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L’orthodontie s’intègre de plus en plus souvent dans des prises en charge

pluridisciplinaires. La chronologie d’intervention des disciplines est essentielle


pour la réussite de ces traitements. Sylvie Pereira et Hadi Antoun rappellent ici les apports
réciproques de l’orthodontie et de l’implantologie, tout en soulignant l’importance
d’une phase préliminaire de parodontologie et de son suivi, implantologie et orthodontie
ne pouvant s’envisager que sur un parodonte sain ou assaini et stabilisé.

Chronologie du plan
de traitement : paro, ortho, implanto
Sylvie Pereira
DU de parodontie clinique, Paris V, Master pro en parodontologie, Paris VII
Pratique privée limitée à la parodontologie, Paris

Hadi Antoun
Pratique privée limitée à la parodontologie et l’implantologie, Paris
Fondateur de l’Institut de formation en chirurgie implantaire avancée (IFCIA)

Depuis les travaux de Brånemark, l’implantologie différentes options de chronologie des plans de
moderne basée sur les données scientifiques offre traitement pluridisciplinaires intégrant la parodon-
une option thérapeutique fiable à long terme. tologie, l’orthodontie et l’implantologie en fonc-
Néanmoins, la mise en place de l’implant n’est tion de l’objectif final prétendu.
pas toujours simple à réaliser. En cas d’extraction
unitaire ou multiple, on observe avec le temps PHASE I
non seulement le déplacement des dents vers le
site édenté et par conséquent, une diminution
Parodontologie
de l’espace prothétique adéquat, mais aussi un L’intégration de l’orthodontie dans un plan de trai-
remodelage osseux qui se traduit par une perte tement de réhabilitation implantaire peut être pri-
tridimensionnelle de la crête alvéolaire. En dehors mordiale pour l’obtention d’un rendu esthétique et
des techniques chirurgicales avancées, nous dis- fonctionnel optimal. Néanmoins, avant tout type de
posons aujourd’hui d’un certain nombre d’alterna- traitement, deux éléments sont indispensables au
Les auteurs
ne déclarent tives, dont fait partie l’orthodontie pré-implantaire. bon déroulement des différentes étapes : l’absence
aucun lien d’intérêt. L’objectif de cet article est donc de présenter les d’infection et le maintien d’un parodonte sain.

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Plan de traitement

Traitement des maladies


parodontales
En effet, les données de la littérature nous montrent
que lorsque le déplacement dentaire se fait en pré-
sence d’une inflammation, celui-ci peut entraîner
des destructions tissulaires avec des pertes d’at-
taches et des pertes osseuses (fig. 1a et b) [1, 2].
L’examen parodontal clinique et radiologique devra
donc précéder systématiquement le traitement
orthodontique de manière à pouvoir dépister la
présence d’une éventuelle gingivite ou parodontite.
La prise en charge parodontale permettra la dimi- Fig. 1a - Vue clinique per-opératoire d’un défaut intra-osseux apparu
nution de l’inflammation et de la charge bacté- en conséquence de la mise en place d’un traitement orthodontique
rienne par un enseignement à l’hygiène orale et sur une parodontite non stabilisée ou sans suivi parodontal.
b - Vue radiologique de la lésion intra-osseuse en distal de 23.
une thérapeutique parodontale non chirurgicale.
Noter que le traitement orthodontique n’est plus actif.
En cas de poches parodontales résiduelles ou de
lésions osseuses angulaires, un traitement chirur-
gical peut être envisagé afin d’éviter le dévelop-
pement d’une flore pathogène sous-gingivale non
compatible avec la santé parodontale ou la régéné-
ration de la lésion (fig. 2 et 3) [3].
Ainsi, l’orthodontie est possible chez des patients
présentant un parodonte réduit, à condition de res-
pecter certains principes mécaniques (l’utilisation
de forces légères et continues) et de maintenir un
parodonte sain tout au long du déplacement den- Fig. 2 - Traitement de régénération Fig. 3 - Contrôle à six mois.
parodontale par la mise en place Réparation du défaut intra-osseux
taire. Par conséquent, et étant donné la difficulté
d’une xénogreffe bovine (Bio-Oss®) et absence de poche parodontale.
du contrôle de plaque par la mise en place des dis- associée à des protéines dérivées Le traitement orthodontique
positifs orthodontiques qui constituent un véritable de la matrice amélaire (Emdogain®). peut alors être repris.
facteur de rétention, un suivi parodontal strict avec
des séances rapprochées tous les 2 à 3 mois est
indispensable pour assurer la stabilité de la mala-
die parodontale [4]. En cas de récidive, les forces
orthodontiques seront désactivées provisoirement
pendant la mise en place du traitement parodon- dépistage de situations mucogingivales défavo-
tal jusqu’à ce que la parodontite soit stabilisée. Le rables pouvant générer l’apparition et/ou l’aggra-
traitement orthodontique pourra alors être repris. vation d’une récession (fig. 4a à c).
En cas de biotype parodontal fin avec une hau-
Traitement des récessions teur de gencive kératinisée inférieure à 2 mm, une
parodontales greffe avec prélèvement palatin épithélio-conjonc-
Lorsqu’un traitement orthodontique est envisagé, tif ou conjonctif enfoui devra être envisagée,
l’analyse du parodonte est primordiale dans le en particulier en cas de rotation, de mouvement

