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LA COMMÉMORATION :

MÉMOIRE DE LA MÉMOIRE ?

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BBF octobre 2014
Marie-Claire Lavabre

« Mémoires de la mémoire » ? Cette formule se donne pour


une définition de la commémoration. Elle constitue le titre
d’une note critique parue en 1985 1 et intro-
L’intérêt des sciences sociales
pour la commémoration duit le commentaire d’un des premiers
renvoie à un intérêt plus
général pour la question ouvrages explicitement dédié au fait com-
dite de la « mémoire ».
Dès lors, les approches de mémoratif, « Batailles pour la mémoire »
la mémoire en sciences
sociales, inscrites dans des par Gérard Namer 2. Expressive, elle peut
traditions disciplinaires
différentes et adossées à cependant sembler énigmatique, d’autant
des auteurs de référence
diversement privilégiés, qu’elle ajoute un pluriel à une formule in­
commandent assez
largement les interprétations cidente de Gérard Namer qui ne faisait
du fait commémoratif. Mais
si la commémoration est qu’indiquer ainsi le rythme répétitif et par
objet des sciences sociales,
elle est également un fait là même le caractère qu’on pourrait dire
social dont la transformation,
quantitative et qualitative, sédimenté de la « mémoire » qui s’exprime
accompagne le « phénomène
mémoriel ». dans la commémoration 3.

1 Voir Louis Moreau de 2 Voir Gérard Namer, 3 Gérard Namer, op. cit.,
Bellaing, « Mémoires Batailles pour la mémoire. p. 155.
de la mémoire : la La commémoration
commémoration », en France 1945-1982,
L’homme et la société, Papyrus, 1983.
N 75-76, 1985, Synthèse
en Sciences humaines,
p. 237-244.

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lle mérite d’être explicitée et n’est sans remarques encore, de nature différente, à pro-
doute compréhensible que dans la dis- pos de ce texte, daté de 1985. La première nous
tinction devenue nécessaire entre donne une indication sur le contexte du début
« mémoire » et « souvenir », dès lors des années quatre-vingt : Louis Moreau de Bel-
que le vocabulaire contemporain nous a accou- laing déplore « avec amertume » l’oubli dans
tumés à penser la mémoire « collective » ou lequel est tombé Maurice Halbwachs et le peu
« sociale » à l’aune privilégiée de ses expres- d’intérêt que suscite le thème de la mémoire
sions institutionnelles, à l’échelle nationale, plu- collective chez les sociologues. La seconde re-
tôt qu’à celle des souvenirs portés par l’expé- vient à souligner que, portée par une lecture
rience vécue. De fait, l’auteur engage son
commentaire par une double référence, à
Proust et à Halbwachs, pour souligner que ce
dernier confirme en sociologue les intuitions du
romancier et les dépasse cependant avec l’affir-
mation selon laquelle le « souvenir le plus per-
La commémoration
sonnel » ne peut se concevoir « sans la média-
tion de la société 4 ». Pertinente dans le contexte
comme volonté
des années quatre-vingt et dans le cadre des
« batailles pour la mémoire » décrites par Gé-
politique organise-
rard Namer, elle peut signifier que les commé-
morations – communistes et gaullistes de la
t-elle la mémoire
Seconde Guerre mondiale – constituent des
mises en forme stratégiques et politiques du
« collective » ou en
passé récent et donc vécu, et partant une vo-
lonté de contrôle des souvenirs ou de leur ex-
constitue-t-elle une
pression. Mais elle anticipe aussi, à certains
égards, le contexte le plus contemporain, où la
manifestation, parmi
mémoire entendue comme l’ensemble des
formes de la présence du passé dans la société
d’autres ?
devient une préoccupation en soi, objet d’une
forme de patrimonialisation, largement décon-
nectée des souvenirs et des représentations
ordinaires de ce même passé. Dès lors, on peut attentive de l’œuvre de Maurice Halbwachs,
4 Louis Moreau de se donner pour objet les équivalents que sont la l’analyse ne distingue pas vraiment, à l’instar de
Bellaing, article cité, mémoire de la mémoire, la commémoration de celui-ci, entre mémoire et souvenir. Il n’y a là
p. 237. la commémoration, l’histoire de l’histoire : une nulle confusion, dès lors que mémoire et sou-
histoire donc « mais au second degré », selon la venir sont encore quasiment synonymes dans
5 Pierre Nora, « Comment formule de Pierre Nora 5 ou encore une histoire le vocabulaire ordinaire, d’une part, que Mau-
écrire l’histoire de
France ? », Les lieux
de la mémoire notamment fondée sur l’étude rice Halbwachs se refuse – et c’est un point
de mémoire, Vol. 3-1, des commémorations entendues comme autrement important – à toute opposition entre
Les France : conflits et « “fait établi”, le seul qui le soit, au fond, en his- la mémoire individuelle et la mémoire collec-
partages, Gallimard, 1992, toire, avec une complète certitude » selon l’ex- tive, d’autre part. Gérard Namer ne s’y trompe
p. 25.
pression de Pascal Ory dans son analyse des d’ailleurs pas, qui définit d’emblée la commé-
trois jubilés révolutionnaires 6 . moration comme une « volonté politique de
6 Pascal Ory, Une nation
pour mémoire. 1889, Pour en rester à la mémoire de la mémoire, mémoire », destinée à remplacer après la Se-
1939, 1989 : trois jubilés cette formule, pourtant suggestive, n’a parado- conde Guerre mondiale « les effets des manuels
révolutionnaires, Presses xalement guère été reprise dans la littérature scolaires de la IIIe République », soit cette « unité
de la Fondation nationale qui s’est largement développée, dans les an- d’esprit 7 » qui légitimait la République, et par-
des sciences politiques,
1992, p. 10. nées qui ont suivi, sur ce qu’il est convenu au- tant, souligne que la commémoration, en enga-
jourd’hui d’appeler le phénomène mémoriel, tel geant la question des rapports entre mémoire
7 Gérard Namer, op. cit., qu’il s’exprime notamment et visiblement dans et propagande politique, n’avait pas retenu l’in-
p. 5 et 7. la multiplication des commémorations. Deux térêt de Halbwachs. De fait, à l’exception de son

