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Entre désenchantement et pragmatisme, les stratégies des

collaborateurs face aux incohérences entre la marque et le


vécu de travail
Fabienne Berger-Remy, Sylvain Delmas, Sophie de Villartay
Dans Décisions Marketing 2020/3 (N° 99), pages 37 à 59
Éditions EMS Editions
ISSN 0779-7389
DOI 10.7193/DM.099.37.59
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Décisions Marketing n°99 Juillet-Septembre 2020, 37-59

Entre désenchantement et pragmatisme,


les stratégies des collaborateurs face aux
incohérences entre la marque et le vécu de travail
Fabienne Berger-Remy, Sylvain Delmas et Sophie de Villartay
IAE Paris – Sorbonne Business School, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Résumé
Les entreprises, en particulier celles opérant dans les services, ont compris tout l’intérêt de solliciter leurs colla-
borateurs en tant qu’ambassadeurs de leurs marques. L’internal branding, ou management interne de la marque,
regroupe les pratiques visant à acculturer les employés à la marque, de manière à ce qu’ils adoptent un comporte-
ment favorable à cette même marque en particulier lors des contacts avec les clients. Cette recherche exploratoire,
qui s’appuie sur des récits de vie professionnelle, s’intéresse aux réactions des collaborateurs faisant face à une
incohérence entre les valeurs de marque affichées et leur quotidien de travail. A partir des développements de
la théorie de la dissonance cognitive, elle montre que la relation des collaborateurs à la marque est micro-située
et dynamique, et qu’elle évolue en fonction de l’attachement initial, des expériences vécues, de certaines pré-
dispositions individuelles, et de l’environnement social. Ces résultats permettent d’envisager une évolution de
l’internal branding qui prendrait davantage en compte la situation des collaborateurs.
Mots-clés : management interne de la marque, dissonance cognitive, valeurs de marque, concept de soi, attache-
ment à la marque.
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Abstract
Between disenchantment and pragmatism, how do employees face inconsistencies between the brand and their
work experience
Companies, especially those operating in the services sector, have understood the importance of soliciting their
employees as brand ambassadors. Internal branding refers to an array of practices aimed at acculturating em-
ployees to the brand, so that they adopt a brand-supporting behaviour especially when in contact with customers.
This exploratory research, based on professional life stories, focuses on the reactions of employees facing an
inconsistency between the brand values and their daily work. Based on developments in the theory of cognitive
dissonance, it shows that the relationship between employees and the brand is micro-situated and dynamic,
and that it evolves according to initial attachment, work experiences, individual characteristics, and the social
environment. From these results, an evolution of internal branding that takes more into account the situation of
employees can be envisioned.
Keywords: internal branding, cognitive dissonance, brand values, self-concept, brand attachment.

Pour contacter les auteurs : berger-remy.iae@univ-paris1.fr ; s.delmas@hotmail.com ; devillartay.sophie@sfr.fr

DOI : 10.7193/DM.099.37.59 – URL : http://dx.doi.org/10.7193/DM.099.37.59


Berger-Remy F., Delmas S. et de Villartay S. (2020), Entre désenchantement et pragmatisme, les stratégies des
collaborateurs face aux incohérences entre la marque et le vécu de travail, Décisions Marketing, 99, 37-59.
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« Transformez vos collaborateurs en am- font face à des incohérences entre ce que
bassadeurs de marque1 », « Le collabora- la marque raconte et leur vécu de travail.
teur ambassadeur, nouvel eldorado 4.0 ?2 », L’approche est exploratoire et s’appuie sur
depuis quelques années, magazines spécia- dix-neuf récits de vie professionnelle de col-
lisés et consultants vantent cette pratique laborateurs du groupe PSA et de la Société
consistant à mobiliser ses employés pour Générale.
promouvoir la marque. Les cas d’école sont
Dans une première partie, les travaux sur l’in-
largement relayés, qu’il s’agisse de Starbucks
ternal branding sont discutés, puis une grille
et son programme To be a Partner, IBM et
de lecture par la théorie de la dissonance
le Redbooks Thought Leadership Program,
cognitive est proposée. Un encadré présente
Zappos et les Zaponnians (les employés), ou
ensuite l’approche par les récits de vie pro-
bien Reebok qui encourage ses collabora-
fessionnelle. Les résultats sont montrés sous
teurs à partager leur passion pour le fitness
la forme de quatre récits de vie qui illustrent
(#FitAssCompany). des profils et des comportements d’employés
Pour que les programmes ambassadeurs confrontés à des dissonances. Ils conduisent
soient une réussite, il est nécessaire que les à une clarification des mécanismes de l’in-
collaborateurs aient intégré l’identité de la confort et des stratégies mises en place, en
marque, afin qu’ils puissent la vivre et la montrant l’importance du concept de soi et
transmettre. L’étude des pratiques visant à le rôle de certains facteurs comme l’atta-
acculturer les collaborateurs aux marques de chement à la marque, la responsabilité de
leur entreprise, ou internal branding, connaît l’entreprise et le fait que les pratiques incri-
minées soient rendues publiques. Les apports
un intérêt croissant (Burmann et Zeplin,
de cette recherche aux travaux sur l’internal
2005 ; King et Grace, 2012 ; Liu et al., 2017 ;
branding et aux pratiques managériales de
Piehler et al., 2016, 2018 ; Saleem et Iglesias,
programmes ambassadeurs sont détaillés,
2016). Cependant, la plupart des travaux ont
ainsi qu’un certain nombre de limites liées
une visée instrumentale et montrent des rela-
à la méthodologie. Trois voies de recherche
tions quasi-systématiquement positives entre
sont proposées pour explorer plus en avant
les pratiques d’internal branding et des élé-
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les antécédents, la temporalité et l’environne-
ments de performance. De plus, les employés
ment social du mécanisme.
sont appréhendés comme un tout uniforme.
Si l’on se réfère aux nombreux travaux sur
les relations entre les consommateurs et La relation entre le collaborateur
les marques, depuis l’article fondateur de et les marques
Fournier (1998) il est bien établi que ces rela-
Le lien entre les consommateurs et les
tions sont micro-situées, très diverses, et évo-
marques a été ausculté sous toutes les cou-
lutives. La présente recherche reprend cette
tures dans les dernières décennies – pour une
perspective pour les employés. Elle se situe
synthèse, voir Fetscherin et al. (2019). En
au niveau microsocial, et s’intéresse aux ré-
comparaison, le courant de recherche explo-
actions et aux stratégies individuelles mises
rant la relation entre les employés et leurs
en place par des collaborateurs lorsqu’ils
marques, bien que faisant l’objet de publica-
tions régulières depuis une dizaine d’années
1/ https://www.ladn.eu/entreprises-innovantes/
parole-expert/influence-transformer-collabora- (Berger-Remy et Michel, 2015 ; Burmann et
teurs-en-ambassadeurs-marque/ Zeplin, 2005 ; Foster et al., 2010 ; Piehler
2 / https://www.e-marketing.fr/Thematique / et al., 2016 ; Saleem et Iglesias, 2016), reste
so c ia l-m e d ia -10 9 6 / br eve / le - c ol la b or a t eu r-
a m b a s s a d e u r- n o uvel - el d o r a d o - 4 0 -33352 6 . encore embryonnaire. La relation collabora-
htm#4y4EfzlJ6w4WeYOm.97 teur-marque fait cependant l’objet d’un inté-
Marque employeur – 39

