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L’HYPERSENSIBILITE DENTINAIRE

Pr A. REZOUG

Introduction
L’hypersensibilité dentinaire, plus connue sous le terme de « dent sensible » ou « d’’hyperesthésie
dentinaire », est une symptomatologie de plus en plus fréquemment rencontrée au cabinet dentaire. Son
étiologie est multifactorielle, principalement liée aux phénomènes d’érosion buccale et de brossage
dentaire traumatique.
Le praticien doit être en mesure d’en expliquer les mécanismes et de proposer des thérapeutiques adaptées
au patient, afin de soulager ces douleurs. Un réel schéma thérapeutique est alors à mettre en place. La
difficulté réside dans la communication avec le patient et dans le choix d’un traitement adapté devant la
multitude de méthodes et de produits disponibles.

Rappels
Structure dentino-pulpaire de la dent adulte
La dentine et la pulpe constituent la majeure partie de la dent. Elles sont protégées en surface par
l’émail de la couronne et en profondeur par le cément radiculaire.
La dentine
La dentine constitue la masse principale de la dent. Elle est constituée de 70% de minéral
(hydroxyapatite carbonatée et magnésie), de 20% d’éléments organiques (90% de collagène de types I, III
et IV et 10% de protéines non collagénique) et de 10% d’eau. La dentine est constituée de tubuli
dentinaires, eux-mêmes contenant les prolongements odontoblastiques.
Trois types de dentine sont différenciés :
- La dentine primaire formée lors de la dentinogénèse, par les odontoblastes, jusqu’à l’éruption de la
dent.
- La dentine secondaire formée après l’éruption de de la dent et durant toute la vie.
- La dentine tertiaire, formée en réaction à un stimulus. Celle-ci est sous-différenciée en deux
catégories en fonction de la génération d’odontoblaste la sécrétant :
• La dentine tertiaire réactionnelle est définie comme étant une « masse localisée de dentine
tertiaire formée par les odontoblastes primaires ayant survécus à une agression, en réaction à tout
stimulus. »
• La dentine tertiaire réparatrice est définie comme étant une « masse localisée de dentine tertiaire
formée par une nouvelle génération d’odontoblastes (odontoblastes de remplacement), en réaction
à n’importe quel stimulus (usure, carie, procédure restauratrice). »
La pulpe
Tissu conjonctif comblant la cavité centrale de la dent, la pulpe joue un rôle physiologique
fondamental. D’une part, elle produit la dentine par l’intermédiaire de ses odontoblastes. D’autre part, elle
assure la nutrition et la sensibilité de la dentine par son réseau vasculaire et ses nerfs. Enfin, elle est
capable d’édifier une nouvelle dentine dans certaines conditions physiologiques ou pathologiques.

Innervation pulpo-dentinaire
Des fibres myélinisées et amyéliniques pénètrent dans la pulpe par le foramen apical et par les foramina
accessoires. Ils cheminent dans la pulpe pour se terminer par le plexus de Raschkow au niveau de la
couche acellulaire sous odontoblastique. Ce plexus constitue la principale structure nerveuse de la dent et
peut agir comme mécanorécepteur dans le mécanisme de la sensibilité dentinaire.

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 Mécanisme d’action des fibres nerveuses :
- Les fibres amyéliniques de type C, de petit diamètre. Elles sont majoritaires et représentent 70
à 90% du contingent nerveux. Chémo et thermosensibles, elles transmettent les douleurs sourdes,
difficiles à caractériser.
- Les fibres myélinisées de type A δ sont de gros diamètre. Elles sont stimulées par les
déplacements de fluides, transmettent la douleur épicritique (fine et localisée), aiguë, déclenchée
par le séchage ou le fraisage de la dentine, et les variations thermiques.
- Les fibres myélinisées A β sont impliquées dans la transmission de la sensibilité tactile et
proprioceptive.

