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E-ISSN : 2665-7511
https://revues.imist.ma/?journal=AME
TADJOUSTI & ZAHI / Revue AME Vol 4, No 1 (janvier, 2022) 203-223
Résumé :
Selon le Global Innovation Index (GII)1 le Maroc occupe, en 2019, la 74ème place dans la liste des
129 pays et la 3ème en Afrique (OMPIC, 2019). Ainsi, plusieurs initiatives sont prises pour
promouvoir l’innovation et l’entrepreneuriat au niveau local, régional et national. Aujourd’hui
l’environnement des entreprises est très turbulent, les entreprises innovantes se heurtent à
plusieurs entraves de financement.
Le crowdfunding est un mode de financement participatif qui comble l’insuffisance des modes de
financement classiques et permet d’impulser l’innovation surtout dans le cadre des écosystèmes
d’innovation. Au Maroc, les prémices des écosystèmes d’innovation se sont lancées depuis les
années 2000 mais sans aucune réelle avancée au monde du crowdfunding.
L’objectif de notre contribution est de savoir, si le crowdfunding peut être considéré comme levier
pour l’innovation au sein des écosystèmes, quels enseignements peut-on tirer de l’expérience
marocaine ? Pour répondre à cette problématique et en s’inscrivant dans une approche
qualitative notre article essai à travers une étude de cas multiples de comprendre les contraintes
de développement du crowdfunding au Maroc et les perspectives de son essor dans le contexte
d’écosystème d’innovation. Nous aboutissons à mettre en exergue ces entraves et à proposer des
recommandations plausibles d’assurer le décollage du crowdfunding sur le territoire marocain.
1 Un indice élaboré par l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, l’université Cornell et l’INSEAD
(l’institut européen d’administration des affaires) et reconnu internationalement pour classer la capacité et
la réussite des pays en matière d’innovation.
Abstract :
According to the Global Innovation Index (GII), Morocco occupies, in 2019, 74th place in the list
of 129 countries and 3rd in Africa (OMPIC, 2019). Thus, several initiatives are taken to promote
innovation and entrepreneurship at local, regional, and national level. Today the business
environment is very turbulent, innovative companies face several funding barriers.
Crowdfunding is a participatory financing method that fills the gap in traditional funding methods
and helps stimulate innovation, especially in the context of innovation ecosystems. In Morocco,
the beginnings of innovation ecosystems have been launched since the 2000s but without any
real progress in the world of crowdfunding.
The objective of our contribution is to know, if crowdfunding can be considered as a lever for
innovation within ecosystems, what lessons can we draw from the Moroccan experience? To
respond to this problem and by adopting a qualitative approach, our article tries through a study
of multiple cases to understand the constraints of the development of crowdfunding in Morocco
and the prospects for its development in the context of an innovation ecosystem. We succeed in
highlighting these obstacles and proposing plausible recommendations to ensure the
development of crowdfunding on Moroccan territory.
Il est indéniable que l’innovation joue un rôle crucial dans la croissance économique et le
développement des nations. Un facteur primordial qui se heurte à des difficultés grandissantes
quant à son financement. En effet, les risques liés aux asymétries d’information et d’incertitude
rendent les financeurs réticents à investir dans des projets innovants. Ainsi, selon (Cuénoud et al.,
2018) de nombreuses études ont montré l’importance d’un apport en fonds propres externes et
la difficile adéquation d’un financement par dette bancaire (Vanacker et al., 2010). De ce fait, une
nouvelle source de financement voit le jour ces dernières années.
Dans le même ordre d’idée, on remarque que les efforts déployés pour soutenir l’innovation ne
cessent de se multiplier. Conscients du rôle capital de l’innovation l’ensemble des parties
prenantes cherchent à coopérer pour la promouvoir et s’insèrent dans une logique d’innovation
ouverte. En effet, les pôles de compétitivité, les clusters, les agglomérations économiques, les
grappes d’entreprises mais aussi les Pôles de recherche et d’enseignement supérieur, ou encore
les réseaux thématiques de recherche, forment de nos jours des structures d’interface favorables
aux démarches collaboratives et au décloisonnement des savoirs (GUILLEMIN, 2010). C’est cette
volonté de créer des milieux innovants et des espaces de proximité entre « espèces » différentes
(entreprise, organismes de recherche, universités et écoles, etc.) que traduit la notion
d’écosystème d’innovation.
