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Abstract
Why drug prices are high in sub-Saharan Africa. Analysis of price structure: The
case of Senegal
This article seeks to shed light on the reasons for the lack of correlation between the price
of drugs in this very poor sub-Saharan country and the population’s ability to pay for
them. The analysis is based on: (i) a comparison between the wholesale (exclusive of VAT
and other taxes) and government-fixed retail prices and the corresponding prices of the
same drugs in their country of origin (France); (ii) a description of the price-setting
mechanisms in Senegal in both the public and private sectors; and (iii) an evaluation of
public-sector retail price in Senegal, by end users and prescribing professionals in both
sectors. The study found that: (i) patient expenditure would be one-fifth as high if all the
drugs in the sample were sold at their government-fixed public-sector retail prices; (ii) the
most cost effective drugs are sold at fixed retail prices higher than those of drugs not
reimbursed by the national health insurance in France because considered less cost-
effective; (iii) the mechanism for setting public retail prices seems to be unrelated to
public health objectives, does not consider specific population groups, target diseases, or
the drugs’ therapeutic value, and therefore cannot be considered an effective tool for
implementing national drug policies. Instead, the incentives of this mechanism lead
Tirés à part : J.M. Guimier
L’
un des paradoxes de la problé- dans une moindre mesure à celle du lités pharmaceutiques sous licence, mais
matique de l’accès aux médica- secteur privé à but non lucratif. Ce- également des médicaments génériques
ments dans les pays d’Afrique pendant, compte tenu de l’insuffisance de commercialisés sous nom de marque ou
subsaharienne est l’antagonisme entre l’encadrement réglementaire du recou- sous dénomination commune internatio-
prix élevés et le faible pouvoir d’achat, vrement des coûts par les services ad hoc nale (DCI) ;
matérialisé par un niveau très réduit d’inspection et de contrôle et du faible – la filière publique qui est organisée
d’accessibilité de la population aux médi- niveau d’information des patients, le sec- autour d’une structure centrale d’approvi-
caments. Cette situation ne prévaut pas teur public n’assure, in fine, que partielle- sionnement non monopolistique, de
seulement pour les médicaments anti- ment sa fonction sociale, c’est-à-dire pro- statut public, la Pharmacie nationale
rétroviraux pour lesquels l’accès reste poser une offre en adéquation avec le d’approvisionnement (PNA) qui importe
considérablement limité, malgré les pouvoir d’achat des patients. Le prix du des médicaments génériques essentiels
récents efforts consentis par les fabricants médicament est donc au centre des pré- sous DCI (350 références, dont moins
des pays industrialisés du Nord dans le occupations de la quasi-totalité des mala- d’un quart vient de France), cinq dépôts
cadre de l’Initiative Access1, mais aussi et des et des autorités sanitaires. régionaux chargés d’approvisionner les
surtout, pour les médicaments utilisés Il est proposé ici, en prenant comme base districts sanitaires et plus de 1 000 points
dans le traitement de pathologies couran- les résultats de cette étude, d’apporter un de vente implantés dans les établisse-
tes dont l’impact sur l’état de santé et les éclairage sur ce paradoxe pour compren- ments de soins qui revendent les médica-
conséquences socio-économiques sont dre pourquoi, dans ce pays d’Afrique ments à la population dans le cadre d’un
préoccupants. subsaharienne fortement touché par la système de recouvrement des coûts repo-
Une étude réalisée au Sénégal sur l’acces- pauvreté, le prix des médicaments4 est si sant sur le principe de l’Initiative de
sibilité aux médicaments [1] montre que peu corrélé au pouvoir d’achat de la Bamako.
cette problématique se pose de façon population. Parallèlement, un important marché illi-
complexe, dans un environnement où la cite très actif et bien organisé, approvi-
situation de la morbimortalité de la popu- sionné par des importations clandestines
lation s’explique en grande partie par le et parfois des détournements opérés dans
niveau insuffisant d’accessibilité aux ser- Rappel synthétique les deux filières licites, draine une clien-
vices de santé de base et aux médica- tèle nombreuse issue des classes socio-
ments, résultant essentiellement de l’in- de la structure économiques défavorisées mais égale-
capacité du plus grand nombre à financer ment moyennes.
le coût du recours aux soins2 et l’acquisi- du marché En 1999, le marché représentait, en valeur
tion de médicaments et des éventuelles de vente et hors vaccins, près de 58 mil-
dépenses connexes3, lorsqu’un épisode pharmaceutique liards de F CFA (88,4 millions d’euros5).
de maladie est ressenti ou diagnostiqué.
