Vous êtes sur la page 1sur 10

See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.

net/publication/269463303

Restauration prothétique sur dent vivante : préserver la pulpe

Article  in  L' Information dentaire · January 2009

CITATION READS

1 4,266

5 authors, including:

Jean-Christophe Farges Catherine Millet


Hospices Civils de Lyon (Centre Hospitalier Universitaire de Lyon) Hospices Civils de Lyon (Centre Hospitalier Universitaire de Lyon)
184 PUBLICATIONS   2,607 CITATIONS    79 PUBLICATIONS   566 CITATIONS   

SEE PROFILE SEE PROFILE

Some of the authors of this publication are also working on these related projects:

Muscle in Microgravity View project

Spine in space View project

All content following this page was uploaded by Catherine Millet on 09 August 2015.

The user has requested enhancement of the downloaded file.


prothèse préserver la pulpe

Restauration prothétique
sur dent vivante
préserver
la pulpe
SH. Durand, J-C. Farges, C. Pirel, S. Jemaï, C. Millet

L
ors de thérapeutiques prothétiques
sur dents vitales, un des objectifs
Comment préserver prioritaires du praticien est le respect
la pulpe dentaire lors de l’intégrité tissulaire et le maintien
de la vitalité pulpaire. Les raisons de
de la réalisation d’une maintenir la dent pulpée sont multi-
restauration prothétique ples : solidité des tissus dentaires, maintien du signal
sur dent vivante ? d’alarme en cas d’agression, esthétique préservée…
La réalisation de reconstitutions prothétiques sur
dents vitales (inlays, onlays, couronnes unitaires, pi-
liers de bridge) implique une exérèse plus ou moins
importante de la dentine, l’ouverture des tubules
dentinaires et l’apparition d’une inflammation pul-
paire d’intensité variable. On estime actuellement
qu’une proportion non négligeable de dents vitales

L’INFORMATION DENTAIRE n° ?? - ?? ?? 2009 1953


prothèse

couronnées (5 à 24 %) sera le siège de sensibilités résiduelles, Le but de cet article est de
de complications pulpaires (pulpites chroniques ou aiguës)
détailler les recommandations
et/ou de lésions périapicales à plus ou moins long terme.
Lorsque l’inflammation pulpaire reste modérée et réversi-
thérapeutiques à observer au cours
ble, la pulpe, grâce à son potentiel de cicatrisation, dépose des différents temps opératoires
à sa périphérie une couche de dentine cicatricielle (tertiaire) d’une reconstitution prothétique sur
sous la zone de dentine mise à nu. dent vitale pour limiter l’incidence
des facteurs iatrogènes sur le tissu
pulpaire et favoriser sa cicatrisation.

