AKDAG Dive into cultures : livrable de stage

Azad

1/ A première vue, la hiérarchie est presque invisible au sein du département Investment Service de
la partie administrative de la banque Pictet au Luxembourg dans laquelle j’ai réalisé mon stage. Les
« head of », les managers, les employés et stagiaires se trouvent dans un open-space sans
ségrégation spatiale (voir annexe 1). Seul, Amaury, responsable de l’ensemble des équipes du
Luxembourg, a un bureau séparé du reste de l’équipe.
Pictet est une banque d’affaires et d’investissement suisse reservée à une clientèle très aisée. Le
vouvoiement est habituellement la règle, notamment à Genève. Or, au sein de la partie
administrative du Luxembourg s’est imposé le tutoiement. Par exemple, lorsque j’ai vouvoyé la « head
of », celle-ci me l’a reproché et m’a clairement dit qu’ici, contrairement à Genève, on tutoie (voir
annexe). Ici encore, Amaury se distingue du reste du groupe, et le vouvoiement s’impose avec ce
dernier.
Ainsi, ces deux artefacts visibles, l’un physique, l’autre comportemental révèle la présence d’un éco-
système propre au siège luxembourgeois dans lequel on privilégie la proximité, la cordialité, et la
bienveillance à la discipline, à la différenciation et autres (Cf arbre de Shein).

Si ces deux exemples restent anecdotiques, d’autres aspects de l’organisation sociale du travail révèle
une hiérarchie en retrait, qui donne lieu à une proximité plus forte entre les employés de différents
niveaux hiérarchiques. Au niveau des horaires de travail, les employés ne sont pas obligés de pointer,
et peuvent noter les heures réalisées à la main. Si le manager peut toujours surveiller, au sein de mon
équipe, ce sujet est presque un tabou. Par ailleurs, les employés s’organisent tous seuls pour les
tâches à réaliser. Le rôle du manager se limite à un rôle de supervision et l’attribution de missions
spécifiques de temps à autres. Cette auto-organisation des employés laisse place à une plus grande
prise d’initiative de la part de ces derniers.

Cette place réduite de la hiérarchie peut s’expliquer par différentes raisons sous-jacentes. D’une part,
par des raisons pragmatiques. Les tâches réalisées ne nécessitent pas une hiérarchie forte et
omniprésente. D’autre part, dans les banques au Luxembourg, le turnover est très élevé lié
notamment à la présence d’une industrie adminsitrative avec des tâches répétitives et au fait que le
Luxembourg est vu comme un lieu de passage pour aller ensuite dans d’autres places financières. Dès
lors, dans ce contexte, la présence d’un management plus souple et de proximité permet d’établir
une ambiance plus cordiale et un cadre agréable. Ce comfort est un argument qui pèse pour ceux qui
restent.

Toutefois, il ne faudrait pas tomber dans un écueil. La hiérarchie est bien présente au sein du groupe
Pictet tout comme dans l’éco-système Luxembourgeois des banques. Dans le cadre d’une conception
fordiste du travail, Il existe une vraie hiérarchie au niveau du champ d’exercice de chacun. Il existe une
distinction entre cette hiérarchie invisibilisée au sein de l’équipe, et la hiérarchie imposée par d’autres
départements du groupe pour des raisons discutables et discutées. Par exemple, le processus des call
backs consiste à appeler un fond et à vérifier ses coordonnées bancaires. Auparavant, les stagiaires
pouvaient les réaliser. Le département risque a décider de les en priver alors qu’aucune dérive ne
justifiait la décision. On peut parler d’une hiérarchie imposée par l’extérieur.
2/ Au sein de l’entreprise, ce retrait de la hiérarchie peut être expliqué par la présence de travailleurs
en provenance de différentes régions du monde. Il y a au sein de mon étage, des luxembourgeois, des
belges, un suisses, une bulgare, une hongroise, un anglais et encore d’autres nationalités. Cette
diversité rend difficile la mise en place d’une conception unique et nationale de la hiérarchie au
travail. La particularité du Luxembourg réside justement dans la forte présence d’une population
étrangère, 47,2% de la population totale en 2023 (soit 304 000)1 sans compter un plus de 200 000
travailleurs frontaliers quotidiens2. Ainsi, cette diversité de population a donné lieu à une culture
d’entreprise ouverte aux différences et donc la moins imposante possible.

