliant (ce délai varie en fonction des produits
chimiques choisis et des conditions météorologiques). Des agents de dessiccation
chimique peuvent aussi être employés pour préparer la récolte. La dessiccation
provoque une perte rapide de l’eau contenue dans le tissu végétal et entraîne la
mort de celui-ci; les feuilles mortes qui en résultent restent attachées à la
plante.
Le stockage
La teneur en humidité du coton avant et pendant le stockage est un facteur
critique. Une humidité excessive induit une surchauffe du coton stocké, ce qui
entraîne un changement de couleur du coton-fibre, une germination plus faible des
graines, voire une combustion spontanée. Le coton-graine ayant une teneur en
humidité supérieure à 12% ne devrait pas être stocké. La température intérieure des
bâtiments nouvellement construits devrait aussi être surveillée pendant les cinq à
sept premiers jours du stockage. Si la température s’élève de 11 °C ou dépasse 49
°C, il convient de procéder à un égrenage immédiat pour éviter les risques de
pertes importantes.
Plusieurs facteurs influent sur la qualité des graines et des fibres au cours du
stockage du coton-graine. La teneur en humidité est le principal d’entre eux. Parmi
les autres paramètres, il faut citer la durée du stockage, la quantité de corps
étrangers très humides, la variation de la teneur en humidité à l’intérieur de la
masse stockée, la température initiale du coton-graine, la température de celui-ci
au cours du stockage, les conditions météorologiques pendant cette période
(température, humidité relative et précipitations), ainsi que la protection du
coton contre la pluie et l’humidité du sol. Le jaunissement est accéléré lorsque
les températures sont élevées. Les montées en température et les températures
maximales sont deux facteurs importants (la hausse de la température est
directement liée à la chaleur générée par l’activité biologique).
L’égrenage
Environ 80 millions de balles de coton sont produites chaque année dans le monde;
20 millions d’entre elles passent par les quelque 1 300 égreneuses se trouvant aux
Etats-Unis. La principale fonction de l’égreneuse est de séparer la fibre des
graines, mais cette machine doit aussi éliminer une grande partie des corps
étrangers, faute de quoi la valeur du coton-fibre serait considérablement réduite.
Une égreneuse doit: 1) produire un coton-fibre de qualité satisfaisante pour le
marché; et 2) égrener le coton en portant le moins possible atteinte à la qualité
de filage des fibres afin que le coton réponde à la demande des utilisateurs
finaux, le filateur et le consommateur. La préservation de la qualité au cours de
cette opération impose donc un choix et un fonctionnement appropriés de chaque
machine du système d’égrenage. La manipulation et le séchage mécaniques peuvent
modifier les caractéristiques qualitatives naturelles du coton. Au mieux,
l’égreneuse préserve les caractéristiques qualitatives inhérentes au coton qu’elle
reçoit. Dans les paragraphes qui suivent, nous examinerons brièvement le rôle des
principales machines et opérations d’égrenage.
Au début du séchage, l’air chaud fait circuler le coton sur des clayettes pendant
dix à quinze secondes. La température de l’air est réglée en fonction du degré de
séchage souhaité. Afin de ne pas endommager les fibres, la température ne devrait
jamais dépasser 177 °C au cours d’une opération normale. Des températures
supérieures à 150 °C peuvent entraîner une modification physique permanente des
fibres de coton. Des capteurs de température devraient être placés aussi près que
possible du point de rencontre entre le coton et l’air chaud. Si le capteur est
situé près de la sortie de la tour de séchage, la température au point de rencontre
peut excéder de 55 à 110 °C celle qui est enregistrée par le capteur d’aval. La
chute de température en aval résulte de l’évaporation et de la perte de chaleur au
travers des parois des machines et des tuyauteries. Le séchage se poursuit alors
que l’air chaud véhicule le coton-graine vers l’épurateur à cylindres, constitué de
six à sept cylindres rotatifs garnis de pointes qui tournent à 400-500 tours/min.
Ces cylindres frottent le coton sur une série de grilles à barreaux ou de tamis, le
secouent et entraînent l’évacuation, par les orifices prévus à cet effet, des corps
étrangers de petite taille tels que feuilles, débris et impuretés. Les épurateurs à
cylindres séparent le coton en gros tampons et le préparent aux opérations
d’épuration et de séchage ultérieures. Il est fréquent d’enregistrer à ce niveau
des vitesses de traitement d’environ six balles par heure et par mètre linéaire de
cylindre.
L’arracheuse extrait les corps étrangers les plus gros tels que les débris de
capsules et les brindilles. Cette machine utilise la force centrifuge créée par des
cylindres à scies qui tournent à 300-400 tours/min, ce qui rejette les corps
étrangers alors que la fibre est retenue par les scies. Les corps étrangers
éliminés sont introduits dans un système de traitement des débris. Les vitesses de
traitement atteignent fréquemment 4,9 à 6,6 balles par heure et par mètre linéaire
de cylindre.
Les égreneuses à cylindres ont été les premiers outils mécaniques utilisés pour
séparer les fibres de coton à soies extralongues (Gossypium barbadense) de leurs
graines. L’égreneuse de Churka, d’origine inconnue, était composée de deux
cylindres qui tournaient ensemble à la même vitesse circonférencielle, arrachant la
fibre de la graine par pinçage et produisant environ 1 kg de coton-fibre par jour.
En 1840, Fones McCarthy mit au point une égreneuse plus efficace composée d’un
rouleau garni de cuir, d’un couteau fixe plaqué contre le rouleau et d’un couteau à
mouvement alternatif qui arrachait la graine de la fibre, maintenue par le rouleau
et le couteau fixe. A la fin des années cinquante, une égreneuse à rouleaux et à
couteaux rotatifs a été mise au point aux Etats-Unis par le laboratoire de
recherche sur l’égrenage du coton pour la région du sud-ouest, rattaché au service
de recherche agricole du ministère de l’Agriculture, en collaboration avec des
constructeurs d’égreneuses et des ateliers d’égrenage privés. Cette machine est la
seule égreneuse à rouleaux actuellement employée aux Etats-Unis.
La mise en balles
Le coton épuré est compressé en balles qui doivent être recouvertes pour les
protéger de toute salissure au cours du transport et du stockage. Trois types de
balles sont produits: balles plates modifiées, balles à densité universelle de
compression et balles à densité universelle d’égrenage. Ces balles sont pressées à
des densités de 224 et de 449 kg/m3 pour les balles plates modifiées et pour les
balles à densité universelle, respectivement. Dans la plupart des égreneuses, le
coton est pressé dans une presse double dans laquelle le coton-fibre est tout
d’abord comprimé par un mécanisme mécanique ou hydraulique. La presse est alors
mise en rotation et la compression du coton-fibre est portée à 320 ou 641 kg/m3
avec des presses pour balles plates modifiées ou des presses pour balles à densité
universelle d’égrenage, respectivement. Les balles plates modifiées sont
recomprimées pour être transformées en balles à densité universelle de compression,
afin de réduire les coûts de fret. En 1995, environ 98% des balles préparées aux
Etats-Unis étaient des balles à densité universelle d’égrenage.
Des recommandations ont été formulées sur la séquence et le nombre des machines
d’égrenage permettant de sécher et d’épurer le coton cueilli par des récolteuses à
broches, afin d’obtenir des balles de valeur satisfaisante et de préserver la
qualité naturelle du coton. Ces recommandations ont généralement été suivies et
sont donc reconnues depuis plusieurs décennies par l’industrie cotonnière des
Etats-Unis. Elles prévoient des systèmes de primes et d’escomptes pour la
commercialisation et tiennent compte de l’efficacité de l’épuration et de
l’endommagement des fibres caractérisant les différentes égreneuses. Ces
recommandations doivent être adaptées si la récolte a été effectuée dans des
conditions particulières.
La fabrication des filés comprend une série d’opérations qui transforment les
fibres de coton brut en fil se prêtant à la fabrication de produits finis. Ces
opérations sont nécessaires pour obtenir les filés propres, solides et uniformes
requis par les marchés d’aujourd’hui. A partir d’un paquet de fibres emmêlées et
fortement compressées extrait des balles de coton et contenant de nombreux corps
étrangers et de fibres inutilisables (matières diverses, débris végétaux,
impuretés, etc.) en quantités variables, les opérations continues d’ouverture, de
mélangeage, d’épuration, de cardage, d’étirage, de passage au banc à broches et de
filage ont pour objet de transformer les fibres en fil.
La filature
L’ouverture, le mélangeage et l’épuration
En principe, les ateliers de filature procèdent à des mélanges de balles présentant
les propriétés nécessaires pour produire un fil destiné à une utilisation
spécifique. Le nombre de balles employées dans chaque mélange par les différents
établissements peut aller de 6 ou 12 à plus de 50. Le traitement débute par le
transfert des balles à mélanger vers l’atelier d’ouverture des fibres, où les
emballages et les cercles sont enlevés. Les couches de coton sont retirées
manuellement des balles et placées dans des chargeuses munies de bandes
transporteuses garnies de dents. Dans d’autres systèmes, des balles entières sont
placées sur des plates-formes qui leur impriment un mouvement de va-et-vient au-
dessous ou au-dessus d’un mécanisme d’arrachage. L’objectif est de transformer les
couches compactes des balles en petites touffes légères et duveteuses pour
faciliter l’élimination des corps étrangers. Etant donné que les balles sont
livrées en différentes densités, les cercles sont souvent coupés vingt-quatre
heures avant le traitement afin de les briser plus facilement. Cette précaution
facilite l’ouverture et contribue à régulariser la vitesse de chargement. Les
ouvreuses assurent les fonctions d’ouverture et d’épuration initiale.
Le cardage et le peignage
La carde est la machine la plus importante dans la fabrication des filés. Dans
presque toutes les usines textiles, elle assure la deuxième et la dernière
opération d’épuration. Elle est composée d’un système de trois cylindres rotatifs
garnis de fines pointes métalliques inclinées et d’une série de barres plates,
également munies de pointes métalliques, qui transforment successivement les petits
agglomérats et les petites touffes en fibres bien séparées et ouvertes, éliminent
un très gros pourcentage de débris et de corps étrangers, recueillent les fibres
sous forme d’un ruban qui est soigneusement lové dans un pot pour les opérations
ultérieures (voir figure 89.4).
Jadis, le coton était amené à la carde sous la forme d’une bande formée sur un
batteur-nappeur constitué de rouleaux d’alimentation, de batteurs et d’un ensemble
de tamis cylindriques sur lesquels les touffes de coton ouvertes étaient
recueillies et roulées en nappe (voir figure 89.5). La nappe était retirée des
tamis en une couche plate et régulière, puis enroulée en bande. Cependant, la
nombreuse main-d’œuvre requise et l’existence de systèmes automatiques de
manutention susceptibles d’améliorer la qualité ont contribué à l’obsolescence du
batteur-nappeur.
Le filage
Le filage est l’étape la plus coûteuse de la transformation des fibres de coton en
fil. Il comprend la préparation et le filage proprement dit (appelé aussi
filature). Actuellement, plus de 85% du fil produit dans le monde l’est avec des
continus à filer à anneaux: ces métiers sont conçus pour transformer la mèche en
fil du calibre (ou numéro) voulu et à lui imprimer la torsion souhaitée, cette
dernière étant proportionnelle à la résistance. Le rapport entre la longueur
initiale et la longueur finale est de l’ordre de 10 à 50. Les bobines de mèches
sont placées sur des supports qui leur permettent de passer librement dans le
cylindre d’étirage du continu à filer à anneaux. Après étirage, le fil traverse un
guide, puis un curseur avant de passer sur la bobine de fil. La broche
d’entraînement de cette bobine tourne à grande vitesse, ce qui fait gonfler le fil
à mesure qu’elle lui imprime une torsion. Les fils se trouvant sur les bobines sont
trop courts pour être utilisés lors des opérations ultérieures; ils sont transférés
vers des pots tournants et amenés à l’opération suivante (bobinage ou renvidage).
Dans la production de fils plus lourds ou plus grossiers, le filage à anneaux est
aujourd’hui remplacé par le procédé dit à fibres libérées, dit aussi «open-end» (à
bouts ouverts). Un ruban de fibres est amené dans une turbine tournant à vitesse
très élevée, dans laquelle la force centrifuge transforme les fibres en fil. La
bobine n’est pas utile dans ce procédé, et le fil est mis en place sur le support
voulu lors de l’opération suivante.
Le renvidage et le bobinage
Après le filage, le fil doit être présenté en fonction de l’utilisation prévue —
tissage ou tricotage. Le renvidage, le bobinage, la torsion et l’enroulement du fil
sur canettes sont considérés comme des étapes préparatoires au tissage et au
tricotage. En principe, les produits bobinés seront utilisés comme fils de chaîne
(fils passant dans le sens de la longueur d’un tissu) et les produits renvidés
serviront de fils de trame (fils passant dans le sens de la largeur d’un tissu), ou
duites. Les produits de la filature à fibres libérées court-circuitent ces étapes
et sont directement emballés en tant que fils de trame ou fils de chaîne. Le
retordage consiste à tordre ensemble deux fils ou plus avant les autres opérations
afin d’obtenir un fil retors d’une grosseur double, voire triple ou quadruple,
nettement plus solide qu’un fil simple de la même grosseur. Dans l’enroulement du
fil sur canettes, le fil est disposé sur des bobines suffisamment petites pour
tenir à l’intérieur de la navette d’un métier à boîtes multiples. Cette opération a
parfois lieu sur le métier lui-même (voir plus loin dans ce chapitre l’article «Le
tissage et le tricotage»).
La sécurité et la santé
Les machines
Tous les types de machines servant à fabriquer les textiles de coton peuvent
provoquer des accidents, bien que la fréquence de ceux-ci ne soit pas très élevée.
La mise en place d’une protection efficace sur les innombrables pièces en mouvement
pose de multiples problèmes et requiert une attention constante. La formation des
opérateurs à des pratiques de travail sûres est également essentielle. Elle permet
notamment d’éviter de réparer une machine en marche, ce qui est à l’origine de
nombreux accidents. Chaque élément de machine peut avoir une source motrice
d’énergie (électrique, mécanique, pneumatique, hydraulique, inertielle, etc.) qu’il
importe de couper avant de procéder à une réparation ou à une opération
d’entretien. Les sources d’énergie devraient être clairement identifiées dans
chaque atelier; l’équipement nécessaire devrait se trouver sur place et le
personnel devrait savoir que les sources d’énergie dangereuses doivent
systématiquement être déconnectées avant toute intervention sur les machines. Des
inspections régulières devraient être effectuées pour s’assurer que les procédures
d’arrêt sont respectées et correctement appliquées.
Le bruit
Le bruit peut poser des problèmes lors de certaines opérations de fabrication des
filés. Dans les usines modernes, il est généralement inférieur à 90 dBA, ce qui
correspond à la norme en vigueur aux Etats-Unis. Dans bien des pays, la limite est
plus sévère. Grâce aux efforts des constructeurs de machines et des spécialistes de
la question, les niveaux de bruit continuent de diminuer en dépit de l’augmentation
des vitesses. La solution consiste à fabriquer des machines plus silencieuses. Aux
Etats-Unis, un programme de protection de l’ouïe est obligatoire dans les
entreprises où le niveau sonore dépasse 85 dBA, ce qui implique la surveillance du
bruit, des tests audiométriques et la fourniture de dispositifs de protection pour
le personnel lorsque le bruit ne peut être ramené au-dessous de 90 dBA.
La chaleur
Etant donné que les opérations de filage requièrent parfois des températures
élevées et une humidification artificielle de l’air, une surveillance attentive est
dans tous les cas indispensable pour garantir le respect des limites maximales
admissibles. Des systèmes d’air conditionné bien conçus et correctement entretenus
tendent de plus en plus à remplacer les méthodes plus archaïques de régulation
thermique et hygrométrique.
L’INDUSTRIE LAINIÈRE
D.A. Hargrave*
Les origines de l’industrie lainière se perdent dans la nuit des temps. Nos
lointains ancêtres n’ont pas eu de peine à domestiquer le mouton, qui a grandement
contribué à satisfaire leurs besoins essentiels en matière alimentaire et
vestimentaire. Dans les sociétés primitives, on frottait les unes contre les autres
les fibres prélevées sur l’animal pour en faire un fil et, partant de ce principe
initial, les procédés de filage ont gagné en complexité. L’industrie lainière a
joué un rôle de pionnier dans la mise au point et l’adaptation de procédés
mécanisés et a été l’une des premières à industrialiser sa production.
Les matières premières
La longueur de la fibre prélevée sur l’animal est l’élément dominant, mais non le
seul, dans le choix du traitement ultérieur. Les types de laines disponibles
peuvent être classés en trois catégories: a) les laines mérinos; b) les laines
métisses fines, moyennes ou grossières; c) les laines pour tapis. On distingue
diverses qualités dans chaque catégorie. La laine mérinos est caractérisée par sa
finesse et ses brins sont courts, contrairement aux laines pour tapis dont les
brins sont longs et épais. Aujourd’hui, les fibres synthétiques qui imitent la
laine sont mélangées aux fibres naturelles en proportion croissante et subissent
les mêmes traitements. Les poils d’autres animaux — mohair (chèvre), alpaga (lama),
cachemire (chèvre, chameau), angora (chèvre) et vigogne (lama sauvage) — jouent
aussi un rôle important, bien qu’accessoire dans cette branche; ils sont
relativement chers et sont habituellement transformés par des entreprises
spécialisées.
La filature
Il existe deux procédés de filage distincts, selon qu’on entend obtenir des fils
cardés ou des fils peignés. Les machines se ressemblent sur bien des points, mais
les produits recherchés sont différents. En principe, on prend pour les peignés des
laines à brins plus longs qu’on maintient parallèles lors du cardage, du
défeutrage, du boudinage et du peignage, les brins courts étant rejetés. On obtient
ainsi un filé fin et résistant qui donne, par tissage, une étoffe légère, d’aspect
lisse et de bonne tenue, comme celle qu’on utilise pour les costumes d’homme. Pour
les cardés, le but est d’entremêler et d’entrelacer les fibres pour obtenir un filé
doux et aéré qui donne, par tissage, une étoffe pleine et gonflante, à surface
laineuse (tweeds, couvertures et tissus lourds pour pardessus). L’uniformité des
brins n’étant pas nécessaire pour les cardés, le filateur peut mélanger de la laine
vierge à des brins courts rejetés lors de la production des peignés, à des laines
d’effilochage récupérées par destruction de vieux vêtements, etc. Le «shoddy» est
tiré de déchets souples, et le «mungo» de déchets serrés.
Il faut garder à l’esprit que ces opérations sont fort complexes et que l’état et
le type de la matière première utilisée, ainsi que les spécifications du produit
fini, influencent à chaque stade les opérations et leur séquence. Ainsi, on peut
teindre la laine avant le filage, en filés, en fin de fabrication, ou encore à
l’état de pièce tissée. Les opérations peuvent être effectuées dans différentes
usines.
Les poussières
De même que les poussières générées par les opérations de préparation risquent de
véhiculer les spores du bacille charbonneux, de nombreuses machines (effilocheuses
et cardeuses, notamment) produisent des poussières en quantités suffisantes pour
causer une irritation des muqueuses respiratoires. Ces poussières devraient donc
être éliminées grâce à un système efficace de ventilation par aspiration localisée.
Le bruit
Les filatures de laine sont souvent des endroits très bruyants en raison du grand
nombre de pièces en mouvement, notamment dans les métiers à tisser. Une
lubrification correcte atténue le bruit, mais elle ne dispense pas d’envisager la
mise en place de dispositifs antibruit et de réfléchir à d’autres solutions. La
prévention des pertes auditives d’origine professionnelle passe en grande partie
par l’utilisation de dispositifs de protection (coquilles, bouchons d’oreille). Il
est indispensable d’informer le personnel sur leur utilisation correcte et de
vérifier l’emploi qui en est fait. Un programme de protection de l’ouïe comportant
des audiogrammes périodiques est obligatoire dans de nombreux pays. Lorsque les
machines sont remplacées ou réparées, il convient d’adopter des mesures de nature à
réduire le bruit.
Le stress professionnel
Le stress professionnel, avec les effets qu’il exerce sur la santé et le bien-être
des travailleurs, est un problème réel dans l’industrie lainière. Etant donné que
de nombreuses usines fonctionnent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, le recours
au travail posté est souvent nécessaire. Pour satisfaire aux exigences de la
production, les chaînes fonctionnent en continu, de sorte que les travailleurs sont
«attachés» à une ou à plusieurs machines et doivent attendre un remplaçant pour se
rendre aux toilettes ou se reposer. Le bruit ambiant, le port de coquilles ou de
bouchons d’oreille et les tâches de routine fortement répétitives ont pour effet
d’isoler les opérateurs et d’entraver la communication, ce qui est souvent ressenti
comme stressant. La qualité de la surveillance et l’existence d’espaces de détente
sur les lieux de travail ont une grande influence sur les niveaux de stress
professionnel.
Conclusion
Si les grandes entreprises modernes sont en mesure d’investir dans les nouvelles
réalisations techniques, de nombreuses usines plus anciennes ou plus petites
continuent de fonctionner avec des machines obsolètes. Les impératifs économiques
tendent à réduire l’attention portée à la sécurité et à la santé du personnel. Dans
de nombreuses régions développées, les industriels abandonnent souvent leurs usines
au profit de nouvelles installations construites dans des pays en développement,
plus spécialement dans celles où la main-d’œuvre est bon marché et où les
réglementations en matière de sécurité et de santé sont inexistantes ou
généralement ignorées. Des investissements raisonnables en faveur de la santé et du
bien-être des travailleurs peuvent apporter des bénéfices non négligeables aux
entreprises comme aux salariés de l’industrie lainière, caractérisée par sa forte
intensité de main-d’œuvre.
L’INDUSTRIE DE LA SOIE
J. Kubota *
La soie est une fibre lustrée, résistante et élastique, produite par le ver à soie,
larve du bombyx; le même terme s’applique aussi au fil et au tissu faits de cette
fibre. Selon la tradition, l’industrie de la soie est née en Chine en 2640 avant
J.-C. Vers le IIIe siècle de notre ère, le ver à soie et son produit ont pénétré au
Japon en passant par la Corée, puis un peu plus tard en Inde. De là, la production
de la soie s’est lentement étendue vers l’ouest, à l’Europe et au Nouveau Monde.
Les dermatoses
Le mal des bassines . Une dermite des mains a été observée très fréquemment,
surtout au Japon, chez les femmes qui dévidaient la soie. On a signalé que le taux
de morbidité par mal des bassines était de 30 à 50% chez les personnes employées au
dévidage pendant les années vingt, et que 14% d’entre elles devaient s’arrêter de
travailler en moyenne trois jours par an. Les lésions cutanées, localisées surtout
aux doigts, aux poignets et sur les avant-bras, se caractérisaient par un érythème
sous forme de petites vésicules devenant chroniques, pustuleuses ou eczémateuses et
extrêmement douloureuses. On attribuait généralement cette affection aux produits
de décomposition des chrysalides mortes et à un parasite du cocon. Plus récemment,
des observations faites au Japon ont montré qu’elle est probablement due à la
température du bain de dévidage. Jusqu’en 1960, l’eau y était pratiquement toujours
maintenue à 65 °C; toutefois, depuis l’introduction des nouvelles installations
assurant une température comprise entre 30 et 45 °C, aucun cas de lésion cutanée
typique du dévidage n’a été signalé chez les travailleurs chargés de cette
opération.
Des accès d’insuffisance respiratoire aiguë ont également été rapportés chez des
travailleurs chargés du bobinage ou de l’alimentation d’un métier à filer ou d’une
bobineuse. Selon la vitesse de la machine, la substance protéique qui entoure le
filament de soie peut se transformer en aérosol qui, s’il est inhalable, provoque
une réaction pulmonaire très similaire à celle de la byssinose.
Le bruit
L’exposition au bruit peut atteindre un stade dommageable pour les personnes qui
travaillent sur des machines de filage ou de bobinage des fils de soie ou dans les
ateliers de tissage. Une lubrification appropriée des machines et la mise en place
de dispositifs antibruit peuvent réduire partiellement le bruit, mais l’exposition
ininterrompue pendant toute la journée de travail peut avoir un effet cumulatif.
S’il n’est pas possible de réduire le niveau sonore ambiant, il convient de mettre
à la disposition des travailleurs des appareils de protection individuelle. Comme
pour tous ceux d’entre eux qui sont exposés au bruit, un programme de protection de
l’ouïe prévoyant des audiogrammes périodiques est souhaitable.
Dans l’industrie de la soie, les machines présentent les mêmes risques que dans
l’industrie textile en général. Un entretien correct des locaux, des protections
adéquates pour les organes mobiles, une formation continue à la sécurité et une
surveillance rigoureuse sont les meilleurs moyens de prévenir les accidents. Les
métiers mécaniques devraient être munis de dispositifs de protection pour éviter
les accidents dus aux navettes volantes. La fabrication du fil et les opérations de
tissage exigent un très bon éclairage.
LA VISCOSE (RAYONNE)
M.M. El Attal *
Dans le procédé viscose , la cellulose tirée de la pâte de bois est mise à tremper
dans une solution de soude caustique, et le liquide en excès est éliminé par
pressage; il se forme ainsi de l’alcali-cellulose qu’on débarrasse, à ce stade, des
impuretés qu’elle contient. Puis on réduit les feuilles d’alcali-cellulose en
miettes blanches qu’on laisse mûrir pendant quelques jours à température constante.
Ces miettes sont ensuite placées dans une autre cuve (baratte) où elles sont
soumises à l’action du sulfure de carbone qui les transforme en xanthate de
cellulose. Les miettes virent à l’orange doré. Elles sont alors dissoutes dans de
l’hydroxyde de sodium dilué, ce qui permet d’obtenir un liquide visqueux de couleur
orange appelé viscose. On mélange différents lots de viscose pour assurer une
qualité uniforme, puis la viscose est filtrée et stockée pendant plusieurs jours
dans des conditions très strictes de température et d’humidité qui en favorisent le
mûrissement. On procède ensuite à son extrusion à travers une filière percée
d’orifices très fins qui l’acheminent dans un bac contenant une solution d’acide
sulfurique à 10% environ. Elle forme alors des fils continus qui sont entraînés par
enroulement, ou coupés à la longueur désirée, et filés comme le coton ou la laine.
La rayonne est utilisée pour fabriquer des vêtements et des tissus lourds.
Les acides et les alcalis utilisés dans le procédé viscose sont assez dilués, mais
le danger est toujours présent lors de la préparation des dilutions, en raison des
éclaboussures qui atteignent parfois les yeux. Les miettes alcalines produites
pendant le déchiquetage des feuilles d’alcali-cellulose risquent d’irriter les
mains et les yeux des travailleurs, tandis que les vapeurs acides et le sulfure
d’hydrogène émanant du bain de filature peuvent provoquer une kérato-conjonctivite
caractérisée par un larmoiement abondant, une photophobie et d’importantes douleurs
oculaires.
Une surveillance constante doit être exercée au moyen d’un détecteur enregistreur
automatique, fonctionnant en continu, pour maintenir les concentrations de sulfure
de carbone et de sulfure d’hydrogène au-dessous des limites autorisées. Il est
conseillé d’encoffrer entièrement les machines et d’installer un système efficace
de ventilation par aspiration localisée (avec prises d’air au niveau du sol, ces
gaz étant plus lourds que l’air). Les travailleurs devraient être entraînés à
réagir aux situations d’urgence en cas de fuite de produits toxiques; les personnes
chargées de la maintenance et des réparations devraient disposer d’équipements de
protection individuelle appropriés; une formation solide et une surveillance
attentive leur éviteront, en outre, de prendre des risques inutiles.
Des salles de repos et des installations sanitaires sont une nécessité absolue. Une
surveillance médicale pendant la période d’essai et des visites médicales
périodiques sont recommandées.
Les fibres synthétiques sont fabriquées avec des polymères de synthèse obtenus à
partir de substances ou de composés fournis par l’industrie pétrochimique. A la
différence des fibres naturelles (laine, coton et soie), qui existaient déjà dans
l’Antiquité, les fibres synthétiques ne sont apparues que récemment: leur histoire
commence avec la mise au point du procédé de fabrication de la viscose en 1891 par
Cross et Bevan, deux chercheurs britanniques. Quelques années plus tard, la rayonne
était produite à petite échelle; sa véritable commercialisation commença au début
du XXe siècle. Depuis lors, un grand nombre de fibres synthétiques ont été mises au
point; elles possèdent chacune des propriétés qui répondent à un type particulier
de tissu et sont utilisées seules ou combinées à d’autres fibres. Il n’est pas
toujours facile d’en connaître le nombre exact du fait que la même fibre est
parfois commercialisée sous des noms différents, dans divers pays.
Les fibres sont obtenues en injectant des polymères à l’état fondu à travers les
orifices d’une filière pour obtenir un filament continu. Ce filament peut être
tissé directement pour former un tissu, mais pour imiter les caractéristiques des
fibres naturelles, il peut aussi être texturé, ce qui lui donne du volume, ou
encore être coupé et filé.
Les polyamides (nylons). Les divers types de nylon sont différenciés par les
chiffres qui indiquent le nombre d’atomes de carbone qu’ils renferment, le premier
de ces chiffres s’appliquant à la diamine. Ainsi, le premier en date des nylons,
formé d’hexaméthylènediamine et d’acide adipique, est connu sous le nom de nylon 66
ou 6.6 aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, du fait que la diamine et l’acide
bibasique contiennent chacun 6 atomes de carbone. Il est commercialisé sous les
marques Perlon T en Allemagne, Nailon en Italie, Nylsuisse en Suisse, Anid en
Espagne et Ducilo en Argentine.
Les polyesters. Le premier polyester a été produit en 1941. Le polyester est obtenu
par réaction de l’éthylèneglycol avec de l’acide téréphtalique. Les chaînes
moléculaires courtes s’assemblent en longues chaînes pour donner une masse
plastique que des pompes forcent à l’état fondu à travers des filières, à la sortie
desquelles les filaments durcissent dans un courant d’air froid, puis sont étirés.
Les fibres de polyester sont vendues sous les marques de Terylene au Royaume-Uni,
de Dacron aux Etats-Unis, de Tergal en France, de Terital et Wistel en Italie, de
Lavsan dans la CEI et de Toray-Tetoran au Japon.
Les dérivés polyvinyliques. Le produit le plus important de cette catégorie est le
polyacrylonitrile ou fibre acrylique dont la production a été lancée en 1948. Il
est maintenant commercialisé sous diverses marques: Acrilan et Orlon aux Etats-
Unis, Crylor en France, Leacril et Velicren en Italie, Amanian en Pologne,
Courtelle au Royaume-Uni, etc.
Les polyoléfines. La plus courante de ces fibres, connue sous le nom de Courlene au
Royaume-Uni, est obtenue par un procédé analogue à celui qui est utilisé pour le
nylon. Le polymère fondu à 300 °C est injecté à travers des filières, puis refroidi
à l’air ou dans l’eau pour former la fibre qui est ensuite étirée.
Les polypropylènes. Ce polymère, connu sous la marque de Hostalen en Allemagne, de
Meraklon en Italie et de Ulstron au Royaume-Uni, est filé à l’état fondu, puis
étiré et recuit.
Les polyuréthanes. La première de ces fibres, produite depuis 1943, a été le Perlon
U , polyuréthane obtenu par réaction de 1,4-butanediol avec
l’hexaméthylènediisocyanate. Les polyuréthanes servent maintenant de base à un
nouveau type de fibres synthétiques appelées spandex, d’une élasticité comparable à
celle du caoutchouc. Ils sont produits à partir de polyuréthane linéaire vulcanisé
à très haute température et sous très forte pression, donnant ainsi un polyuréthane
«vulcanisé» à liaison transversale qui s’extrude sous forme de monobrin. Ce fil
peut être gainé de fibre de rayonne ou de nylon qui en améliore l’aspect, le fil
lui-même servant d’âme élastique. Il est très utilisé dans la confection des
vêtements et sous-vêtements en tissu élastique. Les fils de spandex sont vendus
sous les marques Lycra, Vyrene et Glospan aux Etats-Unis et Spandrell au Royaume-
Uni.
Les procédés spéciaux
Le classement des fibres par longueur
La soie est la seule fibre naturelle qui se présente sous forme de filament
continu; les autres fibres naturelles n’existent qu’en fibres discontinues ou
«brins». La longueur de la fibre de coton est d’environ 2,6 cm, celle de la laine
de 6 à 10 cm et celle du lin de 30 à 50 cm. Les filaments continus des fibres
synthétiques sont parfois coupés à la machine pour obtenir des brins courts comme
dans le cas des fibres naturelles. Ces brins peuvent être ensuite travaillés de
nouveau sur une machine à filer le coton ou la laine; on obtient ainsi un meilleur
fini, qui élimine l’aspect vitreux de certaines fibres synthétiques. Parfois,
pendant le filage, on mélange plusieurs types de fibres synthétiques, ou encore des
fibres synthétiques et des fibres naturelles.
Le frisage
Pour donner à une fibre synthétique l’aspect et le toucher de la laine, on peut
faire passer les brins coupés (tors ou emmêlés) dans une machine spéciale, équipée
de cylindres cannelés, qui leur confère un frisage durable. Cette opération peut
aussi se faire chimiquement en agissant sur la coagulation du filament, de façon à
obtenir une fibre de section asymétrique, un côté étant plus épais que l’autre.
Lorsque la fibre est humide, le côté épais se gondole, et la fibre frise. Pour
obtenir des fils ondulés, connus aux Etats-Unis sous le nom de fils non torques ou
fils non texturés mousse, le fil synthétique est tricoté en jersey, thermodurci
dans cet état, et détricoté. La plus récente des méthodes utilisées consiste à
faire passer deux fils de nylon dans un appareil qui les chauffe à 180 °C, puis sur
une broche tournant à grande vitesse qui les retord. Sur la première machine
utilisée, les broches tournent à 60 000 tours/min; sur les plus récentes, la
vitesse de rotation est de l’ordre de 1,5 million tours/min.
En raison de leur légèreté, ces tissus synthétiques sont préférés aux lourds tissus
caoutchoutés ou plastifiés dont on aurait besoin pour obtenir le même niveau de
protection. Ils sont également beaucoup plus agréables à porter en ambiance chaude
et humide. Lorsqu’il s’agit de choisir des vêtements de protection en fibres
synthétiques, il faut d’abord en déterminer le nom générique et obtenir des
précisions sur leurs propriétés, par exemple le retrait, la photosensibilité, le
comportement en présence d’agents de nettoyage à sec et de détergents, la
résistance aux huiles, aux substances chimiques corrosives, aux solvants ordinaires
et à la chaleur et la propension du tissu à se charger d’électricité statique.
Dans le filage par voie sèche, lorsque les filaments émergent des filières pour
être séchés à l’air, les solvants s’évaporent en grandes quantités. Les vapeurs
dégagées présentent un grave risque d’explosion et d’intoxication et devraient être
évacuées par aspiration. Leur concentration devrait être surveillée et maintenue
au-dessous des limites d’explosion du solvant. Les vapeurs peuvent être distillées
et récupérées pour être réutilisées ou brûlées, mais il ne faut en aucun cas les
laisser s’échapper dans l’atmosphère.
Le feutre est une matière fibreuse obtenue en chauffant, humectant, malaxant, entre
autres procédés, des fibres de laine, des poils et de la fourrure, en vue de
constituer un tissu non tissé fortement aggloméré. Certains feutres sont
aiguilletés: leurs fibres sont fixées à un élément de fond lâchement tissé, ou
dossier, généralement fait de laine ou de jute.
La laine est d’abord triée et sélectionnée. On sépare les fibres dans une
effilocheuse, cylindre garni de pointes qui tourne et déchire les fibres, puis on
les soumet au garnettage dans une machine dont les rouleaux et les cylindres sont
garnis de fils métalliques en dents de scie. Les fibres sont nettoyées par
carbonisation dans une solution d’acide sulfurique à 18%; après séchage à une
température de 100 °C, elles sont mélangées et, le cas échéant, enrobées d’huile
minérale contenant un émulsifiant. Après effilochage et cardage, opérations qui
mélangent encore les fibres et les disposent plus ou moins parallèlement les unes
aux autres, la matière est placée sur un transporteur en déposant des couches d’un
fin voile qui est renvidé sur des perches et forme des nappes. Ces nappes molles
sont dirigées vers le local de durcissement où elles sont aspergées d’eau et
comprimées entre deux lourdes plaques; la plaque supérieure vibre, provoquant la
frisure et l’adhérence des fibres.
Pour compléter le feutrage, le tissu est placé dans des cuves d’acide sulfurique
dilué et pilonné au moyen de lourds marteaux de bois. Il est ensuite lavé (avec
addition de tétrachloroéthylène), essoré et teint, généralement avec des colorants
de synthèse. On ajoute parfois des substances chimiques qui rendent le feutre
imputrescible. Les étapes finales comprennent le séchage (à 65 °C pour les feutres
mous, à 112 °C pour les feutres durs), le tondage, le sablage, le brossage, le
pressage et le rognage.
Le bruit
Les opérations sont souvent bruyantes; lorsque les encoffrements, les enceintes
acoustiques et un graissage convenable ne suffisent pas à maintenir le bruit à un
niveau satisfaisant, des casques protecteurs ou des bouchons d’oreille devraient
être fournis aux travailleurs. De nombreux pays imposent un programme de protection
de l’ouïe prévoyant des audiogrammes à intervalles réguliers.
La poussière
Les locaux de fabrication du feutre sont poussiéreux et malsains pour les personnes
présentant des troubles respiratoires chroniques. La poussière n’est heureusement
pas associée à des maladies spécifiques, mais une ventilation par extraction est
cependant nécessaire. Les poils des animaux peuvent provoquer des réactions
allergiques chez les sujets sensibles; l’asthme bronchique demeure exceptionnel. La
poussière comporte également un risque d’incendie.
L’infection charbonneuse
Quelques cas de charbon ont été observés, bien que rarement, à la suite d’une
exposition à de la laine contaminée importée de régions dans lesquelles la maladie
est endémique.
La teinture
La teinture résulte d’une combinaison chimique ou d’une puissante affinité physique
entre un colorant et une fibre textile. Divers colorants et procédés sont utilisés,
suivant le type de tissu et le produit fini désiré.
Pour les tissus teintés, l’opération se fait en cuve ouverte et sans soude
caustique. La coloration naturelle du tissu s’élimine dans la solution
d’hypochlorite des cuves de blanchiment, après quoi le tissu est aéré, lavé et
déchloré dans une solution de bisulfite de sodium, lavé de nouveau et dégraissé à
l’acide chlorhydrique ou sulfurique dilué. Après un dernier lessivage très poussé,
le tissu est prêt pour la teinture ou l’impression.
La teinture
La teinture proprement dite se fait au «jigger» ou au foulard, machines où le tissu
passe dans une solution colorante stationnaire, préparée par dissolution d’une
poudre de teinture dans un produit chimique approprié, suivie de dilution dans
l’eau. Après la teinture, le tissu subit un traitement de finissage.
La teinture du nylon
La préparation des fibres de polyamide (nylon) en vue de la teinture comporte un
lessivage, un dépôt et, dans certains cas, un blanchiment. Le traitement choisi
pour le lessivage du polyamide dépend principalement de la composition du parement.
Les parements hydrosolubles à base de poly(alcool vinylique) ou d’acide
polyacrylique s’éliminent par lessivage dans une liqueur composée de savon et
d’ammoniaque ou de Lissapol N, voire d’un autre détergent ou de carbonate de
sodium. Après lessivage et rinçage abondant, le tissu est prêt pour la teinture ou
l’impression qui se font généralement en machine (au «jigger» ou au foulard).
La teinture de la laine
On lessive d’abord la laine brute par un procédé émulsifiant dans lequel
interviennent le savon et le carbonate de sodium. L’opération se déroule dans une
laveuse, longue auge pourvue de racles, d’un double fond et, à la sortie, de
rouleaux exprimeurs. Après ce lavage, la laine subit un blanchiment au peroxyde
d’hydrogène ou au dioxyde de soufre (gaz sulfureux), auquel cas le produit humide
est abandonné toute une nuit à l’action du gaz. On neutralise ensuite le gaz acide
par passage du tissu dans un bain de carbonate de sodium en solution, suivi d’un
lessivage. Après teinture, le tissu est rincé, essoré et enfin séché.
Maints colorants sont des irritants de la peau qui peuvent causer des dermatoses.
Les travailleurs sont souvent tentés de recourir à des mélanges dangereux
d’abrasifs, d’alcalis et d’agents de blanchiment pour enlever les taches de
teinture qu’ils portent aux mains.
Les solvants organiques qui interviennent dans les procédés de teinture ou qu’on
utilise pour nettoyer les machines peuvent aussi causer des dermatoses ou affaiblir
la résistance de la peau à l’action irritante d’autres substances dangereuses mises
en œuvre. Ils peuvent par ailleurs induire des atteintes du système nerveux
périphérique — c’est le cas, par exemple, du méthylbutylcétone (MBK). Certains
colorants se sont révélés cancérogènes, comme la rhodamine B, le magenta, la β-
naphtylamine, de même que certaines bases comme la dianisidine. L’emploi de β-
naphtylamine a généralement été abandonné dans les ateliers de teinture. Cette
question est examinée en détail ailleurs dans l’Encyclopédie.
L’impression
L’impression s’effectue sur une machine à rouleaux. Le colorant ou le pigment est
épaissi à l’amidon ou émulsionné; si l’on utilise des pigments, cette émulsion est
préparée avec un solvant organique. La pâte ou l’émulsion obtenue est prélevée par
les rouleaux graveurs qui appliquent le motif sur le tissu, puis la couleur est
fixée dans une machine de polymérisation. Le tissu imprimé fait ensuite l’objet du
finissage approprié.
Les teintures et les pigments employés pour l’impression des tissus se présentant
généralement sous forme liquide, il n’y a pas de risque d’exposition à la poussière
comme c’est le cas dans les opérations de teinture.
Le finissage
Le finissage est un terme qui s’applique à toute une gamme de traitements
généralement effectués au cours de l’opération précédant la fabrication. Toutefois,
certaines opérations de finissage peuvent également être réalisées après la
fabrication.
Le finissage mécanique
Ce type de finissage comprend des procédés qui modifient la texture ou l’apparence
d’un tissu sans faire appel à des produits chimiques; on peut citer:
Le finissage chimique
Le finissage chimique est effectué au moyen de divers équipements (foulards,
«jiggers», machines de teinture par jet, auges, barres de pulvérisation,
autoclaves, machines de teinture à palette, rouleaux de transfert par enduction et
bains moussants).
Conclusion
Comme dans les autres secteurs de l’industrie textile, les opérations de teinture,
d’impression et de finissage se déroulent soit dans des établissements anciens,
souvent de petite taille, dans lesquels la sécurité et la santé des travailleurs
sont fréquemment négligées, voire ignorées, soit dans des établissements plus
récents, de plus grande taille, dans lesquels la technologie est en évolution
constante et la maîtrise des risques est, dans la mesure du possible, intégrée dès
la conception des installations. En plus des risques spécifiques mentionnés plus
haut, des problèmes surviennent fréquemment, liés à l’éclairage, au bruit, à une
protection insuffisante des machines, au soulèvement et au port d’objets lourds ou
volumineux, etc. Un programme de prévention bien conçu et mis en œuvre, intégrant
une solide formation et une surveillance efficace des travailleurs, est dès lors
indispensable.
Les tissus en textiles non tissés ont fait une première apparition à la fin des
années quarante. Ils se sont développés dans les années cinquante et ont été
commercialisés dans les années soixante. Au cours des trente-cinq années qui ont
suivi, le secteur des non-tissés a atteint sa maturité et a trouvé des marchés soit
en offrant un bon rapport qualité-prix en lieu et place des textiles traditionnels,
soit en proposant des produits mis au point pour des utilisations spécifiques. Ce
secteur a mieux absorbé les récessions que les textiles traditionnels et a connu
une croissance plus rapide. Les risques professionnels sont les mêmes que dans les
autres secteurs de l’industrie textile (bruit, fibres en suspension dans l’air,
produits chimiques utilisés pour le collage des fibres, sécurité des surfaces de
travail, zones de pincement, brûlures par exposition à la chaleur, lésions
dorsales, etc.).
Les matières premières utilisées par cette industrie sont généralement les mêmes
que celles qui sont employées dans l’industrie textile traditionnelle et atteignent
chaque année près de 1 million de tonnes. Les fibres naturelles dont on se sert
sont principalement le coton et la pâte de bois. Quant aux fibres manufacturées, ce
sont la rayonne, les polyoléfines (polyéthylène et polypropylène), les polyesters
et, en quantités plus limitées, les nylons, les acryliques, les aramides, etc.
Aux Etats-Unis, l’utilisation la plus importante d’un non-tissé (environ 10 000 km2
par an) concerne le voile supérieur des couches jetables. C’est ce voile qui entre
en contact avec la peau du bébé et l’isole des autres composants de la couche. Des
tissus obtenus à partir de ces fibres sont également utilisés pour des produits
durables et pour certaines applications géotextiles dans lesquelles ils sont
supposés durer indéfiniment. Ces tissus sont toutefois dégradés par les
ultraviolets ou par certains autres types de rayonnements.
Les fibres de nylon ne sont utilisées que modérément sous forme de fibres coupées
et assez peu dans les non-tissés encollés au filage (ou filés-liés). Les
principales applications des non-tissés encollés au filage sont le renforcement des
dossiers de moquettes et la fabrication des filtres en laine de verre. Ces tissus
confèrent une surface de faible friction aux dossiers, ce qui facilite la pose des
moquettes. Dans les filtres en laine de verre, le tissu permet de retenir les
fibres de verre dans le filtre et les empêche de pénétrer dans l’air filtré.
