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Chapitre X -CHANGEMENTS D’ETAT D’UNE SUBSTANCE PURE

I ) DEFINITIONS
Une substance chimique qui présente en tout point les mêmes propriétés physiques
constitue une phase de cette substance chimique. Une substance pure peut se présenter
sous différentes phases : une phase vapeur, une phase liquide, une ou plusieurs phases
solides. En effet une substance pure solide peut éventuellement exister sous diverses
formes, on dit sous diverses variétés allotropiques (par exemple étain blanc/étain gris
pour l’étain, soufre prismatique/soufre octaédrique pour le soufre, diamant/graphite pour
le carbone).
Le phénomène de changement de phase est la transformation réversible conduite à
pression et température constantes où la substance considérée passe d’une phase à une
autre. L’appellation changement de phase implique qu’il s’agisse d’une transformation
réversible à pression et température constantes, par conséquent la fonction de Gibbs G
du système doit rester constante au cours de cette transformation.
Exemple : On considère une mole d’un corps pur qui peut exister sous forme vapeur ou
sous forme liquide représentée dans le diagramme de Clapeyron ci-dessous. Le point A
est représentatif du système dans l’état gazeux (vapeur), le point B est représentatif du
système dans l’état liquide. On peut passer de l’état vapeur A à l’état liquide B par

Trois courbes isothermes sont


représentées sur la figure:
T < Tc
T = Tc (isotherme critique)
T > Tc
Y
C

B
X

T > Tc
A
T = Tc
T < Tc

ul uv u

plusieurs chemins. Dans la transformation de A à B par le chemin X, le système subit un


changement de phase vapeur ↔ liquide qui intervient le long de la portion horizontale de
ce chemin. Dans la transformation de A à B par le chemin Y, il n’y a pas de changement
de phase. La transformation a été effectuée en contournant le point critique C. Pour les
températures T < Tc vapeur et liquide coexistent dans la plage de volume molaire [ul, uv].

1
II ) CHANGEMENTS DE PHASE OU TRANSITIONS DE PREMIERE ESPECE

II-A ) Caractéristiques des changements de phase de première espèce


Tous les changements de phase présentent des caractéristiques communes :
n Le changement de phase s’accompagne d’un transfert de chaleur entre la substance et
le thermostat correspondant à une discontinuité (un saut) de l’entropie : Si, l’entropie de
l’état initial et Sf l’entropie de l’état final sont différentes. La quantité de chaleur
échangée avec le thermostat porte le nom de chaleur latente L. Elle est reliée au saut
d’entropie par :
L = T(S f − Si ) = H f − H i (1)

car c’est une transformation à p constante donc L = Qp = ∆H = Hf – Hi (voir chapitre V


équation (7))
o Le changement de phase s’accompagne d’une discontinuité de volume de la substance
Vf ≠ Vi (2)

Le nom de changement de phase ou transition de première espèce sera réservé à des


situations où il y a discontinuité de l’entropie S f ≠ Si et discontinuité du volume Vf ≠ Vi
II-B ) Formule de Clapeyron
On est en présence d’une transformation isotherme, isobare, réversible, on doit donc rester
à valeur constante de la fonction de Gibbs G.
Etat de la phase i : G i (p, T ) 
 ⇒ à la transition G i (p, T ) = G f (p, T ) .
Etat de la phase f : G f (p, T )
Au point A(p, T) on a équilibre entre les
p
deux phases et donc : G i (p, T ) = G f (p, T )
Au point B(p + dp, T + dT) on a aussi
Phase i équilibre entre les deux phases donc:
G i (p + dp, T + dT ) = G f (p + dp, T + dT )
B On en déduit que le long de la courbe
p +dp
A d’équilibre on doit avoir : dG i = dG f
p
Phase f dG i = −Si dT + Vi dp
dG f = −S f dT + Vf dp
d’où l’on déduit :
(Sf − Si )dT = (Vf − Vi )dp ⇒
T T+dT T dp dp
S f − Si = (Vf − Vi ) où
dT dT
est la pente de la courbe d’équilibre p = f(T) reliant la température et la pression de
changement de phase. La chaleur latente de changement de phase est donnée par :
dp
L = T(S f − Si ) = T(Vf − Vi ) (3)
dT