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ouvrage sur La topographie légendaire des évan- lité du présent, de préoccupation du moment ?
8 Idem, p. 155.
giles en terre sainte, Halbwachs ne s’est guère Pour autant, comment expliquer le succès ou
préoccupé des expressions institutionnelles de l’échec d’une commémoration, son obsoles-
9 Idem, p. 7.
la mémoire collective. C’est pourquoi Gérard cence ou sa pérennité ? La commémoration
Namer prête également attention, certes de comme volonté politique organise-t-elle la mé- 10 Idem, p. 156.
manière toute formelle, à la trace de l’expé- moire « collective » ou en constitue-t-elle une
rience vécue et à « la mémoire des formes de manifestation, parmi d’autres ? À défaut d’en- 11 Idem, p. 162.
sociabilité » liées aux commémorations pas- quêtes empiriques, la réponse à cette seconde
sées 8 . Plus encore, il situe l’origine même de la question reste ambiguë. Elle commande pour- 12 Définition du Dictionnaire
commémoration, comme « façon d’imposer une tant la réponse à la première. historique de la langue
mémoire collective » sous la IVe République, À laisser de côté pour un instant la confusion française.
dans ce « fond d’irréalité (de l’année 45) où la déjà sensible du vocabulaire contemporain de
mémoire individuelle contredit sans cesse la mé- la mémoire et revenir à ce par quoi toute ré- 13 Définition du Littré.
moire officielle 9 » : à cet égard, commémorer, flexion sur une notion peut commencer, au
Voir notamment Patrick
c’est aussi oublier 10 . L’oubli est un lieu commun sens commun et à l’héritage de la langue, la 14

Garcia, « Exercices de
quasi machinal de la littérature sur la commé- commémoration « demeure essentiellement un mémoire ? Les pratiques
moration, trop évident pour être discuté. Com- terme de religion » qui désigne une cérémonie commémoratives dans la
mémorer la Résistance, c’est ici effacer les sou- en souvenir d’un saint ou d’un évènement, France contemporaine »,
in Cahiers français,
venirs de l’occupation, rencontrer « le désir « avant de se diffuser avec commémorer, pen- juillet-août 2001, dossier
collectif d’en finir avec la guerre 11 ». Reste que dant la révolution 12 » : commémorer devient « La mémoire entre
commémorer est encore, par définition, un rappeler au souvenir 13. Il est de fait très habituel histoire et politique »,
choix du passé. Pour prendre un exemple ré- de souligner que c’est la Révolution française La Documentation
française, p. 33-36.
cent, la commémoration des attentats du qui institue, en France, la commémoration au Voir également : Pierre
11 septembre 2001 semble avoir relégué au se- sens moderne du terme, d’emblée appelée à Nora, « L’ère de la
cond plan, y compris en 2013, celle du coup nourrir la « religion civile », à participer à l’édu- commémoration »,
d’état au Chili le 11 septembre 1973. Une com- cation du citoyen, à consolider la communauté Les lieux de mémoire,
Vol. 3-3, Les France :
mémoration en recouvre une autre : affaire de politique 14 . D’où les connotations toujours atta- de l’archive à l’emblème,
chronologie, de lieux ou d’espace politique, de chées à la commémoration : le sacré et le solen- Gallimard, 1992,
milieux de mémoire, de génération, de sensibi- nel, le civique et le politique, le souvenir des p. 978-1012.