La pulpe dentaire et son potentiel de cicatrisation


La pulpe dentaire est située au cen- lymphatiques. Des petits vaisseaux mée provoque également une forte
tre de la dent, confinée dans un lymphatiques naissent à la périphérie compression des fibres nerveuses
espace dentinaire inextensible et pulpaire dans la région sous-odon- dont la stimulation libère des neu-
presque totalement clos. Ses princi- toblastique, confluent vers la partie romédiateurs et des neuropeptides
pales fonctions sont la formation de centrale et sortent de la pulpe par vasodilatateurs qui amplifient les
la dentine par les odontoblastes de la le foramen apical. Le drainage s’ef- phénomènes vasculaires [15].
région périphérique et le maintien fectue vers les ganglions sous-men- Toutefois, si l’inflammation reste
de la structure du tissu conjonctif tonniers et sous-mandibulaires, puis modérée, la pulpe dentaire va réagir
lâche, riche en collagènes de types I vers les ganglions cervicaux. en sollicitant son potentiel répara-
et III, protéoglycanes et glycoprotéi- Le réseau nerveux pulpaire est teur et dépose une couche de den-
nes, par les fibroblastes de la région constitué essentiellement de fibres tine cicatricielle [8, 16]. Celle-ci
centrale. La pulpe dentaire possède sensitives trigéminales responsables comprend deux types de dentine : la
également des fonctions neurosen- du phénomène de sensibilité pulpo- dentine réactionnelle et la dentine
sorielles qui se manifestent par la dentinaire observé en réponse à des réparatrice [8, 13]. La dentine réac-
transmission d’informations doulou- stimuli mécaniques, thermiques, tionnelle est produite par les odon-
reuses au cerveau et des fonctions de chimiques (acide, sucré) ou électri- toblastes en cas d’agression légère
défense principalement assurées par ques (bimétallisme) [8]. de la dentine périphérique sous-
les cellules dendritiques présentatri- Au cours de la réalisation des recons- amélaire. Elle est déposée dans les
ces d’antigènes, les macrophages et titutions prothétiques sur dents vita- tubules dentinaires qu’elle va obtu-
les lymphocytes T [8, 10 12, 13, 19]. les, le complexe pulpodentinaire est rer progressivement pour protéger
Le tissu pulpaire est richement vas- soumis à de nombreuses agressions la pulpe du milieu extérieur. Elle
cularisé et innervé. Les vaisseaux (détaillées plus loin). L’inflammation vise à diminuer la perméabilité de
sanguins pénètrent dans la pulpe pulpaire qui en résulte est caracté- la dentine existante [25]. La dentine
par le foramen apical, ils progressent risée par une vasodilatation et une réparatrice est produite en réponse
dans le canal radiculaire en direc- augmentation de la perméabilité vas- à une agression dentinaire plus
tion de la chambre pulpaire où ils se culaire, entraînant un accroissement intense qui a provoqué la nécrose
ramifient progressivement en un fin important de la pression tissulaire des odontoblastes. Elle est déposée
réseau de capillaires sous-odonto- (interstitielle) autour des vaisseaux. par une nouvelle génération d’odon-
blastiques. Des anastomoses artério- Cet accroissement entrave fortement toblastes provenant des cellules sou-
veineuses présentes dans la pulpe la circulation sanguine par compres- ches et/ou des péricytes de la pulpe
centrale contribuent à la régulation sion des vaisseaux. L’inflammation dentaire périphérique. C’est un tissu
de la pression et du débit sanguin. Le conduit ainsi progressivement à cicatriciel de structure irrégulière,
retour veineux se fait par le foramen une stase sanguine (arrêt de la cir- moins minéralisé que la dentine
apical. La pulpe possède également culation), puis à une ischémie pou- physiologique [8], qui constitue une
un réseau vasculaire lymphatique vant aller jusqu’à la nécrose du tissu barrière plus ou moins étanche aux
qui assure le transfert des cellu- [18]. L’augmentation de la pression agresseurs pénétrant dans les tubu-
les immunitaires vers les ganglions tissulaire dans la pulpe enflam- les dentinaires.