L’hypersensibilité dentinaire
« L’hypersensibilité dentinaire se caractérise par une douleur vive de courte durée provenant de la
dentine exposée en réponse à des stimuli thermiques, évaporatifs, tactiles, osmotiques ou chimiques qui
ne peut être attribuée à aucune autre forme d’anomalie ou de maladie dentaire ».

Epidémiologie
La prévalence de l’hypersensibilité dentinaire dans différents pays varie, selon les études et les
populations, de 3 à 70%.
Ces écarts peuvent en partie être expliqués par des différences de méthodologie entre les études
(population générale ou petit échantillon, âges différents des sujets, auto-questionnaire ou examen
clinique, douleur spontanée ou provoquée par des stimuli).
La prévalence serait plus élevée chez les femmes que chez les hommes.
Les prémolaires maxillaires seraient plus atteintes ainsi que les canines ou molaires maxillaires selon les
études.

Mécanisme de l’hypersensibilité dentinaire


Théorie nerveuse :
Des cliniciens ont observé que la dentine nouvellement exposée était particulièrement sensible. Il était
envisagé que cela soit dû à une stimulation directe des fibres nerveuses présentes dans la dentine, voire
jusqu’à la jonction dentino-amélaire. Cette théorie a été largement démentie par les histologistes qui ont
prouvé par des expériences et des colorations de la dentine l’absence de cellules nerveuses dans la partie
externe de la dentine.

Théorie odontoblastique
Il a été suggéré que les odontoblastes jouent le rôle de récepteurs cellulaires. La transmission du
changement de potentiel membranaire entre les odontoblastes et les terminaisons nerveuses de la bordure
pulpo-dentinaire se faisant par des synapses. Des études réalisées sur la transmission de la douleur au
niveau de la dentine n’ont pas permis de mettre en évidence la présence de synapses entre les nerfs et les
prolongements odontoblastiques, ni de neurotransmetteurs.
Le rôle des prolongements odontoblastiques et des odontoblastes a été revu. En effet les prolongements
n’occupent qu’une partie minime des tubules et ne peuvent être directement impliqués dans la réponse à
la douleur. Cependant il est possible que lors d’un stimulus important, entraînant une nécrose des
odontoblastes, une réaction neurogénique pulpaire soit déclenchée.

Théorie hydrodynamique de Brannström


Cette théorie proposée depuis une centaine d’années, a été confirmée par Brännström dès les années
1960. Elle est la plus acceptée par le monde scientifique.
Les études sur les fibres Aδ mettent en évidence la concomitance entre l’activité nerveuse et la sensation
de douleur après des stimuli brefs, thermiques ou évaporatifs. Ainsi ces stimuli utilisent une même cible :
le déplacement de fluide intra-canaliculaire.
Les mouvements rapides des fluides contenus dans les tubules dentinaires, dans une direction quelconque,
après un stimulus, provoquent une activation des barorécepteurs entraînant une décharge nerveuse. Il

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semble que les changements de pression à travers la dentine soient à l’origine de la douleur par
déformation des prolongements odontoblastiques et activation des terminaisons nerveuses de la partie
interne des tubules à la jonction pulpe-prédentine et du plexus nerveux sous-odontoblastique. En effet, la
distance entre les prolongements odontoblastiques et les axones nerveux est très faible, de l’ordre de 20
nm selon certaines études. Les terminaisons nerveuses peuvent ainsi percevoir les changements
morphologiques affectant les prolongements odontoblastiques.

Pathogénie
Les mécanismes hydrodynamiques
Les trois théories décrites précédemment sont souvent retenues pour expliquer le phénomène de
l’hypersensibilité, la théorie la plus retenu est celle décrite par Brännstrom en 1963.
Toute cette théorie est basée sur les déplacements rapides du fluide dentinaire qui provoqueraient un
changement de la pression au travers de la dentine, activant ainsi des mécanorécepteurs engendrant la
douleur.
Dans les conditions physiologiques, il existe dans les tubuli un flux lent et vers l’extérieur. En cas de
modification de pression le flux du liquide peut s’amplifier, voir même changer de direction.