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morts, des figures et des évènements fonda- le passé dont on rappelle le souvenir – laquelle
teurs, l’émotion et le rassemblement de la com- nourrit par ailleurs la déploration de la « bouli-
munauté concernée, le rituel et le festif. Nul mie », de « l’obsession commémorative », ou en-
besoin ici de multiplier les citations : la littéra- core de « l’empire de la mémoire commémora-
ture sur la commémoration use largement de tive ». Quoi qu’il en soit, le constat n’est guère
l’ensemble de ces registres, pour les lier, les dis- contestable : les commémorations se sont bel
tinguer, les opposer. et bien multipliées, les formes et les objets en
Les commémorations sont cependant le plus sont aujourd’hui diversifiés, culturels, patrimo-
souvent pensées à l’aune quasi exclusive de niaux, locaux – notamment –, plutôt que poli-
l’usage politique du passé, voire de l’instrumen- tiques, civiques et nationaux. La communauté
talisation du passé par le haut (l’État) ou par le concernée ou supposée telle ne relève plus ex-
bas (les groupes sociaux en mal de reconnais- clusivement de l’échelle de la Nation, elle peut
sance), et, à ce titre, sont l’objet de mises en être plus étroite autant que plus large. Plus en-
question récurrentes. Les pouvoirs publics in- core, la « commémoration » entendue comme
terrogent aujourd’hui le désintérêt dont les instrument de l’action publique 16 ou, à l’op-
journées de commémoration nationale sont posé, dimension de l’action protestataire et de
l’objet, se penchent sur leur nécessaire moder- la mobilisation de collectifs spécifiques 17,
15 Voir la Commission
de réflexion sur la nisation, sur la forme et sur le fond 15, accom- comme expression, symptôme, exercice ou pra-
modernisation des pagnent et se préoccupent dans le même mou- tique de la « mémoire », est devenue un objet
commémorations vement de leur multiplication. Des experts, privilégié des sciences sociales. « Le culte des
publiques dite notamment (mais non exclusivement) histo- anniversaires dans la culture contemporaine 18 »
« commission Kaspi »
(2007-2008). riens, en déplorent également l’inflation et l’in- est encore analysé – et simultanément – au
terprètent, symptôme supposé d’une « frag- prisme de la relation qu’il entretient avec le
16 Voir les travaux de mentation de la mémoire nationale » et de la sacré ou, à l’inverse, la sécularisation des socié-
Sarah Gensburger, et montée en légitimité de « revendications mémo- tés, avec les identités nationales et leurs
plus particulièrement rielles » particularistes, voire communauta- constructions singulières qui privilégient ici ou
« Comprendre
la multiplication
ristes . Ces critiques renvoient bien évidemment là la commémoration de l’évènement fonda-
des journées de à une certaine conception de la mémoire, déjà teur, des héros, des grandes figures politiques
commémoration esquissée, qui met l’accent sur les mémoires ou culturelles. Il renvoie encore à la marchandi-
nationale. Étude d’un historiques, officielles, ou encore sur les poli- sation du passé et aux bénéfices qui en ré-
instrument d’action
publique de nature
tiques de la mémoire, et fait peu de cas de sultent, notamment dans les domaines de la
symbolique », in l’éventuelle expérience vécue et des souvenirs culture et du tourisme. Par ailleurs, la passion
Charlotte Halpern, de celle-ci, individuels ou partagés, d’une part, du passé et de la mémoire ne serait que la ma-
Pierre Lascoumes et de la multiplicité des acteurs aujourd’hui enga- nifestation la plus aiguë de l’entrée en crise des
Patrick Le Galès (dir.),
L’instrumentation de
gés dans la promotion du passé, d’autre part. formes traditionnelles de la transmission, par la
l’action publique, Presses Pour autant, comme le signale Pierre Nora dans famille et par l’école, et partant, le symptôme
de Sciences Po, 2014, un des textes conclusifs des Lieux de mémoire, d’une crise des identités ou encore l’expression
p. 345-365. cette entreprise intellectuelle et éditoriale « qui d’une contestation de la légitimité des savoirs
a mis la commémoration au centre de ses inté- constitués.
17 Voir Stéphane Latté, rêts » et se voulait contre-commémorative, cri- À ce point, on l’aura compris, les commémo-
« Commémoration »,
in Olivier Fillieule, Lilian tique, s’est développée en un temps de « méta- rations et les études sur la commémoration
Mathieu et Cécile Péchu morphose de la commémoration », encadrée par accompagnent la promotion de la « mémoire »
(dir), Dictionnaire des deux registres commémoratifs de nature diffé- comme facteur d’identité, de groupes ou de
mouvements sociaux, rente, l’un renvoyant au modèle canonique, his- communautés d’expérience, à des échelles
Presses de Sciences Po,
2009, p. 116-123. toriquement fondé, avec le bicentenaire de la diverses, locale, régionale, nationale ou trans-
Révolution, l’autre, plus caractéristique de l’ère nationale. Elles constituent tout ou partie des
18 William M. Johnston, de la commémoration, relevant, avec mai 68, de recherches qui se donnent la mémoire pour
Post modernisme et la génération et de la « tendance autoréféren- objet. Aussi empiriques, voire descriptives, que
bimillénaire. Le culte tielle de toute commémoration vraie ». La for- puissent être les études sur les commémora-
des anniversaires dans la
culture contemporaine,
mule « commémoration vraie » peut étonner, en tions – en tant qu’elles relèvent souvent, par
PUF/Perspectives ce qu’elle souligne positivement la dite ­tendance définition, de l’étude de cas – elles s’insèrent
critiques, 1992. « autoréférentielle » – le fait d’être concerné par dans des conceptions ou théories de la mé-