rêt croissant, sous l’effet concomitant de deux le mode de communication des marques,
facteurs : le développement des marques de passé d’un mode unidirectionnel et des-
service, et la profonde modification de la cendant utilisant les médias classiques à un
communication de marque rendue possible mode conversationnel dans lequel le client
par les réseaux sociaux. Ces deux facteurs, commente, réagit, voire interpelle (Iglesias
que nous allons détailler ci-après, ont fait du et Bonet, 2012 ; Quinton, 2013). Dans ce
collaborateur un acteur courtisé de la relation nouveau paradigme, le collaborateur devient
entre la marque et le consommateur. un interlocuteur de choix pour les consom-
mateurs pour différentes raisons : (1) sa
Un élément contextuel déterminant pour parole est souvent considérée comme plus
cette étude est celui du développement des authentique, donc plus crédible, par compa-
marques de service, qui touche également les raison avec le discours officiel et policé des
secteurs classiques de la production comme marques (Baker et al., 2014) ; (2) quand les
l’ont montré Vargo et Lush avec leur concept collaborateurs utilisent leurs propres réseaux
populaire de servicisation (service-domi- sociaux, la couverture de l’audience peut être
nant logic) (Vargo et Lusch, 2008). Dans ce supérieure à celle obtenue par les communi-
contexte, le collaborateur joue un rôle clef cations de marque sur les réseaux et néces-
dans l’accomplissement de la promesse de siter un investissement moindre (Madsen et
marque. Prenons l’exemple de Starbucks : la Verhoeven, 2019). Ce constat est à nuancer,
marque promet une expérience, celle du troi- d’autres recherches montrant qu’il peut sub-
sième lieu entre maison et travail, dans une sister un doute sur la liberté de parole et donc
ambiance décontractée et conviviale. Le rôle la sincérité des employés (Fleck et al., 2014).
des employés Starbucks dans la construc- Le comportement de porte-parole de la
tion de cette expérience est fondamental. marque porte un nom, l’employee advocacy,
La marque ne s’y trompe pas : la volonté il regroupe toutes les actions de défense, de
de Starbucks à travers le « Coffee Master soutien et de recommandation de la marque
Programme » est de faire de ses collabora- par les employés (Tsarenko et al., 2018).
teurs des « partners ». En toute logique, les
employés au contact des clients, et en par- Les bénéfices de la mobilisation de l’employé
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ticulier les vendeurs, ont fait l’objet d’une au service de la marque sont donc bien éta-
attention particulière dans les travaux de blis. Tirer parti de ses employés comme
recherche (Badrinarayanan et Laverie, 2011 ; porte-paroles pose cependant un certain
Michel et al., 2015). Ces travaux ont été éten- nombre de défis. Entre autre, faut-il encadrer
dus aux call center (Burmann et König, 2011) la parole des collaborateurs pour assurer une
et aux franchises (Merrilees et Frazer, 2013). constante dans la perception et limiter les
Les études empiriques ont été principalement risques inhérents à une communication non
faites dans le secteur de l’hôtellerie et du tou- maîtrisée, au risque de la perte d’authenticité,
risme (King et Grace, 2008), ou dans les ou faut-il laisser faire, en faisant le pari de la
services dits knowledge intensive tels que le spontanéité et de la crédibilité ? De même,
conseil ou les services financiers (Wallace et faut-il inscrire l’employee advocacy dans
al., 2011), qui sont des secteurs dans lesquels les missions des collaborateurs, ou simple-
la promesse de marque peut se matérialiser ment mettre en avant ceux qui le font de leur
en partie dans les interactions entre les colla- propre chef ? L’équilibre managérial entre le
borateurs et les clients. contrôle et le lâcher-prise n’a rien d’évident
(Morhart et al., 2009 ; Müller, 2017).
Ensuite, la mise à disposition technologique
et l’usage massif des réseaux sociaux à par- Pour maximiser néanmoins le potentiel d’une
tir de 2004 ont fondamentalement modifié telle approche, les entreprises mettent en
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place un management interne de la marque, l’organisation au-delà de la relation contrac-


ou internal branding. L’internal branding est tuelle et des missions explicitement confiées
défini dans la littérature comme « le proces- au salarié (Organ, 1988). La plupart des re-
sus par lequel les entreprises cherchent à in- cherches mobilisant l’internal branding ont
fluencer l’adoption des valeurs de la marque une visée instrumentale et se focalisent sur
par les collaborateurs, de telle manière que des stratégies d’alignement conçues dans le
les comportements des collaborateurs soient but d’accroitre et d’homogénéiser les com-
en accord avec les valeurs et dans le but d’ac- portements des employés jugés favorables à
complir la promesse de la marque3 » (Saleem la marque. Outre les problèmes éthiques que
et Iglesias, 2016, p. 44). Au-delà de l’em- cela peut soulever, et qui sont signalés par
ployee advocacy, le management interne de quelques auteurs (Müller, 2017, 2018), peu
la marque sert également, de façon plus large, de recherches s’intéressent au vécu des sala-
à fédérer les employés autour de la marque, à riés avec les marques pour lesquelles ils tra-
les motiver, à créer une culture d’entreprise vaillent, et aux conséquences potentielles sur
et de l’affect vis-à-vis de la marque de ma- des éléments tels que l’engagement ou la mo-
nière à orienter les comportements, comme le tivation au travail. Des travaux en ressources
montre Müller (2017) dans son étude de cas humaines s’intéressent à la question sous
chez Ikea. La notion regroupe des pratiques l’angle de la marque employeur (Charbonnier-
de différentes natures, comme résumé dans Voirin et al., 2017 ; Edwards, 2009 ;
le tableau 1 (Morhart et al., 2009 ; Vallaster Vaijayanthi et al., 2011). D’autres travaux re-
et De Chernatony, 2005). gardent comment la marque peut être mobili-
sée par les employés dans la construction de
Le but affiché des stratégies d’internal bran- leur identité individuelle ou sociale au travail
ding est d’obtenir que les employés adoptent (Cayla, 2013 ; Tian et Belk, 2005). Enfin, la
des comportements favorables à la marque, recherche de Berger-Remy et Michel (2015)
ce que la littérature recouvre sous le concept montre que les collaborateurs construisent du
de brand citizenship behavior (Piehler et al., sens à partir de la marque commerciale pour
2016). Ce concept, encore insuffisamment laquelle ils travaillent, et que ce sens créé est
stabilisé, est directement inspiré de l’idée un sens « supplémentaire » dans la mesure
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de organisational citizenship behavior en où il ne provient pas directement de l’organi-
science des organisations, qui fait référence à sation, mais bien des discours et des valeurs
l’adoption de comportements bénéfiques pour véhiculés par la marque souvent à l’extérieur.
Force est de constater que, dans la plupart des
3/ Traduit de l’anglais par les auteurs. cas, les travaux relatent le phénomène sous

Tableau 1 : Les pratiques d’internal branding

Domaine Pratiques Références

Ressources Recrutement, formation, systèmes de rétribution et de Aurand et al., 2005


humaines reconnaissance liés à la marque.

Marketing Communication interne, dissémination des éléments Burmann et Zeplin, 2005 ;


de l’identité de marque, sensibilisation et information Liu et al., 2017 ; Piehler et al.,
par rapport aux communications externes, animations 2016, 2019
des communautés internes de marque.

Management Mode de leadership, intégration de la marque dans la Morhart et al., 2009 ; Vallaster
culture d’entreprise, exemplification des valeurs de et De Chernatony, 2005
marque par le management.
Marque employeur – 41

un angle plutôt positif, à l’exception de deux psychologique qui conduit l’individu à agir
recherches récentes qui montrent de façon pour retrouver un état satisfaisant. Cela se
contre-intuitive comment le fait d’avoir des traduit par la mise en place de stratégies de
collaborateurs inféodés à la marque peut se réduction de la dissonance. Selon Festinger
révéler contre-productif dans certaines cir- (1957), elles peuvent se manifester par le
constances (Merk et Michel, 2019 ; Schepers changement d’éléments impliqués dans la
et Nijssen, 2018). Des recherches plus cri- relation d’inconsistance, en ajoutant des élé-
tiques en théorie des organisations montrent ments consistants ou en réduisant l’impor-
que la dimension normative de la marque tance des cognitions inconsistantes.
s’impose de façon relativement insidieuse
aux collaborateurs, ce qui peut créer des ten- Dans le cadre de notre recherche, un collabo-
sions internes (Mumby, 2016 ; Müller, 2017). rateur ayant intégré les valeurs de la marque
pour laquelle il travaille peut potentiellement
L’objectif de cette recherche est d’explorer être confronté à des pratiques qui ne reflètent
les tensions créées par cette dimension nor- pas ces valeurs. Il va éventuellement se trou-
mative de la marque. La question que nous ver dans une situation d’inconsistance, telle
nous sommes posée est la suivante : que se que décrite par Festinger, qui va le conduire
passe-t-il lorsque le collaborateur se sent à agir pour retrouver un état psychologique
en situation d’inconfort par rapport à ce acceptable.
qui lui est demandé, à savoir un comporte-
ment exemplaire vis-à-vis de la marque ? La théorie de la dissonance cognitive est très
De manière intuitive, et avant d’être allés sur fréquemment convoquée en marketing pour
le terrain, plusieurs situations nous paraissent expliquer le comportement des consomma-
potentiellement poser problème : celles pro- teurs. Elle semble l’être beaucoup moins
en ce qui concerne les relations entretenues
venant d’attaques extérieures sur la marque,
par les collaborateurs avec la marque. Par
le secteur ou l’organisation, ou bien celles
ailleurs, cette théorie invite à nous interro-
résultant d’incohérences entre ce qui est vécu
ger sur trois plans : l’éveil de la dissonance,
en interne et ce qui est promu par la marque.
c’est-à-dire les conditions d’apparition d’une
Les développements de la théorie de la dis-
situation d’inconsistance (pratiques perçues
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sonance cognitive de Festinger ont dès lors
comme incohérentes avec les valeurs de la
constitué le cadre conceptuel idéal pour étu-
marque), les situations d’inconfort psycho-
dier ces situations d’inconfort (Festinger,
logique, situations dans lesquelles la dis-
1957).
sonance est plus ou moins inconfortable ou
acceptable, et enfin les modes de réduction de
Une grille de lecture par la la dissonance, qui permettent de s’interroger
théorie de la dissonance cognitive sur les stratégies mises en place.