 Stimulation par jet d’air :


Un mouvement de fluide s’exerçant de la chambre pulpaire vers la surface de dentine exposée se produit
spontanément au travers des tubuli dentinaires.
Si un jet d’air froid est dirigé sur la surface dentinaire exposée, la perte d’eau par évaporation va s’opérer,
ce qui serait à l’origine de douleurs.
 Stimulation osmotique :
Des stimuli osmotiques induisent un mouvement centrifuge (outward) de fluide s’exerçant de la chambre
pulpaire vers la surface tissulaire exposée, directement proportionnel à la concentration.
 Stimulation mécanique :
Un contact sur la surface dentinaire exposée provoque une pression et induit un déplacement de fluide
centripète (Inward) qui s’exerce de la surface dentinaire vers la chambre pulpaire.
 Stimulation thermique :
Dans le cas d’une stimulation par le froid, le déplacement du fluide tubulaire est centrifuge, (outward),
étirant les prolongements odontoblastiques et les fibres nerveuses.
Dans le cas d’une stimulation par le chaud, le déplacement du fluide tubulaire est centripète, (inward),
comprimant les prolongements odontoblastiques et les fibres nerveuses.

La perméabilité dentinaire
Cette dernière est due à la structure histologique de la dentine, et elle revêt une importance particulière
dans la pathogenèse de l’hypersensibilité dentinaire.
 La densité moyenne et le diamètre des tubuli dentinaires diminuent le long d’un gradient allant
de la limite pulpo-dentinaire jusqu’à la limite dentine-émail.
La dentine hypersensible présente un nombre sept fois plus élevé de tubuli dentinaires dénudés que la
dentine non sensible. Le diamètre des tubuli de la dentine hypersensible est jusqu’à huit fois plus grand
que celui de la dentine non sensible.
Une étude dans le but de déterminer les relations entre l’ultra structure de la dentine et les symptômes
cliniques chez des patients présentant une HS (menées par RIMONDIN et al), a montré que les surfaces
tissulaires classées comme étant hypersensibles étaient recouvertes par un enduit minéral cristallin
(boue dentinaire) qui s’éliminait toujours après application d’acide faible, alors que les surfaces classées
non sensibles étaient recouvertes d’une couche amorphe dont l’élimination après application d’acide était
partielle ou absente.
 La distance par rapport à la pulpe, l’hypersensibilité augmente en s’approchant de la pulpe.

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 Les changements histo-physiologiques qui s’opèrent avec l’âge (sclérose dentinaire,
reminéralisation par la salive, apposition de dentine secondaire et tertiaire, sénescence pulpaire),
interfèrent avec la transmission hydrodynamique dans les tubuli.