La plus forte proximité des points de au Sénégal Le financement des médicaments est
essentiellement assuré par les ménages,
vente du secteur public relativement à soit directement dans les filières privée et
ceux des pharmacies privées ainsi que la publique par le système de recouvrement
L’offre est assurée par deux filières de
récurrence de la contrainte financière, des coûts (91 %), soit indirectement à
distribution :
conduisent les malades, et pas seulement travers les systèmes de contribution obli-
– la filière privée qui est constituée d’une
les plus pauvres, à s’adresser de façon gatoires ou volontaires (5 %), l’État et les
part, de trois sociétés d’importation
privilégiée à l’offre du secteur public et collectivités territoriales à travers leurs
jouant le rôle de grossistes répartiteurs
(2 500 références hors parapharmacie, budgets et les associations et partenaires
1 dont plus de 90 % proviennent de France) au développement (4 %).
Lancée en 1997 par l’Onusida en partenariat
avec plusieurs agences des Nations unies, et et de 532 pharmacies privées relayées par Le cadre réglementaire pharmaceutique,
cinq firmes pharmaceutiques (Boehringer un réseau de dépôts pharmaceutiques et, très largement inspiré de la réglementa-
Ingelheim, Bristol-Myers Squibb, Glaxo-Smith- d’autre part, de deux principales entre- tion française est constitué d’un recueil de
Kline, Merck & Co et Hoffman La Roche, l’Ini-
tiative Access (Accelerating Access Initiative) se prises de production fabricant des spécia- textes souvent anciens, pas toujours
proposait de fournir aux PED participants, des adaptés à la spécificité du marché, et
médicaments ARV à prix réduits.
2 4
difficilement applicables de par la fai-
Coût de la consultation éventuellement Il est fait référence, dans cet article, aux médi- blesse institutionnelle et l’insuffisance des
alourdi de celui des frais d’hospitalisation et caments de la médecine « moderne », à l’exclu-
d’actes médicaux complémentaires. sion des médicaments non allopathiques et de moyens humains, techniques et finan-
3
Dépenses de transport pour se rendre à la ceux la pharmacopée traditionnelle, commer-
formation sanitaire ou au point de vente des cialisés par les deux filières licites de distribu-
5
médicaments. tion (privée et publique). La parité euro : F CFA est de 1 pour 655,95.
- 90 % PGHT
35 32 Prix publics
28
23 - 60 %
23
Valeur des écarts
Nb d'occurences
21 18
21 17
- 30 %
13
14 12
9
0%
7
0 0 0
0 30 %
- 85% - 55% - 40% - 10% 5% 35% 60% Produits non
remboursés
Valeur des écarts Produits remboursés (coefficient de corrélation : 0,844)
(coefficient de
corrélation : 0,996)
PGHT Prix publics
Figure 1. A gauche : distribution des écarts entre France et Sénégal des PGHT et des prix publics. A droite : variation des écarts entre France et Sénégal des PGHT
et des prix publics selon le statut des médicaments (la courbe est ordonnée selon les valeurs décroissantes des écarts sur PGHT).
Figure 1. Left: distribution of the variation of PGHT and retail prices in France and Senegal. Right: variation of the PGHT and the retail prices in France and Senegal
by drug category.
moyen pondéré : - 76 % ; écart médian : publics des points de vente du secteur non (94 %, n = 50) d’un système tiers
- 69 %). Les médicaments pour lesquels public. payant (mutuelle) (tableaux 6 à 10).
les prix publics sont plus élevés dans les L’appréciation des vendeurs des points
points de ventes du secteur public que de vente du secteur public rejoint celle
dans les pharmacies privées, sont des Appréciation des patients : ils sont 63 % à estimer que
antipaludiques : amodiaquine orale fabri- du prix des médicaments le prix payé est acceptable contre seule-
quée localement (n = 2), quinine injecta- ment 4 % dans les pharmacies privées où
ble importée (n = 1) et association par les professionnels ils sont 59 % à estimer que les médica-
sulfadoxine-pyrimétamine orale importée et les patients ments sont trop chers contre 10 % dans
(n = 2). les points de vente du secteur public.