L’objectif de notre travail ne s’arrête pas sur la mise en lumière du rôle des écosystèmes
d’innovation dans le développement de l’entrepreneuriat et l’innovation sur un territoire, mais
surtout sur l’analyse du rôle du crowdfunding (CF) dans leur promotion en tant qu’acteur.
Autrement dit, sachant que le Maroc s’est lancé depuis les années 2000 dans la promotion des
écosystèmes sans aucune réelle avancée au monde du crowdfunding, notre problématique est
de savoir dans quelles mesures l’intégration des plateformes crowdfunding à l’écosystème
d’innovation peut–elle contribuer à un développement territorial intelligent au Maroc ?
Ce document justifie alors son importance par le fait que c’est parmi les premiers à étudier la
relation entre trois phénomènes récents. Une étude basée sur trois questions fondamentales : Le
« quoi ? » reflète l’écosystème d’innovation, le « comment ? » représente le point central de
1. Cadre théorique
Le crowdfunding est phénomène connaît donc une belle expansion grâce à l’essor des réseaux
sociaux. Les start-up et PME, en mode 2.0, contournent ainsi les modes de financement
traditionnels en sollicitant directement l’épargne via le web.
1
Massolution est l’un des observatoires du crowdfunding au monde (Baromètre international).
L'innovation a souvent été définie comme l'application réussie de nouvelles idées résultant de
processus organisationnels dans lesquels différentes ressources sont combinées (Dodgson et
Gann, 2014). Dans le contexte de l'innovation ouverte, ce processus en plusieurs étapes
comprend la collaboration avec des partenaires externes (Chesbrough, 2003) représentant des
sources de connaissances pouvant contribuer aux projets d’innovation des
entreprises. Popularisée en 2003 par (Chesbrough, 2003), l’innovation ouverte décrit les entrées
et les sorties de connaissances pour améliorer la performance de l’innovation (Radziwon et al.,
2018), l’entreprise peut alors accéder à un champ de connaissances très large. La notion
d’ouverture couvre la capacité des entreprises à inclure l’ensemble de l’intelligence collective des
acteurs de son écosystème dans son processus d’innovation (Duval et Speidel, 2014).
En effet, le contexte de l’essor des entreprises aujourd’hui est marqué par l’ouverture et la
coopération. Ces derniers forment à côté de la compétition les fondements du concept
En effet, cycles de vie d’innovation courts, faibles ressources financières, coût de recherche et
développement très élevés et plusieurs autres facteurs ont poussé l’entreprise à s’ouvrir sur
l’extérieur pour réaliser ses objectifs. C’est dans ce contexte que l’écosystème d’innovation se
présente comme diffuseurs de savoirs, de soutien et stimulateur d’innovation.
Selon (Calmé et al., 2018), le crowdfunding est considéré comme étant une innovation engendrée
par l’essor des Fintech et qui permet d’améliorer la rapidité du service auprès de deux groupes
d’acteurs : les porteurs de projet et la foule.
Ce mode de financement offre un éventail varié de possibilités pour le financement des projets.
On en distingue :
• Le don : (ou la donation) dans cette catégorie le donateur n’attend pas de retour. C’est-à-
dire le donateur finance le projet sans contrepartie financière. Ce type de pratique est
souvent rencontré dans des projets culturels, caritatifs et humanitaires.
La figure suivante abordé par (Hemdane, 2016a) représente les plateformes leaders dans le
monde :
Figure 2 : Les plateformes leaders dans le monde
Ainsi, les plateformes doivent chercher à ce que la participation d’un groupe augmente la
participation de l’autre groupe ce qui entraine une augmentation de la probabilité de voir les
projets financés dans un intervalle de temps réduit (Calme et al., 2016). Pour atteindre cet
objectif, un espace collaboratif complexe, aux frontières floues et évolutives, fondé sur des
relations de coopération et de coopétition doit être mis en place : il s’agit d’un écosystème
d’affaires (Calmé et al., 2018). L’acteur central ici est la plateforme (ou le propriétaire de celle-ci)
qui héberge un écosystème constitué de communautés variées (financeurs, PME, acteurs de
l’accompagnement).
Cette plateforme agit non seulement comme membre de l’écosystème, mais aussi comme
support, en proposant un ensemble de services ou en mettant à disposition un certain nombre
de ressources tout en gérant les interactions entre les différentes communautés de l’écosystème.
Les stratégies de partenariat au sein de cet écosystème permettent aux plateformes de bénéficier
des externalités de réseaux au sens de la théorie des marchés bifaces (Shuen, 2008).