Diagnostic étiologique de l’hypersensibilité dentinaire


L’érosion
C’est une perte de substance de la dent liée à une cause chimique ou électrochimique d’origine non
bactérienne. Elle est due à des acides d’origine endo ou exogène (Chu et coll, 2010).
Les causes intrinsèques peuvent être un reflux gastro-œsophagien, des troubles du comportement
alimentaire (anorexie avec vomissements provoqués), un ulcère ou une irritation de la muqueuse
gastrique par des épices, de l’aspirine ou autres. L’atteinte des dents par l’acide gastrique se voit surtout
au niveau des faces palatines.
Les causes extrinsèques comprennent les conditions environnementales acides (natation, testeur de vin,
travail dans une industrie avec des vapeurs acides), la prise alimentaire (jus de fruits, vinaigre, citron,
boissons énergisantes, vin…) ou celle de certains médicaments (vitamine C, stimulants salivaires…).
L’abrasion
Il s’agit d’une perte de tissus due au frottement de matériel exogène contre les surfaces dentaires. Les
facteurs étiologiques sont les mesures d’hygiène (brossage excessif ou inadapté, action abrasive des
dentifrices), les mauvaises habitudes (avoir un objet en bouche), et l’exposition à des particules abrasives.
Les aliments ont un rôle prépondérant dans l’abrasion, car ce sont les éléments exogènes le plus
souvent en contact avec les dents. L’action des aliments n’est pas spécifique et agit sur toute la surface de
la dent, par opposition à une facette d’usure.
Cela se voit surtout dans certaines civilisations qui ont une alimentation avec un potentiel fortement
abrasif.
L’attrition
Il s’agit d’une perte de tissus dentaires due au contact entre les dents elles-mêmes, sans intervention
d’un agent étranger. Ce processus est physiologique et fait partie du vieillissement, mais il peut être
pathologique dans certains cas.
Le bruxisme (grincement ou serrement des dents involontaire et multifactoriel, le plus souvent
nocturne) est à l’origine d’attrition sur les dents. Les dents postérieures s’aplanissent et les dents
antérieures deviennent plus courtes. Le bruxisme est rapporté comme la cause principale de 11% des
pertes dentaires et est retrouvé dans deux tiers des cas pour les causes combinées.
Aspect clinique
Des facettes planes antagonistes avec des limites nettes, et des plages brillantes sont caractéristiques.

L’Abfraction
Un quatrième facteur semble être impliqué dans la perte dentaire en augmentant la sensibilité des
tissus cervicaux à l’abrasion et à l’érosion.
Il est suggéré que les fortes tensions occlusales entraînant une flexion des cuspides où les mouvements
de latéralité sont à l’origine de micro craquelures dans l’émail et la dentine au niveau cervical. L’émail est
plus atteint car résiste moins que la dentine au stress occlusal (Addy, 2005). Il semble que certaines dents
soient plus sensibles aux forces occlusales anormales, comme les prémolaires.
Des malocclusions ou des forces musculaires excessives peuvent être des facteurs étiologiques.
La récession gingivale
La récession gingivale marginale correspond à un déplacement apical de la gencive marginale au-delà
de la jonction mélo-cémentaire. L’usure rapide du cément entraine une exposition directe de la surface
dentinaire aux stimuli. Il est admis qu’elle est un facteur de risque commun d’hyperesthésies dentinaires,
auxquelles elle est corrélée dans 29,7% à 93% des cas.

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Diagnostic positif de l’hypersensibilité dentinaire :
En clinique, les stimuli électrique ou osmotique ne sont pas utilisés.
 Un moyen facile est l’utilisation de le spray à air/eau pour rechercher des sensibilités. Le but étant
de générer un stimulus acceptable pour le patient mais suffisant pour détecter une sensibilité
dentinaire et déterminer le seuil de réponse.
 Le praticien évalue la douleur ressentie en se basant sur une échelle standardisée : l’échelle visuelle
analogique (VAS) ou l’échelle verbale rationalisée (VRS).
Diagnostic positif
Anamnèse
Une anamnèse complète est indispensable afin de connaître les habitudes alimentaires et d’hygiène, les
problèmes de santé, et autres mauvaises habitudes du patient. Poser certaines questions orientées permet
de caractériser la douleur et d’en faire un diagnostic correct :
- Où se situe la douleur ? sur quelle(s) dent(s) ?
- Quelle est l’intensité de la douleur sur une échelle de 1 à 10 (10 étant le maximum de douleur) ?
- Quelle est la durée de la douleur ?
- Est-ce que la douleur est courte, lancinante, persistante, constante, intermittente, à la pression, sous
forme de brûlure ?
- Est-ce que certains aliments stimulent la douleur ?
- Est-ce que la sensibilité survient lors de la prise de boissons froides ?
- Est-ce que la sensibilité disparait aussitôt que le stimulus a cessé ?
Examen buccal
Différents points sont observés au niveau de la denture et du parodonte comme l’hygiène, l’état des
soins dentaires, l’haleine, la couleur de la gencive et la présence d’inflammation. Plus précisément au
niveau des arcades : la courbe de Spee, l’encombrement, le manque de dents sont notés.