D’autres non-tissés particuliers, comme les aramides, trouvent des applications
dans des créneaux du marché dans lesquels leurs propriétés, comme une très faible
inflammabilité, par exemple, en rendent l’usage intéressant. Certains de ces non-
tissés sont aussi mis en œuvre dans l’industrie de l’ameublement pour diminuer
l’inflammabilité des canapés et des fauteuils.
Les travailleurs devraient se protéger les yeux et éviter de porter des vêtements
amples, des cravates, des bagues ou autres bijoux qui pourraient être happés par
les parties mobiles des machines. Ces procédés font presque toujours appel à
d’importants volumes d’air; aussi, des précautions particulières devraient être
prises pour éviter toute situation susceptible de favoriser les incendies; les
gaines d’aération devraient être dégagées, car il serait difficile d’y éteindre un
début d’incendie. Il importe en outre de s’assurer que les sols ne présentent pas
de risques de trébuchement ou de glissade.
Dans les procédés par liage, les installations devraient être nettoyées et tout
résidu de polymère éliminé par brûlage. Des fours très chauds sont généralement
utilisés à cette fin et les pièces nettoyées y sont entreposées. Une protection
adéquate est nécessaire tout au long de ces opérations, à commencer par le port de
gants résistants à la chaleur, la fourniture d’autres équipements de protection
thermique et la mise en service d’une ventilation assez puissante pour limiter la
chaleur et les fumées.
Les procédés par liage sont avantageux d’un point de vue économique, notamment
parce qu’ils sont relativement rapides et que l’on peut changer les bobines
enrouleuses sans interrompre les opérations. L’utilisation d’engins bien conçus
pour changer les rouleaux et une bonne formation du personnel devraient offrir une
marge de sécurité satisfaisante pendant cette opération.
Si les voiles formés doivent faire l’objet d’un liage à chaud, une petite quantité
(10% du poids environ) d’une fibre ou d’une poudre fondant à basse température sera
généralement ajoutée au voile. Cette substance est fondue par passage dans un four
à air chaud ou par exposition à des cylindres chauffés, puis refroidie pour obtenir
le liage du tissu. Dans ce cas, des équipements de protection thermique devraient
être mis à la disposition des travailleurs. Aux Etats-Unis, on produit chaque année
100 000 tonnes de non-tissés dont le liage se fait à chaud.
Le finissage
Les traitements de surface des non-tissés comprennent l’application de retardateurs
d’ignition, d’agents hydrofuges, d’adoucissants, d’antibactériens, de
thermofusibles, de lubrifiants, etc., ainsi que les traitements antistatiques. Ces
traitements de surface des non-tissés sont appliqués, selon le procédé et le type
de traitement, soit en ligne en cours de procédé, soit après la fabrication. Le
plus souvent, les traitements antistatiques sont appliqués en ligne, de même que
les traitements de surface comme l’effet corona. Les traitements tels que les
retardateurs d’ignition et les agents hydrofuges, par contre, sont le plus souvent
appliqués ultérieurement. Parmi les traitements spécifiques, on peut noter
l’exposition des voiles à un plasma de haute densité qui a pour effet d’influencer
la polarité des tissus et d’améliorer leurs performances dans les applications de
filtrage. La sécurité de ces procédés chimiques et physiques est différente pour
chaque application et doit être étudiée dans chaque cas.
LE TISSAGE ET LE TRICOTAGE
Charles Crocker
Le tissage
Le tissage consiste à entrelacer des fils tendus perpendiculairement les uns aux
autres. C’est la plus ancienne méthode de fabrication des tissus; des métiers
manuels étaient déjà utilisés dans la préhistoire. Le concept fondamental
d’entrecroisement n’a pas changé: les fils de chaîne sont disposés sur un rouleau
de grande taille appelé ensouple dérouleuse, monté à l’arrière de la machine.
L’extrémité des fils de chaîne est enfilée dans un harnais qui permet de lever ou
de baisser les fils de chaîne pour livrer passage à la navette. Le tissage le plus
simple demande deux harnais, mais on utilise parfois jusqu’à six harnais pour des
armures plus compliquées. Les métiers Jacquard sont employés pour fabriquer les
tissus aux motifs les plus décoratifs, et certains dispositifs permettent de tirer
ou de relâcher séparément chaque fil de chaîne. On enfile alors chaque extrémité de
fil sur un peigne (ou ros) aux dents métalliques parallèles et très rapprochées,
porté par la chasse ou battant du métier à tisser. Ce battant est conçu pour se
déplacer en formant un arc autour d’un point d’ancrage central. Les extrémités du
fil de chaîne sont attachées à la bobine enrouleuse, et le tissu vient s’y envider.
La plus ancienne méthode permettant de passer le fil de trame sur toute la largeur
des fils de chaîne est la navette, qui est propulsée librement d’un bord à l’autre
du métier et dévide le fil de trame placé sur une petite bobine qui se trouve à
l’intérieur. Une technique récente et plus rapide, illustrée à figure 89.9, appelée
tissage sans navette, fait appel soit à un jet fluide (air ou eau), soit à de
petits projectiles glissant sur une tringle mobile, soit encore à de petits
dispositifs en forme d’épée appelés lances ou rapières pour transférer le fil de
trame.
Les machines
Les dispositifs de transmission et la plupart des autres points de pincement sont
généralement protégés. En revanche, le ros, les harnais et d’autres parties des
machines auxquelles les tisserands doivent souvent accéder ne le sont que
partiellement. Un espace de travail et de passage suffisant devrait être aménagé
autour des machines; l’observation de bonnes pratiques de travail peut, en outre,
aider les travailleurs à éviter les risques qu’entraîne la marche des installations
de production. Dans le tissage à navette, des capots de protection montés sur le
ros permettent d’éviter que la navette ne soit éjectée ou de la rabattre en lui
conférant une trajectoire descendante. Le verrouillage, le blocage mécanique, etc.,
sont également nécessaires pour empêcher une mise en marche intempestive lorsqu’un
mécanicien ou d’autres travailleurs interviennent sur des machines à l’arrêt.
Les manutentions
Celles-ci comprennent le soulèvement et le déplacement de lourds cylindres d’appel,
d’ensouples d’enroulement, d’ensouples dérouleuses, etc. Des chariots à bras aident
à décharger, à faire la levée des petits rouleaux de tissu et à les transporter et
limitent le risque de lésions musculaires. Des chariots électriques sont parfois
utilisés pour procéder au levage des grands rouleaux de tissu placés à l’avant de
la machine. Des chariots hydrauliques, à commande mécanique ou manuelle, permettent
de déplacer des ensouples dérouleuses qui peuvent peser plusieurs centaines de
kilogrammes. Les manutentionnaires devraient porter des chaussures de sécurité.
Le bruit
La plupart des métiers à tisser, souvent nombreux dans un atelier de production
classique, produisent des niveaux de bruit généralement supérieurs à 90 dBA. Dans
certains ateliers de tissage à navette ou de tissage extrêmement rapide sans
navette, ces niveaux peuvent même dépasser 100 dBA. La plupart du temps, les
travailleurs occupés dans ce secteur d’activité devraient porter des appareils de
protection de l’ouïe appropriés et être soumis à un programme de surveillance de
leur acuité auditive.
Le tricotage mécanique *
* Les articles tricotés à la main constituent un important secteur artisanal. Les
données relatives aux effectifs des travailleurs occupés, en général des femmes,
sont notoirement insuffisantes. Le lecteur est renvoyé au chapitre no 96, «Les
arts, les loisirs et les spectacles», pour un apreçu des risques pour la santé que
cette activité fait encourir.
Le procédé de tricotage mécanique consiste à entrelacer des mailles de fil sur des
machines automatiques (voir figure 89.10). Ces machines se composent de rangées de
petites aiguilles à crochets permettant de faire passer les mailles nouvellement
formées à travers des mailles déjà formées. Les aiguilles à crochets présentent un
enclenchement original qui verrouille le crochet, ce qui permet de tirer facilement
la maille, puis s’ouvre pour permettre à la maille de descendre. Sur les
tricoteuses mécaniques circulaires, les aiguilles sont disposées en cercle, et le
tricot produit sort de la machine sous forme tubulaire et s’enroule autour d’une
envideuse. Les métiers à tricoter rectilignes et les métiers à chaîne, quant à eux,
présentent une rangée rectiligne d’aiguilles; le tricot sort à plat de la machine
et vient s’enrouler sur la bobine envideuse. Les métiers à tricoter circulaires et
les métiers à tricoter rectilignes sont généralement alimentés par des cônes de
fil, tandis que les métiers à chaîne le sont par des ensouples semblables à celles
utilisées dans le tissage, mais de plus petite taille.
Les tapis tissés ou noués à la main sont apparus en Perse plusieurs siècles avant
J.-C. Aux Etats-Unis, la première manufacture de tapis tissés a été construite à
Philadelphie en 1791. En 1839, l’industrie s’est complètement transformée
lorsqu’une force motrice fut, pour la première fois, appliquée au tissage des tapis
par Erastus Bigelow. Dans les ateliers modernes, la plupart des tapis se font à la
machine, en utilisant l’un ou l’autre des deux procédés de confection mécanique, le
tuftage et le tissage.
Les tapis tuftés ou touffetés sont aujourd’hui les plus répandus. Aux Etats-Unis,
par exemple, près de 96% des tapis produits sont tuftés, procédé emprunté à la
manufacture de dessus de lit tuftés située en Géorgie. Les tapis tuftés sont
confectionnés en faisant passer une fibre de poil dans un dossier prétissé
(généralement en polypropylène), puis en y fixant un second dossier présentant un
enduit à base de latex qui maintient les fils en place et réunit les deux dossiers
pour rendre le tapis plus stable.
La confection du tapis
Le tuftage mécanique
La machine à tufter comprend des centaines d’aiguilles (jusqu’à 2 400) placées sur
une barre horizontale qui couvre toute la largeur de la machine (voir figure
89.11). Le cantre, constitué de bobines de fil placées sur des râteliers, est
dirigé par des tubes de guidage de faible diamètre vers les aiguilles placées sur
une barre à saccades, ou jerker . Généralement, il existe deux bobinots de fil pour
chaque aiguille. L’extrémité du fil du premier bobinot est réunie avec l’extrémité
du second de façon que, lorsque le fil du premier bobinot est épuisé, le fil soit
fourni par le second sans qu’il soit nécessaire d’arrêter la machine. Chaque
extrémité de fil présente un tube de guidage qui permet d’éviter que les fils ne
s’emmêlent. Les fils passent à travers une série de guides verticaux alignés et
fixes, installés sur le bâti de la machine, et par un guide situé à l’extrémité
d’un bras qui se déploie à partir de la barre à aiguilles mobile de la machine.
Lorsque la barre à aiguilles se déplace vers le haut et vers le bas, le rapport
entre les deux guides se trouve modifié. La figure 89.12 montre les produits tuftés
utilisés pour les tapis à usage domestique.
La barre à saccades, ou jerker , reçoit le fil lâche dévidé pendant la montée des
aiguilles. Les fils sont enfilés sur leurs aiguilles respectives fixées sur la
barre. Les aiguilles se déplacent simultanément à raison de 500 courses à la minute
au moins, avec un mouvement de va-et-vient vertical. Une machine à tufter peut
produire de 1 000 à 2 000 m2 de tapis en huit heures.
Le premier élément du dossier dans lequel les fils sont insérés provient d’un
rouleau placé devant la machine. La vitesse du rouleau commande la longueur du
point et le nombre de points au cm2. Le nombre d’aiguilles au centimètre détermine
la jauge du tissu, 3/16 ou 5/32, par exemple.
Les boucleurs pour poils coupés ont une forme de «C» inversé et une surface
coupante sur le bord supérieur interne du croissant. Ils sont utilisés en
association avec des couteaux qui présentent un tranchant émoussé à une extrémité.
Au fur et à mesure que le dossier avance dans la machine vers les boucleurs pour
poils coupés, les fils prélevés dans les aiguilles sont coupés par cisaillement
entre le boucleur et l’arête tranchante du couteau. Sur les figures 89.13 et 89.14,
on peut voir les touffes sur un dossier et les différents types de boucles.
Le tissage
Le tapis tissé est constitué d’un fil velours tissé en même temps que les fils de
chaîne et de trame qui forment l’intégralité du dossier. Les fils du dossier sont
généralement en jute, en coton ou en polypropylène. Le fil velours peut être en
laine, en coton ou en fibres synthétiques comme le nylon, le polyester, le
polypropylène, l’acrylique, etc. Un enduit est appliqué sur l’envers pour
stabiliser le tapis; un second dossier n’est pas nécessaire et n’est que rarement
ajouté. Parmi les variantes du tapis tissé, on peut noter le tapis velours, le
Wilton et le tapis Axminster.
Les fils synthétiques sont obtenus par extrusion d’un polymère fondu injecté à
travers les très petits orifices d’une plaque métallique, ou filière. On ajoute
parfois au polymère fondu des additifs pour obtenir des teintures dans la masse ou
des fibres moins transparentes, plus blanches et plus durables, ou encore d’autres
propriétés particulières. A la sortie de la filière, les filaments sont refroidis,
étirés et texturés.
Le fil peut être produit soit sous forme de brin soit sous forme de filament
continu gonflant. Ce dernier est constitué de fils continus de fibre synthétique
formant faisceaux. Le fil extrudé s’obtient en enroulant directement sur des
bobines de renvidage le nombre de filaments correspondant au nombre de deniers que
l’on souhaite obtenir.
Les fibres en brins sont transformées en fils filés par les procédés classiques de
filage des textiles. Pour obtenir des fibres en brin, on extrude de gros faisceaux
de fibres appelés «câbles de filature». Après frisage, le câble est coupé en fibres
de 10 à 20 cm de longueur. Trois étapes importantes interviennent dans la
préparation — mélangeage, cardage et étirage — avant le filage. Le mélangeage
associe des balles de fibres en brins afin que les fibres s’entremêlent et que le
fil ne se divise pas au cours des opérations ultérieures de teinture. Le cardage
redresse les fibres et les configure en rubans. L’étirage a trois fonctions
principales: il mélange les fibres, les dispose en parallèle et diminue le poids
par unité de longueur de l’ensemble du faisceau de fibre, ce qui facilite le filage
au stade final.
Après le filage, qui étire le ruban jusqu’à la taille désirée, le fil est formé en
torons et retordu pour obtenir différents effets. Il est ensuite enroulé sur des
cônes pour être préparé en vue du thermofixage et du retordage.
Un second dossier est délicatement placé sur l’enduit de latex. On presse alors les
deux dossiers l’un contre l’autre entre deux cylindres de liaison. L’ensemble,
maintenu bien à plat et sans pli, passe ensuite dans un long four qui mesure
généralement de 24 à 49 m de long, dans lequel s’effectuent le séchage et la
polymérisation dans trois zones de température échelonnées entre 115 et 150 °C, et
cela pendant 2 à 5 minutes. Le séchage du tapis demande un taux élevé
d’évaporation, obtenu en soufflant de l’air chaud vers des zones dans lesquelles la
chaleur est strictement contrôlée.
Les matériels anciens encore en usage devraient être fréquemment inspectés et les
pièces déformées remplacées si besoin est. Les arbres de transmission, les
courroies trapézoïdales, les mécanismes d’entraînement à poulie, à chaîne et à
pignons, les treuils et les appareils de levage devraient être régulièrement
inspectés et des dispositifs de protection installés là où ils sont nécessaires.
Dans les ateliers, on utilise des chariots porte-bobines que l’on pousse à la main
pour déplacer la matière première; étant donné que des résidus de la production du
fil s’accumulent sur le sol, il convient de nettoyer les roues de ces chariots pour
éviter qu’elles ne se bloquent.
Les travailleurs devraient connaître les risques que présente la mise en œuvre
d’air comprimé, qui est d’un usage courant dans les opérations de nettoyage.
Les ateliers devraient se conformer aux normes modernes d’extraction des peluches
et des poussières et de dissipation de la chaleur.
Tous les tapis d’Orient sont tissés à la main. Ils sont souvent confectionnés à
domicile; tous les membres de la famille, y compris les très jeunes enfants,
travaillent sur le métier de longues heures pendant la journée et même la nuit. Il
s’agit parfois simplement d’une occupation à temps partiel pour la famille; dans
certaines régions, la confection des tapis n’est plus effectuée à domicile, mais
s’est déplacée vers des manufactures dont la taille demeure généralement modeste.
Les opérations
Les opérations associées à la confection des tapis comprennent la préparation du
fil — qui consiste à tirer la laine et à la classer en diverses variétés, à la
laver, à la filer et à la teindre —, le dessin du motif du tapis et le tissage
proprement dit.
La préparation du fil
Parfois, le fil est déjà façonné et teint lorsqu’il parvient aux ateliers de
tissage. Dans d’autres cas, la fibre brute, le plus souvent de laine, est préparée,
filée et teinte sur place. La première opération, généralement effectuée par des
femmes assises à même le sol, consiste à classer la matière première par variété.
Ensuite, la laine est lavée et filée à la main. La teinture se fait habituellement
dans des récipients ouverts, et l’on emploie principalement des colorants à base
d’aniline ou d’alizarine; les colorants naturels ne sont plus guère utilisés.
Le dessin et le tissage
Dans la fabrication familiale ou «tribale», les motifs sont traditionnels et il
n’est pas nécessaire d’en inventer de nouveaux; toutefois, dans une entreprise
employant un certain nombre de travailleurs, un dessinateur trace des ébauches
qu’il transpose sur du papier quadrillé, dont chaque case représente un point; le
tisseur peut ainsi s’assurer du nombre et de la disposition des nœuds.
Tandis que le tapis avance, il est souvent enroulé autour du cylindre inférieur,
dont le diamètre augmente. Lorsque le tisseur est accroupi à même le sol, la
position du cylindre inférieur l’empêche d’allonger les jambes et, à mesure que le
diamètre de ce cylindre augmente, le tisseur est repoussé en arrière et doit se
courber de plus en plus en avant pour nouer les fils (voir figure 89.15). Cette
posture peut être évitée lorsque les tisseurs sont assis ou accroupis sur une
poutre que l’on peut relever jusqu’à 4 m au-dessus du sol mais, là encore, ils
n’ont bien souvent pas la place suffisante pour étendre leurs jambes et sont
contraints de demeurer dans une position inconfortable. Dans certains cas,
pourtant, le tisseur peut s’asseoir sur un siège fixe, équipé d’un dossier et d’un
coussin (il s’agit en fait d’une chaise sans pieds qui peut être déplacée
horizontalement le long de la poutre au fur et à mesure que le travail avance). Des
types améliorés de métiers surélevés ont été mis au point; ils permettent au
tisseur d’être assis sur une chaise et de disposer d’une place suffisante pour
étendre ses jambes.
Dans certaines régions d’Iran, les fils de chaîne sont disposés horizontalement et
le tisseur doit s’installer sur le tapis lui-même, ce qui rend sa tâche encore plus
difficile.
Le stress
L’extrême précision de ce travail, qui demande une grande dextérité et une
attention constante pendant de longues heures, provoque parfois des troubles
nerveux et un stress que ne peuvent qu’aggraver l’exploitation des travailleurs et
une discipline très dure. Les enfants se voient souvent «voler leur enfance», et
les adultes, qui manquent généralement des contacts sociaux indispensables à un bon
équilibre affectif, peuvent développer des maladies nerveuses qui se traduisent par
des tremblements des mains (susceptibles de diminuer leur rendement) et, parfois,
des troubles mentaux.
Les ateliers devraient être nettoyés et bien aérés et être revêtus d’un plancher
remplaçant la terre battue. Par temps froid, ils devraient être chauffés. La
manipulation des fils de chaîne est pénible pour les doigts et peut occasionner de
l’arthrite: aussi emploiera-t-on le plus souvent possible des couteaux spéciaux en
forme de crochet pour nouer les fils de chaîne. Des examens médicaux d’embauche et
périodiques sont vivement recommandés pour tous les travailleurs.
Le tuftage à la main est une autre méthode de confection des tapis. On utilise pour
cela un outil spécial présentant une aiguille dans le chas de laquelle on enfile le
fil. Un calicot sur lequel a été tracé le dessin du tapis est suspendu
verticalement; lorsque le tisseur place l’outil contre le tissu et appuie sur un
bouton, l’aiguille pénètre dans le tissu puis se rétracte, en laissant sur l’envers
une boucle de fil d’environ 10 mm. Il déplace alors horizontalement l’outil de 2 ou
3 mm, en laissant une boucle à la surface du tissu, et appuie à nouveau sur le
bouton pour former une nouvelle boucle sur l’envers. Avec un peu d’habitude, on
peut obtenir en une minute jusqu’à 30 boucles de chaque côté. Selon le dessin, le
tisseur doit s’arrêter de temps à autre pour changer la couleur de fil en fonction
du motif. Lorsque cette opération est achevée, le tapis est descendu et étendu par
terre à l’envers. On applique alors sur l’envers un enduit de caoutchouc, puis un
dossier en toile de jute résistante. On retourne ensuite le tapis sur l’endroit et
les boucles de fil sont égalisées au moyen de ciseaux électriques. Parfois, le
motif du tapis est obtenu en coupant les poils à des hauteurs différentes.
La législation
Dans la plupart des pays, les dispositions d’ordre général relatives aux
établissements industriels fixent les conditions de sécurité et de santé. Parfois,
pourtant, elles ne s’appliquent pas aux entreprises familiales ou au travail à
domicile et sont difficiles à mettre en œuvre dans les petites entreprises isolées
qui emploient néanmoins de nombreux travailleurs. Cette branche d’activité est
connue pour l’exploitation de la main-d’œuvre et le travail des enfants, bien
souvent au mépris de toutes les réglementations en vigueur. On peut espérer que le
mouvement qui se fait jour dans le monde entier (depuis le milieu des années
quatre-vingt-dix) parmi les acheteurs de tapis tissés ou tuftés à la main, et qui
préconise le boycott des produits issus d’un travail au noir ou confectionnés par
des travailleurs exploités, permettra de mettre fin à cette situation.
LES TROUBLES RESPIRATOIRES ET LES AUTRES MALADIES OBSERVÉS DANS L’INDUSTRIE TEXTILE
E. Neil Schachter
Il y a près de 300 ans que l’on parle des risques liés au travail dans l’industrie
textile. Au début du XVIIIe siècle, Ramazzini, 1713 [1964] décrivait déjà une forme
particulière d’asthme chez les cardeurs de lin et de chanvre. Il évoquait les
poussières malodorantes et toxiques qui provoquaient une toux incessante finissant
par évoluer en affection asthmatique. Ce type de symptôme est effectivement apparu
dès les débuts de l’industrie textile, comme le montrent les études physiologiques
de Bouhuys et coll. (1973) à Philipsburg Manor (recherches sur l’implantation dans
les premières colonies néerlandaises de North Tarrytown, New York, Etats-Unis).
Pendant tout le XIXe siècle et au début du XXe siècle, de nombreux auteurs ont
décrit de plus en plus souvent les manifestations respiratoires des maladies
professionnelles observées dans les usines textiles. Ces pathologies ont cependant
été souvent ignorées, aux Etats-Unis, jusqu’au milieu du XXe siècle où les enquêtes
menées sous la direction de Richard Schilling (1981) ont indiqué que, malgré les
dénis de l’industrie et du gouvernement, la byssinose était bien une réalité
(American Textile Reporter, 1969; Britten, Bloomfield et Goddard, 1933; Department
of Labor (DOL), 1945). De nombreuses études ultérieures ont montré que les
travailleurs du textile souffrent de leur milieu de travail dans toutes les régions
du monde.
Stade 1/2
Stade 1
Stade 2
Stade 3
La toux des tisserands est avant tout un état asthmatique typiquement accompagné de
fièvre, qui survient aussi bien chez les nouveaux travailleurs que chez les
anciens. Contrairement à la fièvre du coton, les symptômes peuvent persister
pendant des mois. Le syndrome a été associé à des produits utilisés pour traiter le
fil, tels que la poudre de graines de tamarin (Murray, Dingwall-Fordyce et Lane,
1957) et la gomme de caroube (Vigliani, Parmeggiani et Sassi, 1954).
La bronchite chronique, telle que définie d’après les antécédents médicaux, est
très fréquente chez les travailleurs du textile et, notamment, chez les non-
fumeurs. Cette observation n’est pas étonnante puisque la caractéristique
histologique dominante de la bronchite chronique est une hyperplasie des glandes
muqueuses (Edwards et coll., 1975; Moran, 1983). La symptomatologie de la bronchite
chronique doit être soigneusement distinguée des symptômes de la byssinose
classique, bien que les troubles se recoupent souvent et qu’il existe probablement
dans ce contexte différentes manifestations physiopathologiques de la même
inflammation des voies respiratoires.
Les études pathologiques des travailleurs du textile sont peu nombreuses. Les
observations montrent toutefois que les grandes voies aériennes sont
systématiquement impliquées (Edwards et coll., 1975; Rooke, 1981a; Moran, 1983),
sans que l’on ne relève aucun signe de destruction du parenchyme pulmonaire
(emphysème) (Moran, 1983).
Les études transversales ont également montré que d’autres symptômes et syndromes
respiratoires chroniques, tels que sifflement ou bronchite chronique, sont aussi
beaucoup plus fréquents chez les personnes qui ont travaillé longtemps dans
l’industrie cotonnière qu’au sein d’une population témoin comparable (Bouhuys et
coll., 1977; Bouhuys, Beck et Schoenberg, 1979). La fréquence des cas de bronchite
chronique était systématiquement plus élevée chez les travailleurs du coton que
dans les populations témoins, même après ajustement tenant compte du sexe et du
tabagisme. Dans la byssinose de stade 3, outre la symptomatologie, les sujets
présentent des modifications de la fonction respiratoire. Apparue dans les études
transversales portant sur des travailleurs du textile, l’association entre la
détérioration de la fonction respiratoire et les stades les plus avancés de la
byssinose tend à mettre en évidence le caractère évolutif de la maladie du stade 1
vers le stade 3. Plusieurs de ces études transversales indiquent en outre que la
diminution de la fonction pulmonaire au cours de la semaine de travail par rapport
à la valeur de référence (corrélée à la constriction thoracique aiguë) est associée
à une évolution chronique irréversible.
Dans une étude de Roach et Schilling (1960), l’existence d’une relation dose-
réponse dans la symptomatologie aiguë confirme la relation entre pathologies aiguës
et chroniques chez les travailleurs de l’industrie textile. Ces auteurs ont observé
une relation linéaire très marquée entre la réponse biologique et les
concentrations de poussières sur le lieu de travail. D’après leurs observations, la
limite de sécurité applicable à l’exposition à des poussières macroscopiques se
situe à 1 mg/m3. Cette valeur a été adoptée ultérieurement par la Conférence
américaine des hygiénistes gouvernementaux du travail (American Conference of
Governmental Industrial Hygien-ists (ACGIH)) et, jusqu’à la fin des années
soixante-dix, elle est restée en vigueur aux Etats-Unis pour les poussières de
coton. Des observations rapportées par la suite ont démontré que les poussières
fines (< 7 µm) étaient responsables de pratiquement tous les cas de byssinose
(Molyneux et Tombleson, 1970; Mckerrow et Schilling, 1961; McKerrow et coll., 1962;
Wood et Roach, 1964). Une étude faite en 1973 par Merchant et coll. sur les
symptômes respiratoires et la fonction pulmonaire dans 22 usines textiles de
Caroline du Nord a porté sur 1 260 travailleurs du coton, 803 du coton et du
synthétique et 904 de la laine et du synthétique. Cette étude a confirmé la
relation linéaire qui existe entre la prévalence de la byssinose (et la
détérioration de la fonction pulmonaire) et les concentrations de poussières
exemptes de fibres de coton.
Dans une série d’enquêtes portant sur plusieurs milliers de travailleurs du textile
suivis à la fin des années soixante pendant une période de cinq ans, Fox et coll.
(1973a, 1973b) ont constaté un accroissement du nombre des cas de byssinose,
parallèle à l’ancienneté de l’exposition. Ils ont observé aussi une diminution
annuelle du volume expiratoire maximal seconde (VEMS) (pourcentage par rapport à la
valeur théorique) sept fois plus importante que chez les témoins.
Une seule étude portant sur les broncho-pneumopathies chroniques chez les
travailleurs du textile a été menée au début des années soixante-dix par Arend
Bouhuys (Bouhuys et coll., 1977). L’originalité de cette étude a été d’inclure
aussi bien le personnel en activité que les retraités. Les sujets étaient ou
avaient été employés dans l’une des quatre usines locales de Columbia, en Caroline
du Sud. Les critères de sélection de la cohorte ont été décrits dans la première
analyse transversale. A l’origine, le groupe retenu comptait 692 personnes, mais
l’analyse a été restreinte à 646 sujets de race blanche, âgés d’au moins 45 ans en
1973. Ces personnes avaient travaillé en moyenne trente-cinq ans dans l’usine. Le
groupe témoin retenu pour l’analyse transversale était constitué de sujets de race
blanche d’au moins 45 ans, dans trois localités ayant fait l’objet d’une étude
transversale: Ansonia, Lebanon (Connecticut) et Winnsboro (Caroline du Sud). Malgré
les différences géographiques, socio-économiques ou autres, la fonction pulmonaire
dans cette population n’était pas différente de celle qui avait été mesurée chez
les travailleurs du textile affectés aux tâches les moins poussiéreuses. Aucune
variation de la fonction pulmonaire et des symptômes respiratoires n’étant apparue
dans les trois sous-populations témoins, seuls les sujets de Lebanon étudiés en
1972 et en 1978 ont été retenus comme témoins pour l’étude longitudinale effectuée
en 1973 et en 1979 chez les travailleurs du textile (Beck, Doyle et Schachter,
1981; Beck, Doyle et Schachter, 1982).
De nombreux auteurs ont soulevé la question du tabagisme qui peut laisser perplexe.
De nombreux travailleurs du textile étant des fumeurs de cigarettes, il a été
avancé que la broncho-pneumopathie chronique attribuée à l’exposition aux
poussières de textiles était en réalité largement imputable au tabagisme. Deux
réponses ont été apportées à cette question, sur la base des observations
effectuées chez les travailleurs de Columbia. Dans l’étude de Beck, Maunder et
Schachter (1984), une analyse de variance bifactorielle portant sur tous les
paramètres de la fonction respiratoire a démontré que les effets de la poussière de
coton et du tabagisme étaient uniquement additifs. En d’autres termes, la
détérioration quantitative de la fonction pulmonaire due à l’un des deux facteurs
(tabagisme ou exposition aux poussières) ne varie pas en fonction de la présence ou
de l’absence du second facteur. La détérioration de la capacité vitale et la
diminution du VEMS apparaissent quantitativement similaires (antécédents de
tabagisme de 56 paquets-année en moyenne, pour 35 ans de travail en usine). Dans
une étude de même type, Schachter et coll. (1989) ont montré que l’utilisation d’un
paramètre reflétant la courbe du débit expiratoire de pointe (l’angle bêta)
permettait de distinguer les profils d’anomalies fonctionnelles respiratoires dus
au tabagisme et aux poussières de coton. Ces travaux ont confirmé les conclusions
antérieures de Merchant.
La mortalité
Les études consacrées à l’effet sur la mortalité de l’exposition aux poussières de
coton n’ont pas démontré d’influence systématique. L’analyse des résultats publiés
à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle au Royaume-Uni semble mettre en
évidence une mortalité cardio-vasculaire accrue chez les travailleurs âgés dans
l’industrie textile (Schilling et Goodman, 1951). En revanche, l’examen des données
disponibles dans les localités de la Nouvelle-Angleterre où étaient implantées des
usines textiles à la fin du XIXe siècle n’a pas confirmé ce phénomène (Arlidge,
1892). De même, Henderson et Enterline (1973) ont abouti à des conclusions
négatives dans leur étude portant sur des travailleurs qui avaient été employés
dans des usines situées en Géorgie entre 1938 et 1951. Au contraire, Dubrow et Gute
(1988), qui ont conduit une étude sur des travailleurs du textile dans le Rhode
Island décédés entre 1968 et 1978, ont observé une augmentation significative du
taux de mortalité proportionnelle imputable aux pathologies respiratoires non
malignes. Ce phénomène était associé à une exposition accrue aux poussières puisque
le taux était plus élevé chez les travailleurs affectés au cardage, au doublage et
au peignage que chez les autres travailleurs du textile. Il faut souligner que,
dans cette étude comme dans d’autres (Dubrow et Gute, 1988; Merchant et Ortmeyer,
1981), la mortalité par cancer du poumon était faible. Cet argument a été mis en
avant pour affirmer que le tabagisme n’était pas une cause majeure de mortalité
dans ces groupes.
Des observations effectuées en Caroline du Sud semblent indiquer que les broncho-
pneumopathies chroniques sont une cause majeure de mortalité ou constituent, en
tout cas, un facteur prédisposant. En effet, chez les travailleurs qui sont décédés
entre 45 et 64 ans au cours d’une période de suivi de six ans, la fonction
pulmonaire mesurée d’après le VEMS résiduel (valeur observée par rapport à la
valeur théorique) s’était considérablement détériorée lors de l’étude initiale chez
les hommes non-fumeurs décédés au cours des six années de suivi (VEMS résiduel
moyen = 0,9 l) (Beck et coll., 1981). Il est fort possible que l’effet du travail
en usine sur la mortalité ait été masqué par un phénomène de sélection (effet du
travailleur en bonne santé). Enfin, Rooke (1981b) a estimé que, sur les 121 décès
observés en moyenne chaque année chez les travailleurs invalides, 39 étaient
imputables à la byssinose.
Aux Etats-Unis, Glindmeyer et coll. (1991, 1994) ont conduit une étude prospective
sur cinq ans dans 9 usines (6 usines de coton et 3 de fibres synthétiques), entre
1982 et 1987. Celle-ci a porté sur 1 817 travailleurs affectés exclusivement à la
fabrication de filés de coton, à l’encollage et au tissage ou à la fabrication de
textiles synthétiques. Dans l’ensemble, moins de 2% des travail-leurs présentaient
des symptômes de byssinose. Cependant, les travailleurs affectés aux opérations de
fabrication des filés présentaient une détérioration annuelle de la fonction
pulmonaire plus importante que les travailleurs chargés de l’encollage et du
tissage. Les premiers accusaient une détérioration en fonction de la dose absorbée,
en relation également avec la qualité du coton utilisé. Ces usines respectaient les
normes de l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational
Safety and Health Administration (OSHA)), avec des concentrations moyennes de
poussières de coton en suspension dans l’air (exemptes de coton-fibre) atteignant,
sur 8 heures, 196 µg/m3 pour la fabrication du fil et 455 µg/m3 pour l’encollage et
le tissage. Glindmeyer et coll. (1994), qui ont mis en relation les variations de
la fonction pulmonaire au cours de la semaine de travail (équivalent fonctionnel
objectif des symptômes de byssinose) et la détérioration de ce paramètre dans le
temps, ont montré que les premières annonçaient de façon significative l’évolution
longitudinale.
Les traumatismes dus aux mouvements répétés constituent un risque reconnu dans
l’industrie textile lorsqu’on a recours à des machines qui fonctionnent à vitesse
élevée (Thomas, 1991). Une description du syndrome du canal carpien (Forst et
Hryhorczuk, 1988) chez une couturière se servant d’une machine à coudre électrique
illustre la pathogénie de ce type d’affection. Une analyse des lésions des mains
chez les travailleurs de la laine dans le Yorkshire, traitées entre 1965 et 1984
par l’Unité régionale de chirurgie plastique, a montré une constance de l’incidence
annuelle de ces lésions, alors que les effectifs avaient été divisés par 5, ce qui
indique un risque accru dans cette population (Myles et Roberts, 1985).
Une toxicité hépatique a été rapportée par Redlich et coll. (1988) chez des
travailleurs du textile exposés au diméthylformamide, utilisé comme solvant dans
une usine de traitement de tissus. Cette toxicité a été reconnue lors d’une
«épidémie» d’hépatopathies dans un établissement de New Haven (Connecticut) qui
produit des tissus enduits de polyuréthane.
Enfin, des cas de stérilité ont été décrits chez des hommes et des femmes à la
suite d’une exposition à diverses substances présentes dans l’industrie textile
(Rachootin et Olsen, 1983; Buiatti et coll., 1984).
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L’industrie textile
Le terme industrie textile (du latin texere , tisser) s’appliquait à l’origine au
tissage d’étoffes à partir de fibres, mais il recouvre aujourd’hui toute une série
d’autres procédés tels que le tricotage, le tuftage (ou touffetage) et le feutrage,
pour n’en citer que quelques-uns. Ce terme s’étend même à la fabrication de filés
ou de non-tissés à partir de fibres naturelles ou synthétiques, ainsi qu’au
finissage et à la teinture des étoffes.
La production de filés
A l’époque préhistorique, on utilisait des poils d’animaux, des plantes et des
graines pour fabriquer des fibres. La soie a été introduite en Chine vers 2600
avant J.-C. et les premières fibres synthétiques ont été mises au point au milieu
du XVIIIe siècle. Les fibres synthétiques fabriquées à partir de cellulose ou de
produits pétrochimiques sont de plus en plus utilisées, seules ou en mélange avec
d’autres fibres synthétiques ou naturelles, mais elles n’ont jamais remplacé
totalement les fibres naturelles telles que la laine, le coton, le lin et la soie.
La soie est la seule fibre naturelle formée de filaments qu’il est possible de
réunir et de transformer en fil par torsion. Les autres fibres naturelles doivent
être préalablement étirées et alignées parallèlement par peignage, puis
transformées en un fil continu par filage. Le fuseau est le premier outil utilisé
pour filer. Il a été mécanisé en Europe vers l’an 1400 grâce à l’invention du
rouet. C’est à la fin du XVIIe siècle qu’est apparue la machine à filer qui
permettait de faire fonctionner simultanément plusieurs fuseaux. Avec le métier à
filer inventé en 1769 par Richard Arkwright et le métier renvideur de Samuel
Crompton, qui permettait de faire fonctionner un millier de broches à la fois, la
filature est passée du stade artisanal à l’ère industrielle.
La teinture et l’impression
A l’origine, on utilisait des colorants naturels pour teindre les fils et les
tissus, mais ces procédés se sont compliqués au XIXe siècle avec la découverte des
colorants dérivés des goudrons de houille, puis avec la mise au point des fibres
synthétiques au XXe siècle. Au début, l’impression à la planche servait à teindre
les tissus (la sérigraphie a été mise au point pour cette application vers le
milieu du XIXe siècle), mais elle a été rapidement remplacée par l’impression au
rouleau. Des rouleaux en cuivre gravé ont été utilisés pour la première fois en
Angleterre en 1785. Des améliorations rapides ont permis d’imprimer, grâce à ce
procédé, en six couleurs différentes, parfaitement transférées. Avec les techniques
modernes, on peut imprimer 180 m de tissu par minute en 16 couleurs ou davantage.
Le finissage
Jadis, le finissage des tissus passait par le brossage ou le tondage, l’apprêtage
ou l’encollage, ou encore le calandrage pour obtenir un effet brillant.
Aujourd’hui, les tissus sont rétrécis, mercerisés (les fils et les tissus de coton
sont traités par des solutions caustiques pour les renforcer et les faire briller)
et soumis à toute une série de traitements destinés à améliorer entre autres la
résistance au froissement, à l’eau, au feu et aux moisissures ou encore la tenue
des plis.
De l’artisanat à l’industrie
La fabrication des textiles était initialement un art manuel pratiqué soit par des
fileurs et des tisseurs qui travaillaient à domicile, soit par de petites équipes
d’artisans qualifiés. Les progrès techniques ont fait naître de grandes entreprises
textiles économiquement très importantes, principalement au Royaume-Uni et dans les
pays d’Europe occidentale. Les premiers immigrants installés en Amérique du Nord
ont implanté des fabriques de tissus en Nouvelle-Angleterre (Samuel Slater, qui
avait dirigé une usine textile en Angleterre, a construit de mémoire un métier à
filer à Providence, Rhode Island, en 1790). L’invention de l’égreneuse par Eli
Whitney, qui permettait de nettoyer très rapidement le coton récolté, a entraîné un
accroissement de la demande en tissus de coton.
Ainsi, les progrès techniques accomplis au cours des XVIIIe et XIXe siècles n’ont
pas seulement donné le coup d’envoi à l’industrie textile moderne, mais ont été à
l’origine de la révolution industrielle et de mutations familiales et sociales
profondes. De nouveaux changements ont lieu aujourd’hui, puisque les grosses
entreprises textiles se déplacent vers de nouvelles régions qui offrent une main-
d’œuvre et des sources d’énergie moins onéreuses, tandis que la bataille de la
concurrence suscite des développements techniques incessants tels que la production
assistée par ordinateur (PAO) qui permet de réduire les effectifs et d’améliorer la
qualité. Les politiciens, quant à eux, négocient des quotas et des tarifs, ou
mettent en place des barrières économiques pour obtenir ou conserver des avantages
concurrentiels pour leur pays. Ainsi, l’industrie textile fournit des produits
essentiels à une population mondiale en pleine expansion, tout en exerçant une
influence profonde sur le commerce international et l’économie des nations.
Les risques liés aux différents secteurs de cette branche sont exposés dans les
articles du présent chapitre qui soulignent l’importance des facteurs suivants:
entretien des locaux et des machines; installation de systèmes de protection et de
dispositifs de sécurité efficaces pour éviter tout contact avec les pièces en
mouvement; mise en place d’une ventilation par aspiration localisée en complément
d’un bon système général de ventilation et de régulation de la température; enfin,
fourniture d’équipements et de vêtements de protection individuelle lorsqu’un
risque ne peut être totalement maîtrisé ou supprimé par la conception initiale, par
la prévention collective ou par l’utilisation de substances moins dangereuses. Les
auteurs insistent tous sur la nécessité d’informer et de former sans relâche le
personnel à tous les niveaux et sur l’importance de la surveillance.
La contamination des eaux usées par les colorants non fixés pose un problème
d’environnement grave, non seulement en raison des risques potentiels pour la santé
de l’être humain et des animaux, mais aussi en raison de la forte visibilité des
colorations produites. Dans les opérations de teinture ordinaire, on peut obtenir
une fixation de plus de 90%, mais ce taux tombe à 60%, voire moins, lorsqu’on se
sert de colorants réactifs. En d’autres termes, plus d’un tiers de la teinture
passe dans les eaux usées lors du dégommage du tissu imprimé, sans compter les
quantités dues au lavage des cadres, des pochoirs et des tambours.
Un certain nombre de pays ont fixé des limites portant sur la coloration des eaux
usées, mais il est souvent extrêmement difficile de les respecter sans installer un
système d’épuration très coûteux. Entre autres solutions, on utilise des teintures
dont l’effet contaminant est moindre et on tente de mettre au point des colorants
et des épaississants de synthèse qui augmentent le degré de fixation des teintures
et réduisent les excédents à éliminer par lavage (Grund, 1995).
Le formaldéhyde et les solvants résiduels se trouvant dans les tapis et les tissus
servant pour l’ameublement et les rideaux continuent de se vaporiser
progressivement pendant un certain temps. Dans les immeubles très bien isolés, où
le système d’air conditionné recycle la plus grande partie de l’air au lieu de
l’évacuer à l’extérieur, ces substances peuvent atteindre des concentrations
suffisantes pour produire des symptômes chez les occupants, comme mentionné dans le
chapitre no 13, «Les troubles systémiques», de l’Encyclopédie.
Conclusion
Les progrès techniques permettent d’élargir la gamme des tissus fabriqués par
l’industrie textile et contribuent à améliorer la productivité. Il est essentiel
cependant qu’ils soient aussi régis par des impératifs de sécurité, de santé et de
bien-être du personnel. Quoi qu’il en soit, la mise en œuvre de ces avancées pose
des problèmes dans les entreprises plus anciennes dont la viabilité financière est
mal assurée et qui n’ont pas les moyens d’effectuer les investissements
nécessaires. Il en va de même dans des régions en développement qui recherchent de
nouvelles industries à tout prix, même au détriment de la sécurité et de la santé
des travailleurs. Cependant, quelles que soient les circonstances, l’éducation et
la formation du personnel devraient permettre de réduire considérablement les
risques auxquels il est exposé.
Année
Australie
Chine
Corée, République de
Hong-kong
Inde
Indonésie
Malaisie
Nouvelle-Zélande
Pakistan
Entreprises
1985
1995
2 535
4 503
45 500
47 412
12 310
14 262
13 114
6 808
13 435
13 508
1 929
2 182
376
238
2 803
2 547
1 357
1 452
Salariés (x103)
1985
1995
96
88
4 396
9 170
684
510
375
139
1 753
1 675
432
912
58
76
31
21
n.d.
n.d.
La production de coton
Les pratiques culturales du coton commencent après la cueillette précédente. Les
premières opérations consistent en principe à broyer les tiges, à arracher les
racines et à briser les mottes au pulvérisateur à disques. Des engrais et des
herbicides sont généralement appliqués et incorporés dans le sol avant que la terre
soit préparée pour l’irrigation ou l’ensemencement. Etant donné que les
caractéristiques du sol, les engrais utilisés antérieurement et les méthodes de
cueillette peuvent donner lieu à des degrés de fertilité très différents, les
programmes de fertilisation doivent être fondés sur des analyses pédologiques. La
lutte contre les plantes adventices est indispensable pour obtenir un rendement
élevé en coton égrené et une qualité satisfaisante: en effet, le rendement et
l’efficacité de la récolte peuvent chuter de 30% en présence de mauvaises herbes.
Les herbicides ont été largement utilisés dans de nombreux pays depuis le début des
années soixante. Parmi les méthodes auxquelles on recourt, il faut citer
l’application d’herbicides sur le feuillage des plantes adventices avant les semis,
l’intégration dans le sol à ce même stade et le traitement avant et après
l’émergence de la plantule.
Plusieurs facteurs jouent un rôle important pour obtenir des plants de qualité: la
préparation des sillons, l’humidité et la température du sol, la qualité des
semences, les maladies des plantules, l’emploi de fongicides et la salinité du sol.
