Le Christianisme Et Mariage Traditionne en Afrique-1-1-1

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UNIVERSITE CATHOLIQUE DU CONGO

FACULTE DE DROIT ET DES SCIENCES


POLITIQUES

COURS DE CHRISTIANISME ET MARIAGE


TRADITIONNEL EN AFRIQUE
(Prof. : Donatien NSHOLE BABULA)

ANNEE ACADEMIQUE 2010-2011


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Introduction

Dans le christianisme, le mariage est considéré comme l’un de sept sacrements. Les
sacrements sont les signes visibles de la grâce de Dieu, ce sont les signes qui contiennent sa
grâce. Il a la particularité d’être le sacrement ayant pour signe une réalité naturelle toujours et
déjà vécu dans un contexte culturel. La sacramentalité du mariage chrétien n’est donc pas
quelque chose qui viendrait de l’extérieur s’ajouter à la réalité naturelle. C’est plutôt cette
dernière, dans sa configuration culturelle qui s’élève à la dignité du sacrement en déployant
dans le Christ et l’Eglise comme un signe vivant de l’amour de Dieu pour les hommes.
Dans le contexte de l’inculturation des sacrements, il revient à la théologie africaine de
dégager non seulement la particularité africaine du mariage à l’économie du salut, mais aussi
les conditions de son déploiement sacramentel.
Ce cours vise à enseigner aux étudiants le contenu théologique de la sacramentalité du
mariage dans le christianisme, donner quelques orientations relatives à l’élévation du mariage
traditionnel africain à la dignité sacramentelle.
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CHAPITRE I : LE SENS CHRETIEN DU MARIAGE

I. Données bibliques
I. 1. Dieu, créateur du premier couple conjugal

L’existence du dessein originel de Dieu sur le mariage est mise en lumière par le Christ quand
il renvoie au « principe », c’est-à-dire au commencement pour répondre à la demande des
pharisiens sur le divorce : « N’avez-vous pas lu que le Créateur, au commencement les fit
mâle et femelle et qu’il a dit : c’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et
s’attachera à sa femme et les deux ne feront qu’une seule chair » (Mt 19, 4-5). Jésus cite deux
versets du livre de la Genèse pour indiquer comment le mariage était au commencement :
(Gn. 1, 26-28; Gn. 2, 24).
Le fait que Jésus renvoie ses interlocuteurs au commencement veut dire que malgré leur
décision de se marier, le mariage n’a pas pour origine les époux, mais le Créateur lui-même.
Et pour la foi chrétienne, c’est Dieu qui unit les mariés.
Que Dieu soit l’auteur du mariage, cela nous est révélé aussi dans le livre de TOBIT,
concrètement dans la prière de sa fille dans la chambre nuptiale : « Béni sois-tu, Dieu de nos
pères ! Beni soit ton nom dans toutes les générations à venir ! Que te bénissent les cieux et
toute ta création dans tous les siècles ! C’est toi qui as fait Adam, c’est toi qui as fait pour lui
une aide et un soutien, sa femme Eve, et de tous deux est née la race des hommes. C’est toi
qui as dit : Il n’est pas bon que l’homme soit seul, faisons-lui une aide semblable à lui.» Cette
prière de demande de bénédiction est une expression de foi en Dieu comme source de l’amour
et l’auteur du mariage.

I. 2. Le mariage, Révélateur de l’alliance entre Dieu et les hommes


A la suite de la Gn qui nous présente le mariage comme une réalité créée ou sortie des mains
de Dieu, la littérature prophétique nous présente une autre considération du mariage comme le
reflet et le symbole de l’amour de Dieu pour les hommes. Réalité terrestre, le mariage est
ainsi révélé comme : « le mystère du salut », c’est-à-dire les prophètes se sont donc servi de
l’expérience humaine de l’amour conjugal pour exprimer la vérité profonde de la divine
alliance. La vie du mariage et tout ce qu’il comporte ses hauts et ses bas, est le miroir à travers
lequel les prophètes voient l’alliance de Dieu avec son peuple.
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Osée est le premier prophète qui s’est servi de son expérience matrimoniale pour révéler la
fidélité de Dieu dans son alliance avec les hommes. Il est donc parti de ses propres
expériences dont il se sert comme un geste prophétique. (Fondement de l’indissolubilité du
mariage). L’expérience d’Osée comporte deux moments capitaux :
- Osée reçoit l’ordre de Yawhé d’épouser Gommer, une prostituée israélite initiée aux
rites de la fécondité des religions cananéennes de Bâal. De cette union, naîtront trois
enfants dont les noms indiquent les malédictions qu’ils portent du culte de Bâal. Cela
signifie qu’Israël est pour Yawhé une épouse débauchée dont les enfants se
débauchent dans la pratique de l’idolâtrie (Os. 1,1-9).
- Ensuite, Gommer abandonne son mari Osée pour rentrer à la prostitution, révélant
ainsi l’infidélité d’Israël qui a trahi l’alliance avec Yawhé (Os. 2, 4-5). Malgré la loi
du Deutéronome, qui interdit à la femme divorcée remariée à retourner chez son
premier mari, (Dt 24, 1), Osée reçoit l’ordre de Yawhé de recevoir Gommer chez lui et
de rétablir la vie commune. Osée obéit, il rachète Gommer et la soumet à une
abstinence purifiante en signe de ce que Dieu veut faire de son peuple (Os. 3…).
Aimer sa femme malgré son état d’adultère, est pour Osée un signe prophétique, un message
venant de Yawhé, un message qu’il n’a pas à communiquer verbalement, mais qu’il doit
incarner dans sa vie conjugale.
Le thème inauguré par Osée, sera repris par quelques prophètes ultérieurs :
- JEREMIE : Il revient plusieurs fois à ce symbolisme conjugal avant même qu’il ne
parle du péché d’Israël. Il exprime en terme de fiançailles le temps où Israël était tout
à son Dieu : « Je te rappelle ton attachement, du temps de ta jeunesse, ton amour de
jeune marée ; tu me suivais au désert, dans une terre inculte » (Jr. 2, 2). Ensuite, le
prophète dénonce l’infidélité d’Israël avec des termes empruntés à la vie conjugale. Il
se sert de l’image d’adultère pour stigmatiser les adorations de Bâal et d’autres dieux
étrangers voisins d’Israël (Jr. 2, 20-25)
- EZCHIEL : Il reprend les mêmes termes surtout aux chapitres 16 et 23 en deux
allégories.
- ISAIE : Il reprend aux mêmes symbolismes de la réalité matrimoniale pour rappeler le
peuple de Dieu à la fidélité de l’alliance avec Yawhé qu’il a trahi (Is. 54, 6-8).
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I. 3. Le mariage, Figure des noces célestes

Si dans l’Ancien Testament la réalité terrestre du mariage constituait un symbole prophétique


de l’alliance entre Yawhé et le peuple qu’il s’est choisi, le Nouveau Testament élève ce
symbolisme en l’adoptant au Christ et à l’humanité rachetée. Le mariage est appliqué ici afin
de comprendre ce que la glorification céleste définitive où le Christ, unis aux chrétiens célèbre
les noces éternelles avec Dieu. Toutes les paraboles qui comparent le royaume de cieux à une
noce humaine en sont un témoignage éloquent : (Mt. 22, 2-14 ; 25, 1-12 ; Mc. 2, 19 ; Lc. 14,
8…).