Cette relation constitue la formule de Clapeyron


En général, la chaleur latente L s’évalue pour une unité de masse de la substance (chaleur
latente massique) ou pour une mole de la substance (chaleur latente molaire). Dans le cas
de la transition solide-liquide (fusion), avec les volumes massiques (ou molaires) us et ul,

2
 dp 
on pourra écrire : L F = T(u l − u s )  (4a)
 dT  Fusion

Pour la transition liquide-vapeur (vaporisation), avec les volumes massiques (ou molaires)
 dp 
ul et uv on écrira : L V = T(u v − u l )  (4b)
 dT  Vapo.

II-C ) Lien entre fonction de Gibbs et caractéristiques des changements de phase


Il existe deux fonctions de Gibbs, Gi et Gf, une pour chaque phase de la substance. A p et T
donnés, la substance adopte la phase qui correspond à la plus basse des deux fonctions Gi
ou Gf. A la transition, comme on change de fonction G il y a discontinuité des dérivées
partielles de G. On rappelle que les dérivées partielles de G sont –S et V; ce sont bien les
deux grandeurs qui subissent des discontinuités au changement de phase:
 ∂G   ∂G   ∂G   ∂G 
Si = − i  S f = − f  et Vi =  i  Vf =  f 
 ∂T  p  ∂T  p  ∂p  T  ∂p  T
Ce résultat est illustré sur les diagrammes ci dessous tracés en fonction de T à p constante :

G Situations S V
métastables

Sf Vf
Gi

Gf Si Vi

T0 T T0 T T0 T

II-D ) Diagrammes de phases en coordonnées p,T. Conséquences immédiates de la


formule de Clapeyron
Pour une substance chimique pure pouvant exister sous trois phases (solide, liquide,
vapeur) le diagramme de phase aura en règle générale l’allure de l’une des deux figures ci
dessous. La figure de gauche correspond au cas général le plus fréquent, la figure de droite
se rencontre plus rarement, l’eau étant l’exemple le plus significatif de ce second type de
diagramme. Dans tous les cas un diagramme présente trois zones correspondant aux zones
de stabilité des phases vapeur (ou gazeuse), liquide et solide. Ces zones sont délimitées par
les trois courbes d’équilibre entre deux phases. Ces trois courbes concourent en un point P
qui s’appelle le point triple. Enfin la courbe d’équilibre liquide-vapeur présente la
particularité de s’interrompre en un point C, le point critique.

 Pentes des courbes d’équilibre entre deux phases. La fusion (solide Æ liquide), la
vaporisation (liquide Æ gaz) et la sublimation (solide Æ gaz) demandent toujours un
apport de chaleur; LF, LV et LS (chaleur latente de sublimation) sont donc toujours des
quantités positives. Ceci a les conséquences suivantes :

3
p p

C C
liquide liquide

n n
solide o o solide
gaz gaz
P P
p
q

Cas général T Cas de l’eau T

  dp 
Si u l > u s (cas général)  dT  >0
 dp     Fusion
Pour la fusion : (u l − u s )  >0 ⇒ 
 dT  Fusion Si u < u (cas de l' eau)  dp  <0
 l s
 dT  Fusion
 dp   dp 
Pour la vaporisation : (u v − u l )  > 0 ⇒ comme u v >> u l   toujours > 0
 dT  Vapo.  dT  Vapo.
 dp 
La même remarque vaut pour la courbe d’équilibre solide-gaz :   toujours > 0
 dT  Subl.
Enfin us et ul sont proches l’un de l’autre alors que uv leur est très supérieur (typiquement
trois ordres de grandeur si l’on est loin du point critique). D’autre part les chaleurs latentes
LF, LV et LS ne sont pas très différentes (un ordre de grandeur ou moins). Dans ces
conditions la formule de Clapeyron explique pourquoi la pente de la courbe d’équilibre
liquide-solide est très forte par rapport aux deux autres. C’est pratiquement une droite
verticale.