Tests de sensibilité pulpaire


Différents tests sont utilisés afin de déterminer le niveau de sensibilité pulpaire. La sensibilité est
définie comme l’aptitude du tissu à réagir à un stimulus. Les tests sont toujours réalisés en comparant la
dent causale aux dents saines. Une pulpe saine réagit aux stimuli par une réponse brève, non exagérée et
qui disparaît à l’arrêt du stimulus.
Une pulpe dans un état inflammatoire (pulpite) répond aux stimuli par une douleur aigüe, qui peut
persister à l’arrêt du stimulus (pulpite irréversible).
Moyens d’évaluation radiographiques
Il a essentiellement un rôle dans le diagnostic différentiel, afin d’éliminer toute autre cause potentielle
de douleurs. C’est un examen complémentaire qui doit toujours être précédé d’un examen buccal. De
nombreuses techniques de radiographies se développent, permettant une visualisation précise des dents et
des maxillaires. La technique utilisée dans ces cas de pathologies est la radiographie rétroalvéolaire,
numérique ou analogique.

Diagnostic différentiel
De nombreuses pathologies peuvent engendrer des symptômes semblables à l’hyperesthésie dentinaire.
Il est important de faire un diagnostic différentiel afin de réaliser le traitement adéquat et de poser le
diagnostic d’hypersensibilité dentinaire une fois que toutes les autres causes potentielles de douleurs ont
été écartées.
Les traumatismes dentaires
Fêlure coronaire
Il s’agit d’une fracture incomplète de la couronne dentaire, sur une dent vitale. La fêlure est plane,
d’une profondeur inconnue et progressant dans la structure dentaire pouvant former une communication
entre la cavité buccale et la pulpe ou le ligament parodontal.

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Fracture dentaire
La fracture peut siéger au niveau de la couronne et exposer (fracture complexe) ou non (fracture
simple) la pulpe.
Elle est souvent associée à un traumatisme et nécessite une prise en charge en urgence. Dans ce cas le
diagnostic différentiel est aisé.
La carie dentaire
Il s’agit d’une maladie bactérienne chronique multifactorielle, au cours de laquelle des interactions
diététo-bactériennes entraînent la destruction localisée et progressive des tissus minéralisés dentaires par
un processus de déminéralisation causé par les acides organiques résultant de la fermentation des glucides
alimentaires par les micro- organismes de la plaque dentaire.
Douleurs après restauration
Une sensibilité peut apparaitre après une restauration coronaire. Quatre causes principales sont
retrouvées : un traumatisme physique une contamination bactérienne, ou la persistance d’agents
chimiques (monomères résiduels, acides…). Cette dernière étiologie concerne principalement les
reconstitutions par les techniques adhésives.
Douleurs après éclaircissement dentaire sur dents vitales
Il existe deux types de techniques : le traitement au fauteuil ou ambulatoire, qui ont pour but d’éclaircir
les dents, suite à des colorations d’origine extrinsèque ou dues au vieillissement physiologique de la
dentine. Un examen clinique préalable est nécessaire afin de s’assurer de l’absence de sensibilités
dentinaires sur les dents à traiter.
Douleurs due à une anomalie de structure
Il s’agit d’altérations micro ou macroscopiques des tissus constitutifs de la dent, d’origine génétique ou
acquise.