I. 5. Eglise de la terre épouse du Christ

Le Nouveau Testament reprend aussi le symbolisme de l’Ancien Testament en l’appliquant au


Christ et à l’Eglise terrestre. Saint Paul est l’auteur qui a plus explicitement exploité le
parallélisme entre le mariage humain et l’union du Christ avec l’Eglise. Cette théologie
paulinienne se trouve exposée dans Eph.5, 21-33). De ce texte paulinien, se dégage deux idées
fondamentales :
- Paul compare le mariage à la relation qui unit le Christ à son Eglise,
- En plus, Paul part de cette relation de l’alliance pour donner un avis qui concerne
directement la vie conjugale : « Mari, aimez vos femmes comme le Christ a aimé
l’Eglise.»

I. 5. Le Cantique des cantiques

Il nous révèle aussi une dimension essentielle de l’amour conjugal. L’amour qui y est chantée
est en fait le visage authentique de l’amour conjugale qui n’est pas possession, ni fusion, mais
plus une quête de l’autre, un face en face qui permet de l’admirer, un dialogue qui exprime un
désir mutuel, une communion où chacun reste pleinement soi-même différent de l’autre.

II. La sacramentalité du mariage dans la tradition de l’Eglise

Chez les Pères de l’Eglise et les écrivains ecclésiastiques du I er siècle, on ne trouve pas une
élaboration théologique systématique sur le mariage entant que sept sacrements. Le terme
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même sacrement n’avait pas encore sa connotation actuelle liée aux sept sacrements. C’est
ème
seulement le XII siècle que la notion du sacrement étant précisée, le mariage devient
l’objet de quelques élaborations théologiques. Il est question dans cette section de voir
l’évolution de la prise de conscience de la sacramentalité du mariage à travers l’histoire de
l’Eglise.

II. 1. Le mariage à la vigilance des chefs ecclésiastiques

L’épître à DIOGNETE nous renseigne qu’au III premier siècle de l’Eglise, les chrétiens
n’avaient pas une forme particulière du mariage. Ils se mariaient comme tout le monde,
suivant les rituels ou les pratiques coutumières de l’époque. Considérant comme acquise la
pratique qui soumettait les chrétiens à la législation, l’Eglise renvoyait aussi les affaires du
mariage devant un tribunal civil. Cependant, à la même époque, il y a aussi le témoignage qui
révèle que l’Eglise ne considérait pas le mariage comme une réalité totalement profane. Bien
au contraire, pour les raisons pastorales, les chefs ecclésiastiques le soumettaient à leur
vigilance et y intervenaient avec les normes ecclésiastiques.
ème
Au début du II siècle, saint IGNACE D’Antioche, dans sa lettre à POLYCARPE de
SMYRNE, recommande à ceux qui veulent se marier de le faire avec l’avis de l’Evêque afin
que leur mariage se fasse dans le Seigneur et non selon les passions. Une des préoccupations
de l’époque sur le mariage était que les chrétiens s’épousent entre eux pour garantir la vie
matrimoniale selon la foi chrétienne.
ème
Au III siècle, TERTULLIEN réagira énergiquement contre les mariages mixtes, malgré
leur légitimation par le droit romain. Selon lui, le fidèle qui se mariera au païen, devrait être
exclu donc aux chrétiens de se marier avec même les gens de rang social inférieurs comme les
esclaves.
Le Clergé est intervenu aussi contre les cérémonies païennes qui entouraient les festivités
er
matrimoniales. Toutes ces interventions pastorales témoignent cependant dans l’Eglise du I
siècle une prise de conscience du fait que pour les chrétiens, en vertu de leur consécration
baptismale, le mariage a un statut particulier qui le distingue de mariage de non croyants.
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II. 2. La Gestation d’une liturgie au tour du mariage

En plus des interventions normatives de l’Eglise sur le mariage, on peut signaler aussi la
pratique de la bénédiction de nouveaux époux par le prêtre comme une preuve de prise de
ème
conscience du caractère particulièrement sacré du mariage des chrétiens. Au IV siècle, les
circonstances politiques favorisaient que le mariage des chrétiens soit sous la protection
juridique de l’Eglise. La bénédiction nuptiale a commencé à s’étendre un peu partout. Les
prêtres assistaient de plus en plus aux festivités nuptiales. Ils insistaient sur le caractère sacré
de ces mariages et empêchaient les fidèles de suivre les mœurs païens de leur milieu.
ème
Sous PEPIN le BREF au VIII siècles, trois désordres combattus par l’Eglise à savoir :
l’inceste, le mariage mixte et le rapt ont conduit celle-ci à légiférer sur le mariage. Une
enquête ecclésiastique était désormais exigée avant le mariage pour s’assurer qu’il ne
s’agissait pas d’un mariage entre consanguins ni d’un mariage mixte ni d’un rapt. Cette
obligation d’enquête est le premier symptôme des efforts de la hiérarchie pour soumettre le
mariage des fidèles au contrôle ecclésiastique et faire entrer la forme juridique dans ses
attributions. Malgré cette tentative, la bénédiction nuptiale n’était pas obligatoire : seul le
consentement mutuel suffisait pour l’unité du mariage.