1954 L’INFORMATION DENTAIRE n° ?? - ?? ?? 2009


préserver la pulpe

Conduite à tenir lors de la réalisation


de restaurations prothétiques sur dents vitales

Lorsqu’une restauration prothétique sur dent vitale est


envisagée, il convient de réaliser un examen clinique et
radiographique minutieux de celle-ci. Il faut évaluer pré-
cisément la morphologie de la dent (fig. 1), le volume de
la pulpe, sa vitalité et ses capacités de défense. Le passé
de la dent doit également être considéré : en effet, en cas
d’accumulation d’agressions, une pulpite chronique se
met en place entraînant un vieillissement prématuré de
1. Le respect
la pulpe et des capacités de cicatrisation moindres lors de la vitalité
d’agressions ultérieures [9, 17, 23]. pulpaire sera
plus aisé sur
L’anesthésie une dent
étroite
L’anesthésie locale est indispensable au confort du
(à gauche) que
patient et du praticien. La lidocaïne, la mépivacaïne, la sur une dent
prilocaïne et l’articaïne sont les molécules les plus utili- globuleuse (
sées. Le rôle du vasoconstricteur est de potentialiser et à droite).
1
de prolonger l’effet anesthésiant. Les vasoconstricteurs
entraînent une diminution de la vascularisation pulpaire
[14] et il est préférable d’utiliser des solutions anesthé-
siques dépourvues de vasoconstricteurs. L’anesthésie
loco-régionale sans vasoconstricteurs présente l’avan-
tage de réduire l’ischémie capillaire [17]. Toutefois, pulpe. L’agression thermique peut entraîner une nécrose
l’ANDEM préconise actuellement l’utilisation systé- de coagulation et une pulpite irréversible en regard de la
matique d’adrénaline pour limiter la toxicité [14]. En zone fraisée [9, 20]. Une élévation de température de plus de
pratique, nous recommandons l’utilisation en quantité 5,6 °C conduirait à une atteinte de la vitalité pulpaire [21, 23,
limitée d’anesthésiques contenant des vasoconstricteurs 26]. Il est donc très important de disposer d’un système de
faiblement dosés. refroidissement de l’instrument rotatif permettant d’optimi-
ser l’efficacité du fraisage en éliminant les copeaux dentaires
La préparation coronaire et en évitant tout échauffement [14, 23]. L’utilisation d’un
Lors du fraisage des tissus dentaires, différents facteurs triple spray (air + eau) efficace est indispensable. Toutefois,
(vibrations, température, pression, nature des instru- une irrigation abondante réduit la visibilité et implique l’uti-
ments) constituent une accumulation de traumatismes lisation d’une aspiration chirurgicale [11].
importants [26]. Par ailleurs, une pression légère et un fraisage intermit-
L’agression mécanique peut résulter des vibrations tent (2 secondes de travail et 1 seconde de repos) [11] per-
d’instruments rotatifs en contact avec la dentine. La mettent de limiter l’échauffement et diminuent l’agression de
zone dangereuse pour la pulpe se situe entre 3 000 et l’organe dentinopulpaire [5, 20, 21].
30 000 tours/minute à cause de la vibration importante La qualité de l’instrumentation joue également un rôle
des instruments dans cette plage de vitesse [11, 14]. Les important dans l’élévation thermique. Pour obtenir une
prolongements odontoblastiques sont sectionnés et les même efficacité de coupe avec une fraise usée ou encrassée,
odontoblastes lésés peuvent être à l’origine d’une inflam- il faudra augmenter la pression exercée ou la vitesse de rota-
mation pulpaire [27]. tion, actions entraînant systématiquement un échauffement
Certains auteurs ont décrit une réaction paradoxale à dis- [11, 23]. Il est indispensable d’utiliser du matériel de bonne
tance au cours de laquelle la couche odontoblastique est qualité. Une fraise neuve, diamantée de préférence de dia-
altérée dans la région opposée à la région agressée [26]. mètre 0,8 à 1,2 mm, montée sur contre-angle ou turbine sans
Le fraisage de l’émail et de la dentine, bien que variable jeu, produit moins de vibrations que lorsqu’elle est montée
en termes de profondeur, de vitesse et de durée, entraîne, sur un instrument défectueux entraînant un mouvement
en cas de technique non maîtrisée, un échauffement de rotation excentrique (fig. 2). Dans la mesure du possible,
des tissus dentaires particulièrement préjudiciable à la l’utilisation de fraises jetables est conseillée [5, 11].

L’INFORMATION DENTAIRE n° ?? - ?? ?? 2009 1955


prothèse

2. Utilisation
recommandée de
fraises neuves
diamantées (sous
triple spray).
3a et b. Mise en
place du fil de soie
2/0 dans le sulcus
avant de débuter la
préparation.

3a

Avant de débuter la préparation coronaire, il convient de


mettre en place un fil de déflexion gingivale dans le sul-
cus gingivo-dentaire. Cette précaution évite de léser le
parodonte avec la fraise et procure une meilleure visibilité
des lignes de finition. Un fil de soie 2/0 ciré convient par-
faitement car l’extrémité de la fraise glisse sur le fil sans
l’accrocher (fig. 3 a et b). De plus, cette technique évite des
3b
lésions du système vasculaire parodontal issu du même
tronc que celui de la pulpe [22].