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Poilu de Belfort.
Monument en souvenir
des soldats de la guerre de
1914-1918. Sculpture de
Léon de Leyritz vers 1927.

moire, entendue comme sociale ou collective, voire ordinaires, s’il convient de désigner ainsi
qui en informent largement l’angle d’attaque et tous ceux qui accordent une valeur à leur his-
les interprétations. toire ou à celle de leur famille, s’intéressent au 19 Voir Marie-Claire Lavabre,
Paradoxalement, la notion de « mémoire collec- passé de leur quartier, de leur village, de leur « Usages du passé,
usages de la mémoire »,
tive », issue des réflexions pionnières de Mau- ville ou de leur région, à la conservation et à la Revue française de science
rice Halbwachs, si souvent associée à l’étude transmission de celui-ci. politique, Lectures
des commémorations, après avoir suscité un vif L’inventaire des définitions, explicites ou impli- critiques, no 3, 1994.
engouement au cours des dernières décennies, cites, dans les travaux de sciences sociales ou p. 480-493. Cette note
recense plusieurs
est aujourd’hui assez largement mise en ques- dans les débats publics, met cependant au jour ouvrages publiés en 1992
tion. Elle ne serait que métaphore, fiction socio- la très grande fluidité, voire l’extrême polysémie dont : William Johnston,
logique, voire idéologie d’essence totalitaire. de la notion de « mémoire 19 ». Postmodernisme et
Pour une autre part cependant, la notion de bimillénaire, op. cit. ;
Pierre Nora (dir.)
mémoire – dans sa dimension sociale ou col- Les considérations qui précèdent en témoignent Les lieux de mémoire,
lective – est devenue familière, évidente. Objet d’emblée : la notion de mémoire, entendue Vol. 3, Les France, op. cit. ;
proclamé de nombreux travaux en sciences dans sa dimension « collective » ou sociale, ren- Pascal Ory, Une nation
sociales, elle n’est plus guère interrogée, et voie parfois aux souvenirs ou à des représenta- pour mémoire, op. cit.,
et Lucette Valensi,
ce, d’autant moins qu’elle mobilise depuis plu- tions du passé dont des individus, liés par une Les fables de la mémoire.
sieurs décennies l’intérêt de l’État, des acteurs expérience commune, sont porteurs. Mais elle La glorieuse bataille des
politiques, sociaux, associatifs, médiatiques, fait aussi, et le plus souvent, référence non aux Trois Rois, Le Seuil, 1992.

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La problématique des lieux de
mémoire émerge dans les années
soixante-dix, dans un contexte de
fortes transformations sociales et
politiques, par ailleurs marqué par
la montée en puissance d’un intérêt
diffus pour le passé bientôt nommé
« mémoire » et par l’activité
réflexive des historiens sur leur
discipline.

souvenirs stricto sensu de l’expérience vécue encore faudrait-il s’entendre sur ce qui permet
mais à l’enseignement de l’histoire et au musée, de réunir ces divers phénomènes, hétérogènes
à la commémoration ou au monument, aux for- à bien des égards, sous un même terme. Com-
mulations publiques du passé qu’autorisent ou ment penser les rapports de ces différentes
non le procès, l’amnistie ou les lois récemment formes, registres ou expressions supposées de
nommées « mémorielles », aux mises en récit la mémoire, comment les articuler, ne serait-ce
constituées par le cinéma et la littérature, c’est- que de manière hypothétique ? Et dans le même
à-dire aux divers registres – didactique, poli- mouvement, comment situer, comment quali-
tique, juridique et esthétique – de la gestion vi- fier, comment apprécier la spécificité de la com-
20 Sur cette distinction, sible du passé dans une société. Elle qualifie mémoration comme évocation et comme trace
voir Marie-Claire encore une approche du passé qui n’est définie du passé ?
Lavabre,« Du poids
et du choix du passé. que par la distinction qu’on s’accorde générale- À tenter une synthèse nécessairement réduc-
Lecture critique du ment à faire entre histoire et mémoire, connais- trice, il apparaît que trois grandes probléma-
syndrome de Vichy », in sance et imagination, objectivité et subjectivité, tiques de la mémoire cohabitent aujourd’hui en
Denis Peschanski et al. raison et émotion. Est-elle effet du passé ou sciences sociales 21 tandis que trois définitions,
(dir.), Histoire politique
et sciences sociales, effet du présent ? Elle est pensée tantôt comme pour partie transversales, s’y superposent, res-
Éd. Complexe, 1991, traces du passé dans le présent, c’est-à-dire pectivement fondées sur la distinction de l’his-
p. 265-278. comme poids du passé, tantôt comme évoca- toire et de la mémoire, sur le rapport du présent
tion, interprétation et sélection commandées au passé, et sur l’articulation de l’individuel et
21 Les considérations par le présent, c’est-à-dire comme choix du du collectif.
qui suivent ont passé 20 . Il est chronologiquement légitime, s’il s’agit de
été développées
dans : Marie-Claire
S’il faut bien admettre que les évocations du rendre compte de l’état de cette question dans
Lavabre, « Circulation, passé (souvenirs, musées et monuments, inter- les sciences sociales d’aujourd’hui, notamment
internationalization, prétations, usages, voire instrumentalisations en France, d’envisager d’abord la probléma-
globalization of the politiques et sociales, etc.), comme les traces tique des lieux de mémoire. Celle-ci émerge
question of memory »
Journal of Historical
du passé (traditions, répétitions, mais aussi do- dans les années soixante-dix, dans un contexte
Sociology, juin 2012, cuments ou archives), relèvent certes de ce qu’il de fortes transformations sociales et politiques,
p. 177-190. est convenu d’appeler aujourd’hui la mémoire, par ailleurs marqué par la montée en puissance