Thérapeutiques de l’hypersensibilité dentinaire


Buts du traitement
Il existe de nombreux traitements possibles pour l’hypersensibilité dentinaire. Le but de ces agents
chimiques ou physiques est de limiter la transmission nerveuse par diffusion d’agents ioniques, ou de
recouvrir et obturer les tubuli de la dentine exposée en bouche afin de réduire les mouvements de fluides

Stratégie thérapeutique
Des réévaluations périodiques (de 2 semaines à 4 semaines en fonction de l’intensité des hyperesthésies)
doivent être effectuées afin de contrôler la diminution ou la persistance des hyperesthésies dentinaires :
- lorsqu’un traitement réduit ces dernières, de sorte que la qualité de vie du patient n’est plus affectée, le
dernier traitement mis en place doit être maintenu et un suivi régulier doit être instauré.
- si les hyperesthésies dentinaires persistent, un nouveau traitement doit être introduit, en respectant le
gradient thérapeutique. De plus, les diagnostics différentiels doivent être de nouveau exclus à chaque
réévaluation en cas de persistance des douleurs, dans le but d’instaurer un traitement adapté à la pathologie
dont souffre le patient.
Traitement préventif / étiologique
Les règles de prévention sont à destination des patients et des dentistes :
 Pour les patients :
 Eviter d’utiliser une quantité importante de dentifrice / réappliquer du dentifrice sur la brosse à
dent durant le brossage
 Eviter les brosses à dent à poils moyens ou durs
 Eviter de se brosser les dents dans les minutes suivant l’ingestion d’alimentation acide
 Eviter de se brosser les dents avec une pression excessive
 Eviter d’utiliser le fil dentaire trop fréquemment ou de mal utiliser d’autres moyens de nettoyage
inter proximal
 Eviter d’utiliser des cure-dents
 Eviter les aliments et les boissons acides
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 Pour les dentistes, les règles sont :
 Eviter de sur-instrumenter les surfaces durant les détartrages et surfaçages radiculaires,
particulièrement dans la zone dentaire cervicale
 Eviter de polir à excès les surfaces dentinaires lors de la suppression des colorations
 Eviter de violer l’espace biologique lors de la restauration dentaire
 Eviter de bruler chimiquement la gencive durant les éclaircissements dentaires au fauteuil
 Avertir les patients d’être prudents lors de l’utilisation de produits d’éclaircissement dentaire à la
maison
En cas de récession tissulaire marginale sans hyperesthésie dentinaire, le patient doit être informé du
possible survenu de cette dernière : la dentine cervicale exposée est une zone à risque pour les
hyperesthésies dentinaires et les caries radiculaires mais ne nécessite aucun traitement spécifique (seul un
traitement étiologique est nécessaire).
Soins ambulatoire
Dentifrice désensibilisant non abrasif
Les dentifrices contenant 1500 ppm de fluor, en utilisation quotidienne, notamment ceux associant
également 8 % d’arginine, permettent de contrôler les hyperesthésies dentinaires.
Ils constituent le traitement de base et doivent être maintenus même si d’autres traitements plus invasifs
sont nécessaires.
Fluor (fluorure de sodium, fluorure stanneux, fluorure d’amine)
Le fluor est incorporé avec les ions calcium et phosphate pour former du fluoroapatite sur la surface
dentaire. Ce cristal est plus résistant que l’hydroxyapatite face aux acides.
Le fluor permet également :
- D’augmenter la rapidité de reminéralisation
- D’augmenter la teneur en minéraux de la dentine exposée
Les fluorures stanneux et le fluorure d’amine permettraient une minéralisation des surfaces. West et
Davies recommandent l’utilisation de dentifrice contenant du fluorure d’étain, pour réduire
significativement les hyperesthésies dentinaires.
Sels de potassium (nitrate de potassium ; chlorure de potassium)
Le nitrate de potassium permettrait de bloquer la transmission de l’influx nerveux (réduction de
l’excitabilité des fibres A), mais les résultats sont contradictoires :
- Certaines revues citent l’absence d’évidence clairement démontrée avec la réduction des hyperesthésies
dentinaires lorsque celui-ci est contenu dans un dentifrice.
- D’autres revues citent une réduction statistiquement significative des hyperesthésies dentinaires lors de
l’utilisation de dentifrice contenant 5% de nitrate de potassium.
Une méta-analyse publiée par la Cochrane inclut six études montrant un effet statistiquement
significatif du nitrate de potassium contenu dans les dentifrices, sur les stimuli thermiques et tactiles
durant un suivi de 8 semaines. Néanmoins, d’après les auteurs de la revue, la population étudiée comporte
peu de sujets et l’effet varie en fonction des méthodes utilisées pour mesurer la sensibilité. Ainsi, les
auteurs concluent à une absence de preuve de l’effet des dentifrices contenant du potassium sur les
hyperesthésies dentinaires.
Sels de strontium (chlorure de strontium, acétate de strontium)
Ces molécules peuvent être utilisées pour traiter en ambulatoire les hyperesthésies dentinaires.
Ils permettent une réduction des hyperesthésies dentinaires, confirmée par les recommandations de West
et Davies en 2014.
Arginine – Carbonate de calcium
Cette molécule peut être utilisée pour traiter en ambulatoire les hyperesthésies dentinaires. Son mode
d’action est le scellement des tubuli dentinaires. Elle peut réduire significativement les hyperesthésies
dentinaires. Les preuves scientifiques sont insuffisantes pour recommander son utilisation par rapport à
un autre traitement.

