Vous êtes sur la page 1sur 5

Sujet :

La réforme du droit des sûretés


Au Maroc

Introduction :
La loi n° 21-18 relative aux sûretés mobilières est d’une importance capitale.
Elle a apporté des modifications à deux textes majeurs qui encadrent ;
juridiquement, la vie économique à savoir le DOC et le Code de commerce. Elle
se propose comme objectif de moderniser les différentes sûretés portant sur
les meubles, qu’ils soient corporels ou incorporels, afin de faciliter l’accès des
entreprises au crédit, d’améliorer la transparence et de renforcer la liberté
contractuelle tout en assurant la sécurité juridique. Par la modernisation de son
arsenal juridique, le Maroc espère améliorer le climat des affaires et partant
son classement Doing Business. Les modifications apportées le DOC et le Code
de commerce ont touché essentiellement la cession de créance, le
nantissement et le gage de droit commun, le nantissement du fonds de
commerce, le gage commercial, le nantissement de l’outillage et du matériel
d’équipement, le nantissement de certains produits et matières et le crédit-
bail. Par ailleurs, la loi a créé ou consacré plusieurs techniques et institutions
nouvelles. Il s’agit particulièrement du registre national électronique des
sûretés mobilières, de l’agent des sûretés, de la clause de réserve de propriété,
le nantissement de créances, le nantissement de compte bancaire et le
nantissement de compte-titres.
Chapitre I : Elargissement du domaine des sûretés mobilières
Le législateur a maintenu une définition générale du nantissement dans l’article
1170 du DOC en prévoyant que le nantissement peut être avec ou sans
dépossession. Il porte sur un bien meuble, immeuble ou un droit incorporel.
Cette définition générale semble englober également l’antichrèse, laquelle se
présente comme un gage portant sur un immeuble. Cela dit, en tant que
sûretés mobilières, le gage et le nantissement portent sur un bien meuble ou
un droit incorporel. L’article 1186 précise que le gage et le nantissement
peuvent être constitués sur le numéraire, les titres et les choses fongibles.
Le législateur a supprimé l’obligation de remettre ces derniers sous enveloppe
fermée. Autrement dit, le créancier ne semble plus obligé de tenir les biens
fongibles gagés séparés des choses de même nature qui lui appartiennent.
Pour augmenter les capacités de crédit, un seul bien peut faire l’objet de
plusieurs gages ou plusieurs nantissements en respectant les rangs des
différents créanciers.
Section 1 : le nantissement
Outre la réforme des dispositions déjà existantes dans le DOC et le Code de
Commerce, la loi n° 21-18 a consacré certaines sûretés en les ajoutant au Code
de Commerce. Il s’agit de trois nantissements : le nantissement de créances, le
Nantissement de compte bancaire et le nantissement de compte-titres.
1 / Nantissement de créance : Les créances peuvent également faire l’objet
d’un nantissement. En effet, quel que soit la nature de la créance (présente ou
future) et quel que soit la nature du montant (certain, variable ou même
résultant d’un acte à intervenir et dont le montant n’est pas encore déterminé)
le nantissement peut être constitué. Ainsi, on peut noter que le nantissement
peut porter sur une fraction de créance mais cette dernière ne doit pas être
indivisible. Le nantissement de la créance prend effet à compter de la date de
l’acte, et il devient opposable aux tiers par son inscription au Registre National
Electronique des Sûretés Mobilières.
2/ Nantissement de compte bancaire : ce nantissement est un nantissement de
créances si bien que la créance nantie est le solde créditeur du compte au
moment de la réalisation du nantissement.18 Le nantissement de compte ne
fait pas obstacle au fonctionnement normal de ce dernier. Le titulaire du
compte utilise librement le compte nanti puisque le nantissement ne disparaît
pas si le solde du compte vient à être débiteur.19 le nantissement du compte
bancaire doit être inscrit sur le registre national des sûretés mobilières et il ne
devient opposable à l’égard de l’établissement bancaire teneur du compte que
si ce dernier en est notifié par le créancier nanti.
3 / Nantissement de compte-titres : Un compte titre est un compte qui permet
de détenir des titres et des valeurs mobilières. Celui-ci est rattaché à un compte
courant espèces afin de réaliser des achats et des ventes. Le compte-titre peut
faire l’objet d’un nantissement.21 Sont compris dans l’assiette de ce
nantissement, en garantie de la créance initiale, les titres financiers figurant
lors de la constitution du nantissement dans le compte nanti, ainsi que ceux qui
sont inscrits ultérieurement.
Section 2 : Consécration de la clause de réserve de propriété
La nouvelle loi s’est intéressée également à l’utilisation du droit de propriété à
des fins de garantie en consacrant une pratique souple dans sa constitution et
assez efficace dans sa réalisation à savoir la clause de réserve de propriété.
Certes, le législateur reconnaît la clause de réserve de propriété dans l’ancien
article 672 du Code de commerce devenu actuellement 705. Cet article permet
de revendiquer, si elles se retrouvent en nature au moment de l’ouverture de
la procédure collective, les marchandises vendues avec une clause de réserve
de propriété subordonnant le transfert de propriété au paiement intégral du
prix.
La clause de réserve de propriété fait échec au principe prévu par l’article 491
du DOC selon lequel l’acheteur acquiert de plein droit la propriété de la chose
vendue, dès que le contrat est parfait par le consentement des parties. La
clause retarde le transfert de propriété jusqu’à paiement intégral du prix.
L’article 618-21 permet au vendeur de stipuler que le transfert de propriété ne
se produira qu’au moment où le prix sera intégralement payé. Cette clause
porte sur la vente des biens meubles. Ces derniers doivent en principe être
identifiés dans le sens où, généralement, cette clause concerne les corps
certains et non consomptibles. Néanmoins, l’article 618-26 du DOC permet de
se mettre d’accord sur une clause de réserve de propriété même lorsqu’il s’agit
d’un bien fongible ou consomptible. Il dispose que la propriété d'un bien
fongible peut s'exercer, à concurrence de la créance restant due, sur les biens
de même nature et de même qualité, détenus par le débiteur ou pour son
compte.
Chapitre II : Renforcement de la protection des créanciers
Section 1 : Création du registre national électronique des sûretés mobilières
La loi n° 21-18 a modifié le système de publicité des sûretés mobilières sans
Dépossession. En effet, l’une des nouveautés marquantes est la création du
registre national électronique des sûretés mobilières dont la tenue et la gestion
sont confiées au ministère de la Justice en vertu de l’article 1 de l’arrêté
d’application n° 2.19.327 du 8 octobre 2019 publié au BORM du 21 novembre
2019 dans sa version en arabe et au BORM n° 6840 du 19 décembre 2019 dans
sa version en français. Le registre national électronique des sûretés mobilières
constitue l’apport le plus important de la loi 21-18 relative aux sûretés
mobilières. C’est une plateforme électronique dont l’objet est la simplification
des procédures en matière de financement des entreprises. Seront publiées au
registre les sûretés sans dépossession notamment tous les nantissements à
l’exception du nantissement des véhicules automobiles, des navires et des
aéronefs. D’autres garanties seront publiées sur ce registre à savoir la cession
de créances, la cession de créances professionnelles, la vente avec réserve de
propriété, le crédit-bail et l’affacturage. Ainsi, le risque présenté par les sûretés
occultes est minimisé puisque même les sûretés reposant sur le droit de
propriété doivent désormais être publiées. Les principales opérations qui
doivent être opérées à travers le registre national sont : les constitutions des
sûretés soumises à la publicité au registre, les modifications, les radiations, les
renouvellements des inscriptions, les mises en demeure pour la réalisation des
sûretés soumises à la publicité au registre, etc. Outre la publication des sûretés,
l’arrêté d’application prévoit les différents services qui doivent être assurés par
le registre parmi lesquels : l’ouverture de comptes personnels au profit des
usagers du registre, la délivrance des attestations relatives aux opérations
effectuées et la tenue d’un moteur de recherche relatif aux différentes
inscriptions sur le registre.
Cette plateforme concerne les porteurs de projets qui sont à la recherche de
financement mais qui ne disposent pas de biens immobiliers à hypothéquer. Et
donc, il n’est plus obligatoire d’hypothéquer un terrain ou un appartement
pour obtenir un crédit puisqu’il est devenu possible de mettre en garantie
auprès des banques les voitures, le matériel ainsi que les équipements.
Section 2 : Réglementation de l’agent des sûretés
En cas de pluralité de sûretés, la gestion de celles-ci présente une complexité
nécessitant la mise en place d’un système pour gérer les différentes sûretés.
Pour ce faire, la loi relative aux sûretés mobilières a créé le statut de l’agent des
sûretés. L’objectif est d’assurer une meilleure représentation des créanciers.