L’utilisation de semences de bonne qualité mises en terre dans des sillons bien
préparés est un facteur clé pour obtenir des plants précoces, uniformes et
vigoureux. Les bonnes semences devraient avoir un taux de germination d’au moins
50% dans un test à froid. Dans un test froid/chaud, l’indice de vigueur de la
semence devrait être d’au moins 140. Il est recommandé de semer 12 à 18 graines par
mètre sur chaque rangée pour obtenir de 14 000 à 20 000 plants par hectare. Un
semoir à mécanisme de dosage approprié devrait être utilisé pour assurer un
espacement uniforme des graines, quelle que soit leur taille. Les taux de
germination et d’émergence sont étroitement liés dans une fourchette de température
allant de 15 à 38 °C.
Un programme de défoliation bien conduit réduit les débris végétaux qui peuvent
altérer la qualité du coton récolté. Les régulateurs de croissance chimiques sont
des défoliants utiles, car ils permettent de maîtriser la croissance végétative et
contribuent à une fructification plus précoce.
La récolte
Deux types d’équipements mécaniques sont utilisés pour la cueil-lette du coton: la
récolteuse à broches et l’écapsuleuse de coton . La récolteuse à broches est une
machine de type sélectif qui utilise des broches coniques et barbelées pour
extraire la fibre de la graine. Cette cueilleuse peut être employée plusieurs fois
sur une plantation pour obtenir des récoltes stratifiées. L’écapsuleuse de coton
est, en revanche, une cueilleuse non sélective à passage unique qui récolte non
seulement les capsules bien ouvertes, mais aussi celles qui sont craquelées et
fermées, ainsi que les débris de capsules et autres corps étrangers.
Les pratiques agronomiques qui visent à obtenir une culture uniforme et de bonne
qualité contribuent généralement à l’efficacité de la récolte. Le champ devrait
être correctement drainé et les rangées tracées de manière à faciliter le passage
des machines. L’extrémité des rangées devrait être libre de plantes adventices, et
une bordure de 7,6 à 9 m devrait être ménagée autour du champ pour permettre les
manœuvres et l’alignement des cueilleuses sur les rangées. Cette bordure devrait
être débarrassée des mauvaises herbes. La pulvérisation des mottes est déconseillée
par temps pluvieux; il est préférable de détruire les mauvaises herbes par des
produits chimiques ou par la tonte. La hauteur des plants ne devrait pas dépasser
1,20 m environ pour le coton cueilli par récolteuse à broches, et 9 cm pour le
coton récolté par écapsuleuse. La hauteur des plants peut être contrôlée dans une
certaine mesure à l’aide de régulateurs de croissance chimique utilisés au moment
opportun. Il est préférable que la capsule inférieure se trouve à 10 cm du sol au
moins. Les activités culturales — fertilisation, travail du sol et irrigation —
pendant la croissance devraient être conduites avec soin pour obtenir une récolte
régulière de coton bien développé.
La défoliation chimique est une pratique qui induit la chute du feuillage. Des
défoliants peuvent être employés pour minimiser la contamination par les débris de
feuilles vertes et favoriser le séchage rapide de la rosée matinale sur le duvet.
Toutefois, les défoliants ne devraient pas être utilisés avant l’ouverture d’au
moins 60% des capsules. La récolte ne devrait être effectuée que sept à quatorze
jours après l’application d’un défoliant (ce délai varie en fonction des produits
chimiques choisis et des conditions météorologiques). Des agents de dessiccation
chimique peuvent aussi être employés pour préparer la récolte. La dessiccation
provoque une perte rapide de l’eau contenue dans le tissu végétal et entraîne la
mort de celui-ci; les feuilles mortes qui en résultent restent attachées à la
plante.
Le stockage
La teneur en humidité du coton avant et pendant le stockage est un facteur
critique. Une humidité excessive induit une surchauffe du coton stocké, ce qui
entraîne un changement de couleur du coton-fibre, une germination plus faible des
graines, voire une combustion spontanée. Le coton-graine ayant une teneur en
humidité supérieure à 12% ne devrait pas être stocké. La température intérieure des
bâtiments nouvellement construits devrait aussi être surveillée pendant les cinq à
sept premiers jours du stockage. Si la température s’élève de 11 °C ou dépasse 49
°C, il convient de procéder à un égrenage immédiat pour éviter les risques de
pertes importantes.
Plusieurs facteurs influent sur la qualité des graines et des fibres au cours du
stockage du coton-graine. La teneur en humidité est le principal d’entre eux. Parmi
les autres paramètres, il faut citer la durée du stockage, la quantité de corps
étrangers très humides, la variation de la teneur en humidité à l’intérieur de la
masse stockée, la température initiale du coton-graine, la température de celui-ci
au cours du stockage, les conditions météorologiques pendant cette période
(température, humidité relative et précipitations), ainsi que la protection du
coton contre la pluie et l’humidité du sol. Le jaunissement est accéléré lorsque
les températures sont élevées. Les montées en température et les températures
maximales sont deux facteurs importants (la hausse de la température est
directement liée à la chaleur générée par l’activité biologique).
L’égrenage
Environ 80 millions de balles de coton sont produites chaque année dans le monde;
20 millions d’entre elles passent par les quelque 1 300 égreneuses se trouvant aux
Etats-Unis. La principale fonction de l’égreneuse est de séparer la fibre des
graines, mais cette machine doit aussi éliminer une grande partie des corps
étrangers, faute de quoi la valeur du coton-fibre serait considérablement réduite.
Une égreneuse doit: 1) produire un coton-fibre de qualité satisfaisante pour le
marché; et 2) égrener le coton en portant le moins possible atteinte à la qualité
de filage des fibres afin que le coton réponde à la demande des utilisateurs
finaux, le filateur et le consommateur. La préservation de la qualité au cours de
cette opération impose donc un choix et un fonctionnement appropriés de chaque
machine du système d’égrenage. La manipulation et le séchage mécaniques peuvent
modifier les caractéristiques qualitatives naturelles du coton. Au mieux,
l’égreneuse préserve les caractéristiques qualitatives inhérentes au coton qu’elle
reçoit. Dans les paragraphes qui suivent, nous examinerons brièvement le rôle des
principales machines et opérations d’égrenage.
Au début du séchage, l’air chaud fait circuler le coton sur des clayettes pendant
dix à quinze secondes. La température de l’air est réglée en fonction du degré de
séchage souhaité. Afin de ne pas endommager les fibres, la température ne devrait
jamais dépasser 177 °C au cours d’une opération normale. Des températures
supérieures à 150 °C peuvent entraîner une modification physique permanente des
fibres de coton. Des capteurs de température devraient être placés aussi près que
possible du point de rencontre entre le coton et l’air chaud. Si le capteur est
situé près de la sortie de la tour de séchage, la température au point de rencontre
peut excéder de 55 à 110 °C celle qui est enregistrée par le capteur d’aval. La
chute de température en aval résulte de l’évaporation et de la perte de chaleur au
travers des parois des machines et des tuyauteries. Le séchage se poursuit alors
que l’air chaud véhicule le coton-graine vers l’épurateur à cylindres, constitué de
six à sept cylindres rotatifs garnis de pointes qui tournent à 400-500 tours/min.
Ces cylindres frottent le coton sur une série de grilles à barreaux ou de tamis, le
secouent et entraînent l’évacuation, par les orifices prévus à cet effet, des corps
étrangers de petite taille tels que feuilles, débris et impuretés. Les épurateurs à
cylindres séparent le coton en gros tampons et le préparent aux opérations
d’épuration et de séchage ultérieures. Il est fréquent d’enregistrer à ce niveau
des vitesses de traitement d’environ six balles par heure et par mètre linéaire de
cylindre.
L’arracheuse extrait les corps étrangers les plus gros tels que les débris de
capsules et les brindilles. Cette machine utilise la force centrifuge créée par des
cylindres à scies qui tournent à 300-400 tours/min, ce qui rejette les corps
étrangers alors que la fibre est retenue par les scies. Les corps étrangers
éliminés sont introduits dans un système de traitement des débris. Les vitesses de
traitement atteignent fréquemment 4,9 à 6,6 balles par heure et par mètre linéaire
de cylindre.
La mise en balles
Le coton épuré est compressé en balles qui doivent être recouvertes pour les
protéger de toute salissure au cours du transport et du stockage. Trois types de
balles sont produits: balles plates modifiées, balles à densité universelle de
compression et balles à densité universelle d’égrenage. Ces balles sont pressées à
des densités de 224 et de 449 kg/m3 pour les balles plates modifiées et pour les
balles à densité universelle, respectivement. Dans la plupart des égreneuses, le
coton est pressé dans une presse double dans laquelle le coton-fibre est tout
d’abord comprimé par un mécanisme mécanique ou hydraulique. La presse est alors
mise en rotation et la compression du coton-fibre est portée à 320 ou 641 kg/m3
avec des presses pour balles plates modifiées ou des presses pour balles à densité
universelle d’égrenage, respectivement. Les balles plates modifiées sont
recomprimées pour être transformées en balles à densité universelle de compression,
afin de réduire les coûts de fret. En 1995, environ 98% des balles préparées aux
Etats-Unis étaient des balles à densité universelle d’égrenage.
Des recommandations ont été formulées sur la séquence et le nombre des machines
d’égrenage permettant de sécher et d’épurer le coton cueilli par des récolteuses à
broches, afin d’obtenir des balles de valeur satisfaisante et de préserver la
qualité naturelle du coton. Ces recommandations ont généralement été suivies et
sont donc reconnues depuis plusieurs décennies par l’industrie cotonnière des
Etats-Unis. Elles prévoient des systèmes de primes et d’escomptes pour la
commercialisation et tiennent compte de l’efficacité de l’épuration et de
l’endommagement des fibres caractérisant les différentes égreneuses. Ces
recommandations doivent être adaptées si la récolte a été effectuée dans des
conditions particulières.
Lorsque les différentes machines d’égrenage sont utilisées selon la séquence
recommandée, 75 à 85% des corps étrangers sont généralement éliminés du coton. Ces
appareils rejettent malheureusement aussi une petite quantité de coton de bonne
qualité. L’épuration réduisant ainsi la quantité de coton commercialisable, il
importe de trouver un compromis entre cette opération et ses effets positifs comme
la réduction de la teneur en corps étrangers, d’une part, et ses effets négatifs
comme l’endommagement ou la perte de fibres, d’autre part.
La fabrication des filés comprend une série d’opérations qui transforment les
fibres de coton brut en fil se prêtant à la fabrication de produits finis. Ces
opérations sont nécessaires pour obtenir les filés propres, solides et uniformes
requis par les marchés d’aujourd’hui. A partir d’un paquet de fibres emmêlées et
fortement compressées extrait des balles de coton et contenant de nombreux corps
étrangers et de fibres inutilisables (matières diverses, débris végétaux,
impuretés, etc.) en quantités variables, les opérations continues d’ouverture, de
mélangeage, d’épuration, de cardage, d’étirage, de passage au banc à broches et de
filage ont pour objet de transformer les fibres en fil.
La filature
L’ouverture, le mélangeage et l’épuration
En principe, les ateliers de filature procèdent à des mélanges de balles présentant
les propriétés nécessaires pour produire un fil destiné à une utilisation
spécifique. Le nombre de balles employées dans chaque mélange par les différents
établissements peut aller de 6 ou 12 à plus de 50. Le traitement débute par le
transfert des balles à mélanger vers l’atelier d’ouverture des fibres, où les
emballages et les cercles sont enlevés. Les couches de coton sont retirées
manuellement des balles et placées dans des chargeuses munies de bandes
transporteuses garnies de dents. Dans d’autres systèmes, des balles entières sont
placées sur des plates-formes qui leur impriment un mouvement de va-et-vient au-
dessous ou au-dessus d’un mécanisme d’arrachage. L’objectif est de transformer les
couches compactes des balles en petites touffes légères et duveteuses pour
faciliter l’élimination des corps étrangers. Etant donné que les balles sont
livrées en différentes densités, les cercles sont souvent coupés vingt-quatre
heures avant le traitement afin de les briser plus facilement. Cette précaution
facilite l’ouverture et contribue à régulariser la vitesse de chargement. Les
ouvreuses assurent les fonctions d’ouverture et d’épuration initiale.
Le cardage et le peignage
La carde est la machine la plus importante dans la fabrication des filés. Dans
presque toutes les usines textiles, elle assure la deuxième et la dernière
opération d’épuration. Elle est composée d’un système de trois cylindres rotatifs
garnis de fines pointes métalliques inclinées et d’une série de barres plates,
également munies de pointes métalliques, qui transforment successivement les petits
agglomérats et les petites touffes en fibres bien séparées et ouvertes, éliminent
un très gros pourcentage de débris et de corps étrangers, recueillent les fibres
sous forme d’un ruban qui est soigneusement lové dans un pot pour les opérations
ultérieures (voir figure 89.4).
Jadis, le coton était amené à la carde sous la forme d’une bande formée sur un
batteur-nappeur constitué de rouleaux d’alimentation, de batteurs et d’un ensemble
de tamis cylindriques sur lesquels les touffes de coton ouvertes étaient
recueillies et roulées en nappe (voir figure 89.5). La nappe était retirée des
tamis en une couche plate et régulière, puis enroulée en bande. Cependant, la
nombreuse main-d’œuvre requise et l’existence de systèmes automatiques de
manutention susceptibles d’améliorer la qualité ont contribué à l’obsolescence du
batteur-nappeur.
Le filage
Le filage est l’étape la plus coûteuse de la transformation des fibres de coton en
fil. Il comprend la préparation et le filage proprement dit (appelé aussi
filature). Actuellement, plus de 85% du fil produit dans le monde l’est avec des
continus à filer à anneaux: ces métiers sont conçus pour transformer la mèche en
fil du calibre (ou numéro) voulu et à lui imprimer la torsion souhaitée, cette
dernière étant proportionnelle à la résistance. Le rapport entre la longueur
initiale et la longueur finale est de l’ordre de 10 à 50. Les bobines de mèches
sont placées sur des supports qui leur permettent de passer librement dans le
cylindre d’étirage du continu à filer à anneaux. Après étirage, le fil traverse un
guide, puis un curseur avant de passer sur la bobine de fil. La broche
d’entraînement de cette bobine tourne à grande vitesse, ce qui fait gonfler le fil
à mesure qu’elle lui imprime une torsion. Les fils se trouvant sur les bobines sont
trop courts pour être utilisés lors des opérations ultérieures; ils sont transférés
vers des pots tournants et amenés à l’opération suivante (bobinage ou renvidage).
Dans la production de fils plus lourds ou plus grossiers, le filage à anneaux est
aujourd’hui remplacé par le procédé dit à fibres libérées, dit aussi «open-end» (à
bouts ouverts). Un ruban de fibres est amené dans une turbine tournant à vitesse
très élevée, dans laquelle la force centrifuge transforme les fibres en fil. La
bobine n’est pas utile dans ce procédé, et le fil est mis en place sur le support
voulu lors de l’opération suivante.
Le renvidage et le bobinage
Après le filage, le fil doit être présenté en fonction de l’utilisation prévue —
tissage ou tricotage. Le renvidage, le bobinage, la torsion et l’enroulement du fil
sur canettes sont considérés comme des étapes préparatoires au tissage et au
tricotage. En principe, les produits bobinés seront utilisés comme fils de chaîne
(fils passant dans le sens de la longueur d’un tissu) et les produits renvidés
serviront de fils de trame (fils passant dans le sens de la largeur d’un tissu), ou
duites. Les produits de la filature à fibres libérées court-circuitent ces étapes
et sont directement emballés en tant que fils de trame ou fils de chaîne. Le
retordage consiste à tordre ensemble deux fils ou plus avant les autres opérations
afin d’obtenir un fil retors d’une grosseur double, voire triple ou quadruple,
nettement plus solide qu’un fil simple de la même grosseur. Dans l’enroulement du
fil sur canettes, le fil est disposé sur des bobines suffisamment petites pour
tenir à l’intérieur de la navette d’un métier à boîtes multiples. Cette opération a
parfois lieu sur le métier lui-même (voir plus loin dans ce chapitre l’article «Le
tissage et le tricotage»).
La sécurité et la santé
Les machines
Tous les types de machines servant à fabriquer les textiles de coton peuvent
provoquer des accidents, bien que la fréquence de ceux-ci ne soit pas très élevée.
La mise en place d’une protection efficace sur les innombrables pièces en mouvement
pose de multiples problèmes et requiert une attention constante. La formation des
opérateurs à des pratiques de travail sûres est également essentielle. Elle permet
notamment d’éviter de réparer une machine en marche, ce qui est à l’origine de
nombreux accidents. Chaque élément de machine peut avoir une source motrice
d’énergie (électrique, mécanique, pneumatique, hydraulique, inertielle, etc.) qu’il
importe de couper avant de procéder à une réparation ou à une opération
d’entretien. Les sources d’énergie devraient être clairement identifiées dans
chaque atelier; l’équipement nécessaire devrait se trouver sur place et le
personnel devrait savoir que les sources d’énergie dangereuses doivent
systématiquement être déconnectées avant toute intervention sur les machines. Des
inspections régulières devraient être effectuées pour s’assurer que les procédures
d’arrêt sont respectées et correctement appliquées.
Le bruit
Le bruit peut poser des problèmes lors de certaines opérations de fabrication des
filés. Dans les usines modernes, il est généralement inférieur à 90 dBA, ce qui
correspond à la norme en vigueur aux Etats-Unis. Dans bien des pays, la limite est
plus sévère. Grâce aux efforts des constructeurs de machines et des spécialistes de
la question, les niveaux de bruit continuent de diminuer en dépit de l’augmentation
des vitesses. La solution consiste à fabriquer des machines plus silencieuses. Aux
Etats-Unis, un programme de protection de l’ouïe est obligatoire dans les
entreprises où le niveau sonore dépasse 85 dBA, ce qui implique la surveillance du
bruit, des tests audiométriques et la fourniture de dispositifs de protection pour
le personnel lorsque le bruit ne peut être ramené au-dessous de 90 dBA.
La chaleur
Etant donné que les opérations de filage requièrent parfois des températures
élevées et une humidification artificielle de l’air, une surveillance attentive est
dans tous les cas indispensable pour garantir le respect des limites maximales
admissibles. Des systèmes d’air conditionné bien conçus et correctement entretenus
tendent de plus en plus à remplacer les méthodes plus archaïques de régulation
thermique et hygrométrique.
L’INDUSTRIE LAINIÈRE
D.A. Hargrave*
Les origines de l’industrie lainière se perdent dans la nuit des temps. Nos
lointains ancêtres n’ont pas eu de peine à domestiquer le mouton, qui a grandement
contribué à satisfaire leurs besoins essentiels en matière alimentaire et
vestimentaire. Dans les sociétés primitives, on frottait les unes contre les autres
les fibres prélevées sur l’animal pour en faire un fil et, partant de ce principe
initial, les procédés de filage ont gagné en complexité. L’industrie lainière a
joué un rôle de pionnier dans la mise au point et l’adaptation de procédés
mécanisés et a été l’une des premières à industrialiser sa production.
La filature
Il existe deux procédés de filage distincts, selon qu’on entend obtenir des fils
cardés ou des fils peignés. Les machines se ressemblent sur bien des points, mais
les produits recherchés sont différents. En principe, on prend pour les peignés des
laines à brins plus longs qu’on maintient parallèles lors du cardage, du
défeutrage, du boudinage et du peignage, les brins courts étant rejetés. On obtient
ainsi un filé fin et résistant qui donne, par tissage, une étoffe légère, d’aspect
lisse et de bonne tenue, comme celle qu’on utilise pour les costumes d’homme. Pour
les cardés, le but est d’entremêler et d’entrelacer les fibres pour obtenir un filé
doux et aéré qui donne, par tissage, une étoffe pleine et gonflante, à surface
laineuse (tweeds, couvertures et tissus lourds pour pardessus). L’uniformité des
brins n’étant pas nécessaire pour les cardés, le filateur peut mélanger de la laine
vierge à des brins courts rejetés lors de la production des peignés, à des laines
d’effilochage récupérées par destruction de vieux vêtements, etc. Le «shoddy» est
tiré de déchets souples, et le «mungo» de déchets serrés.
Il faut garder à l’esprit que ces opérations sont fort complexes et que l’état et
le type de la matière première utilisée, ainsi que les spécifications du produit
fini, influencent à chaque stade les opérations et leur séquence. Ainsi, on peut
teindre la laine avant le filage, en filés, en fin de fabrication, ou encore à
l’état de pièce tissée. Les opérations peuvent être effectuées dans différentes
usines.
La sécurité générale
L’accent a été mis sur les dangers qui surviennent plus particulièrement dans
l’industrie lainière, mais il faut souligner que la plupart des accidents se
produisent dans des circonstances que l’on retrouve dans toutes les branches
d’activité (chutes de personnes ou d’objets, manutentions, utilisation d’outils à
main, etc.) et que les principes généraux de sécurité s’appliquent à l’industrie
lainière comme à la plupart des autres industries.
Les poussières
De même que les poussières générées par les opérations de préparation risquent de
véhiculer les spores du bacille charbonneux, de nombreuses machines (effilocheuses
et cardeuses, notamment) produisent des poussières en quantités suffisantes pour
causer une irritation des muqueuses respiratoires. Ces poussières devraient donc
être éliminées grâce à un système efficace de ventilation par aspiration localisée.
Le bruit
Les filatures de laine sont souvent des endroits très bruyants en raison du grand
nombre de pièces en mouvement, notamment dans les métiers à tisser. Une
lubrification correcte atténue le bruit, mais elle ne dispense pas d’envisager la
mise en place de dispositifs antibruit et de réfléchir à d’autres solutions. La
prévention des pertes auditives d’origine professionnelle passe en grande partie
par l’utilisation de dispositifs de protection (coquilles, bouchons d’oreille). Il
est indispensable d’informer le personnel sur leur utilisation correcte et de
vérifier l’emploi qui en est fait. Un programme de protection de l’ouïe comportant
des audiogrammes périodiques est obligatoire dans de nombreux pays. Lorsque les
machines sont remplacées ou réparées, il convient d’adopter des mesures de nature à
réduire le bruit.
Le stress professionnel
Le stress professionnel, avec les effets qu’il exerce sur la santé et le bien-être
des travailleurs, est un problème réel dans l’industrie lainière. Etant donné que
de nombreuses usines fonctionnent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, le recours
au travail posté est souvent nécessaire. Pour satisfaire aux exigences de la
production, les chaînes fonctionnent en continu, de sorte que les travailleurs sont
«attachés» à une ou à plusieurs machines et doivent attendre un remplaçant pour se
rendre aux toilettes ou se reposer. Le bruit ambiant, le port de coquilles ou de
bouchons d’oreille et les tâches de routine fortement répétitives ont pour effet
d’isoler les opérateurs et d’entraver la communication, ce qui est souvent ressenti
comme stressant. La qualité de la surveillance et l’existence d’espaces de détente
sur les lieux de travail ont une grande influence sur les niveaux de stress
professionnel.
Conclusion
Si les grandes entreprises modernes sont en mesure d’investir dans les nouvelles
réalisations techniques, de nombreuses usines plus anciennes ou plus petites
continuent de fonctionner avec des machines obsolètes. Les impératifs économiques
tendent à réduire l’attention portée à la sécurité et à la santé du personnel. Dans
de nombreuses régions développées, les industriels abandonnent souvent leurs usines
au profit de nouvelles installations construites dans des pays en développement,
plus spécialement dans celles où la main-d’œuvre est bon marché et où les
réglementations en matière de sécurité et de santé sont inexistantes ou
généralement ignorées. Des investissements raisonnables en faveur de la santé et du
bien-être des travailleurs peuvent apporter des bénéfices non négligeables aux
entreprises comme aux salariés de l’industrie lainière, caractérisée par sa forte
intensité de main-d’œuvre.
L’INDUSTRIE DE LA SOIE
J. Kubota *
La soie est une fibre lustrée, résistante et élastique, produite par le ver à soie,
larve du bombyx; le même terme s’applique aussi au fil et au tissu faits de cette
fibre. Selon la tradition, l’industrie de la soie est née en Chine en 2640 avant
J.-C. Vers le IIIe siècle de notre ère, le ver à soie et son produit ont pénétré au
Japon en passant par la Corée, puis un peu plus tard en Inde. De là, la production
de la soie s’est lentement étendue vers l’ouest, à l’Europe et au Nouveau Monde.
Des accès d’insuffisance respiratoire aiguë ont également été rapportés chez des
travailleurs chargés du bobinage ou de l’alimentation d’un métier à filer ou d’une
bobineuse. Selon la vitesse de la machine, la substance protéique qui entoure le
filament de soie peut se transformer en aérosol qui, s’il est inhalable, provoque
une réaction pulmonaire très similaire à celle de la byssinose.
Le bruit
L’exposition au bruit peut atteindre un stade dommageable pour les personnes qui
travaillent sur des machines de filage ou de bobinage des fils de soie ou dans les
ateliers de tissage. Une lubrification appropriée des machines et la mise en place
de dispositifs antibruit peuvent réduire partiellement le bruit, mais l’exposition
ininterrompue pendant toute la journée de travail peut avoir un effet cumulatif.
S’il n’est pas possible de réduire le niveau sonore ambiant, il convient de mettre
à la disposition des travailleurs des appareils de protection individuelle. Comme
pour tous ceux d’entre eux qui sont exposés au bruit, un programme de protection de
l’ouïe prévoyant des audiogrammes périodiques est souhaitable.
Dans l’industrie de la soie, les machines présentent les mêmes risques que dans
l’industrie textile en général. Un entretien correct des locaux, des protections
adéquates pour les organes mobiles, une formation continue à la sécurité et une
surveillance rigoureuse sont les meilleurs moyens de prévenir les accidents. Les
métiers mécaniques devraient être munis de dispositifs de protection pour éviter
les accidents dus aux navettes volantes. La fabrication du fil et les opérations de
tissage exigent un très bon éclairage.
LA VISCOSE (RAYONNE)
M.M. El Attal *
Dans le procédé viscose , la cellulose tirée de la pâte de bois est mise à tremper
dans une solution de soude caustique, et le liquide en excès est éliminé par
pressage; il se forme ainsi de l’alcali-cellulose qu’on débarrasse, à ce stade, des
impuretés qu’elle contient. Puis on réduit les feuilles d’alcali-cellulose en
miettes blanches qu’on laisse mûrir pendant quelques jours à température constante.
Ces miettes sont ensuite placées dans une autre cuve (baratte) où elles sont
soumises à l’action du sulfure de carbone qui les transforme en xanthate de
cellulose. Les miettes virent à l’orange doré. Elles sont alors dissoutes dans de
l’hydroxyde de sodium dilué, ce qui permet d’obtenir un liquide visqueux de couleur
orange appelé viscose. On mélange différents lots de viscose pour assurer une
qualité uniforme, puis la viscose est filtrée et stockée pendant plusieurs jours
dans des conditions très strictes de température et d’humidité qui en favorisent le
mûrissement. On procède ensuite à son extrusion à travers une filière percée
d’orifices très fins qui l’acheminent dans un bac contenant une solution d’acide
sulfurique à 10% environ. Elle forme alors des fils continus qui sont entraînés par
enroulement, ou coupés à la longueur désirée, et filés comme le coton ou la laine.
La rayonne est utilisée pour fabriquer des vêtements et des tissus lourds.
Les acides et les alcalis utilisés dans le procédé viscose sont assez dilués, mais
le danger est toujours présent lors de la préparation des dilutions, en raison des
éclaboussures qui atteignent parfois les yeux. Les miettes alcalines produites
pendant le déchiquetage des feuilles d’alcali-cellulose risquent d’irriter les
mains et les yeux des travailleurs, tandis que les vapeurs acides et le sulfure
d’hydrogène émanant du bain de filature peuvent provoquer une kérato-conjonctivite
caractérisée par un larmoiement abondant, une photophobie et d’importantes douleurs
oculaires.
Une surveillance constante doit être exercée au moyen d’un détecteur enregistreur
automatique, fonctionnant en continu, pour maintenir les concentrations de sulfure
de carbone et de sulfure d’hydrogène au-dessous des limites autorisées. Il est
conseillé d’encoffrer entièrement les machines et d’installer un système efficace
de ventilation par aspiration localisée (avec prises d’air au niveau du sol, ces
gaz étant plus lourds que l’air). Les travailleurs devraient être entraînés à
réagir aux situations d’urgence en cas de fuite de produits toxiques; les personnes
chargées de la maintenance et des réparations devraient disposer d’équipements de
protection individuelle appropriés; une formation solide et une surveillance
attentive leur éviteront, en outre, de prendre des risques inutiles.
Des salles de repos et des installations sanitaires sont une nécessité absolue. Une
surveillance médicale pendant la période d’essai et des visites médicales
périodiques sont recommandées.
Les fibres synthétiques sont fabriquées avec des polymères de synthèse obtenus à
partir de substances ou de composés fournis par l’industrie pétrochimique. A la
différence des fibres naturelles (laine, coton et soie), qui existaient déjà dans
l’Antiquité, les fibres synthétiques ne sont apparues que récemment: leur histoire
commence avec la mise au point du procédé de fabrication de la viscose en 1891 par
Cross et Bevan, deux chercheurs britanniques. Quelques années plus tard, la rayonne
était produite à petite échelle; sa véritable commercialisation commença au début
du XXe siècle. Depuis lors, un grand nombre de fibres synthétiques ont été mises au
point; elles possèdent chacune des propriétés qui répondent à un type particulier
de tissu et sont utilisées seules ou combinées à d’autres fibres. Il n’est pas
toujours facile d’en connaître le nombre exact du fait que la même fibre est
parfois commercialisée sous des noms différents, dans divers pays.
Les fibres sont obtenues en injectant des polymères à l’état fondu à travers les
orifices d’une filière pour obtenir un filament continu. Ce filament peut être
tissé directement pour former un tissu, mais pour imiter les caractéristiques des
fibres naturelles, il peut aussi être texturé, ce qui lui donne du volume, ou
encore être coupé et filé.
Les polyamides (nylons). Les divers types de nylon sont différenciés par les
chiffres qui indiquent le nombre d’atomes de carbone qu’ils renferment, le premier
de ces chiffres s’appliquant à la diamine. Ainsi, le premier en date des nylons,
formé d’hexaméthylènediamine et d’acide adipique, est connu sous le nom de nylon 66
ou 6.6 aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, du fait que la diamine et l’acide
bibasique contiennent chacun 6 atomes de carbone. Il est commercialisé sous les
marques Perlon T en Allemagne, Nailon en Italie, Nylsuisse en Suisse, Anid en
Espagne et Ducilo en Argentine.
Les polyesters. Le premier polyester a été produit en 1941. Le polyester est obtenu
par réaction de l’éthylèneglycol avec de l’acide téréphtalique. Les chaînes
moléculaires courtes s’assemblent en longues chaînes pour donner une masse
plastique que des pompes forcent à l’état fondu à travers des filières, à la sortie
desquelles les filaments durcissent dans un courant d’air froid, puis sont étirés.
Les fibres de polyester sont vendues sous les marques de Terylene au Royaume-Uni,
de Dacron aux Etats-Unis, de Tergal en France, de Terital et Wistel en Italie, de
Lavsan dans la CEI et de Toray-Tetoran au Japon.
Les dérivés polyvinyliques. Le produit le plus important de cette catégorie est le
polyacrylonitrile ou fibre acrylique dont la production a été lancée en 1948. Il
est maintenant commercialisé sous diverses marques: Acrilan et Orlon aux Etats-
Unis, Crylor en France, Leacril et Velicren en Italie, Amanian en Pologne,
Courtelle au Royaume-Uni, etc.
Les polyoléfines. La plus courante de ces fibres, connue sous le nom de Courlene au
Royaume-Uni, est obtenue par un procédé analogue à celui qui est utilisé pour le
nylon. Le polymère fondu à 300 °C est injecté à travers des filières, puis refroidi
à l’air ou dans l’eau pour former la fibre qui est ensuite étirée.
Les polypropylènes. Ce polymère, connu sous la marque de Hostalen en Allemagne, de
Meraklon en Italie et de Ulstron au Royaume-Uni, est filé à l’état fondu, puis
étiré et recuit.
Les polyuréthanes. La première de ces fibres, produite depuis 1943, a été le Perlon
U , polyuréthane obtenu par réaction de 1,4-butanediol avec
l’hexaméthylènediisocyanate. Les polyuréthanes servent maintenant de base à un
nouveau type de fibres synthétiques appelées spandex, d’une élasticité comparable à
celle du caoutchouc. Ils sont produits à partir de polyuréthane linéaire vulcanisé
à très haute température et sous très forte pression, donnant ainsi un polyuréthane
«vulcanisé» à liaison transversale qui s’extrude sous forme de monobrin. Ce fil
peut être gainé de fibre de rayonne ou de nylon qui en améliore l’aspect, le fil
lui-même servant d’âme élastique. Il est très utilisé dans la confection des
vêtements et sous-vêtements en tissu élastique. Les fils de spandex sont vendus
sous les marques Lycra, Vyrene et Glospan aux Etats-Unis et Spandrell au Royaume-
Uni.
Les procédés spéciaux
Le classement des fibres par longueur
La soie est la seule fibre naturelle qui se présente sous forme de filament
continu; les autres fibres naturelles n’existent qu’en fibres discontinues ou
«brins». La longueur de la fibre de coton est d’environ 2,6 cm, celle de la laine
de 6 à 10 cm et celle du lin de 30 à 50 cm. Les filaments continus des fibres
synthétiques sont parfois coupés à la machine pour obtenir des brins courts comme
dans le cas des fibres naturelles. Ces brins peuvent être ensuite travaillés de
nouveau sur une machine à filer le coton ou la laine; on obtient ainsi un meilleur
fini, qui élimine l’aspect vitreux de certaines fibres synthétiques. Parfois,
pendant le filage, on mélange plusieurs types de fibres synthétiques, ou encore des
fibres synthétiques et des fibres naturelles.
Le frisage
Pour donner à une fibre synthétique l’aspect et le toucher de la laine, on peut
faire passer les brins coupés (tors ou emmêlés) dans une machine spéciale, équipée
de cylindres cannelés, qui leur confère un frisage durable. Cette opération peut
aussi se faire chimiquement en agissant sur la coagulation du filament, de façon à
obtenir une fibre de section asymétrique, un côté étant plus épais que l’autre.
Lorsque la fibre est humide, le côté épais se gondole, et la fibre frise. Pour
obtenir des fils ondulés, connus aux Etats-Unis sous le nom de fils non torques ou
fils non texturés mousse, le fil synthétique est tricoté en jersey, thermodurci
dans cet état, et détricoté. La plus récente des méthodes utilisées consiste à
faire passer deux fils de nylon dans un appareil qui les chauffe à 180 °C, puis sur
une broche tournant à grande vitesse qui les retord. Sur la première machine
utilisée, les broches tournent à 60 000 tours/min; sur les plus récentes, la
vitesse de rotation est de l’ordre de 1,5 million tours/min.
En raison de leur légèreté, ces tissus synthétiques sont préférés aux lourds tissus
caoutchoutés ou plastifiés dont on aurait besoin pour obtenir le même niveau de
protection. Ils sont également beaucoup plus agréables à porter en ambiance chaude
et humide. Lorsqu’il s’agit de choisir des vêtements de protection en fibres
synthétiques, il faut d’abord en déterminer le nom générique et obtenir des
précisions sur leurs propriétés, par exemple le retrait, la photosensibilité, le
comportement en présence d’agents de nettoyage à sec et de détergents, la
résistance aux huiles, aux substances chimiques corrosives, aux solvants ordinaires
et à la chaleur et la propension du tissu à se charger d’électricité statique.
Dans le filage par voie sèche, lorsque les filaments émergent des filières pour
être séchés à l’air, les solvants s’évaporent en grandes quantités. Les vapeurs
dégagées présentent un grave risque d’explosion et d’intoxication et devraient être
évacuées par aspiration. Leur concentration devrait être surveillée et maintenue
au-dessous des limites d’explosion du solvant. Les vapeurs peuvent être distillées
et récupérées pour être réutilisées ou brûlées, mais il ne faut en aucun cas les
laisser s’échapper dans l’atmosphère.
Le feutre est une matière fibreuse obtenue en chauffant, humectant, malaxant, entre
autres procédés, des fibres de laine, des poils et de la fourrure, en vue de
constituer un tissu non tissé fortement aggloméré. Certains feutres sont
aiguilletés: leurs fibres sont fixées à un élément de fond lâchement tissé, ou
dossier, généralement fait de laine ou de jute.
La laine est d’abord triée et sélectionnée. On sépare les fibres dans une
effilocheuse, cylindre garni de pointes qui tourne et déchire les fibres, puis on
les soumet au garnettage dans une machine dont les rouleaux et les cylindres sont
garnis de fils métalliques en dents de scie. Les fibres sont nettoyées par
carbonisation dans une solution d’acide sulfurique à 18%; après séchage à une
température de 100 °C, elles sont mélangées et, le cas échéant, enrobées d’huile
minérale contenant un émulsifiant. Après effilochage et cardage, opérations qui
mélangent encore les fibres et les disposent plus ou moins parallèlement les unes
aux autres, la matière est placée sur un transporteur en déposant des couches d’un
fin voile qui est renvidé sur des perches et forme des nappes. Ces nappes molles
sont dirigées vers le local de durcissement où elles sont aspergées d’eau et
comprimées entre deux lourdes plaques; la plaque supérieure vibre, provoquant la
frisure et l’adhérence des fibres.
Pour compléter le feutrage, le tissu est placé dans des cuves d’acide sulfurique
dilué et pilonné au moyen de lourds marteaux de bois. Il est ensuite lavé (avec
addition de tétrachloroéthylène), essoré et teint, généralement avec des colorants
de synthèse. On ajoute parfois des substances chimiques qui rendent le feutre
imputrescible. Les étapes finales comprennent le séchage (à 65 °C pour les feutres
mous, à 112 °C pour les feutres durs), le tondage, le sablage, le brossage, le
pressage et le rognage.
Le bruit
Les opérations sont souvent bruyantes; lorsque les encoffrements, les enceintes
acoustiques et un graissage convenable ne suffisent pas à maintenir le bruit à un
niveau satisfaisant, des casques protecteurs ou des bouchons d’oreille devraient
être fournis aux travailleurs. De nombreux pays imposent un programme de protection
de l’ouïe prévoyant des audiogrammes à intervalles réguliers.
La poussière
Les locaux de fabrication du feutre sont poussiéreux et malsains pour les personnes
présentant des troubles respiratoires chroniques. La poussière n’est heureusement
pas associée à des maladies spécifiques, mais une ventilation par extraction est
cependant nécessaire. Les poils des animaux peuvent provoquer des réactions
allergiques chez les sujets sensibles; l’asthme bronchique demeure exceptionnel. La
poussière comporte également un risque d’incendie.
L’infection charbonneuse
Quelques cas de charbon ont été observés, bien que rarement, à la suite d’une
exposition à de la laine contaminée importée de régions dans lesquelles la maladie
est endémique.
La teinture
La teinture résulte d’une combinaison chimique ou d’une puissante affinité physique
entre un colorant et une fibre textile. Divers colorants et procédés sont utilisés,
suivant le type de tissu et le produit fini désiré.
Pour les tissus teintés, l’opération se fait en cuve ouverte et sans soude
caustique. La coloration naturelle du tissu s’élimine dans la solution
d’hypochlorite des cuves de blanchiment, après quoi le tissu est aéré, lavé et
déchloré dans une solution de bisulfite de sodium, lavé de nouveau et dégraissé à
l’acide chlorhydrique ou sulfurique dilué. Après un dernier lessivage très poussé,
le tissu est prêt pour la teinture ou l’impression.
La teinture
La teinture proprement dite se fait au «jigger» ou au foulard, machines où le tissu
passe dans une solution colorante stationnaire, préparée par dissolution d’une
poudre de teinture dans un produit chimique approprié, suivie de dilution dans
l’eau. Après la teinture, le tissu subit un traitement de finissage.
La teinture du nylon
La préparation des fibres de polyamide (nylon) en vue de la teinture comporte un
lessivage, un dépôt et, dans certains cas, un blanchiment. Le traitement choisi
pour le lessivage du polyamide dépend principalement de la composition du parement.
Les parements hydrosolubles à base de poly(alcool vinylique) ou d’acide
polyacrylique s’éliminent par lessivage dans une liqueur composée de savon et
d’ammoniaque ou de Lissapol N, voire d’un autre détergent ou de carbonate de
sodium. Après lessivage et rinçage abondant, le tissu est prêt pour la teinture ou
l’impression qui se font généralement en machine (au «jigger» ou au foulard).
La teinture de la laine
On lessive d’abord la laine brute par un procédé émulsifiant dans lequel
interviennent le savon et le carbonate de sodium. L’opération se déroule dans une
laveuse, longue auge pourvue de racles, d’un double fond et, à la sortie, de
rouleaux exprimeurs. Après ce lavage, la laine subit un blanchiment au peroxyde
d’hydrogène ou au dioxyde de soufre (gaz sulfureux), auquel cas le produit humide
est abandonné toute une nuit à l’action du gaz. On neutralise ensuite le gaz acide
par passage du tissu dans un bain de carbonate de sodium en solution, suivi d’un
lessivage. Après teinture, le tissu est rincé, essoré et enfin séché.
Des dispositions analogues devraient être prises lorsque le combustible gazeux qui
alimente les flambeuses provient d’une fraction légère de pétrole. L’installation
génératrice de gaz et les réservoirs de stockage de l’essence de pétrole volatile
devraient se trouver de préférence en dehors des bâtiments.
Maints colorants sont des irritants de la peau qui peuvent causer des dermatoses.
Les travailleurs sont souvent tentés de recourir à des mélanges dangereux
d’abrasifs, d’alcalis et d’agents de blanchiment pour enlever les taches de
teinture qu’ils portent aux mains.
Les solvants organiques qui interviennent dans les procédés de teinture ou qu’on
utilise pour nettoyer les machines peuvent aussi causer des dermatoses ou affaiblir
la résistance de la peau à l’action irritante d’autres substances dangereuses mises
en œuvre. Ils peuvent par ailleurs induire des atteintes du système nerveux
périphérique — c’est le cas, par exemple, du méthylbutylcétone (MBK). Certains
colorants se sont révélés cancérogènes, comme la rhodamine B, le magenta, la β-
naphtylamine, de même que certaines bases comme la dianisidine. L’emploi de β-
naphtylamine a généralement été abandonné dans les ateliers de teinture. Cette
question est examinée en détail ailleurs dans l’Encyclopédie.
L’impression
L’impression s’effectue sur une machine à rouleaux. Le colorant ou le pigment est
épaissi à l’amidon ou émulsionné; si l’on utilise des pigments, cette émulsion est
préparée avec un solvant organique. La pâte ou l’émulsion obtenue est prélevée par
les rouleaux graveurs qui appliquent le motif sur le tissu, puis la couleur est
fixée dans une machine de polymérisation. Le tissu imprimé fait ensuite l’objet du
finissage approprié.
Les teintures et les pigments employés pour l’impression des tissus se présentant
généralement sous forme liquide, il n’y a pas de risque d’exposition à la poussière
comme c’est le cas dans les opérations de teinture.
Le finissage
Le finissage est un terme qui s’applique à toute une gamme de traitements
généralement effectués au cours de l’opération précédant la fabrication. Toutefois,
certaines opérations de finissage peuvent également être réalisées après la
fabrication.
Le finissage mécanique
Ce type de finissage comprend des procédés qui modifient la texture ou l’apparence
d’un tissu sans faire appel à des produits chimiques; on peut citer:
Le finissage chimique
Le finissage chimique est effectué au moyen de divers équipements (foulards,
«jiggers», machines de teinture par jet, auges, barres de pulvérisation,
autoclaves, machines de teinture à palette, rouleaux de transfert par enduction et
bains moussants).
Les tissus en textiles non tissés ont fait une première apparition à la fin des
années quarante. Ils se sont développés dans les années cinquante et ont été
commercialisés dans les années soixante. Au cours des trente-cinq années qui ont
suivi, le secteur des non-tissés a atteint sa maturité et a trouvé des marchés soit
en offrant un bon rapport qualité-prix en lieu et place des textiles traditionnels,
soit en proposant des produits mis au point pour des utilisations spécifiques. Ce
secteur a mieux absorbé les récessions que les textiles traditionnels et a connu
une croissance plus rapide. Les risques professionnels sont les mêmes que dans les
autres secteurs de l’industrie textile (bruit, fibres en suspension dans l’air,
produits chimiques utilisés pour le collage des fibres, sécurité des surfaces de
travail, zones de pincement, brûlures par exposition à la chaleur, lésions
dorsales, etc.).
Les matières premières utilisées par cette industrie sont généralement les mêmes
que celles qui sont employées dans l’industrie textile traditionnelle et atteignent
chaque année près de 1 million de tonnes. Les fibres naturelles dont on se sert
sont principalement le coton et la pâte de bois. Quant aux fibres manufacturées, ce
sont la rayonne, les polyoléfines (polyéthylène et polypropylène), les polyesters
et, en quantités plus limitées, les nylons, les acryliques, les aramides, etc.
Les fibres en pâte de bois constituent l’un des principaux composants des couches
jetables, des protections pour incontinence et autres tissus absorbants. On utilise
des fibres de bois dur et de papier kraft. Dans les seuls Etats-Unis, on emploie
chaque année plus de 1 million de tonnes de pâte de bois. Une petite partie est
utilisée pour les non-tissés obtenus par voie pneumatique. Les produits servent
souvent à fabriquer des serviettes, pour des applications qui vont de la cuisine
aux sports.