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Monument aux morts de Lézardrieux.

d’un intérêt diffus pour le passé bientôt nommé


« mémoire » et par l’activité réflexive des histo-
riens sur leur discipline. Elle est clairement as-
sociée au nom de Pierre Nora. Elle est le fait des
historiens pour l’essentiel. Elle se donne pour
objet privilégié les symboles, réalités idéelles ou
matérielles, qui sont présumés tantôt exprimer, La commémoration, nationale, connotée sinon
tantôt organiser les « mémoires collectives » et réduite par la volonté politique qui l’institue, se
partant, les « identités » et, de manière privilé- trouve ici assez naturellement au cœur des tra-
giée, l’identité nationale. À cet égard, les lieux vaux qui se donnent la mémoire pour objet.
de mémoire renvoient également à l’opération « Qu’est-ce qu’une Nation ? ». La réponse de
intellectuelle de l’historien qui restitue, dans la Pascal Ory fait écho au titre de son livre, déjà
durée, la généalogie de ces symboles. évoqué, consacré aux commémorations de la
Dans les travaux inspirés de cette probléma- Révolution française : « une nation, c’est une
tique, les souvenirs stricto sensu de l’expérience mémoire », non pas un passé, non pas une his-
vécue importent moins que l’enseignement de toire mais une « belle histoire », celle qu’on ra-
l’histoire, les monuments, les commémora- conte aux enfants. La spécificité de la commé-
tions et les usages politiques du passé dont on moration, « plus étroite que la rétrospection »,
suppose l’influence sur les représentations par- de nature sociale et définie comme forme col-
tagées : « Mémoire : non pas le souvenir, mais lective de remémoration, « plus large que la cé-
l’économie générale et l’administration du passé lébration », de nature politique et définie
dans le présent 22 . » La mémoire, le plus souvent comme volonté politique, est située dans la ren-
saisie à l’échelle de la nation, est objet de l’his- contre d’un « noyau célébratif » et des échos de 22 Pierre Nora, Les lieux
toire comme savoir ou discipline régie par les l’évènement dans « la sensibilité de la Nation ». de mémoire, Vol. 3-3,
Les France, op. cit., p. 25.
règles du métier, en ce sens que celle-ci peut Elle relève de « ce grand mouvement symbolique
produire la critique des mythes, légendes, ana- par lequel une communauté assure et réassure 23 Pascal Ory, Une nation
chronismes, intérêts (notamment politiques), son identité 23 ». La question de l’identité (natio- pour mémoire, op. cit.,
stratégies, qui en constituent ici la marque. nale) commande visiblement l’intérêt pour la p. 7-9.

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Monuments aux morts
de Moulins (Allier).

24 Pour reprendre les


formulations de
William Johnston,
Postmodernisme et
bimillénaire, op. cit., p. 62.

25 Francis Démier, La France


de la Restauration (1814-
1830). L’impossible retour
du passé, Folio-Histoire,
2012.