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4a b c

Fig. 4a à c - Gingivite généralisée modérée à sévère associée à un contrôle de plaque faible. On note des récessions de classe II
de Miller en regard de 31 et 41 ainsi qu’un frein labial inférieur iatrogène.

vestibulaire ou tout autre mouvement susceptible d’augmentation osseuse et tissulaire ont été pro-
de créer une déhiscence osseuse (fig. 5 à 7) [5]. posées [8]. Autre que les procédés chirurgicaux,
À l’inverse, malgré l’absence de preuve, certaines l’extrusion orthodontique, décrite en 1993 par
études affirment que lorsque le mouvement se fait Salama et Salama, représenterait une alternative
en lingual, la gencive marginale migre coronaire- clinique intéressante dans le développement du site
ment au cours du déplacement dentaire, réduisant péri-implantaire [9]. Le terme « extrusion ortho-
ainsi la récession et la nécessité d’intervenir préa- dontique » est défini par le déplacement coronaire
lablement [6]. Néanmoins, dans la plupart des cas de la dent et de son système d’attache par l’utili-
de récessions gingivales préexistantes, l’indication sation de forces d’égression légères en vue de la
de la chirurgie plastique parodontale sera posée création d’un volume osseux et tissulaire appro-
en première intention, dans le but de créer ou de priés pour la mise en place de l’implant dans de
renforcer le tissu gingival, garant d’un traitement bonnes conditions. Histologiquement, l’application
orthodontique à moindre risque. d’une force d’extrusion conduit à l’élongation des
fibres parodontales et à une stimulation des capa-
cités ostéoinductrices des ostéoblastes respon-
PHASE II - OPTION 1 sables de l’augmentation du volume osseux [10,11].
Orthodontie avant Cliniquement, la gencive marginale accompagne
l’implantologie la racine dans son mouvement vertical d’extrusion
L’orthodontie dans le développement mais la ligne mucogingivale maintien sa position
du site péri-implantaire initiale. Ceci conduit à l’augmentation de la hau-
Il est aujourd’hui bien établi que l’extraction d’une teur de gencive attachée qui se fait par l’éversion
dent conduit à des variations dimensionnelles de la de l’épithélium sulculaire, d’abord sous la forme
crête alvéolaire, qui se traduisent par une réduction d’un tissu non kératinisé et immature, avant sa
importante du volume osseux. Selon une revue kératinisation qui nécessite 28 à 42 jours [12].
systématique publiée en 2012 par Tan et coll., on
peut estimer une perte osseuse horizontale de 29 Dans quels cas l’extrusion orthodontique
à 63 % et une perte osseuse verticale de l’ordre est-elle indiquée ?
de 22 % [7]. Pour obtenir des résultats esthétiques L’indication d’extrusion orthodontique se pose
favorables dans ces situations, des techniques de plus souvent dans le secteur antérieur maxillaire
préservation alvéolaire ou de chirurgie avancée où l’esthétique constitue l’une des préoccupations