II. 3. La conscience de la sacramentalité du mariage chez les Pères de


l’Eglise

ème
S’il a fallu attendre le XXII siècle pour avoir une doctrine systématique du mariage
comme l’un de sept sacrements, la sainteté du mariage entant que réalité créée par Dieu,
rénovée par le Christ est affirmée par les Pères de l’Eglise dès le I er siècle :
- CLEMENT D’ALEXANDRIE est le premier Père de l’Eglise à proclamer la sainteté
du mariage chrétien. Il considère l’union entre les époux chrétiens comme quelque
chose de trop élevé, de saint au sens strict car le Christ, au duquel ils sont réunis y est
vraiment présent.
- Saint AUGUSTIN met en évidence la sainteté du mariage entant qu’un fait
spécifiquement chrétien en le désignant par le terme « sacramentum » qui veut dire
mystère.
ème
Dans la deuxième moitié du XI siècle, le concept augustinien sacramentum, influença la
théologie scolastique qui s’en servira pour défendre la vie conjugale contre les hérétiques qui
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considéraient le mariage comme un mal radical (manichéens, cathares et les Albigeois). Par
ème
la suite, au début du XII siècle, on approfondira la question de la sacramentalité du
mariage en rattachant le sacramentum au mariage lui-même comme symbole sacré de l’union
du Christ et de l’Eglise.
Pour que le mariage soit un sacrement, peu importe qu’il soit contracté par les bons ou les
mauvais, cependant, seuls les bons ne pourront obtenir seuls la grâce du salut à travers leur
mariage. Bien que la majorité d’auteurs fut d’accord sur le fait que le mariage chrétien est un
sacrement, signe de l’amour du Christ pour l’Eglise, les avis furent cependant partagés sur le
moment à partir duquel le mariage devient le signe de l’union du Christ avec l’Eglise.
Pour ANSELME de LAON, c’est à la consommation du mariage : à l’acte conjugal (une seule
chair) que se situe le sacramentum. Tandis qu’ ABELARD situe la sacramentalité du mariage
au niveau du consentement. Ce débat a aussi opposé deux grandes écoles : celle de Paris et
celle de Bologne.
Pour l’école de Paris, le sacramentum est à situer au niveau de l’échange du consentement ;
tandis que pour l’école de Bologne, c’est au niveau de la chair qu’il faut situer le sacrement.
Le Pape ALEXANDRE III tranchera le débat en affirmant : « le consentement seul est
reconnu comme l’élément générateur du lien, tandis que c’est l’acte charnel qui rend complet
ce lien conjugal.»

II. 4. La sacramentalité du mariage dans le Magistère de l’Eglise

C’est à 1184 que pour la première fois, le Magistère ecclésiale a affirmé au Synode de
VERONNE que le mariage était un sacrement au sens strict. En 1439 au concile de
FLORENCE précisément dans le décret pour les ARMENIENS, on assistera à la première
définition dogmatique du sacrement de mariage. Le concile affirme que le mariage qui unit les
chrétiens est un signe de l’union du Christ à l’Eglise ; et le sacrement du mariage a pour
valeur : les enfants, la fidélité et l’indissolubilité.
ème
Au XVI siècle, la Réforme s’opposa rigoureusement à la doctrine catholique de la
sacramentalité du mariage. LUTHER ne voit dans le mariage qu’une institution purement
naturelle, un besoin physique, une nécessité de la nature qui ne peut donc pas être élevé à la
dignité d’un sacrement. Le concile de TRENTE réagira contre le point de vue protestant en
affirmant dès son premier canon que le mariage est un sacrement dans le sens propre et
véritable de mot car il est institué par e Christ et confère la grâce qu’il signifie. Depuis le
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concile de Trente, la doctrine catholique de la sacramentalité du mariage est resté constante :


« le mariage est un sacrement indissoluble dont la validité requiert la forme canonique. »
Après ce parcours historique qui a conduit à la prise de conscience de la sacramentalité du
mariage, voyons maintenant le contenu doctrinal à cette foi à la sacramentalité du mariage.

III. Le contenu doctrinal de la sacramentalité du mariage

III. 1. La sacramentalité du mariage dans l’ordre de la création

Les données bibliques nous ont aidé à comprendre comment dès l’origine, la réciprocité de
l’homme et de la femme à l’intérieur de la relation conjugale a été choisie par le Créateur
comme image de l’amour de Dieu à l’humanité qu’il a appelé à l’existence.
Il n’existe donc pas un mariage naturel authentique qui soit indépendant de Dieu et de sa
volonté car tout mariage en tant que réalité purement humaine a pour auteur Dieu. Autrement
dit, c’est dès le niveau de la création que la mariage est une réalité sacrée non profane, car non
seulement il a son origine en Dieu, mais aussi parce qu’en lui se manifeste d’une façon
privilégiée que l’homme est image de Dieu comme être relationnel. Ainsi donc, dans leur
relation réciproque, l’homme et la femme, dès la création rendent visible l’amour de Dieu
pour l’humanité.

III. 2. La plénitude de la sacramentalité du mariage pour les baptisés

Les considérations précédentes sur la dynamique nuptiale de l’alliance entre Dieu et les
hommes accomplie en Jésus Christ nous aident déjà à comprendre la relation qui peut y avoir
entre le mariage et le baptême dans ce sens que ce dernier tire son origine et son efficacité
sacramentelles de l’amour sponsal du Christ époux pour l’Eglise son épouse. Disons que
d’une part, l’alliance par laquelle le Christ épouse l’humanité s’accomplit et se perpétue pour
chaque individu par le baptême, le mariage trouve dans sa relation avec le baptême la
signification qui le spécifie comme sacrement de la nouvelle alliance.
Fidèle à la tradition théologique, le Pape JEAN PAUL II explique la plénitude de la
sacramentalité du mariage à partir de l’insertion des époux dans l’alliance sponsale du Christ
et de l’Eglise par le baptême. Insérés dans le mystère de l’alliance du Christ et de l’Eglise, les
époux chrétiens voient leur union assumée dans la dynamique sponsale de Jésus Christ. Le
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baptême introduit qui le reçoit dans la communion de Jésus Christ en le faisant participer non
seulement à sa mort et à sa nouvelle vie, mais aussi à sa mission salvifique (La sacramentalité
des époux réside au fait de leur participation à l’amour du Christ manifesté).
Pour les mariés, cette appartenance au corps du Christ est une appartenance entant que couple
déjà sacramentel par nature. Le baptême que chacun des conjoints a reçu séparément, étend
son efficacité sur la communauté conjugale qu’ils créent avec leur consentement matrimonial
et la perfectionnent en la faisant devenir aussi l’image visible du mystère auquel ils
participent. La grâce et le caractère imprimé par le baptême fait de celui qui le reçoit une
créature nouvelle.
Cela étant, quand deux baptisés se marient, ils s’unissent comme deux membres vivants de ce
corps et ne peuvent agir autrement que de s’épouse comme créature nouvelle. Leur union
étant voulue par le Christ, ne peut donc que bénéficier de la grâce provenant de celui dont ils
sont signe vivant. En d’autres termes, deux chrétiens qui s’unissent dans le mariage ne sont
donc pas deux étrangers qui vivent une expérience affective, fut-elle intense, mais ils sont
plutôt deux « christi fidèles » que le seigneur appelle à être témoin de son amour sponsal dans
l’Eglise.
La plénitude sacramentelle que le mariage acquiert de par l’incorporation au Christ des époux,
ne lui octroie pas une nouvelle nature. La grâce de l’union du Christ avec l’Eglise n’accomplit
pas quelque chose qui serait étranger au mariage même, elle consent plutôt aux époux de
réaliser pleinement ce qui est déjà le mariage. La grâce sanctifiante que les époux avaient
reçue au baptême est reprise, accrue et spécifiée dans la grâce sacramentelle qui leur consent
de progresser chaque jour dans leur communion d’amour selon le modèle de l’union du Christ
avec l’Eglise.