Aux Etats-Unis, l’utilisation la plus importante d’un non-tissé (environ 10 000 km2
par an) concerne le voile supérieur des couches jetables. C’est ce voile qui entre
en contact avec la peau du bébé et l’isole des autres composants de la couche. Des
tissus obtenus à partir de ces fibres sont également utilisés pour des produits
durables et pour certaines applications géotextiles dans lesquelles ils sont
supposés durer indéfiniment. Ces tissus sont toutefois dégradés par les
ultraviolets ou par certains autres types de rayonnements.
Les fibres de nylon ne sont utilisées que modérément sous forme de fibres coupées
et assez peu dans les non-tissés encollés au filage (ou filés-liés). Les
principales applications des non-tissés encollés au filage sont le renforcement des
dossiers de moquettes et la fabrication des filtres en laine de verre. Ces tissus
confèrent une surface de faible friction aux dossiers, ce qui facilite la pose des
moquettes. Dans les filtres en laine de verre, le tissu permet de retenir les
fibres de verre dans le filtre et les empêche de pénétrer dans l’air filtré.
D’autres non-tissés particuliers, comme les aramides, trouvent des applications
dans des créneaux du marché dans lesquels leurs propriétés, comme une très faible
inflammabilité, par exemple, en rendent l’usage intéressant. Certains de ces non-
tissés sont aussi mis en œuvre dans l’industrie de l’ameublement pour diminuer
l’inflammabilité des canapés et des fauteuils.
Les travailleurs devraient se protéger les yeux et éviter de porter des vêtements
amples, des cravates, des bagues ou autres bijoux qui pourraient être happés par
les parties mobiles des machines. Ces procédés font presque toujours appel à
d’importants volumes d’air; aussi, des précautions particulières devraient être
prises pour éviter toute situation susceptible de favoriser les incendies; les
gaines d’aération devraient être dégagées, car il serait difficile d’y éteindre un
début d’incendie. Il importe en outre de s’assurer que les sols ne présentent pas
de risques de trébuchement ou de glissade.
Dans les procédés par liage, les installations devraient être nettoyées et tout
résidu de polymère éliminé par brûlage. Des fours très chauds sont généralement
utilisés à cette fin et les pièces nettoyées y sont entreposées. Une protection
adéquate est nécessaire tout au long de ces opérations, à commencer par le port de
gants résistants à la chaleur, la fourniture d’autres équipements de protection
thermique et la mise en service d’une ventilation assez puissante pour limiter la
chaleur et les fumées.
Les procédés par liage sont avantageux d’un point de vue économique, notamment
parce qu’ils sont relativement rapides et que l’on peut changer les bobines
enrouleuses sans interrompre les opérations. L’utilisation d’engins bien conçus
pour changer les rouleaux et une bonne formation du personnel devraient offrir une
marge de sécurité satisfaisante pendant cette opération.
Si les voiles formés doivent faire l’objet d’un liage à chaud, une petite quantité
(10% du poids environ) d’une fibre ou d’une poudre fondant à basse température sera
généralement ajoutée au voile. Cette substance est fondue par passage dans un four
à air chaud ou par exposition à des cylindres chauffés, puis refroidie pour obtenir
le liage du tissu. Dans ce cas, des équipements de protection thermique devraient
être mis à la disposition des travailleurs. Aux Etats-Unis, on produit chaque année
100 000 tonnes de non-tissés dont le liage se fait à chaud.
Si les voiles sont liés par aiguilletage, on utilise un métier à aiguilles. La
rangée d’aiguilles traverse le voile; les aiguilles accrochent les fibres de
surface, les font passer du dessus au dessous du tissu, puis relâchent les fibres
pendant leur course de retour. Le nombre de pénétrations par unité de surface est
parfois limité, parfois très important, comme c’est le cas pour le feutre
aiguilleté. On peut faire appel à un métier pour aiguilleter à partir du dessus et
du dessous du voile. Les aiguilles cassées seront remplacées. Les métiers devraient
être verrouillés pour éviter les accidents pendant ces opérations de maintenance.
Comme pour le cardage, ces procédés produisent parfois des fibres courtes; il est
donc recommandé d’installer une bonne ventilation et de mettre à disposition des
masques respiratoires. De plus, les yeux devraient être protégés des projections de
morceaux d’aiguilles cassées. Aux Etats-Unis, on produit chaque année 100 000
tonnes de non-tissés aiguilletés.
Le finissage
Les traitements de surface des non-tissés comprennent l’application de retardateurs
d’ignition, d’agents hydrofuges, d’adoucissants, d’antibactériens, de
thermofusibles, de lubrifiants, etc., ainsi que les traitements antistatiques. Ces
traitements de surface des non-tissés sont appliqués, selon le procédé et le type
de traitement, soit en ligne en cours de procédé, soit après la fabrication. Le
plus souvent, les traitements antistatiques sont appliqués en ligne, de même que
les traitements de surface comme l’effet corona. Les traitements tels que les
retardateurs d’ignition et les agents hydrofuges, par contre, sont le plus souvent
appliqués ultérieurement. Parmi les traitements spécifiques, on peut noter
l’exposition des voiles à un plasma de haute densité qui a pour effet d’influencer
la polarité des tissus et d’améliorer leurs performances dans les applications de
filtrage. La sécurité de ces procédés chimiques et physiques est différente pour
chaque application et doit être étudiée dans chaque cas.
LE TISSAGE ET LE TRICOTAGE
Charles Crocker
Le tissage
Le tissage consiste à entrelacer des fils tendus perpendiculairement les uns aux
autres. C’est la plus ancienne méthode de fabrication des tissus; des métiers
manuels étaient déjà utilisés dans la préhistoire. Le concept fondamental
d’entrecroisement n’a pas changé: les fils de chaîne sont disposés sur un rouleau
de grande taille appelé ensouple dérouleuse, monté à l’arrière de la machine.
L’extrémité des fils de chaîne est enfilée dans un harnais qui permet de lever ou
de baisser les fils de chaîne pour livrer passage à la navette. Le tissage le plus
simple demande deux harnais, mais on utilise parfois jusqu’à six harnais pour des
armures plus compliquées. Les métiers Jacquard sont employés pour fabriquer les
tissus aux motifs les plus décoratifs, et certains dispositifs permettent de tirer
ou de relâcher séparément chaque fil de chaîne. On enfile alors chaque extrémité de
fil sur un peigne (ou ros) aux dents métalliques parallèles et très rapprochées,
porté par la chasse ou battant du métier à tisser. Ce battant est conçu pour se
déplacer en formant un arc autour d’un point d’ancrage central. Les extrémités du
fil de chaîne sont attachées à la bobine enrouleuse, et le tissu vient s’y envider.
La plus ancienne méthode permettant de passer le fil de trame sur toute la largeur
des fils de chaîne est la navette, qui est propulsée librement d’un bord à l’autre
du métier et dévide le fil de trame placé sur une petite bobine qui se trouve à
l’intérieur. Une technique récente et plus rapide, illustrée à figure 89.9, appelée
tissage sans navette, fait appel soit à un jet fluide (air ou eau), soit à de
petits projectiles glissant sur une tringle mobile, soit encore à de petits
dispositifs en forme d’épée appelés lances ou rapières pour transférer le fil de
trame.
Les chutes
Les sols encombrés (pièces de machines, etc.) ou glissants (flaques d’huile, de
graisse ou d’eau) peuvent provoquer des chutes. Le maintien de l’ordre et de la
propreté revêt une importance particulière dans les ateliers de tissage: un grand
nombre de travailleurs de production passent la plus grande partie de leur journée
à parcourir leur lieu de travail, en gardant les yeux fixés sur les opérations en
cours et sans voir les objets qui peuvent se trouver sur le sol.
Les machines
Les dispositifs de transmission et la plupart des autres points de pincement sont
généralement protégés. En revanche, le ros, les harnais et d’autres parties des
machines auxquelles les tisserands doivent souvent accéder ne le sont que
partiellement. Un espace de travail et de passage suffisant devrait être aménagé
autour des machines; l’observation de bonnes pratiques de travail peut, en outre,
aider les travailleurs à éviter les risques qu’entraîne la marche des installations
de production. Dans le tissage à navette, des capots de protection montés sur le
ros permettent d’éviter que la navette ne soit éjectée ou de la rabattre en lui
conférant une trajectoire descendante. Le verrouillage, le blocage mécanique, etc.,
sont également nécessaires pour empêcher une mise en marche intempestive lorsqu’un
mécanicien ou d’autres travailleurs interviennent sur des machines à l’arrêt.
Les manutentions
Celles-ci comprennent le soulèvement et le déplacement de lourds cylindres d’appel,
d’ensouples d’enroulement, d’ensouples dérouleuses, etc. Des chariots à bras aident
à décharger, à faire la levée des petits rouleaux de tissu et à les transporter et
limitent le risque de lésions musculaires. Des chariots électriques sont parfois
utilisés pour procéder au levage des grands rouleaux de tissu placés à l’avant de
la machine. Des chariots hydrauliques, à commande mécanique ou manuelle, permettent
de déplacer des ensouples dérouleuses qui peuvent peser plusieurs centaines de
kilogrammes. Les manutentionnaires devraient porter des chaussures de sécurité.
Le bruit
La plupart des métiers à tisser, souvent nombreux dans un atelier de production
classique, produisent des niveaux de bruit généralement supérieurs à 90 dBA. Dans
certains ateliers de tissage à navette ou de tissage extrêmement rapide sans
navette, ces niveaux peuvent même dépasser 100 dBA. La plupart du temps, les
travailleurs occupés dans ce secteur d’activité devraient porter des appareils de
protection de l’ouïe appropriés et être soumis à un programme de surveillance de
leur acuité auditive.
Le tricotage mécanique *
* Les articles tricotés à la main constituent un important secteur artisanal. Les
données relatives aux effectifs des travailleurs occupés, en général des femmes,
sont notoirement insuffisantes. Le lecteur est renvoyé au chapitre no 96, «Les
arts, les loisirs et les spectacles», pour un apreçu des risques pour la santé que
cette activité fait encourir.
Le procédé de tricotage mécanique consiste à entrelacer des mailles de fil sur des
machines automatiques (voir figure 89.10). Ces machines se composent de rangées de
petites aiguilles à crochets permettant de faire passer les mailles nouvellement
formées à travers des mailles déjà formées. Les aiguilles à crochets présentent un
enclenchement original qui verrouille le crochet, ce qui permet de tirer facilement
la maille, puis s’ouvre pour permettre à la maille de descendre. Sur les
tricoteuses mécaniques circulaires, les aiguilles sont disposées en cercle, et le
tricot produit sort de la machine sous forme tubulaire et s’enroule autour d’une
envideuse. Les métiers à tricoter rectilignes et les métiers à chaîne, quant à eux,
présentent une rangée rectiligne d’aiguilles; le tricot sort à plat de la machine
et vient s’enrouler sur la bobine envideuse. Les métiers à tricoter circulaires et
les métiers à tricoter rectilignes sont généralement alimentés par des cônes de
fil, tandis que les métiers à chaîne le sont par des ensouples semblables à celles
utilisées dans le tissage, mais de plus petite taille.
Les tapis tissés ou noués à la main sont apparus en Perse plusieurs siècles avant
J.-C. Aux Etats-Unis, la première manufacture de tapis tissés a été construite à
Philadelphie en 1791. En 1839, l’industrie s’est complètement transformée
lorsqu’une force motrice fut, pour la première fois, appliquée au tissage des tapis
par Erastus Bigelow. Dans les ateliers modernes, la plupart des tapis se font à la
machine, en utilisant l’un ou l’autre des deux procédés de confection mécanique, le
tuftage et le tissage.
Les tapis tuftés ou touffetés sont aujourd’hui les plus répandus. Aux Etats-Unis,
par exemple, près de 96% des tapis produits sont tuftés, procédé emprunté à la
manufacture de dessus de lit tuftés située en Géorgie. Les tapis tuftés sont
confectionnés en faisant passer une fibre de poil dans un dossier prétissé
(généralement en polypropylène), puis en y fixant un second dossier présentant un
enduit à base de latex qui maintient les fils en place et réunit les deux dossiers
pour rendre le tapis plus stable.
La confection du tapis
Le tuftage mécanique
La machine à tufter comprend des centaines d’aiguilles (jusqu’à 2 400) placées sur
une barre horizontale qui couvre toute la largeur de la machine (voir figure
89.11). Le cantre, constitué de bobines de fil placées sur des râteliers, est
dirigé par des tubes de guidage de faible diamètre vers les aiguilles placées sur
une barre à saccades, ou jerker . Généralement, il existe deux bobinots de fil pour
chaque aiguille. L’extrémité du fil du premier bobinot est réunie avec l’extrémité
du second de façon que, lorsque le fil du premier bobinot est épuisé, le fil soit
fourni par le second sans qu’il soit nécessaire d’arrêter la machine. Chaque
extrémité de fil présente un tube de guidage qui permet d’éviter que les fils ne
s’emmêlent. Les fils passent à travers une série de guides verticaux alignés et
fixes, installés sur le bâti de la machine, et par un guide situé à l’extrémité
d’un bras qui se déploie à partir de la barre à aiguilles mobile de la machine.
Lorsque la barre à aiguilles se déplace vers le haut et vers le bas, le rapport
entre les deux guides se trouve modifié. La figure 89.12 montre les produits tuftés
utilisés pour les tapis à usage domestique.
La barre à saccades, ou jerker , reçoit le fil lâche dévidé pendant la montée des
aiguilles. Les fils sont enfilés sur leurs aiguilles respectives fixées sur la
barre. Les aiguilles se déplacent simultanément à raison de 500 courses à la minute
au moins, avec un mouvement de va-et-vient vertical. Une machine à tufter peut
produire de 1 000 à 2 000 m2 de tapis en huit heures.
Le premier élément du dossier dans lequel les fils sont insérés provient d’un
rouleau placé devant la machine. La vitesse du rouleau commande la longueur du
point et le nombre de points au cm2. Le nombre d’aiguilles au centimètre détermine
la jauge du tissu, 3/16 ou 5/32, par exemple.
Les boucleurs pour poils coupés ont une forme de «C» inversé et une surface
coupante sur le bord supérieur interne du croissant. Ils sont utilisés en
association avec des couteaux qui présentent un tranchant émoussé à une extrémité.
Au fur et à mesure que le dossier avance dans la machine vers les boucleurs pour
poils coupés, les fils prélevés dans les aiguilles sont coupés par cisaillement
entre le boucleur et l’arête tranchante du couteau. Sur les figures 89.13 et 89.14,
on peut voir les touffes sur un dossier et les différents types de boucles.
Le tissage
Le tapis tissé est constitué d’un fil velours tissé en même temps que les fils de
chaîne et de trame qui forment l’intégralité du dossier. Les fils du dossier sont
généralement en jute, en coton ou en polypropylène. Le fil velours peut être en
laine, en coton ou en fibres synthétiques comme le nylon, le polyester, le
polypropylène, l’acrylique, etc. Un enduit est appliqué sur l’envers pour
stabiliser le tapis; un second dossier n’est pas nécessaire et n’est que rarement
ajouté. Parmi les variantes du tapis tissé, on peut noter le tapis velours, le
Wilton et le tapis Axminster.
Les fils synthétiques sont obtenus par extrusion d’un polymère fondu injecté à
travers les très petits orifices d’une plaque métallique, ou filière. On ajoute
parfois au polymère fondu des additifs pour obtenir des teintures dans la masse ou
des fibres moins transparentes, plus blanches et plus durables, ou encore d’autres
propriétés particulières. A la sortie de la filière, les filaments sont refroidis,
étirés et texturés.
Le fil peut être produit soit sous forme de brin soit sous forme de filament
continu gonflant. Ce dernier est constitué de fils continus de fibre synthétique
formant faisceaux. Le fil extrudé s’obtient en enroulant directement sur des
bobines de renvidage le nombre de filaments correspondant au nombre de deniers que
l’on souhaite obtenir.
Les fibres en brins sont transformées en fils filés par les procédés classiques de
filage des textiles. Pour obtenir des fibres en brin, on extrude de gros faisceaux
de fibres appelés «câbles de filature». Après frisage, le câble est coupé en fibres
de 10 à 20 cm de longueur. Trois étapes importantes interviennent dans la
préparation — mélangeage, cardage et étirage — avant le filage. Le mélangeage
associe des balles de fibres en brins afin que les fibres s’entremêlent et que le
fil ne se divise pas au cours des opérations ultérieures de teinture. Le cardage
redresse les fibres et les configure en rubans. L’étirage a trois fonctions
principales: il mélange les fibres, les dispose en parallèle et diminue le poids
par unité de longueur de l’ensemble du faisceau de fibre, ce qui facilite le filage
au stade final.
Après le filage, qui étire le ruban jusqu’à la taille désirée, le fil est formé en
torons et retordu pour obtenir différents effets. Il est ensuite enroulé sur des
cônes pour être préparé en vue du thermofixage et du retordage.
Un second dossier est délicatement placé sur l’enduit de latex. On presse alors les
deux dossiers l’un contre l’autre entre deux cylindres de liaison. L’ensemble,
maintenu bien à plat et sans pli, passe ensuite dans un long four qui mesure
généralement de 24 à 49 m de long, dans lequel s’effectuent le séchage et la
polymérisation dans trois zones de température échelonnées entre 115 et 150 °C, et
cela pendant 2 à 5 minutes. Le séchage du tapis demande un taux élevé
d’évaporation, obtenu en soufflant de l’air chaud vers des zones dans lesquelles la
chaleur est strictement contrôlée.
Les matériels anciens encore en usage devraient être fréquemment inspectés et les
pièces déformées remplacées si besoin est. Les arbres de transmission, les
courroies trapézoïdales, les mécanismes d’entraînement à poulie, à chaîne et à
pignons, les treuils et les appareils de levage devraient être régulièrement
inspectés et des dispositifs de protection installés là où ils sont nécessaires.
Dans les ateliers, on utilise des chariots porte-bobines que l’on pousse à la main
pour déplacer la matière première; étant donné que des résidus de la production du
fil s’accumulent sur le sol, il convient de nettoyer les roues de ces chariots pour
éviter qu’elles ne se bloquent.
Les travailleurs devraient connaître les risques que présente la mise en œuvre
d’air comprimé, qui est d’un usage courant dans les opérations de nettoyage.
Les ateliers devraient se conformer aux normes modernes d’extraction des peluches
et des poussières et de dissipation de la chaleur.
Tous les tapis d’Orient sont tissés à la main. Ils sont souvent confectionnés à
domicile; tous les membres de la famille, y compris les très jeunes enfants,
travaillent sur le métier de longues heures pendant la journée et même la nuit. Il
s’agit parfois simplement d’une occupation à temps partiel pour la famille; dans
certaines régions, la confection des tapis n’est plus effectuée à domicile, mais
s’est déplacée vers des manufactures dont la taille demeure généralement modeste.
Les opérations
Les opérations associées à la confection des tapis comprennent la préparation du
fil — qui consiste à tirer la laine et à la classer en diverses variétés, à la
laver, à la filer et à la teindre —, le dessin du motif du tapis et le tissage
proprement dit.
La préparation du fil
Parfois, le fil est déjà façonné et teint lorsqu’il parvient aux ateliers de
tissage. Dans d’autres cas, la fibre brute, le plus souvent de laine, est préparée,
filée et teinte sur place. La première opération, généralement effectuée par des
femmes assises à même le sol, consiste à classer la matière première par variété.
Ensuite, la laine est lavée et filée à la main. La teinture se fait habituellement
dans des récipients ouverts, et l’on emploie principalement des colorants à base
d’aniline ou d’alizarine; les colorants naturels ne sont plus guère utilisés.
Le dessin et le tissage
Dans la fabrication familiale ou «tribale», les motifs sont traditionnels et il
n’est pas nécessaire d’en inventer de nouveaux; toutefois, dans une entreprise
employant un certain nombre de travailleurs, un dessinateur trace des ébauches
qu’il transpose sur du papier quadrillé, dont chaque case représente un point; le
tisseur peut ainsi s’assurer du nombre et de la disposition des nœuds.
Tandis que le tapis avance, il est souvent enroulé autour du cylindre inférieur,
dont le diamètre augmente. Lorsque le tisseur est accroupi à même le sol, la
position du cylindre inférieur l’empêche d’allonger les jambes et, à mesure que le
diamètre de ce cylindre augmente, le tisseur est repoussé en arrière et doit se
courber de plus en plus en avant pour nouer les fils (voir figure 89.15). Cette
posture peut être évitée lorsque les tisseurs sont assis ou accroupis sur une
poutre que l’on peut relever jusqu’à 4 m au-dessus du sol mais, là encore, ils
n’ont bien souvent pas la place suffisante pour étendre leurs jambes et sont
contraints de demeurer dans une position inconfortable. Dans certains cas,
pourtant, le tisseur peut s’asseoir sur un siège fixe, équipé d’un dossier et d’un
coussin (il s’agit en fait d’une chaise sans pieds qui peut être déplacée
horizontalement le long de la poutre au fur et à mesure que le travail avance). Des
types améliorés de métiers surélevés ont été mis au point; ils permettent au
tisseur d’être assis sur une chaise et de disposer d’une place suffisante pour
étendre ses jambes.
Le stress
L’extrême précision de ce travail, qui demande une grande dextérité et une
attention constante pendant de longues heures, provoque parfois des troubles
nerveux et un stress que ne peuvent qu’aggraver l’exploitation des travailleurs et
une discipline très dure. Les enfants se voient souvent «voler leur enfance», et
les adultes, qui manquent généralement des contacts sociaux indispensables à un bon
équilibre affectif, peuvent développer des maladies nerveuses qui se traduisent par
des tremblements des mains (susceptibles de diminuer leur rendement) et, parfois,
des troubles mentaux.
Les ateliers devraient être nettoyés et bien aérés et être revêtus d’un plancher
remplaçant la terre battue. Par temps froid, ils devraient être chauffés. La
manipulation des fils de chaîne est pénible pour les doigts et peut occasionner de
l’arthrite: aussi emploiera-t-on le plus souvent possible des couteaux spéciaux en
forme de crochet pour nouer les fils de chaîne. Des examens médicaux d’embauche et
périodiques sont vivement recommandés pour tous les travailleurs.
Le tuftage à la main est une autre méthode de confection des tapis. On utilise pour
cela un outil spécial présentant une aiguille dans le chas de laquelle on enfile le
fil. Un calicot sur lequel a été tracé le dessin du tapis est suspendu
verticalement; lorsque le tisseur place l’outil contre le tissu et appuie sur un
bouton, l’aiguille pénètre dans le tissu puis se rétracte, en laissant sur l’envers
une boucle de fil d’environ 10 mm. Il déplace alors horizontalement l’outil de 2 ou
3 mm, en laissant une boucle à la surface du tissu, et appuie à nouveau sur le
bouton pour former une nouvelle boucle sur l’envers. Avec un peu d’habitude, on
peut obtenir en une minute jusqu’à 30 boucles de chaque côté. Selon le dessin, le
tisseur doit s’arrêter de temps à autre pour changer la couleur de fil en fonction
du motif. Lorsque cette opération est achevée, le tapis est descendu et étendu par
terre à l’envers. On applique alors sur l’envers un enduit de caoutchouc, puis un
dossier en toile de jute résistante. On retourne ensuite le tapis sur l’endroit et
les boucles de fil sont égalisées au moyen de ciseaux électriques. Parfois, le
motif du tapis est obtenu en coupant les poils à des hauteurs différentes.
La législation
Dans la plupart des pays, les dispositions d’ordre général relatives aux
établissements industriels fixent les conditions de sécurité et de santé. Parfois,
pourtant, elles ne s’appliquent pas aux entreprises familiales ou au travail à
domicile et sont difficiles à mettre en œuvre dans les petites entreprises isolées
qui emploient néanmoins de nombreux travailleurs. Cette branche d’activité est
connue pour l’exploitation de la main-d’œuvre et le travail des enfants, bien
souvent au mépris de toutes les réglementations en vigueur. On peut espérer que le
mouvement qui se fait jour dans le monde entier (depuis le milieu des années
quatre-vingt-dix) parmi les acheteurs de tapis tissés ou tuftés à la main, et qui
préconise le boycott des produits issus d’un travail au noir ou confectionnés par
des travailleurs exploités, permettra de mettre fin à cette situation.
LES TROUBLES RESPIRATOIRES ET LES AUTRES MALADIES OBSERVÉS DANS L’INDUSTRIE TEXTILE
E. Neil Schachter
Il y a près de 300 ans que l’on parle des risques liés au travail dans l’industrie
textile. Au début du XVIIIe siècle, Ramazzini, 1713 [1964] décrivait déjà une forme
particulière d’asthme chez les cardeurs de lin et de chanvre. Il évoquait les
poussières malodorantes et toxiques qui provoquaient une toux incessante finissant
par évoluer en affection asthmatique. Ce type de symptôme est effectivement apparu
dès les débuts de l’industrie textile, comme le montrent les études physiologiques
de Bouhuys et coll. (1973) à Philipsburg Manor (recherches sur l’implantation dans
les premières colonies néerlandaises de North Tarrytown, New York, Etats-Unis).
Pendant tout le XIXe siècle et au début du XXe siècle, de nombreux auteurs ont
décrit de plus en plus souvent les manifestations respiratoires des maladies
professionnelles observées dans les usines textiles. Ces pathologies ont cependant
été souvent ignorées, aux Etats-Unis, jusqu’au milieu du XXe siècle où les enquêtes
menées sous la direction de Richard Schilling (1981) ont indiqué que, malgré les
dénis de l’industrie et du gouvernement, la byssinose était bien une réalité
(American Textile Reporter, 1969; Britten, Bloomfield et Goddard, 1933; Department
of Labor (DOL), 1945). De nombreuses études ultérieures ont montré que les
travailleurs du textile souffrent de leur milieu de travail dans toutes les régions
du monde.
Historique des syndromes cliniques observés dans l’industrie textile
Le travail dans l’industrie textile est associé à de nombreux symptômes
respiratoires, dont les plus fréquents et les plus caractéristiques sont, de loin,
ceux de la byssinose. Comme on peut le lire dans le chapitre no 10, «L’appareil
respiratoire», de la présente Encyclopédie, de nombreuses fibres végétales, mais
pas toutes, peuvent être à l’origine d’une byssinose chez les personnes occupées à
leur transformation en produits textiles. Cette maladie se caractérise
principalement par sa relation temporelle avec la semaine de travail. Typiquement,
après quelques années passées dans cette branche, le travailleur décrit une
sensation de constriction thoracique qui débute le premier jour de travail de la
semaine. Ce symptôme disparaît dans la soirée et aucune gêne n’est plus ressentie
jusqu’au lundi suivant. Cette dyspnée du lundi peut subsister telle quelle pendant
plusieurs années, mais aussi progresser, les symptômes étant alors ressentis les
autres jours, voire pendant toute la semaine de travail. Au stade final, la maladie
se manifeste aussi pendant les jours de congé et les vacances. Lorsque les
symptômes deviennent permanents, la dyspnée est décrite comme dépendant de l’effort
physique. A ce stade, une toux non productive peut être présente. Les symptômes du
lundi s’accompagnent d’une réduction de la fonction pulmonaire par rapport à la
valeur de référence, qui peut aussi être constatée les autres jours, même en
l’absence de symptômes, bien que les modifications physiologiques ne soient pas
aussi marquées (Bouhuys, 1974; Schilling, 1956). La fonction pulmonaire basale
(enregistrée le lundi avant la reprise du travail) se détériore au fur et à mesure
de l’évolution de la maladie. Les modifications respiratoires et physiologiques
caractéristiques observées chez les personnes atteintes de byssinose ont été
codifiées selon différents stades (voir tableau 89.2) qui servent actuellement de
référence à la plupart des études cliniques et épidémiologiques. Des symptômes
autres que la constriction thoracique, notamment la toux et la bronchite, sont
fréquents chez les travailleurs de l’industrie textile. Il s’agit probablement de
variantes dues à l’irritation des voies aériennes provoquée par l’inhalation de
poussières.
Stade 1/2
Stade 1
Stade 2
Stade 3
La toux des tisserands est avant tout un état asthmatique typiquement accompagné de
fièvre, qui survient aussi bien chez les nouveaux travailleurs que chez les
anciens. Contrairement à la fièvre du coton, les symptômes peuvent persister
pendant des mois. Le syndrome a été associé à des produits utilisés pour traiter le
fil, tels que la poudre de graines de tamarin (Murray, Dingwall-Fordyce et Lane,
1957) et la gomme de caroube (Vigliani, Parmeggiani et Sassi, 1954).
La bronchite chronique, telle que définie d’après les antécédents médicaux, est
très fréquente chez les travailleurs du textile et, notamment, chez les non-
fumeurs. Cette observation n’est pas étonnante puisque la caractéristique
histologique dominante de la bronchite chronique est une hyperplasie des glandes
muqueuses (Edwards et coll., 1975; Moran, 1983). La symptomatologie de la bronchite
chronique doit être soigneusement distinguée des symptômes de la byssinose
classique, bien que les troubles se recoupent souvent et qu’il existe probablement
dans ce contexte différentes manifestations physiopathologiques de la même
inflammation des voies respiratoires.
Les études pathologiques des travailleurs du textile sont peu nombreuses. Les
observations montrent toutefois que les grandes voies aériennes sont
systématiquement impliquées (Edwards et coll., 1975; Rooke, 1981a; Moran, 1983),
sans que l’on ne relève aucun signe de destruction du parenchyme pulmonaire
(emphysème) (Moran, 1983).
Les études transversales ont également montré que d’autres symptômes et syndromes
respiratoires chroniques, tels que sifflement ou bronchite chronique, sont aussi
beaucoup plus fréquents chez les personnes qui ont travaillé longtemps dans
l’industrie cotonnière qu’au sein d’une population témoin comparable (Bouhuys et
coll., 1977; Bouhuys, Beck et Schoenberg, 1979). La fréquence des cas de bronchite
chronique était systématiquement plus élevée chez les travailleurs du coton que
dans les populations témoins, même après ajustement tenant compte du sexe et du
tabagisme. Dans la byssinose de stade 3, outre la symptomatologie, les sujets
présentent des modifications de la fonction respiratoire. Apparue dans les études
transversales portant sur des travailleurs du textile, l’association entre la
détérioration de la fonction respiratoire et les stades les plus avancés de la
byssinose tend à mettre en évidence le caractère évolutif de la maladie du stade 1
vers le stade 3. Plusieurs de ces études transversales indiquent en outre que la
diminution de la fonction pulmonaire au cours de la semaine de travail par rapport
à la valeur de référence (corrélée à la constriction thoracique aiguë) est associée
à une évolution chronique irréversible.
Dans une étude de Roach et Schilling (1960), l’existence d’une relation dose-
réponse dans la symptomatologie aiguë confirme la relation entre pathologies aiguës
et chroniques chez les travailleurs de l’industrie textile. Ces auteurs ont observé
une relation linéaire très marquée entre la réponse biologique et les
concentrations de poussières sur le lieu de travail. D’après leurs observations, la
limite de sécurité applicable à l’exposition à des poussières macroscopiques se
situe à 1 mg/m3. Cette valeur a été adoptée ultérieurement par la Conférence
américaine des hygiénistes gouvernementaux du travail (American Conference of
Governmental Industrial Hygien-ists (ACGIH)) et, jusqu’à la fin des années
soixante-dix, elle est restée en vigueur aux Etats-Unis pour les poussières de
coton. Des observations rapportées par la suite ont démontré que les poussières
fines (< 7 µm) étaient responsables de pratiquement tous les cas de byssinose
(Molyneux et Tombleson, 1970; Mckerrow et Schilling, 1961; McKerrow et coll., 1962;
Wood et Roach, 1964). Une étude faite en 1973 par Merchant et coll. sur les
symptômes respiratoires et la fonction pulmonaire dans 22 usines textiles de
Caroline du Nord a porté sur 1 260 travailleurs du coton, 803 du coton et du
synthétique et 904 de la laine et du synthétique. Cette étude a confirmé la
relation linéaire qui existe entre la prévalence de la byssinose (et la
détérioration de la fonction pulmonaire) et les concentrations de poussières
exemptes de fibres de coton.
Une seule étude portant sur les broncho-pneumopathies chroniques chez les
travailleurs du textile a été menée au début des années soixante-dix par Arend
Bouhuys (Bouhuys et coll., 1977). L’originalité de cette étude a été d’inclure
aussi bien le personnel en activité que les retraités. Les sujets étaient ou
avaient été employés dans l’une des quatre usines locales de Columbia, en Caroline
du Sud. Les critères de sélection de la cohorte ont été décrits dans la première
analyse transversale. A l’origine, le groupe retenu comptait 692 personnes, mais
l’analyse a été restreinte à 646 sujets de race blanche, âgés d’au moins 45 ans en
1973. Ces personnes avaient travaillé en moyenne trente-cinq ans dans l’usine. Le
groupe témoin retenu pour l’analyse transversale était constitué de sujets de race
blanche d’au moins 45 ans, dans trois localités ayant fait l’objet d’une étude
transversale: Ansonia, Lebanon (Connecticut) et Winnsboro (Caroline du Sud). Malgré
les différences géographiques, socio-économiques ou autres, la fonction pulmonaire
dans cette population n’était pas différente de celle qui avait été mesurée chez
les travailleurs du textile affectés aux tâches les moins poussiéreuses. Aucune
variation de la fonction pulmonaire et des symptômes respiratoires n’étant apparue
dans les trois sous-populations témoins, seuls les sujets de Lebanon étudiés en
1972 et en 1978 ont été retenus comme témoins pour l’étude longitudinale effectuée
en 1973 et en 1979 chez les travailleurs du textile (Beck, Doyle et Schachter,
1981; Beck, Doyle et Schachter, 1982).
De nombreux auteurs ont soulevé la question du tabagisme qui peut laisser perplexe.
De nombreux travailleurs du textile étant des fumeurs de cigarettes, il a été
avancé que la broncho-pneumopathie chronique attribuée à l’exposition aux
poussières de textiles était en réalité largement imputable au tabagisme. Deux
réponses ont été apportées à cette question, sur la base des observations
effectuées chez les travailleurs de Columbia. Dans l’étude de Beck, Maunder et
Schachter (1984), une analyse de variance bifactorielle portant sur tous les
paramètres de la fonction respiratoire a démontré que les effets de la poussière de
coton et du tabagisme étaient uniquement additifs. En d’autres termes, la
détérioration quantitative de la fonction pulmonaire due à l’un des deux facteurs
(tabagisme ou exposition aux poussières) ne varie pas en fonction de la présence ou
de l’absence du second facteur. La détérioration de la capacité vitale et la
diminution du VEMS apparaissent quantitativement similaires (antécédents de
tabagisme de 56 paquets-année en moyenne, pour 35 ans de travail en usine). Dans
une étude de même type, Schachter et coll. (1989) ont montré que l’utilisation d’un
paramètre reflétant la courbe du débit expiratoire de pointe (l’angle bêta)
permettait de distinguer les profils d’anomalies fonctionnelles respiratoires dus
au tabagisme et aux poussières de coton. Ces travaux ont confirmé les conclusions
antérieures de Merchant.
La mortalité
Les études consacrées à l’effet sur la mortalité de l’exposition aux poussières de
coton n’ont pas démontré d’influence systématique. L’analyse des résultats publiés
à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle au Royaume-Uni semble mettre en
évidence une mortalité cardio-vasculaire accrue chez les travailleurs âgés dans
l’industrie textile (Schilling et Goodman, 1951). En revanche, l’examen des données
disponibles dans les localités de la Nouvelle-Angleterre où étaient implantées des
usines textiles à la fin du XIXe siècle n’a pas confirmé ce phénomène (Arlidge,
1892). De même, Henderson et Enterline (1973) ont abouti à des conclusions
négatives dans leur étude portant sur des travailleurs qui avaient été employés
dans des usines situées en Géorgie entre 1938 et 1951. Au contraire, Dubrow et Gute
(1988), qui ont conduit une étude sur des travailleurs du textile dans le Rhode
Island décédés entre 1968 et 1978, ont observé une augmentation significative du
taux de mortalité proportionnelle imputable aux pathologies respiratoires non
malignes. Ce phénomène était associé à une exposition accrue aux poussières puisque
le taux était plus élevé chez les travailleurs affectés au cardage, au doublage et
au peignage que chez les autres travailleurs du textile. Il faut souligner que,
dans cette étude comme dans d’autres (Dubrow et Gute, 1988; Merchant et Ortmeyer,
1981), la mortalité par cancer du poumon était faible. Cet argument a été mis en
avant pour affirmer que le tabagisme n’était pas une cause majeure de mortalité
dans ces groupes.
Des observations effectuées en Caroline du Sud semblent indiquer que les broncho-
pneumopathies chroniques sont une cause majeure de mortalité ou constituent, en
tout cas, un facteur prédisposant. En effet, chez les travailleurs qui sont décédés
entre 45 et 64 ans au cours d’une période de suivi de six ans, la fonction
pulmonaire mesurée d’après le VEMS résiduel (valeur observée par rapport à la
valeur théorique) s’était considérablement détériorée lors de l’étude initiale chez
les hommes non-fumeurs décédés au cours des six années de suivi (VEMS résiduel
moyen = 0,9 l) (Beck et coll., 1981). Il est fort possible que l’effet du travail
en usine sur la mortalité ait été masqué par un phénomène de sélection (effet du
travailleur en bonne santé). Enfin, Rooke (1981b) a estimé que, sur les 121 décès
observés en moyenne chaque année chez les travailleurs invalides, 39 étaient
imputables à la byssinose.
Une toxicité hépatique a été rapportée par Redlich et coll. (1988) chez des
travailleurs du textile exposés au diméthylformamide, utilisé comme solvant dans
une usine de traitement de tissus. Cette toxicité a été reconnue lors d’une
«épidémie» d’hépatopathies dans un établissement de New Haven (Connecticut) qui
produit des tissus enduits de polyuréthane.
Enfin, des cas de stérilité ont été décrits chez des hommes et des femmes à la
suite d’une exposition à diverses substances présentes dans l’industrie textile
(Rachootin et Olsen, 1983; Buiatti et coll., 1984).
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L’industrie textile
Le terme industrie textile (du latin texere , tisser) s’appliquait à l’origine au
tissage d’étoffes à partir de fibres, mais il recouvre aujourd’hui toute une série
d’autres procédés tels que le tricotage, le tuftage (ou touffetage) et le feutrage,
pour n’en citer que quelques-uns. Ce terme s’étend même à la fabrication de filés
ou de non-tissés à partir de fibres naturelles ou synthétiques, ainsi qu’au
finissage et à la teinture des étoffes.
La production de filés
A l’époque préhistorique, on utilisait des poils d’animaux, des plantes et des
graines pour fabriquer des fibres. La soie a été introduite en Chine vers 2600
avant J.-C. et les premières fibres synthétiques ont été mises au point au milieu
du XVIIIe siècle. Les fibres synthétiques fabriquées à partir de cellulose ou de
produits pétrochimiques sont de plus en plus utilisées, seules ou en mélange avec
d’autres fibres synthétiques ou naturelles, mais elles n’ont jamais remplacé
totalement les fibres naturelles telles que la laine, le coton, le lin et la soie.
La soie est la seule fibre naturelle formée de filaments qu’il est possible de
réunir et de transformer en fil par torsion. Les autres fibres naturelles doivent
être préalablement étirées et alignées parallèlement par peignage, puis
transformées en un fil continu par filage. Le fuseau est le premier outil utilisé
pour filer. Il a été mécanisé en Europe vers l’an 1400 grâce à l’invention du
rouet. C’est à la fin du XVIIe siècle qu’est apparue la machine à filer qui
permettait de faire fonctionner simultanément plusieurs fuseaux. Avec le métier à
filer inventé en 1769 par Richard Arkwright et le métier renvideur de Samuel
Crompton, qui permettait de faire fonctionner un millier de broches à la fois, la
filature est passée du stade artisanal à l’ère industrielle.
La teinture et l’impression
A l’origine, on utilisait des colorants naturels pour teindre les fils et les
tissus, mais ces procédés se sont compliqués au XIXe siècle avec la découverte des
colorants dérivés des goudrons de houille, puis avec la mise au point des fibres
synthétiques au XXe siècle. Au début, l’impression à la planche servait à teindre
les tissus (la sérigraphie a été mise au point pour cette application vers le
milieu du XIXe siècle), mais elle a été rapidement remplacée par l’impression au
rouleau. Des rouleaux en cuivre gravé ont été utilisés pour la première fois en
Angleterre en 1785. Des améliorations rapides ont permis d’imprimer, grâce à ce
procédé, en six couleurs différentes, parfaitement transférées. Avec les techniques
modernes, on peut imprimer 180 m de tissu par minute en 16 couleurs ou davantage.
Le finissage
Jadis, le finissage des tissus passait par le brossage ou le tondage, l’apprêtage
ou l’encollage, ou encore le calandrage pour obtenir un effet brillant.
Aujourd’hui, les tissus sont rétrécis, mercerisés (les fils et les tissus de coton
sont traités par des solutions caustiques pour les renforcer et les faire briller)
et soumis à toute une série de traitements destinés à améliorer entre autres la
résistance au froissement, à l’eau, au feu et aux moisissures ou encore la tenue
des plis.
De l’artisanat à l’industrie
La fabrication des textiles était initialement un art manuel pratiqué soit par des
fileurs et des tisseurs qui travaillaient à domicile, soit par de petites équipes
d’artisans qualifiés. Les progrès techniques ont fait naître de grandes entreprises
textiles économiquement très importantes, principalement au Royaume-Uni et dans les
pays d’Europe occidentale. Les premiers immigrants installés en Amérique du Nord
ont implanté des fabriques de tissus en Nouvelle-Angleterre (Samuel Slater, qui
avait dirigé une usine textile en Angleterre, a construit de mémoire un métier à
filer à Providence, Rhode Island, en 1790). L’invention de l’égreneuse par Eli
Whitney, qui permettait de nettoyer très rapidement le coton récolté, a entraîné un
accroissement de la demande en tissus de coton.
Ainsi, les progrès techniques accomplis au cours des XVIIIe et XIXe siècles n’ont
pas seulement donné le coup d’envoi à l’industrie textile moderne, mais ont été à
l’origine de la révolution industrielle et de mutations familiales et sociales
profondes. De nouveaux changements ont lieu aujourd’hui, puisque les grosses
entreprises textiles se déplacent vers de nouvelles régions qui offrent une main-
d’œuvre et des sources d’énergie moins onéreuses, tandis que la bataille de la
concurrence suscite des développements techniques incessants tels que la production
assistée par ordinateur (PAO) qui permet de réduire les effectifs et d’améliorer la
qualité. Les politiciens, quant à eux, négocient des quotas et des tarifs, ou
mettent en place des barrières économiques pour obtenir ou conserver des avantages
concurrentiels pour leur pays. Ainsi, l’industrie textile fournit des produits
essentiels à une population mondiale en pleine expansion, tout en exerçant une
influence profonde sur le commerce international et l’économie des nations.
Les risques liés aux différents secteurs de cette branche sont exposés dans les
articles du présent chapitre qui soulignent l’importance des facteurs suivants:
entretien des locaux et des machines; installation de systèmes de protection et de
dispositifs de sécurité efficaces pour éviter tout contact avec les pièces en
mouvement; mise en place d’une ventilation par aspiration localisée en complément
d’un bon système général de ventilation et de régulation de la température; enfin,
fourniture d’équipements et de vêtements de protection individuelle lorsqu’un
risque ne peut être totalement maîtrisé ou supprimé par la conception initiale, par
la prévention collective ou par l’utilisation de substances moins dangereuses. Les
auteurs insistent tous sur la nécessité d’informer et de former sans relâche le
personnel à tous les niveaux et sur l’importance de la surveillance.
Un certain nombre de pays ont fixé des limites portant sur la coloration des eaux
usées, mais il est souvent extrêmement difficile de les respecter sans installer un
système d’épuration très coûteux. Entre autres solutions, on utilise des teintures
dont l’effet contaminant est moindre et on tente de mettre au point des colorants
et des épaississants de synthèse qui augmentent le degré de fixation des teintures
et réduisent les excédents à éliminer par lavage (Grund, 1995).
Le formaldéhyde et les solvants résiduels se trouvant dans les tapis et les tissus
servant pour l’ameublement et les rideaux continuent de se vaporiser
progressivement pendant un certain temps. Dans les immeubles très bien isolés, où
le système d’air conditionné recycle la plus grande partie de l’air au lieu de
l’évacuer à l’extérieur, ces substances peuvent atteindre des concentrations
suffisantes pour produire des symptômes chez les occupants, comme mentionné dans le
chapitre no 13, «Les troubles systémiques», de l’Encyclopédie.
Conclusion
Les progrès techniques permettent d’élargir la gamme des tissus fabriqués par
l’industrie textile et contribuent à améliorer la productivité. Il est essentiel
cependant qu’ils soient aussi régis par des impératifs de sécurité, de santé et de
bien-être du personnel. Quoi qu’il en soit, la mise en œuvre de ces avancées pose
des problèmes dans les entreprises plus anciennes dont la viabilité financière est
mal assurée et qui n’ont pas les moyens d’effectuer les investissements
nécessaires. Il en va de même dans des régions en développement qui recherchent de
nouvelles industries à tout prix, même au détriment de la sécurité et de la santé
des travailleurs. Cependant, quelles que soient les circonstances, l’éducation et
la formation du personnel devraient permettre de réduire considérablement les
risques auxquels il est exposé.
Année
Australie
Chine
Corée, République de
Hong-kong
Inde
Indonésie
Malaisie
Nouvelle-Zélande
Pakistan
Entreprises
1985
1995
2 535
4 503
45 500
47 412
12 310
14 262
13 114
6 808
13 435
13 508
1 929
2 182
376
238
2 803
2 547
1 357
1 452
Salariés (x103)
1985
1995
96
88
4 396
9 170
684
510
375
139
1 753
1 675
432
912
58
76
31
21
n.d.
n.d.