L’importance accrue de ce mode de financement depuis les années 2000 et ses succès dans les
différentes économies a suscité notre intérêt. L’analyse de son rôle prépondérant dans la
stimulation de l’innovation sur un territoire fera l’objet de la section suivante.
Sur tous les territoires, la problématique de taille des créateurs d’entreprises est la recherche de
capitaux extérieurs pour financer leur projet (Cosh et al., 2009). En plus de la faiblesse des
ressources dédiées à l’innovation, la fragilisation des sources de financement traditionnelles a
réduit les capacités d’innovation des entreprises. En matière de financement des entreprises, la
popularité du crowdfunding s’explique par la difficulté d’accès des entrepreneurs au financement,
particulièrement en phase d’amorçage (Cosh et al., 2009), mais également par la facilité et la
rapidité de levée de fonds qu’offre ce mécanisme (Kozlowski, 2011). En effet, dans un contexte
où les banques restreignent leurs crédits, le crowdfunding apparaît comme un levier de
mobilisation supplémentaire des épargnants (Mollick, 2014) dans un esprit de réappropriation
citoyenne du financement.
C’est dans le cadre des écosystèmes que les investisseurs crowdfunding peuvent interagir avec
les promoteurs. Ces derniers doivent prendre en considération les conseils et les suggestions
C’est dans cette logique que les plateformes crowdfunding constituent un stimulateur
d’innovation au service de l’écosystème. La sagesse de la foule mobilisée par ses plateformes et
l’importante quantité d’idées et de réactions seront à la disposition des entreprises innovantes
peuvent servir à l’amélioration de leur offre. C’est dans cette ligne d’idée que (Brown et al., 2016)
prônent pour l’étude de l’apport des investisseurs en matière de financement participatif à la
réussite des projets.
L’ouverture qui règne les réseaux d’écosystème d’innovation permet un échange de savoirs et
d’expériences. Cet accès alloué aux entreprises permet un partage de connaissance à faible coût
(Colombo et al., 2013). Les plateformes crowdfunding servent donc à collecter non seulement de
l’argent mais surtout de nouvelles idées utiles pour des produits et des services. En plus, le
crowdfunding constitue un moyen de commercialisation (Gerber et al., 2013), il forme
aujourd’hui un outil de marketing qui peut être utilisé en trois manières.
Tout d'abord, un projet peut être utilisé comme outil de recherche pour évaluer la qualité des
idées créatives. En suivant le nombre de contributeurs et les commentaires des médias sociaux,
des organisations peuvent comparer leurs idées de produits avec celles des concurrents.
Deuxièmement, le crowdfunding peut être utilisé pour promouvoir un nouveau produit par la
mobilisation de la foule. Enfin, le crowdfunding peut être utilisé comme un canal de vente directe
en récompensant les bailleurs de fonds avec le premiers échantillons ou versions des offres et
assurer un pipeline de vente facilement disponible. Il est de même utilisé, par exemple, pour
identifier et impliquer de nouveaux consommateurs, clients et bailleurs de fonds individuels et
professionnels dans les écosystèmes (Wang, 2015). Les compagnes de financement participatif
peuvent être utilisés pour attirer les investisseurs providentiels et institutionnels à investir dans
des startups et de nouveaux acteurs de l’écosystème (Erkinheimo, 2016).
Dans ce cadre, les consommateurs s’intègrent dans l’écosystème et créent grâce aux plateformes
crowdfunding, un processus de co-création de produits. En effet, les consommateurs auront
l’occasion d’exprimer leurs points de vue et intérêt sur les nouvelles offres et peuvent orienter
les entreprises à répondre en mieux à leurs spécificités et exigences. Il constitue à la fois un acteur
d’écosystème et un instrument qui soutient le démarrage des entreprises ainsi que l’innovation.
L’ensemble de ses apports du crowdfunding effectué surtout au sein de l’écosystème contribuent
à promouvoir l’entrepreneuriat et l’innovation en général. C’est dans cette perspective que les
Le crowdfunding connait un essor remarquable dans les pays développés, concernant le Maroc,
les prémices du développement du crowdfunding semblent réunies et son rôle important est
indispensable dans le contexte actuel.