IV. Les caractéristiques essentielles du mariage sacrement

Le nouveau statut des conjoints baptisés imprime à leur communauté conjugale sacrée les
caractéristiques essentielles en référence à leur statut baptismal à savoir : la fidélité et l’unité
indissoluble. Pour mieux faire percevoir la spécificité de cette caractéristique, il convient de
les présenter dans leur continuité et discontinuité par rapport aux propriétés humaines du
mariage dans le registre de la création.
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IV. 1. La fidélité conjugale à la lumière de l’amour du Christ

IV. 1. 1. La dynamique humaine de la fidélité conjugale

La fidélité conjugale caractérise le mariage entant qu’une réalité humaine en dehors de tout
discours chrétien. Elle est avant tout liée au mystère de l’épanouissement de la personne
humaine. Du point de vue phénoménologique, on peut proposer trois types de fidélité :
- la fidélité peut être vécue par principe ou devoir moral par rapport à son
engagement passé : on a promis un jour, ce serait manque de respect en soi-même
que d’agir ainsi. Se marier, selon un adage populaire, c’est « se mettre la corde au
coup ».
- la fidélité peut être vécue par habitude : on a fini par se connaître, chacun est
certain qu’il n’y a plus rien à découvrir chez l’autre, rien attendre chez l’autre. Les
contraintes imposées n’ont pas été assumées. On a réussit à s’accommoder des
habitudes de l’autre, de ses goûts, de ses caprices ; la vie n’a plus d’imprévus, les
menus sont connus d’avance et chacun sait qu’en rentrant à la maison, il trouvera le
meuble à sa place… L’amour a été peut être de la partie, autrefois, il n’y est plus. On
reste cependant ensemble sans se poser des questions, sans plus rien attendre. On
n’évite l’adultère par crainte de conquête. Bref, on reste fidèle par habitude.
- La fidélité peut être la décision libre de l’amour : le principe de l’engagement passé
où l’habitude est raffermi et réaffirmé par une décision libre au fil des jours.

IV. 1. 2. La fidélité conjugale dans le mariage sacrement

Les conjoints chrétiens n’ont pas à trouver les raisons de leur fidélité seulement au respect
de l’engagement passé ni dans les habitudes ni même dans les décisions humaines, mais
plutôt dans leur appartenance au tours du Christ par le baptême, car la fidélité chrétienne
dans le mariage n’est pas seulement celle qui unit les époux entre eux, mais aussi leur
fidélité réciproque envers le seigneur qui est la source de leur sanctification. En d’autres
termes, c’est la fidélité au Christ qui justifie la fidélité au conjoint.
La fidélité au Christ balaye toutes les raisons humaines qui pousseraient à l’infidélité.
L’époux ou l’épouse chrétien s’engage à rester fidèle non pas d’abord par fidélité à la
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parole donnée ni par habitude ni non plus par libre décision, mais d’abord à cause de sa
fidélité au Christ.

IV. 2. L’unité indissoluble du mariage sacrement à la lumière du Christ


dans l’Eglise

IV. 2. 1. L’unité de l’indissolubilité valeur humaine du mariage

Le mariage tel que sorti des mains de Dieu est une communauté d’amour. En tant que tel,
humainement parlant, il ne peut que se vouloir définitif. Un amour qui ne se veut pas
définitif, est un amour menteur. Celui qui ne se donne que pour un temps, qui se réserve,
ne se donne pas véritablement. Le mariage engage pour toute la vie parce qu’il engage
toute la vie.
En outre, le mariage tel que sorti des mains de Dieu est monogamique, c’est-à-dire il unit
un homme à une femme. Le Créateur n’a pas dit trois ou plusieurs, mais les deux. Il n’a
pas dit non plus qu’un homme s’attachera à plusieurs femmes, mais à sa femme.

IV. 2. 2. L’unité de l’indissolubilité du mariage sacrement

Alors que sur le plan humain et coutumier, l’unité et l’indissolubilité du mariage est
intentionnelle, dans le mariage sacrement, elle revêt un caractère absolu. Pour les conjoints
chrétiens, leur insertion dans le mystère baptismal rend absolu les propriétés de
l’indissolubilité et de l’unité du mariage.
En effet, étant donné que par le baptême, le croyant devenu membres du peuple ou de la
nouvelle alliance est radicalement consacré au Christ dans toute sa corporéité, son esprit et
dans son âme, seul ce dernier peut le donner à un autre de sorte qu’ils s’appartiennent
réellement et parfaitement. L’acte par lequel les époux chrétiens se donnent et reçoivent
mutuellement étant assumé par le christ, le lien matrimonial qui en découle ne dépend plus de
leur volonté mais celle du Christ. Cette volonté, le Christ l’a clairement exprimée en
renvoyant les pharisiens qui lui posaient la question de savoir s’il est permis de répudier sa
femme à l’intention du Créateur dès l’origine. De ce qui précède, il ressort que chez les
chrétiens, l’unité et l’indissolubilité conjugale s’accomplissent dans le symbolisme
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sacramentel de mariage qui est l’union du Christ et de l’Eglise dans laquelle participent les
conjoints chrétiens.
En effet, l’alliance entre le Christ et l’Eglise dont la mariage chrétien est le sacrement,
alliance accomplie sur la Croix est une et définitive, elle ne peut donc être représentée que
dans un mariage où par fidélité au Christ, l’homme et la femme s’engage à vivre malgré le
haut et le bas, de façon définitive leur unité conjugale. A ces caractéristiques essentielles du
mariage sacrement, s’opposent la polygamie et le divorce. En d’autres termes, le divorce et la
polygamie n’ont pas de place dans un mariage sacrement.

CHAPITRE II : LE MARIAGE TRADITIONNEL AFRICAIN

La sacramentalité du mariage chrétien avons-nous dit, n’est pas quelque chose qui viendrait
de l’extérieur s’ajouter à la réalité naturelle, c’est plutôt la réalité naturelle, c’est plutôt la
réalité concrète du mariage qui s’élève à la dignité sacramentelle quand il est vécu dans le
Christ et dans l’Eglise. Et il n’y a pas un modèle unique du mariage. Crée par Dieu, la réalité
matrimoniale prend les formes diverses selon les coutumes : chaque peuple a sa façon de se
marier.
Jésus Christ, en accomplissant la conclusion de l’alliance entre Dieu et les hommes par sa
passion et sa résurrection, n’a pas proposé un nouveau type de mariage qui serait le type. Il a
plutôt renvoyé ses auditeurs au projet originaire du mariage, projet qui se manifeste
diversement selon les cultures. Ceci dit, chaque type de mariage, digne de ce nom est
susceptible d’apporter quelque chose dans l’intelligence de l’amour de Dieu pour les
hommes.
Les africains ont aussi leur façon de se marier dont la théologie africaine doit en tenir compte
pour la richesse de la théologie universelle. Le mariage en Afrique est principalement
caractérisé par le fait qu’il est une alliance communautaire, dynamique, sacrée et féconde.