 Point triple P. Les trois courbes d’équilibre entre deux phases concourent en un point
commun, le point triple P. Au point triple on a G v (p, T ) = G l (p, T ) = G s (p, T ) et les trois
phases coexistent. Si trois phases d’un corps pur coexistent la pression et la température
sont imposées. Les points triples des corps purs sont donc utilisés comme références de
température (points fixes) pour étalonner les thermomètres. On peut établir une relation
entre les trois chaleurs latentes au point triple, en effet si T0 est la température du point
triple on aura :
L F = T0 (Sl − Ss ) ; L V = T0 (S v − Sl ) et L S = T0 (S v − Ss ) d’où l’on déduit aisément
LS = L F + L V (5)

 Transformations à pression constante. On considère les transformations indiquées par


les flèches sur la figure ci-dessus (partie gauche).

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Si p > p0, la pression du point triple on aura :
n T augmente : transition solide → liquide : fusion (pas de retard possible)
puis transition liquide → vapeur : vaporisation (il peut y avoir retard)
o T diminue : transition vapeur → liquide : condensation (il peut y avoir retard)
puis liquide solide : solidification (il peut y avoir retard)
Si p < p0, la pression du point triple on aura :
pT augmente : transition solide → vapeur : sublimation (pas de retard possible)
qT diminue : transition vapeur → solide : condensation solide (il peut y avoir retard)

III ) ETUDE PLUS DETAILLEE DE LA TRANSITION LIQUIDE-VAPEUR


Dans ce paragraphe on étudiera un système constitué d’une unité de masse de matière, on
utilisera donc le volume massique u au lieu de la notation habituelle du volume V.

III-A ) Diagramme d’équilibre en coordonnées (p, u)


Ce diagramme est présenté schématiquement sur la figure ci dessous. L’isotherme T = T0
présente un palier (p = p0)
p entre A et B si T0 < Tc ,la
température critique.
Courbe d’ébullition A p = p0 et T = T0 le volume
massique du liquide est ul,
C celui de la vapeur est uv. La
Courbe de rosée zone où coexistent les deux
phases est séparée des zones
liquide et vapeur par une
courbe en cloche appelée la
courbe de saturation.
A B Le point C, au sommet de
p0 vapeur
liquide (gaz) cette courbe, est le point
liquide + vapeur critique.
T = T0 La courbe de saturation
prend les noms de courbe
d’ébullition et de courbe de
ul uv u rosée de part et d’autre du
point critique C.

III-B ) Pression de vapeur saturante. Formule de Dupré pv = f(T)


Dans ce paragraphe on se propose d’établir une formule empirique, la formule de Dupré,
qui donne une expression approchée de la pression de vapeur saturante pv en fonction de la
température T, c’est à dire une équation approchée de la courbe d’équilibre entre les phases
liquide et vapeur en coordonnées (p, T).
Les conditions de validité sont que la vapeur puisse être considérée comme un gaz
parfait. On doit donc être loin du point critique et avoir par conséquent ul << uv pour que
la formule de Dupré soit valable. Dans ces conditions la formule de Clapeyron se simplifie
 dp  dp
(on néglige ul devant uv) et s’écrit : L V = Tu v   = Tu v v . La vapeur étant un
 dT  Vapo. dT
RT
gaz parfait on aura : p v u v = (M : masse molaire) et par conséquent :
M

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RT dp v 1 dp v d ML
LV = T ⋅ ⇒ ⋅ = (ln p v ) = 2V
Mp v dT p v dT dT RT
d
(ln p v ) = ML 2V (6)
dT RT

dL V
On peut montrer que M ≈ C pv − C lp ≈ constante où C pv et C lp sont les chaleurs
dT
molaires à pression constante pour la vapeur et pour le liquide.
dL
M V = Rγ où γ est une constante phénoménologique (γ < 0). Attention cette constante
dT
empirique γ n’a rien à voir avec γ = Cp/Cv. En intégrant on obtient facilement :
ML V = R (γT + β ) où β est une seconde constante empirique. LV varie linéairement avec T.