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Verres bioactifs : Phosphosilicate de calcium – sodium
Ils permettent une obstruction des tubuli dentinaires par précipitation d’une couche d’hydroxyapatite
sur la surface dentinaire. Les conclusions sont les mêmes pour l’application professionnelle, compte tenue
de l’absence de preuves suffisantes de son efficacité.
Phosphopeptide de caséine et phosphate de calcium amorphe
Ces molécules permettent d’obturer les tubuli. En contact avec l’eau, le phosphate de calcium amorphe
est relargué lentement et cristallise sur la dent sous forme d’émail. Le Phosphopeptide de caséine permet
de stabiliser le phosphate de calcium amorphe avant sa précipitation.
Bains de bouche
Fluor
Les solutions contenant du fluorure d’amine, associé à du fluorure de sodium et à du chlorure d’étain
permettent une réduction de la perte tissulaire par rapport aux solutions de fluorure de sodium. Ces
dernières, permettent de limiter la perte tissulaire lors de phénomène d’érosion.
Soins au fauteuil :
Soins non ou peu invasifs
Applications topiques
Adhésifs dentinaires sans mordançage préalable
Ils permettent d’obturer les tubuli dentinaires via la formation de tags résineux, pour traiter et prévenir
les sensibilités. Le mordançage préalable permet l’élimination complète de la boue dentinaire pour
augmenter l’adhésion mais il facilite aussi l’appel de fluide dentinaire en direction de la surface
dentinaire, à l’origine de sensibilités post-opératoires.
Vernis
Les vernis permettent de réduire les hyperesthésies dentinaires. Néanmoins, les preuves ne sont pas
suffisantes pour recommander leur utilisation, par rapport à d’autres traitements. Les résultats des études
restent contradictoires.
 Vernis fluoré
Une application de vernis fluoré réduit les hyperesthésies dentinaires pendant 6 mois. Les résultats
sont meilleurs en association avec l’utilisation quotidienne de bains de bouches fluorés.
Ceux-ci contiennent souvent du fluorure de sodium à 5%.
D’autres vernis contenant du fluor, sont modifiés par adjonction d’une résine ionomère de verre contenant
du glycérophosphate de calcium et de phosphate. Ils permettent la formation d’une résine obturant
immédiatement les tubuli. Elle persiste pendant une période étendue par rapport à un vernis ne contenant
pas de charges.
 Solutions de glutaraldéhyde et HEMA (Hydroxyethylméthacrylate)
Cette solution permet d’obturer les tubuli dentinaires. Néanmoins, elle permet une réduction
significativement inférieure des hyperesthésies dentinaires par rapport à une pâte contenant 8%
d’arginine.
 Glutaraldéhyde
Cette molécule entraine une coagulation intra-tubulaire des protéines permettant d’obturer les tubuli
dentinaires, réduisant leur perméabilité. Son efficacité dans la réduction des hyperesthésies dentinaires a
été statistiquement démontrée. De plus elle est compatible avec les systèmes adhésifs.
 Oxalate mono hydrogène – mono potassium à 3%
Cette molécule permet de réduire les hyperesthésies dentinaires face aux stimuli thermiques et tactiles.
Néanmoins, face aux stimuli osmotiques, cette molécule ne produit aucun changement ou aggrave les
hyperesthésies dentinaires.
 Oxalate mono hydrogène mono potassium à 3% associé au di potassium d’oxalate à 30%
Cette combinaison de molécules est le deuxième traitement le plus utilisé. Trois études évaluent son
efficacité :
- Elle permet de réduire les hyperesthésies dentinaires face aux stimuli courants
- Néanmoins, les hyperesthésies dentinaires sont semblables voir augmentées face aux stimuli
thermiques (par rapport aux groupes placebo)