I. Le mariage, une alliance communautaire

La première chose qui frappe quiconque qui approche la réalité matrimoniale en Afrique,
c’est le fait que dans sa constitution, elle n’engage pas que les deux conjoints, elle est plutôt
l’alliance de deux familles composées de quatre clans. Du choix du conjoint à la célébration
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du mariage, il n’y a aucun moment significatif où le candidat au mariage se retrouve seul :


chacun, époux ou épouse, est entouré par les membres de sa famille.
L’échange officiel de consentement est généralement fait par le porte parole de la famille. Les
intéressés assistent à la cérémonie, généralement sans dire mot. Ce sont les deux familles qui
s’engagent par le biais de l’amour des époux.
La dot qui est l’élément qui conditionne et détermine presque toujours la conclusion du
mariage, n’est pas l’affaire de l’époux seul, c’est toute la famille du mari qui la rassemble et la
donne au nom de leur fils. Et ce n’est pas la jeune fille qui reçoit la dot, elle est partagée à
toute la famille.
Il ne s’agit pas ici de l’impact que tout mariage a sur les relations socio-familiales sur les
conjoints, car tout mariage, même en occident est essentiellement un remaniement de la
structure sociale dans la mesure où il change tout un ensemble des dispositions sociales
impliquant les personnes dans un ordre institutionnel. Dans le mariage africain, il y a plus que
cela car c’est dans la constitution même du mariage qu’il se révèle une alliance
communautaire au point qu’un mariage où le consentement n’est échangé qu’entre les deux
prétendants, en dehors de toute dynamique familiale, n’est pas reconnu en Afrique.
Il arrive qu’il ait incompréhension ou conflit qui entraîne une opposition d’un ou plusieurs
membres de la famille à un mariage quelconque. Généralement, on fini par s’asseoir et à
résoudre le conflit. Dans le cas rare où la réconciliation n’est pas possible, il y a toujours une
dynamique familiale qui supplée. Souvent, le mariage conclut dans un climat de conflit
connaît beaucoup de problèmes bien que souvent psychologique.
Cette dynamique communautaire, familiale du mariage dans sa constitution et dans son vécu
est une conséquence de la vision du monde bantou où la personne humaine n’est pas un atome
isolé sans lien constitutif avec d’autres personnes. L’homme est essentiellement membre et
non un morceau. Il se définit comme membre de tel ou tel lignage ou clan et il exerce ses
relations de solidarité et de fraternité propre à ceux qui se savent appartenir à une même
ascendance.
Cette vision de la personne humaine se comprend d’autant plus que, dans la tradition
africaine : la communauté est le nœud de relation et des échanges vitaux entre les ancêtres et
leurs descendants, la rencontre du monde visible et invisible. La communauté familiale
impliquée dans le mariage en Afrique ne comprend pas seulement les vivants, mais inclut
aussi les morts qui sont consultés et honorés dans la constitution du mariage.
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II. Le mariage, une alliance dynamique

En Afrique, le mariage n’est pas un contrat une fois pour toute. C’est tout un cheminement, un
processus dynamique qui se déroule étape par étape. Dans les détails, ces étapes varient d’une
tribu à une autre. De manière générale, il y a d’abord :
- les étapes de démarche préliminaire par le prétendant lui-même ou ses parents pour
fixer le choix de la fille à épouser selon le critère conventionnel. Généralement, cette
étape se déroule sans publicité, mais avec la discrétion nécessaire, efficacité pour
mieux connaître la fille à épouser.
- Une fois l’accord obtenu au cours de l’enquête, commence alors l’étape de la demande
officielle du mariage. C’est l’étape où le consentement du jeune homme est exprimé
par sa famille. La famille de la fille demande généralement un temps essentiel pout lui
permettre aussi de faire l’enquête. Dans le cas où le résultat de ces enquêtes s’avèrent
positifs, un autre rendez-vous sera pris pour que la famille de la fille dise aussi son
consentement. Dans certaine tribu, on prévoit une sorte de noviciat dans la famille de
l’époux ou de l’épouse pour trouver en celle-ci ou en celui-là de quoi ils sont capables
comme époux ou épouse.
- Vient enfin l’étape de la conclusion du mariage dont l’élément clé à savoir la dot qui
peut être étendu dans le temps ou l’espace. A chaque étape correspond un statut
spécial acquis par les deux parties ainsi que des droits et devoirs particuliers.
A l’acceptation officielle du mariage qui se célèbre avec le vin communément appelé « kanga
lopango » ou « fermeture de la parcelle », les deux protagonistes acquièrent déjà le statut
d’époux et d’épouse. L’infidélité à ce niveau est donc considérée comme adultère et est punie
comme telle. Malheureusement, l’influence des langues occidentales a amenés les africains à
parler de fiançailles là où la tradition parlait d’un premier degré du mariage.

III. Le mariage, une alliance féconde

Une autre caractéristique du mariage en Afrique, c’est la prévalence de la fécondité sur la


conjugalité. Ceux qui s’engagent au mariage, le font avant tout pour s’immortaliser et assurer
la continuité du clan par la procréation : l’africain est convaincu : « Quitter ce monde sans
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laisser une prospérité est le pire malheur, la pire malédiction dont les conséquences
rebondissent dans la vie de l’au de là. Mourir sans prospérité, c’est mourir totalement. »1
En effet, la fécondité biologique est d’une importance telle que tout le discours fait au tour du
mariage, le mentionne comme l’objectif principal du mariage. Dans chaque tribu, il y a soit
des pratiques soit des expressions qui soulignent cette prévalence de la fécondité.
Dans la même perspective, monseigneur LAMBERT SARAH, a rappelé dans son intervention
su synode des évêques à 1980 : « Un des principes de la sagesse africaine : l’homme n’est rien
sans la femme, la femme non plus sans l’homme et les deux ne sont rien sans l’enfant. Ainsi,
la valeur de l’être vivant réside dans la capacité de multiplier la vie, de la rendre immortelle
par la procréation d’autres vies. Une vie n’a de valeur que lorsqu’elle est donnée et reproduite
en d’autres vies… » Dans la vie courante, une femme stérile est la risée de son entourage, le
mari d’une telle femme subi vite la pression de sa famille pour prendre une deuxième femme
qui donnerait une descendance au clan.
L’aspect père-mère prévaut en fait sur l’aspect époux-épouse. Contrairement à la femme
occidentale qui se présente comme madame x, la femme africaine se présente spontanément
comme la mère de x. A ce propos, le professeur MULAGO écrit : « La femme et le mari ne
sont vraiment époux et épouse que le jour où ils ont mis au monde leur premier enfant. »