(6) ⇒ d (ln p v ) = R (γT +2 β) = β2 + γ . Enfin une dernière intégration conduit à la


dT RT T T
formule de Dupré où α, β, γ sont trois constantes phénoménologiques :
β
ln p v = α − + γ ln T (7)
T

III-C ) Chaleur latente près du point critique. Allure de LV(T)


 dp 
Partant de la formule de Clapeyron (4b) : L V = T(u v − u l )  on trouve qu’au point
 dT  Vapo.
critique la chaleur latente est nulle LV(Tc) = 0 car uv = ul. De plus en dérivant (4b) on
peut préciser le comportement de LV au voisinage du point critique :
2
dL V dp  du du  dp d2p  du du  dp 
= (u v − u l ) + T v − l  + T(u v − u l ) 2 = T v − l  
dT 1 424 3 dT  dT dT  dT 1424 3 dT  dp dp  dT 
=0 =0

du v du l dL V
Au voisinage du point critique C → −∞ et → +∞ (voir figure) donc → −∞
dp dp dT
La courbe LV(T) possède une tangente verticale en T = Tc.
La figure ci-dessous résume les résultats concernant l’allure de la courbe LV(T).
R
Pour T << Tc on a admis L V (T ) = (β + γT ) avec γ une constante négative, soit :
M
γR (T − T0 )
L L V (T ) = L 0 + avec
Comportement linéaire M
de pente négative L0 chaleur latente de
L0 vaporisation au point triple et
T0 température du point triple.
Décroissance On trouve un comportement
rapide linéaire avec une décroissance
lente de L. Au voisinage du
point critique il faut terminer
avec une décroissance brutale
pour atteindre L = 0 en T = Tc
(tangente verticale).
T0 Tc T

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IV ) PHASES SOLIDES ET EQUILIBRE SOLIDE-LIQUIDE

IV-A ) Equilibre solide-liquide. Fusion et solidification


Dans l’équilibre solide-liquide il n’y a pas d’équivalent du point critique. La courbe de
fusion sépare parfaitement le domaine de stabilité du solide (état cristallin) de celui du
liquide ou plutôt du fluide car à haute température on ne distingue plus gaz et liquide (état
amorphe). Dans l’opération de fusion on a passage d’un état ordonné (le solide cristallin) a
un état plus désordonné (l’état fluide). Il n’y a pas de retard à la fusion, ni à la sublimation;
le phénomène intervient dès que l’agitation thermique est suffisante pour détruire le réseau
cristallin. Par contre, il peut y avoir retard à la solidification, c’est le phénomène de
surfusion, car il faut la présence de germes cristallins dans le liquide pour amorcer le
processus de cristallisation. Pour qu’il y ait solidification il doit y avoir des germes
cristallins et ceux-ci doivent pouvoir se développer. Il peut arriver pour certaines
substances que, pour former les germes, il faille descendre à une température tellement
basse que, à cette température, c’est la croissance cristalline autour des germes qui est à
son tour bloquée. En abaissant la température (en général rapidement) on obtient alors un
nouvel état qui a les propriétés mécaniques d’un solide (rigidité) tout en gardant une
structure amorphe donc sans être un état cristallin : c’est un solide vitreux. Cet état vitreux
est métastable : la substance va cristalliser si on la réchauffe au voisinage de son point de
fusion.
Exemples de solides vitreux : le verre minéral (silice et oxydes divers fondus), les verres
organiques (polymères)
Autre exemple de surfusion : le phénomène atmosphérique du verglas (gouttes d’eau en
surfusion)

IV-B ) Transformations allotropiques


Il s’agit du passage d’un état solide, caractérisé par un arrangement cristallin donné, à un
autre état solide, caractérisé par un autre arrangement cristallin différent.
Quelques exemples :
 Les différentes variétés de cristaux de glace
 Le soufre prismatique / octaédrique (Sα / Sβ)
 Le carbone qui existe sous forme de graphite, de diamant ou de fullérènes
 L’étain blanc (ordinaire) / étain gris (pulvérulent)
Sous p = 1 atmosphère la température d’équilibre thermodynamique entre l’étain blanc et
l’étain gris est θ = 19 °C. Mais les germes pour que se forme l’étain gris n’apparaissent de
façon optimale qu’à des températures bien plus basses ( θ ≈ – 45 °C). A cette température
la transition ne se propage pas; il faut que la température du métal remonte pour que celui-
ci passe macroscopiquement de l’état d’étain blanc à celui d’étain gris. Ceci explique le
phénomène observé après des hivers très froids et connu dès le moyen-age sous le nom de
"peste de l’étain".