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 Oxalate mono hydrogène mono potassium à 6%, oxalate ferrique à 6,8% et résine pré-
polymérisée d’oxalates
D’après la revue, ces molécules ne permettent pas de réduire significativement les hyperesthésies
dentinaires.
 Minéralisation biomimétique
Cette technique utilise la diffusion des ions calcium au-sein d’un gel contenant des ions phosphates et
fluorures, permettant la formation de fluoroapatite sur le substrat minéral (dentine).
 Polymères de polyvinyle alcool-méthyl acrylate
Les auteurs ne peuvent recommander l’utilisation de cette molécule, d’une part par la faible quantité de
preuve de son efficacité et, d’autre part, par le risque de biais dans les études (celles-ci utilisaient cette
molécule en combinaison avec d’autres agents actifs).
Ionophorèse
Cette technique permet de faire précipiter du calcium insoluble avec un gel de fluor pour obturer les
tubuli dentinaires, via un faible courant galvanique pour accélérer les échanges ioniques. Deux à quatre
minutes permettent de réduire voire supprimer les hyperesthésies dentinaires durant deux à six mois.
Laser
L’efficacité clinique des lasers, pour le traitement des hyperesthésies dentinaires, est contestée.
Néanmoins, l’association d’un laser Er : YAG a un gel fluoré montre une efficacité cumulée dans certains
articles.
La majorité des articles ne montrent pas de réduction statistiquement significative des hyperesthésies
dentinaires, de plus ce traitement est plus complexe et couteux que les autres. Il n’existe pas de preuve
suffisante pour préférer l’utilisation de laser par rapport à un autre traitement.
Soins invasifs
Soins conservateurs et endodontiques
En cas de site 3 (classification Si-Sta), une restauration en technique directe peut être utilisée afin de
couvrir et de restaurer la morphologie de la surface coronaire exposée.
En cas d’échec de toutes les autres thérapies, et en absence d’autre pathologie pouvant être à l’origine
des douleurs, la pulpectomie est indiquée.
Chirurgie muco-gingivale
En présence de récession tissulaire marginale, associée ou non à une lésion de site 3 (classification Si.
– Sta), le recouvrement radiculaire permet de réduire les hyperesthésies dentinaires lorsque les conditions
cliniques le permettent.

Suivi après traitement


La prise en charge du patient nécessite des contrôles réguliers afin d’évaluer l’observance et
l’efficacité des traitements prescrits. Les facteurs étiologiques sont réévalués et une motivation du patient
est faite.
Lors de ces visites il faut être attentif à détecter d’éventuelles lésions d’usure débutantes. Enfin
l’étanchéité et l’intégrité des restaurations éventuelles sont vérifiées.

Conclusion
Une meilleure connaissance des mécanismes biologiques à l’origine de cette pathologie douloureuse et
plus particulièrement la nature des rapports établis entre les fibres nerveuses et les odontoblastes,
permettra, à terme, le développement de traitements plus efficaces et directement ciblés sur les médiateurs
impliqués dans ces communications cellulaires.

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