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Explication du texte de Descartes

La communication n’est pas le propre de l’homme. Certains animaux peuvent communiquer


leurs passions et leurs émotions en produisant notamment des sons. Le perroquet est capable de
reproduire des phrases à la manière de l’homme. Les abeilles peuvent communiquer à leurs congénères
des informations précises après avoir détecté une source de nourriture. Elles réalisent une danse en forme
de 8 : la fréquence des frétillements code la distance du nectar et l’inclinaison de la danse par rapport à
la verticale indique la direction dans laquelle il se situe. (On parle de « danse des abeilles », d’après les
études de l’éthologue Karl von Frisch. Ethologie : étude scientifique du comportement des espèces
animales).
Peut-on dire du perroquet qui émet des paroles, qu’il communique à la manière d’un homme ?
Non car les signes qu’il emploie ne sont pas à-propos (=de circonstances). Il est certes capable
d’émettre des paroles mais sans être en mesure de s’adapter aux différentes situations qui se présentent
à lui. Le perroquet peut dire dix fois de suite « bonjour », alors que l’Homme dira une fois « bonjour »,
ou deux fois si on ne lui a pas répondu la première fois. Quant à la communication des abeilles, on
peut prévoir en fonction de l’endroit d’où elles reviennent, quelle forme aura leur danse et la
réponse que leurs congénères seront susceptibles d’adopter. Chez l’homme, une source de nourriture
peut être la cause d’une infinie variété de réponses.
Lesquelles ?

Alors que la communication animale est limitée, les langues humaines sont des systèmes
symboliques créatifs. Il n’y a pas de limite aux nombres de messages différents qu’un locuteur peut
produire ou comprendre. Une phrase comme « les pommes de terre sont dans la machine à laver » est
un peu étrange mais elle est compréhensible. Pourquoi ? Parce que la signification des signaux
linguistiques complexes comme les phrases dépend de celle des constituants. Or on peut décomposer
et recomposer ces signaux. Vous comprenez « pommes de terre », vous comprenez « machine à laver »,
vous comprenez « être dans », donc vous comprenez la phrase en entier.

Autre différence entre communication animale et langage humain : un cri ou un signal porte
sur un événement particulier alors que les mots peuvent transmettre des informations générales.
Le contenu des messages linguistiques peut être abstrait. Le cri fait signe vers quelque chose qui est là :
le chien aboie pour signaler le danger qu’il sent présentement. Les mots peuvent faire signe vers ce qui
est absent, vers ce qui n’est pas là, ce qui n’a jamais existé, ce qui est impossible, etc.

Texte 1 – Descartes, Lettre au marquis de Newcastle du 23 novembre 1646


« Enfin il n'y a aucune de nos actions extérieures, qui puisse assurer ceux qui les examinent, que
notre corps n’est pas seulement une machine qui se remue de soi-même, mais qu'il y a aussi en lui une
âme qui a des pensées, excepté les paroles, ou autres signes faits à propos des sujets qui se présentent,
sans se rapporter à aucune passion. Je dis les paroles ou autres signes, parce que les muets se servent de
signes en même façon que nous de la voix ; et que ces signes soient à propos, pour exclure le parler des
perroquets, sans exclure celui des fous, qui ne laisse pas d'être à propos des sujets qui se présentent, bien
qu'il ne suive pas la raison ; et j'ajoute que ces paroles ou signes ne se doivent rapporter à aucune passion,
pour exclure non seulement les cris de joie ou de tristesse, et semblables, mais aussi tout ce qui peut être
enseigné par artifice aux animaux; car si on apprend à une pie à dire bonjour à sa maîtresse lorsqu'elle
la voit arriver, ce ne peut être qu'en faisant que la prolation de cette parole devienne le mouvement de
quelqu’une de ses passions ; à savoir, ce sera un mouvement de l'espérance qu'elle a de manger, si l'on
a toujours accoutumé de lui donner quelque friandise lorsqu'elle l'a dit ; et ainsi toutes les choses qu'on
fait faire aux chiens, aux chevaux et aux singes, ne sont que des mouvements de leur crainte, de leur
espérance, ou de leur joie, en sorte qu'ils les peuvent faire sans aucune pensée. Or il est, ce me semble,
fort remarquable que la parole, étant ainsi définie, ne convient qu’à l’homme seul. (…) Je sais bien que
les bêtes font beaucoup de choses mieux que nous, mais je ne m'en étonne pas car cela même sert à
prouver qu'elles agissent naturellement et par ressorts, ainsi qu'une horloge, laquelle montre bien mieux
l'heure qu'il est, que notre jugement ne nous l'enseigne. Et sans doute que, lorsque les hirondelles
viennent au printemps, elles agissent en cela comme des horloges. »

