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COURS DE GEOLOGIE STRUCTURALE

1ère Partie

GENERALITES

La géologie structurale est l'étude des processus par lesquels les forces (prises comme des
contraintes) appliquées aux roches y transforment les formes (qualifiées de structures) et les
agencements granulaires (des microstructures). L'action de transformation est toujours une
déformation, qui fait passer un ensemble rocheux d'une structure à une autre. Parmi les
processus de déformation étudiés, les principaux sont :

 la rupture des roches (dite « déformation fragile ») ;


 le plissement ;
 la déformation plastique des roches (dite « déformation pénétrative » ou « déformation
ductile ») ;
 la rhéologie des roches ;
 la microstructurale des minéraux, qui étudie la déformation des minéraux au cours de
leur croissance.

Au fil du temps, les masses rocheuses subissent l'action de diverses forces exercées dans la
croûte terrestre (p. ex., forces tectoniques) qui peuvent en entraîner la déformation.
L'ensemble des activités de délimitation, de description et d'analyse des structures rocheuses
ainsi déformées porte le nom de géologie structurale.

La géologie structurale permet d'interpréter l'évolution des déformations de masses rocheuses


ainsi que la répartition des caractéristiques géologiques les accompagnants. Ce cadre sert
ensuite à élargir le champ des connaissances acquises jusqu'à des masses rocheuses déformées
de régions inexplorées. Les spécialistes en géologie structurale évaluent la nature des forces
tectoniques (p. ex., origine, amplitude et orientation) ressenties à l'intérieur de la croûte
terrestre.
Chapitre 1: Contraintes et déformation

I. Notion de force

En physique, la force est définie comme le produit d’une masse par une accélération
⃗⃗ ). Une force peut donc générer l’accélération d’un corps de masse quelconque. Les
(𝐹⃗ = m𝛶
forces en géologie sont des forces de volume ou des forces de surface.

Les forces de volume affectent l’ensemble du volume rocheux. Un exemple en est la


traction vers le bas de la lithosphère océanique sous l’effet de son poids (zone de subduction)
ou la poussée latérale de la dorsale exercée sur la croûte océanique nouvellement formée.

Les forces de surface sont des forces aux limites qui s’appliquent à l’interface de deux
volumes rocheux. On peut citer comme exemple de forces de surface les frictions entre la
plaque subductée et la plaque chevauchante au niveau d’une zone de subduction. Un autre
exemple est le cas des forces en cisaillement au niveau des nappes de charriage.

II. Notions de contrainte

La contrainte se définit comme une force appliquée sur un élément de surface unitaire.
𝐹
Elle possède donc la dimension d’une pression. On la note : δ = 𝑆 .

(a) Contrainte uniaxiale (b) Contrainte biaxiale


Figure 1.1 : Contraintes uniaxiale (a) et biaxiale (b) appliquées sur un plan.

Contraintes uniaxiale

La contrainte varie selon l’angle du plan, de façon relativement complexe, puisque la même
force est distribuée sur un plan plus ou moins grand selon son orientation (c’est aussi un
intérêt d’utiliser les contraintes plutôt que les forces, c’est une mesure indépendante de la
surface).

Ainsi, lorsque θ est nul, la contrainte normale est maximale et équivalente à la


contrainte totale. Par contre la contrainte cisaillante est maximale pour θ égal à 45° (fig. 2).
Figure 1.2 : Variations des contraintes normale et tangentielle avec l’orientation du plan
(Ramsay, 1967).

Contraintes biaxiales

Sur la figure 1.b deux contraintes orthogonales sont appliquées au plan étudié. On dit
qu’on a un état de contrainte biaxiale. On utilisera dans ce cas, pour l’expression
mathématique des contraintes normale et tangentielle engendrées par F3, l’angle
𝜋
complémentaire de θ, c'est-à-dire ( 2 – θ). On pourra ainsi écrire :

𝜋
(1) δN = δ1cos2θ + δ3cos2(2 – θ) = δ1cos2θ + δ3sin2θ

1 1
En appliquant les formules de linéarisation suivantes : cos2x = 2 (1 + cos2x) et sin2x = 2 (1 –

cos2x), on obtient :