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Plan de traitement

5 6 7a

Fig. 5 - Une fois le contrôle de plaque maîtrisé, un assainissement


parodontal a été réalisé afin de traiter la gingivite. La diminution
de l’inflammation gingivale et le bon contrôle de plaque ont permis
de réaliser dans un premier temps la freinectomie du frein labial
inférieur.
Fig. 6 - Afin d’épaissir la gencive et de recouvrir les récessions,
la technique du tunnel modifiée a été réalisée deux mois après
la freinectomie. Cette technique consiste à prélever un greffon b
de tissu conjonctif au palais et à le placer sous le lambeau
décollé préalablement sans incision des papilles et finalement tracté
coronairement.
Fig. 7a et b - Cicatrisation à un an. Noter le recouvrement complet des récessions sur 31 et 41 et l’amélioration du contrôle
de plaque par la patiente.

majeures. Il s’agit généralement de dents à mau- vestibulaire prononcée, le niveau des tissus mous
vais pronostic avec une atteinte osseuse sévère, des sera placé au moins 2 mm plus en coronaire que la
fractures radiculaires ou des lésions endodontiques position finale souhaitée de manière à compenser
irrécupérables. Néanmoins, la présence d’un quart l’éventuelle récession susceptible d’apparaître après
à un tiers de l’attache apicale d’origine est une l’extraction de la dent [14]. Une fois l’extrusion de la
condition préalable indispensable pour la néofor- dent terminée, il est nécessaire de maintenir la dent
mation d’os et de gencive dans le sens vertical*. De dans cette nouvelle position pendant une période
plus, cette technique est également limitée à des de trois à six mois. Cette phase de stabilisation est
dents présentant des défauts osseux caractérisés importante pour permettre la réorganisation cor-
par une résorption modérée, en particulier de l’os recte des tissus mous et le remodelage osseux de
vestibulaire, et une récession gingivale ne dépas- la zone apicale autour de la racine de la dent extru-
sant pas le tiers moyen radiculaire [13]. dée, afin de diminuer le risque de récidive [15].
L’extrusion orthodontique est une technique
Quelle est la durée du traitement ? non chirurgicale qui permet donc d’améliorer la
La durée de l’extrusion orthodontique va dépendre
uniquement de la quantité du volume osseux et tis- *L’extrusion orthodontique permet le développement
sulaire souhaitée. En règle générale, l’extrusion de du site péri-implantaire dans le sens vertical. En cas
d’insuffisance osseuse en largeur, une augmentation
la dent ne doit pas dépasser 1 à 2 mm par mois osseuse horizontale sera nécessaire en plus
[13]. Dans des cas sévères avec perte tissulaire de l’extrusion dentaire.

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Fig. 8 - L’examen
clinique montre un
décalage important
de la ligne des collets
ainsi que du bord
libre de la couronne
sur l’implant 11
par rapport aux
dents naturelles.
Traitement : dépose 9a
de l’implant et mise
en place d’un nouvel
implant associé à une
greffe osseuse.
Fig. 9a et b -
Etant donné l’espace
8
mésio-distal réduit,
un traitement
orthodontique en
lingual a été envisagé
au préalable pour
b
l’aménagement de
l’espace prothétique
et implantaire.
(orthodontie :
Dr Jean El Khoury)
Fig. 10 - Dépose
de l’implant
et greffe osseuse avec
mise en place d’une
xénogreffe bovine
(Bio-Oss®) recouverte
par une membrane
résorbable
(Bio-Gide®).
Une greffe 10 11
de conjonctif
prélevée au palais
a été placée
sur la membrane
avant la fermeture
du lambeau. topographie tridimensionnelle du lit implantaire perte dentaire entraînent la migration des dents
Fig. 11 - Après trois avant l’extraction de la dent. voisines ou des dents antagonistes aux zones
mois, on observe L’augmentation du volume osseux permet la mise édentées non compensées, sous forme de version,
une insuffisance en place de l’implant dans une position correcte rotation ou égression. Selon certaines études,
de volume osseux
et l’augmentation tissulaire assure un volume suf- 13 % des molaires sans antagonistes peuvent
en largeur.
Par conséquent, fisant pour créer une situation esthétique aussi présenter des égressions supérieures ou égales à
une greffe naturelle que possible autour des reconstructions 2 mm. Les rotations dentaires s’observent préfé-
osseuse autogène prothétiques implanto-portées [16]. rentiellement au maxillaire et les mésio-versions
d’apposition surtout à la mandibule [17, 18].
a été envisagée.
L’orthodontie dans l’aménagement Dans certains cas, ces migrations entraînent une
du site implantaire diminution de l’espace prothétique et de l’es-
La présence d’agénésies unitaires, multiples ou la pace radiculaire qui vont être insuffisants pour la