26 Voir notamment
Alexandra Oeser, mémoire (nationale). À cet égard, nombre d’ob- personnelle 24 ». Les commémorations, ici natio-
Enseigner Hitler : les servateurs, notamment parmi les historiens nales, ont sans nul doute des effets sur le senti-
adolescents face au passé déjà cités, ont pu souligner non sans raison que ment d’appartenance à une Nation : encore
nazi en Allemagne.
Interprétations,
la glose commémorative du bicentenaire s’est faut-il envisager les éventuels échecs des poli-
appropriations et usages moins intéressée à l’évènement « Révolution tiques de la mémoire 25, les résistances 26 , les
de l’histoire, Presses de française » qu’au fait commémoratif lui-même : rapports ordinaires au passé et plus largement
l’EHESS, 2010, et on a moins débattu de ce qu’il convenait de la diversité des raisons et motivations qui prési-
Cécile Jouhanneau,
La résistance des témoins :
commémorer que du pourquoi de la commé- dent à la participation à telle ou telle manifesta-
mémoires de guerre, moration. Dès lors, la conscience partagée de tion commémorative, tenter de mesurer les
nationalisme et vie la diversité, voire du conflit des interprétations, formes inégales d’appropriations et de réappro-
quotidienne en Bosnie- ne pouvait contrevenir au consensus sur le fait priations. Sauf à tenir pour quantité négligeable
Herzégovine (1992-2010),
thèse pour le doctorat de
commémoratif. Mais il convient, pour conclure ce mot désabusé du maître d’œuvre d’une cer-
science politique (IEP de sur cette première approche, de souligner le taine cérémonie commémorative, rituelle, offi-
Paris, 2013). décalage entre l’interprétation de la commémo- cielle et nationale : « La plupart du temps, une
ration comme volonté politique d’influencer réunion de “comment-va-ta-sœur ?” 27. »
27 Source : audition dans le souvenirs et représentations du passé, et l’ana-
cadre de la commission lyse qui présuppose plus qu’elle ne se donne les La deuxième problématique est aujourd’hui liée
Kaspi.
moyens de décrire la « sensibilité » partagée ou au nom de Paul Ricœur 28 . On peut la référer à
28 Paul Ricœur, La mémoire,
d’analyser la rencontre entre « le corps d’idées la notion de « travail de mémoire », exportée,
l’histoire, l’oubli, Seuil, qu’élaborent les publicistes » et « la façon dont dans son expression littérale, de la psychana-
2000. les individus absorbent ces idées en une identité lyse, et largement diffusée. Au risque de la cari-

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cature et à simplifier à l’extrême une pensée de la figure de la victime. À bien des égards,
érudite, les sociétés, comme les individus, cette problématique recouvre aujourd’hui, au
peuvent être dites malades de leur passé. Elles moins pour partie, celle des lieux de mémoire,
ont à accomplir un « travail de mémoire » en ce qu’elle rencontre l’actualité des revendica-
comme on fait un travail de deuil pour atteindre tions mémorielles, d’une part, le souci de régler
la « juste mémoire », le bon oubli et la réconci- les comptes du passé, de formuler des techno-
liation avec l’autre autant qu’avec soi-même. Si logies politiques de l’apaisement et de la résolu-
cette problématique relève clairement, avec la tion des conflits, de réduire les ressentiments,
critique qu’elle engage des « abus de la mé- d’autre part. En d’autres termes, la question est
moire 29 », du registre normatif et de la réflexion posée, légèrement différente de la précédente,
philosophico-politique, elle n’est cependant pas de savoir comment influencer la mémoire pour
étrangère aux réflexions antérieures de Henry restaurer la communauté déchirée, quelle qu’en
Rousso sur Vichy 30 ou de Benjamin Stora 31 sur soit l’échelle. Partant, les souvenirs de l’expé-
la guerre d’Algérie. Elle connaît une forte mon- rience partagée, et particulièrement celle des
tée en puissance – et un grand succès poli- conflits et donc des victimes, se trouvent cette
tique – à partir des années quatre-vingt-dix en fois au cœur de la réflexion tandis que la com-
réaction à l’émergence non moins envahissante mémoration renvoie à la réparation symbolique
du « devoir de mémoire 32 » et, conjointement, et à la reconnaissance des préjudices subis.
Qu’il s’agisse des sorties de dictature en Argen- 29 Tzvetan Todorov, Les abus
tine ou au Chili, des guerres ou des sorties de de la mémoire, Arléa,
2004.
guerre en Colombie ou en Bosnie-Herzégovine,
des crimes du communisme, des génocides ou
30 Henry Rousso,
plus largement des situations de deuil partagé, Le syndrome de Vichy :
la commémoration constitue un enjeu com- 1944-1987, Seuil, 1987.
mun aux victimes, sinon aux bourreaux, et aux
pouvoirs publics (de même que le monument 31 Benjamin Stora,
ou toute autre forme d’évocation du passé), La gangrène et l’oubli :
la mémoire de la guerre
tandis que la « mémoire » est dans le même d’Algérie, La Découverte,
mouvement phénomène social et objet 1991.
d’études quasi immédiat. Néanmoins, quand la
réflexion politico-normative s’efforce de penser 32 Voir Sarah Gensburger
la juste mesure ou la « juste mémoire » et anti- et Marie-Claire Lavabre,
cipe les effets pacificateurs de la reconnais- « Entre devoir de
mémoire et abus de la
sance symbolique et de la didactique, les études mémoire : la sociologie
sociologiques contreviennent aux fausses évi- de la mémoire comme
dences et soulignent la complexité des enjeux tierce position », in
entre recompositions sociales et politiques, B. Müller (dir.), Sur Paul
Ricœur, histoire, mémoire,
« mémoire » entendue comme forme institu- épistémologie, Payot,
tionnelle de la présence du passé ou mise en 2005, p. 75-96.
récit publique du passé, et interprétations, sou-
venirs – nécessairement clivés – de l’expérience 33 Voir Antonia Garcia
vécue ou transmise 33. Castro, La mort lente des
disparus au Chili. Sous la
négociation civils-militaires
La troisième problématique, plus strictement (1973-2002), Maisonneuve
Maurice Halbwachs, Les cadres sociaux de la mémoire, 1925. limitée à la sphère académique, est celle « des & Larose, octobre 2002.