La réduction tissulaire est dictée par la morphologie den-


taire initiale. Que ce soit sur des dents antérieures ou pos- est augmentée [14, 26]. Les défauts laissés par l’éviction
térieures, la réduction des faces vestibulaire et linguale est carieuse ou l’élimination d’anciennes obturations peuvent
homothétique de la dent intacte, dans le but d’assurer au également être intégrés à la forme des préparations (fig. 4).
matériau prothétique une épaisseur régulière, d’optimiser Cependant, s’ils sont trop volumineux, leur fond est com-
le résultat esthétique et de garantir une résistance méca- blé avec un ciment verre ionomère (CVI) qui protège la
nique suffisante [24]. Ce principe n’est pas applicable aux pulpe et comble les contre-dépouilles.
faces proximales en raison de la triangularité des couron- Pour cela, il est nécessaire de limiter et de contrôler la
nes dentaires dans le sens mésio-distal et de la proximité quantité de tissu amélodentinaire excisé [22] :
pulpaire à ce niveau. la pénétration contrôlée avec un instrument calibré per-
Une préparation est basée sur l’équilibre entre dépouille met une réduction d’épaisseur régulière en réalisant des
(angle formé par les faces axiales opposées) et rétention : rainures d’enfoncement qui sont ensuite réunies de pro-
plus la dépouille de la préparation est marquée, moindre che en proche (fig. 5a et b). Il est primordial de connaître
est sa rétention. Lorsque la préparation présente une fai- le diamètre de la fraise qui doit correspondre aux cotes
ble rétention à cause d’une hauteur insuffisante ou à cause mentionnées (Tableau I) ;
d’une conicité excessive (la conicité idéale étant proche de la réduction est réalisée progressivement en faisant réfé-
6°), des moyens auxiliaires de rétention (type rainures ou rence à un guide de coupe formé de clés en silicone des
puits occlusaux) sont utilisés pour augmenter la surface dents intactes ou reconstituées. Ces clés peuvent être sec-
de la préparation. Toutefois, des précautions particuliè- tionnées dans le plan horizontal ou vertical ;
res devront être prises car les conséquences pulpaires sont la référence à une dent collatérale fait appel à une dent
plus importantes lorsque la profondeur de la préparation voisine prise comme repère.

1956 L’INFORMATION DENTAIRE n° ?? - ?? ?? 2009


préserver la pulpe

4. L’éviction carieuse
mésiale est intégrée à la
forme de la préparation.

5 a et b. Pénétration
contrôlée destinée à
apprécier l’épaisseur de
l’éviction tissulaire : gorges
vestibulaires et réunion de
ces gorges.
6. Préparation homothétique
d’une canine.
7. Finition d’emblée de la 5a b
préparation sur dent vitale
pour éviter une nouvelle
agression.

6 7

En résumé, pour diminuer les risques de complication d’étapes et, par conséquent, le nombre de mises à nu de
pulpaire au cours de la préparation, il convient de : la plaie dentino-pulpaire est indispensable pour limiter
contrôler l’épaisseur de réduction de tissu amélodenti- l’agression du tissu pulpaire [9, 23].
naire (fig. 6) ;
vérifier le bon état des instruments en termes de coupe, Désinfection de la préparation :
nettoyage et refroidissement ; Une fois la préparation réalisée, il est nécessaire de pro-
réaliser d’emblée une finition soignée de la préparation céder à la décontamination des surfaces dentaires avec de
pour éviter de réintervenir ultérieurement sur un tissu la chlorhexidine (0,12 %) (Cavity Cleanser®), ou de l’hy-
en voie de cicatrisation (fig. 7). La limitation du nombre pochlorite de sodium (2,5  %). Cette précaution permet

I - Cotes de réduction préconisées dans le département de prothèse fixée de Lyon


en fonction du type de restauration.
Face vestibulaire Face palatine Faces proximales Face occlusale
Couronne métallique 0,5/0,8 mm 0,5/0,8 mm 0,5/0,8 mm 0,8/1 mm
CCM 1,6/1,8 mm 1,0/1,2 mm 1,4/1,6 mm 1,8/2 mm
Couronne céramo-céramique 1,6/1,8 mm 1,4/1,6 mm 1,4/1,6 mm 2/2,5 mm
Facette 0,5-0,8 mm