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Plan de traitement

12 13a b

Fig. 12 - Fig. 13a et b - Mise en place d’un implant non enfoui Brånemark MK3
Le prélèvement Groovy Ti Unite RP 4 x 13 mm six mois après la greffe osseuse d’apposition.
osseux a été effectué
au niveau de la zone
ramique droite
et découpé
en deux dans le sens
de l’épaisseur, puis
fixé en vestibulaire
et palatin. L’espace
créé entre les deux
greffons a été comblé
d’os spongieux
et cortical broyé
recouvert
d’une membrane
(Bio-Gide®).

14a b

Fig. 14a et b - Mise en place de la couronne sur l’implant 11 et contrôle radiologique à six ans.
Noter le réalignement des collets.

réhabilitation implantaire (fig. 8). Par conséquent, Par ailleurs, elle permet l’aménagement du site
le traitement orthodontique devra être envisagé implantaire en créant un espace favorable à la
au préalable de manière à aménager l’espace mise en place de l’implant, en particulier, lorsqu’il
nécessaire (fig. 9a et b). En effet, l’orthodontie est nécessaire de paralléliser les racines des dents
pré-implantaire permet de préparer l’environne- bordant l’édentement (fig. 10 à 14) [19, 20].
ment adjacent et antagoniste de la zone à implan- Avec l’apparition des mini-vis orthodontiques,
ter en créant un espace prothétique conforme au qui font aujourd’hui partie intégrante de l’arsenal
projet prothétique visualisé sur un set up/wax up : thérapeutique de l’orthodontiste, certains de ces
l’ingression de la dent antagoniste à l’édentement mouvements dentaires sont rapidement réalisés
recrée l’espace prothétique en hauteur ; le redres- (fig. 15 à 17).
sement des dents bordant l’édentement recrée La mise en œuvre de ces nouveaux dispositifs se
l’espace prothétique en largeur. fait selon un protocole chirurgical simple et rapide,

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15a b 16a b

Fig. 15a et b - Édentement postérieur mandibulaire bilatéral. Noter l’espace Fig. 16a et b - Pour aménager l’espace
prothétique en hauteur insuffisant avec l’égression des dents 16, 26 et 27. en hauteur, un traitement orthodontique
a été envisagé par la mise en place de neuf
implants orthodontiques : deux en vestibulaire
de chaque dent et un en palatin
(implants Teka : 1,6 x 1,1 mm ; 2 x 9 mm).

Fig. 17a et b - Vue clinique


de l’activation des implants
orthodontiques permettant
l’ingression des molaires
maxillaires 16, 26 et 27.

17a b

Fig. 18 - Vue radiologique de la mise en place de 6 implants


en 35, 36, 37, 45, 46 et 47 après augmentation osseuse
avec leurs prothèses respectives (implant Brånemark
Speedy Groovy TiUnite 4x10 ; 4x8.5 ; 4x10).

18

Fig. 19a et b - Vue clinique.


Noter que l’ingression
des molaires maxillaires a permis
de rétablir l’occlusion
et d’aménager l’espace nécessaire
pour la réhabilitation implantaire
(Prothèse : Dr Jean-Louis Ferrari).
19a b

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Plan de traitement

avec l’avantage qu’il s’agit d’un ancrage temporaire,


permettant une mise en charge immédiate ainsi
qu’une grande facilité de dépose (fig. 18 et 19).