1
δN = 2 [(δ1 + δ3) + (δ1 - δ3).cos2θ]

(3)

(2) δT = (δ1 – δ3)sinθ.cosθ

En appliquant la formule de duplication suivante : sin2x = 2cosx.sinx, on obtient :


1
δT = 2 (δ1 – δ3).sin2θ (4)

Cette écriture permet de dégager deux termes distincts de l’état des contraintes. Il
1
s’agit de la contrainte moyenne (δ1 + δ3) qui est assimilée en géologie à la pression
2
lithostatique (Pl = ρgh). Celle-ci correspond à la pression exercée par la colonne rocheuse au-
dessus d’un point donné et sa valeur moyenne dans la croûte continentale est de 0,27 kbars
par km. Cette partie de la contrainte peut induire des changements de volume sans
changements de forme.
1
La contrainte déviatorique (encore appelée contrainte différentielle) est notée (δ1 –
2
δ3). Elle est responsable des changements de forme des objets considérés.

Les formules (3) et (4) montrent également que la contrainte normale reste toujours
non nulle alors que la contrainte tangentielle s’annule pour θ = 0° et 90°. Dans ce dernier cas,
la contrainte normale est égale à δ1 ou δ3 : ce sont les contraintes principales du système,
respectivement maximal et minimal. Quelque soit l’orientation du plan considéré, les valeurs
de la contrainte normale sont intermédiaires entre celles des contraintes principales et
décrivent, pour l’ensemble des plans possibles autour d’un point donné, une ellipse connue
sous le nom d’ellipse des contraintes (fig. 1.3).

Figure 1.3 : Variations de la contrainte normale autour d’un point en fonction de


l’orientation du plan considéré (Ressource Internet : Moyen, 2009).

La contrainte totale appliquée à un corps s’exprime de façon mathématique sous la


forme d’une écriture matricielle connue sous le nom de tenseur des contraintes qu’on
développera sur l’exemple des contraintes triaxiales.

Contraintes triaxiales

Considérons un volume cubique sur lequel sont appliquées des forces suivant trois
axes perpendiculaires aux trois paires de faces. Sur chaque face, la contrainte peut-être
décomposée en une composante normale et deux composantes tangentielles orthogonales (fig.
1.4).
Figure 1.4 : Etat de contraintes triaxiales s’exerçant sur un volume cubique (Ramsay, 1967).

Les neufs contraintes qui en résulte peuvent être écrites sous la forme d’une matrice
carrée appelée tenseur des contraintes, comme suit :

𝛿𝑥 𝜏𝑥𝑦 𝜏𝑥𝑧
𝜏𝑦𝑥 𝛿𝑦 𝜏𝑦𝑧
𝜏𝑧𝑥 𝜏𝑧𝑦 𝛿𝑧

A l’équilibre, τxy = τyx, τzy = τyz et τxz = τzx. Le cube est immobile (il n’ya pas de
mouvement de rotation) et la connaissance de six valeurs des contraintes permet de décrire
l’ensemble de l’état des contrainte. Le tenseur des contraintes s’écrit alors :

𝛿𝑥 𝜏𝑥𝑦 𝜏𝑥𝑧
𝜏𝑥𝑦 𝛿𝑦 𝜏𝑦𝑧
𝜏𝑥𝑧 𝜏𝑦𝑧 𝛿𝑧

L’état des contraintes est graphiquement représenté par un ellipsoïde des contraintes
(fig. 1.5).

Figure 1.5 : Ellipsoïde des contraintes.

Cet ellipsoïde peut-être de forme quelconque (δ1 ≠ δ2 ≠ δ3), en cigare (δ1 ≠ δ2 = δ3) ou
en galette (δ1 = δ2 ≠ δ3).

III. NOTIONS DE DEFORMATION

1. Définition

Lorsqu’ils sont soumis à des contraintes, les objets physiques subissent des tensions
internes, qui traduisent un état de déséquilibre des différents éléments qui les constituent. Les
modifications géométriques des relations entre leurs éléments constitutifs tendent à placer ces
objets dans un nouvel état d’équilibre. Ces modifications représentent la déformation de
l’objet soumis à un état de contraintes. Dans le cadre des situations géologiques, on définit la
déformation comme un changement de forme, de position ou d’orientation subi par un objet
soumis à l’application d’une contrainte.