L’INFORMATION DENTAIRE n° ?? - ?? ?? 2009 1957


prothèse

d’éviter d’enfermer sous la restauration prothétique des La réalisation de prothèse transitoire directement en
bactéries résiduelles présentes dans la boue dentinaire bouche entraîne une élévation thermique lors de la
produite au cours du fraisage de la dentine. Ces bacté- prise du matériau.
ries sont susceptibles d’induire une irritation pulpaire Préférer si possible le recours à une méthode indirecte
ou des lésions carieuses secondaires [1, 2, 14]. nécessitant uniquement un léger rebasage [17, 23, 26].
Contrôler la réaction exothermique de polymérisation à
Protection du complexe dentinopulpaire l’aide du spray et désinsérer la coiffe provisoire plusieurs
L’hypersensibilité dentinaire est un problème fré- fois [4, 17, 23, 26].
quemment rencontré après une préparation sur dent Veiller à la parfaite adaptation de la prothèse transitoire
vitale. Elle résulte de la transmission d’un stimulus à pour éviter tout risque de percolation bactérienne.
travers la dentine exposée et produit une douleur par-
fois importante. Il convient donc d’isoler rapidement Scellement provisoire
la pulpe du milieu extérieur en scellant les tubulis Le matériau d’assemblage joue un rôle important dans
situés en surface de la préparation, permettant de le maintien de l’herméticité du joint évitant l’infiltration
réduire efficacement la perméabilité dentinaire et les de bactéries [23]. Le ciment de scellement provisoire doit
sensibilités postopératoires, et d’assurer une protection posséder des qualités de rétention suffisantes pour éviter
du complexe pulpodentinaire contre des agresseurs tout risque de descellement entre deux séances. Il faut
mécaniques, thermiques, chimiques et bactériens qui éviter de le laisser plus de deux à trois semaines en bou-
pourraient intervenir ultérieurement. che [4].
L’eugénol a un effet sédatif sur l’hypersensibilité denti-
Deux types de traitements de surface peuvent être naire et présente des propriétés antibactériennes [7]. En
appliqués sur la préparation [23] : revanche, il inhibe la polymérisation des résines utilisées
des agents de scellement des tubules dentinaires lors des phases de collage [23]. Les ciments provisoires
à base de glutaraldéhyde/métacrylate d’hydroxyéthyle sans eugénol (type Freegénol®) sont largement utilisés.
qui précipitent les protéines du fluide dentinaire intra- Une fois la prothèse transitoire scellée, le fil sulculaire
tubulaires. D’autres agents à base de fluor ou d’oxalate est alors retiré. Ce retrait permet l’élimination facile des
permettent de précipiter également les minéraux. Les excès de ciment provisoire au niveau cervical.
précipités intratubulaires ainsi obtenus réduisent la
perméabilité dentinaire et les sensibilités dentinopul- Prise d’empreinte
paires. La prise d’empreinte génère des agressions thermiques
des agents adhésifs résineux qui cumulent dans le et physiques de la pulpe dentaire. Les hydrocolloïdes
même temps l’action d’un agent désensibilisant et la irréversibles et les élastomères sont dans l’ensemble bien
préparation des surfaces dentinaires au collage. Ils tolérés par le complexe dentinopulpaire [26]. Il convient
constituent à ce jour un moyen efficace pour le scel- néanmoins de limiter l’agression physique en évitant
lement périphérique des tubules dentinaires et sem- d’exercer une pression excessive lors de la mise en place
blent bien tolérés par la pulpe dentaire [9]. L’utilisation du matériau sur la préparation [23].
d’agents adhésifs nécessite, pour éviter leur adhérence La température d’utilisation des hydrocolloïdes réver-
à la résine, d’isoler la préparation (vaseline ou micro- sibles de basse viscosité est de 60  °C mais l’utilisation
film de Kerr®) avant la réalisation de la prothèse tran- immédiate du système de refroidissement diminue consi-
sitoire. dérablement les risques [11].

La prothèse de transition Scellements ou collages définitifs


Outre l’esthétique, il est nécessaire de mettre en place Quelle que soit la technique utilisée, le joint de ciment de
des prothèses transitoires pour protéger les prépa- scellement doit être le plus fin, le plus étanche et le plus
rations des risques de contamination, de sensibilité, adhésif possible. La plupart des auteurs considèrent que
d’égression ou de dysfonctionnement occlusal [26]. la précision optimale du joint se situe entre 20 et 50 μm.
Il est nécessaire de prendre un certain nombre de Seuls les ciments verre ionomère (CVI) et les ciments
précautions vis-à-vis de l’agression chimique liée à la au phosphate de zinc répondent à ces conditions [3].
pénétration du monomère résiduel dans les tubulis Toutefois, les ciments au phosphate de zinc ont un pH
dentinaires. La mise en place préalable d’un agent pro- acide qui menace la vitalité pulpaire [23], c’est pourquoi
tecteur permet de limiter cette pénétration [17, 26]. l’utilisation de ces ciments est déconseillée lors des pré-
parations sur dents vitales. Si, dans le passé, les ciments