PHASE II – OPTION 2
Implantologie
avant l’orthodontie
Si pendant longtemps les traitements associant 20a b
l’orthodontie et la réhabilitation implantaire des
sites édentés suivaient une chronologie dans Fig. 20a et b - Édentement postérieur bi-maxillaire associé à la protrusion
laquelle l’orthodontie précédait systématiquement du bloc incisivo-canin (overjet).
le projet prothétique et implantaire, aujourd’hui,
dans certains cas, il peut être plus intéressant de
poser les implants avant de débuter le traitement
orthodontique.
Pour assurer au mieux les déplacements den-
taires, l’orthodontie a besoin de s’appuyer sur un
ancrage fiable. Selon la Société Française d’Ortho-
pédie Dento-Faciale, « l’ancrage est un élément à
considérer comme stable ou fixe pouvant servir de
point d’appui lors de l’application d’un système de
forces. Cela concerne le ou les secteurs de l’arcade
dentaire qui ne doivent pas être déplacés pendant
que les autres le sont et tout moyen pour assurer la
stabilité d’une dent au cours du mouvement den- 21a Fig. 21a et b -
taire provoqué » [21]. Autrement dit, l’ancrage est Mise en place de six
implants 14, 15, 16, 24,
défini comme la résistance à un mouvement den-
25 et 26 avant traitement
taire non souhaité [22]. orthodontique et après
Néanmoins, selon la troisième loi de Newton « toute planification en vue
action entraîne une réaction égale et opposée ». du futur déplacement.
Cela signifie que, lorsqu’on utilise un dispositif pour Les implants vont
servir d’ancrage direct
réaliser le mouvement des dents désirées dans l’ar- pour déplacer le bloc
cade, inévitablement, d’autres dents se déplacent incisivo-canin vers
si ce dispositif les engage. Par conséquent, lors du l’arrière (orthodontiste :
traitement orthodontique, ces effets doivent être Dr Emmanuel
b Frèrejouand).
évalués et contrôlés de manière à maximiser le
mouvement dentaire souhaité tout en réduisant au
maximum les déplacements dentaires indésirables
[20, 22]. Mais dans certains cas, le contrôle de l’an- Historique : En 1945, Gainsforth et Higley ont été
crage peut être difficile à obtenir, voire impossible les premiers à utiliser des implants comme ancrage
à mettre en œuvre, en particulier chez les patients dans le cadre d’un traitement orthodontique. Ces
présentant un édentement postérieur (fig. 20). vis en vitallium ont été placées à la mandibule et au
Donc pour l’orthodontiste, l’idéal serait d’avoir un maxillaire chez le chien, mais lors de l’application
« ancrage fixe absolu » et cette notion a commencé des forces, les vis ont été perdues [23]. En 1969,
à être étudiée à la fin du XXe siècle. Linkow place des implants lame pour ancrer des

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22a b c

Fig. 22a à c - Vue clinique et radiologique de la situation finale. Noter l’alignement et le repositionnement du secteur antérieur
en Classe I d’Angle. Les implants utilisés initialement comme ancrage ont servi secondairement à la réhabilitation implanto-
portée des secteurs édentés (Prothèse : Dr Jean-Louis Ferrari).

24

Fig. 24 - Le traitement
23a b parodontal a été réalisé jusqu’à
ce que la parodontite soit
Fig. 23a et b - Parodontite chronique généralisée modérée localement sévère au niveau stabilisée. Ensuite, l’implant
des incisives maxillaires. Hypodivergence associée à une classe II squelettique et classe II1 (Nobel Replace CC, Nobel
dentaire avec migrations secondaires des incisives et absence de la dent 14. Biocare) en 14 a été posé avant
le traitement orthodontique.