Tout d’abord, le crowdfunding permettra d’assurer aux porteurs de projets et aux PME
innovantes des moyens de financement et construire une solution aux problèmes de
financement :
• Les PME représentent 95% du tissu économique marocain, l’intérêt d’étudier comment le
crowdfunding peut renforcer leurs capacités d’innovation est donc primordial. En effet,
l’analyse des spécificités des PME innovantes révèle la pénurie de moyens de financement
propre et l’accès limité de ces dernières aux sources de financement classique. Le
crowdfunding se présente donc comme une voie de secours adaptée aux besoins
éminents et aux caractéristiques risquées des projets innovants dans la mesure où il
comble d’une part, la défaillance des sources de financement traditionnel à financer les
premières phases du cycle financier des PME innovantes (phase d’amorçage et de
développement). D’autre part, il sert de remède pour financer certains types d’innovation
qui contient plus de risque à savoir l’innovation radicale.
• Dans la même veine, ceci nous mène vers un cinquième apport du crowdfunding au Maroc
qui coïncide avec la stratégie de décentralisation du Maroc. En effet, cette stratégie de
gouvernance peut profiter des plateformes crowdfunding en développant des projets
innovants au niveau local en coopération avec les citoyens de la région. En d’autres
termes, les citoyens sont les mieux placés pour sélectionner les projets dont ils ont besoin
dans la région. Ils participeront à travers ces plateformes à compléter les ressources des
collectivités locales et répondre aux enjeux de développement régional. En plus, il
favorisera le sentiment d’appartenance, de proximité et d’engagement des citoyens et
produira plus de cohésion sociale et de créativité.
Selon (Hemdane, 2016a), 126 projets ont réussi à lever environ 413 k€ 1 sur différentes
plateformes en avril 2015. Ainsi, les différentes plateformes opérantes au Maroc sont :
• www.zoomaal.com : plateforme de crowdfunding en dons basée au Liban.
• www.cotizi.com : cagnotte de collecte de fonds en dons basée au Maroc.
• www.cofundy.com : plateforme de crowdfunding en dons basée en France.
• www.smala.com : plateforme de crowdfunding en dons basée en France.
• www.Afi neety.com : plateforme de crowdfunding en investissement (Equity
crowdfunding).
• www.afrikwity.com : plateforme de crowdfunding en investissement (Equity
crowdfunding).
1
Source rapport Switchmed sur le crowdfunding (2015).
Au terme de notre revue de littérature et à partir d’une pré-exploration du terrain, nous pouvons
construire les propositions de recherche suivantes :
• Proposition 1 : Le crowdfunding joue un rôle crucial dans le financement des entreprises.
• Proposition 2 : Plusieurs obstacles limitent l’essor du crowdfunding au Maroc.
• Proposition 3 : Des freins de différentes natures entravent le recours au crowdfunding au
Maroc.
2. Méthodologie de la recherche
Etant donné que l’objectif de notre recherche est la compréhension des difficultés de mise en
place du crowdfunding au Maroc et l’exploration de son impact sur le financement des
entreprises dans le cadre des écosystèmes marocains, nous avons jugé judicieux d’opter pour une
approche interprétativiste. Partant d’une riche revue de littérature nous avons formulé des
propositions de recherche que nous allons étudier et analyser lors de notre phase empirique.
Cette dernière basée sur une étude de cas multiples visant la réalisation des entretiens auprès
des dirigeants d’entreprises.
En ce qui concerne la technique de collecte de données, nous avons recouru à la technique qui
répond au mieux à notre problématique à savoir : l’entretien. Ainsi nous avons réalisé 12
entretiens semi-directifs impliquant les dirigeants d’entreprises et prenant en considération leur
perception sur cette problématique.
Le choix de nos cas d’études est marqué par une variété qui concerne le secteur d’activité, âge,
formation, expérience, localisation, etc. Cette diversification renforce la représentativité
théorique des cas étudiés. De surcroît, pour assurer la validité de notre recherche nous avons
opté pour une triangulation des méthodes de recueil des données. En référence à Jick (1979) et
Yin (1994), la triangulation des méthodes permet d’enrichir les données et affiner l’analyse. Dans
notre travail, on s’est basé principalement sur deux méthodes.
D’une part, la réalisation de douze entretiens semi-directifs auprès des dirigeants des PMEs nous
a permis de recueillir des informations. Ces dernières ont été tirées du verbatim retranscris.
D’autre part, une large analyse documentaire permettant d’étudier en profondeur notre
problématique.
Les données primaires issues de ces entretiens seront retranscrites, traitées, et ensuite analysées
à l’aide des données secondaires retenues de notre analyse documentaire relatives au
crowdfunding.
En dernier lieu, il est important de signaler que notre étude qualitative s’est basée sur le principe
de saturation théorique pour la détermination du nombre des entretiens réalisées.