La production de coton
Les pratiques culturales du coton commencent après la cueillette précédente. Les
premières opérations consistent en principe à broyer les tiges, à arracher les
racines et à briser les mottes au pulvérisateur à disques. Des engrais et des
herbicides sont généralement appliqués et incorporés dans le sol avant que la terre
soit préparée pour l’irrigation ou l’ensemencement. Etant donné que les
caractéristiques du sol, les engrais utilisés antérieurement et les méthodes de
cueillette peuvent donner lieu à des degrés de fertilité très différents, les
programmes de fertilisation doivent être fondés sur des analyses pédologiques. La
lutte contre les plantes adventices est indispensable pour obtenir un rendement
élevé en coton égrené et une qualité satisfaisante: en effet, le rendement et
l’efficacité de la récolte peuvent chuter de 30% en présence de mauvaises herbes.
Les herbicides ont été largement utilisés dans de nombreux pays depuis le début des
années soixante. Parmi les méthodes auxquelles on recourt, il faut citer
l’application d’herbicides sur le feuillage des plantes adventices avant les semis,
l’intégration dans le sol à ce même stade et le traitement avant et après
l’émergence de la plantule.
Plusieurs facteurs jouent un rôle important pour obtenir des plants de qualité: la
préparation des sillons, l’humidité et la température du sol, la qualité des
semences, les maladies des plantules, l’emploi de fongicides et la salinité du sol.
L’utilisation de semences de bonne qualité mises en terre dans des sillons bien
préparés est un facteur clé pour obtenir des plants précoces, uniformes et
vigoureux. Les bonnes semences devraient avoir un taux de germination d’au moins
50% dans un test à froid. Dans un test froid/chaud, l’indice de vigueur de la
semence devrait être d’au moins 140. Il est recommandé de semer 12 à 18 graines par
mètre sur chaque rangée pour obtenir de 14 000 à 20 000 plants par hectare. Un
semoir à mécanisme de dosage approprié devrait être utilisé pour assurer un
espacement uniforme des graines, quelle que soit leur taille. Les taux de
germination et d’émergence sont étroitement liés dans une fourchette de température
allant de 15 à 38 °C.
Un programme de défoliation bien conduit réduit les débris végétaux qui peuvent
altérer la qualité du coton récolté. Les régulateurs de croissance chimiques sont
des défoliants utiles, car ils permettent de maîtriser la croissance végétative et
contribuent à une fructification plus précoce.
La récolte
Deux types d’équipements mécaniques sont utilisés pour la cueil-lette du coton: la
récolteuse à broches et l’écapsuleuse de coton . La récolteuse à broches est une
machine de type sélectif qui utilise des broches coniques et barbelées pour
extraire la fibre de la graine. Cette cueilleuse peut être employée plusieurs fois
sur une plantation pour obtenir des récoltes stratifiées. L’écapsuleuse de coton
est, en revanche, une cueilleuse non sélective à passage unique qui récolte non
seulement les capsules bien ouvertes, mais aussi celles qui sont craquelées et
fermées, ainsi que les débris de capsules et autres corps étrangers.
Les pratiques agronomiques qui visent à obtenir une culture uniforme et de bonne
qualité contribuent généralement à l’efficacité de la récolte. Le champ devrait
être correctement drainé et les rangées tracées de manière à faciliter le passage
des machines. L’extrémité des rangées devrait être libre de plantes adventices, et
une bordure de 7,6 à 9 m devrait être ménagée autour du champ pour permettre les
manœuvres et l’alignement des cueilleuses sur les rangées. Cette bordure devrait
être débarrassée des mauvaises herbes. La pulvérisation des mottes est déconseillée
par temps pluvieux; il est préférable de détruire les mauvaises herbes par des
produits chimiques ou par la tonte. La hauteur des plants ne devrait pas dépasser
1,20 m environ pour le coton cueilli par récolteuse à broches, et 9 cm pour le
coton récolté par écapsuleuse. La hauteur des plants peut être contrôlée dans une
certaine mesure à l’aide de régulateurs de croissance chimique utilisés au moment
opportun. Il est préférable que la capsule inférieure se trouve à 10 cm du sol au
moins. Les activités culturales — fertilisation, travail du sol et irrigation —
pendant la croissance devraient être conduites avec soin pour obtenir une récolte
régulière de coton bien développé.
La défoliation chimique est une pratique qui induit la chute du feuillage. Des
défoliants peuvent être employés pour minimiser la contamination par les débris de
feuilles vertes et favoriser le séchage rapide de la rosée matinale sur le duvet.
Toutefois, les défoliants ne devraient pas être utilisés avant l’ouverture d’au
moins 60% des capsules. La récolte ne devrait être effectuée que sept à quatorze
jours après l’application d’un défoliant (ce délai varie en fonction des produits
chimiques choisis et des conditions météorologiques). Des agents de dessiccation
chimique peuvent aussi être employés pour préparer la récolte. La dessiccation
provoque une perte rapide de l’eau contenue dans le tissu végétal et entraîne la
mort de celui-ci; les feuilles mortes qui en résultent restent attachées à la
plante.
Le stockage
La teneur en humidité du coton avant et pendant le stockage est un facteur
critique. Une humidité excessive induit une surchauffe du coton stocké, ce qui
entraîne un changement de couleur du coton-fibre, une germination plus faible des
graines, voire une combustion spontanée. Le coton-graine ayant une teneur en
humidité supérieure à 12% ne devrait pas être stocké. La température intérieure des
bâtiments nouvellement construits devrait aussi être surveillée pendant les cinq à
sept premiers jours du stockage. Si la température s’élève de 11 °C ou dépasse 49
°C, il convient de procéder à un égrenage immédiat pour éviter les risques de
pertes importantes.
Plusieurs facteurs influent sur la qualité des graines et des fibres au cours du
stockage du coton-graine. La teneur en humidité est le principal d’entre eux. Parmi
les autres paramètres, il faut citer la durée du stockage, la quantité de corps
étrangers très humides, la variation de la teneur en humidité à l’intérieur de la
masse stockée, la température initiale du coton-graine, la température de celui-ci
au cours du stockage, les conditions météorologiques pendant cette période
(température, humidité relative et précipitations), ainsi que la protection du
coton contre la pluie et l’humidité du sol. Le jaunissement est accéléré lorsque
les températures sont élevées. Les montées en température et les températures
maximales sont deux facteurs importants (la hausse de la température est
directement liée à la chaleur générée par l’activité biologique).
L’égrenage
Environ 80 millions de balles de coton sont produites chaque année dans le monde;
20 millions d’entre elles passent par les quelque 1 300 égreneuses se trouvant aux
Etats-Unis. La principale fonction de l’égreneuse est de séparer la fibre des
graines, mais cette machine doit aussi éliminer une grande partie des corps
étrangers, faute de quoi la valeur du coton-fibre serait considérablement réduite.
Une égreneuse doit: 1) produire un coton-fibre de qualité satisfaisante pour le
marché; et 2) égrener le coton en portant le moins possible atteinte à la qualité
de filage des fibres afin que le coton réponde à la demande des utilisateurs
finaux, le filateur et le consommateur. La préservation de la qualité au cours de
cette opération impose donc un choix et un fonctionnement appropriés de chaque
machine du système d’égrenage. La manipulation et le séchage mécaniques peuvent
modifier les caractéristiques qualitatives naturelles du coton. Au mieux,
l’égreneuse préserve les caractéristiques qualitatives inhérentes au coton qu’elle
reçoit. Dans les paragraphes qui suivent, nous examinerons brièvement le rôle des
principales machines et opérations d’égrenage.
Au début du séchage, l’air chaud fait circuler le coton sur des clayettes pendant
dix à quinze secondes. La température de l’air est réglée en fonction du degré de
séchage souhaité. Afin de ne pas endommager les fibres, la température ne devrait
jamais dépasser 177 °C au cours d’une opération normale. Des températures
supérieures à 150 °C peuvent entraîner une modification physique permanente des
fibres de coton. Des capteurs de température devraient être placés aussi près que
possible du point de rencontre entre le coton et l’air chaud. Si le capteur est
situé près de la sortie de la tour de séchage, la température au point de rencontre
peut excéder de 55 à 110 °C celle qui est enregistrée par le capteur d’aval. La
chute de température en aval résulte de l’évaporation et de la perte de chaleur au
travers des parois des machines et des tuyauteries. Le séchage se poursuit alors
que l’air chaud véhicule le coton-graine vers l’épurateur à cylindres, constitué de
six à sept cylindres rotatifs garnis de pointes qui tournent à 400-500 tours/min.
Ces cylindres frottent le coton sur une série de grilles à barreaux ou de tamis, le
secouent et entraînent l’évacuation, par les orifices prévus à cet effet, des corps
étrangers de petite taille tels que feuilles, débris et impuretés. Les épurateurs à
cylindres séparent le coton en gros tampons et le préparent aux opérations
d’épuration et de séchage ultérieures. Il est fréquent d’enregistrer à ce niveau
des vitesses de traitement d’environ six balles par heure et par mètre linéaire de
cylindre.
L’arracheuse extrait les corps étrangers les plus gros tels que les débris de
capsules et les brindilles. Cette machine utilise la force centrifuge créée par des
cylindres à scies qui tournent à 300-400 tours/min, ce qui rejette les corps
étrangers alors que la fibre est retenue par les scies. Les corps étrangers
éliminés sont introduits dans un système de traitement des débris. Les vitesses de
traitement atteignent fréquemment 4,9 à 6,6 balles par heure et par mètre linéaire
de cylindre.
Les égreneuses à cylindres ont été les premiers outils mécaniques utilisés pour
séparer les fibres de coton à soies extralongues (Gossypium barbadense) de leurs
graines. L’égreneuse de Churka, d’origine inconnue, était composée de deux
cylindres qui tournaient ensemble à la même vitesse circonférencielle, arrachant la
fibre de la graine par pinçage et produisant environ 1 kg de coton-fibre par jour.
En 1840, Fones McCarthy mit au point une égreneuse plus efficace composée d’un
rouleau garni de cuir, d’un couteau fixe plaqué contre le rouleau et d’un couteau à
mouvement alternatif qui arrachait la graine de la fibre, maintenue par le rouleau
et le couteau fixe. A la fin des années cinquante, une égreneuse à rouleaux et à
couteaux rotatifs a été mise au point aux Etats-Unis par le laboratoire de
recherche sur l’égrenage du coton pour la région du sud-ouest, rattaché au service
de recherche agricole du ministère de l’Agriculture, en collaboration avec des
constructeurs d’égreneuses et des ateliers d’égrenage privés. Cette machine est la
seule égreneuse à rouleaux actuellement employée aux Etats-Unis.
La mise en balles
Le coton épuré est compressé en balles qui doivent être recouvertes pour les
protéger de toute salissure au cours du transport et du stockage. Trois types de
balles sont produits: balles plates modifiées, balles à densité universelle de
compression et balles à densité universelle d’égrenage. Ces balles sont pressées à
des densités de 224 et de 449 kg/m3 pour les balles plates modifiées et pour les
balles à densité universelle, respectivement. Dans la plupart des égreneuses, le
coton est pressé dans une presse double dans laquelle le coton-fibre est tout
d’abord comprimé par un mécanisme mécanique ou hydraulique. La presse est alors
mise en rotation et la compression du coton-fibre est portée à 320 ou 641 kg/m3
avec des presses pour balles plates modifiées ou des presses pour balles à densité
universelle d’égrenage, respectivement. Les balles plates modifiées sont
recomprimées pour être transformées en balles à densité universelle de compression,
afin de réduire les coûts de fret. En 1995, environ 98% des balles préparées aux
Etats-Unis étaient des balles à densité universelle d’égrenage.
Des recommandations ont été formulées sur la séquence et le nombre des machines
d’égrenage permettant de sécher et d’épurer le coton cueilli par des récolteuses à
broches, afin d’obtenir des balles de valeur satisfaisante et de préserver la
qualité naturelle du coton. Ces recommandations ont généralement été suivies et
sont donc reconnues depuis plusieurs décennies par l’industrie cotonnière des
Etats-Unis. Elles prévoient des systèmes de primes et d’escomptes pour la
commercialisation et tiennent compte de l’efficacité de l’épuration et de
l’endommagement des fibres caractérisant les différentes égreneuses. Ces
recommandations doivent être adaptées si la récolte a été effectuée dans des
conditions particulières.
La fabrication des filés comprend une série d’opérations qui transforment les
fibres de coton brut en fil se prêtant à la fabrication de produits finis. Ces
opérations sont nécessaires pour obtenir les filés propres, solides et uniformes
requis par les marchés d’aujourd’hui. A partir d’un paquet de fibres emmêlées et
fortement compressées extrait des balles de coton et contenant de nombreux corps
étrangers et de fibres inutilisables (matières diverses, débris végétaux,
impuretés, etc.) en quantités variables, les opérations continues d’ouverture, de
mélangeage, d’épuration, de cardage, d’étirage, de passage au banc à broches et de
filage ont pour objet de transformer les fibres en fil.
La filature
L’ouverture, le mélangeage et l’épuration
En principe, les ateliers de filature procèdent à des mélanges de balles présentant
les propriétés nécessaires pour produire un fil destiné à une utilisation
spécifique. Le nombre de balles employées dans chaque mélange par les différents
établissements peut aller de 6 ou 12 à plus de 50. Le traitement débute par le
transfert des balles à mélanger vers l’atelier d’ouverture des fibres, où les
emballages et les cercles sont enlevés. Les couches de coton sont retirées
manuellement des balles et placées dans des chargeuses munies de bandes
transporteuses garnies de dents. Dans d’autres systèmes, des balles entières sont
placées sur des plates-formes qui leur impriment un mouvement de va-et-vient au-
dessous ou au-dessus d’un mécanisme d’arrachage. L’objectif est de transformer les
couches compactes des balles en petites touffes légères et duveteuses pour
faciliter l’élimination des corps étrangers. Etant donné que les balles sont
livrées en différentes densités, les cercles sont souvent coupés vingt-quatre
heures avant le traitement afin de les briser plus facilement. Cette précaution
facilite l’ouverture et contribue à régulariser la vitesse de chargement. Les
ouvreuses assurent les fonctions d’ouverture et d’épuration initiale.
Le cardage et le peignage
La carde est la machine la plus importante dans la fabrication des filés. Dans
presque toutes les usines textiles, elle assure la deuxième et la dernière
opération d’épuration. Elle est composée d’un système de trois cylindres rotatifs
garnis de fines pointes métalliques inclinées et d’une série de barres plates,
également munies de pointes métalliques, qui transforment successivement les petits
agglomérats et les petites touffes en fibres bien séparées et ouvertes, éliminent
un très gros pourcentage de débris et de corps étrangers, recueillent les fibres
sous forme d’un ruban qui est soigneusement lové dans un pot pour les opérations
ultérieures (voir figure 89.4).
Jadis, le coton était amené à la carde sous la forme d’une bande formée sur un
batteur-nappeur constitué de rouleaux d’alimentation, de batteurs et d’un ensemble
de tamis cylindriques sur lesquels les touffes de coton ouvertes étaient
recueillies et roulées en nappe (voir figure 89.5). La nappe était retirée des
tamis en une couche plate et régulière, puis enroulée en bande. Cependant, la
nombreuse main-d’œuvre requise et l’existence de systèmes automatiques de
manutention susceptibles d’améliorer la qualité ont contribué à l’obsolescence du
batteur-nappeur.
Le filage
Le filage est l’étape la plus coûteuse de la transformation des fibres de coton en
fil. Il comprend la préparation et le filage proprement dit (appelé aussi
filature). Actuellement, plus de 85% du fil produit dans le monde l’est avec des
continus à filer à anneaux: ces métiers sont conçus pour transformer la mèche en
fil du calibre (ou numéro) voulu et à lui imprimer la torsion souhaitée, cette
dernière étant proportionnelle à la résistance. Le rapport entre la longueur
initiale et la longueur finale est de l’ordre de 10 à 50. Les bobines de mèches
sont placées sur des supports qui leur permettent de passer librement dans le
cylindre d’étirage du continu à filer à anneaux. Après étirage, le fil traverse un
guide, puis un curseur avant de passer sur la bobine de fil. La broche
d’entraînement de cette bobine tourne à grande vitesse, ce qui fait gonfler le fil
à mesure qu’elle lui imprime une torsion. Les fils se trouvant sur les bobines sont
trop courts pour être utilisés lors des opérations ultérieures; ils sont transférés
vers des pots tournants et amenés à l’opération suivante (bobinage ou renvidage).
Dans la production de fils plus lourds ou plus grossiers, le filage à anneaux est
aujourd’hui remplacé par le procédé dit à fibres libérées, dit aussi «open-end» (à
bouts ouverts). Un ruban de fibres est amené dans une turbine tournant à vitesse
très élevée, dans laquelle la force centrifuge transforme les fibres en fil. La
bobine n’est pas utile dans ce procédé, et le fil est mis en place sur le support
voulu lors de l’opération suivante.
Le renvidage et le bobinage
Après le filage, le fil doit être présenté en fonction de l’utilisation prévue —
tissage ou tricotage. Le renvidage, le bobinage, la torsion et l’enroulement du fil
sur canettes sont considérés comme des étapes préparatoires au tissage et au
tricotage. En principe, les produits bobinés seront utilisés comme fils de chaîne
(fils passant dans le sens de la longueur d’un tissu) et les produits renvidés
serviront de fils de trame (fils passant dans le sens de la largeur d’un tissu), ou
duites. Les produits de la filature à fibres libérées court-circuitent ces étapes
et sont directement emballés en tant que fils de trame ou fils de chaîne. Le
retordage consiste à tordre ensemble deux fils ou plus avant les autres opérations
afin d’obtenir un fil retors d’une grosseur double, voire triple ou quadruple,
nettement plus solide qu’un fil simple de la même grosseur. Dans l’enroulement du
fil sur canettes, le fil est disposé sur des bobines suffisamment petites pour
tenir à l’intérieur de la navette d’un métier à boîtes multiples. Cette opération a
parfois lieu sur le métier lui-même (voir plus loin dans ce chapitre l’article «Le
tissage et le tricotage»).
La sécurité et la santé
Les machines
Tous les types de machines servant à fabriquer les textiles de coton peuvent
provoquer des accidents, bien que la fréquence de ceux-ci ne soit pas très élevée.
La mise en place d’une protection efficace sur les innombrables pièces en mouvement
pose de multiples problèmes et requiert une attention constante. La formation des
opérateurs à des pratiques de travail sûres est également essentielle. Elle permet
notamment d’éviter de réparer une machine en marche, ce qui est à l’origine de
nombreux accidents. Chaque élément de machine peut avoir une source motrice
d’énergie (électrique, mécanique, pneumatique, hydraulique, inertielle, etc.) qu’il
importe de couper avant de procéder à une réparation ou à une opération
d’entretien. Les sources d’énergie devraient être clairement identifiées dans
chaque atelier; l’équipement nécessaire devrait se trouver sur place et le
personnel devrait savoir que les sources d’énergie dangereuses doivent
systématiquement être déconnectées avant toute intervention sur les machines. Des
inspections régulières devraient être effectuées pour s’assurer que les procédures
d’arrêt sont respectées et correctement appliquées.
Le bruit
Le bruit peut poser des problèmes lors de certaines opérations de fabrication des
filés. Dans les usines modernes, il est généralement inférieur à 90 dBA, ce qui
correspond à la norme en vigueur aux Etats-Unis. Dans bien des pays, la limite est
plus sévère. Grâce aux efforts des constructeurs de machines et des spécialistes de
la question, les niveaux de bruit continuent de diminuer en dépit de l’augmentation
des vitesses. La solution consiste à fabriquer des machines plus silencieuses. Aux
Etats-Unis, un programme de protection de l’ouïe est obligatoire dans les
entreprises où le niveau sonore dépasse 85 dBA, ce qui implique la surveillance du
bruit, des tests audiométriques et la fourniture de dispositifs de protection pour
le personnel lorsque le bruit ne peut être ramené au-dessous de 90 dBA.
La chaleur
Etant donné que les opérations de filage requièrent parfois des températures
élevées et une humidification artificielle de l’air, une surveillance attentive est
dans tous les cas indispensable pour garantir le respect des limites maximales
admissibles. Des systèmes d’air conditionné bien conçus et correctement entretenus
tendent de plus en plus à remplacer les méthodes plus archaïques de régulation
thermique et hygrométrique.
L’INDUSTRIE LAINIÈRE
D.A. Hargrave*
Les origines de l’industrie lainière se perdent dans la nuit des temps. Nos
lointains ancêtres n’ont pas eu de peine à domestiquer le mouton, qui a grandement
contribué à satisfaire leurs besoins essentiels en matière alimentaire et
vestimentaire. Dans les sociétés primitives, on frottait les unes contre les autres
les fibres prélevées sur l’animal pour en faire un fil et, partant de ce principe
initial, les procédés de filage ont gagné en complexité. L’industrie lainière a
joué un rôle de pionnier dans la mise au point et l’adaptation de procédés
mécanisés et a été l’une des premières à industrialiser sa production.
La filature
Il existe deux procédés de filage distincts, selon qu’on entend obtenir des fils
cardés ou des fils peignés. Les machines se ressemblent sur bien des points, mais
les produits recherchés sont différents. En principe, on prend pour les peignés des
laines à brins plus longs qu’on maintient parallèles lors du cardage, du
défeutrage, du boudinage et du peignage, les brins courts étant rejetés. On obtient
ainsi un filé fin et résistant qui donne, par tissage, une étoffe légère, d’aspect
lisse et de bonne tenue, comme celle qu’on utilise pour les costumes d’homme. Pour
les cardés, le but est d’entremêler et d’entrelacer les fibres pour obtenir un filé
doux et aéré qui donne, par tissage, une étoffe pleine et gonflante, à surface
laineuse (tweeds, couvertures et tissus lourds pour pardessus). L’uniformité des
brins n’étant pas nécessaire pour les cardés, le filateur peut mélanger de la laine
vierge à des brins courts rejetés lors de la production des peignés, à des laines
d’effilochage récupérées par destruction de vieux vêtements, etc. Le «shoddy» est
tiré de déchets souples, et le «mungo» de déchets serrés.
Il faut garder à l’esprit que ces opérations sont fort complexes et que l’état et
le type de la matière première utilisée, ainsi que les spécifications du produit
fini, influencent à chaque stade les opérations et leur séquence. Ainsi, on peut
teindre la laine avant le filage, en filés, en fin de fabrication, ou encore à
l’état de pièce tissée. Les opérations peuvent être effectuées dans différentes
usines.
La sécurité générale
L’accent a été mis sur les dangers qui surviennent plus particulièrement dans
l’industrie lainière, mais il faut souligner que la plupart des accidents se
produisent dans des circonstances que l’on retrouve dans toutes les branches
d’activité (chutes de personnes ou d’objets, manutentions, utilisation d’outils à
main, etc.) et que les principes généraux de sécurité s’appliquent à l’industrie
lainière comme à la plupart des autres industries.
Les poussières
De même que les poussières générées par les opérations de préparation risquent de
véhiculer les spores du bacille charbonneux, de nombreuses machines (effilocheuses
et cardeuses, notamment) produisent des poussières en quantités suffisantes pour
causer une irritation des muqueuses respiratoires. Ces poussières devraient donc
être éliminées grâce à un système efficace de ventilation par aspiration localisée.
Le bruit
Les filatures de laine sont souvent des endroits très bruyants en raison du grand
nombre de pièces en mouvement, notamment dans les métiers à tisser. Une
lubrification correcte atténue le bruit, mais elle ne dispense pas d’envisager la
mise en place de dispositifs antibruit et de réfléchir à d’autres solutions. La
prévention des pertes auditives d’origine professionnelle passe en grande partie
par l’utilisation de dispositifs de protection (coquilles, bouchons d’oreille). Il
est indispensable d’informer le personnel sur leur utilisation correcte et de
vérifier l’emploi qui en est fait. Un programme de protection de l’ouïe comportant
des audiogrammes périodiques est obligatoire dans de nombreux pays. Lorsque les
machines sont remplacées ou réparées, il convient d’adopter des mesures de nature à
réduire le bruit.
Le stress professionnel
Le stress professionnel, avec les effets qu’il exerce sur la santé et le bien-être
des travailleurs, est un problème réel dans l’industrie lainière. Etant donné que
de nombreuses usines fonctionnent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, le recours
au travail posté est souvent nécessaire. Pour satisfaire aux exigences de la
production, les chaînes fonctionnent en continu, de sorte que les travailleurs sont
«attachés» à une ou à plusieurs machines et doivent attendre un remplaçant pour se
rendre aux toilettes ou se reposer. Le bruit ambiant, le port de coquilles ou de
bouchons d’oreille et les tâches de routine fortement répétitives ont pour effet
d’isoler les opérateurs et d’entraver la communication, ce qui est souvent ressenti
comme stressant. La qualité de la surveillance et l’existence d’espaces de détente
sur les lieux de travail ont une grande influence sur les niveaux de stress
professionnel.
Conclusion
Si les grandes entreprises modernes sont en mesure d’investir dans les nouvelles
réalisations techniques, de nombreuses usines plus anciennes ou plus petites
continuent de fonctionner avec des machines obsolètes. Les impératifs économiques
tendent à réduire l’attention portée à la sécurité et à la santé du personnel. Dans
de nombreuses régions développées, les industriels abandonnent souvent leurs usines
au profit de nouvelles installations construites dans des pays en développement,
plus spécialement dans celles où la main-d’œuvre est bon marché et où les
réglementations en matière de sécurité et de santé sont inexistantes ou
généralement ignorées. Des investissements raisonnables en faveur de la santé et du
bien-être des travailleurs peuvent apporter des bénéfices non négligeables aux
entreprises comme aux salariés de l’industrie lainière, caractérisée par sa forte
intensité de main-d’œuvre.
L’INDUSTRIE DE LA SOIE
J. Kubota *
La soie est une fibre lustrée, résistante et élastique, produite par le ver à soie,
larve du bombyx; le même terme s’applique aussi au fil et au tissu faits de cette
fibre. Selon la tradition, l’industrie de la soie est née en Chine en 2640 avant
J.-C. Vers le IIIe siècle de notre ère, le ver à soie et son produit ont pénétré au
Japon en passant par la Corée, puis un peu plus tard en Inde. De là, la production
de la soie s’est lentement étendue vers l’ouest, à l’Europe et au Nouveau Monde.
Les dermatoses
Le mal des bassines . Une dermite des mains a été observée très fréquemment,
surtout au Japon, chez les femmes qui dévidaient la soie. On a signalé que le taux
de morbidité par mal des bassines était de 30 à 50% chez les personnes employées au
dévidage pendant les années vingt, et que 14% d’entre elles devaient s’arrêter de
travailler en moyenne trois jours par an. Les lésions cutanées, localisées surtout
aux doigts, aux poignets et sur les avant-bras, se caractérisaient par un érythème
sous forme de petites vésicules devenant chroniques, pustuleuses ou eczémateuses et
extrêmement douloureuses. On attribuait généralement cette affection aux produits
de décomposition des chrysalides mortes et à un parasite du cocon. Plus récemment,
des observations faites au Japon ont montré qu’elle est probablement due à la
température du bain de dévidage. Jusqu’en 1960, l’eau y était pratiquement toujours
maintenue à 65 °C; toutefois, depuis l’introduction des nouvelles installations
assurant une température comprise entre 30 et 45 °C, aucun cas de lésion cutanée
typique du dévidage n’a été signalé chez les travailleurs chargés de cette
opération.
Des accès d’insuffisance respiratoire aiguë ont également été rapportés chez des
travailleurs chargés du bobinage ou de l’alimentation d’un métier à filer ou d’une
bobineuse. Selon la vitesse de la machine, la substance protéique qui entoure le
filament de soie peut se transformer en aérosol qui, s’il est inhalable, provoque
une réaction pulmonaire très similaire à celle de la byssinose.
Le bruit
L’exposition au bruit peut atteindre un stade dommageable pour les personnes qui
travaillent sur des machines de filage ou de bobinage des fils de soie ou dans les
ateliers de tissage. Une lubrification appropriée des machines et la mise en place
de dispositifs antibruit peuvent réduire partiellement le bruit, mais l’exposition
ininterrompue pendant toute la journée de travail peut avoir un effet cumulatif.
S’il n’est pas possible de réduire le niveau sonore ambiant, il convient de mettre
à la disposition des travailleurs des appareils de protection individuelle. Comme
pour tous ceux d’entre eux qui sont exposés au bruit, un programme de protection de
l’ouïe prévoyant des audiogrammes périodiques est souhaitable.
Dans l’industrie de la soie, les machines présentent les mêmes risques que dans
l’industrie textile en général. Un entretien correct des locaux, des protections
adéquates pour les organes mobiles, une formation continue à la sécurité et une
surveillance rigoureuse sont les meilleurs moyens de prévenir les accidents. Les
métiers mécaniques devraient être munis de dispositifs de protection pour éviter
les accidents dus aux navettes volantes. La fabrication du fil et les opérations de
tissage exigent un très bon éclairage.
LA VISCOSE (RAYONNE)
M.M. El Attal *
Dans le procédé viscose , la cellulose tirée de la pâte de bois est mise à tremper
dans une solution de soude caustique, et le liquide en excès est éliminé par
pressage; il se forme ainsi de l’alcali-cellulose qu’on débarrasse, à ce stade, des
impuretés qu’elle contient. Puis on réduit les feuilles d’alcali-cellulose en
miettes blanches qu’on laisse mûrir pendant quelques jours à température constante.
Ces miettes sont ensuite placées dans une autre cuve (baratte) où elles sont
soumises à l’action du sulfure de carbone qui les transforme en xanthate de
cellulose. Les miettes virent à l’orange doré. Elles sont alors dissoutes dans de
l’hydroxyde de sodium dilué, ce qui permet d’obtenir un liquide visqueux de couleur
orange appelé viscose. On mélange différents lots de viscose pour assurer une
qualité uniforme, puis la viscose est filtrée et stockée pendant plusieurs jours
dans des conditions très strictes de température et d’humidité qui en favorisent le
mûrissement. On procède ensuite à son extrusion à travers une filière percée
d’orifices très fins qui l’acheminent dans un bac contenant une solution d’acide
sulfurique à 10% environ. Elle forme alors des fils continus qui sont entraînés par
enroulement, ou coupés à la longueur désirée, et filés comme le coton ou la laine.
La rayonne est utilisée pour fabriquer des vêtements et des tissus lourds.
Les acides et les alcalis utilisés dans le procédé viscose sont assez dilués, mais
le danger est toujours présent lors de la préparation des dilutions, en raison des
éclaboussures qui atteignent parfois les yeux. Les miettes alcalines produites
pendant le déchiquetage des feuilles d’alcali-cellulose risquent d’irriter les
mains et les yeux des travailleurs, tandis que les vapeurs acides et le sulfure
d’hydrogène émanant du bain de filature peuvent provoquer une kérato-conjonctivite
caractérisée par un larmoiement abondant, une photophobie et d’importantes douleurs
oculaires.
Une surveillance constante doit être exercée au moyen d’un détecteur enregistreur
automatique, fonctionnant en continu, pour maintenir les concentrations de sulfure
de carbone et de sulfure d’hydrogène au-dessous des limites autorisées. Il est
conseillé d’encoffrer entièrement les machines et d’installer un système efficace
de ventilation par aspiration localisée (avec prises d’air au niveau du sol, ces
gaz étant plus lourds que l’air). Les travailleurs devraient être entraînés à
réagir aux situations d’urgence en cas de fuite de produits toxiques; les personnes
chargées de la maintenance et des réparations devraient disposer d’équipements de
protection individuelle appropriés; une formation solide et une surveillance
attentive leur éviteront, en outre, de prendre des risques inutiles.
Des salles de repos et des installations sanitaires sont une nécessité absolue. Une
surveillance médicale pendant la période d’essai et des visites médicales
périodiques sont recommandées.
Les fibres synthétiques sont fabriquées avec des polymères de synthèse obtenus à
partir de substances ou de composés fournis par l’industrie pétrochimique. A la
différence des fibres naturelles (laine, coton et soie), qui existaient déjà dans
l’Antiquité, les fibres synthétiques ne sont apparues que récemment: leur histoire
commence avec la mise au point du procédé de fabrication de la viscose en 1891 par
Cross et Bevan, deux chercheurs britanniques. Quelques années plus tard, la rayonne
était produite à petite échelle; sa véritable commercialisation commença au début
du XXe siècle. Depuis lors, un grand nombre de fibres synthétiques ont été mises au
point; elles possèdent chacune des propriétés qui répondent à un type particulier
de tissu et sont utilisées seules ou combinées à d’autres fibres. Il n’est pas
toujours facile d’en connaître le nombre exact du fait que la même fibre est
parfois commercialisée sous des noms différents, dans divers pays.
Les fibres sont obtenues en injectant des polymères à l’état fondu à travers les
orifices d’une filière pour obtenir un filament continu. Ce filament peut être
tissé directement pour former un tissu, mais pour imiter les caractéristiques des
fibres naturelles, il peut aussi être texturé, ce qui lui donne du volume, ou
encore être coupé et filé.
Les polyamides (nylons). Les divers types de nylon sont différenciés par les
chiffres qui indiquent le nombre d’atomes de carbone qu’ils renferment, le premier
de ces chiffres s’appliquant à la diamine. Ainsi, le premier en date des nylons,
formé d’hexaméthylènediamine et d’acide adipique, est connu sous le nom de nylon 66
ou 6.6 aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, du fait que la diamine et l’acide
bibasique contiennent chacun 6 atomes de carbone. Il est commercialisé sous les
marques Perlon T en Allemagne, Nailon en Italie, Nylsuisse en Suisse, Anid en
Espagne et Ducilo en Argentine.
Les polyesters. Le premier polyester a été produit en 1941. Le polyester est obtenu
par réaction de l’éthylèneglycol avec de l’acide téréphtalique. Les chaînes
moléculaires courtes s’assemblent en longues chaînes pour donner une masse
plastique que des pompes forcent à l’état fondu à travers des filières, à la sortie
desquelles les filaments durcissent dans un courant d’air froid, puis sont étirés.
Les fibres de polyester sont vendues sous les marques de Terylene au Royaume-Uni,
de Dacron aux Etats-Unis, de Tergal en France, de Terital et Wistel en Italie, de
Lavsan dans la CEI et de Toray-Tetoran au Japon.
Les dérivés polyvinyliques. Le produit le plus important de cette catégorie est le
polyacrylonitrile ou fibre acrylique dont la production a été lancée en 1948. Il
est maintenant commercialisé sous diverses marques: Acrilan et Orlon aux Etats-
Unis, Crylor en France, Leacril et Velicren en Italie, Amanian en Pologne,
Courtelle au Royaume-Uni, etc.
Les polyoléfines. La plus courante de ces fibres, connue sous le nom de Courlene au
Royaume-Uni, est obtenue par un procédé analogue à celui qui est utilisé pour le
nylon. Le polymère fondu à 300 °C est injecté à travers des filières, puis refroidi
à l’air ou dans l’eau pour former la fibre qui est ensuite étirée.
Les polypropylènes. Ce polymère, connu sous la marque de Hostalen en Allemagne, de
Meraklon en Italie et de Ulstron au Royaume-Uni, est filé à l’état fondu, puis
étiré et recuit.
Les polyuréthanes. La première de ces fibres, produite depuis 1943, a été le Perlon
U , polyuréthane obtenu par réaction de 1,4-butanediol avec
l’hexaméthylènediisocyanate. Les polyuréthanes servent maintenant de base à un
nouveau type de fibres synthétiques appelées spandex, d’une élasticité comparable à
celle du caoutchouc. Ils sont produits à partir de polyuréthane linéaire vulcanisé
à très haute température et sous très forte pression, donnant ainsi un polyuréthane
«vulcanisé» à liaison transversale qui s’extrude sous forme de monobrin. Ce fil
peut être gainé de fibre de rayonne ou de nylon qui en améliore l’aspect, le fil
lui-même servant d’âme élastique. Il est très utilisé dans la confection des
vêtements et sous-vêtements en tissu élastique. Les fils de spandex sont vendus
sous les marques Lycra, Vyrene et Glospan aux Etats-Unis et Spandrell au Royaume-
Uni.
Les procédés spéciaux
Le classement des fibres par longueur
La soie est la seule fibre naturelle qui se présente sous forme de filament
continu; les autres fibres naturelles n’existent qu’en fibres discontinues ou
«brins». La longueur de la fibre de coton est d’environ 2,6 cm, celle de la laine
de 6 à 10 cm et celle du lin de 30 à 50 cm. Les filaments continus des fibres
synthétiques sont parfois coupés à la machine pour obtenir des brins courts comme
dans le cas des fibres naturelles. Ces brins peuvent être ensuite travaillés de
nouveau sur une machine à filer le coton ou la laine; on obtient ainsi un meilleur
fini, qui élimine l’aspect vitreux de certaines fibres synthétiques. Parfois,
pendant le filage, on mélange plusieurs types de fibres synthétiques, ou encore des
fibres synthétiques et des fibres naturelles.
Le frisage
Pour donner à une fibre synthétique l’aspect et le toucher de la laine, on peut
faire passer les brins coupés (tors ou emmêlés) dans une machine spéciale, équipée
de cylindres cannelés, qui leur confère un frisage durable. Cette opération peut
aussi se faire chimiquement en agissant sur la coagulation du filament, de façon à
obtenir une fibre de section asymétrique, un côté étant plus épais que l’autre.
Lorsque la fibre est humide, le côté épais se gondole, et la fibre frise. Pour
obtenir des fils ondulés, connus aux Etats-Unis sous le nom de fils non torques ou
fils non texturés mousse, le fil synthétique est tricoté en jersey, thermodurci
dans cet état, et détricoté. La plus récente des méthodes utilisées consiste à
faire passer deux fils de nylon dans un appareil qui les chauffe à 180 °C, puis sur
une broche tournant à grande vitesse qui les retord. Sur la première machine
utilisée, les broches tournent à 60 000 tours/min; sur les plus récentes, la
vitesse de rotation est de l’ordre de 1,5 million tours/min.
En raison de leur légèreté, ces tissus synthétiques sont préférés aux lourds tissus
caoutchoutés ou plastifiés dont on aurait besoin pour obtenir le même niveau de
protection. Ils sont également beaucoup plus agréables à porter en ambiance chaude
et humide. Lorsqu’il s’agit de choisir des vêtements de protection en fibres
synthétiques, il faut d’abord en déterminer le nom générique et obtenir des
précisions sur leurs propriétés, par exemple le retrait, la photosensibilité, le
comportement en présence d’agents de nettoyage à sec et de détergents, la
résistance aux huiles, aux substances chimiques corrosives, aux solvants ordinaires
et à la chaleur et la propension du tissu à se charger d’électricité statique.
Dans le filage par voie sèche, lorsque les filaments émergent des filières pour
être séchés à l’air, les solvants s’évaporent en grandes quantités. Les vapeurs
dégagées présentent un grave risque d’explosion et d’intoxication et devraient être
évacuées par aspiration. Leur concentration devrait être surveillée et maintenue
au-dessous des limites d’explosion du solvant. Les vapeurs peuvent être distillées
et récupérées pour être réutilisées ou brûlées, mais il ne faut en aucun cas les
laisser s’échapper dans l’atmosphère.
Le feutre est une matière fibreuse obtenue en chauffant, humectant, malaxant, entre
autres procédés, des fibres de laine, des poils et de la fourrure, en vue de
constituer un tissu non tissé fortement aggloméré. Certains feutres sont
aiguilletés: leurs fibres sont fixées à un élément de fond lâchement tissé, ou
dossier, généralement fait de laine ou de jute.
La laine est d’abord triée et sélectionnée. On sépare les fibres dans une
effilocheuse, cylindre garni de pointes qui tourne et déchire les fibres, puis on
les soumet au garnettage dans une machine dont les rouleaux et les cylindres sont
garnis de fils métalliques en dents de scie. Les fibres sont nettoyées par
carbonisation dans une solution d’acide sulfurique à 18%; après séchage à une
température de 100 °C, elles sont mélangées et, le cas échéant, enrobées d’huile
minérale contenant un émulsifiant. Après effilochage et cardage, opérations qui
mélangent encore les fibres et les disposent plus ou moins parallèlement les unes
aux autres, la matière est placée sur un transporteur en déposant des couches d’un
fin voile qui est renvidé sur des perches et forme des nappes. Ces nappes molles
sont dirigées vers le local de durcissement où elles sont aspergées d’eau et
comprimées entre deux lourdes plaques; la plaque supérieure vibre, provoquant la
frisure et l’adhérence des fibres.
Pour compléter le feutrage, le tissu est placé dans des cuves d’acide sulfurique
dilué et pilonné au moyen de lourds marteaux de bois. Il est ensuite lavé (avec
addition de tétrachloroéthylène), essoré et teint, généralement avec des colorants
de synthèse. On ajoute parfois des substances chimiques qui rendent le feutre
imputrescible. Les étapes finales comprennent le séchage (à 65 °C pour les feutres
mous, à 112 °C pour les feutres durs), le tondage, le sablage, le brossage, le
pressage et le rognage.
Le bruit
Les opérations sont souvent bruyantes; lorsque les encoffrements, les enceintes
acoustiques et un graissage convenable ne suffisent pas à maintenir le bruit à un
niveau satisfaisant, des casques protecteurs ou des bouchons d’oreille devraient
être fournis aux travailleurs. De nombreux pays imposent un programme de protection
de l’ouïe prévoyant des audiogrammes à intervalles réguliers.
La poussière
Les locaux de fabrication du feutre sont poussiéreux et malsains pour les personnes
présentant des troubles respiratoires chroniques. La poussière n’est heureusement
pas associée à des maladies spécifiques, mais une ventilation par extraction est
cependant nécessaire. Les poils des animaux peuvent provoquer des réactions
allergiques chez les sujets sensibles; l’asthme bronchique demeure exceptionnel. La
poussière comporte également un risque d’incendie.
L’infection charbonneuse
Quelques cas de charbon ont été observés, bien que rarement, à la suite d’une
exposition à de la laine contaminée importée de régions dans lesquelles la maladie
est endémique.
La teinture
La teinture résulte d’une combinaison chimique ou d’une puissante affinité physique
entre un colorant et une fibre textile. Divers colorants et procédés sont utilisés,
suivant le type de tissu et le produit fini désiré.
Pour les tissus teintés, l’opération se fait en cuve ouverte et sans soude
caustique. La coloration naturelle du tissu s’élimine dans la solution
d’hypochlorite des cuves de blanchiment, après quoi le tissu est aéré, lavé et
déchloré dans une solution de bisulfite de sodium, lavé de nouveau et dégraissé à
l’acide chlorhydrique ou sulfurique dilué. Après un dernier lessivage très poussé,
le tissu est prêt pour la teinture ou l’impression.
La teinture
La teinture proprement dite se fait au «jigger» ou au foulard, machines où le tissu
passe dans une solution colorante stationnaire, préparée par dissolution d’une
poudre de teinture dans un produit chimique approprié, suivie de dilution dans
l’eau. Après la teinture, le tissu subit un traitement de finissage.
La teinture du nylon
La préparation des fibres de polyamide (nylon) en vue de la teinture comporte un
lessivage, un dépôt et, dans certains cas, un blanchiment. Le traitement choisi
pour le lessivage du polyamide dépend principalement de la composition du parement.
Les parements hydrosolubles à base de poly(alcool vinylique) ou d’acide
polyacrylique s’éliminent par lessivage dans une liqueur composée de savon et
d’ammoniaque ou de Lissapol N, voire d’un autre détergent ou de carbonate de
sodium. Après lessivage et rinçage abondant, le tissu est prêt pour la teinture ou
l’impression qui se font généralement en machine (au «jigger» ou au foulard).
La teinture de la laine
On lessive d’abord la laine brute par un procédé émulsifiant dans lequel
interviennent le savon et le carbonate de sodium. L’opération se déroule dans une
laveuse, longue auge pourvue de racles, d’un double fond et, à la sortie, de
rouleaux exprimeurs. Après ce lavage, la laine subit un blanchiment au peroxyde
d’hydrogène ou au dioxyde de soufre (gaz sulfureux), auquel cas le produit humide
est abandonné toute une nuit à l’action du gaz. On neutralise ensuite le gaz acide
par passage du tissu dans un bain de carbonate de sodium en solution, suivi d’un
lessivage. Après teinture, le tissu est rincé, essoré et enfin séché.
Des dispositions analogues devraient être prises lorsque le combustible gazeux qui
alimente les flambeuses provient d’une fraction légère de pétrole. L’installation
génératrice de gaz et les réservoirs de stockage de l’essence de pétrole volatile
devraient se trouver de préférence en dehors des bâtiments.
Maints colorants sont des irritants de la peau qui peuvent causer des dermatoses.
Les travailleurs sont souvent tentés de recourir à des mélanges dangereux
d’abrasifs, d’alcalis et d’agents de blanchiment pour enlever les taches de
teinture qu’ils portent aux mains.
Les solvants organiques qui interviennent dans les procédés de teinture ou qu’on
utilise pour nettoyer les machines peuvent aussi causer des dermatoses ou affaiblir
la résistance de la peau à l’action irritante d’autres substances dangereuses mises
en œuvre. Ils peuvent par ailleurs induire des atteintes du système nerveux
périphérique — c’est le cas, par exemple, du méthylbutylcétone (MBK). Certains
colorants se sont révélés cancérogènes, comme la rhodamine B, le magenta, la β-
naphtylamine, de même que certaines bases comme la dianisidine. L’emploi de β-
naphtylamine a généralement été abandonné dans les ateliers de teinture. Cette
question est examinée en détail ailleurs dans l’Encyclopédie.
L’impression
L’impression s’effectue sur une machine à rouleaux. Le colorant ou le pigment est
épaissi à l’amidon ou émulsionné; si l’on utilise des pigments, cette émulsion est
préparée avec un solvant organique. La pâte ou l’émulsion obtenue est prélevée par
les rouleaux graveurs qui appliquent le motif sur le tissu, puis la couleur est
fixée dans une machine de polymérisation. Le tissu imprimé fait ensuite l’objet du
finissage approprié.