2. Les mécanismes de la déformation

A l’échelle des objets macroscopiques, les mécanismes de la déformation peuvent être


de quatre types : la translation, la rotation, la distorsion et le changement de volume (fig. 1.6).

Figure 1.6 : Déformation d’un objet carré par translation (a), rotation (b) et distorsion.

La translation est un changement de position sans changement des relations scalaires


et angulaires entre les différentes parties du corps considéré. En clair, l’ensemble des points
qui représentent l’objet déformé subissent un déplacement égal dans le même sens.

La rotation est un changement d’orientation de l’objet sans modification des relations


géométriques des parties qui le constituent.

La distorsion se traduit par un changement de forme. Les relations géométriques des


différentes parties qui constituent le corps déformé sont alors modifiées.

Le changement de volume peut avoir lieu par différents mécanismes tels que :

- Compaction et fermeture de vides (porosités) entre les grains ;


- Dissolution d’une partie de la roche ;

- Fracturation de la roche (qui augmente le volume en créant des vides entre les fragments) ;

-Expansion/contraction du a des changements de pression (en pratique le plus souvent

marginal dans la croute ; cf. cependant formation de joints/diaclases) ;

-Réaction minérales et formation de nouveaux minéraux de volume molaire différent

(métamorphisme).

Figure 1. 7. Changement de volume. En haut, dessin de principe. En bas, exemples plus


réalistes avec dilatation (à droite, formation de fissures remplies) ou contraction (en bas,
fracturation).
3. Les différents types de déformation

Une déformation est dite continue lorsqu’elle affecte un objet sans en provoquer la
rupture. La déformation continue peut-être homogène ou hétérogène. Dans le premier cas,
toutes les droites parallèles à l’état initial gardent leur parallélisme et demeurent des droites à
l’état final. Le cas contraire correspond à une déformation hétérogène.
Figure 1.7 : Déformation continue homogène (a), continue hétérogène (b) et discontinue (c)
d’un objet (Nicolas, 1984).

Les objets déformés sont toujours observés dans leur état fini. La déformation
quantifiable qui les caractérise dans cet état est appelée déformation finie. Cependant, l’état
fini observé de la déformation n’est que rarement instantané (exemple des failles associées à
un séisme) ; il est en général le résultat d’une succession d’étapes ou incréments qui
aboutissent à la géométrie finale de l’objet. On parle de déformation incrémentale ou
déformation progressive pour désigner ces étapes successives qui s’additionnent pour donner
la déformation finie.

4. Etude quantitative de la déformation

La quantification de la déformation se ramène donc à une mesure de longueurs et


d’angles. Elle procède par comparaison entre l’état initial et l’état finie. La connaissance de la
position, de la géométrie et des dimensions de l’objet avant sa déformation est donc
nécessaire. L’approche quantitative de l’étude de la déformation est donc limitée par cette
dernière condition.

Les principaux paramètres utilisés lorsqu’on veut mesurer la déformation d’un objet
sont : l’extension ou allongement relatif, l’étirement, l’élongation quadratique ou déviation
angulaire.

L’extension s’écrit : Ɛ=Δl/l0=(lf-l0)/l0. Elle permet de comparer la longueur finale (lf)


et la longueur initiale (lo) de l’objet qui peut subir un raccourcissement (Ɛ˂0) ou un
allongement (Ɛ>0).

L’étirement S est donné par la formule : S =lf/l0 =1 + Ɛ.

L’élongation quadratique est de la forme λ = S2.

La déformation angulaire ou « cisaillement ». C’est l’angle f que font deux droites


initialement orthogonales. Le cisaillement est donné par la formule ϒ = tanψ
Figure 1.9 : variation des dimensions et déviation angulaire d’un objet déformé. A gauche :
état initial; a droite: état final.