La théorie de la dissonance cognitive s’inté- La condition de base pour qu’un éveil de la


resse aux relations entre différentes cogni- dissonance se produise est que l’individu soit
tions, entendues comme tout élément de confronté à la présence de deux cognitions
« connaissance, opinion ou croyance sur l’en- inconsistantes. Néanmoins, des développe-
vironnement, sur soi-même ou sur son propre ments ultérieurs de la théorie ont montré que
comportement » (Festinger, 1957, p. 3). Le c’est une condition nécessaire mais pas tou-
processus d’éveil et de dissonance cognitive jours suffisante. Des auteurs vont mettre en
apparaît lorsque deux cognitions sont disso- avant le concept de soi comme facteur expli-
nantes – dit plus simplement, lorsque nous catif de l’éveil de la dissonance (Aronson &
faisons face à des informations contradic- Carlsmith, 1962 ; Aronson, 1968 ; Stone et
toires. Cette situation génère un inconfort Cooper, 2001). Ce concept de soi renvoie aux
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attentes que les individus ont d’eux-mêmes. Le cadre de la dissonance cognitive nous
Il traduit en quelque sorte un standard de amène à reformuler la question de recherche
conduite personnelle. Lorsque l’individu agit comme suit : les potentielles inconsistances
de manière contraire à l’idée qu’il se fait de entre la marque et les pratiques de l’entre-
lui-même, il ressentira alors une dissonance. prise engendrent-elles de l’inconfort pour un
Ces développements nous semblent particu- collaborateur ? Si oui, quelles sont les stra-
lièrement intéressants à prendre en considé- tégies mises en place par ces mêmes colla-
ration dans le cadre de notre recherche. On borateurs pour y faire face ? Pour explorer
peut en effet se demander dans quelle mesure le phénomène, une approche par les récits de
le soi du collaborateur intervient dans les vie professionnelle a été retenue.
situations d’inconfort psychologique nées de
relation d’inconsistance entre ce qu’il vit dans
l’entreprise et le discours de la marque. Résultats
Face aux inconsistances, les individus vont Les quatre récits de vie professionnelle de
mettre en place des stratégies de réduction de Fabienne, Anne, Noémie et Florence, choi-
la dissonance cognitive, de manière à retrou- sis pour leur caractère emblématique, sont
ver un équilibre psychologique. Les straté- exposés ci-après. Bien que résumée, la trame
gies de réduction identifiées dans les travaux narrative a été respectée. Ces quatre récits
sur la dissonance sont présentées dans le mettent en lumière des situations de disso-
tableau 2. nance faisant intervenir la marque, les déci-

Tableau 2 : Les stratégies de réduction de la dissonance cognitive, d’après Vaidis (2011)

Stratégie Manifestation Auteurs

Support social Modification de l’environnement social pour le rendre Festinger et al., 1956
consistant avec ses croyances.

Rationalisa- Modification a postériori de l’attitude initiale pour la rendre Martin, 1922 ; Festinger,
tion cognitive plus conforme au comportement réalisé. 1956
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Rationalisa- Réalisation d’un second comportement consistant avec le Joule, 1986 ; Beauvois &
tion en acte comportement problématique. Joule, 1996

Trivialisation Dévalorisation du comportement réalisé ou de l’attitude Beauvois & Joule, 1981,


initiale. 1996

Renforcement Renforcement des cognitions relatives à l’attitude initiale. Festinger, 1956 ; Hardyck &
de l’attitude Bradern, 1962 ; Cohen, 1962
initiale

Explication Essai de compréhension ou de justification des raisons du Heider, 1958 ; Channouf et


causale comportement problématique. al. 1993

Déni de res- Négation ou réduction du sentiment de responsabilité d’un Gosling et al., 2006
ponsabilité acte problématique.

Affirmation Ajout de cognitions consistantes provenant du Soi. Steele, 1988 ; Thibodeau &
de soi Aronson, 1992 ; Ansel &
Girandola, 2004

Restructura- Ajout d’une ou plusieurs cognitions pertinentes pour récon- Hardyck & Kardush, 1968 ;
tion cognitive cilier les cognitions inconsistantes sous un principe général. Leippe & Eisenstadt, 1994,
1999
Marque employeur – 43

Encadré 1 : Une approche par les récits de vie


L’approche par les récits de vie permet de resituer les phénomènes que nous cherchons à observer dans la
trajectoire personnelle d’un individu (Bertaux, 2016 ; Leconte, 2017). Ceci permet d’appréhender les sé-
quences temporelles et les points de rupture (turning points), ainsi que de reconstituer une série d’évène-
ments dans leurs contextes. Cette approche est micro-située et permet donc de rendre compte de la variété
des situations tout comme des attitudes et comportements face à ces situations. En termes de démarche,
nous avons tout d’abord choisi des entreprises pour leur caractère critique au sens de Patton (2002),
c’est-à-dire présentant des caractéristiques relativement répandues et aisément observables, de manière à
faciliter une forme de généralisation analytique. Nous avons ensuite réalisé des séries d’entretiens avec
des collaborateurs, dans lesquels nous leur avons demandé de nous raconter leur vie professionnelle.
Choix des entreprises
Le groupe PSA (Peugeot SA) et la Société Générale partagent des caractéristiques communes permet-
tant d’envisager une généralisation analytique des résultats à des entreprises similaires. Ce sont des
organisations de grande taille, avec beaucoup d’employés, cotées et donc sous les feux des projecteurs.
Elles possèdent des marques commerciales très travaillées et qui communiquent beaucoup. Les deux
appartiennent à des secteurs en pleine mutation et médiatiquement exposés. Deux critères les différen-
cient cependant nettement, et peuvent être utiles à l’analyse : l’une opère dans les services, l’autre dans
l’industrie ; l’une gère un portefeuille de marques commerciales distinctes du nom de l’entité juridique,
pour l’autre, marque commerciale et dénomination sociale sont confondues.
Le groupe PSA rassemble cinq marques automobiles, Peugeot, Citroën, DS, Opel et Vauxhall, et propose
une offre diversifiée de services connectés et de mobilité portés par la marque Free2Move. Après des
années difficiles, la mutation du groupe s’effectue à vive allure. Il est l’un des pionniers de la voiture au-
tonome et du véhicule connecté. Présent dans 160 pays dans le monde, PSA est aujourd’hui le 4e groupe
automobile mondial après la fusion avec Fiat-Chrysler*.
Forte d’une histoire ancienne de plus de 150 ans, la Société Générale est l’un des tout premiers groupes
européens de services financiers. En 2006, l’établissement bénéficie du meilleur indice d’image aux
côtés du Crédit Agricole (baromètre Posternak-Ifop) et reçoit le prix de la meilleure Banque du monde,
remis par le magazine Euromoney. Pourtant la banque fait face en 2008 à une crise de réputation sans
précédent qui menace son existence et souffre depuis 2007 d’une grande défiance de la part des citoyens.
Elle est aujourd’hui positionnée dans le bas du même classement.
Récits de vie professionnelle
Les récits de vie ont été recueillis lors de périodes d’immersion assez longues sur le terrain, dans l’op-
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tique de mieux comprendre les relations entre les collaborateurs et les marques de leur entreprise. Au
total, 25 entretiens ont été menés à la Société Générale de mars 2015 à mai 2018, et 28 entretiens dans
le groupe PSA entre septembre 2015 et janvier 2020. Toutes les personnes interrogées n’ont pas fait
état dans leur récit de moment d’éveil de la dissonance. Les situations de dissonance ont émergé lors de
l’analyse de données chez certains des salariés interrogés, à savoir 9 à la Société Générale et 10 dans le
groupe PSA. Ces 19 récits de vie ont donc été extraits et constituent la base de cette étude.
Les entretiens ont été menés de façon libre, avec toujours la même amorce : « Racontez-moi, votre
parcours dans cette entreprise…. », tout en se réservant des possibilités de relance lorsque les thèmes
abordés faisaient écho aux développements théoriques précités. A aucun moment les situations d’incon-
fort n’ont été suggérées par les interlocuteurs ; elles ont simplement fait l’objet d’approfondissements
lorsqu’elles ont été spontanément évoquées.
Les entretiens ont été intégralement retranscrits, et ont fait l’objet d’une analyse intra-sujet, c’est-à-dire
une analyse diachronique de chaque entretien permettant de révéler les cheminements et la logique d’un
individu en s’attachant à la succession des évènements dans le récit. Ces analyses intra-sujet ont ensuite
été comparées. Quatre formes de trajectoire ont été identifiées, que l’on retrouve chez tous les salariés
ayant mentionné des situations d’inconfort. Afin de préserver la logique interne du récit d’un individu,
la section résultat présente l’analyse de quatre récits emblématiques de chacune des trajectoires, ceux
d’Anne, Noémie, Fabienne et Florence. Un tableau en Annexe 1 présente la liste complète des infor-
mants. Les récits des autres informants présentent, à divers degrés, des similitudes avec l’un ou l’autre
des récits exposés.
*Les Echos, 18 décembre 2019, « PSA et Fiat-Chrysler vont constituer le 4e groupe automobile mondial ».
44 – Décisions Marketing n°99 Juillet-Septembre 2020