L’agrégation des médicaments en grandes L’opinion des patients sur le prix des
classes thérapeutiques fait apparaître un médicaments est inverse selon le lieu
net clivage entre trois classes (75 % de d’achat. Ceux des points de vente du
l’échantillon exprimé en nombre) présen- secteur public sont 61 % à estimer que le Discussion
tant des écarts moyens très élevés : anti- prix payé est acceptable contre deux fois
bactériens (- 87 %, n = 77), autres infec- moins pour ceux des pharmacies privées
tieux (- 84 %, n = 11) et antipyrétiques (36 %) ; ces opinions sont diamétrale- On retient de cette analyse cinq éléments
(- 81 %, n = 18) et les trois autres classes : ment opposées s’agissant de considérer si déterminants :
antipaludiques (- 57 %, n = 27), anti- le prix payé est trop élevé (33 %-58 %). – les écarts entre les PGHT et les prix
acides (- 54 %, n = 4) et autres produits Cependant, la proportion de patients publics du Sénégal et de la France sont
(- 26 %, n = 4). ayant renoncé à l’acquisition des médica- corrélés avec le statut administratif des
La valorisation du nombre total d’unités ments prescrits pour raison financière est médicaments en France : cette corrélation
vendues avec les prix publics des deux faible (5 %, n = 53) et est peu modulée n’étant significative que pour les médica-
filières, montre que la dépense des selon le lieu d’achat : clients des points de ments remboursés en France ;
patients serait près de 5 fois moins élevée vente publics (45 %, n = 24) et clients des – le mécanisme de formation des prix
(5,1 milliards de F CFA contre 23,9 mil- pharmacies privées (55 %, n = 29). Elle publics , par application ad valorem sur
liards de F CFA) si tous les produits de est en revanche fortement corrélée au fait les PGHT (dans la filière privée) et sur les
l’échantillon étaient vendus aux prix que le patient bénéficie (6 %, n = 3) ou prix d’achat (dans la filière publique), des
10 1%
Taxes 14 Taxes 1%
54 1%
Fret et 0% Fret et 0%
assurances 59 assurances 5%
226 6%
320 44 %
Distributeurs 524 Distributeurs 48 %
1 473 40 %
390 54 %
Fabricant 502 Fabricant 46 %
1 943 53 %
Générique de marque Condionnement Hospitalier Générique sous DCI Générique de marque Cond. Hospitalier Générique sous DCI
Figure 2. Répartition du prix public selon les bénéficiaires et la catégorie de médicaments : en valeur F CFA (à gauche) et en structure (à droite). Exemple de
l’amoxicilline boîte de 12 gélules dosées à 500 mg.
Figure 2. Break-down of the retail prices by actor category and drug category: in value (left) and in percentage (right). Case of a box of 12 capsules of amoxicillin
500 mg.
taux de marge en vigueur, entraîne un médicaments dont le PGHT Sénégal est – ce mécanisme de formation des prix
doublement du prix du fabricant dans les inférieur au PGHT France ont un prix induit une relation de proportionnalité
deux filières de distribution et, génère des public plus élevé au Sénégal qu’en positive entre le niveau du PGHT (ou du
situations paradoxales dans la filière France ; prix d’achat) et la rémunération des distri-
privée : dans près d’un tiers des cas, les buteurs (publics et privés) : plus le prix
Classe Forme et dosage Nombre Prix Prix Écarts Nombre Nombre Valeur de Valeur
DCI de la filière publique de public publics entre prix d’unités d’unités vente de vente
produits unitaire unitaires publics vendues vendues dans les dans les
identiques officine F.S. F.S. et dans les dans les F.S. officines
en office officine F.S. officines (milliers (milliers
(× 1 000) (× 1 000) F CFA) F CFA)
1 Acide Acétylsalicylique 500Mg 7 16 8 – 51,9 % 42 774 10 226 320 804 159 457
Comp