Les teintures et les pigments employés pour l’impression des tissus se présentant
généralement sous forme liquide, il n’y a pas de risque d’exposition à la poussière
comme c’est le cas dans les opérations de teinture.
Le finissage
Le finissage est un terme qui s’applique à toute une gamme de traitements
généralement effectués au cours de l’opération précédant la fabrication. Toutefois,
certaines opérations de finissage peuvent également être réalisées après la
fabrication.
Le finissage mécanique
Ce type de finissage comprend des procédés qui modifient la texture ou l’apparence
d’un tissu sans faire appel à des produits chimiques; on peut citer:
Le finissage chimique
Le finissage chimique est effectué au moyen de divers équipements (foulards,
«jiggers», machines de teinture par jet, auges, barres de pulvérisation,
autoclaves, machines de teinture à palette, rouleaux de transfert par enduction et
bains moussants).
Conclusion
Comme dans les autres secteurs de l’industrie textile, les opérations de teinture,
d’impression et de finissage se déroulent soit dans des établissements anciens,
souvent de petite taille, dans lesquels la sécurité et la santé des travailleurs
sont fréquemment négligées, voire ignorées, soit dans des établissements plus
récents, de plus grande taille, dans lesquels la technologie est en évolution
constante et la maîtrise des risques est, dans la mesure du possible, intégrée dès
la conception des installations. En plus des risques spécifiques mentionnés plus
haut, des problèmes surviennent fréquemment, liés à l’éclairage, au bruit, à une
protection insuffisante des machines, au soulèvement et au port d’objets lourds ou
volumineux, etc. Un programme de prévention bien conçu et mis en œuvre, intégrant
une solide formation et une surveillance efficace des travailleurs, est dès lors
indispensable.
Les tissus en textiles non tissés ont fait une première apparition à la fin des
années quarante. Ils se sont développés dans les années cinquante et ont été
commercialisés dans les années soixante. Au cours des trente-cinq années qui ont
suivi, le secteur des non-tissés a atteint sa maturité et a trouvé des marchés soit
en offrant un bon rapport qualité-prix en lieu et place des textiles traditionnels,
soit en proposant des produits mis au point pour des utilisations spécifiques. Ce
secteur a mieux absorbé les récessions que les textiles traditionnels et a connu
une croissance plus rapide. Les risques professionnels sont les mêmes que dans les
autres secteurs de l’industrie textile (bruit, fibres en suspension dans l’air,
produits chimiques utilisés pour le collage des fibres, sécurité des surfaces de
travail, zones de pincement, brûlures par exposition à la chaleur, lésions
dorsales, etc.).
Les matières premières utilisées par cette industrie sont généralement les mêmes
que celles qui sont employées dans l’industrie textile traditionnelle et atteignent
chaque année près de 1 million de tonnes. Les fibres naturelles dont on se sert
sont principalement le coton et la pâte de bois. Quant aux fibres manufacturées, ce
sont la rayonne, les polyoléfines (polyéthylène et polypropylène), les polyesters
et, en quantités plus limitées, les nylons, les acryliques, les aramides, etc.
Les fibres en pâte de bois constituent l’un des principaux composants des couches
jetables, des protections pour incontinence et autres tissus absorbants. On utilise
des fibres de bois dur et de papier kraft. Dans les seuls Etats-Unis, on emploie
chaque année plus de 1 million de tonnes de pâte de bois. Une petite partie est
utilisée pour les non-tissés obtenus par voie pneumatique. Les produits servent
souvent à fabriquer des serviettes, pour des applications qui vont de la cuisine
aux sports.
Aux Etats-Unis, l’utilisation la plus importante d’un non-tissé (environ 10 000 km2
par an) concerne le voile supérieur des couches jetables. C’est ce voile qui entre
en contact avec la peau du bébé et l’isole des autres composants de la couche. Des
tissus obtenus à partir de ces fibres sont également utilisés pour des produits
durables et pour certaines applications géotextiles dans lesquelles ils sont
supposés durer indéfiniment. Ces tissus sont toutefois dégradés par les
ultraviolets ou par certains autres types de rayonnements.
Les fibres de nylon ne sont utilisées que modérément sous forme de fibres coupées
et assez peu dans les non-tissés encollés au filage (ou filés-liés). Les
principales applications des non-tissés encollés au filage sont le renforcement des
dossiers de moquettes et la fabrication des filtres en laine de verre. Ces tissus
confèrent une surface de faible friction aux dossiers, ce qui facilite la pose des
moquettes. Dans les filtres en laine de verre, le tissu permet de retenir les
fibres de verre dans le filtre et les empêche de pénétrer dans l’air filtré.
D’autres non-tissés particuliers, comme les aramides, trouvent des applications
dans des créneaux du marché dans lesquels leurs propriétés, comme une très faible
inflammabilité, par exemple, en rendent l’usage intéressant. Certains de ces non-
tissés sont aussi mis en œuvre dans l’industrie de l’ameublement pour diminuer
l’inflammabilité des canapés et des fauteuils.
Les travailleurs devraient se protéger les yeux et éviter de porter des vêtements
amples, des cravates, des bagues ou autres bijoux qui pourraient être happés par
les parties mobiles des machines. Ces procédés font presque toujours appel à
d’importants volumes d’air; aussi, des précautions particulières devraient être
prises pour éviter toute situation susceptible de favoriser les incendies; les
gaines d’aération devraient être dégagées, car il serait difficile d’y éteindre un
début d’incendie. Il importe en outre de s’assurer que les sols ne présentent pas
de risques de trébuchement ou de glissade.
Dans les procédés par liage, les installations devraient être nettoyées et tout
résidu de polymère éliminé par brûlage. Des fours très chauds sont généralement
utilisés à cette fin et les pièces nettoyées y sont entreposées. Une protection
adéquate est nécessaire tout au long de ces opérations, à commencer par le port de
gants résistants à la chaleur, la fourniture d’autres équipements de protection
thermique et la mise en service d’une ventilation assez puissante pour limiter la
chaleur et les fumées.
Les procédés par liage sont avantageux d’un point de vue économique, notamment
parce qu’ils sont relativement rapides et que l’on peut changer les bobines
enrouleuses sans interrompre les opérations. L’utilisation d’engins bien conçus
pour changer les rouleaux et une bonne formation du personnel devraient offrir une
marge de sécurité satisfaisante pendant cette opération.
Si les voiles formés doivent faire l’objet d’un liage à chaud, une petite quantité
(10% du poids environ) d’une fibre ou d’une poudre fondant à basse température sera
généralement ajoutée au voile. Cette substance est fondue par passage dans un four
à air chaud ou par exposition à des cylindres chauffés, puis refroidie pour obtenir
le liage du tissu. Dans ce cas, des équipements de protection thermique devraient
être mis à la disposition des travailleurs. Aux Etats-Unis, on produit chaque année
100 000 tonnes de non-tissés dont le liage se fait à chaud.
Le finissage
Les traitements de surface des non-tissés comprennent l’application de retardateurs
d’ignition, d’agents hydrofuges, d’adoucissants, d’antibactériens, de
thermofusibles, de lubrifiants, etc., ainsi que les traitements antistatiques. Ces
traitements de surface des non-tissés sont appliqués, selon le procédé et le type
de traitement, soit en ligne en cours de procédé, soit après la fabrication. Le
plus souvent, les traitements antistatiques sont appliqués en ligne, de même que
les traitements de surface comme l’effet corona. Les traitements tels que les
retardateurs d’ignition et les agents hydrofuges, par contre, sont le plus souvent
appliqués ultérieurement. Parmi les traitements spécifiques, on peut noter
l’exposition des voiles à un plasma de haute densité qui a pour effet d’influencer
la polarité des tissus et d’améliorer leurs performances dans les applications de
filtrage. La sécurité de ces procédés chimiques et physiques est différente pour
chaque application et doit être étudiée dans chaque cas.
LE TISSAGE ET LE TRICOTAGE
Charles Crocker
Le tissage
Le tissage consiste à entrelacer des fils tendus perpendiculairement les uns aux
autres. C’est la plus ancienne méthode de fabrication des tissus; des métiers
manuels étaient déjà utilisés dans la préhistoire. Le concept fondamental
d’entrecroisement n’a pas changé: les fils de chaîne sont disposés sur un rouleau
de grande taille appelé ensouple dérouleuse, monté à l’arrière de la machine.
L’extrémité des fils de chaîne est enfilée dans un harnais qui permet de lever ou
de baisser les fils de chaîne pour livrer passage à la navette. Le tissage le plus
simple demande deux harnais, mais on utilise parfois jusqu’à six harnais pour des
armures plus compliquées. Les métiers Jacquard sont employés pour fabriquer les
tissus aux motifs les plus décoratifs, et certains dispositifs permettent de tirer
ou de relâcher séparément chaque fil de chaîne. On enfile alors chaque extrémité de
fil sur un peigne (ou ros) aux dents métalliques parallèles et très rapprochées,
porté par la chasse ou battant du métier à tisser. Ce battant est conçu pour se
déplacer en formant un arc autour d’un point d’ancrage central. Les extrémités du
fil de chaîne sont attachées à la bobine enrouleuse, et le tissu vient s’y envider.
La plus ancienne méthode permettant de passer le fil de trame sur toute la largeur
des fils de chaîne est la navette, qui est propulsée librement d’un bord à l’autre
du métier et dévide le fil de trame placé sur une petite bobine qui se trouve à
l’intérieur. Une technique récente et plus rapide, illustrée à figure 89.9, appelée
tissage sans navette, fait appel soit à un jet fluide (air ou eau), soit à de
petits projectiles glissant sur une tringle mobile, soit encore à de petits
dispositifs en forme d’épée appelés lances ou rapières pour transférer le fil de
trame.
Les chutes
Les sols encombrés (pièces de machines, etc.) ou glissants (flaques d’huile, de
graisse ou d’eau) peuvent provoquer des chutes. Le maintien de l’ordre et de la
propreté revêt une importance particulière dans les ateliers de tissage: un grand
nombre de travailleurs de production passent la plus grande partie de leur journée
à parcourir leur lieu de travail, en gardant les yeux fixés sur les opérations en
cours et sans voir les objets qui peuvent se trouver sur le sol.
Les machines
Les dispositifs de transmission et la plupart des autres points de pincement sont
généralement protégés. En revanche, le ros, les harnais et d’autres parties des
machines auxquelles les tisserands doivent souvent accéder ne le sont que
partiellement. Un espace de travail et de passage suffisant devrait être aménagé
autour des machines; l’observation de bonnes pratiques de travail peut, en outre,
aider les travailleurs à éviter les risques qu’entraîne la marche des installations
de production. Dans le tissage à navette, des capots de protection montés sur le
ros permettent d’éviter que la navette ne soit éjectée ou de la rabattre en lui
conférant une trajectoire descendante. Le verrouillage, le blocage mécanique, etc.,
sont également nécessaires pour empêcher une mise en marche intempestive lorsqu’un
mécanicien ou d’autres travailleurs interviennent sur des machines à l’arrêt.
Les manutentions
Celles-ci comprennent le soulèvement et le déplacement de lourds cylindres d’appel,
d’ensouples d’enroulement, d’ensouples dérouleuses, etc. Des chariots à bras aident
à décharger, à faire la levée des petits rouleaux de tissu et à les transporter et
limitent le risque de lésions musculaires. Des chariots électriques sont parfois
utilisés pour procéder au levage des grands rouleaux de tissu placés à l’avant de
la machine. Des chariots hydrauliques, à commande mécanique ou manuelle, permettent
de déplacer des ensouples dérouleuses qui peuvent peser plusieurs centaines de
kilogrammes. Les manutentionnaires devraient porter des chaussures de sécurité.
Le bruit
La plupart des métiers à tisser, souvent nombreux dans un atelier de production
classique, produisent des niveaux de bruit généralement supérieurs à 90 dBA. Dans
certains ateliers de tissage à navette ou de tissage extrêmement rapide sans
navette, ces niveaux peuvent même dépasser 100 dBA. La plupart du temps, les
travailleurs occupés dans ce secteur d’activité devraient porter des appareils de
protection de l’ouïe appropriés et être soumis à un programme de surveillance de
leur acuité auditive.
Le tricotage mécanique *
* Les articles tricotés à la main constituent un important secteur artisanal. Les
données relatives aux effectifs des travailleurs occupés, en général des femmes,
sont notoirement insuffisantes. Le lecteur est renvoyé au chapitre no 96, «Les
arts, les loisirs et les spectacles», pour un apreçu des risques pour la santé que
cette activité fait encourir.
Le procédé de tricotage mécanique consiste à entrelacer des mailles de fil sur des
machines automatiques (voir figure 89.10). Ces machines se composent de rangées de
petites aiguilles à crochets permettant de faire passer les mailles nouvellement
formées à travers des mailles déjà formées. Les aiguilles à crochets présentent un
enclenchement original qui verrouille le crochet, ce qui permet de tirer facilement
la maille, puis s’ouvre pour permettre à la maille de descendre. Sur les
tricoteuses mécaniques circulaires, les aiguilles sont disposées en cercle, et le
tricot produit sort de la machine sous forme tubulaire et s’enroule autour d’une
envideuse. Les métiers à tricoter rectilignes et les métiers à chaîne, quant à eux,
présentent une rangée rectiligne d’aiguilles; le tricot sort à plat de la machine
et vient s’enrouler sur la bobine envideuse. Les métiers à tricoter circulaires et
les métiers à tricoter rectilignes sont généralement alimentés par des cônes de
fil, tandis que les métiers à chaîne le sont par des ensouples semblables à celles
utilisées dans le tissage, mais de plus petite taille.
Les tapis tissés ou noués à la main sont apparus en Perse plusieurs siècles avant
J.-C. Aux Etats-Unis, la première manufacture de tapis tissés a été construite à
Philadelphie en 1791. En 1839, l’industrie s’est complètement transformée
lorsqu’une force motrice fut, pour la première fois, appliquée au tissage des tapis
par Erastus Bigelow. Dans les ateliers modernes, la plupart des tapis se font à la
machine, en utilisant l’un ou l’autre des deux procédés de confection mécanique, le
tuftage et le tissage.
Les tapis tuftés ou touffetés sont aujourd’hui les plus répandus. Aux Etats-Unis,
par exemple, près de 96% des tapis produits sont tuftés, procédé emprunté à la
manufacture de dessus de lit tuftés située en Géorgie. Les tapis tuftés sont
confectionnés en faisant passer une fibre de poil dans un dossier prétissé
(généralement en polypropylène), puis en y fixant un second dossier présentant un
enduit à base de latex qui maintient les fils en place et réunit les deux dossiers
pour rendre le tapis plus stable.
La confection du tapis
Le tuftage mécanique
La machine à tufter comprend des centaines d’aiguilles (jusqu’à 2 400) placées sur
une barre horizontale qui couvre toute la largeur de la machine (voir figure
89.11). Le cantre, constitué de bobines de fil placées sur des râteliers, est
dirigé par des tubes de guidage de faible diamètre vers les aiguilles placées sur
une barre à saccades, ou jerker . Généralement, il existe deux bobinots de fil pour
chaque aiguille. L’extrémité du fil du premier bobinot est réunie avec l’extrémité
du second de façon que, lorsque le fil du premier bobinot est épuisé, le fil soit
fourni par le second sans qu’il soit nécessaire d’arrêter la machine. Chaque
extrémité de fil présente un tube de guidage qui permet d’éviter que les fils ne
s’emmêlent. Les fils passent à travers une série de guides verticaux alignés et
fixes, installés sur le bâti de la machine, et par un guide situé à l’extrémité
d’un bras qui se déploie à partir de la barre à aiguilles mobile de la machine.
Lorsque la barre à aiguilles se déplace vers le haut et vers le bas, le rapport
entre les deux guides se trouve modifié. La figure 89.12 montre les produits tuftés
utilisés pour les tapis à usage domestique.
La barre à saccades, ou jerker , reçoit le fil lâche dévidé pendant la montée des
aiguilles. Les fils sont enfilés sur leurs aiguilles respectives fixées sur la
barre. Les aiguilles se déplacent simultanément à raison de 500 courses à la minute
au moins, avec un mouvement de va-et-vient vertical. Une machine à tufter peut
produire de 1 000 à 2 000 m2 de tapis en huit heures.
Le premier élément du dossier dans lequel les fils sont insérés provient d’un
rouleau placé devant la machine. La vitesse du rouleau commande la longueur du
point et le nombre de points au cm2. Le nombre d’aiguilles au centimètre détermine
la jauge du tissu, 3/16 ou 5/32, par exemple.
Les boucleurs pour poils coupés ont une forme de «C» inversé et une surface
coupante sur le bord supérieur interne du croissant. Ils sont utilisés en
association avec des couteaux qui présentent un tranchant émoussé à une extrémité.
Au fur et à mesure que le dossier avance dans la machine vers les boucleurs pour
poils coupés, les fils prélevés dans les aiguilles sont coupés par cisaillement
entre le boucleur et l’arête tranchante du couteau. Sur les figures 89.13 et 89.14,
on peut voir les touffes sur un dossier et les différents types de boucles.
Les fils synthétiques sont obtenus par extrusion d’un polymère fondu injecté à
travers les très petits orifices d’une plaque métallique, ou filière. On ajoute
parfois au polymère fondu des additifs pour obtenir des teintures dans la masse ou
des fibres moins transparentes, plus blanches et plus durables, ou encore d’autres
propriétés particulières. A la sortie de la filière, les filaments sont refroidis,
étirés et texturés.
Le fil peut être produit soit sous forme de brin soit sous forme de filament
continu gonflant. Ce dernier est constitué de fils continus de fibre synthétique
formant faisceaux. Le fil extrudé s’obtient en enroulant directement sur des
bobines de renvidage le nombre de filaments correspondant au nombre de deniers que
l’on souhaite obtenir.
Les fibres en brins sont transformées en fils filés par les procédés classiques de
filage des textiles. Pour obtenir des fibres en brin, on extrude de gros faisceaux
de fibres appelés «câbles de filature». Après frisage, le câble est coupé en fibres
de 10 à 20 cm de longueur. Trois étapes importantes interviennent dans la
préparation — mélangeage, cardage et étirage — avant le filage. Le mélangeage
associe des balles de fibres en brins afin que les fibres s’entremêlent et que le
fil ne se divise pas au cours des opérations ultérieures de teinture. Le cardage
redresse les fibres et les configure en rubans. L’étirage a trois fonctions
principales: il mélange les fibres, les dispose en parallèle et diminue le poids
par unité de longueur de l’ensemble du faisceau de fibre, ce qui facilite le filage
au stade final.
Après le filage, qui étire le ruban jusqu’à la taille désirée, le fil est formé en
torons et retordu pour obtenir différents effets. Il est ensuite enroulé sur des
cônes pour être préparé en vue du thermofixage et du retordage.
Un second dossier est délicatement placé sur l’enduit de latex. On presse alors les
deux dossiers l’un contre l’autre entre deux cylindres de liaison. L’ensemble,
maintenu bien à plat et sans pli, passe ensuite dans un long four qui mesure
généralement de 24 à 49 m de long, dans lequel s’effectuent le séchage et la
polymérisation dans trois zones de température échelonnées entre 115 et 150 °C, et
cela pendant 2 à 5 minutes. Le séchage du tapis demande un taux élevé
d’évaporation, obtenu en soufflant de l’air chaud vers des zones dans lesquelles la
chaleur est strictement contrôlée.
Les matériels anciens encore en usage devraient être fréquemment inspectés et les
pièces déformées remplacées si besoin est. Les arbres de transmission, les
courroies trapézoïdales, les mécanismes d’entraînement à poulie, à chaîne et à
pignons, les treuils et les appareils de levage devraient être régulièrement
inspectés et des dispositifs de protection installés là où ils sont nécessaires.
Dans les ateliers, on utilise des chariots porte-bobines que l’on pousse à la main
pour déplacer la matière première; étant donné que des résidus de la production du
fil s’accumulent sur le sol, il convient de nettoyer les roues de ces chariots pour
éviter qu’elles ne se bloquent.
Les travailleurs devraient connaître les risques que présente la mise en œuvre
d’air comprimé, qui est d’un usage courant dans les opérations de nettoyage.
Les ateliers devraient se conformer aux normes modernes d’extraction des peluches
et des poussières et de dissipation de la chaleur.
Tous les tapis d’Orient sont tissés à la main. Ils sont souvent confectionnés à
domicile; tous les membres de la famille, y compris les très jeunes enfants,
travaillent sur le métier de longues heures pendant la journée et même la nuit. Il
s’agit parfois simplement d’une occupation à temps partiel pour la famille; dans
certaines régions, la confection des tapis n’est plus effectuée à domicile, mais
s’est déplacée vers des manufactures dont la taille demeure généralement modeste.
Les opérations
Les opérations associées à la confection des tapis comprennent la préparation du
fil — qui consiste à tirer la laine et à la classer en diverses variétés, à la
laver, à la filer et à la teindre —, le dessin du motif du tapis et le tissage
proprement dit.
La préparation du fil
Parfois, le fil est déjà façonné et teint lorsqu’il parvient aux ateliers de
tissage. Dans d’autres cas, la fibre brute, le plus souvent de laine, est préparée,
filée et teinte sur place. La première opération, généralement effectuée par des
femmes assises à même le sol, consiste à classer la matière première par variété.
Ensuite, la laine est lavée et filée à la main. La teinture se fait habituellement
dans des récipients ouverts, et l’on emploie principalement des colorants à base
d’aniline ou d’alizarine; les colorants naturels ne sont plus guère utilisés.
Le dessin et le tissage
Dans la fabrication familiale ou «tribale», les motifs sont traditionnels et il
n’est pas nécessaire d’en inventer de nouveaux; toutefois, dans une entreprise
employant un certain nombre de travailleurs, un dessinateur trace des ébauches
qu’il transpose sur du papier quadrillé, dont chaque case représente un point; le
tisseur peut ainsi s’assurer du nombre et de la disposition des nœuds.
Tandis que le tapis avance, il est souvent enroulé autour du cylindre inférieur,
dont le diamètre augmente. Lorsque le tisseur est accroupi à même le sol, la
position du cylindre inférieur l’empêche d’allonger les jambes et, à mesure que le
diamètre de ce cylindre augmente, le tisseur est repoussé en arrière et doit se
courber de plus en plus en avant pour nouer les fils (voir figure 89.15). Cette
posture peut être évitée lorsque les tisseurs sont assis ou accroupis sur une
poutre que l’on peut relever jusqu’à 4 m au-dessus du sol mais, là encore, ils
n’ont bien souvent pas la place suffisante pour étendre leurs jambes et sont
contraints de demeurer dans une position inconfortable. Dans certains cas,
pourtant, le tisseur peut s’asseoir sur un siège fixe, équipé d’un dossier et d’un
coussin (il s’agit en fait d’une chaise sans pieds qui peut être déplacée
horizontalement le long de la poutre au fur et à mesure que le travail avance). Des
types améliorés de métiers surélevés ont été mis au point; ils permettent au
tisseur d’être assis sur une chaise et de disposer d’une place suffisante pour
étendre ses jambes.
Dans certaines régions d’Iran, les fils de chaîne sont disposés horizontalement et
le tisseur doit s’installer sur le tapis lui-même, ce qui rend sa tâche encore plus
difficile.
Le stress
L’extrême précision de ce travail, qui demande une grande dextérité et une
attention constante pendant de longues heures, provoque parfois des troubles
nerveux et un stress que ne peuvent qu’aggraver l’exploitation des travailleurs et
une discipline très dure. Les enfants se voient souvent «voler leur enfance», et
les adultes, qui manquent généralement des contacts sociaux indispensables à un bon
équilibre affectif, peuvent développer des maladies nerveuses qui se traduisent par
des tremblements des mains (susceptibles de diminuer leur rendement) et, parfois,
des troubles mentaux.
Les ateliers devraient être nettoyés et bien aérés et être revêtus d’un plancher
remplaçant la terre battue. Par temps froid, ils devraient être chauffés. La
manipulation des fils de chaîne est pénible pour les doigts et peut occasionner de
l’arthrite: aussi emploiera-t-on le plus souvent possible des couteaux spéciaux en
forme de crochet pour nouer les fils de chaîne. Des examens médicaux d’embauche et
périodiques sont vivement recommandés pour tous les travailleurs.
Le tuftage à la main est une autre méthode de confection des tapis. On utilise pour
cela un outil spécial présentant une aiguille dans le chas de laquelle on enfile le
fil. Un calicot sur lequel a été tracé le dessin du tapis est suspendu
verticalement; lorsque le tisseur place l’outil contre le tissu et appuie sur un
bouton, l’aiguille pénètre dans le tissu puis se rétracte, en laissant sur l’envers
une boucle de fil d’environ 10 mm. Il déplace alors horizontalement l’outil de 2 ou
3 mm, en laissant une boucle à la surface du tissu, et appuie à nouveau sur le
bouton pour former une nouvelle boucle sur l’envers. Avec un peu d’habitude, on
peut obtenir en une minute jusqu’à 30 boucles de chaque côté. Selon le dessin, le
tisseur doit s’arrêter de temps à autre pour changer la couleur de fil en fonction
du motif. Lorsque cette opération est achevée, le tapis est descendu et étendu par
terre à l’envers. On applique alors sur l’envers un enduit de caoutchouc, puis un
dossier en toile de jute résistante. On retourne ensuite le tapis sur l’endroit et
les boucles de fil sont égalisées au moyen de ciseaux électriques. Parfois, le
motif du tapis est obtenu en coupant les poils à des hauteurs différentes.
La législation
Dans la plupart des pays, les dispositions d’ordre général relatives aux
établissements industriels fixent les conditions de sécurité et de santé. Parfois,
pourtant, elles ne s’appliquent pas aux entreprises familiales ou au travail à
domicile et sont difficiles à mettre en œuvre dans les petites entreprises isolées
qui emploient néanmoins de nombreux travailleurs. Cette branche d’activité est
connue pour l’exploitation de la main-d’œuvre et le travail des enfants, bien
souvent au mépris de toutes les réglementations en vigueur. On peut espérer que le
mouvement qui se fait jour dans le monde entier (depuis le milieu des années
quatre-vingt-dix) parmi les acheteurs de tapis tissés ou tuftés à la main, et qui
préconise le boycott des produits issus d’un travail au noir ou confectionnés par
des travailleurs exploités, permettra de mettre fin à cette situation.
LES TROUBLES RESPIRATOIRES ET LES AUTRES MALADIES OBSERVÉS DANS L’INDUSTRIE TEXTILE
E. Neil Schachter
Il y a près de 300 ans que l’on parle des risques liés au travail dans l’industrie
textile. Au début du XVIIIe siècle, Ramazzini, 1713 [1964] décrivait déjà une forme
particulière d’asthme chez les cardeurs de lin et de chanvre. Il évoquait les
poussières malodorantes et toxiques qui provoquaient une toux incessante finissant
par évoluer en affection asthmatique. Ce type de symptôme est effectivement apparu
dès les débuts de l’industrie textile, comme le montrent les études physiologiques
de Bouhuys et coll. (1973) à Philipsburg Manor (recherches sur l’implantation dans
les premières colonies néerlandaises de North Tarrytown, New York, Etats-Unis).
Pendant tout le XIXe siècle et au début du XXe siècle, de nombreux auteurs ont
décrit de plus en plus souvent les manifestations respiratoires des maladies
professionnelles observées dans les usines textiles. Ces pathologies ont cependant
été souvent ignorées, aux Etats-Unis, jusqu’au milieu du XXe siècle où les enquêtes
menées sous la direction de Richard Schilling (1981) ont indiqué que, malgré les
dénis de l’industrie et du gouvernement, la byssinose était bien une réalité
(American Textile Reporter, 1969; Britten, Bloomfield et Goddard, 1933; Department
of Labor (DOL), 1945). De nombreuses études ultérieures ont montré que les
travailleurs du textile souffrent de leur milieu de travail dans toutes les régions
du monde.
Stade 1/2
Stade 2
Stade 3
La toux des tisserands est avant tout un état asthmatique typiquement accompagné de
fièvre, qui survient aussi bien chez les nouveaux travailleurs que chez les
anciens. Contrairement à la fièvre du coton, les symptômes peuvent persister
pendant des mois. Le syndrome a été associé à des produits utilisés pour traiter le
fil, tels que la poudre de graines de tamarin (Murray, Dingwall-Fordyce et Lane,
1957) et la gomme de caroube (Vigliani, Parmeggiani et Sassi, 1954).
La bronchite chronique, telle que définie d’après les antécédents médicaux, est
très fréquente chez les travailleurs du textile et, notamment, chez les non-
fumeurs. Cette observation n’est pas étonnante puisque la caractéristique
histologique dominante de la bronchite chronique est une hyperplasie des glandes
muqueuses (Edwards et coll., 1975; Moran, 1983). La symptomatologie de la bronchite
chronique doit être soigneusement distinguée des symptômes de la byssinose
classique, bien que les troubles se recoupent souvent et qu’il existe probablement
dans ce contexte différentes manifestations physiopathologiques de la même
inflammation des voies respiratoires.
Les études pathologiques des travailleurs du textile sont peu nombreuses. Les
observations montrent toutefois que les grandes voies aériennes sont
systématiquement impliquées (Edwards et coll., 1975; Rooke, 1981a; Moran, 1983),
sans que l’on ne relève aucun signe de destruction du parenchyme pulmonaire
(emphysème) (Moran, 1983).
Les études transversales ont également montré que d’autres symptômes et syndromes
respiratoires chroniques, tels que sifflement ou bronchite chronique, sont aussi
beaucoup plus fréquents chez les personnes qui ont travaillé longtemps dans
l’industrie cotonnière qu’au sein d’une population témoin comparable (Bouhuys et
coll., 1977; Bouhuys, Beck et Schoenberg, 1979). La fréquence des cas de bronchite
chronique était systématiquement plus élevée chez les travailleurs du coton que
dans les populations témoins, même après ajustement tenant compte du sexe et du
tabagisme. Dans la byssinose de stade 3, outre la symptomatologie, les sujets
présentent des modifications de la fonction respiratoire. Apparue dans les études
transversales portant sur des travailleurs du textile, l’association entre la
détérioration de la fonction respiratoire et les stades les plus avancés de la
byssinose tend à mettre en évidence le caractère évolutif de la maladie du stade 1
vers le stade 3. Plusieurs de ces études transversales indiquent en outre que la
diminution de la fonction pulmonaire au cours de la semaine de travail par rapport
à la valeur de référence (corrélée à la constriction thoracique aiguë) est associée
à une évolution chronique irréversible.
Dans une étude de Roach et Schilling (1960), l’existence d’une relation dose-
réponse dans la symptomatologie aiguë confirme la relation entre pathologies aiguës
et chroniques chez les travailleurs de l’industrie textile. Ces auteurs ont observé
une relation linéaire très marquée entre la réponse biologique et les
concentrations de poussières sur le lieu de travail. D’après leurs observations, la
limite de sécurité applicable à l’exposition à des poussières macroscopiques se
situe à 1 mg/m3. Cette valeur a été adoptée ultérieurement par la Conférence
américaine des hygiénistes gouvernementaux du travail (American Conference of
Governmental Industrial Hygien-ists (ACGIH)) et, jusqu’à la fin des années
soixante-dix, elle est restée en vigueur aux Etats-Unis pour les poussières de
coton. Des observations rapportées par la suite ont démontré que les poussières
fines (< 7 µm) étaient responsables de pratiquement tous les cas de byssinose
(Molyneux et Tombleson, 1970; Mckerrow et Schilling, 1961; McKerrow et coll., 1962;
Wood et Roach, 1964). Une étude faite en 1973 par Merchant et coll. sur les
symptômes respiratoires et la fonction pulmonaire dans 22 usines textiles de
Caroline du Nord a porté sur 1 260 travailleurs du coton, 803 du coton et du
synthétique et 904 de la laine et du synthétique. Cette étude a confirmé la
relation linéaire qui existe entre la prévalence de la byssinose (et la
détérioration de la fonction pulmonaire) et les concentrations de poussières
exemptes de fibres de coton.
Dans une série d’enquêtes portant sur plusieurs milliers de travailleurs du textile
suivis à la fin des années soixante pendant une période de cinq ans, Fox et coll.
(1973a, 1973b) ont constaté un accroissement du nombre des cas de byssinose,
parallèle à l’ancienneté de l’exposition. Ils ont observé aussi une diminution
annuelle du volume expiratoire maximal seconde (VEMS) (pourcentage par rapport à la
valeur théorique) sept fois plus importante que chez les témoins.
Une seule étude portant sur les broncho-pneumopathies chroniques chez les
travailleurs du textile a été menée au début des années soixante-dix par Arend
Bouhuys (Bouhuys et coll., 1977). L’originalité de cette étude a été d’inclure
aussi bien le personnel en activité que les retraités. Les sujets étaient ou
avaient été employés dans l’une des quatre usines locales de Columbia, en Caroline
du Sud. Les critères de sélection de la cohorte ont été décrits dans la première
analyse transversale. A l’origine, le groupe retenu comptait 692 personnes, mais
l’analyse a été restreinte à 646 sujets de race blanche, âgés d’au moins 45 ans en
1973. Ces personnes avaient travaillé en moyenne trente-cinq ans dans l’usine. Le
groupe témoin retenu pour l’analyse transversale était constitué de sujets de race
blanche d’au moins 45 ans, dans trois localités ayant fait l’objet d’une étude
transversale: Ansonia, Lebanon (Connecticut) et Winnsboro (Caroline du Sud). Malgré
les différences géographiques, socio-économiques ou autres, la fonction pulmonaire
dans cette population n’était pas différente de celle qui avait été mesurée chez
les travailleurs du textile affectés aux tâches les moins poussiéreuses. Aucune
variation de la fonction pulmonaire et des symptômes respiratoires n’étant apparue
dans les trois sous-populations témoins, seuls les sujets de Lebanon étudiés en
1972 et en 1978 ont été retenus comme témoins pour l’étude longitudinale effectuée
en 1973 et en 1979 chez les travailleurs du textile (Beck, Doyle et Schachter,
1981; Beck, Doyle et Schachter, 1982).
De nombreux auteurs ont soulevé la question du tabagisme qui peut laisser perplexe.
De nombreux travailleurs du textile étant des fumeurs de cigarettes, il a été
avancé que la broncho-pneumopathie chronique attribuée à l’exposition aux
poussières de textiles était en réalité largement imputable au tabagisme. Deux
réponses ont été apportées à cette question, sur la base des observations
effectuées chez les travailleurs de Columbia. Dans l’étude de Beck, Maunder et
Schachter (1984), une analyse de variance bifactorielle portant sur tous les
paramètres de la fonction respiratoire a démontré que les effets de la poussière de
coton et du tabagisme étaient uniquement additifs. En d’autres termes, la
détérioration quantitative de la fonction pulmonaire due à l’un des deux facteurs
(tabagisme ou exposition aux poussières) ne varie pas en fonction de la présence ou
de l’absence du second facteur. La détérioration de la capacité vitale et la
diminution du VEMS apparaissent quantitativement similaires (antécédents de
tabagisme de 56 paquets-année en moyenne, pour 35 ans de travail en usine). Dans
une étude de même type, Schachter et coll. (1989) ont montré que l’utilisation d’un
paramètre reflétant la courbe du débit expiratoire de pointe (l’angle bêta)
permettait de distinguer les profils d’anomalies fonctionnelles respiratoires dus
au tabagisme et aux poussières de coton. Ces travaux ont confirmé les conclusions
antérieures de Merchant.
La mortalité
Les études consacrées à l’effet sur la mortalité de l’exposition aux poussières de
coton n’ont pas démontré d’influence systématique. L’analyse des résultats publiés
à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle au Royaume-Uni semble mettre en
évidence une mortalité cardio-vasculaire accrue chez les travailleurs âgés dans
l’industrie textile (Schilling et Goodman, 1951). En revanche, l’examen des données
disponibles dans les localités de la Nouvelle-Angleterre où étaient implantées des
usines textiles à la fin du XIXe siècle n’a pas confirmé ce phénomène (Arlidge,
1892). De même, Henderson et Enterline (1973) ont abouti à des conclusions
négatives dans leur étude portant sur des travailleurs qui avaient été employés
dans des usines situées en Géorgie entre 1938 et 1951. Au contraire, Dubrow et Gute
(1988), qui ont conduit une étude sur des travailleurs du textile dans le Rhode
Island décédés entre 1968 et 1978, ont observé une augmentation significative du
taux de mortalité proportionnelle imputable aux pathologies respiratoires non
malignes. Ce phénomène était associé à une exposition accrue aux poussières puisque
le taux était plus élevé chez les travailleurs affectés au cardage, au doublage et
au peignage que chez les autres travailleurs du textile. Il faut souligner que,
dans cette étude comme dans d’autres (Dubrow et Gute, 1988; Merchant et Ortmeyer,
1981), la mortalité par cancer du poumon était faible. Cet argument a été mis en
avant pour affirmer que le tabagisme n’était pas une cause majeure de mortalité
dans ces groupes.
Des observations effectuées en Caroline du Sud semblent indiquer que les broncho-
pneumopathies chroniques sont une cause majeure de mortalité ou constituent, en
tout cas, un facteur prédisposant. En effet, chez les travailleurs qui sont décédés
entre 45 et 64 ans au cours d’une période de suivi de six ans, la fonction
pulmonaire mesurée d’après le VEMS résiduel (valeur observée par rapport à la
valeur théorique) s’était considérablement détériorée lors de l’étude initiale chez
les hommes non-fumeurs décédés au cours des six années de suivi (VEMS résiduel
moyen = 0,9 l) (Beck et coll., 1981). Il est fort possible que l’effet du travail
en usine sur la mortalité ait été masqué par un phénomène de sélection (effet du
travailleur en bonne santé). Enfin, Rooke (1981b) a estimé que, sur les 121 décès
observés en moyenne chaque année chez les travailleurs invalides, 39 étaient
imputables à la byssinose.
Le renforcement des contrôles et le recul de la maladie
Des études effectuées au Royaume-Uni et aux Etats-Unis semblent indiquer que la
prévalence ainsi que les formes de broncho-pneumopathie observées chez les
travailleurs du textile ont évolué grâce à l’application de normes plus strictes
sur la qualité de l’air dans les usines de ces pays. En 1996, Fishwick et coll. ont
rapporté les résultats d’une étude transversale portant sur 1 057 ouvriers
travaillant dans 11 filatures du Lancashire. Les examens ont porté sur 97% du
personnel dont la plupart (713) manipulaient du coton et les autres, des fibres
synthétiques. La byssinose n’a été confirmée que chez 3,5% des travailleurs, et la
bronchite chronique chez 5,3%. Le VEMS était cependant diminué chez les personnes
exposées à de fortes concentrations de poussières. Ces prévalences sont très
réduites par rapport à celles qui avaient été rapportées dans les premières
enquêtes effectuées dans ces mêmes établissements. Cette faible prévalence de la
byssinose et des cas de bronchite associés semble aller de pair avec les efforts
visant à réduire les concentrations de poussières au Royaume-Uni. Dans cette
population, la détérioration de la fonction pulmonaire s’explique à la fois par le
tabagisme et par l’exposition aux poussières de coton.
Aux Etats-Unis, Glindmeyer et coll. (1991, 1994) ont conduit une étude prospective
sur cinq ans dans 9 usines (6 usines de coton et 3 de fibres synthétiques), entre
1982 et 1987. Celle-ci a porté sur 1 817 travailleurs affectés exclusivement à la
fabrication de filés de coton, à l’encollage et au tissage ou à la fabrication de
textiles synthétiques. Dans l’ensemble, moins de 2% des travail-leurs présentaient
des symptômes de byssinose. Cependant, les travailleurs affectés aux opérations de
fabrication des filés présentaient une détérioration annuelle de la fonction
pulmonaire plus importante que les travailleurs chargés de l’encollage et du
tissage. Les premiers accusaient une détérioration en fonction de la dose absorbée,
en relation également avec la qualité du coton utilisé. Ces usines respectaient les
normes de l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational
Safety and Health Administration (OSHA)), avec des concentrations moyennes de
poussières de coton en suspension dans l’air (exemptes de coton-fibre) atteignant,
sur 8 heures, 196 µg/m3 pour la fabrication du fil et 455 µg/m3 pour l’encollage et
le tissage. Glindmeyer et coll. (1994), qui ont mis en relation les variations de
la fonction pulmonaire au cours de la semaine de travail (équivalent fonctionnel
objectif des symptômes de byssinose) et la détérioration de ce paramètre dans le
temps, ont montré que les premières annonçaient de façon significative l’évolution
longitudinale.
Les traumatismes dus aux mouvements répétés constituent un risque reconnu dans
l’industrie textile lorsqu’on a recours à des machines qui fonctionnent à vitesse
élevée (Thomas, 1991). Une description du syndrome du canal carpien (Forst et
Hryhorczuk, 1988) chez une couturière se servant d’une machine à coudre électrique
illustre la pathogénie de ce type d’affection. Une analyse des lésions des mains
chez les travailleurs de la laine dans le Yorkshire, traitées entre 1965 et 1984
par l’Unité régionale de chirurgie plastique, a montré une constance de l’incidence
annuelle de ces lésions, alors que les effectifs avaient été divisés par 5, ce qui
indique un risque accru dans cette population (Myles et Roberts, 1985).
Une toxicité hépatique a été rapportée par Redlich et coll. (1988) chez des
travailleurs du textile exposés au diméthylformamide, utilisé comme solvant dans
une usine de traitement de tissus. Cette toxicité a été reconnue lors d’une
«épidémie» d’hépatopathies dans un établissement de New Haven (Connecticut) qui
produit des tissus enduits de polyuréthane.
Enfin, des cas de stérilité ont été décrits chez des hommes et des femmes à la
suite d’une exposition à diverses substances présentes dans l’industrie textile
(Rachootin et Olsen, 1983; Buiatti et coll., 1984).
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L’industrie textile
Le terme industrie textile (du latin texere , tisser) s’appliquait à l’origine au
tissage d’étoffes à partir de fibres, mais il recouvre aujourd’hui toute une série
d’autres procédés tels que le tricotage, le tuftage (ou touffetage) et le feutrage,
pour n’en citer que quelques-uns. Ce terme s’étend même à la fabrication de filés
ou de non-tissés à partir de fibres naturelles ou synthétiques, ainsi qu’au
finissage et à la teinture des étoffes.
La production de filés
A l’époque préhistorique, on utilisait des poils d’animaux, des plantes et des
graines pour fabriquer des fibres. La soie a été introduite en Chine vers 2600
avant J.-C. et les premières fibres synthétiques ont été mises au point au milieu
du XVIIIe siècle. Les fibres synthétiques fabriquées à partir de cellulose ou de
produits pétrochimiques sont de plus en plus utilisées, seules ou en mélange avec
d’autres fibres synthétiques ou naturelles, mais elles n’ont jamais remplacé
totalement les fibres naturelles telles que la laine, le coton, le lin et la soie.
La soie est la seule fibre naturelle formée de filaments qu’il est possible de
réunir et de transformer en fil par torsion. Les autres fibres naturelles doivent
être préalablement étirées et alignées parallèlement par peignage, puis
transformées en un fil continu par filage. Le fuseau est le premier outil utilisé
pour filer. Il a été mécanisé en Europe vers l’an 1400 grâce à l’invention du
rouet. C’est à la fin du XVIIe siècle qu’est apparue la machine à filer qui
permettait de faire fonctionner simultanément plusieurs fuseaux. Avec le métier à
filer inventé en 1769 par Richard Arkwright et le métier renvideur de Samuel
Crompton, qui permettait de faire fonctionner un millier de broches à la fois, la
filature est passée du stade artisanal à l’ère industrielle.
La teinture et l’impression
A l’origine, on utilisait des colorants naturels pour teindre les fils et les
tissus, mais ces procédés se sont compliqués au XIXe siècle avec la découverte des
colorants dérivés des goudrons de houille, puis avec la mise au point des fibres
synthétiques au XXe siècle. Au début, l’impression à la planche servait à teindre
les tissus (la sérigraphie a été mise au point pour cette application vers le
milieu du XIXe siècle), mais elle a été rapidement remplacée par l’impression au
rouleau. Des rouleaux en cuivre gravé ont été utilisés pour la première fois en
Angleterre en 1785. Des améliorations rapides ont permis d’imprimer, grâce à ce
procédé, en six couleurs différentes, parfaitement transférées. Avec les techniques
modernes, on peut imprimer 180 m de tissu par minute en 16 couleurs ou davantage.
Le finissage
Jadis, le finissage des tissus passait par le brossage ou le tondage, l’apprêtage
ou l’encollage, ou encore le calandrage pour obtenir un effet brillant.
Aujourd’hui, les tissus sont rétrécis, mercerisés (les fils et les tissus de coton
sont traités par des solutions caustiques pour les renforcer et les faire briller)
et soumis à toute une série de traitements destinés à améliorer entre autres la
résistance au froissement, à l’eau, au feu et aux moisissures ou encore la tenue
des plis.
De l’artisanat à l’industrie
La fabrication des textiles était initialement un art manuel pratiqué soit par des
fileurs et des tisseurs qui travaillaient à domicile, soit par de petites équipes
d’artisans qualifiés. Les progrès techniques ont fait naître de grandes entreprises
textiles économiquement très importantes, principalement au Royaume-Uni et dans les
pays d’Europe occidentale. Les premiers immigrants installés en Amérique du Nord
ont implanté des fabriques de tissus en Nouvelle-Angleterre (Samuel Slater, qui
avait dirigé une usine textile en Angleterre, a construit de mémoire un métier à
filer à Providence, Rhode Island, en 1790). L’invention de l’égreneuse par Eli
Whitney, qui permettait de nettoyer très rapidement le coton récolté, a entraîné un
accroissement de la demande en tissus de coton.