sions managériales et le secteur d’activité, et la réputation, au métier, au professionna-


relatent les stratégies de réduction de l’incon- lisme. Ce n’était pas seulement la fraude
fort mises en place. d’un collaborateur. Cela remettait en
cause le professionnalisme des équipes,
Une dissonance d’autant plus forte le défaut de contrôle d’une banque tiers
qu’elle engage le soi : Fabienne, ou la de confiance, pas capable de contrôler ce
désenchantée qui se passe chez elle. Cela a atteint les
clients parce que la Société Générale était
La trajectoire de Fabienne et les similitudes
positionnée sur le professionnalisme, l’éli-
de cette trajectoire avec d’autres individus
tisme, la banque haut de gamme, et nous
interrogés sont repris dans la figure 1, qui est
après... »
ensuite détaillée.
Par ces propos nous percevons l’état de désta-
Lorsque nous interrogeons Fabienne, nous
bilisation de Fabienne face à une information
lui demandons de raconter son histoire à la
qu’elle n’attendait pas. Ce qu’elle perçoit de la
Société Générale depuis son entrée en 1987.
banque depuis plusieurs années et ce qu’elle
Elle a fait une belle carrière dans la banque
contribue à défendre comme l’ensemble des
de détail et dirige une équipe commerciale.
« équipes » est à la fois une image de pro-
Les années 2007-2008 constituent un tour-
fessionnalisme, d’excellence et de confiance
nant au sein de l’organisation. Comme plu-
de la banque. C’est aussi comme cela qu’elle
sieurs des personnes que nous interrogeons,
croit que l’extérieur (« les clients ») perçoit la
elle s’arrête lourdement sur cette période en
Société Générale. Les informations véhicu-
nous faisant part de son émotion.
lées dans les médias sur l’entreprise viennent
« La crise Kerviel elle a vraiment touché « remettre en cause » ses croyances. Cette in-
toutes les sphères. C’était une atteinte à consistance semble suffisamment importante

Figure 1 : La trajectoire du désenchantement


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Marque employeur – 45

pour que Fabienne souhaite quelques années d’équipe et l’enthousiasme du groupe pour
après s’arrêter à nouveau sur cet état de ten- soutenir l’entreprise. Elle rappelle l’impor-
sion. L’état émotionnel qui en découle est en tance de la communication interne comme
effet d’autant plus important que, membre à appui dans la défense mais aussi le rôle clé des
part entière de l’entreprise, comme les col- messages envoyés par la direction.
laborateurs qu’elle inclut dans son analyse,
Fabienne vit cet épisode comme une humi- « Vous vivez cela comme un vrai moment
liation (« atteinte au métier, au professionna- de sidération. Puis après il s’est passé
lisme »), ou comme une remise en cause de quelque chose de plus profond. C’était le
feu de l’action, on avance tous ensemble.
son estime personnelle et de sa fierté.
Très vite ce qui est important, on le voit
bien dans une entreprise c’est une bonne
Une stratégie de réduction de l’inconfort très
ambivalente : mise à distance de l’événement et communication. Nous c’est vrai on a eu
minimisation de la responsabilité une très bonne communication. C’est à
partir de ce moment-là d’ailleurs qu’on a
L’estime personnelle tirée de l’appartenance à
eu un PDG qui s’est mis à nous parler tout
la Société Générale et les croyances positives
le temps en direct. »
que Fabienne a dans l’organisation sont suf-
fisamment ancrées ou saillantes pour qu’elle
Le changement d’attitude et de comportement
s’engage alors dans une stratégie de réduction
de son inconfort. Les premières stratégies évoquées ne
semblent cependant pas suffisantes. Face à
Elle nous explique d’abord que la fraude du un événement vécu individuellement comme
collaborateur ne s’est pas passée dans sa di- une attaque, nous comprenons finalement que
rection et qu’elle n’est donc en aucun cas liée pour réduire son inconfort elle a modifié à la
à un comportement défectueux d’un proche fois son attitude et son comportement vis-à-
collaborateur. Puis après quelques hésita- vis de la marque. Indirectement elle nous fait
tions elle condamne avec force l’inaction des part de sa distanciation.
membres de la direction.
« Il se trouve que notre petite fierté d’avoir
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« Nous dans notre for intérieur on était notre sacoche Société Générale après
droit dans nos bottes et en plus la banque c’était fini. Il m’arrivait de sortir avec mes
de détail n’avait rien à voir avec ce qui beaux sacs plastiques Société Générale.
avait été fait de l’autre côté de la banque… Je les mettais dans ma sacoche parce que
[…]. C’était une vraie déception envers je n’avais pas envie de me faire alpaguer.
le COMEX qui n’avait pas su mettre les C’était “les banques tous pourris”. Société
contrôles qu’il fallait. C’était nous, on Générale encore plus que les autres. On
besogne avec nos clients à 5 euros la com- n’avait plus envie de sortir avec nos sacs.
mission et vous, vous paumez 5 milliards C’était simplement pour que j’ai la paix. »
d’euros sur les marchés parce que vous
n’avez pas contrôlé. » « Voilà, la vie allait bien. Une certaine
insouciance d’être dans une belle banque.
Et puis paf. On a perdu notre candeur. Les
La résistance
gens de ma génération ils sont tous comme
Une deuxième voie empruntée ensuite est celle moi. On pense tous la même chose, qu’on
du support social de la part des collaborateurs a entamé le capital confiance de cette très
qui partagent les mêmes croyances. Fabienne belle banque. »
partage avec nous son souvenir du combat qui
a animé l’ensemble des salariés après l’événe- Après plusieurs stratégies de réduction de son
ment. A plusieurs reprises elle évoque l’esprit inconfort et face au sentiment de remise en
46 – Décisions Marketing n°99 Juillet-Septembre 2020

cause de son intégrité, Fabienne a finalement marque Citroën provient essentiellement des
stabilisé ses cognitions en prenant de la dis- communications à destination des consom-
tance avec la marque. Alternative probable mateurs. Son attitude à l’égard de Citroën est
à la sortie de l’entreprise, cette réponse se donc assez neutre.
traduit aujourd’hui pour elle par une défec-
« Moi, j’étais plus comme beaucoup de
tion intérieure vis-à-vis de l’entreprise mais
personnes qui font un amalgame entre
paradoxalement par la poursuite de son rôle à
le groupe PSA et Citroën et Peugeot […]
l’extérieur en tant que commerciale.
Citroën, je savais pas vraiment… si,
parce que j’avais travaillé sur du produit
Quand ce que raconte la marque ne en usine mais… en termes de valeurs de
colle pas avec le vécu au travail : marque ça représentait rien pour moi ou
Anne, ou la pragmatique peut-être deux choses une pub avec un ro-
La trajectoire d’Anne et les similitudes de bot… modernisme, technologie… et peut-
cette trajectoire avec d’autres individus inter- être le côté, pas avant-gardiste, mais un
rogés sont explicités dans la figure 2. peu je bouscule les codes. Ça se résume à
ça… j’avais pas d’autres contacts avec la
Après quelques années passées au sein de marque mise à part la pub. »
différentes usines du groupe PSA, Anne
obtient un poste de management à la direc- Un mode de fonctionnement interne
tion du marketing de la marque Citroën. Bien inconsistant avec les valeurs de marque…
qu’ayant travaillé à la production de modèles C’est dans son nouveau poste qu’elle découvre
Citroën en usine, elle n’a qu’une connaissance les valeurs de la marque et prend conscience
très parcellaire de ce qu’est cette marque, ses de l’aspiration de Citroën à faire du bien-être
valeurs et sa promesse. Sa perception de la (« feel good ») un élément fondamental de