4.L’ellipsoïde de la déformation

Considérons un objet sphérique, qui peut représenter un oolithe. Lorsqu’il est soumis
à une contrainte, cet objet se déforme et il devient ellipsoïdal. L’orientation et la taille de
l’ellipsoïde résultant de cette déformation permet de décrire entièrement la déformation de
l’objet. Cet ellipsoïde, connu sous le nom d’ellipsoïde de déformation, se caractérise par trois
axes principaux (fig. 1. 9):

- La direction d’allongement maximal est représentée par l’axe X

- La direction de raccourcissement maximal est représentée par l’axe Z,


perpendiculaire à X

- L’axe Y est orthogonal au plan formé par les deux premiers. Il correspond à une
quantité de déformation intermédiaire entre les deux (X ≥ Y ≥ Z).

Figure 1.9 : Ellipsoïde de déformation et axes principaux : X ≥ Y ≥ Z (Nicolas, 1984).


5. Déformation coaxiale et déformation non coaxiale

La déformation naturelle des objets au sens strict (distorsion), observée à toutes les
échelles, peut-être de deux types (fig. 1.10). La déformation coaxiale qui procède par
cisaillement pur (pure shear) et la déformation non-coaxiale associée à un cisaillement simple
(simple shear).

Le cisaillement pur se traduit par un aplatissement de l’objet sans composante


rotationnelle. Il existe une direction de raccourcissement et une direction d’allongement
orthogonales. Un carré se trouve ainsi transformé en rectangle et un cercle en ellipse avec
conservation des axes principaux. Les caractéristiques principales du cisaillement pur sont :

> Les axes de la déformation restent fixes (déformation coaxiale)

> Les axes principaux de l’ellipsoïde de déformation ne tournent pas (déformation non
rotationnelle)

> L’ellipse de déformation est divisée en trois secteurs : un secteur en allongement


autour de X, un secteur en raccourcissement autour de Z, et un secteur intermédiaire autour de
deux directions de non déformation à 45° des axes principaux de l’ellipse de déformation.

> Au cours d’une déformation progressive, les lignes peuvent passer d’un secteur en
compression à un secteur en extension et vice-versa.

> Les mouvements relatifs des particules sont complexes

> Idéalement, les secteurs en allongement et raccourcissement sont séparés par des
zones de cisaillement conjuguées ; celles-ci sont initialement à 90° l’une de l’autre et sont
ensuite aplaties au cours de la déformation progressive.

Le cisaillement simple est une déformation non-coaxiale, c'est-à-dire que les axes
principaux de l’ellipse de la déformation subissent une rotation au cours de la déformation
progressive. Un carré est transformé en parallélogramme, un cercle en ellipse sans
coïncidence des axes principaux. Les principales caractéristiques de la déformation en
cisaillement simple sont :

> Les axes de l’ellipsoïde de déformation changent d’orientation au cours de la


déformation progressive (déformation non coaxiale)

> Les mouvements relatifs des particules sont parallèles entre eux et parallèles au plan
de cisaillement (le cisaillement est « simple »)

> Un secteur en extension et en compression

N.B. : Dans le cisaillement pur comme dans le cisaillement simple, toutes les droites
conservent leur parallélisme initial.
Figure 1.10 : Déformation par cisaillement pur (a) et cisaillement simple (b) d’un
objet (Nicolas, 1984).

6. Les différents types d’ellipsoïdes de déformation et le diagramme de Flinn

L’axe intermédiaire de l’ellipsoïde de la déformation peut représenter une direction en


allongement, en raccourcissement ou de non déformation. Ces trois situations correspondent
respectivement à l’aplatissement, la constriction ou la déformation plane.

Le diagramme de Flinn (fig. 1.11) permet de représenter graphiquement ces différents


𝑋 𝑌
cas de figure grâce au paramètre de Flinn, K = (𝑌 − 1) /(𝑍 − 1).

- Cas 1 : X/Y = 1 ; l’ellipsoïde est de révolution autour de Z et k = 0.

- Cas 2 : X/Y < Y/Z ; l’ellipsoïde est en aplatissement et 1 > K > 0.

- Cas 3 : X/Y = Y/Z ; Y est une direction de non déformation.

- Cas 4 : X/Y > Y/Z ; l’ellipsoïde est en constriction et 1 < k < +∞.

- Cas 5 : Y/Z = 1 ; l’ellipsoïde est de révolution autour de X et K = +∞. 1.


Figure 1.11 : Diagramme de Flinn (Ressource Internet : Moyen, 2009).

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