1956 L’INFORMATION DENTAIRE n° ?? - ?? ?? 2009


préserver la pulpe

8a b c

d e

f g

polycarboxylates ont pallié cet inconvénient, ils sont aujourd’hui


8a. Situation clinique initiale.
jugés inaptes pour un scellement définitif [1, 3].
b. Préparations vestibulaires juxta-
Degrange et Tirlet (6) considèrent que les CVI sont les ciments
gingivales pour quatre facettes.
qui présentent les meilleures performances sur le plan de l’étan-
c. Les préparations s’étendent sur les faces
palatines.
chéité, de l’adhésivité et de l’épaisseur du joint formé. Les ciments
verre ionomère modifiés par adjonction de résine (CVIMAR)
d. Facettes sur le modèle de travail.
(RelyX luting cement®, GC Fujicem® et FujiPlus®) sont les
e. Vue palatine des facettes collées. moins traumatisants et réduisent considérablement les sensibilités
f. Situation finale. postopératoires [5, 23].
g. Situation à 5 ans, le parodonte est La pression appliquée lors de l’insertion de la pièce prothétique ne
parfaitement sain. doit être ni trop intense, ni trop violente pour éviter toute pres-
sion excessive sur la pulpe périphérique due à la pénétration du
matériau de scellement dans les tubules dentinaires [6].

L’INFORMATION DENTAIRE n° ?? - ?? ?? 2009 1957


prothèse

9a 9b

9. Réglage de
l’occlusion avant
scellement. Le praticien doit s’orienter vers le mode d’as- conseillé d’utiliser des CVIMAR. En revanche,
semblage le plus adapté à la situation clinique en cas de limites supragingivales ou juxtagingi-
a. Contacts
occlusaux initiaux. (fig. 8 a à g) [1]. vales, des CVI conventionnels, des CVIMAR ou
des ciments résineux, qui améliorent fortement
b. Similitude des
contacts occlusaux Situation de la limite prothétique la rétention mais nécessitent une grande rigueur
sur l’inlay. En cas de limite intrasulculaire, les modes dans la mise en œuvre, sont recommandés.
d’assemblage envisageables doivent réaliser Les étapes de finition sont importantes pour
leur phase de prise initiale en présence d’hu- assurer une pérennité aux reconstitutions. Elles
midité. Les modes d’assemblage préconisés comprennent la vérification de l’occlusion stati-
sont les ciments au phosphate de zinc et les que et dynamique (fig. 9a et b). Les retouches
CVIMAR, les CVI conventionnels étant très éventuelles doivent être suivies d’un polissage
sensibles aux variations hydriques. soigneux réalisé sous spray d’eau.
En cas de limite supragingivale, un scellement
conventionnel au phosphate de zinc, un scel- Conclusion
lement adhésif au CVI ou CVIMAR, ou un Toute procédure thérapeutique réalisée sur dent
collage peuvent être réalisés car le risque de vitale génère une agression pulpaire de nature et
contamination par l’humidité sulculaire est d’intensité variées. Les étapes prothétiques à ris-
faible. que sont nombreuses mais le respect d’un proto-
cole opératoire rigoureux depuis la préparation
Valeur de rétention de la préparation coronaire jusqu’au scellement définitif permet
Dans les situations cliniques qui requièrent de minimiser les agressions vis-à-vis de la pulpe
une amélioration de la rétention et en cas de dentaire afin de préserver sa vitalité et de péren-
limites prothétiques intrasulculaires il est niser nos reconstitutions prothétiques.