Figure 2 : La trajectoire du pragmatisme


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Marque employeur – 47

sa relation avec les clients. L’humain est au comportement qu’elle doit avoir dans le cadre
cœur de la stratégie de marque avec la nou- de sa mission devient alors difficile à tenir.
velle signature « inspired by you ». Une de
ses missions est de participer à la diffusion « Le feel good c’est du vrai mensonge […]
des valeurs de marque en interne afin que Du moment où je sens du mensonge… je
chacun, dans son métier respectif, puisse coupe, j’ai pas envie de me forcer… donc
décliner de manière opérationnelle l’identité oui, j’ai obstrué ces valeurs de marque […]
de la marque. A un moment donné, on m’a demandé de
passer un genre d’assessment et je me sou-
« J’ai participé à la mise en application viens avoir révisé les valeurs des marques
des guidelines pour… comment on peut DS, Peugeot et Citroën et j’ai révisé les
mieux piquouser, entre guillemets, les valeurs de Citroën alors que je bossais
pays, les personnes en interne aux valeurs chez Citroën donc ça veut vraiment dire
de marque de Citroën […] Il n’y avait au- que je n’étais pas du tout à l’aise avec… je
cun process là-dessus […] C’est que moi je les avais occultées complètement. […] On
suis forte dans la mise en place des choses, dit faut être sponsor, pas sponsor mais…
rien n’était fait donc j’ai mis en applica- ambassadeur… non, non j’arrive pas à
tion. » être ambassadeur, non. […] Des gens avec
qui j’ai des affinités, j’ai pas envie de leur
Or, dans son quotidien, Anne ressent et décrit mentir, donc non ça m’intéresse pas de dire
une situation au travail assez différente de ce du faux. »
que promeut la marque. Cet écart la plonge
dans une situation d’inconfort psychologique. D’autre part, Anne va valoriser le groupe
PSA, non pas au travers de la marque Citroën
« On te parle de feel good… moi je me mais via la puissance industrielle de l’entre-
souviens de certaines images : sérénité, le prise et par sa capacité à proposer des évolu-
sourire, la liberté, la légèreté et tout… et tions de carrière dans des secteurs différents.
toi tu es dans un truc où tu as l’impression Cette stratégie s’apparente à la restructura-
d’avoir une chape de plomb au-dessus de tion cognitive ; Anne ajoute ainsi de nou-
la tête qui t’étouffe […] J’avais toujours
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velles cognitions pertinentes avec l’entreprise
peur de louper un truc, de ne pas avoir fait dans laquelle elle travaille afin de diminuer la
valider quelque chose […] et que ça me dissonance à laquelle elle est confrontée dans
retombe dessus. » son environnement actuel. Elle justifie ainsi
de manière très pragmatique son attachement
… qui conduit à un rejet du discours de la à l’entreprise et réduit son inconfort ponctuel.
marque…
Anne cherche à réduire cette dissonance de « Par contre, je parle souvent du côté in-
deux manières différentes. D’une part, elle va dustriel, cette puissance des process […]
mettre à distance et dévaloriser le discours de C’est plus ça pour moi le groupe PSA. […]
Citroën qu’elle considère comme non crédible La chance qu’on a chez PSA c’est que des
compte tenu de ce qu’elle vit dans son travail opportunités s’offrent à nous. […] En
au quotidien. Il s’agit d’une stratégie de tri- plus on m’a toujours donné des postes qui
vialisation, qui consiste à diminuer l’impor- étaient intéressants. »
tance de l’une des cognitions impliquées dans
la relation d’inconsistance – ici, la marque. Il … renforcé par une menace contre le Soi
devient alors inconcevable pour Anne, qui se L’inconfort ressenti par Anne est amplifié par
caractérise comme une personne aimant les le fait que ses valeurs, en phase avec celles
rapports francs, de promouvoir la marque. Le affichées par la marque Citroën, apparaissent
48 – Décisions Marketing n°99 Juillet-Septembre 2020

en contradiction avec les modes de fonction- place des stratégies d’alliance avec d’autres
nement de l’entreprise. collègues pour retrouver bienveillance et
bien-être (Support social).
« J’aime aider les autres, j’aime quand les
rapports sont francs […] J’ai beaucoup Pour réduire les situations de dissonance,
d’empathie parce que je fais attention aux Anne a utilisé différentes stratégies qui la
autres. Souvent, dans un groupe, je vais conduisent à prendre de plus en plus de dis-
être la personne qui va poser des questions tance vis-à-vis de la marque Citroën, au point
en écoute active, qui va relancer les gens, de décider de changer de poste et de retourner
je m’intéresse aux gens. J’ai un souci de travailler directement pour le groupe PSA et
bienveillance vis-à-vis d’eux. J’aime les non pour une marque en particulier.
relations humaines et pour moi c’est hyper
important. C’est une des choses qui m’a Lorsque la mauvaise réputation du
affectée […] Je pense que je n’étais pas en secteur s’oppose au discours et
adéquation entre ce que je suis et ce qu’on actions de la marque : Noémie, ou
me demandait de faire. » l’avocate
La trajectoire de Noémie, emblématique du
Pour réduire cette dissonance, Anne met
comportement d’avocate, est montrée dans la
en œuvre deux stratégies distinctes. D’une
figure 3, ainsi que les correspondances avec
part, elle affronte ses supérieurs en affir-
d’autres individus interrogés.
mant ses convictions. Par ce comportement
offensif, elle tente de réduire le sentiment de Noémie manifeste un fort attachement à la
débordement permanent, de non-maîtrise de marque Peugeot et une grande fierté d’appar-
son travail et de crainte de ne pas bien faire tenir à cette « famille ». Ces sentiments re-
(Trivialisation). D’autre part, elle met en posent sur plusieurs facteurs : l’histoire de la

Figure 3 : La trajectoire de l’advocacy


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Marque employeur – 49

marque, des produits de qualité et innovants, des technologies développées, des solutions
des relations humaines chaleureuses et res- visant à réduire son impact environnemental.
pectueuses qui tranchent avec celles qu’elle Cet inconfort est accentué par les malversa-
a connues au début de sa carrière au sein des tions de certains constructeurs (Volkswagen
agences de communication, une histoire fa- et le dieselgate) qui jettent la suspicion sur
miliale avec la marque Peugeot. l’ensemble des marques automobiles.

« La marque Peugeot, pour moi c’était En outre, compte tenu de son identification
une marque qui existait depuis super long- à la marque, Noémie se sent atteinte person-
temps, qu’avait des produits fantastiques, nellement par ces attaques. Une partie de son
qui pouvait faire preuve d’innovation […] Soi est menacée par ces critiques ce qui am-
Je pense qu’on est encore là aujourd’hui, plifie fortement son inconfort.
et on sera encore là demain parce que, à
« Non je n’aime pas quand l’extérieur va
un moment donné, cette marque elle a su
plaquer des grandes généralités du monde
prendre les décisions qu’il fallait et qui
automobile ou de ceux qui ont été repérés
s’imposaient. Et je suis fière de travail-
comme les… le sentiment que le dieselgate
ler pour cette marque […] Je découvrais
il est partout et il est même chez toi Noémie
une autre forme de management aussi qui
et dans ta marque. Ça je trouve que c’est
n’était pas celle… de la pression agressive difficile parce que comme tu veux partager
mais celle de la confiance et… de l’humili- les mêmes valeurs éthiques donc si d’un
té […] J’ai été élevée en disant que Renault seul coup on te renvoie à la figure le fait
c’était une marque de collabo pendant la que la marque pour laquelle tu travailles
guerre… chez Peugeot pas du tout. On a ne serait pas tout à fait aussi éthique que
toujours eu que des Peugeot donc y’a un toi…. Voilà, c’est hyper perturbant, c’est
truc comme ça très affectif. » hyper désagréable parce que c’est une
Pour Noémie, Peugeot est donc une marque remise en question aussi de toi… et c’est
particulièrement morale, avec des valeurs vachement important […] C’est important
fortes de responsabilité et d’honnêteté où la pour moi. J’aimerais pas être dans une lo-
gique de contribuer à un truc avec lequel
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compromission ne semble pas avoir sa place.
je ne serais pas en phase. »
Au-delà de la fierté, on ressent une grande
confiance dans la marque, dans sa capacité à
Une réduction de la dissonance qui passe par
faire les bons choix pour son développement
l’affirmation des valeurs de la marque
et pour le bien-être de la société dans son
ensemble. La croyance dans ce qu’est la marque Peugeot
pour Noémie, centrée sur des valeurs de res-
Une perception négative du secteur automobile ponsabilité et d’honnêteté, est tellement an-
qui entache la marque, source de dissonance crée qu’elle lui permet d’évacuer son incon-
fort en affirmant que ces attaques ne peuvent
Les attaques portées contre le secteur auto-
en aucun cas concerner Peugeot (Déni de
mobile dans son ensemble concernant sa res-
responsabilité). Elle mobilise ainsi diffé-
ponsabilité dans la pollution de l’air et son
rents arguments pour conforter son attitude
impact sur la dégradation de l’environnement
vis-à-vis de Peugeot (valeurs de la marque,
plongent Noémie dans une situation d’incon-
recherches effectuées pour réduire l’impact
fort psychologique. Ces discours lui renvoient environnemental…) et réduire ainsi la disso-
une image de pollueur non responsable qui nance cognitive à laquelle elle fait face.
ne correspond pas à sa conviction que l’entre-
prise PSA met tout en œuvre pour permettre à « J’ai toujours cru que cette marque était
Peugeot d’apporter, au travers des produits et très sincère, très humaine et qu’elle était
50 – Décisions Marketing n°99 Juillet-Septembre 2020