IV. Le mariage, une alliance sacrée

Le mariage en Afrique est aussi une réalité sacrée ou mieux religieuse dans la mesure où elle
se constitue avec la participation et l’intervention des ancêtres divinisés de deux familles, les
esprits et les génies qui sont les intermédiaires entre dieu et les hommes. Dans la majorité de
tribut, on recourt aux devins pour reconnaître la volonté des ancêtres sur un projet d’union
conjugale et demander leur bénédiction.
Le chef de famille ne poursuivra pas le pour parler si les ancêtres, consultés par moyen d’un
sacrifice, n’ont pas donné une réponse favorable. Si une famille a du mal à trouver une femme
pour leur fils parce que refuser de femmes sollicitées, on recourt souvent aux ancêtres-génies
pour demander leur intervention. Lors de la prise de vin dans des célébrations matrimoniales,
on verse une partie de vin aux ancêtres qui participent aussi à l’événement. Il y en a qui, pour
obtenir une grande bénédiction des esprits choisissent les jours et les lieux où les esprits sont
plus disponibles. Et dans beaucoup de tribus, il y a des cérémonies qui évoquent la présence
des devins.
1
MPONGO L, Pour une anthropologie chrétienne du mariage au Congo, Kinshasa, CEP, 1968, p 54.
17

V. La polygamie, la réalité africaine du mariage

Le mariage africain est en quelque sorte caractérisé par la tolérance de la polygamie. Le terme
polygamie indique une pluralité d’union conjugale d’une seule personne avec plusieurs
conjoints. Si ces unions adviennent contemporairement, on parle de la « polygamie
simultanée ; si par contre la deuxième union advient après avoir répudié le conjoint précédent,
on parle de la polygamie successive.
Du point de vue thématique, la polygynie se divise en deux branches : la polygamie qui est
l’union d’un homme avec plusieurs femmes ; et la polyandrie qui est l’unio d’une femme avec
plusieurs hommes.
Dans toute l’Afrique subsaharienne, la polygamie est pratiquée comme système de mariage
reconnu socialement comme une manifestation de pouvoir et de prestige selon quelques
études faites à ce sujet, 34% de tribu dans cette partie du continent pratique la polygamie avec
une incidence de 23%. Dans beaucoup de pays africain, il y a des dispositions législatives qui
réglementent la polygamie :
- Au MALI, une loi inspirée du droit musulman admet la polygamie avec l’accord de la
femme jusqu’à quatre femmes en même temps, …… elles permettent aux
hommes de renoncer à la polygamie par un engagement monogamique dans le cadre
du contrat de mariage ou de cérémonie.
- EN GUINEE, la polygamie est supprimée par la loi du 04 avril 1962, en son article 3,
mais à la demande de l’homme, le ministre de l’intérieur peut autoriser la bigamie
pour le cas de force majeur.
- Au SENEGAL, l’article 133 du Code civil de la famille laisse la liberté à l’homme
d’opter entre la monogamie et la polygamie lors de la cérémonie du mariage devant
l’officier de l’état civil. L’homme ne peut cependant pas avoir plus de quatre femmes.
- Au CAMEROUN, l’article 49 de l’ordonnance du 29juin 1981, prévoit que la
polygamie est une forme possible du mariage.
Là où la polygamie est interdite par la loi, comme en CÔTE D4IVOIRE, on la rencontre tout
de même dans la vie courante.

V. 1. Les principales causes de la polygamie


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Les facteurs qui justifient la pratique de la polygamie peuvent être divisés en trois grandes
catégories :

V. 1. 1. Les facteurs biologiques

V. 1. 1. 1. La stérilité

L’une de principales causes de la polygamie est la stérilité attribuée à la première femme.


L’enfant occupant la place centrale dans la famille, un mari qui n’a pas d’enfant se sent
moralement obliger d’épouser une seconde femme pour avoir des enfants.

V.1. 1. 2. L’Allaitement

Un autre motif qui pousse certains hommes à la polygamie, surtout dans les milieux très
traditionnels, c’est la période de l’allaitement qui dure plus ou moins deux ans. A cette
période correspond l’interdiction à la femme d’avoir les rapports sexuels. Cette abstinence
commence à partir du septième mois de la grossesse jusqu’à la fin de l’allaitement. Dans cette
situation, le mari doit choisir entre l’abstinence, l’adultère et la polygamie.

V. 1. 1. 3.La concupiscence libidineuse

En parlant de l’allaitement prolongé, nous avons relevé le fait que l’impossibilité du mari à
observer une longue abstinence justifie certains cas de polygamie. A cela, il y a aussi le désir
de satisfaire le désir de l’instinct sexuel. Plusieurs personnes prennent une deuxième femme
seulement pour satisfaire le besoin libidineux ou l’instinct sexuel, surtout dans les milieux des
riches. Dans cette catégorie, on peut mentionner le cas du vieillissement de la femme, le
copinage qui finit par une grossesse.

V. 1. 2. Les facteurs socio-économiques


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Un bon pourcentage de polygamie est dû au facteur économique dont les plus importants sont
la productivité des femmes et la riche des hommes.

V. 1. 2. 1. La productivité

Dans une société essentiellement agricole, la main d’œuvre est le principal moyen de produire
pour la survie du clan qui ne dépend que des produits du travail manuel. D’habitude, dans les
villages africains, il existe une forme d’aide et une coopération villageoise. Celui qui a besoin
d’une main d’œuvre, invite le groupe d’aide comme volontaire. Ce travail n’est récompensé
que par l’offre du repas que l’on doit prendre ensemble à l’endroit du travail. Pour la plupart
des travaux, il y aune division entre les travaux réservés aux hommes et ceux destinés aux
femmes. Plus il y a main d’œuvre, plus on produit. Il y en a qui épouse une deuxième femme
simplement dans le but d’avoir une main d’œuvre permanent.

V. 1. 2. 2. La richesse des hommes

Un autre facteur qui favorise la polygamie en Afrique est la richesse des hommes. Ce facteur
est en connexion avec l’exigence de la dot. Pour plusieurs hommes il suffit d’avoir beaucoup
d’argent pour doter autant des femmes qu’on veut.

V. 1. 3. Les facteurs socio-culturels

La pratique de la polygamie s’explique aussi par un contexte socio-culturel africain qui a


certaines valeurs qui la favorisent. Il s’agit principalement de l’héritage des veuves, du
prestige et de la pression des autorités du clan.

V. 1. 3. 1. L’héritage des veuves

La pratique du lévirat qui exige au frère d’un homme trépassé de prendre son épouse, est aussi
un facteur de polygamie. Quelqu’un qui a déjà une femme et quand un frère meurt, dans ce
contexte de lévirat n’a pas un autre choix que la polygamie.
V. 1. 3. 2. Le prestige social
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Le polygame dans le village est un homme respecté et parfois même envié. Evidemment pour
épouser deux femmes, il faut avoir beaucoup d’argent pour la dot et l’entretien. Dans
beaucoup des tributs, pour le chef coutumier, avoir plusieurs femmes, est un allant de soi. La
tendance pour chacun d’eux est d’en avoir plus que quiconque de ses sujets afin de se
distinguer comme un homme le plus puissant.