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cadres de la mémoire », associée au nom de tions nécessairement sociales de l’évocation et
Maurice Halbwachs, qui s’inscrit plutôt dans la de la formulation des expériences passées.
sociologie, voire dans la science politique. Elle Ces trois problématiques ne sont pas nécessai-
souligne que la « mémoire collective », sauf à rement incompatibles. Elles font souvent l’objet
en faire un usage métaphorique, doit être saisie de références croisées aux auteurs devenus ca-
à la croisée de l’individuel et du collectif, du psy- noniques que sont Maurice Halbwachs, Pierre
34 Florence Haegel et chique et du social. À ce titre, la « mémoire col- Nora et Paul Ricœur. Elles renvoient à certains
Marie-Claire Lavabre,
Destins ordinaires. Identité
lective » – ou sociale – reste assez largement égards à une même question : peut-on influen-
singulière et mémoire sinon une énigme, en tout cas un objet insaisis- cer la mémoire ? La première est fondée sur le
partagée, Presses de sable hors de formulations qui condensent l’in- présupposé sinon la croyance partagée 39 que
Sciences Po, 2010. tuition et réduisent du même coup les analyses les usages politiques du passé et les stratégies
tout à la fois subtiles et radicales de Maurice qu’on appelle aujourd’hui mémorielles – dont
35 Alexandra Oeser, Halbwachs : mémoire collective et mémoire in- les commémorations – influencent la mémoire,
Enseigner Hitler, op. cit.
dividuelle ne s’opposent pas, on ne se souvient les représentations du passé, des individus. La
36 Roger Bastide,« Mémoire
jamais, pour ainsi dire, qu’en commun avec deuxième exprime le souci politique de la ré-
collective et sociologie d’autres, toute pensée sociale est une mémoire. conciliation ou du vivre ensemble démo­cratique
du bricolage », L’année De fait, la problématique des cadres se donne et envisage les moyens – dont les commémora-
sociologique, no 21, 1970, le plus souvent pour objet d’ouvrir la boîte tions – d’influencer la mémoire. La troisième
p. 65-108.
noire, c’est-à-dire de penser les interactions interroge les conditions sociales de l’évocation
entre mises en récit publiques (dont les com- et de la formulation des souvenirs de l’expé-
37 Maurice Halbwachs,
La mémoire collective, mémorations) et souvenirs, de mettre au jour rience vécue ou transmise et apprécie de ce fait
Albin Michel, 1997 (PUF, les formes concrètes de la transmission, no- non seulement les identifications individuelles
1950 et 1968). tamment par la famille 34 ou par des institutions aux mises en récit publiques du passé – dont
sociales dont l’école 35, et plus largement de la les commémorations – mais également les ré-
38 Jacques Revel (dir.), Jeux socialisation, de vérifier empiriquement ce que sistances, l’échec de la volonté politique 40 , la
d’échelles : la micro-
analyse à l’expérience,
sont les représentations socialement partagées multiplicité des formes de réception et de réap-
Gallimard/Le Seuil, 1996. du passé, les rapports ordinaires au passé, en propriations 41. Les études de cas, sur des ter-
deçà et au-delà des seules « politiques de la rains variés, qui se sont multipliées ces der-
39 Moses Finley, Mythe, mémoire ». Les réappropriations, nécessaire- nières années, accompagnant le souci de la
mémoire, histoire :
les usages du passé,
ment diverses, des mises en récit du passé en mémoire et la multiplication des commémora-
Flammarion, 1981. sont l’objet privilégié. Si elle postule avec Mau- tions, en France et ailleurs, sont à cet égard ré-
rice Halbwachs et Roger Bastide 36 l’interpéné- vélatrices. Une recherche récente sur les com-
40 Francis Démier, La France tration des « mémoires collectives » et des mé- mémorations de l’esclavage dans les anciens
de la Restauration (1814- moires individuelles, elle s’interroge sur les ports négriers européens, à Nantes, Bordeaux
1830), op. cit. mécanismes concrets et les conditions dans et Liverpool, met au jour la différence des mo-
lesquelles on peut influencer la mémoire. La dèles français et britannique de construction
41 Alexandra Oeser,
Enseigner Hitler, op. cit.
mise en question non de la distinction entre des identités collectives et des « mémoires his-
histoire et mémoire – qui, à certains égards, va toriques nationales » de l’esclavage, et souligne
42 Renaud Hourcade, de soi – mais de l’opposition binaire entre une la diversité des acteurs et entrepreneurs de
La mémoire de l’esclavage discipline régie par les règles du métier et un mémoire, élus, individus concernés, militants
dans les anciens ports phénomène social caractérisé par l’hétérogé- associatifs, qui, au niveau local, contribuent à
négriers européens. Une néité de ses manifestations (mises en récit es- l’institution des commémorations 42 . Une autre,
sociologie des politiques
mémorielles à Nantes, thétiques, didactiques ou juridiques, usages sur les mémoires de guerre en Bosnie-Herzégo-
Bordeaux et Liverpool, publics ou politiques du passé, expression des vine, s’intitule significativement « La résistance
thèse de doctorat de souvenirs), la variation des échelles, l’attention des témoins » pour mieux souligner comment
science politique (IEP de accordée aux « groupes intermédiaires 37 » et aux la vie quotidienne et les normes de la sociabi-
Rennes, 2012).
acteurs, la pratique de l’enquête au « ras du lité, observées là encore au niveau local, font
43 Cécile Jouhanneau,
sol 38 » en constituent les fondements. En pièce à la politisation nationaliste des récits
La résistance des témoins, d’autres termes, la référence à Halbwachs qui publics – à l’échelle nationale – de la déten-
op. cit. s’y trouve mobilisée met l’accent sur les condi- tion 43. Une autre encore, sur le « 11-Septembre