tournée vers les autres et que quelles que certains constructeurs, elle entrevoit la ter-
soient les attaques qu’on peut lui porter, les rible déception qu’elle pourrait ressentir si
innovations elles sont pas sans risque […] cela arrivait, même si aujourd’hui elle ne peut
Toutes ces évolutions qu’on est en train de l’envisager.
faire… de basculer dans le tout électrique,
demain on va peut-être venir nous repro- Lorsque les décisions managériales
cher d’avoir pas su, machin et tout… mais sont incohérentes avec les valeurs
je me dis on les cherche ces sacrées solu- de la marque : Florence, ou la
tions pour que l’automobile ne soit pas… combattante
que un gros… destructeur de la planète. La dernière trajectoire identifiée, celle du
[…] Ce qu’on pourrait reprocher à l’in- combat, est assez singulière et surtout exem-
dustrie automobile… et je parle du groupe plifiée par Florence, bien qu’on la retrouve à
Volkswagen par exemple, moi j’aurai dit des degrés moindres chez d’autres individus.
ben jamais, je suis peut-être hyper naïve Elle est présentée dans la figure 4.
mais aujourd’hui je défends, mais comme
une dingue, le fait que chez nous pas pos- A la fin de sa carrière chez PSA, Florence
sible. S’il y a eu des erreurs, peut-être, j’en a été amenée à travailler pour la marque
sais rien mais c’est pas des… c’est pas du Citroën sur des questions d’ordre stratégique.
volontaire. » Cette évolution vers la marque aux chevrons
lui a paru presque comme une évidence
L’attachement presque inconditionnel de compte tenu de l’attachement très fort qu’elle
Noémie à Peugeot la conduit à envisager de avait, depuis toujours, pour cette marque.
poursuivre sa carrière au sein de la marque. Cette proximité émotionnelle avec Citroën
Toutefois, compte tenu des affaires récentes trouve son origine dans son histoire person-
concernant des défauts de responsabilité de nelle.

Figure 4 : La trajectoire du combat


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Marque employeur – 51

« Je me rappelle, j’ai bossé un mois en Ce changement d’organisation, auquel elle


usine pour gagner un peu de sous pour a initialement contribué, lui apparaît assez
aller passer le permis. Une copine m’a ra- rapidement comme incohérent par rapport
menée dans une 2CV et quand on est par- aux valeurs de la marque. Il lui semblait que
ties ça faisait ça, c’est presque comme un l’ensemble des discussions relatives à cette
bateau. La suspension Citroën pour moi évolution organisationnelle se concentrait sur
c’est vraiment quelque chose de magique… une vision comptable visant à rationaliser et
de poétique… ça me ramène à l’enfance. optimiser les espaces sans prendre en consi-
Ma première voiture ça a été une 2CV. J’ai dération le confort et le bien-être des colla-
fait plein de kilomètres avec… c’était la li- borateurs.
berté, c’était super. Je faisais Rouen-Paris
« Il y a eu plein de discussions sur le
décapoté à moitié. J’avais pas l’autoradio
nombre de sièges qu’on avait par rapport
mais j’avais un machin que je mettais à
aux présents […] En fait ils nous arna-
fond. C’était la liberté de vivre, d’aller où
quaient d’une dizaine de postes physique-
on veut, voilà. »
ment… et moi je me suis défendue parce
L’attachement émotionnel de Florence à la que je trouvais ça… un peu indigne. »
marque Citroën est manifeste. La liberté
Par ailleurs, cette organisation vient heurter
d’être, de penser, de créer qui constitue,
sa croyance selon laquelle la personnalisation
pour une part, l’ADN de Citroën est une évi-
et l’appropriation des espaces de travail sont
dence pour Florence. De la même manière,
un moyen important de créer du lien et de
la volonté de Citroën de rendre l’ordinaire
favoriser le bien-être des collaborateurs. Or,
extraordinaire est parfaitement traduite dans
on lui demande de mettre en œuvre une orga-
ses propos. On perçoit également une forte
nisation du travail contraire à ses standards
congruence des valeurs de la marque avec
personnels de conduite (concept de soi). Cela
les valeurs personnelles. Le bien-être et l’hu-
renforce l’apparition de la dissonance.
main au centre des valeurs de la marque sont
également particulièrement importantes pour
L’identification à la marque comme moteur de
Florence, qui témoigne : « Aujourd’hui ce qui réduction de la dissonance
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est important pour moi […] c’est l’échange
Face à cette situation inconfortable, Florence
humain, la relation humaine. »
va réagir en s’appuyant sur l’identité de la
marque, caractérisée par l’audace, une cer-
Une situation d’inconfort née d’une organisation
du travail incohérente avec les valeurs de la taine impertinence et le goût de la liberté.
marque et ses valeurs personnelles Elle va ainsi prendre le contre-pied de ce que
l’on attend d’elle et personnaliser les espaces
Au cours de son travail pour la marque
de travail. La marque apparaît pour Florence
Citroën, Florence a dû gérer la mise en place
comme une caution suffisamment puissante
d’une nouvelle organisation du travail déci-
pour justifier son opposition aux directives
dée par l’entreprise. Il s’agissait de mettre en
imposées par l’entreprise PSA. Elle lui per-
place un système de flex-office dans lequel
met, par ailleurs, par un processus d’identifi-
les salariés n’auraient plus une place attitrée cation à la marque, d’affirmer ses convictions
et où les espaces de travail seraient rendus et de réduire la dissonance ressentie.
impersonnels afin d’être interchangeables.
Un des objectifs de cette organisation était « Nous on a dit flûte et on a mis des pan-
de favoriser les échanges entre les collabora- neaux… On a personnalisé et Citroën c’est
teurs de différents services devant travailler ça, c’est un peu l’impertinence, c’est ça et
ensemble et générer ainsi une plus grande la liberté. Et on l’a exprimé sur les murs…
efficacité opérationnelle. partout […] On avait enfreint la règle. Il
52 – Décisions Marketing n°99 Juillet-Septembre 2020

fallait s’approprier les lieux et les espaces profils. Cela engendre des comportements
[…] Je mettais les étiquettes pour mettre vis-à-vis de la marque assez différents :
sur les casiers des gens pour qu’ils arrivent Fabienne fait semblant, mais n’y croit plus,
et qu’ils soient accueillis… mais on a dû Anne se désengage, sans y mettre d’affect,
le faire nous-mêmes, tout seuls, avec nos tandis que Noémie et Florence continuent à
petits doigts, et des imprimantes, on savait « vivre » la marque. Ces résultats permettent
pas où elles étaient, enfin bref… » d’envisager une meilleure compréhension des
mécanismes de l’inconfort, et des stratégies
Son action de personnalisation des espaces
mises en place par les collaborateurs pour y
de travail a trouvé un accueil favorable au-
faire face, en mettant en lumière des facteurs
près de l’ensemble des salariés. D’autres es-
qui aggravent ou diminuent ces situations
paces ont alors été décorés en utilisant des
d’inconfort.
symboles, des photos, des objets caractéris-
tiques des marques.
Vers une clarification des mécanismes
« Les gens disaient que c’était l’étage le de l’inconfort et des stratégies mises
plus chouette. J’étais fière de ne pas avoir en place
suivi cette instruction absurde et d’avoir Nos résultats montrent que la perception
généré de la satisfaction et de la fierté par certains collaborateurs d’incohérences
chez les collaborateurs. J’ai jubilé encore entre les valeurs de la marque et les pra-
plus quand la direction financière qui tiques de l’entreprise ou du secteur d’acti-
était partie sans rien, ils avaient respecté vité peuvent provoquer une situation d’éveil
la consigne, et bien ils sont venus nous
de la dissonance cognitive. Conformément
réclamer des choses et ça, ça m’a fait plai-
à ce qu’avance Aronson, l’éveil de la disso-
sir […] Cela a invalidé leur consigne et
nance est potentiellement accentué par des
en plus ils sont venus nous demander des
variables psychologiques individuelles liées
choses en nous culpabilisant… il fallait
au concept de soi. L’inconfort psychologique
qu’on leur donne des choses pour décorer
qui découle de la dissonance semble amplifié
[…] Après Peugeot a aussi fait ça et ils ont
par trois facteurs : l’attachement à la marque,
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mis un lion… énorme. Voilà, mais ils l’ont
la responsabilité de l’entreprise, et le fait que
fait après-coup. »
les pratiques incriminées soient rendues pu-
Ces réactions ont rendu particulièrement bliques.
fière Florence et lui ont permis à la fois de
En effet, l’inconfort psychologique ressenti
justifier a posteriori son action contre-orga-
semble accentué par le degré d’attachement
nisationnelle et de faire évoluer les directives
à la marque. Cet inconfort est réduit par un
initiales. La personnalisation des espaces de
renforcement de la croyance dans les valeurs
travail de chacune des marques s’est imposée
de marque. Cela se traduit ensuite par des
pour une meilleure appropriation des lieux
actions plus ou moins radicales visant à
par les employés et une plus grande proxi-
défendre la marque face aux critiques ou à
mité des collaborateurs avec la marque pour
la direction de l’entreprise. Ensuite, lorsque
laquelle ils travaillent.
des pratiques jugées incohérentes avec les
En conclusion de l’exposé de ces quatre récits, valeurs de la marque sont assumées par la di-
on peut retenir que les situations d’inconfort rection de l’entreprise, la dissonance induite
exprimées par les employés suite à des disso- est d’autant plus forte. La réduction de la dis-
nances entre ce que dit la marque et ce que sonance va passer par une dévalorisation du
vit le salarié conduisent à l’adoption de plu- discours et des valeurs de la marques, jugées
sieurs stratégies de réduction, en fonction des non crédibles, et par l’affirmation de soi pou-
Marque employeur – 53