IV-C ) Etats mésomorphes. Cristaux liquides


Pour certaines substances, par exemple des macromolécules de forme très allongée, le
passage état cristallin ordonné → état fluide désordonné peut se faire en passant par
plusieurs étapes ou degrés intermédiaires. Par exemple il peut y avoir apparition d’un ordre
dans une direction de l’espace lorsque T diminue alors que les positions dans le plan
perpendiculaire restent désordonnées. De tels états intermédiaires entre solide et liquide, on
dit aussi états mésomorphes, sont appelés cristaux liquides; on en distingue de
nombreuses classes (état nématique, état smectique, etc…).

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 Etat nématique : les molécules sont toutes parallèles les unes aux autres mais peuvent
bouger librement dans les trois directions Ox, Oy et Oz en restant parallèles entre elles. On

x
y
O

Etat smectique Etat nématique

a un ordre de l’orientation des molécules mais un désordre des positions.


 Etat smectique : les molécules sont alignées parallèlement entre elles dans des couches
qui peuvent glisser les unes par rapport aux autres. Les couches sont ordonnées suivant Oz.
L’orientation des molécules est également ordonnée (parallèlement à Oz). En revanche les
positions des molécules dans le plan Oxy sont désordonnées et peuvent bouger librement.

IV-D ) Différences fondamentales entre la transition liquide-vapeur et les transitions


solide-liquide ou solide-gaz
Les transitions solide → liquide et solide → gaz correspondent à un passage état ordonné
(matière cristallisée) → état désordonné (matière amorphe).
La transition liquide → gaz se passe entre deux états amorphes l’un et l’autre. C’est le
paramètre distance moyenne entre les molécules qui fait un saut brusque au passage de l’un
à l’autre. Ceci explique pourquoi il peut y avoir un point critique sur cette courbe
d’équilibre mais pas sur les deux autres. Liquide et gaz (ou vapeur) sont deux domaines de
l’état fluide.

V ) EN RESUME : DIAGRAMME DES PHASES D’UN CORPS PUR EN


COORDONNEES (p, V, T)
L’ensemble des propriétés thermodynamiques (phases stables et transitions de phases) d’un
corps pur peut se résumer en représentant la surface caractéristique des états stables de ce
corps dans l’espace à trois dimensions (p, V, T). La figure correspondant au cas général
d’un corps pur existant sous trois phases (solide, liquide, vapeur) se trouve dans la plupart
des livres de thermodynamique. On se reportera par exemple à la figure 9.7 page 218 du
livre "Thermodynamique" de Hulin, Hulin, Veyssié édité chez Dunod qui présente l’allure
de cette surface dans le cas (très général) où uv > ul > us.

VI ) TRANSITIONS DE SECONDE ESPECE


Certaines transformations à p et T constantes se produisent sans transfert de chaleur et sans
variation de volume. Les dérivées premières de G varient de façon continue quand la
substance traverse, à pression constante, la température de transformation. Par contre les
courbes représentatives de ces dérivées premières de G présentent un point anguleux. Ceci
implique une discontinuité des dérivées secondes de G. On parle alors de transition de
seconde espèce.
Les exemples de telles transitions sont relativement moins nombreux que pour les
transitions de première espèce. D’autre part, il peut aussi être difficile expérimentalement
de distinguer entre L = 0 et L ≠ 0 mais trop petit pour être mesuré. C’est seulement le
modèle théorique qui permet de faire la différence.

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Exemples de transitions de seconde espèce :
 Transition fluide ↔ superfluide. Passage de l’He I (fluide) à l’He II (superfluide) à la
température T = 2,19 K sous la pression de vapeur saturante de l’hélium.
 Transition ferromagnétique ↔ paramagnétique. Transition observée à la traversée de
la température de Curie Tc pour les ferromagnétiques (Tc = 770 °C = 1043 K pour le fer).
 Transition conducteur ↔ supraconducteur. Transition observée par exemple pour
certains métaux à très basse température.
 Transition liquide ↔ verre. Passage de l’état liquide à un état solide amorphe (verre)
dont on a déjà parlé au paragraphe IV-A de ce chapitre. On parle de transition vitreuse.

VI-A ) Discontinuités des dérivées seconde de G et conséquences.