Cette diversité est promue par le Luxembourg lui-même, qui est un des pays fondateurs de la CECA
plus tard devenue l’Union européenne. De nombreuses institutions telles que la Cour de justice de
l’Union européenne, la Banque Européenne d’Investissement, et des bureaux annexes de la
Commission et du Parlement européen se trouvent au Luxembourg. Ainsi, l’acceptation de la diversité
et de l’autre ne sont-ils pas le résultat d’une culture qui promeut cette diversité ?

Si la banque s’aligne parfois avec le cycle de la culture luxembourgeoise en organisant par exemple un
repas de famille pour la Saint Nicolas, la banque Pictet reste tout de même fortement attachée à sa
culture nationale d’origine. Ainsi, les évènements organisés se calquent souvent sur les fêtes
nationales suisses. Par exemple, lors du Jeûne Genevois, nous avons eu droit à des tartes aux
pruneaux (voir annexe 2). Ainsi, malgré qu’elle soit implantée au Luxembourg, l’entreprise continue à
préserver et même promouvoir son identé suisse, qui nourrit l’imaginaire des clients mais aussi des
employés eux-mêmes sur le prestige de la banque.

Pendant longtemps, la banque Pictet, fortement attaché au centre Genevois, a continué à avoir des
pratiques en décalage avec les pratiques locales. Par exemple, jusqu’en 2021, la cravate était
obligatoire pour l’ensemble des employés, alors que dans le reste des banques et entreprises, cela ne
l’était pas. Par ailleurs, encore aujourd’hui le code vestimentaire est plus strict que dans l’ensemble
des autres banques. Le « casual Friday » largement répandu au Luxembourg, n’est pas présent au sein
des bureaux Pictet. Si les employés viennent des alentours du Luxembourg, les cadres supérieurs,
font régulièrement des aller-retours vers Genève dont ils sont parfois originaires. Cela permet au
centre Genevois de garder la main sur les pratiques de la banque au Luxembourg.

3/ Ayant fait les grandes écoles, je pense avoir inconsciemment acquis une conception méritocratique
de la société dans laquelle le diplôme est le symbole de ce mérite. Or, je me suis très vite rendu
compte que cela n’était pas le cas au Luxembourg, où les gens venus de Londres, de Bruxelles, de
Budapest valorisent plus l’expérience et l’humain. J’ai parfois honteusement était agacé de voir
qu’une personne ayant fait un parcours moins valorisé en France (ceux venant de l’IAE de Metz par
exemple) puisse venir au même point d’arrivé. Cela venait sûrement d’une promesse secrète faite aux
élèves choisissant la « voie royale », celle d’un sacrifice, dont la classe préparatoire en est le symbole,
pour atteindre les hauts rangs de la société. Mais je crois avoir pu un tant soit peu m’affranchir de
cette vision des choses grâce à la rencontre de gens aux parcours variés.
ANNEXE :

Annexe 1. On peut voir que les bureaux sont organisés par groupe de 4 personnes, souvent par
équipe, mais surtout où la hiérarchie n’est pas distinguée par quelque signe que ce soit.
Annexe 2. Tartes aux pruneaux servies par la banque dans le cadre du Jeune Genevois +
retranscription mail

Bonjour à tous et à toutes,

Comme la tradition le veut, à

l’occasion du « Jeûne Genevois »
qui a lieu le jeudi qui suit le
premier dimanche de septembre et
qui voudrait que ce jour-là, on ne
limite sa nourriture à la seule tarte
aux pruneaux, associé à une idée
de pénitence et de prière, nous
vous proposons de déguster nos
tartelettes faites par le patissier
Oberweis le Jeudi 07 septembre.
Nous vous proposons cette tarte
légèrement revisitée à la pâte
levée aux couleurs d’un fruit
régional et de saison la
« quetche ».

Remarque : les ressources humaines de la banque ont refusé l’envoi d’éléments propres à
Pictet à l’extérieur de Pictet. Ainsi je n’ai pas pu récupérer des informations clées aidant à
saisir la culture organisationnelle de l’entreprise. C’est pourquoi, j’ai abandonné certaines
preuves ou bien faire une retranscription de mail par exemple.