vant aller jusqu’à un affrontement avec la que les pratiques incriminées soient rendues
hiérarchie. A l’inverse, si la responsabilité de publiques. Ensuite, les stratégies de réduction
l’entreprise n’est pas avérée, le collaborateur de l’inconfort développées par les collabora-
va alors potentiellement renforcer son attitude teurs sont mises en évidence. Les trajectoires
initiale. Enfin, lorsque les pratiques incrimi- exposées montrent que ces stratégies sont
nées sont rendues publiques, et installent une multiples et que l’individu passe par plusieurs
image négative en externe, l’inconfort est étapes pour réduire sa dissonance en mobili-
particulièrement difficile à vivre. Après une sant soit séquentiellement soit simultanément
période d’incrédulité, la stratégie adoptée plusieurs des stratégies identifiées dans la lit-
pour réduire la dissonance est d’abandonner
térature. La notion même de trajectoire a son
progressivement la croyance dans les valeurs
importance, puisqu’elle introduit la tempora-
de marque. Les mécanismes de l’inconfort et
lité dans la réduction de la dissonance.
des stratégies mises en place sont représentés
dans la figure 5, qui met en avant les facteurs Toutes les stratégies identifiées dans la litté-
pouvant accentuer ou diminuer l’inconfort. rature sont mobilisées alternativement dans
l’une ou l’autre des quatre trajectoires iden-
Contributions aux travaux sur tifiées, à l’exception de la rationalisation en
l’internal branding, limites et actes et de l’explication causale. Il n’est pas
voies de recherche étonnant que la rationalisation en actes, qui
consiste à réitérer le comportement pro-
Cette recherche étend le champ d’application
blématique, ne soit pas mobilisée dans la
des théories de la dissonance cognitive aux
mesure où l’inconsistance est liée à des pra-
relations entre marques et collaborateurs.
tiques qui s’imposent à l’individu – qui du
Elle fait apparaître une nouvelle route pour
coup ne se sent pas à l’initiative des cogni-
comprendre l’éveil de la dissonance cognitive
chez le salarié, qui passe par la marque et tions qui posent problème. Il est plus éton-
plus précisément par le degré de cohérence nant en revanche pour l’explication causale,
entre les pratiques de l’entreprise et les va- que l’on s’attendrait à voir mobilisée. Cela
leurs de la marque comme montré dans la peut être dû aux limites inhérentes au terrain,
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figure 5. Ce travail met également en lumière ou bien à la nature même des marques, qui
trois facteurs qui amplifient ou réduisent suscite des réactions plutôt émotionnelles et
l’inconfort ressenti : la responsabilité de l’en- rend difficile le recours à une rationalisation
treprise, l’attachement à la marque, et le fait a posteriori.

Figure 5 : Le mécanisme de l’inconfort et des stratégies mises en place


54 – Décisions Marketing n°99 Juillet-Septembre 2020

Ce travail apporte également des éléments de spécifique de la marque dans l’identification


compréhension au champ de l’internal bran- du salarié reste à montrer, mais il semble à
ding, répondant ainsi à un appel à recherche l’issue de ce travail que l’on peut envisager
sur une compréhension plus fine des variables des dynamiques d’identification et de déta-
individuelles et collectives qui modèrent la re- chement successivement à la marque, au mé-
lation entre les collaborateurs et les marques tier ou à l’entreprise avec des phénomènes de
(Piehler et al., 2018). En effet, jusqu’ici, les vases communicants.
travaux portant sur l’internal branding ont
reposé essentiellement sur des approches En outre, la prise en compte des stratégies
hypothético-déductives cherchant à établir individuelles appelle à un management de
des relations entre des actions managériales la marque plus horizontal, moins descen-
et des comportements ou attitudes favorables dant, et qui favorise la co-construction. Cela
à la marque, dans des modèles prenant peu rejoint les discussions sur la co-création des
en compte la situation ou les caractéristiques marques par les parties-prenantes, qui s’inté-
des individus. Notre recherche montre que ressent au rôle des communautés de consom-
la relation des collaborateurs à la marque est mateurs dans le développement des marques
une relation micro-située, inscrite dans une (Kornum et al., 2017 ; Pace et al., 2015 ;
dynamique longue, et liée à l’expérience de Quester et Fleck, 2010) et montrent l’illusion
travail. En particulier, elle met en exergue du contrôle de la marque par les managers
l’importance du concept de soi et de l’affir- (Wider et al., 2018). A la lumière de nos ré-
mation de soi dans l’éveil et la réduction de la sultats, ces propositions peuvent être transpo-
dissonance. Loin de l’idée d’un collaborateur sées au management de la marque en interne,
« passif » simple courroie de transmission, qui devrait favoriser la co-construction pour
les collaborateurs s’empareraient donc de la permettre une plus grande variété d’appro-
marque de façon circonstanciée, en fonction priation. Ceci remet également en cause la
de comment celle-ci peut nourrir, compléter gouvernance centralisée de la marque au
ou conforter leur identité. Ceci est montré profit d’une gestion plus collégiale, et rejoint
dans un contexte particulier, mais appelle à ainsi le questionnement de Hatch et Schultz
des recherches ultérieures dans des contextes (2010) sur la transparence et la participation
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plus ordinaires pour mieux montrer comment à propos des décisions prises sur les marques
la marque est mobilisée par certains collabo- en interne.
rateurs dans leur construction identitaire. Il
Enfin, l’utilisation de la méthode des récits
est d’autant plus important de comprendre
de vie professionnelle a permis de révéler
ce phénomène que dans les organisations,
l’importance de certaines caractéristiques
les structures formelles tendent à perdre de
individuelles qui peuvent être liées à l’expé-
l’influence au profit de systèmes normatifs
rience ou à des variables psychologiques. Les
plus « cachés », dont la marque fait partie
expériences vécues avec la marque antérieu-
(Mumby, 2016 ; Müller, 2017, 2018).
rement à l’entrée dans l’entreprise semblent
Ce travail peut également permettre de jouer un rôle, ainsi que la cohérence entre les
mieux cerner les variations dans les compor- valeurs prônées par la marque et le système
tements vis-à-vis de la marque. En effet, à de valeurs propre de l’individu, ce qui rejoint
l’issue des stratégies employées de réduction un certain nombre de travaux (Burmann et
de l’inconfort, les états varient d’un collabo- Zeplin, 2005 ; Charbonnier-Voirin et al.,
rateur à l’autre : certains mettent la marque 2017 ; Piehler et al., 2016). Subsiste alors une
à distance, d’autres s’engagent, d’autres en- question : l’attitude a priori favorable envers
fin désinvestissent la marque pour réinves- la marque, et la congruence perçue des va-
tir d’autres facteurs d’identification. Le rôle leurs jouent-elles un rôle pour certaines per-
Marque employeur – 55