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Méthodologie de l’explication de texte : Introduction =


1) thème (de quoi ça parle),
2) problème (formulé sous forme de questions, minimum une, maximum trois),
3) thèse (qu’affirme l’auteur pour répondre à la question dont vous pensez que c’est celle
qu’il s’est posée dans ce texte),
4) enjeux (à quoi bon avoir écrit ce texte ?)
5) annonce de plan (comment l’auteur s’y prend-il pour répondre à sa question ?
Articulations logiques du texte).
Trois règles d’or :
- l’explication de texte doit être linéaire (ligne à ligne) et non thématique
- tous les termes philosophiquement importants doivent être expliqués, rien ne doit être
passé sous silence
- une explication n’est pas une paraphrase
Principal écueil à éviter dans l’explication de texte : la paraphrase. Quelques conseils pour éviter la
paraphrase : 1) Se demander pourquoi l’auteur affirme telle ou telle chose ; 2) Définir les termes utilisés
dans le texte ; 3) faire apparaître l’armature logique du texte (comment le texte est construit) ; 4) toujours
se dire qu’on doit apprendre quelque chose au correcteur, qui a le texte sous les yeux (donc pas la peine
de le lui répéter) ; 5) Faire des hypothèses (peut-être que l’auteur veut dire ça… mais également ça…) ;
6) débattre, contester, en apportant des éléments de son crû ou des trucs qu’on a vus en cours) ; 7) faire
des rapprochements avec d’autres textes que vous connaissez, ou établir des différences avec d’autres
doctrines que vous connaissez
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Construction du texte : Descartes cherche à savoir comment on sait que les hommes, qui sont également
des animaux ou des machines parce qu’ils ont un corps, ne sont pas seulement des animaux ou des
machines. Il raffine petit à petit son critère de distinction, pour ne pas exclure de l’humanité certains
hommes (tels que les fous ou les muets), et pour ne pas inclure dans l’humanité certains animaux (tels
les perroquets).
Première proposition : la parole
Objection : les muets
Deuxième proposition : les signes
Objection : les perroquets
Troisième proposition : les signes faits à propos des sujets qui se présentent
Objection : les animaux
Quatrième proposition : « les signes faits à propos des sujets qui se présentent, sans se rapporter à aucune
passion »
(Aujourd’hui on pourrait faire l’objection à Descartes que les robots qui parlent font usage de signes à
propos de sujets qui se présentent, sans se rapporter à aucune passion !)