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européen », se donne pour objet la sensibilité pratique politique, ressource politique parmi
morale des Européens à l’épreuve des atten- d’autres ou à défaut d’autre) doit sans nul doute
tats, souligne notamment l’échec de la journée s’articuler à une sociologie du souvenir, au plus
européenne des victimes du terrorisme, insti- près de l’intuition de Maurice Halbwachs. L’ap-
tuée le 11 mars, date des attentats de Madrid en proche par la notion d’« instrument d’action
2006 et met au jour les ressorts, émotionnels, publique de nature symbolique 45 », comme al-
populaires et politiques, de la pérennisation de ternative à celle d’« usage politique du passé »,
44 Gérôme Truc, « Aux
la commémoration à Madrid 44 . permet très justement de montrer que la multi- victimes du terrorisme,
Toute réflexion sur la mémoire suppose non de plication des journées de commémoration en l’Europe reconnaissante ?
trancher entre ces différentes approches, mais France relève tout à la fois de leur « nature poly- Portée et limites de la
de considérer qu’elles ont à être explicitées sémique et dépolitisée » et d’un « contexte de Journée européenne en
mémoire des victimes
parce qu’elles commandent les diverses recomposition de l’État contemporain et de redé- du terrorisme », Politique
constructions de l’objet « commémoration ». finition des rapports entre gouvernants et gou- européenne, no 37,
Car c’est bien là, au moins pour partie, dans cet vernés 46 », bien plus sûrement qu’elle n’est le p. 133-154.
enchevêtrement des traces et des évocations symptôme et la résultante de conflits de
du passé, de l’histoire comme discipline régie « guerres de mémoire ». Dans un autre registre, 45 Sarah Gensburger, article
cité.
par l’exigence de la preuve et des usages pu- les commémorations, et notamment les com-
blics de l’histoire, du collectif et de l’individuel, mémorations culturelles, peuvent être analy-
46 Idem.
ou du social et du psychique, que réside sées comme des effets programmés d’aubaine
l’énigme de la mémoire collective. Quant à la pour le monde universitaire, l’édition, la promo- 47 William M. Johnston,
commémoration, plutôt que de trancher entre tion du local ou du régional 47. Il n’en reste pas Post modernisme et
expression d’une volonté politique et manifes- moins que les commémorations trouvent sans bimillénaire, op. cit. Voir
tation d’une « mémoire collective » préexis- nul doute, ou pas, leur sens dans la réception également pour le rapport
production historique,
tante, il convient à ce stade de revenir à la dis- dont elles sont l’objet, dans les appropriations demande sociale et
tinction entre « mémoire » et « souvenirs » que qu’on peut supposer socialement diverses, commémoration :
nous impose finalement le vocabulaire contem- dans l’écho qu’elles trouvent ou non dans des Yannick Bosc et Sophie
porain que les sciences sociales partagent au- milieux de mémoire fondés sur les souvenirs de Wahnich, « Michel
Voyelle, un historien dans
jourd’hui avec l’ensemble des acteurs qui l’expérience vécue, transmise, actualisée. la commémoration »,
contribuent au « phénomène mémoriel ». La Mots, no 31, 1992,
sociologie de la mémoire (entendue comme p. 90-106.

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