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2/23/24, 9:55 AM «La cuisine raisonnée»: un siècle de raison culinaire | Le Devoir

Un siècle de raison culinaire

Photo: Éditions Fides Alors que les deux précédentes éditions, publiées en 2004 et en 2008, se voulaient abrégées, celle-ci rassemble la
quasi-totalité des recettes proposées dans l’histoire de l’ouvrage, soit près de 1300.

Gwenaëlle Reyt
Collaboratrice
8 décembre 2018
Alimentation

Savoir apprêter les légumes en fonction des saisons. Avoir des trucs pour utiliser les restes et éviter le
gaspillage alimentaire. Ou encore préparer des conserves de toutes sortes pour s’assurer un garde-
manger bien garni tout au long de l’hiver. Encore un livre de recettes tendance ? Oui, en quelque sorte.
Sauf que les auteures de celui-ci n’ont pas attendu la mode du zéro déchet et du locavorisme pour les
intégrer à leur ouvrage. En 2019, cela fera un siècle que La cuisine raisonnée prodigue conseils et
astuces pour mitonner intelligemment.
Pour l’occasion, la maison d’édition Fides lance une édition anniversaire entièrement remaniée. Alors
que les deux précédentes, publiées en 2004 et en 2008, se voulaient abrégées, celle-ci rassemble la
quasi-totalité des recettes proposées dans l’histoire de l’ouvrage, soit près de 1300. « C’est

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probablement l’édition la plus complète qui a été faite de La cuisine raisonnée », explique David
Sénéchal, éditeur de l’ouvrage, qui précise s’être basé sur l’édition de 1967 pour élaborer ce nouvel
opus.

« La version de 1967 était relativement bien fournie, mais on l’a complétée, car on a constaté qu’au fil
des éditions, les soeurs de la congrégation Notre-Dame avaient retiré ou ajouté des recettes en fonction
des modes. » Et des modes, l’ouvrage en a vu passer.
Alors, pour retrouver les racines de La cuisine raisonnée, l’équipe éditoriale s’est plongée pendant
plusieurs mois dans les différents volumes datant de 1919, 1937, 1954, 1985… En tout, ce sont 14
éditions qui ont traversé le XXe et le début du XXIe siècle. « On a tout repris sans jugement », explique
Bruno Lamoureux, directeur artistique de l’ouvrage, en faisant référence entre autres aux recettes plus
amusantes comme les mets asiatiques des années 1970 ou encore aux fameux aspics, qui ont retrouvé
leur place dans le livre.
Mais La cuisine raisonnée est bien plus qu’un livre de recettes anciennes remis au goût du jour. Pour
l’équipe éditoriale, ce livre fait partie du patrimoine culinaire québécois. « Le patrimoine, c’est tout ce qui
est gastronomique ou ce qui relève des repas. Dans ce livre, on retrouve aussi des aspects culturels et
sociaux du siècle dernier », assure David Sénéchal, qui mentionne avoir retrouvé dans les ouvrages des
informations pour tuer et plumer une volaille ou des conseils pour recevoir le curé chez soi.

Car comme d’autres livres de recettes québécois, La cuisine raisonnée a été conçu par des religieuses.
Au début du XXe siècle, les soeurs de la congrégation Notre-Dame qui enseignaient à l’école ménagère
de Saint-Pascal-de-Kamouraska avaient besoin d’un manuel scolaire. N’ayant aucun support
pédagogique adapté aux femmes québécoises, et plus particulièrement à celles du monde rural, les
religieuses ont donc imaginé un manuel scolaire pour leurs étudiantes. La première édition est sortie en
1919 et a aussi servi de guide pour les enseignantes.
Informations pratiques

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En plus des recettes, La cuisine raisonnée regroupait donc dès le départ des informations pratiques
pour exceller dans le rôle de femme au foyer. « Le tournant du XXe siècle marque l’entrée du fordisme
dans les foyers des Québécoises. Cela a amené une rationalisation tant dans les étapes de réalisation
des recettes que dans les ustensiles à utiliser et l’organisation de la cuisine », note Marie Pigelet,
doctorante en histoire de l’alimentation. Avec le temps, surtout après la Deuxième Guerre mondiale, les
références modernes, comme l’usage du four, du frigo et du congélateur, vont également faire leur
apparition dans le livre, alors qu’ils étaient quasiment absents de l’édition de 1919.
« L’évolution du livre de recettes est le reflet d’évolutions sociétales. On y retrouve des préoccupations
liées à la santé ou à l’esthétique des plats, par exemple, qui peuvent évoluer ou perdurer dans le temps,
précise la chargée de cours à l’UQAM spécialisée dans les livres de recettes. Il dicte les normes et
lignes à suivre. Dans le cas de La cuisine raisonnée, au départ, il dicte comment être une bonne
catholique, puis plus largement une bonne ménagère. Mais il est difficile d’affirmer que ces normes
étaient suivies à l’intérieur des foyers. »
On retrouve ainsi dans la nouvelle édition des chapitres qui traitent de l’organisation de la cuisine, de
l’approvisionnement, du stockage et de la conservation des aliments. Des informations qui restent fort
pertinentes et utiles à toute personne qui cuisine un tant soit peu ou pour les curieux apprentis chimistes
qui souhaitent faire leur propre levure chimique grâce à une recette de 1937. Et pour parfaire sa maîtrise
du logis, un chapitre traite bien sûr de l’art de recevoir en parfaite maîtresse de maison.
Bien qu’au départ l’ouvrage était destiné aux écoles ménagères, il est devenu dès les années 1940-
1960 l’ouvrage de référence qu’on offre lors des mariages. « Il fait partie du trousseau de base de la
femme québécoise. C’est un ouvrage qui a une vocation pédagogique dans tous les cas », poursuit
Marie Pigelet.
Depuis 1967, les soeurs de la congrégation Notre-Dame ont arrêté de publier l’ouvrage et c’est la
maison d’édition Fidès qui a repris le mandat. Même si les religieuses ne s’impliquent plus dans le
processus éditorial, elles sont consultées pour chaque nouvelle édition et l’esprit de La cuisine
raisonnée est maintenu. Ainsi, les recettes ont été numérisées ou retranscrites telles quelles. La
nouvelle édition comprend également plusieurs illustrations et photos d’époque. « Les seuls éléments
qui ont été enlevés sont les aspects nutritionnels qui, avec l’évolution des connaissances, n’étaient plus
pertinents », précise Bruno Lamoureux.
De plus, l’équipe a également dégenré le texte d’introduction pour s’adresser à un plus large public.
« On ne voulait pas s’adresser uniquement aux ménagères. Même si on fait un clin d’oeil historique, on
veut que ce soit un ouvrage de référence majeur en cuisine traditionnelle québécoise. C’est un ouvrage
de fond dans lequel on retrouve pas mal tout ce que les Québécois mangeaient chez leur grand-mère »,
poursuit-il.
Héritage familial

Avec plus de 500 000 exemplaires vendus depuis 1919, La cuisine raisonnée fait donc partie de
l’histoire culinaire québécoise. Pour beaucoup, c’est un livre qui se transmet et qui fait encore partie de
l’héritage familial. Mais à l’heure de la multiplication des livres de recettes, cet ouvrage a-t-il encore une
pertinence ?
« Plus que jamais, assure David Sénéchal. Devant la surabondance de la proposition gastronomique
dans les livres, il est important de sortir du vedettariat de la cuisine et des livres qui nous vendent un
lifestyle gastronomique avec une multitude d’images. La cuisine raisonnée a le mérite d’être un vrai livre
de référence en cuisine qui permet de revenir aux sources. »
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