Ainsi, les progrès techniques accomplis au cours des XVIIIe et XIXe siècles n’ont
pas seulement donné le coup d’envoi à l’industrie textile moderne, mais ont été à
l’origine de la révolution industrielle et de mutations familiales et sociales
profondes. De nouveaux changements ont lieu aujourd’hui, puisque les grosses
entreprises textiles se déplacent vers de nouvelles régions qui offrent une main-
d’œuvre et des sources d’énergie moins onéreuses, tandis que la bataille de la
concurrence suscite des développements techniques incessants tels que la production
assistée par ordinateur (PAO) qui permet de réduire les effectifs et d’améliorer la
qualité. Les politiciens, quant à eux, négocient des quotas et des tarifs, ou
mettent en place des barrières économiques pour obtenir ou conserver des avantages
concurrentiels pour leur pays. Ainsi, l’industrie textile fournit des produits
essentiels à une population mondiale en pleine expansion, tout en exerçant une
influence profonde sur le commerce international et l’économie des nations.
Les risques liés aux différents secteurs de cette branche sont exposés dans les
articles du présent chapitre qui soulignent l’importance des facteurs suivants:
entretien des locaux et des machines; installation de systèmes de protection et de
dispositifs de sécurité efficaces pour éviter tout contact avec les pièces en
mouvement; mise en place d’une ventilation par aspiration localisée en complément
d’un bon système général de ventilation et de régulation de la température; enfin,
fourniture d’équipements et de vêtements de protection individuelle lorsqu’un
risque ne peut être totalement maîtrisé ou supprimé par la conception initiale, par
la prévention collective ou par l’utilisation de substances moins dangereuses. Les
auteurs insistent tous sur la nécessité d’informer et de former sans relâche le
personnel à tous les niveaux et sur l’importance de la surveillance.
La contamination des eaux usées par les colorants non fixés pose un problème
d’environnement grave, non seulement en raison des risques potentiels pour la santé
de l’être humain et des animaux, mais aussi en raison de la forte visibilité des
colorations produites. Dans les opérations de teinture ordinaire, on peut obtenir
une fixation de plus de 90%, mais ce taux tombe à 60%, voire moins, lorsqu’on se
sert de colorants réactifs. En d’autres termes, plus d’un tiers de la teinture
passe dans les eaux usées lors du dégommage du tissu imprimé, sans compter les
quantités dues au lavage des cadres, des pochoirs et des tambours.
Un certain nombre de pays ont fixé des limites portant sur la coloration des eaux
usées, mais il est souvent extrêmement difficile de les respecter sans installer un
système d’épuration très coûteux. Entre autres solutions, on utilise des teintures
dont l’effet contaminant est moindre et on tente de mettre au point des colorants
et des épaississants de synthèse qui augmentent le degré de fixation des teintures
et réduisent les excédents à éliminer par lavage (Grund, 1995).
Le formaldéhyde et les solvants résiduels se trouvant dans les tapis et les tissus
servant pour l’ameublement et les rideaux continuent de se vaporiser
progressivement pendant un certain temps. Dans les immeubles très bien isolés, où
le système d’air conditionné recycle la plus grande partie de l’air au lieu de
l’évacuer à l’extérieur, ces substances peuvent atteindre des concentrations
suffisantes pour produire des symptômes chez les occupants, comme mentionné dans le
chapitre no 13, «Les troubles systémiques», de l’Encyclopédie.
Année
Australie
Chine
Corée, République de
Hong-kong
Inde
Indonésie
Malaisie
Nouvelle-Zélande
Pakistan
Entreprises
1985
1995
2 535
4 503
45 500
47 412
12 310
14 262
13 114
6 808
13 435
13 508
1 929
2 182
376
238
2 803
2 547
1 357
1 452
Salariés (x103)
1985
1995
96
88
4 396
9 170
684
510
375
139
1 753
1 675
432
912
58
76
31
21
n.d.
n.d.
La production de coton
Les pratiques culturales du coton commencent après la cueillette précédente. Les
premières opérations consistent en principe à broyer les tiges, à arracher les
racines et à briser les mottes au pulvérisateur à disques. Des engrais et des
herbicides sont généralement appliqués et incorporés dans le sol avant que la terre
soit préparée pour l’irrigation ou l’ensemencement. Etant donné que les
caractéristiques du sol, les engrais utilisés antérieurement et les méthodes de
cueillette peuvent donner lieu à des degrés de fertilité très différents, les
programmes de fertilisation doivent être fondés sur des analyses pédologiques. La
lutte contre les plantes adventices est indispensable pour obtenir un rendement
élevé en coton égrené et une qualité satisfaisante: en effet, le rendement et
l’efficacité de la récolte peuvent chuter de 30% en présence de mauvaises herbes.
Les herbicides ont été largement utilisés dans de nombreux pays depuis le début des
années soixante. Parmi les méthodes auxquelles on recourt, il faut citer
l’application d’herbicides sur le feuillage des plantes adventices avant les semis,
l’intégration dans le sol à ce même stade et le traitement avant et après
l’émergence de la plantule.
Plusieurs facteurs jouent un rôle important pour obtenir des plants de qualité: la
préparation des sillons, l’humidité et la température du sol, la qualité des
semences, les maladies des plantules, l’emploi de fongicides et la salinité du sol.
L’utilisation de semences de bonne qualité mises en terre dans des sillons bien
préparés est un facteur clé pour obtenir des plants précoces, uniformes et
vigoureux. Les bonnes semences devraient avoir un taux de germination d’au moins
50% dans un test à froid. Dans un test froid/chaud, l’indice de vigueur de la
semence devrait être d’au moins 140. Il est recommandé de semer 12 à 18 graines par
mètre sur chaque rangée pour obtenir de 14 000 à 20 000 plants par hectare. Un
semoir à mécanisme de dosage approprié devrait être utilisé pour assurer un
espacement uniforme des graines, quelle que soit leur taille. Les taux de
germination et d’émergence sont étroitement liés dans une fourchette de température
allant de 15 à 38 °C.
Un programme de défoliation bien conduit réduit les débris végétaux qui peuvent
altérer la qualité du coton récolté. Les régulateurs de croissance chimiques sont
des défoliants utiles, car ils permettent de maîtriser la croissance végétative et
contribuent à une fructification plus précoce.
La récolte
Deux types d’équipements mécaniques sont utilisés pour la cueil-lette du coton: la
récolteuse à broches et l’écapsuleuse de coton . La récolteuse à broches est une
machine de type sélectif qui utilise des broches coniques et barbelées pour
extraire la fibre de la graine. Cette cueilleuse peut être employée plusieurs fois
sur une plantation pour obtenir des récoltes stratifiées. L’écapsuleuse de coton
est, en revanche, une cueilleuse non sélective à passage unique qui récolte non
seulement les capsules bien ouvertes, mais aussi celles qui sont craquelées et
fermées, ainsi que les débris de capsules et autres corps étrangers.
Les pratiques agronomiques qui visent à obtenir une culture uniforme et de bonne
qualité contribuent généralement à l’efficacité de la récolte. Le champ devrait
être correctement drainé et les rangées tracées de manière à faciliter le passage
des machines. L’extrémité des rangées devrait être libre de plantes adventices, et
une bordure de 7,6 à 9 m devrait être ménagée autour du champ pour permettre les
manœuvres et l’alignement des cueilleuses sur les rangées. Cette bordure devrait
être débarrassée des mauvaises herbes. La pulvérisation des mottes est déconseillée
par temps pluvieux; il est préférable de détruire les mauvaises herbes par des
produits chimiques ou par la tonte. La hauteur des plants ne devrait pas dépasser
1,20 m environ pour le coton cueilli par récolteuse à broches, et 9 cm pour le
coton récolté par écapsuleuse. La hauteur des plants peut être contrôlée dans une
certaine mesure à l’aide de régulateurs de croissance chimique utilisés au moment
opportun. Il est préférable que la capsule inférieure se trouve à 10 cm du sol au
moins. Les activités culturales — fertilisation, travail du sol et irrigation —
pendant la croissance devraient être conduites avec soin pour obtenir une récolte
régulière de coton bien développé.
La défoliation chimique est une pratique qui induit la chute du feuillage. Des
défoliants peuvent être employés pour minimiser la contamination par les débris de
feuilles vertes et favoriser le séchage rapide de la rosée matinale sur le duvet.
Toutefois, les défoliants ne devraient pas être utilisés avant l’ouverture d’au
moins 60% des capsules. La récolte ne devrait être effectuée que sept à quatorze
jours après l’application d’un défoliant (ce délai varie en fonction des produits
chimiques choisis et des conditions météorologiques). Des agents de dessiccation
chimique peuvent aussi être employés pour préparer la récolte. La dessiccation
provoque une perte rapide de l’eau contenue dans le tissu végétal et entraîne la
mort de celui-ci; les feuilles mortes qui en résultent restent attachées à la
plante.
Le stockage
La teneur en humidité du coton avant et pendant le stockage est un facteur
critique. Une humidité excessive induit une surchauffe du coton stocké, ce qui
entraîne un changement de couleur du coton-fibre, une germination plus faible des
graines, voire une combustion spontanée. Le coton-graine ayant une teneur en
humidité supérieure à 12% ne devrait pas être stocké. La température intérieure des
bâtiments nouvellement construits devrait aussi être surveillée pendant les cinq à
sept premiers jours du stockage. Si la température s’élève de 11 °C ou dépasse 49
°C, il convient de procéder à un égrenage immédiat pour éviter les risques de
pertes importantes.
Plusieurs facteurs influent sur la qualité des graines et des fibres au cours du
stockage du coton-graine. La teneur en humidité est le principal d’entre eux. Parmi
les autres paramètres, il faut citer la durée du stockage, la quantité de corps
étrangers très humides, la variation de la teneur en humidité à l’intérieur de la
masse stockée, la température initiale du coton-graine, la température de celui-ci
au cours du stockage, les conditions météorologiques pendant cette période
(température, humidité relative et précipitations), ainsi que la protection du
coton contre la pluie et l’humidité du sol. Le jaunissement est accéléré lorsque
les températures sont élevées. Les montées en température et les températures
maximales sont deux facteurs importants (la hausse de la température est
directement liée à la chaleur générée par l’activité biologique).
L’égrenage
Environ 80 millions de balles de coton sont produites chaque année dans le monde;
20 millions d’entre elles passent par les quelque 1 300 égreneuses se trouvant aux
Etats-Unis. La principale fonction de l’égreneuse est de séparer la fibre des
graines, mais cette machine doit aussi éliminer une grande partie des corps
étrangers, faute de quoi la valeur du coton-fibre serait considérablement réduite.
Une égreneuse doit: 1) produire un coton-fibre de qualité satisfaisante pour le
marché; et 2) égrener le coton en portant le moins possible atteinte à la qualité
de filage des fibres afin que le coton réponde à la demande des utilisateurs
finaux, le filateur et le consommateur. La préservation de la qualité au cours de
cette opération impose donc un choix et un fonctionnement appropriés de chaque
machine du système d’égrenage. La manipulation et le séchage mécaniques peuvent
modifier les caractéristiques qualitatives naturelles du coton. Au mieux,
l’égreneuse préserve les caractéristiques qualitatives inhérentes au coton qu’elle
reçoit. Dans les paragraphes qui suivent, nous examinerons brièvement le rôle des
principales machines et opérations d’égrenage.
Au début du séchage, l’air chaud fait circuler le coton sur des clayettes pendant
dix à quinze secondes. La température de l’air est réglée en fonction du degré de
séchage souhaité. Afin de ne pas endommager les fibres, la température ne devrait
jamais dépasser 177 °C au cours d’une opération normale. Des températures
supérieures à 150 °C peuvent entraîner une modification physique permanente des
fibres de coton. Des capteurs de température devraient être placés aussi près que
possible du point de rencontre entre le coton et l’air chaud. Si le capteur est
situé près de la sortie de la tour de séchage, la température au point de rencontre
peut excéder de 55 à 110 °C celle qui est enregistrée par le capteur d’aval. La
chute de température en aval résulte de l’évaporation et de la perte de chaleur au
travers des parois des machines et des tuyauteries. Le séchage se poursuit alors
que l’air chaud véhicule le coton-graine vers l’épurateur à cylindres, constitué de
six à sept cylindres rotatifs garnis de pointes qui tournent à 400-500 tours/min.
Ces cylindres frottent le coton sur une série de grilles à barreaux ou de tamis, le
secouent et entraînent l’évacuation, par les orifices prévus à cet effet, des corps
étrangers de petite taille tels que feuilles, débris et impuretés. Les épurateurs à
cylindres séparent le coton en gros tampons et le préparent aux opérations
d’épuration et de séchage ultérieures. Il est fréquent d’enregistrer à ce niveau
des vitesses de traitement d’environ six balles par heure et par mètre linéaire de
cylindre.
L’arracheuse extrait les corps étrangers les plus gros tels que les débris de
capsules et les brindilles. Cette machine utilise la force centrifuge créée par des
cylindres à scies qui tournent à 300-400 tours/min, ce qui rejette les corps
étrangers alors que la fibre est retenue par les scies. Les corps étrangers
éliminés sont introduits dans un système de traitement des débris. Les vitesses de
traitement atteignent fréquemment 4,9 à 6,6 balles par heure et par mètre linéaire
de cylindre.
L’égrenage (séparation des fibres de la graine)
Après un nouveau cycle de séchage et d’épuration par cylindres, le coton est amené
à chaque égreneuse par un transporteur-distributeur. Situé au-dessus de
l’égreneuse, l’extracteur-chargeur apporte une quantité donnée de coton, selon un
rythme régulier, tout en effectuant également une opération d’épuration. La teneur
en humidité de la fibre de coton au niveau du tablier de l’extracteur-chargeur est
décisive et doit être suffisamment basse pour que l’égreneuse puisse facilement
éliminer les corps étrangers. Elle ne devrait cependant pas tomber au-dessous de
5%, car il en résulterait une rupture des fibres au moment de la séparation des
graines et, par conséquent, une réduction notable de la longueur des fibres et du
rendement à l’égrenage. Du point de vue qualitatif, une teneur élevée en fibres
courtes augmente le volume des déchets lors de la fabrication des textiles, ce qui
n’est pas souhaitable. Les ruptures excessives de fibres peuvent être évitées en
maintenant une teneur en humidité de 6 à 7% au niveau du tablier de l’extracteur-
chargeur.
Les égreneuses à cylindres ont été les premiers outils mécaniques utilisés pour
séparer les fibres de coton à soies extralongues (Gossypium barbadense) de leurs
graines. L’égreneuse de Churka, d’origine inconnue, était composée de deux
cylindres qui tournaient ensemble à la même vitesse circonférencielle, arrachant la
fibre de la graine par pinçage et produisant environ 1 kg de coton-fibre par jour.
En 1840, Fones McCarthy mit au point une égreneuse plus efficace composée d’un
rouleau garni de cuir, d’un couteau fixe plaqué contre le rouleau et d’un couteau à
mouvement alternatif qui arrachait la graine de la fibre, maintenue par le rouleau
et le couteau fixe. A la fin des années cinquante, une égreneuse à rouleaux et à
couteaux rotatifs a été mise au point aux Etats-Unis par le laboratoire de
recherche sur l’égrenage du coton pour la région du sud-ouest, rattaché au service
de recherche agricole du ministère de l’Agriculture, en collaboration avec des
constructeurs d’égreneuses et des ateliers d’égrenage privés. Cette machine est la
seule égreneuse à rouleaux actuellement employée aux Etats-Unis.
La mise en balles
Le coton épuré est compressé en balles qui doivent être recouvertes pour les
protéger de toute salissure au cours du transport et du stockage. Trois types de
balles sont produits: balles plates modifiées, balles à densité universelle de
compression et balles à densité universelle d’égrenage. Ces balles sont pressées à
des densités de 224 et de 449 kg/m3 pour les balles plates modifiées et pour les
balles à densité universelle, respectivement. Dans la plupart des égreneuses, le
coton est pressé dans une presse double dans laquelle le coton-fibre est tout
d’abord comprimé par un mécanisme mécanique ou hydraulique. La presse est alors
mise en rotation et la compression du coton-fibre est portée à 320 ou 641 kg/m3
avec des presses pour balles plates modifiées ou des presses pour balles à densité
universelle d’égrenage, respectivement. Les balles plates modifiées sont
recomprimées pour être transformées en balles à densité universelle de compression,
afin de réduire les coûts de fret. En 1995, environ 98% des balles préparées aux
Etats-Unis étaient des balles à densité universelle d’égrenage.
Des recommandations ont été formulées sur la séquence et le nombre des machines
d’égrenage permettant de sécher et d’épurer le coton cueilli par des récolteuses à
broches, afin d’obtenir des balles de valeur satisfaisante et de préserver la
qualité naturelle du coton. Ces recommandations ont généralement été suivies et
sont donc reconnues depuis plusieurs décennies par l’industrie cotonnière des
Etats-Unis. Elles prévoient des systèmes de primes et d’escomptes pour la
commercialisation et tiennent compte de l’efficacité de l’épuration et de
l’endommagement des fibres caractérisant les différentes égreneuses. Ces
recommandations doivent être adaptées si la récolte a été effectuée dans des
conditions particulières.
La fabrication des filés comprend une série d’opérations qui transforment les
fibres de coton brut en fil se prêtant à la fabrication de produits finis. Ces
opérations sont nécessaires pour obtenir les filés propres, solides et uniformes
requis par les marchés d’aujourd’hui. A partir d’un paquet de fibres emmêlées et
fortement compressées extrait des balles de coton et contenant de nombreux corps
étrangers et de fibres inutilisables (matières diverses, débris végétaux,
impuretés, etc.) en quantités variables, les opérations continues d’ouverture, de
mélangeage, d’épuration, de cardage, d’étirage, de passage au banc à broches et de
filage ont pour objet de transformer les fibres en fil.
La filature
L’ouverture, le mélangeage et l’épuration
En principe, les ateliers de filature procèdent à des mélanges de balles présentant
les propriétés nécessaires pour produire un fil destiné à une utilisation
spécifique. Le nombre de balles employées dans chaque mélange par les différents
établissements peut aller de 6 ou 12 à plus de 50. Le traitement débute par le
transfert des balles à mélanger vers l’atelier d’ouverture des fibres, où les
emballages et les cercles sont enlevés. Les couches de coton sont retirées
manuellement des balles et placées dans des chargeuses munies de bandes
transporteuses garnies de dents. Dans d’autres systèmes, des balles entières sont
placées sur des plates-formes qui leur impriment un mouvement de va-et-vient au-
dessous ou au-dessus d’un mécanisme d’arrachage. L’objectif est de transformer les
couches compactes des balles en petites touffes légères et duveteuses pour
faciliter l’élimination des corps étrangers. Etant donné que les balles sont
livrées en différentes densités, les cercles sont souvent coupés vingt-quatre
heures avant le traitement afin de les briser plus facilement. Cette précaution
facilite l’ouverture et contribue à régulariser la vitesse de chargement. Les
ouvreuses assurent les fonctions d’ouverture et d’épuration initiale.
Le cardage et le peignage
La carde est la machine la plus importante dans la fabrication des filés. Dans
presque toutes les usines textiles, elle assure la deuxième et la dernière
opération d’épuration. Elle est composée d’un système de trois cylindres rotatifs
garnis de fines pointes métalliques inclinées et d’une série de barres plates,
également munies de pointes métalliques, qui transforment successivement les petits
agglomérats et les petites touffes en fibres bien séparées et ouvertes, éliminent
un très gros pourcentage de débris et de corps étrangers, recueillent les fibres
sous forme d’un ruban qui est soigneusement lové dans un pot pour les opérations
ultérieures (voir figure 89.4).
Jadis, le coton était amené à la carde sous la forme d’une bande formée sur un
batteur-nappeur constitué de rouleaux d’alimentation, de batteurs et d’un ensemble
de tamis cylindriques sur lesquels les touffes de coton ouvertes étaient
recueillies et roulées en nappe (voir figure 89.5). La nappe était retirée des
tamis en une couche plate et régulière, puis enroulée en bande. Cependant, la
nombreuse main-d’œuvre requise et l’existence de systèmes automatiques de
manutention susceptibles d’améliorer la qualité ont contribué à l’obsolescence du
batteur-nappeur.
Le filage
Le filage est l’étape la plus coûteuse de la transformation des fibres de coton en
fil. Il comprend la préparation et le filage proprement dit (appelé aussi
filature). Actuellement, plus de 85% du fil produit dans le monde l’est avec des
continus à filer à anneaux: ces métiers sont conçus pour transformer la mèche en
fil du calibre (ou numéro) voulu et à lui imprimer la torsion souhaitée, cette
dernière étant proportionnelle à la résistance. Le rapport entre la longueur
initiale et la longueur finale est de l’ordre de 10 à 50. Les bobines de mèches
sont placées sur des supports qui leur permettent de passer librement dans le
cylindre d’étirage du continu à filer à anneaux. Après étirage, le fil traverse un
guide, puis un curseur avant de passer sur la bobine de fil. La broche
d’entraînement de cette bobine tourne à grande vitesse, ce qui fait gonfler le fil
à mesure qu’elle lui imprime une torsion. Les fils se trouvant sur les bobines sont
trop courts pour être utilisés lors des opérations ultérieures; ils sont transférés
vers des pots tournants et amenés à l’opération suivante (bobinage ou renvidage).
Dans la production de fils plus lourds ou plus grossiers, le filage à anneaux est
aujourd’hui remplacé par le procédé dit à fibres libérées, dit aussi «open-end» (à
bouts ouverts). Un ruban de fibres est amené dans une turbine tournant à vitesse
très élevée, dans laquelle la force centrifuge transforme les fibres en fil. La
bobine n’est pas utile dans ce procédé, et le fil est mis en place sur le support
voulu lors de l’opération suivante.
Le renvidage et le bobinage
Après le filage, le fil doit être présenté en fonction de l’utilisation prévue —
tissage ou tricotage. Le renvidage, le bobinage, la torsion et l’enroulement du fil
sur canettes sont considérés comme des étapes préparatoires au tissage et au
tricotage. En principe, les produits bobinés seront utilisés comme fils de chaîne
(fils passant dans le sens de la longueur d’un tissu) et les produits renvidés
serviront de fils de trame (fils passant dans le sens de la largeur d’un tissu), ou
duites. Les produits de la filature à fibres libérées court-circuitent ces étapes
et sont directement emballés en tant que fils de trame ou fils de chaîne. Le
retordage consiste à tordre ensemble deux fils ou plus avant les autres opérations
afin d’obtenir un fil retors d’une grosseur double, voire triple ou quadruple,
nettement plus solide qu’un fil simple de la même grosseur. Dans l’enroulement du
fil sur canettes, le fil est disposé sur des bobines suffisamment petites pour
tenir à l’intérieur de la navette d’un métier à boîtes multiples. Cette opération a
parfois lieu sur le métier lui-même (voir plus loin dans ce chapitre l’article «Le
tissage et le tricotage»).
La sécurité et la santé
Les machines
Tous les types de machines servant à fabriquer les textiles de coton peuvent
provoquer des accidents, bien que la fréquence de ceux-ci ne soit pas très élevée.
La mise en place d’une protection efficace sur les innombrables pièces en mouvement
pose de multiples problèmes et requiert une attention constante. La formation des
opérateurs à des pratiques de travail sûres est également essentielle. Elle permet
notamment d’éviter de réparer une machine en marche, ce qui est à l’origine de
nombreux accidents. Chaque élément de machine peut avoir une source motrice
d’énergie (électrique, mécanique, pneumatique, hydraulique, inertielle, etc.) qu’il
importe de couper avant de procéder à une réparation ou à une opération
d’entretien. Les sources d’énergie devraient être clairement identifiées dans
chaque atelier; l’équipement nécessaire devrait se trouver sur place et le
personnel devrait savoir que les sources d’énergie dangereuses doivent
systématiquement être déconnectées avant toute intervention sur les machines. Des
inspections régulières devraient être effectuées pour s’assurer que les procédures
d’arrêt sont respectées et correctement appliquées.
Le bruit
Le bruit peut poser des problèmes lors de certaines opérations de fabrication des
filés. Dans les usines modernes, il est généralement inférieur à 90 dBA, ce qui
correspond à la norme en vigueur aux Etats-Unis. Dans bien des pays, la limite est
plus sévère. Grâce aux efforts des constructeurs de machines et des spécialistes de
la question, les niveaux de bruit continuent de diminuer en dépit de l’augmentation
des vitesses. La solution consiste à fabriquer des machines plus silencieuses. Aux
Etats-Unis, un programme de protection de l’ouïe est obligatoire dans les
entreprises où le niveau sonore dépasse 85 dBA, ce qui implique la surveillance du
bruit, des tests audiométriques et la fourniture de dispositifs de protection pour
le personnel lorsque le bruit ne peut être ramené au-dessous de 90 dBA.
La chaleur
Etant donné que les opérations de filage requièrent parfois des températures
élevées et une humidification artificielle de l’air, une surveillance attentive est
dans tous les cas indispensable pour garantir le respect des limites maximales
admissibles. Des systèmes d’air conditionné bien conçus et correctement entretenus
tendent de plus en plus à remplacer les méthodes plus archaïques de régulation
thermique et hygrométrique.
L’INDUSTRIE LAINIÈRE
D.A. Hargrave*
Les origines de l’industrie lainière se perdent dans la nuit des temps. Nos
lointains ancêtres n’ont pas eu de peine à domestiquer le mouton, qui a grandement
contribué à satisfaire leurs besoins essentiels en matière alimentaire et
vestimentaire. Dans les sociétés primitives, on frottait les unes contre les autres
les fibres prélevées sur l’animal pour en faire un fil et, partant de ce principe
initial, les procédés de filage ont gagné en complexité. L’industrie lainière a
joué un rôle de pionnier dans la mise au point et l’adaptation de procédés
mécanisés et a été l’une des premières à industrialiser sa production.
La filature
Il existe deux procédés de filage distincts, selon qu’on entend obtenir des fils
cardés ou des fils peignés. Les machines se ressemblent sur bien des points, mais
les produits recherchés sont différents. En principe, on prend pour les peignés des
laines à brins plus longs qu’on maintient parallèles lors du cardage, du
défeutrage, du boudinage et du peignage, les brins courts étant rejetés. On obtient
ainsi un filé fin et résistant qui donne, par tissage, une étoffe légère, d’aspect
lisse et de bonne tenue, comme celle qu’on utilise pour les costumes d’homme. Pour
les cardés, le but est d’entremêler et d’entrelacer les fibres pour obtenir un filé
doux et aéré qui donne, par tissage, une étoffe pleine et gonflante, à surface
laineuse (tweeds, couvertures et tissus lourds pour pardessus). L’uniformité des
brins n’étant pas nécessaire pour les cardés, le filateur peut mélanger de la laine
vierge à des brins courts rejetés lors de la production des peignés, à des laines
d’effilochage récupérées par destruction de vieux vêtements, etc. Le «shoddy» est
tiré de déchets souples, et le «mungo» de déchets serrés.
Il faut garder à l’esprit que ces opérations sont fort complexes et que l’état et
le type de la matière première utilisée, ainsi que les spécifications du produit
fini, influencent à chaque stade les opérations et leur séquence. Ainsi, on peut
teindre la laine avant le filage, en filés, en fin de fabrication, ou encore à
l’état de pièce tissée. Les opérations peuvent être effectuées dans différentes
usines.
La sécurité générale
L’accent a été mis sur les dangers qui surviennent plus particulièrement dans
l’industrie lainière, mais il faut souligner que la plupart des accidents se
produisent dans des circonstances que l’on retrouve dans toutes les branches
d’activité (chutes de personnes ou d’objets, manutentions, utilisation d’outils à
main, etc.) et que les principes généraux de sécurité s’appliquent à l’industrie
lainière comme à la plupart des autres industries.
Les poussières
De même que les poussières générées par les opérations de préparation risquent de
véhiculer les spores du bacille charbonneux, de nombreuses machines (effilocheuses
et cardeuses, notamment) produisent des poussières en quantités suffisantes pour
causer une irritation des muqueuses respiratoires. Ces poussières devraient donc
être éliminées grâce à un système efficace de ventilation par aspiration localisée.
Le bruit
Les filatures de laine sont souvent des endroits très bruyants en raison du grand
nombre de pièces en mouvement, notamment dans les métiers à tisser. Une
lubrification correcte atténue le bruit, mais elle ne dispense pas d’envisager la
mise en place de dispositifs antibruit et de réfléchir à d’autres solutions. La
prévention des pertes auditives d’origine professionnelle passe en grande partie
par l’utilisation de dispositifs de protection (coquilles, bouchons d’oreille). Il
est indispensable d’informer le personnel sur leur utilisation correcte et de
vérifier l’emploi qui en est fait. Un programme de protection de l’ouïe comportant
des audiogrammes périodiques est obligatoire dans de nombreux pays. Lorsque les
machines sont remplacées ou réparées, il convient d’adopter des mesures de nature à
réduire le bruit.
Le stress professionnel
Le stress professionnel, avec les effets qu’il exerce sur la santé et le bien-être
des travailleurs, est un problème réel dans l’industrie lainière. Etant donné que
de nombreuses usines fonctionnent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, le recours
au travail posté est souvent nécessaire. Pour satisfaire aux exigences de la
production, les chaînes fonctionnent en continu, de sorte que les travailleurs sont
«attachés» à une ou à plusieurs machines et doivent attendre un remplaçant pour se
rendre aux toilettes ou se reposer. Le bruit ambiant, le port de coquilles ou de
bouchons d’oreille et les tâches de routine fortement répétitives ont pour effet
d’isoler les opérateurs et d’entraver la communication, ce qui est souvent ressenti
comme stressant. La qualité de la surveillance et l’existence d’espaces de détente
sur les lieux de travail ont une grande influence sur les niveaux de stress
professionnel.
Conclusion
Si les grandes entreprises modernes sont en mesure d’investir dans les nouvelles
réalisations techniques, de nombreuses usines plus anciennes ou plus petites
continuent de fonctionner avec des machines obsolètes. Les impératifs économiques
tendent à réduire l’attention portée à la sécurité et à la santé du personnel. Dans
de nombreuses régions développées, les industriels abandonnent souvent leurs usines
au profit de nouvelles installations construites dans des pays en développement,
plus spécialement dans celles où la main-d’œuvre est bon marché et où les
réglementations en matière de sécurité et de santé sont inexistantes ou
généralement ignorées. Des investissements raisonnables en faveur de la santé et du
bien-être des travailleurs peuvent apporter des bénéfices non négligeables aux
entreprises comme aux salariés de l’industrie lainière, caractérisée par sa forte
intensité de main-d’œuvre.
L’INDUSTRIE DE LA SOIE
J. Kubota *
La soie est une fibre lustrée, résistante et élastique, produite par le ver à soie,
larve du bombyx; le même terme s’applique aussi au fil et au tissu faits de cette
fibre. Selon la tradition, l’industrie de la soie est née en Chine en 2640 avant
J.-C. Vers le IIIe siècle de notre ère, le ver à soie et son produit ont pénétré au
Japon en passant par la Corée, puis un peu plus tard en Inde. De là, la production
de la soie s’est lentement étendue vers l’ouest, à l’Europe et au Nouveau Monde.
Le processus de production comprend une séquence d’opérations qui ne sont pas
nécessairement effectuées dans la même entreprise ou le même établissement,
notamment:
Les dermatoses
Le mal des bassines . Une dermite des mains a été observée très fréquemment,
surtout au Japon, chez les femmes qui dévidaient la soie. On a signalé que le taux
de morbidité par mal des bassines était de 30 à 50% chez les personnes employées au
dévidage pendant les années vingt, et que 14% d’entre elles devaient s’arrêter de
travailler en moyenne trois jours par an. Les lésions cutanées, localisées surtout
aux doigts, aux poignets et sur les avant-bras, se caractérisaient par un érythème
sous forme de petites vésicules devenant chroniques, pustuleuses ou eczémateuses et
extrêmement douloureuses. On attribuait généralement cette affection aux produits
de décomposition des chrysalides mortes et à un parasite du cocon. Plus récemment,
des observations faites au Japon ont montré qu’elle est probablement due à la
température du bain de dévidage. Jusqu’en 1960, l’eau y était pratiquement toujours
maintenue à 65 °C; toutefois, depuis l’introduction des nouvelles installations
assurant une température comprise entre 30 et 45 °C, aucun cas de lésion cutanée
typique du dévidage n’a été signalé chez les travailleurs chargés de cette
opération.
Des accès d’insuffisance respiratoire aiguë ont également été rapportés chez des
travailleurs chargés du bobinage ou de l’alimentation d’un métier à filer ou d’une
bobineuse. Selon la vitesse de la machine, la substance protéique qui entoure le
filament de soie peut se transformer en aérosol qui, s’il est inhalable, provoque
une réaction pulmonaire très similaire à celle de la byssinose.
Le bruit
L’exposition au bruit peut atteindre un stade dommageable pour les personnes qui
travaillent sur des machines de filage ou de bobinage des fils de soie ou dans les
ateliers de tissage. Une lubrification appropriée des machines et la mise en place
de dispositifs antibruit peuvent réduire partiellement le bruit, mais l’exposition
ininterrompue pendant toute la journée de travail peut avoir un effet cumulatif.
S’il n’est pas possible de réduire le niveau sonore ambiant, il convient de mettre
à la disposition des travailleurs des appareils de protection individuelle. Comme
pour tous ceux d’entre eux qui sont exposés au bruit, un programme de protection de
l’ouïe prévoyant des audiogrammes périodiques est souhaitable.
Dans l’industrie de la soie, les machines présentent les mêmes risques que dans
l’industrie textile en général. Un entretien correct des locaux, des protections
adéquates pour les organes mobiles, une formation continue à la sécurité et une
surveillance rigoureuse sont les meilleurs moyens de prévenir les accidents. Les
métiers mécaniques devraient être munis de dispositifs de protection pour éviter
les accidents dus aux navettes volantes. La fabrication du fil et les opérations de
tissage exigent un très bon éclairage.
LA VISCOSE (RAYONNE)
M.M. El Attal *
* Ce texte est repris, avec quelques modifications, de la 2e édition de
l'Encyclopédie de médecine, d'hygiène et de sécurité du travail.
Dans le procédé viscose , la cellulose tirée de la pâte de bois est mise à tremper
dans une solution de soude caustique, et le liquide en excès est éliminé par
pressage; il se forme ainsi de l’alcali-cellulose qu’on débarrasse, à ce stade, des
impuretés qu’elle contient. Puis on réduit les feuilles d’alcali-cellulose en
miettes blanches qu’on laisse mûrir pendant quelques jours à température constante.
Ces miettes sont ensuite placées dans une autre cuve (baratte) où elles sont
soumises à l’action du sulfure de carbone qui les transforme en xanthate de
cellulose. Les miettes virent à l’orange doré. Elles sont alors dissoutes dans de
l’hydroxyde de sodium dilué, ce qui permet d’obtenir un liquide visqueux de couleur
orange appelé viscose. On mélange différents lots de viscose pour assurer une
qualité uniforme, puis la viscose est filtrée et stockée pendant plusieurs jours
dans des conditions très strictes de température et d’humidité qui en favorisent le
mûrissement. On procède ensuite à son extrusion à travers une filière percée
d’orifices très fins qui l’acheminent dans un bac contenant une solution d’acide
sulfurique à 10% environ. Elle forme alors des fils continus qui sont entraînés par
enroulement, ou coupés à la longueur désirée, et filés comme le coton ou la laine.
La rayonne est utilisée pour fabriquer des vêtements et des tissus lourds.
Les acides et les alcalis utilisés dans le procédé viscose sont assez dilués, mais
le danger est toujours présent lors de la préparation des dilutions, en raison des
éclaboussures qui atteignent parfois les yeux. Les miettes alcalines produites
pendant le déchiquetage des feuilles d’alcali-cellulose risquent d’irriter les
mains et les yeux des travailleurs, tandis que les vapeurs acides et le sulfure
d’hydrogène émanant du bain de filature peuvent provoquer une kérato-conjonctivite
caractérisée par un larmoiement abondant, une photophobie et d’importantes douleurs
oculaires.
Une surveillance constante doit être exercée au moyen d’un détecteur enregistreur
automatique, fonctionnant en continu, pour maintenir les concentrations de sulfure
de carbone et de sulfure d’hydrogène au-dessous des limites autorisées. Il est
conseillé d’encoffrer entièrement les machines et d’installer un système efficace
de ventilation par aspiration localisée (avec prises d’air au niveau du sol, ces
gaz étant plus lourds que l’air). Les travailleurs devraient être entraînés à
réagir aux situations d’urgence en cas de fuite de produits toxiques; les personnes
chargées de la maintenance et des réparations devraient disposer d’équipements de
protection individuelle appropriés; une formation solide et une surveillance
attentive leur éviteront, en outre, de prendre des risques inutiles.
Des salles de repos et des installations sanitaires sont une nécessité absolue. Une
surveillance médicale pendant la période d’essai et des visites médicales
périodiques sont recommandées.
Les fibres synthétiques sont fabriquées avec des polymères de synthèse obtenus à
partir de substances ou de composés fournis par l’industrie pétrochimique. A la
différence des fibres naturelles (laine, coton et soie), qui existaient déjà dans
l’Antiquité, les fibres synthétiques ne sont apparues que récemment: leur histoire
commence avec la mise au point du procédé de fabrication de la viscose en 1891 par
Cross et Bevan, deux chercheurs britanniques. Quelques années plus tard, la rayonne
était produite à petite échelle; sa véritable commercialisation commença au début
du XXe siècle. Depuis lors, un grand nombre de fibres synthétiques ont été mises au
point; elles possèdent chacune des propriétés qui répondent à un type particulier
de tissu et sont utilisées seules ou combinées à d’autres fibres. Il n’est pas
toujours facile d’en connaître le nombre exact du fait que la même fibre est
parfois commercialisée sous des noms différents, dans divers pays.
Les fibres sont obtenues en injectant des polymères à l’état fondu à travers les
orifices d’une filière pour obtenir un filament continu. Ce filament peut être
tissé directement pour former un tissu, mais pour imiter les caractéristiques des
fibres naturelles, il peut aussi être texturé, ce qui lui donne du volume, ou
encore être coupé et filé.
Les catégories de fibres synthétiques
Les principales catégories de fibres synthétiques commercialisées sont:
Les polyamides (nylons). Les divers types de nylon sont différenciés par les
chiffres qui indiquent le nombre d’atomes de carbone qu’ils renferment, le premier
de ces chiffres s’appliquant à la diamine. Ainsi, le premier en date des nylons,
formé d’hexaméthylènediamine et d’acide adipique, est connu sous le nom de nylon 66
ou 6.6 aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, du fait que la diamine et l’acide
bibasique contiennent chacun 6 atomes de carbone. Il est commercialisé sous les
marques Perlon T en Allemagne, Nailon en Italie, Nylsuisse en Suisse, Anid en
Espagne et Ducilo en Argentine.
Les polyesters. Le premier polyester a été produit en 1941. Le polyester est obtenu
par réaction de l’éthylèneglycol avec de l’acide téréphtalique. Les chaînes
moléculaires courtes s’assemblent en longues chaînes pour donner une masse
plastique que des pompes forcent à l’état fondu à travers des filières, à la sortie
desquelles les filaments durcissent dans un courant d’air froid, puis sont étirés.
Les fibres de polyester sont vendues sous les marques de Terylene au Royaume-Uni,
de Dacron aux Etats-Unis, de Tergal en France, de Terital et Wistel en Italie, de
Lavsan dans la CEI et de Toray-Tetoran au Japon.
Les dérivés polyvinyliques. Le produit le plus important de cette catégorie est le
polyacrylonitrile ou fibre acrylique dont la production a été lancée en 1948. Il
est maintenant commercialisé sous diverses marques: Acrilan et Orlon aux Etats-
Unis, Crylor en France, Leacril et Velicren en Italie, Amanian en Pologne,
Courtelle au Royaume-Uni, etc.
Les polyoléfines. La plus courante de ces fibres, connue sous le nom de Courlene au
Royaume-Uni, est obtenue par un procédé analogue à celui qui est utilisé pour le
nylon. Le polymère fondu à 300 °C est injecté à travers des filières, puis refroidi
à l’air ou dans l’eau pour former la fibre qui est ensuite étirée.
Les polypropylènes. Ce polymère, connu sous la marque de Hostalen en Allemagne, de
Meraklon en Italie et de Ulstron au Royaume-Uni, est filé à l’état fondu, puis
étiré et recuit.
Les polyuréthanes. La première de ces fibres, produite depuis 1943, a été le Perlon
U , polyuréthane obtenu par réaction de 1,4-butanediol avec
l’hexaméthylènediisocyanate. Les polyuréthanes servent maintenant de base à un
nouveau type de fibres synthétiques appelées spandex, d’une élasticité comparable à
celle du caoutchouc. Ils sont produits à partir de polyuréthane linéaire vulcanisé
à très haute température et sous très forte pression, donnant ainsi un polyuréthane
«vulcanisé» à liaison transversale qui s’extrude sous forme de monobrin. Ce fil
peut être gainé de fibre de rayonne ou de nylon qui en améliore l’aspect, le fil
lui-même servant d’âme élastique. Il est très utilisé dans la confection des
vêtements et sous-vêtements en tissu élastique. Les fils de spandex sont vendus
sous les marques Lycra, Vyrene et Glospan aux Etats-Unis et Spandrell au Royaume-
Uni.
Les procédés spéciaux
Le classement des fibres par longueur
La soie est la seule fibre naturelle qui se présente sous forme de filament
continu; les autres fibres naturelles n’existent qu’en fibres discontinues ou
«brins». La longueur de la fibre de coton est d’environ 2,6 cm, celle de la laine
de 6 à 10 cm et celle du lin de 30 à 50 cm. Les filaments continus des fibres
synthétiques sont parfois coupés à la machine pour obtenir des brins courts comme
dans le cas des fibres naturelles. Ces brins peuvent être ensuite travaillés de
nouveau sur une machine à filer le coton ou la laine; on obtient ainsi un meilleur
fini, qui élimine l’aspect vitreux de certaines fibres synthétiques. Parfois,
pendant le filage, on mélange plusieurs types de fibres synthétiques, ou encore des
fibres synthétiques et des fibres naturelles.
Le frisage
Pour donner à une fibre synthétique l’aspect et le toucher de la laine, on peut
faire passer les brins coupés (tors ou emmêlés) dans une machine spéciale, équipée
de cylindres cannelés, qui leur confère un frisage durable. Cette opération peut
aussi se faire chimiquement en agissant sur la coagulation du filament, de façon à
obtenir une fibre de section asymétrique, un côté étant plus épais que l’autre.
Lorsque la fibre est humide, le côté épais se gondole, et la fibre frise. Pour
obtenir des fils ondulés, connus aux Etats-Unis sous le nom de fils non torques ou
fils non texturés mousse, le fil synthétique est tricoté en jersey, thermodurci
dans cet état, et détricoté. La plus récente des méthodes utilisées consiste à
faire passer deux fils de nylon dans un appareil qui les chauffe à 180 °C, puis sur
une broche tournant à grande vitesse qui les retord. Sur la première machine
utilisée, les broches tournent à 60 000 tours/min; sur les plus récentes, la
vitesse de rotation est de l’ordre de 1,5 million tours/min.
En raison de leur légèreté, ces tissus synthétiques sont préférés aux lourds tissus
caoutchoutés ou plastifiés dont on aurait besoin pour obtenir le même niveau de
protection. Ils sont également beaucoup plus agréables à porter en ambiance chaude
et humide. Lorsqu’il s’agit de choisir des vêtements de protection en fibres
synthétiques, il faut d’abord en déterminer le nom générique et obtenir des
précisions sur leurs propriétés, par exemple le retrait, la photosensibilité, le
comportement en présence d’agents de nettoyage à sec et de détergents, la
résistance aux huiles, aux substances chimiques corrosives, aux solvants ordinaires
et à la chaleur et la propension du tissu à se charger d’électricité statique.
Dans le filage par voie sèche, lorsque les filaments émergent des filières pour
être séchés à l’air, les solvants s’évaporent en grandes quantités. Les vapeurs
dégagées présentent un grave risque d’explosion et d’intoxication et devraient être
évacuées par aspiration. Leur concentration devrait être surveillée et maintenue
au-dessous des limites d’explosion du solvant. Les vapeurs peuvent être distillées
et récupérées pour être réutilisées ou brûlées, mais il ne faut en aucun cas les
laisser s’échapper dans l’atmosphère.
Le feutre est une matière fibreuse obtenue en chauffant, humectant, malaxant, entre
autres procédés, des fibres de laine, des poils et de la fourrure, en vue de
constituer un tissu non tissé fortement aggloméré. Certains feutres sont
aiguilletés: leurs fibres sont fixées à un élément de fond lâchement tissé, ou
dossier, généralement fait de laine ou de jute.
La laine est d’abord triée et sélectionnée. On sépare les fibres dans une
effilocheuse, cylindre garni de pointes qui tourne et déchire les fibres, puis on
les soumet au garnettage dans une machine dont les rouleaux et les cylindres sont
garnis de fils métalliques en dents de scie. Les fibres sont nettoyées par
carbonisation dans une solution d’acide sulfurique à 18%; après séchage à une
température de 100 °C, elles sont mélangées et, le cas échéant, enrobées d’huile
minérale contenant un émulsifiant. Après effilochage et cardage, opérations qui
mélangent encore les fibres et les disposent plus ou moins parallèlement les unes
aux autres, la matière est placée sur un transporteur en déposant des couches d’un
fin voile qui est renvidé sur des perches et forme des nappes. Ces nappes molles
sont dirigées vers le local de durcissement où elles sont aspergées d’eau et
comprimées entre deux lourdes plaques; la plaque supérieure vibre, provoquant la
frisure et l’adhérence des fibres.