V. 1. 3. 3. L’influence des autorités familiales

Un autre facteur qui justifie la polygamie en Afrique, c’est l’influence ou mieux la pression
psychologique des autorités familiales pour le choix de la première femme. C’est -à- dire
qu’un enfant peut subir le choix de ses parents sans en être convaincu par respect ou par peur,
il accepte la femme lui proposée, bien que son cœur n’y est pas ce qui fait que l’homme
finisse par chercher une deuxième femme qui correspondrait à ces critères du mariage ou de
son choix.

V. 2. Les implications de la polygamie dans la société traditionnelle


Africaine

La polygamie peut avoir les implications positives et négatives dans la société traditionnelle
africaine.

V. 2. 1. Stabilité et instabilité du mariage

Selon les circonstances, la polygamie est un facteur aussi bien de stabilité et d’instabilité du
mariage. Du point de vue social, la polygamie présente l’avantage de réduire sensiblement le
cas de divorce dans le contexte où la naissance de l’enfant conditionne le mariage. L’homme
peut ajouter une deuxième femme en évitant le divorce.
En même temps, il faut aussi connaître que la structure de la polygamie provoque pas mal des
discordes familiales en créant des conditions idéales de jalousie, car quelle que soit la bonne
volonté du mari d’être impartiel, il y a toujours une femme plus préférée que l’autre.
L’expérience montre que les relations entre les femmes polygames sont souvent tendues faites
21

d’accusations mutuelles et peuvent conduire jusqu’aux meurtres de la rivale. Dans la musique


congolaise, il y a pas mal de musiciens qui ont chanté cet aspect conflictuel de la polygamie.

V.2. 2. La valorisation et la dévalorisation de la femme

Dans certaines circonstances, la polygamie valorise la femme, tandis que dans les autres, elle
la dévalorise. Dans la société traditionnelle africaine, une femme non mariée ne se sent pas
pleinement femme. Une jeune femme mariée reçoit plus de considérations sociales qu’une
femme âgée non mariée. L’idéal pour la femme dans cette société est de trouver un homme
qui lui donnera la dignité d’être épouse et mère, fut-elle la deuxième épouse. La polygamie
réduit ainsi le nombre des femmes défavorisées, parce que non mariée.
La polygamie contribue aussi à la stabilité et à la valorisation de femme en l’empêchant d’être
exposée à la prostitution. En effet, une femme non mariée est exposée facilement à la
sollicitation de don juan et le risque de tomber dans la prostitution est très grand. Ainsi, par
ailleurs, est aussi vrai que la première femme est obligée de vivre avec les autres épouses.
Elle accepte une seconde femme comme un moindre mal. Tout comme certaines femmes
acceptent d’être n° des femmes tout simplement parce qu’elles ont perdu l’espoir de trouver
un homme qui les prendra comme première épouse. Les enquêtes révèlent que selon les
opinions courantes, l’amour est indivisible et que la femme se sent humiliée voire dévalorisée
par l’amour polygame.

V. 2. 3. La polygamie, solutions et provocations des tensions familiales

La polygamie en certaines circonstances peut être la solution aux conflits familiaux, tout
comme elle peut les provoquer en d’autres circonstances. Dans le cas où le choix fait par les
parents du conjoint de leur enfant ne lui plait pas, il y a souvent un climat de tension entre
l’enfant qui tente de refuser et les parents qui veulent s’imposer. Dans ce cas, la polygamie
peut être une solution dans la mesure où elle permet de respecter le choix des parents et de
faire aussi son propre choix. En d’autres circonstances, la polygamie occasionne beaucoup de
conflits familiaux en plus de relation tendue entre les femmes polygames. La jalousie envers
l’autre a toujours une répercussion dans la relation de la femme avec le mari, voire avec la
belle famille.
22

CHAPITRE III : LA PERSPECTIVE DE L’INCULTURATION

Après avoir pris connaissance du dessein de Dieu sur le mariage et revisité la pratique
traditionnelle du mariage en Afrique traditionnelle, il convient d’approcher l’un et l’autre dans
la perspective de l’inculturation. En effet, nous avons vu que le mariage religieux n’est pas
une réalité tombée du ciel, mais c’est plutôt la réalité naturelle du mariage vécue dans le
Christ et dans l’Eglise qui est élevé e à la dignité du sacrement. Or le mariage coutumier,
quelle que soit sa forme, est une reprise culturelle du mariage naturel.
La question essentielle que nous pouvons nous poser dans le contexte de ce chapitre est celle
de savoir : comment et à quelle condition le mariage traditionnel africain peut être élevé à la
dignité du sacrement ? En plus, il convient aussi de dégager ce que la mariage traditionnel
africain apporte dans la particularité comme message de foi en Eglise universelle par son
élévation à la dignité de sacrement.

I. Le choix du conjoint dans le mariage sacrement en Afrique

L’unique critère du choix du conjoint avec qui on s’engage à vivre une communauté profonde
de vie et d’amour, c’est l’amour. Le mariage sacrement étant le signe visible de l’amour du
Christ pour l’Eglise, il convient de s’inspirer du choix que Yawhé a fait de peuple d’Israël que
celui du Christ pour l’Eglise. Toutes les personnes qui ont été choisies par Dieu comme
protagonistes de son alliance avec l’humanité, ne l’ont été que par un amour gratuit. En les
choisissant, Dieu n’avait pas d’autres intérêts que son amour pour les hommes. De la même
façon, la Bible décrit le choix des disciples qui constituaient au tour de Jésus le premier noyau
de l’Eglise épouse comme un choix basé sur l’amour gratuit.
Qui dit amour, dit volonté et liberté. L’amour ne contraint pas car le don réciproque des
personnes ne peut que résulter du libre choix que chacun fait de l’autre. En effet, ne peut être
conjugal qu’une union qui résulte d’une décision libre, dans laquelle le mari peut vraiment
affirmer que la femme est sienne et que la femme peut aussi affirmer que le mari est sien.
Cette liberté du choix qui conduit au mariage sacrement n’est pas à considérer seulement par
rapport aux agents extérieurs, mais aussi par rapport à soi-même.
L’amour de l’homme et de la femme qui n’irait pas au de là du désir sensuel, n’est pas un
amour libre car il reste prisonnier de la passion. Choisir un conjoint comme moyen pouvant
satisfaire le désir sensuel, comme une nourriture qui apaise la faim, c’est de l’égoïsme. Les
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considérations précédentes sur le choix du conjoint dans le mariage sacrement nous révèlent
que beaucoup de pratiques de la tradition africaine du choix de la femme rendent difficile
l’instauration d’une communauté profonde de vie et d’amour appelée à être pleinement signe
de l’amour de Dieu pour les hommes. Ces pratiques contredisent ainsi la gratuité de l’amour
que les conjoints sont appelés à abandonner.
Un chrétien conscient de son être incorporé au Christ par le baptême ne peut pas prendre une
décision importante (voire vitale de sa vie) sans se référer à celui qui est pour lui la lumière de
sa vie. Avec le Christ, le choix est fait dans la liberté la plus totale car avec lui, on entre à
l’école de l’amour. Pour un chrétien, un choix authentique est celui qui réalise et actualise le
projet de Dieu révélé en Jésus Christ. C’est donc dans la prière et la lumière de l’Esprit-Saint
que le chrétien devrait s’engager à choisir le conjoint de sa vie.