Au niveau d’une transition de deuxième espèce la fonction de Gibbs G du système est
continue dérivable à dérivées continues. Par contre les dérivées premières de G ( le volume
V et l’entropie S) sont continues mais présentent un point anguleux comme indiqué sur la
figure ci-dessous.
G
S V

T0 T T0 T T0 T
Les discontinuités apparaissent sur les trois dérivées secondes :
∂ 2G  ∂S  Cp
= −  = − (8a)
∂T 2  ∂T  p T
∂ 2 G  ∂V 
=  = − Vχ T (8b)
∂p 2  ∂p  T
∂ 2G ∂ 2 G  ∂V 
= =  = Vα (8c)
∂p∂T ∂T∂p  ∂T  p
 ∂S  h
= −  = − (8d)
 ∂p  T T
L’équation (8d) permet de retrouver la relation h = -TVα déjà établie au chapitre VIII,
paragraphe III (Formules de Clapeyron).
Les équations (8a), (8b) et (8c) montrent que les grandeurs physiques Cp, χT et α vont
présenter une discontinuité au passage d’une transition de seconde espèce.

VI-B ) Equations d’Ehrenfest


Dans une transition de première espèce la formule de Clapeyron nous a permis de relier les
discontinuités de S et de V, de la même façon dans une transition de seconde espèce il y
aura des relations entre les discontinuités des dérivées secondes de G. Ces relations

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p constitueront les équations d’Ehrenfest.
La continuité de S et de V au passage d’une
transition de seconde espèce a pour
Phase i conséquence immédiate que le long de la
courbe d’équilibre séparant les domaines de
B stabilité des phases i et f on doit avoir dSi = dSf
et dVi = dVf. En effet en considérant la figure
A
ci-contre :
Phase f Si (A ) = S f (A )
 ⇒ dSi = dS f
Si (B) = S f (B) 
et de même pour le volume :
T Vi (A ) = Vf (A )
 ⇒ dVi = dVf
Vi (B) = Vf (B) 

 ∂S   ∂S   ∂S   ∂S  dp
dSi =  i  dT +  i  dp =  i  dT +  i  dT
 ∂T  p  ∂p  T  ∂T  p  ∂p  T dT
Utilisant (8a), (8c) et (8d) dSi se réécrit :
C pi dp
dSi = dT − α i Vi dT et dSi = dSf se traduit par :
T dT
C pi dp C pf dp
− α i Vi = − α f Vf (9)
T dT T dT
A la transition il n’y a pas de changement de volume Vi = Vf = V et l’équation (9) s’écrit :

dp
C pf − C pi = TV (α f − α i ) (10) Ceci constitue une équation d’Ehrenfest.
dT

On peut ensuite prendre en compte l’égalité dVi = dVf


 ∂V   ∂V   dp 
dV =   dT +   dp = αVdT − χ T Vdp =  α − χ T VdT
 ∂T  p  ∂p  T  dT 
dp dp
et comme Vi = Vf dVi = dVf ⇒ α i − χ Ti = α f − χ Tf
dT dT
D’où la deuxième équation d’Ehrenfest :

dp dp α − αi
α f − α i = (χ Tf − χ Ti ) (11a) ou = f (11b)
dT dT χ Tf − χ Ti

VI-C ) Propriétés de l’hélium aux basses températures. Hélium superfluide.


En 1924, Kamerlingh Onnes, qui étudie l’hélium à très basse température, remarque une
anomalie du coefficient de dilatation α de l’hélium liquide. Celui ci présente une
discontinuité lorsque le liquide, en équilibre avec sa vapeur, est refroidi et passe en dessous
d’une température de transition de 2,19 K. Plus précisément, quand la température décroît
la densité croît jusqu’à T = 2,19 K (α > 0) puis décroît (α < 0). Le même type de
comportement (présence d’une discontinuité) s’observe également pour χT et pour Cp. On
est en présence de la transition de seconde espèce He I (fluide) ↔ He II (superfluide). La