Pour compléter le feutrage, le tissu est placé dans des cuves d’acide sulfurique
dilué et pilonné au moyen de lourds marteaux de bois. Il est ensuite lavé (avec
addition de tétrachloroéthylène), essoré et teint, généralement avec des colorants
de synthèse. On ajoute parfois des substances chimiques qui rendent le feutre
imputrescible. Les étapes finales comprennent le séchage (à 65 °C pour les feutres
mous, à 112 °C pour les feutres durs), le tondage, le sablage, le brossage, le
pressage et le rognage.
Le bruit
Les opérations sont souvent bruyantes; lorsque les encoffrements, les enceintes
acoustiques et un graissage convenable ne suffisent pas à maintenir le bruit à un
niveau satisfaisant, des casques protecteurs ou des bouchons d’oreille devraient
être fournis aux travailleurs. De nombreux pays imposent un programme de protection
de l’ouïe prévoyant des audiogrammes à intervalles réguliers.
La poussière
Les locaux de fabrication du feutre sont poussiéreux et malsains pour les personnes
présentant des troubles respiratoires chroniques. La poussière n’est heureusement
pas associée à des maladies spécifiques, mais une ventilation par extraction est
cependant nécessaire. Les poils des animaux peuvent provoquer des réactions
allergiques chez les sujets sensibles; l’asthme bronchique demeure exceptionnel. La
poussière comporte également un risque d’incendie.
L’infection charbonneuse
Quelques cas de charbon ont été observés, bien que rarement, à la suite d’une
exposition à de la laine contaminée importée de régions dans lesquelles la maladie
est endémique.
La teinture
La teinture résulte d’une combinaison chimique ou d’une puissante affinité physique
entre un colorant et une fibre textile. Divers colorants et procédés sont utilisés,
suivant le type de tissu et le produit fini désiré.
Pour les tissus teintés, l’opération se fait en cuve ouverte et sans soude
caustique. La coloration naturelle du tissu s’élimine dans la solution
d’hypochlorite des cuves de blanchiment, après quoi le tissu est aéré, lavé et
déchloré dans une solution de bisulfite de sodium, lavé de nouveau et dégraissé à
l’acide chlorhydrique ou sulfurique dilué. Après un dernier lessivage très poussé,
le tissu est prêt pour la teinture ou l’impression.
La teinture
La teinture proprement dite se fait au «jigger» ou au foulard, machines où le tissu
passe dans une solution colorante stationnaire, préparée par dissolution d’une
poudre de teinture dans un produit chimique approprié, suivie de dilution dans
l’eau. Après la teinture, le tissu subit un traitement de finissage.
La teinture du nylon
La préparation des fibres de polyamide (nylon) en vue de la teinture comporte un
lessivage, un dépôt et, dans certains cas, un blanchiment. Le traitement choisi
pour le lessivage du polyamide dépend principalement de la composition du parement.
Les parements hydrosolubles à base de poly(alcool vinylique) ou d’acide
polyacrylique s’éliminent par lessivage dans une liqueur composée de savon et
d’ammoniaque ou de Lissapol N, voire d’un autre détergent ou de carbonate de
sodium. Après lessivage et rinçage abondant, le tissu est prêt pour la teinture ou
l’impression qui se font généralement en machine (au «jigger» ou au foulard).
La teinture de la laine
On lessive d’abord la laine brute par un procédé émulsifiant dans lequel
interviennent le savon et le carbonate de sodium. L’opération se déroule dans une
laveuse, longue auge pourvue de racles, d’un double fond et, à la sortie, de
rouleaux exprimeurs. Après ce lavage, la laine subit un blanchiment au peroxyde
d’hydrogène ou au dioxyde de soufre (gaz sulfureux), auquel cas le produit humide
est abandonné toute une nuit à l’action du gaz. On neutralise ensuite le gaz acide
par passage du tissu dans un bain de carbonate de sodium en solution, suivi d’un
lessivage. Après teinture, le tissu est rincé, essoré et enfin séché.
Des dispositions analogues devraient être prises lorsque le combustible gazeux qui
alimente les flambeuses provient d’une fraction légère de pétrole. L’installation
génératrice de gaz et les réservoirs de stockage de l’essence de pétrole volatile
devraient se trouver de préférence en dehors des bâtiments.
Les risques liés aux produits chimiques
Nombre de manufactures emploient pour le blanchiment des solutions d’hypochlorite;
d’autres effectuent cette opération au moyen de chlore gazeux ou d’une poudre à
blanchir qui libère du chlore lorsqu’on la charge dans un réservoir. Dans l’un et
l’autre cas, les travailleurs risquent d’être exposés à une atmosphère dangereuse
si des précautions ne sont pas prises. Le chlore irrite les yeux et la peau et,
surtout, le tissu pulmonaire, où il peut provoquer un œdème dont les symptômes
n’apparaissent pas immédiatement. Pour limiter le dégagement de chlore dans
l’atmosphère des locaux de travail, les cuves de blanchiment devraient être des
récipients clos, dont les évents laissent échapper un minimum de produit, afin que
les concentrations maximales admissibles ne soient pas dépassées; des dosages du
chlore dans l’air devraient être effectués périodiquement pour vérifier la
concentration.
Maints colorants sont des irritants de la peau qui peuvent causer des dermatoses.
Les travailleurs sont souvent tentés de recourir à des mélanges dangereux
d’abrasifs, d’alcalis et d’agents de blanchiment pour enlever les taches de
teinture qu’ils portent aux mains.
Les solvants organiques qui interviennent dans les procédés de teinture ou qu’on
utilise pour nettoyer les machines peuvent aussi causer des dermatoses ou affaiblir
la résistance de la peau à l’action irritante d’autres substances dangereuses mises
en œuvre. Ils peuvent par ailleurs induire des atteintes du système nerveux
périphérique — c’est le cas, par exemple, du méthylbutylcétone (MBK). Certains
colorants se sont révélés cancérogènes, comme la rhodamine B, le magenta, la β-
naphtylamine, de même que certaines bases comme la dianisidine. L’emploi de β-
naphtylamine a généralement été abandonné dans les ateliers de teinture. Cette
question est examinée en détail ailleurs dans l’Encyclopédie.
L’impression
L’impression s’effectue sur une machine à rouleaux. Le colorant ou le pigment est
épaissi à l’amidon ou émulsionné; si l’on utilise des pigments, cette émulsion est
préparée avec un solvant organique. La pâte ou l’émulsion obtenue est prélevée par
les rouleaux graveurs qui appliquent le motif sur le tissu, puis la couleur est
fixée dans une machine de polymérisation. Le tissu imprimé fait ensuite l’objet du
finissage approprié.
Les teintures et les pigments employés pour l’impression des tissus se présentant
généralement sous forme liquide, il n’y a pas de risque d’exposition à la poussière
comme c’est le cas dans les opérations de teinture.
Le finissage
Le finissage est un terme qui s’applique à toute une gamme de traitements
généralement effectués au cours de l’opération précédant la fabrication. Toutefois,
certaines opérations de finissage peuvent également être réalisées après la
fabrication.
Le finissage mécanique
Ce type de finissage comprend des procédés qui modifient la texture ou l’apparence
d’un tissu sans faire appel à des produits chimiques; on peut citer:
Le finissage chimique
Le finissage chimique est effectué au moyen de divers équipements (foulards,
«jiggers», machines de teinture par jet, auges, barres de pulvérisation,
autoclaves, machines de teinture à palette, rouleaux de transfert par enduction et
bains moussants).
Conclusion
Comme dans les autres secteurs de l’industrie textile, les opérations de teinture,
d’impression et de finissage se déroulent soit dans des établissements anciens,
souvent de petite taille, dans lesquels la sécurité et la santé des travailleurs
sont fréquemment négligées, voire ignorées, soit dans des établissements plus
récents, de plus grande taille, dans lesquels la technologie est en évolution
constante et la maîtrise des risques est, dans la mesure du possible, intégrée dès
la conception des installations. En plus des risques spécifiques mentionnés plus
haut, des problèmes surviennent fréquemment, liés à l’éclairage, au bruit, à une
protection insuffisante des machines, au soulèvement et au port d’objets lourds ou
volumineux, etc. Un programme de prévention bien conçu et mis en œuvre, intégrant
une solide formation et une surveillance efficace des travailleurs, est dès lors
indispensable.
Les tissus en textiles non tissés ont fait une première apparition à la fin des
années quarante. Ils se sont développés dans les années cinquante et ont été
commercialisés dans les années soixante. Au cours des trente-cinq années qui ont
suivi, le secteur des non-tissés a atteint sa maturité et a trouvé des marchés soit
en offrant un bon rapport qualité-prix en lieu et place des textiles traditionnels,
soit en proposant des produits mis au point pour des utilisations spécifiques. Ce
secteur a mieux absorbé les récessions que les textiles traditionnels et a connu
une croissance plus rapide. Les risques professionnels sont les mêmes que dans les
autres secteurs de l’industrie textile (bruit, fibres en suspension dans l’air,
produits chimiques utilisés pour le collage des fibres, sécurité des surfaces de
travail, zones de pincement, brûlures par exposition à la chaleur, lésions
dorsales, etc.).
Les matières premières utilisées par cette industrie sont généralement les mêmes
que celles qui sont employées dans l’industrie textile traditionnelle et atteignent
chaque année près de 1 million de tonnes. Les fibres naturelles dont on se sert
sont principalement le coton et la pâte de bois. Quant aux fibres manufacturées, ce
sont la rayonne, les polyoléfines (polyéthylène et polypropylène), les polyesters
et, en quantités plus limitées, les nylons, les acryliques, les aramides, etc.
Les fibres en pâte de bois constituent l’un des principaux composants des couches
jetables, des protections pour incontinence et autres tissus absorbants. On utilise
des fibres de bois dur et de papier kraft. Dans les seuls Etats-Unis, on emploie
chaque année plus de 1 million de tonnes de pâte de bois. Une petite partie est
utilisée pour les non-tissés obtenus par voie pneumatique. Les produits servent
souvent à fabriquer des serviettes, pour des applications qui vont de la cuisine
aux sports.
Aux Etats-Unis, l’utilisation la plus importante d’un non-tissé (environ 10 000 km2
par an) concerne le voile supérieur des couches jetables. C’est ce voile qui entre
en contact avec la peau du bébé et l’isole des autres composants de la couche. Des
tissus obtenus à partir de ces fibres sont également utilisés pour des produits
durables et pour certaines applications géotextiles dans lesquelles ils sont
supposés durer indéfiniment. Ces tissus sont toutefois dégradés par les
ultraviolets ou par certains autres types de rayonnements.
Les fibres de nylon ne sont utilisées que modérément sous forme de fibres coupées
et assez peu dans les non-tissés encollés au filage (ou filés-liés). Les
principales applications des non-tissés encollés au filage sont le renforcement des
dossiers de moquettes et la fabrication des filtres en laine de verre. Ces tissus
confèrent une surface de faible friction aux dossiers, ce qui facilite la pose des
moquettes. Dans les filtres en laine de verre, le tissu permet de retenir les
fibres de verre dans le filtre et les empêche de pénétrer dans l’air filtré.
D’autres non-tissés particuliers, comme les aramides, trouvent des applications
dans des créneaux du marché dans lesquels leurs propriétés, comme une très faible
inflammabilité, par exemple, en rendent l’usage intéressant. Certains de ces non-
tissés sont aussi mis en œuvre dans l’industrie de l’ameublement pour diminuer
l’inflammabilité des canapés et des fauteuils.
Les travailleurs devraient se protéger les yeux et éviter de porter des vêtements
amples, des cravates, des bagues ou autres bijoux qui pourraient être happés par
les parties mobiles des machines. Ces procédés font presque toujours appel à
d’importants volumes d’air; aussi, des précautions particulières devraient être
prises pour éviter toute situation susceptible de favoriser les incendies; les
gaines d’aération devraient être dégagées, car il serait difficile d’y éteindre un
début d’incendie. Il importe en outre de s’assurer que les sols ne présentent pas
de risques de trébuchement ou de glissade.
Dans les procédés par liage, les installations devraient être nettoyées et tout
résidu de polymère éliminé par brûlage. Des fours très chauds sont généralement
utilisés à cette fin et les pièces nettoyées y sont entreposées. Une protection
adéquate est nécessaire tout au long de ces opérations, à commencer par le port de
gants résistants à la chaleur, la fourniture d’autres équipements de protection
thermique et la mise en service d’une ventilation assez puissante pour limiter la
chaleur et les fumées.
Les procédés par liage sont avantageux d’un point de vue économique, notamment
parce qu’ils sont relativement rapides et que l’on peut changer les bobines
enrouleuses sans interrompre les opérations. L’utilisation d’engins bien conçus
pour changer les rouleaux et une bonne formation du personnel devraient offrir une
marge de sécurité satisfaisante pendant cette opération.
Si les voiles formés doivent faire l’objet d’un liage à chaud, une petite quantité
(10% du poids environ) d’une fibre ou d’une poudre fondant à basse température sera
généralement ajoutée au voile. Cette substance est fondue par passage dans un four
à air chaud ou par exposition à des cylindres chauffés, puis refroidie pour obtenir
le liage du tissu. Dans ce cas, des équipements de protection thermique devraient
être mis à la disposition des travailleurs. Aux Etats-Unis, on produit chaque année
100 000 tonnes de non-tissés dont le liage se fait à chaud.
Le finissage
Les traitements de surface des non-tissés comprennent l’application de retardateurs
d’ignition, d’agents hydrofuges, d’adoucissants, d’antibactériens, de
thermofusibles, de lubrifiants, etc., ainsi que les traitements antistatiques. Ces
traitements de surface des non-tissés sont appliqués, selon le procédé et le type
de traitement, soit en ligne en cours de procédé, soit après la fabrication. Le
plus souvent, les traitements antistatiques sont appliqués en ligne, de même que
les traitements de surface comme l’effet corona. Les traitements tels que les
retardateurs d’ignition et les agents hydrofuges, par contre, sont le plus souvent
appliqués ultérieurement. Parmi les traitements spécifiques, on peut noter
l’exposition des voiles à un plasma de haute densité qui a pour effet d’influencer
la polarité des tissus et d’améliorer leurs performances dans les applications de
filtrage. La sécurité de ces procédés chimiques et physiques est différente pour
chaque application et doit être étudiée dans chaque cas.
LE TISSAGE ET LE TRICOTAGE
Charles Crocker
Le tissage
Le tissage consiste à entrelacer des fils tendus perpendiculairement les uns aux
autres. C’est la plus ancienne méthode de fabrication des tissus; des métiers
manuels étaient déjà utilisés dans la préhistoire. Le concept fondamental
d’entrecroisement n’a pas changé: les fils de chaîne sont disposés sur un rouleau
de grande taille appelé ensouple dérouleuse, monté à l’arrière de la machine.
L’extrémité des fils de chaîne est enfilée dans un harnais qui permet de lever ou
de baisser les fils de chaîne pour livrer passage à la navette. Le tissage le plus
simple demande deux harnais, mais on utilise parfois jusqu’à six harnais pour des
armures plus compliquées. Les métiers Jacquard sont employés pour fabriquer les
tissus aux motifs les plus décoratifs, et certains dispositifs permettent de tirer
ou de relâcher séparément chaque fil de chaîne. On enfile alors chaque extrémité de
fil sur un peigne (ou ros) aux dents métalliques parallèles et très rapprochées,
porté par la chasse ou battant du métier à tisser. Ce battant est conçu pour se
déplacer en formant un arc autour d’un point d’ancrage central. Les extrémités du
fil de chaîne sont attachées à la bobine enrouleuse, et le tissu vient s’y envider.
La plus ancienne méthode permettant de passer le fil de trame sur toute la largeur
des fils de chaîne est la navette, qui est propulsée librement d’un bord à l’autre
du métier et dévide le fil de trame placé sur une petite bobine qui se trouve à
l’intérieur. Une technique récente et plus rapide, illustrée à figure 89.9, appelée
tissage sans navette, fait appel soit à un jet fluide (air ou eau), soit à de
petits projectiles glissant sur une tringle mobile, soit encore à de petits
dispositifs en forme d’épée appelés lances ou rapières pour transférer le fil de
trame.
Les chutes
Les sols encombrés (pièces de machines, etc.) ou glissants (flaques d’huile, de
graisse ou d’eau) peuvent provoquer des chutes. Le maintien de l’ordre et de la
propreté revêt une importance particulière dans les ateliers de tissage: un grand
nombre de travailleurs de production passent la plus grande partie de leur journée
à parcourir leur lieu de travail, en gardant les yeux fixés sur les opérations en
cours et sans voir les objets qui peuvent se trouver sur le sol.
Les machines
Les dispositifs de transmission et la plupart des autres points de pincement sont
généralement protégés. En revanche, le ros, les harnais et d’autres parties des
machines auxquelles les tisserands doivent souvent accéder ne le sont que
partiellement. Un espace de travail et de passage suffisant devrait être aménagé
autour des machines; l’observation de bonnes pratiques de travail peut, en outre,
aider les travailleurs à éviter les risques qu’entraîne la marche des installations
de production. Dans le tissage à navette, des capots de protection montés sur le
ros permettent d’éviter que la navette ne soit éjectée ou de la rabattre en lui
conférant une trajectoire descendante. Le verrouillage, le blocage mécanique, etc.,
sont également nécessaires pour empêcher une mise en marche intempestive lorsqu’un
mécanicien ou d’autres travailleurs interviennent sur des machines à l’arrêt.
Les manutentions
Celles-ci comprennent le soulèvement et le déplacement de lourds cylindres d’appel,
d’ensouples d’enroulement, d’ensouples dérouleuses, etc. Des chariots à bras aident
à décharger, à faire la levée des petits rouleaux de tissu et à les transporter et
limitent le risque de lésions musculaires. Des chariots électriques sont parfois
utilisés pour procéder au levage des grands rouleaux de tissu placés à l’avant de
la machine. Des chariots hydrauliques, à commande mécanique ou manuelle, permettent
de déplacer des ensouples dérouleuses qui peuvent peser plusieurs centaines de
kilogrammes. Les manutentionnaires devraient porter des chaussures de sécurité.
Le bruit
La plupart des métiers à tisser, souvent nombreux dans un atelier de production
classique, produisent des niveaux de bruit généralement supérieurs à 90 dBA. Dans
certains ateliers de tissage à navette ou de tissage extrêmement rapide sans
navette, ces niveaux peuvent même dépasser 100 dBA. La plupart du temps, les
travailleurs occupés dans ce secteur d’activité devraient porter des appareils de
protection de l’ouïe appropriés et être soumis à un programme de surveillance de
leur acuité auditive.
Le tricotage mécanique *
* Les articles tricotés à la main constituent un important secteur artisanal. Les
données relatives aux effectifs des travailleurs occupés, en général des femmes,
sont notoirement insuffisantes. Le lecteur est renvoyé au chapitre no 96, «Les
arts, les loisirs et les spectacles», pour un apreçu des risques pour la santé que
cette activité fait encourir.
Le procédé de tricotage mécanique consiste à entrelacer des mailles de fil sur des
machines automatiques (voir figure 89.10). Ces machines se composent de rangées de
petites aiguilles à crochets permettant de faire passer les mailles nouvellement
formées à travers des mailles déjà formées. Les aiguilles à crochets présentent un
enclenchement original qui verrouille le crochet, ce qui permet de tirer facilement
la maille, puis s’ouvre pour permettre à la maille de descendre. Sur les
tricoteuses mécaniques circulaires, les aiguilles sont disposées en cercle, et le
tricot produit sort de la machine sous forme tubulaire et s’enroule autour d’une
envideuse. Les métiers à tricoter rectilignes et les métiers à chaîne, quant à eux,
présentent une rangée rectiligne d’aiguilles; le tricot sort à plat de la machine
et vient s’enrouler sur la bobine envideuse. Les métiers à tricoter circulaires et
les métiers à tricoter rectilignes sont généralement alimentés par des cônes de
fil, tandis que les métiers à chaîne le sont par des ensouples semblables à celles
utilisées dans le tissage, mais de plus petite taille.
Les tapis tissés ou noués à la main sont apparus en Perse plusieurs siècles avant
J.-C. Aux Etats-Unis, la première manufacture de tapis tissés a été construite à
Philadelphie en 1791. En 1839, l’industrie s’est complètement transformée
lorsqu’une force motrice fut, pour la première fois, appliquée au tissage des tapis
par Erastus Bigelow. Dans les ateliers modernes, la plupart des tapis se font à la
machine, en utilisant l’un ou l’autre des deux procédés de confection mécanique, le
tuftage et le tissage.
Les tapis tuftés ou touffetés sont aujourd’hui les plus répandus. Aux Etats-Unis,
par exemple, près de 96% des tapis produits sont tuftés, procédé emprunté à la
manufacture de dessus de lit tuftés située en Géorgie. Les tapis tuftés sont
confectionnés en faisant passer une fibre de poil dans un dossier prétissé
(généralement en polypropylène), puis en y fixant un second dossier présentant un
enduit à base de latex qui maintient les fils en place et réunit les deux dossiers
pour rendre le tapis plus stable.
La confection du tapis
Le tuftage mécanique
La machine à tufter comprend des centaines d’aiguilles (jusqu’à 2 400) placées sur
une barre horizontale qui couvre toute la largeur de la machine (voir figure
89.11). Le cantre, constitué de bobines de fil placées sur des râteliers, est
dirigé par des tubes de guidage de faible diamètre vers les aiguilles placées sur
une barre à saccades, ou jerker . Généralement, il existe deux bobinots de fil pour
chaque aiguille. L’extrémité du fil du premier bobinot est réunie avec l’extrémité
du second de façon que, lorsque le fil du premier bobinot est épuisé, le fil soit
fourni par le second sans qu’il soit nécessaire d’arrêter la machine. Chaque
extrémité de fil présente un tube de guidage qui permet d’éviter que les fils ne
s’emmêlent. Les fils passent à travers une série de guides verticaux alignés et
fixes, installés sur le bâti de la machine, et par un guide situé à l’extrémité
d’un bras qui se déploie à partir de la barre à aiguilles mobile de la machine.
Lorsque la barre à aiguilles se déplace vers le haut et vers le bas, le rapport
entre les deux guides se trouve modifié. La figure 89.12 montre les produits tuftés
utilisés pour les tapis à usage domestique.
La barre à saccades, ou jerker , reçoit le fil lâche dévidé pendant la montée des
aiguilles. Les fils sont enfilés sur leurs aiguilles respectives fixées sur la
barre. Les aiguilles se déplacent simultanément à raison de 500 courses à la minute
au moins, avec un mouvement de va-et-vient vertical. Une machine à tufter peut
produire de 1 000 à 2 000 m2 de tapis en huit heures.
Le premier élément du dossier dans lequel les fils sont insérés provient d’un
rouleau placé devant la machine. La vitesse du rouleau commande la longueur du
point et le nombre de points au cm2. Le nombre d’aiguilles au centimètre détermine
la jauge du tissu, 3/16 ou 5/32, par exemple.
Les boucleurs pour poils coupés ont une forme de «C» inversé et une surface
coupante sur le bord supérieur interne du croissant. Ils sont utilisés en
association avec des couteaux qui présentent un tranchant émoussé à une extrémité.
Au fur et à mesure que le dossier avance dans la machine vers les boucleurs pour
poils coupés, les fils prélevés dans les aiguilles sont coupés par cisaillement
entre le boucleur et l’arête tranchante du couteau. Sur les figures 89.13 et 89.14,
on peut voir les touffes sur un dossier et les différents types de boucles.
Le tissage
Le tapis tissé est constitué d’un fil velours tissé en même temps que les fils de
chaîne et de trame qui forment l’intégralité du dossier. Les fils du dossier sont
généralement en jute, en coton ou en polypropylène. Le fil velours peut être en
laine, en coton ou en fibres synthétiques comme le nylon, le polyester, le
polypropylène, l’acrylique, etc. Un enduit est appliqué sur l’envers pour
stabiliser le tapis; un second dossier n’est pas nécessaire et n’est que rarement
ajouté. Parmi les variantes du tapis tissé, on peut noter le tapis velours, le
Wilton et le tapis Axminster.
Les fils synthétiques sont obtenus par extrusion d’un polymère fondu injecté à
travers les très petits orifices d’une plaque métallique, ou filière. On ajoute
parfois au polymère fondu des additifs pour obtenir des teintures dans la masse ou
des fibres moins transparentes, plus blanches et plus durables, ou encore d’autres
propriétés particulières. A la sortie de la filière, les filaments sont refroidis,
étirés et texturés.
Les fibres en brins sont transformées en fils filés par les procédés classiques de
filage des textiles. Pour obtenir des fibres en brin, on extrude de gros faisceaux
de fibres appelés «câbles de filature». Après frisage, le câble est coupé en fibres
de 10 à 20 cm de longueur. Trois étapes importantes interviennent dans la
préparation — mélangeage, cardage et étirage — avant le filage. Le mélangeage
associe des balles de fibres en brins afin que les fibres s’entremêlent et que le
fil ne se divise pas au cours des opérations ultérieures de teinture. Le cardage
redresse les fibres et les configure en rubans. L’étirage a trois fonctions
principales: il mélange les fibres, les dispose en parallèle et diminue le poids
par unité de longueur de l’ensemble du faisceau de fibre, ce qui facilite le filage
au stade final.
Après le filage, qui étire le ruban jusqu’à la taille désirée, le fil est formé en
torons et retordu pour obtenir différents effets. Il est ensuite enroulé sur des
cônes pour être préparé en vue du thermofixage et du retordage.
Un second dossier est délicatement placé sur l’enduit de latex. On presse alors les
deux dossiers l’un contre l’autre entre deux cylindres de liaison. L’ensemble,
maintenu bien à plat et sans pli, passe ensuite dans un long four qui mesure
généralement de 24 à 49 m de long, dans lequel s’effectuent le séchage et la
polymérisation dans trois zones de température échelonnées entre 115 et 150 °C, et
cela pendant 2 à 5 minutes. Le séchage du tapis demande un taux élevé
d’évaporation, obtenu en soufflant de l’air chaud vers des zones dans lesquelles la
chaleur est strictement contrôlée.
Les matériels anciens encore en usage devraient être fréquemment inspectés et les
pièces déformées remplacées si besoin est. Les arbres de transmission, les
courroies trapézoïdales, les mécanismes d’entraînement à poulie, à chaîne et à
pignons, les treuils et les appareils de levage devraient être régulièrement
inspectés et des dispositifs de protection installés là où ils sont nécessaires.
Dans les ateliers, on utilise des chariots porte-bobines que l’on pousse à la main
pour déplacer la matière première; étant donné que des résidus de la production du
fil s’accumulent sur le sol, il convient de nettoyer les roues de ces chariots pour
éviter qu’elles ne se bloquent.
Les travailleurs devraient connaître les risques que présente la mise en œuvre
d’air comprimé, qui est d’un usage courant dans les opérations de nettoyage.
Les ateliers devraient se conformer aux normes modernes d’extraction des peluches
et des poussières et de dissipation de la chaleur.
Tous les tapis d’Orient sont tissés à la main. Ils sont souvent confectionnés à
domicile; tous les membres de la famille, y compris les très jeunes enfants,
travaillent sur le métier de longues heures pendant la journée et même la nuit. Il
s’agit parfois simplement d’une occupation à temps partiel pour la famille; dans
certaines régions, la confection des tapis n’est plus effectuée à domicile, mais
s’est déplacée vers des manufactures dont la taille demeure généralement modeste.
Les opérations
Les opérations associées à la confection des tapis comprennent la préparation du
fil — qui consiste à tirer la laine et à la classer en diverses variétés, à la
laver, à la filer et à la teindre —, le dessin du motif du tapis et le tissage
proprement dit.
La préparation du fil
Parfois, le fil est déjà façonné et teint lorsqu’il parvient aux ateliers de
tissage. Dans d’autres cas, la fibre brute, le plus souvent de laine, est préparée,
filée et teinte sur place. La première opération, généralement effectuée par des
femmes assises à même le sol, consiste à classer la matière première par variété.
Ensuite, la laine est lavée et filée à la main. La teinture se fait habituellement
dans des récipients ouverts, et l’on emploie principalement des colorants à base
d’aniline ou d’alizarine; les colorants naturels ne sont plus guère utilisés.
Le dessin et le tissage
Dans la fabrication familiale ou «tribale», les motifs sont traditionnels et il
n’est pas nécessaire d’en inventer de nouveaux; toutefois, dans une entreprise
employant un certain nombre de travailleurs, un dessinateur trace des ébauches
qu’il transpose sur du papier quadrillé, dont chaque case représente un point; le
tisseur peut ainsi s’assurer du nombre et de la disposition des nœuds.
Tandis que le tapis avance, il est souvent enroulé autour du cylindre inférieur,
dont le diamètre augmente. Lorsque le tisseur est accroupi à même le sol, la
position du cylindre inférieur l’empêche d’allonger les jambes et, à mesure que le
diamètre de ce cylindre augmente, le tisseur est repoussé en arrière et doit se
courber de plus en plus en avant pour nouer les fils (voir figure 89.15). Cette
posture peut être évitée lorsque les tisseurs sont assis ou accroupis sur une
poutre que l’on peut relever jusqu’à 4 m au-dessus du sol mais, là encore, ils
n’ont bien souvent pas la place suffisante pour étendre leurs jambes et sont
contraints de demeurer dans une position inconfortable. Dans certains cas,
pourtant, le tisseur peut s’asseoir sur un siège fixe, équipé d’un dossier et d’un
coussin (il s’agit en fait d’une chaise sans pieds qui peut être déplacée
horizontalement le long de la poutre au fur et à mesure que le travail avance). Des
types améliorés de métiers surélevés ont été mis au point; ils permettent au
tisseur d’être assis sur une chaise et de disposer d’une place suffisante pour
étendre ses jambes.
Dans certaines régions d’Iran, les fils de chaîne sont disposés horizontalement et
le tisseur doit s’installer sur le tapis lui-même, ce qui rend sa tâche encore plus
difficile.
Le stress
L’extrême précision de ce travail, qui demande une grande dextérité et une
attention constante pendant de longues heures, provoque parfois des troubles
nerveux et un stress que ne peuvent qu’aggraver l’exploitation des travailleurs et
une discipline très dure. Les enfants se voient souvent «voler leur enfance», et
les adultes, qui manquent généralement des contacts sociaux indispensables à un bon
équilibre affectif, peuvent développer des maladies nerveuses qui se traduisent par
des tremblements des mains (susceptibles de diminuer leur rendement) et, parfois,
des troubles mentaux.
Les ateliers devraient être nettoyés et bien aérés et être revêtus d’un plancher
remplaçant la terre battue. Par temps froid, ils devraient être chauffés. La
manipulation des fils de chaîne est pénible pour les doigts et peut occasionner de
l’arthrite: aussi emploiera-t-on le plus souvent possible des couteaux spéciaux en
forme de crochet pour nouer les fils de chaîne. Des examens médicaux d’embauche et
périodiques sont vivement recommandés pour tous les travailleurs.
Le tuftage à la main est une autre méthode de confection des tapis. On utilise pour
cela un outil spécial présentant une aiguille dans le chas de laquelle on enfile le
fil. Un calicot sur lequel a été tracé le dessin du tapis est suspendu
verticalement; lorsque le tisseur place l’outil contre le tissu et appuie sur un
bouton, l’aiguille pénètre dans le tissu puis se rétracte, en laissant sur l’envers
une boucle de fil d’environ 10 mm. Il déplace alors horizontalement l’outil de 2 ou
3 mm, en laissant une boucle à la surface du tissu, et appuie à nouveau sur le
bouton pour former une nouvelle boucle sur l’envers. Avec un peu d’habitude, on
peut obtenir en une minute jusqu’à 30 boucles de chaque côté. Selon le dessin, le
tisseur doit s’arrêter de temps à autre pour changer la couleur de fil en fonction
du motif. Lorsque cette opération est achevée, le tapis est descendu et étendu par
terre à l’envers. On applique alors sur l’envers un enduit de caoutchouc, puis un
dossier en toile de jute résistante. On retourne ensuite le tapis sur l’endroit et
les boucles de fil sont égalisées au moyen de ciseaux électriques. Parfois, le
motif du tapis est obtenu en coupant les poils à des hauteurs différentes.
LES TROUBLES RESPIRATOIRES ET LES AUTRES MALADIES OBSERVÉS DANS L’INDUSTRIE TEXTILE
E. Neil Schachter
Il y a près de 300 ans que l’on parle des risques liés au travail dans l’industrie
textile. Au début du XVIIIe siècle, Ramazzini, 1713 [1964] décrivait déjà une forme
particulière d’asthme chez les cardeurs de lin et de chanvre. Il évoquait les
poussières malodorantes et toxiques qui provoquaient une toux incessante finissant
par évoluer en affection asthmatique. Ce type de symptôme est effectivement apparu
dès les débuts de l’industrie textile, comme le montrent les études physiologiques
de Bouhuys et coll. (1973) à Philipsburg Manor (recherches sur l’implantation dans
les premières colonies néerlandaises de North Tarrytown, New York, Etats-Unis).
Pendant tout le XIXe siècle et au début du XXe siècle, de nombreux auteurs ont
décrit de plus en plus souvent les manifestations respiratoires des maladies
professionnelles observées dans les usines textiles. Ces pathologies ont cependant
été souvent ignorées, aux Etats-Unis, jusqu’au milieu du XXe siècle où les enquêtes
menées sous la direction de Richard Schilling (1981) ont indiqué que, malgré les
dénis de l’industrie et du gouvernement, la byssinose était bien une réalité
(American Textile Reporter, 1969; Britten, Bloomfield et Goddard, 1933; Department
of Labor (DOL), 1945). De nombreuses études ultérieures ont montré que les
travailleurs du textile souffrent de leur milieu de travail dans toutes les régions
du monde.
Stade 1/2
Stade 1
Stade 2
Stade 3
La bronchite chronique, telle que définie d’après les antécédents médicaux, est
très fréquente chez les travailleurs du textile et, notamment, chez les non-
fumeurs. Cette observation n’est pas étonnante puisque la caractéristique
histologique dominante de la bronchite chronique est une hyperplasie des glandes
muqueuses (Edwards et coll., 1975; Moran, 1983). La symptomatologie de la bronchite
chronique doit être soigneusement distinguée des symptômes de la byssinose
classique, bien que les troubles se recoupent souvent et qu’il existe probablement
dans ce contexte différentes manifestations physiopathologiques de la même
inflammation des voies respiratoires.
Les études pathologiques des travailleurs du textile sont peu nombreuses. Les
observations montrent toutefois que les grandes voies aériennes sont
systématiquement impliquées (Edwards et coll., 1975; Rooke, 1981a; Moran, 1983),
sans que l’on ne relève aucun signe de destruction du parenchyme pulmonaire
(emphysème) (Moran, 1983).
Les études transversales ont également montré que d’autres symptômes et syndromes
respiratoires chroniques, tels que sifflement ou bronchite chronique, sont aussi
beaucoup plus fréquents chez les personnes qui ont travaillé longtemps dans
l’industrie cotonnière qu’au sein d’une population témoin comparable (Bouhuys et
coll., 1977; Bouhuys, Beck et Schoenberg, 1979). La fréquence des cas de bronchite
chronique était systématiquement plus élevée chez les travailleurs du coton que
dans les populations témoins, même après ajustement tenant compte du sexe et du
tabagisme. Dans la byssinose de stade 3, outre la symptomatologie, les sujets
présentent des modifications de la fonction respiratoire. Apparue dans les études
transversales portant sur des travailleurs du textile, l’association entre la
détérioration de la fonction respiratoire et les stades les plus avancés de la
byssinose tend à mettre en évidence le caractère évolutif de la maladie du stade 1
vers le stade 3. Plusieurs de ces études transversales indiquent en outre que la
diminution de la fonction pulmonaire au cours de la semaine de travail par rapport
à la valeur de référence (corrélée à la constriction thoracique aiguë) est associée
à une évolution chronique irréversible.
Dans une étude de Roach et Schilling (1960), l’existence d’une relation dose-
réponse dans la symptomatologie aiguë confirme la relation entre pathologies aiguës
et chroniques chez les travailleurs de l’industrie textile. Ces auteurs ont observé
une relation linéaire très marquée entre la réponse biologique et les
concentrations de poussières sur le lieu de travail. D’après leurs observations, la
limite de sécurité applicable à l’exposition à des poussières macroscopiques se
situe à 1 mg/m3. Cette valeur a été adoptée ultérieurement par la Conférence
américaine des hygiénistes gouvernementaux du travail (American Conference of
Governmental Industrial Hygien-ists (ACGIH)) et, jusqu’à la fin des années
soixante-dix, elle est restée en vigueur aux Etats-Unis pour les poussières de
coton. Des observations rapportées par la suite ont démontré que les poussières
fines (< 7 µm) étaient responsables de pratiquement tous les cas de byssinose
(Molyneux et Tombleson, 1970; Mckerrow et Schilling, 1961; McKerrow et coll., 1962;
Wood et Roach, 1964). Une étude faite en 1973 par Merchant et coll. sur les
symptômes respiratoires et la fonction pulmonaire dans 22 usines textiles de
Caroline du Nord a porté sur 1 260 travailleurs du coton, 803 du coton et du
synthétique et 904 de la laine et du synthétique. Cette étude a confirmé la
relation linéaire qui existe entre la prévalence de la byssinose (et la
détérioration de la fonction pulmonaire) et les concentrations de poussières
exemptes de fibres de coton.
Dans une série d’enquêtes portant sur plusieurs milliers de travailleurs du textile
suivis à la fin des années soixante pendant une période de cinq ans, Fox et coll.
(1973a, 1973b) ont constaté un accroissement du nombre des cas de byssinose,
parallèle à l’ancienneté de l’exposition. Ils ont observé aussi une diminution
annuelle du volume expiratoire maximal seconde (VEMS) (pourcentage par rapport à la
valeur théorique) sept fois plus importante que chez les témoins.
Une seule étude portant sur les broncho-pneumopathies chroniques chez les
travailleurs du textile a été menée au début des années soixante-dix par Arend
Bouhuys (Bouhuys et coll., 1977). L’originalité de cette étude a été d’inclure
aussi bien le personnel en activité que les retraités. Les sujets étaient ou
avaient été employés dans l’une des quatre usines locales de Columbia, en Caroline
du Sud. Les critères de sélection de la cohorte ont été décrits dans la première
analyse transversale. A l’origine, le groupe retenu comptait 692 personnes, mais
l’analyse a été restreinte à 646 sujets de race blanche, âgés d’au moins 45 ans en
1973. Ces personnes avaient travaillé en moyenne trente-cinq ans dans l’usine. Le
groupe témoin retenu pour l’analyse transversale était constitué de sujets de race
blanche d’au moins 45 ans, dans trois localités ayant fait l’objet d’une étude
transversale: Ansonia, Lebanon (Connecticut) et Winnsboro (Caroline du Sud). Malgré
les différences géographiques, socio-économiques ou autres, la fonction pulmonaire
dans cette population n’était pas différente de celle qui avait été mesurée chez
les travailleurs du textile affectés aux tâches les moins poussiéreuses. Aucune
variation de la fonction pulmonaire et des symptômes respiratoires n’étant apparue
dans les trois sous-populations témoins, seuls les sujets de Lebanon étudiés en
1972 et en 1978 ont été retenus comme témoins pour l’étude longitudinale effectuée
en 1973 et en 1979 chez les travailleurs du textile (Beck, Doyle et Schachter,
1981; Beck, Doyle et Schachter, 1982).
De nombreux auteurs ont soulevé la question du tabagisme qui peut laisser perplexe.
De nombreux travailleurs du textile étant des fumeurs de cigarettes, il a été
avancé que la broncho-pneumopathie chronique attribuée à l’exposition aux
poussières de textiles était en réalité largement imputable au tabagisme. Deux
réponses ont été apportées à cette question, sur la base des observations
effectuées chez les travailleurs de Columbia. Dans l’étude de Beck, Maunder et
Schachter (1984), une analyse de variance bifactorielle portant sur tous les
paramètres de la fonction respiratoire a démontré que les effets de la poussière de
coton et du tabagisme étaient uniquement additifs. En d’autres termes, la
détérioration quantitative de la fonction pulmonaire due à l’un des deux facteurs
(tabagisme ou exposition aux poussières) ne varie pas en fonction de la présence ou
de l’absence du second facteur. La détérioration de la capacité vitale et la
diminution du VEMS apparaissent quantitativement similaires (antécédents de
tabagisme de 56 paquets-année en moyenne, pour 35 ans de travail en usine). Dans
une étude de même type, Schachter et coll. (1989) ont montré que l’utilisation d’un
paramètre reflétant la courbe du débit expiratoire de pointe (l’angle bêta)
permettait de distinguer les profils d’anomalies fonctionnelles respiratoires dus
au tabagisme et aux poussières de coton. Ces travaux ont confirmé les conclusions
antérieures de Merchant.
La mortalité
Les études consacrées à l’effet sur la mortalité de l’exposition aux poussières de
coton n’ont pas démontré d’influence systématique. L’analyse des résultats publiés
à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle au Royaume-Uni semble mettre en
évidence une mortalité cardio-vasculaire accrue chez les travailleurs âgés dans
l’industrie textile (Schilling et Goodman, 1951). En revanche, l’examen des données
disponibles dans les localités de la Nouvelle-Angleterre où étaient implantées des
usines textiles à la fin du XIXe siècle n’a pas confirmé ce phénomène (Arlidge,
1892). De même, Henderson et Enterline (1973) ont abouti à des conclusions
négatives dans leur étude portant sur des travailleurs qui avaient été employés
dans des usines situées en Géorgie entre 1938 et 1951. Au contraire, Dubrow et Gute
(1988), qui ont conduit une étude sur des travailleurs du textile dans le Rhode
Island décédés entre 1968 et 1978, ont observé une augmentation significative du
taux de mortalité proportionnelle imputable aux pathologies respiratoires non
malignes. Ce phénomène était associé à une exposition accrue aux poussières puisque
le taux était plus élevé chez les travailleurs affectés au cardage, au doublage et
au peignage que chez les autres travailleurs du textile. Il faut souligner que,
dans cette étude comme dans d’autres (Dubrow et Gute, 1988; Merchant et Ortmeyer,
1981), la mortalité par cancer du poumon était faible. Cet argument a été mis en
avant pour affirmer que le tabagisme n’était pas une cause majeure de mortalité
dans ces groupes.
Des observations effectuées en Caroline du Sud semblent indiquer que les broncho-
pneumopathies chroniques sont une cause majeure de mortalité ou constituent, en
tout cas, un facteur prédisposant. En effet, chez les travailleurs qui sont décédés
entre 45 et 64 ans au cours d’une période de suivi de six ans, la fonction
pulmonaire mesurée d’après le VEMS résiduel (valeur observée par rapport à la
valeur théorique) s’était considérablement détériorée lors de l’étude initiale chez
les hommes non-fumeurs décédés au cours des six années de suivi (VEMS résiduel
moyen = 0,9 l) (Beck et coll., 1981). Il est fort possible que l’effet du travail
en usine sur la mortalité ait été masqué par un phénomène de sélection (effet du
travailleur en bonne santé). Enfin, Rooke (1981b) a estimé que, sur les 121 décès
observés en moyenne chaque année chez les travailleurs invalides, 39 étaient
imputables à la byssinose.
Aux Etats-Unis, Glindmeyer et coll. (1991, 1994) ont conduit une étude prospective
sur cinq ans dans 9 usines (6 usines de coton et 3 de fibres synthétiques), entre
1982 et 1987. Celle-ci a porté sur 1 817 travailleurs affectés exclusivement à la
fabrication de filés de coton, à l’encollage et au tissage ou à la fabrication de
textiles synthétiques. Dans l’ensemble, moins de 2% des travail-leurs présentaient
des symptômes de byssinose. Cependant, les travailleurs affectés aux opérations de
fabrication des filés présentaient une détérioration annuelle de la fonction
pulmonaire plus importante que les travailleurs chargés de l’encollage et du
tissage. Les premiers accusaient une détérioration en fonction de la dose absorbée,
en relation également avec la qualité du coton utilisé. Ces usines respectaient les
normes de l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Occupational
Safety and Health Administration (OSHA)), avec des concentrations moyennes de
poussières de coton en suspension dans l’air (exemptes de coton-fibre) atteignant,
sur 8 heures, 196 µg/m3 pour la fabrication du fil et 455 µg/m3 pour l’encollage et
le tissage. Glindmeyer et coll. (1994), qui ont mis en relation les variations de
la fonction pulmonaire au cours de la semaine de travail (équivalent fonctionnel
objectif des symptômes de byssinose) et la détérioration de ce paramètre dans le
temps, ont montré que les premières annonçaient de façon significative l’évolution
longitudinale.
Les traumatismes dus aux mouvements répétés constituent un risque reconnu dans
l’industrie textile lorsqu’on a recours à des machines qui fonctionnent à vitesse
élevée (Thomas, 1991). Une description du syndrome du canal carpien (Forst et
Hryhorczuk, 1988) chez une couturière se servant d’une machine à coudre électrique
illustre la pathogénie de ce type d’affection. Une analyse des lésions des mains
chez les travailleurs de la laine dans le Yorkshire, traitées entre 1965 et 1984
par l’Unité régionale de chirurgie plastique, a montré une constance de l’incidence
annuelle de ces lésions, alors que les effectifs avaient été divisés par 5, ce qui
indique un risque accru dans cette population (Myles et Roberts, 1985).
Une toxicité hépatique a été rapportée par Redlich et coll. (1988) chez des
travailleurs du textile exposés au diméthylformamide, utilisé comme solvant dans
une usine de traitement de tissus. Cette toxicité a été reconnue lors d’une
«épidémie» d’hépatopathies dans un établissement de New Haven (Connecticut) qui
produit des tissus enduits de polyuréthane.
Enfin, des cas de stérilité ont été décrits chez des hommes et des femmes à la
suite d’une exposition à diverses substances présentes dans l’industrie textile
(Rachootin et Olsen, 1983; Buiatti et coll., 1984).
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