II. La demande officielle au mariage sacrement en Afrique

En Afrique, une fois le choix de la femme est arrêté par le jeune homme et sa famille, une
délégation de celle-ci se présente pour une demande officielle du mariage. La demande dans
ce contexte est en même une promesse d’engagement dont le sens profond peut être rendu en
ces termes : « Après avoir pris le temps d’observer et de connaître votre fille ainsi que toute
votre famille, je m’engage avec ma famille à la prendre comme épouse. » si cette demande
engagement se fait dans le Christ et dans l’Eglise, cette demande constitue un acte
sacramentel conduisant vers la plénitude du sacrement. D’où la nécessité pour l’Eglise
d’intervenir dès cette étape du processus du devenir de mariage. L’Eglise devait être présente
comme éducatrice de la foi par la présence d’un ministre (laïc ou clerc) de la parole de Dieu.

III. L’acceptation officielle de la publicité du mariage sacrement en Afrique

Tout comme nous l’avons dit avec le jeune homme à l’étape précédente, l’acceptation du
mariage par la famille de l’épouse est aussi un acte sacramentel si c’est vécu dans le Christ et
dans l’Eglise. L’offre du vin à la famille du jeune homme à cette occasion est une
confirmation de l’unique consentement déclaré à l’étape précédente. Ce vin, qui dans la
tradition africaine, est non seulement le symbole de la bénédiction des ancêtres, mais aussi
signe de l’union, devrait donc dans ce contexte symboliser l’amour du Christ pour l’Eglise. A
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cette étape, il y a déjà un premier degré de l’échange du consentement. Une fois vécu dans le
Christ et dans l’Eglise, cette étape revêt déjà un premier degré de la sacramentalité.

IV. La dot dans le mariage sacrement signe de l’alliance nuptiale du Christ


avec l’Eglise

Bien que l’échange de consentement soit déjà fait entre les deux parties et que l’homme et la
femme ont déjà le statut de l’époux et de l’épouse, la conclusion du mariage n’advient qu’à
l’occasion du versement de la dot.
Pour le chrétien, la dot est le moment le plus significatif pour manifester l’accomplissement
par le Christ de leur amour. Pour ceux qui se marient dans le christ et dans l’Eglise, la dot
n’est plus seulement le symbole de l’alliance entre les deux familles, elle est aussi symbole de
l’alliance entre le Christ et l’Eglise. C’est pour quoi là où c’est possible, il sera préférable que
l’eucharistie soit l’aboutissement de ce processus. Pour montrer que c’est le mariage
coutumier qui est élevé à la plénitude sacramentelle, l’idéal serait que cette eucharistie soit
célébrée dans le contexte familiale où se donne la dot.

V. La consommation du mariage par l’unité de la chair en Afrique

Par consommation du mariage, nous entendons la plus haute et la plus significative expression
de la donation mutuelle de l’homme et de la femme engagés dans le mariage. En d’autres
termes, c’est l’expression la plus significative de l’unité de l’homme et de la femme dans le
mariage.
Dans le mariage sacrement, la consommation du mariage est le signe de la plus haute
expression de la donation du Christ à l’Eglise. A considérer la divine alliance dont le mariage
est le sacrement, on se rend compte que c’est par la chair que le Christ s’est une seule chair à
l’Eglise. En effet, en prenant la nature humaine, le Christ a commencé le processus qui
l’amènera à donner sa vie sur la croix pour que les hommes aient en abondance la vie de Dieu.
Bref, c’est par la chair que le Christ a consommé son amour pour nous.
La consommation du mariage sacrement, c’est donc le moment qui exprime le mieux la réalité
de la consommation de la divine alliance. L’expérience montre que c’est l’acte conjugal qui
exprime mieux que tout autre signe la donation totale de l’homme à la femme et la réception
totale de l’homme par la femme, vice-versa. Cela étant, l’acte conjugale dans le mariage doit
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être aussi vécu dans le Christ. Il est donc recommandé aux chrétiens de l’accomplir en
présence du Seigneur.

VI. L’identité et la mission de la famille dans le mariage sacrement en


Afrique

Le mariage africain avons-nous dit, est une alliance entre deux familles. L’échange de
consentement est anthropologiquement vide de sens en dehors de la dynamique familiale.
Ceci dit, dans le contexte de l’élévation du mariage à la dignité sacramentel, il convient que la
dynamique familiale soit aussi une dynamique chrétienne : c’est-à-dire pour
l’accomplissement de la sacramentalité du mariage en Afrique, il convient que la famille qui
s’engage dans le mariage sacrement de leur fils et fille, le fasse comme « l’Eglise
domestique » participant d’une façon active au mystère de l’Eglise. Ce qui exige que la
famille soit ouverte à la communauté ecclésiale dans laquelle se structure concrètement le
corps du Christ.
Dans ce contexte africain, où la communauté familiale est vue avant tout comme communauté
de ceux qui partagent le sang de l’ancêtre commun, la famille chrétienne doit se reconnaître
comme communauté dont les lins de membres sont renouvelés par le sang du Christ qui est le
plus précieux que celui de l’ancêtre commun. Entant que tel, la famille chrétienne est appelée
à participer à la vie de l’Eglise, à sa mission et à sa prière sans méconnaître les liens
familiaux tissés par le sang. Les chrétiens africains sont portés à étendre aussi leur notion de
famille à tous ceux qui avec qui ils partagent la même foi au Christ. Jésus lui-même en
désignant comme ses disciples ceux qui croient en lui, a souvent utilisé le langage de famille :
« Qui est ma mère ? Qui sont mes frères ? … »
Ainsi, dans l’hypothèse où toute la dynamique familiale traditionnelle s’oppose à la foi des
époux, ceux-ci peuvent trouver soutien dans la famille ecclésiale. Même dans l’hypothèse où
il n’y a qu’un chrétien dans la famille, celui-ci est capable de créer toute une dynamique
chrétienne. Tout comme une bougie, une lampe allumée dans une salle obscure, peut étendre
ses rayons au de là de l’endroit où il est posé, un chrétien convaincu peut par son témoignage
influencer les non chrétiens de sa familles.
Pour clore, l’élévation du mariage africain à la dignité sacramentelle requiert l’ouverture de
toute la dynamique familiale aux mystères célébrés ainsi que la présence du Christ et de
l’Eglise à chacune des étapes constitutives de mariage. Plus un moment est considéré
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important dans le processus de la constitution du mariage traditionnel, plus il faut manifester


la présence du Christ et de l’Eglise pour son élévation sacramentelle.

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