Le législateur a choisi le mandat pour encadrer le statut de l’agent des sûretés,


lequel peut être une personne physique ou morale. Par conséquent, l’agent des
sûretés agit au nom et pour le compte des créanciers titulaires des sûretés.26
Le législateur a donné à l’agent des sûretés des prérogatives assez élargies. Ce
mandataire aura le pouvoir de procéder à toutes les démarches relatives à la
constitution, à l’inscription, à la gestion, à la réalisation et à toutes les
opérations relatives aux sûretés mobilières constituées au profit des créanciers
qu’il représente.
Conclusion :
Une sûreté idéale est celle qui est simple dans sa constitution et efficace dans
sa réalisation. La modernisation de la législation sur les sûretés mobilières tend
à atteindre ces deux objectifs. Pour ce faire, la loi n° 21-18 vise l’équilibre entre
les intérêts du débiteur et du créancier tout en leur laissant une marge de
liberté contractuelle pour satisfaire amiablement cet équilibre. Les nouvelles
dispositions donnent au débiteur la possibilité de constituer une sûreté sur ses
biens meubles et partant facilitent son accès au crédit. Cette constitution est
simplifiée tout en protégeant les intérêts des créanciers et des tiers par
l’instauration de la publicité, pour les sûretés sans dépossession, au registre
national électronique des sûretés mobilières. Toujours dans l’intérêt du
débiteur, le législateur a permis l’évolution de la sûreté en même temps que la
dette garantie en allégeant les principes de spécialité et d’indivisibilité. La
consécration du principe de proportionnalité apparaît comme l’une des
nouveautés importantes de la loi. Néanmoins, une sûreté attractive et efficace
se mesure essentiellement au moment de sa réalisation. En ce domaine, le
législateur a été courageux en autorisant certains modes extra-judiciaires
pouvant éventuellement nuire aux débiteurs profanes. Cela dit, l’évaluation de
la loi n° 21-18 nécessite un certain temps d’application notamment dans le
cadre des procédures collectives, lesquelles constituent l’heure de vérité des
sûretés

Vous aimerez peut-être aussi