bandes de caoutchouc pour le déplacement den- fémurs de lapin, reliés à des dents au moyen d’un
taire, mais ces résultats n’ont jamais fait l’objet de ressort délivrant une force de 100 à 300 grammes,
publications à long terme [24]. il observe la stabilité et l’ostéointégration de tous
Cependant, en parallèle, les travaux réalisés par les implants à l’exception d’un [27]. Depuis, l’or-
Brånemark entre 1964 et 1969 mettent en évi- thodontie se sert de l’immobilité des implants
dence la liaison directe de l’os à l’implant en ostéointégrés comme moyen d’ancrage pour le
titane, avec des résultats stables à 5 ans et il intro- repositionnement dentaire. Celui-ci peut être clas-
duit donc en 1977 le terme « ostéointégration », sifié en deux types [28] :
un concept révolutionnaire pour la dentisterie • Ancrage direct : utilise exclusivement les implants
moderne, permettant le traitement des éden- pour obtenir les mouvements souhaités sans sol-
tements unitaires, partiels et complets par une liciter les dents. La force orthodontique est alors
réhabilitation implanto-portée [25, 26]. C’est alors, directement appliquée à la prothèse provisoire sur
en 1984, que Roberts s’inspire des principes de l’implant. L’une des indications la plus fréquente est
l’ostéointégration de Brånemark et décide d’uti- l’édentement postérieur en extension associé au
liser les implants comme pilier d’ancrage dans le déplacement du bloc incisivo-canin. Si l’étude du
déplacement orthodontique. Six à douze semaines positionnement des implants a été correctement
après avoir placé 20 implants en titane dans des planifiée, les implants utilisés comme ancrage au

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Plan de traitement

25 26

Fig. 25 - La mise en place de l’implant au Fig. 26 - Traitement orthodontique bimaxillaire pour fermeture
préalable a permis de renforcer l’ancrage lors des espaces antérieurs supérieurs et alignement de l’arcade
des mouvements de recul et de fermeture des mandibulaire (Orthodontiste : Dr Marie-Laure Labadie).
incisives supérieures.

cours du traitement orthodontique vont également réalignements des molaires dans un mouvement
servir secondairement de remplacement d’une ou mésial ou distal [20].
plusieurs dents manquantes par la mise en place
d’une prothèse définitive (fig. 21). La difficulté CONCLUSION
réside dans le placement correct de l’implant qui
doit tenir compte du mouvement orthodontique et L’approche pluridisciplinaire intégrant la parodon-
de la position future et finale des dents à déplacer. tologie, l’orthodontie et l’implantologie permet
Ainsi, la coopération étroite entre l’orthodontiste, aujourd’hui d’aborder des cas complexes par des
le chirurgien et le prothésiste est indispensable traitements plus simples, en prenant en compte
pour le succès du traitement (fig. 22) [19]. les avantages de chacune de ces trois disciplines,
• Ancrage indirect : utilise les implants pour différentes mais complémentaires, de l’odontolo-
renforcer les unités dentaires d’ancrage soumises gie. La présence d’un parodonte sain constitue un
aux forces orthodontiques (fig. 23 et 24). Une prérequis incontournable du succès de la prise en
connexion est élaborée entre l’implant et les dents charge globale du patient. La première étape du
d’ancrage par une structure rigide (fig. 25 et 26). plan de traitement passe donc inévitablement par
Comme ils ne sont pas destinés à une réhabilitation la parodontologie, qui jouera un rôle essentiel dans
prothétique implanto-portée, la grande majorité le maintien de la stabilité parodontale avant, mais
des dispositifs d’ancrage indirect sont considérés aussi tout au long de la mise en place des différents
comme des dispositifs d’ancrage temporaire à traitements.
usage strictement orthodontique et déposés à la En cas d’espace prothétique et implantaire insuf-
fin du traitement. Un exemple d’ancrage indirect fisant, l’intégration de l’orthodontie permettra
est l’utilisation des implants palatins placés dans la d’aménager les conditions favorables avant la mise
voûte palatine et connectés aux dents par un arc en place de l’implant. En revanche, dans les situa-
transpalatin afin de stabiliser les unités dentaires tions où le traitement orthodontique nécessite un
d’ancrage. Ils sont indiqués en tant qu’ancrage renfort d’ancrage autre que les dents, le calendrier
postérieur afin de rétracter les dents antérieures thérapeutique peut être inversé et l’implant den-
en malocclusion telles que dans les classes II taire sera placé préalablement. 
d’Angle et en tant qu’ancrage antérieur lors des n

L’Orthodontiste Vol. 7 • n° 4 • septembre-octobre 2018 53


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54 L’Orthodontiste Vol. 7 • n° 4 • septembre-octobre 2018

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