3. Principaux résultats
Notre travail de recherche a pour objectif de s’arrêter sur le rôle du crowdfundig dans le
financement des entreprises en tant qu’acteur d’écosystème. Les dirigeants d’entreprises
interviewés ont tous exprimés que le recours au crowdfunding va permettre de résoudre en partie
la problématique de financement. Ces derniers considèrent que le crowdfunding constitue
désormais une source alternative à laquelle ils peuvent recourir pour financer leur projet.
D’autre part, l’analyse des contraintes du développement du crowdfunding au Maroc auprès des
12 entreprises étudié a révélé l’existence de différents freins que nous synthétisons dans la figure
3 suivante :
10
9
8
8
7
0
Freins Freins liés à la nature Freins joints au Freins Freins attachés au
réglementaires du domaine commerce psychologiques et risque de fraude
électronique culturels
Lors de nos entretiens, un deuxième dirigeant a avancé : « ce qui nous bloque en tant
qu’entrepreneur c’est la loi. En fait, le seul moyen de réglementation de ce nouveau mode de
financement reste La Circulaire n°2/2005 relative aux conditions et procédures d’instruction des
demandes d’appel à la générosité publique impliquant une lourdeur administrative.
Contrairement à la situation plus souple dans d’autres pays comme la France… ».
Ainsi, plusieurs auteurs ont fait les mêmes constats. Si les prémices du développement du
crowdfunding au Maroc paraissent réunies, le cadre réglementaire demeure absolument
inadapté (Hemdane, 2016b).
Dans la même optique, l’étude de (El Ouafa, 2019) montre que les responsables des plateformes
sont unanimes sur le fait qu’elles sont plutôt d’ordre réglementaire et administratif.
S’agissant des plateformes toutes jeunes, elles n’ont pas encore de définition juridique propre et
obéissent aux mêmes règles des institutions financières classiques.
En effet, le crowdfunding par la multitude et la diversité des produits qu’il offre freine
l’élaboration d’une réglementation souple. Les projets innovants se trouvent donc bloqués
devant un cadre réglementaire inadaptée au financement participatif.
Dans la même optique, 9 entreprises sur 12 ont avancé que c’est la nature du domaine qui freine
l’essor du crowdfunding au Maroc. En effet, la finance est un domaine où règne les problèmes
relatifs à l’asymétrie de l’information.
Autrement dit, ces problèmes apparaissent dès lors que les parties contractantes ne sont pas
dotées du même niveau d’information. Dans le cadre de notre étude, les entrepreneurs avancent
que les apporteurs de fonds (financeur) n’arrivent pas à choisir les bons projets. L’un des
Pour les freins liés au commerce électronique, 7 dirigeants d’entreprises sur 12 expliquent la
faiblesse du crowdfunding par le fait que les marocains sollicitent peu le commerce électronique
pour le financement de leur projet. L’un des entrepreneurs ajoute : « je crois que le crowdfunding
est un défi de grande taille pour le Maroc, puisqu’on ne trouve pas d'institutions chargées des
investigations et de la veille, ce qui engendre à une forte augmentation des arnaques sur Internet.
Personnellement, je le considère comme un choix de dernier ressort ».
La situation économique faible des citoyens marocains projette la faiblesse de leur bancarisation
et donc leur capacité à effectuer des opérations en ligne en général et à adhérer au crowdfunding
à titre particulier. Financer un projet innovant à travers le « e-business » s’avère donc difficile à
réaliser.
Selon 11 entreprises parmi 12, les obstacles psychologiques et culturels freinent leur recours aux
plateformes crowdfunding. Malgré le développement du crowdfunding dans le monde, la
majorité des citoyens marocains méconnaissent ce type de financement et éprouvent une grande
méfiance vis-à-vis des modalités offertes.
Cette méfiance trouve son origine surtout dans le caractère nouveau et original du service. L’un
des entrepreneurs interviewés nous a avancé : « ce mode de financement ne correspond pas à
notre culture. La majorité des entrepreneurs qui m’entourent méconnaissent cette voie de
financement… ». Tandis qu’un deuxième affirme : « malheureusement au Maroc, l’industrie du
crowdfunding demeure mal connu et la culture de financement participatif n’a pas encore pris de
l’ampleur ». Par conséquent, cette culture marquée par l’angoisse et l’aversion au risque avorte
l’innovation.