1958 L’INFORMATION DENTAIRE n° ?? - ?? ?? 2009


préserver la pulpe

Bibliographie
1. Bartala M.  Scellement ou col- Incidences de la réalisation des
lage ? Le choix raisonné. Cah prothèses fixées sur la pulpe
Proth 2002 ; 117 : 67-82. et le parodonte. 1re partie :
2. Brännstrom M.  Sensibilité et Préparations dentaires et pro-
complications pulpaires après thèses transitoires. Cah Prothèse
scellement : comment en 2008 ; 142 : 21-31.
réduire le risque ? Clinic Revue 15. Hahn CL, Liewehr FR. Innate
Omnipraticien 1997 ; 18 : 205- immune responses of the dental
210. pulp to caries. J Endod 2007a ;
3. Cheron R. Ciment ou colle ? Que 33 : 643-51.
choisir ? Alternatives 2005 ; 27 : 16. Hahn CL, Liewehr FR.
3-11. Relationships between caries
4. Christensen GJ. Tooth prepara- bacteria, host responses, and cli-
tion and pulp degeneration. JADA nical signs and symptoms of pul-
1997 ; 128 : 353-354. pitis. J Endod 2007b ; 33 : 213-9.
5. Christensen GJ. Avoiding pulpal 17. Harik R. La protection pulpaire
death during fixed prosthodon- lors de l’élaboration d’une pro-
tic procedures. JADA 2002 ; 133 : thèse fixée. Aces 2001 ; 22 :
1563-1564. 39-43.
6. Degrange M, Tirlet G. Scellement 18. Heyeraas KJ, Berggreen E.
et collage. Cah Prothèse 1995 ; Interstitial fluid pressure in nor-
92 : 26-45. mal and inflamed pulp. Crit Rev
7. Derrien G, Jardel V, Bois D. Oral Biol Med 1999 ; 10 : 328-36.
Ancrages fixes ou conjoints. 19. Jontell M, Okiji T, Dahlgren U,
Encycl Med Chir Odontologie Bergenholtz G. Immune defense
2000 ; 23-275-C-10. mechanisms of the dental pulp.
8. Farges JC, Magloire H. La Crit Rev Oral Biol Med 1998 ; 9 :
dent normale et pathologique. 179-200.
Bruxelles, Ed : Goldberg M, Piette 20. Larson TD. Atraumatic tooth pre-
E, De Boeck, 2001. paration. Northwest Dent 2008 ;
9. Farges JC., Roméas A., Magloire 87 : 29-34.
H., Couble ML., Melin M., Bleicher 21. Levin LG. Pulpal irritants.
Endodontic topics 2003 ; 5 :
Evaluation réponses en ligne sur notre site F. La cicatrisation pulpaire face
aux préparations prothétiques : 2-11.
www.information-dentaire.com données actuelles et perspec- 22. Liger F, Estrade D. Préparations
1. Les défauts supra osseux peuvent être traités tives. Chir Dent Fr 2001 ; 1019 : pour céramiques et céramo-
avec succès par les techniques de régénéra- 125-131. métalliques. Paris, Editions CdP,
tion. V F 10. Farges JC, Roméas A, Melin M, 1996.
Pin JJ, Lebecque S, Lucchini M, 23. Naveau A, Renault P, Pierrisnard L.
2. Le tabac n’influence pas la qualité des résultats Bleicher F, Magloire H. TGF-β1 Pulpe et prothèse fixée à ancrage
obtenus par les techniques de régénération. induces accumulation of dendri- périphérique. Cah Prothèse 2007 ;
V F tic cells in the odontoblast layer. 138 : 55-64.
J Dent Res 2003 ; 82 : 652-6. 24. Robin C, Antonioli G, Magne
3. Les techniques de préservation papillaire amé- 11. Gerlach A., Ollier B., Morel F., P. Préparations des piliers. Cah
liorent la qualité des résultats obtenus par des Bois D. Réalisation pratique d’une Prothèse 1996 ; 96 : 27-33.
techniques de régénération. V F prothèse fixée. Encycl Med Chir 25. Tziafas D. The future role of a
Odontologie 1993 ; 23-275-C- molecular approach to pulp-
4. Il est possible d’obtenir une régénération paro- 10. dentinal regeneration. Caries Res
dontale avec les greffes osseuses autogènes 12. Goldberg M, Farges JC, Magloire 2004 ; 38 : 314-20.
mais pas de façon prévisible. V F H. Dentines. La dent normale 26. Vivier M., Rozencweig
et pathologique. Bruxelles, Ed : D.Incidences pulpaires des dif-
Goldberg M, Piette E, De Boeck, férentes étapes de l’élabora-
2001. tion d’une prothèse scellée. Cah
13. Goldberg M, Smith AJ. Cells Prothèse 1980 ; 32 : 49-68.
and extracellular matrices of 27. Vreven J, Noël H. Pulpite et
Auteurs dentin and pulp : a biological nécrose pulpaire. La dent nor-
S.H. Durand, J.C. Farges, C. Pirel, S. Jemaï, C. Millet basis for repair and tissue engi- male et pathologique. Bruxelles,
Service d’Odontologie, Hospices Civils de Lyon, neering. Crit Rev Oral Biol Med Ed : Goldberg M, Piette E, De
6-8 Place Depéret, 69007 LYON. 2004 ; 15 : 13-27. Boeck, 2001.
14. Gritsch K, Pourreyron L.

L’INFORMATION DENTAIRE n° ?? - ?? ?? 2009 1959


View publication stats

Vous aimerez peut-être aussi