sonnes dans la décision de postuler dans une dans les prises de décision l’évaluation des
entreprise ? Ou bien la relation à la marque conséquences sur les employés. Il serait utile
est-elle essentiellement forgée dans le vécu à cet égard que les responsables de marque et
professionnel ? Ceci a son importance, les dirigeants se penchent sur une traduction
puisque dans le premier cas, l’incidence de l’identité de la marque pour les collabora-
se situe au niveau du recrutement, et dans teurs. Un travail conscient permettrait de pro-
l’autre, il s’agirait plutôt d’internal bran- poser des actions de la marque directement
ding. Certaines entreprises, telles Disney ou tournées vers le salarié, ou à défaut d’éviter
Decathlon, font le choix d’inclure dans leurs de prendre des décisions qui pourraient être
procédures de recrutement une évaluation reçues comme étant contraires aux valeurs
de la « compatibilité » du postulant avec la de marque prônées par ailleurs. De façon très
marque. Nos résultats confortent plutôt l’inté- concrète, cela peut concerner l’aménagement
rêt de telles pratiques. Une autre caractéris- de l’espace de travail ou des actions de parti-
tique individuelle semble jouer un rôle essen- cipation des salariés à des causes cohérentes
tiel ; il s’agit de la place accordée aux valeurs avec la marque. Un autre élément important
dans la construction identitaire d’un individu, concerne le management, en particulier dans
que l’on pourrait résumer en approche idéa- des cas de potentielles inconsistances entre
liste (les valeurs et les principes priment sur ce qui est dit à l’extérieur par la marque et
toute considération pratique) versus approche ce que ressent le salarié. Les managers, s’ils
pragmatique (Kivetz et Tyler, 2007). Les sont eux-mêmes dûment sensibilisés, pour-
idéalistes sont davantage enclins à adopter raient repérer ces situations d’inconfort, et
les valeurs de la marque et à les incorporer à proposer des éléments permettant de réduire
leur identité au travail – mais ils sont aussi les cet inconfort.
plus émotionnellement touchés par les incon-
sistances, puisque cela constitue une atteinte Pour les responsables de marque, il paraît
au Soi. Les réactions émotionnelles sont alors judicieux d’abandonner les systèmes formels
fortes (humiliation, sentiment de trahison) et de contrôle de l’expression des marques tels
vont conduire à une déstabilisation, voire à un les scripts ou les standards de communica-
rejet de la marque ou à des formes de rébel- tion au profit de dispositifs favorisant l’appro-
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lion. Les personnes plutôt pragmatiques vont priation, la co-création et la participation au
mieux vivre ces accrocs, et avoir tendance sein de communautés internes. De plus, les
à banaliser la marque en ne lui concédant collaborateurs étant touchés par les commu-
finalement que peu d’importance. Elles vont nications externes de la marque, il convient
modifier leur comportement en conséquence, de les considérer comme une « seconde au-
et s’engager dans d’autres activités – pour le dience », ce qui rejoint les propos de Piehler
dire simplement, elles passent à autre chose, et ses collègues (Piehler et al., 2019). Ceci
sans heurts et sans affect particulier. implique de tester la compréhension et l’agré-
ment des campagnes de communication éga-
Tous ces éléments peuvent être intégrés avec lement auprès des collaborateurs, exactement
profit par les directions d’entreprise dans le comme on le fait auprès des clients.
but de développer une marque forte en interne,
que ce soit au niveau de la direction générale, Au niveau des RH et de la communication
des responsables de marque, ou des respon- interne, la communication descendante et
sables des ressources humaines chargés de qui s’adresse à tous apparaît peu opérante.
la communication interne. Pour la direction Des recherches ont montré que ce n’est pas
générale, comprendre que la marque est un la quantité ou la qualité de la communication
sujet de management qui touche les employés interne qui a une influence sur le comporte-
et les modes d’organisation permet d’intégrer ment favorable vis-à-vis de la marque, mais
56 – Décisions Marketing n°99 Juillet-Septembre 2020

bien l’usage qui en est fait par les collabo- d’activité, la taille, le mode de management)
rateurs (Burmann et Zeplin, 2005 ; Piehler et à la marque (le capital-marque, l’ancien-
et al., 2016). Il s’agirait moins de « com- neté, le fait d’être une marque corporate ou
muniquer » que de mettre à disposition des une marque commerciale). La figure 5 peut
ressources, d’avoir un rôle de facilitateur, et servir de base pour envisager la construc-
de compter ensuite sur le bouche-à-oreille tion d’hypothèses dans le cadre d’un modèle
interne, ce qui permettrait de prendre en explicatif.
compte la pluralité des collaborateurs et les
différents profils évoqués. Une autre voie de recherche consiste à étu-
dier l’effet du temps, puisque les stratégies
Les pistes évoquées ici supposent un chan- de résolution de l’inconfort, et plus largement
gement en profondeur des modes de mana- les dynamiques de construction identitaire
gement. Il s’agirait de créer les conditions incorporant la marque se construisent en pas-
d’un travail moins prescrit. Le rôle du mana- sant par différentes étapes. Le facteur d’an-
gement serait alors moins de normaliser et cienneté déjà mentionné plus haut prend ici
de contrôler que de créer les conditions de tout son sens. Ceci pourrait être approché au
l’échange. moyen d’une étude de cas unique effectuée
de façon longitudinale sur des individus dont
Ce travail présente un certain nombre de on suivrait l’évolution sur plusieurs années.
limites qu’il convient d’exposer, et qui sont
autant de pistes pour des recherches futures. Enfin, l’étude du support social dans la réso-
Tout d’abord, si la méthode des récits de vie lution des situations dissonantes pourrait
permet une grande richesse intra-sujet, elle constituer une troisième voie de recherche.
se prête mal à une généralisation. En effet, En effet, le contexte social joue un rôle sur
les caractéristiques des entreprises choisies l’émergence d’une situation d’inconfort, à
ne permettent une généralisation analytique deux niveaux et de manière différente. Les
qu’à d’autres entreprises présentant des ca- marques pour lesquelles nos informants tra-
ractéristiques similaires, à savoir de grandes vaillent sont très visibles à l’extérieur, et les
entreprises nationales, dotées de marques collaborateurs se sentent directement affec-
fortes et ayant un grand nombre de salariés. tés par les discours et les réactions de parties-
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La situation dans une entreprise familiale ou prenantes externes telles que les médias et les
dans une start-up serait potentiellement assez clients, ce qui augmente le niveau d’incon-
différente, du fait par exemple de l’incar- fort. A un autre niveau, celui du collectif de
nation de la marque par des fondateurs. Il travail, la stratégie adoptée est plutôt celle du
convient donc d’interpréter ces résultats en maintien d’une attitude a priori favorable en
les replaçant dans leur contexte, et de recon- recherchant des soutiens parmi les proches
naître leur nature exploratoire. collègues. Cette posture « de combat » ten-
drait plutôt à diminuer l’inconfort ressenti.
Ensuite, si les résultats ont mis en lumière L’objectif d’une telle recherche serait de
un certain nombre de facteurs, il en existe mieux comprendre les effets de l’environne-
probablement d’autres, et nous ne disposons ment social, de la contagion, de la réaction
pas là de toutes les variables individuelles des pairs et du bouche-à-oreille en interne,
et contextuelles permettant d’expliquer les qui sont des phénomènes mal connus et pro-
quatre trajectoires, leur poids respectif et bablement sous-estimés.
leurs antécédents. Cela ouvre la voie à de
futures recherches qui pourraient mesu- En conclusion, cette recherche, en mettant
rer les effets de variables liées à l’individu en évidence des situations d’inconfort suite à
(l’ancienneté, la place des valeurs, le genre, des dissonances cognitives entre ce que dit la
la fonction occupée), à l’entreprise (le secteur marque et ce qui est vécu dans l’entreprise,
Marque employeur – 57

montre que la relation à la marque des col- employer brand, Canadian Journal of Admi-
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Marque employeur – 59

Annexe 1 : Tableau des informants

Ancienneté dans Ancienneté dans Evènement


Prénom Entreprise / Marque Crise externe
l’entreprise la marque interne

Anne PSA / Citroën 15 ans 6 ans Oui

Florence PSA / Citroën 33 ans 7 ans Oui

Noémie PSA / Peugeot 19 ans 19 ans Oui

Violaine PSA / Peugeot 30 ans 3 ans Oui

Daniel PSA / Citroën 16 ans 2 ans Oui

Antoine PSA / Peugeot 13 ans 8 ans Oui

Françoise PSA / Citroën 20 ans 20 ans Oui

Doris PSA / Citroën 21 ans 4 ans Oui

Severine PSA 8 ans - Oui

Martin PSA / Peugeot 10 ans 10 ans Oui

Céline Société Générale 18 ans n.a. Oui

Fabienne Société Générale 28 ans n.a. Oui

Eliette Société Générale 19 ans n.a. Oui

Marc Société Générale 14 ans n.a. Oui

Philippe Société Générale 9 ans n.a. Oui

Othmane Société Générale 18 ans n.a. Oui

Virginie Société Générale 23 ans n.a. Oui

Fabien Société Générale 28 ans n.a. Oui


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Lucie Société Générale 12 ans n.a. Oui

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