2 Aluminium et Magnésium 3 31 15 – 52,0 % 4 247 3 832 63 709 119 820
(Sels) Comp
3 Amodiaquine 200Mg Sirop 7 114 68 – 40,8 % 427 429 28 846 48 872
4 Amoxicilline 250Mg Sirop 10 1472 525 – 64,3, % 93 75 48 825 110 743
4 Amoxicilline 500Mg Gélule 20 127 39 – 69,4 % 14 709 5 277 573 648 672 482
4 Ampicilline 1G aMP Inj 7 795 239 – 70,0 % 456 88 108 785 70 003
4 Benzathine Benzylpenivilline 5 860 173 – 79,9 % 199 70 34 260 60 116
1.2 Mui Amp Inj
4 Benzathine Benzylpenivilline 2 1381 270 – 80,4 % 133 52 35 905 71 391
2,4 Mui Amp Inj
4 Benzathine 1M Ui Amp Inj 5 496 128 74,3 % 10 31 1 245 15 605
3 Chloroquine 10Mg/MI Sirop 2 1148 450 – 60,8 % 321 271 144 481 310 792
3 Chloroquine 150 Mg Comp 5 20 11 – 46,0 % 34 102 16 527 375 125 336 730
2 Cimetidine 400 Mg Comp 1 428 36 – 91,6 % 648 75 23 324 32 242
4 Ciprofloxacine 250 Mg Comp 2 667 44 – 93,5 % 797 109 34 673 72 450
4 Cotrimoxazole 240 Mg Sirop 4 1769 540 – 69,5 179 193 96 405 341 783
4 Cotrimoxazole 480 MG Comp 4 86 12 – 86,1 % 31 117 1 988 373 400 171 177
5 Diazepam 10 Mg/2Ml Amp Inj 2 228 99 – 56,5 % 456 78 45 145 17 806
4 Doxycycline 100 Mg Gelule 8 391 15 – 96,2 % 244 215 3 654 83 976
4 Gentamicine 10Mg Amp Inj 2 541 155 – 71,5 % 1 10 203 5 489
4 Gentamicine 80Mg Amp Inj 3 1015 144 – 85,8 % 310 11 44 695 11 252
6 Metronidazole 250Mg Comp 3 121 8 – 93,8 % 5 867 1 066 44 004 128 619
6 Metronidazole 500 Mg Comp 2 133 42 – 68,4 % 1 039 1 025 43 651 136 155
6 Niclosamide 500 Mg Comp 1 420 24 – 94,3 % 8 0 199 180
6 Nystatine 100.000Ui Ovule 1 41 30 – 26,2 % 297 805 8 905 32 731
6 Nystatine 100.000Ui Ovule 1 41 30 – 26,2 % 297 805 8 905 32 731
4 Oxacilline 1G Inj 2 1835 327 – 82,2 % 90 14 29 528 26 032
1 Paracetamol 120 Mg/5MI Sirop 2 1020 450 – 55,9 % 237 239 106 847 243 720
1 Paracetamol 500 Mg Comp 9 54 6 – 88,9 % 29 648 6 093 177 890 328 285
6 praziquantel 600Mg Comp 1 2793 99 – 96,5 % 106 9 10 509 24 775
5 Pyridoxine 250Mg/5Ml Amp 1 170 99 – 41,8 % 163 139 16 102 23 630
Inl
3 Quinine 100Mg/1Ml Amp Inj 2 77 81 – 5,7 % 366 35 29 614 2 692
3 Quinine 200Mg/2Ml Amp 3 103 93 – 9,5 % 1 446 882 134 445 90 625
3 Quinine 400Mg/4Ml Amp 3 193 126 – 34,6 % 5 440 2 529 685 433 487 155
3 Sulfadoxine pyrimétamine 3 1242 870 – 30,0 % 61 139 53 073 172 358
420Mg Inj
3 Sulfadoxine pyrimétamine525 2 188 84 – 55,4 % 76 2 078 6 367 391 168
Mg Comp
4 Tétracycline 250 Mg Gélule 3 59 10 – 83,4 % 9 611 804 93 704 47 182
6 Thiabendazole 500 Mg Comp 2 281 44 84,5 % 13 35 583 9 933
5 Thiamine 250 Mg Comp 1 40 15 – 62,4 % 11 139 158 5 546
Totaux 141 185 99 56 394 3 804 048 4 895 700
Moyennes pondérés 87 20 – 76,4 %
Médianes 228 81 – 69,4 %
F.S. signifie points de vente des formations sanitaires publiques et officine signifie pharmacies privées.
Classes Classes Nombre Prix Prix Écarts Nombre Nombre Valeur de Valeur
de public publics entre prix d’unités d’unités vente aux totale de
produits unitaire unitaires publics vendues vendues prix des vente aux
officine F.S. F.S. et dans les dans les officines prix des F.S.
officine (%) officines F.S. milliers (milliers
(× 1 000) (× 1 000) (F CFA) F CFA)
Antibactériens 4 77 197 26 – 87,0 % 8 938 57 948 13 168 356 1 707 039
Autres 6 11 97 15 – 84,3 % 3 746 7 628 1 108 643 174 092
Anti-infectieux
Antipyrétiques– 1 18 44 8 – 81,1 % 16 558 72 660 3 941 264 743 534
Antalgiques
Antipaludiques 2 27 80 35 – 57 % 22 889 42 239 5 236 570 2 247 142
Antiacides 3 4 39 18 – 54,3 % 3 907 4 895 342 585 156 496
Autres 5 4 132 98 – 26,0 % 356 629 129 958 96 172
médicaments
Ensemble (total 141 87 20 – 76,4 % 56 394 185 999 23 927 377 5 124 477
ou moyenne
pondérée)
- 85%
- 70%
- 55%
- 40%
- 25%
- 10%
5%
20%
35%
60% et +