L.1-4 – Descartes établit, entre l’Homme et les autres animaux, non pas une différence de degrés
mais une différence de nature.
Il s’oppose à Montaigne qui disait qu’il y a moins de différence entre un animal intelligent et un homme
stupide qu’entre deux hommes.
Descartes souligne que la communication animale apparaît toujours comme le signe d’un besoin de
l’organisme. Autrement dit, elle résulte du jeu des passions. Les mouvements corporels, chez l’homme
comme chez l’animal, sont déterminés de façon purement mécanique, indépendamment de la
conscience.
Si je me cogne je vais avoir mal quelle que soit ma volonté, de même il ne dépend pas de moi d’avoir
faim, etc. Ce sont des sensations mécaniques, déterminées. La faim s’explique par ma nature physique.
La plupart de nos mouvements sont autonomes, accomplis en vertu de mécanismes purement
physiques (causes physiques et non pas causes mentales), comme c’est le cas d’un automate ou d’une
horloge qui une fois bien construite et bien réglée, fonctionne tout seul. L’homme est en partie une
machine, de nombreux mouvements corporels se font à son insu, sans sa volonté, de manière
autonome (causes physiques) mais il n’est pas qu’une machine, contrairement à l’animal, il a la
possibilité d’effectuer des actions non pas mécaniques mais délibérées (causes mentales).
Pour Descartes il n’existe qu’un seul indice permettant de conclure à la présence d’une conscience dans
un organisme donné : le langage, c’est-à-dire la capacité linguistique de produire des signes.
Pour Descartes, les animaux sont des machines : ils fonctionnent comme des horloges bien réglées.
Descartes développe une approche mécaniste de la nature. Pourquoi comprendre les animaux comme
des machines ? Parce que les animaux ne sont pas doués de raison. Si un animal se met en mouvement
pour chasser sa proie, son mouvement ne fait pas suite à une réflexion. Son mouvement est le jeu d’un
mécanisme réglé instinctivement.
Or les hommes ont eux aussi un corps, ils ont eux aussi des instincts, ils font eux aussi des choses de
manière mécanique. Comment distinguer dès lors un homme d’un animal ? Il semble à première vue
que cette distinction soit arbitraire : lorsque j’observe un homme, je ne vois rien qui soit distinct d’un
animal, et donc d’une machine. C’est ce que dit Descartes dans la Méditation II : lorsque je regarde par
ma fenêtre, je ne vois rien d’autre que des chapeaux et des manteaux, et non des hommes. Il se pourrait
que sous ces chapeaux et ces manteaux : je ne vois pas des hommes, mais je juge que ce sont des
hommes. Car ce que je vois, ce sont « des chapeaux et des manteaux, qui peuvent couvrir des spectres
ou des hommes feints qui ne se remuent que par ressorts ». Donc l’homme, si je me contente de le voir,
si je me n’ai accès qu’à son corps, se donne à moi tout comme les animaux. L’homme est une machine.
Mais l’homme est aussi autre chose qu’une machine. La seule manière que j’ai de le savoir, c’est la
parole : seule la parole m’enseigne que les autres hommes sont doués de pensée, donc qu’ils ne sont pas
des animaux.
L.5-7 – Le risque, en faisant de la parole le signe distinctif de l’homme, c’est d’exclure de l’humanité
les muets et les fous. Si la parole permet de distinguer entre un homme et un animal, alors puisque le
muet ne peut pas parler, nous devrions dire de lui qu’il n’est pas un homme. Evidemment cette
conséquence est inadmissible. Raison pour laquelle Descartes ajoute que ce qui distingue l’homme de
l’animal, c’est non seulement la parole, mais l’usage des signes en général. Le muet se sert de geste
pour signifier. Il faut donc dire que l’homme se distingue de l’animal par sa capacité de signifier.
Or les animaux peuvent eux aussi signifier : par exemple, un perroquet qui répète le même mot à
longueur de journée signifie quelque chose. Raison pour laquelle Descartes apporte une seconde
restriction à sa thèse selon laquelle c’est la capacité de signifier qui distingue l’homme de l’animal :
seul l’homme est capable de signes qui « soient à propos ». Un perroquet qui a appris le mot « verre
d’eau » dira « verre d’eau » même lorsqu’il n’aura pas soif, ou même lorsqu’il n’y aura pas de verre
d’eau dans la pièce où il se trouve. Il n’emploie donc pas les mots « verre d’eau » à propos : ni pour
signifier qu’il a soif, ni pour signaler la présence d’un verre d’eau. Ses signes ne signifient rien. Au
contraire, les signes employés par l’homme signifient quelque chose – et même les paroles des fous
signifient (même si un fou ne dit rien de rationnel, ce qu’il dit a quand même un sens pour lui : il est
justifié à le dire).
L.7-fin du §1 – Descartes apporte enfin une troisième restriction à sa thèse : les signes ne sont pas
l’expression des passions. En effet un chien qui hurle parce qu’il a faim ne renvoie pas à une pensée
mais à un instinct ou à une passion. Etc.
Deuxième § – L’homme est le seul être qui soit doué de parole. Mais de cela il ne faut pas conclure
qu’il soit supérieur aux animaux ; et même, il y a de nombreuses choses que les animaux font mieux que
nous. En effet, les animaux étant de pures et simples machines, ils fonctionnent tout comme des
horloges. La parole renvoie à la pensée : l’homme est un être de pensée parce qu’il est un être de langage.

Le langage manifeste, par sa souplesse, ainsi que par sa faculté d’adaptation à tous les types de
situations, le caractère non mécanique de la pensée.
C’est donc seulement la capacité de produire des signes pertinents et indépendants du contexte immédiat
qui prouve l’existence de la conscience, car une telle capacité est irréductible au mécanisme corporel
: elle requiert nécessairement l’intervention d’un sujet pensant. La répétition mécanique et
l’expression passionnelle, en revanche, sont réductibles à la causalité mécanique et ne constituent donc
pas des preuves suffisantes de l’existence d’une conscience dans l’organisme étudié.
Si les animaux étaient capables de penser, ils devraient pouvoir nous communiquer leurs pensées par
une sorte de langage des signes (si leur appareil phonatoire n’est pas adapté comme le pensaient les
Anciens). Descartes en conclut que les animaux n’ont pas de conscience.
Pour conclure, la plupart de nos actions physiques sont accompagnées de conscience sans pour autant
être dépendantes de la participation de la conscience : on peut accomplir des actions quand la conscience
est affaiblie ou éteinte (mouvements machinaux, réflexes, somnambulisme). Mais nous sommes
également capables de produire des signes adaptés au sujet discuté, irréductibles aux effets immédiats
de l’environnement sur l’organisme.

➔ Pour contester le fait que l’homme et l’animal se distinguent par la parole, voir la vidéo de
Koko, le gorille qui parle. Vidéo sur Youtube

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