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courbe de la chaleur massique Cp de l’hélium
liquide en équilibre avec sa vapeur a l’allure Cp
indiquée sur la figure ci après, d’où le nom de
"transition de point λ" pour de telles
transformations. On notera la discontinuité de
Cp et même que Cp devient infini pour T = Tc
mais qu’il n’y a pas de chaleur latente car
Tc + ε
l’intégrale ∫ C p dT → 0 quand ε → 0. Il
Tc − ε

s’agit donc bien d’une transition de seconde


espèce.
Pour comprendre les propriétés de cette
transformation il faut revenir sur le diagramme
de phases de l’hélium, plus précisément de
l’isotope He4, aux basses températures.
L’hélium présente un diagramme de phases Tc T
très particulier :
‹ Il reste liquide aux températures les plus
basses dès que la pression est inférieure à 25 atm environ. L’état solide existe bien mais il
ne peut être obtenu que pour une pression supérieure à 25 atm. Le diagramme de l’hélium

p
Solide

P He4
25 atm
Liquide
He I
Liquide (fluide)
He II C
(superfluide)

Q
Vapeur

2,19 K T
ne présente donc pas le point triple habituel (vapeur, liquide, solide) que l’on a pour tous
les autres corps.

‹ Au dessous de 1,2 K environ la courbe d’équilibre liquide-solide est horizontale


 dp 
(  = 0 ), donc, d’après la formule de Clapeyron, L = 0 et même L/T = 0 ce qui veut
 dT  fusion
dire que ∆S = 0 pour la transition solide ↔ liquide. Par conséquent le liquide est "aussi
ordonné" que le solide. Ceci se produit quand on se trouve dans une situation où la
h
longueur d’onde de De Broglie, λ = (m : masse d' un atome, v : vitesse d' un atome) ,
mv
devient supérieure à la distance entre atomes voisins. Les atomes perdent alors leur
individualité et on obtient ce que l’on appelle un liquide quantique.

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Pour tout autre élément que l’hélium, le refroidissement du liquide conduit à un état solide
avant d’atteindre des températures assez basses pour que cet état de fluide quantique
apparaisse.
Dans le cas de l’isotope He4, qui est un boson, lorsque l’on atteint la zone du diagramme
où λ devient comparable ou supérieure à la distance entre atomes voisins il se passe un
phénomène quantique que l’on appelle la condensation de Bose-Einstein et dont on
observera les conséquences physiques (superfluidité). Le domaine du liquide se trouve
ainsi séparé en deux régions par la courbe PQ, à droite la région du fluide classique (He I),
à gauche, aux très basses températures, la région du superfluide (He II).
On observera qu’il n’y a pas de discontinuité de pente en P pour la courbe de fusion ni en
Q pour la courbe de vaporisation, ce qui veut dire que la branche PQ du diagramme de
phases correspond à une transition de seconde espèce. La transition fluide ↔ superfluide
est une transition de seconde espèce : LII↔I = 0.
Ce phénomène de superfluidité se produira pour l’isotope le plus abondant de l’hélium,
He4, qui est un boson; pour le deuxième isotope de l’hélium, He3, peu abondant, qui lui
est un fermion, le phénomène de superfluidité existera aussi mais à des températures
beaucoup plus basses. Pour que la transition se produise, il faudra que les atomes d’He3
s’associent deux par deux et forment ce que l’on appelle des paires de Cooper qui sont des
bosons.

Propriétés de l’hélium liquide superfluide (He II) liées à cet ordre quantique :

‹Superfluidité : quand T diminue la viscosité tombe à zéro au passage de la transition.


Une fraction finie des atomes d’hélium se déplace alors sans aucune force de frottement. Il
n’y a plus de viscosité pour cette partie des atomes et leurs propriétés de transport sont tout
à fait exceptionnelles (par exemple : "effet fontaine").

‹Conductibilité thermique très grande : à T = 3,3 K, au dessus de la transition,


l’hélium est un fluide normal (He I). Sa conductibilité thermique est d’environ 6x10-5
cal/°C.cm.s. Cette valeur est comparable à une valeur typique pour un gaz à température
ambiante.
Par contre à T = 2 K, en dessous de la transition, l’hélium est superfluide (He II). Sa
conductibilité thermique est d’environ 100 cal/°C.cm.s, ce qui est 100 fois plus élevé que
la conductibilité thermique du cuivre à température ambiante.

Toutes ces propriétés physiques particulières sont des conséquences du phénomène


quantique dit de condensation de Bose-Einstein.

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