Lors de nos entretiens 8 dirigeants ont expliqué que le risque de fraude est un obstacle majeur au
développement du crowdfunding. Les investisseurs méconnaissent les autres parties prenantes à
savoir la plateforme qui fait office d’intermédiaire ainsi que le porteur du projet. Le risque de
fraude et d’escroquerie s’amplifient à cause des asymétries d’informations entre ces
investisseurs, les porteurs de projets et plateformes. Ils peuvent être lésés sur un projet sans avoir
la possibilité de recourir à des institutions judiciaires.
Un dirigeant d’entreprise nous a expliqué : « nous voyons chaque jour des cas d’arnaque sur
internet, ce qui rend difficile l’établissement d’un climat de confiance entre entrepreneur
plateformes et investisseurs. De notre part on craint le manquement à l’éthique et le vol des
idées… ».
4. Discussion et recommandations
Dans un monde ouvert où internet transcende les limites géographiques, les pays sont forcément
en concurrence les uns avec les autres et poussés vers une certaine forme de standardisation des
environnements légaux et économiques.
Le développement des projets marocains sur des plateformes étrangères constitue une perte en
termes de recettes fiscales pour le Maroc. La nécessité de récupérer ce manque à gagner est
grandissante dans le contexte actuel.
Ainsi, pour remédier aux entraves du développement du crowdfunding au Maroc plusieurs
mesures sont plausibles.
L’étude comparative du succès du crowdfunding dans différents pays, a révélé une forte présence
de la réglementation. Les USA, la France, l’Angleterre et le Liban constituent des pays leaders dans
Un éclairage sur le crowdfunding peut renforcer la confiance des contributeurs et lever les
ambiguïtés sur les différentes modalités. Concrètement, la mise en place d’un site, d’un guide de
financement participatif ou des plans de communication permettra de donner une vision claire et
réduira la méfiance des investisseurs.
Pour remédier à la question de fraude, on peut amener deux types d’actions. Une action en amont
par le biais de la prévention et la détection des fraudes, et une action en avale par le suivi
judiciaire :
• Prévention et détection de fraude : dans un premier temps, offrir aux investisseurs la
possibilité d’effectuer des recherches portant à la fois sur les projets ainsi que leurs
porteurs avant de prendre la décision d’investir. Ensuite, obliger les plateformes de mettre
Dans le même ordre d’idées, Mighiss et Moutahaddib (2021) avancent que sur le plan de
l’arnaque et l’escroquerie, il faut exercer plus de veille et de vigilance sur les plateformes de
crowdfunding, ce qui peut apparaitre important tant que pour les porteurs de projets et les
investisseurs, que pour l’économie du pays.
L’obligation de se doter des plateformes sur le territoire national permet d’une part de récupérer
le manque à gagner en termes de recettes fiscales. D’autre part, garantie une proximité avec les
porteurs de projets ce qui favorise la communication et renforce le lien entre les parties prenantes
(plateformes, investisseurs, innovateurs).
Prévoir des partenariats et des coopérations entre les acteurs traditionnels (banques, assureurs
et fonds d’investissement) et les plateformes de crowdfunding. Analyser les besoins de
financement et collaborer efficacement pour financer des projets innovants. Rhabra et Guerguer
(2015), dans leur étude traitant les modèles existants du crowdfunding et les perspectives de son
développement, expliquent que l’émergence de l’utilisation de l’internet et du Web 2.0,
l’amplification de l’utilisation des moyens de paiement électronique vont contribuer au
développement du financement par la foule au Maroc. Ainsi, l’usage des cartes de crédits et des
virements par internet a facilité aux donateurs la procédure de soutien, de transfert de fonds et
de participation à la réalisation des projets présentés dans les campagnes Crowdfunding, et leur
a garantie des transactions moins couteuses et assez bien sécurisées.
Conclusion et perspectives :
Arrivant aux termes de notre travail, il est louable de rappeler que l’apport théorique de ce travail
se manifeste par l’adoption d’une approche théorique multidisciplinaire qui a mis en lumière les
relations existantes entre trois phénomène récents (écosystème d’innovation, crowdfunding et
développement territorial). La place de l’intelligence économique en tant que médiateur
indispensable dans le contexte actuel a été abordé. Les relations dynamiques relationnel entre
crowdfunding et écosystème d’innovation ont été bien décortiquées.
Sur le plan pratique, l’objectif de ce document n’était pas seulement de montrer le rôle des
écosystèmes dans la promotion de l’innovation, ni de montrer l’importance de l’intelligence
économique dans le développement des territoires mais principalement de s’arrêter sur les
contraintes de développement du crowdfunding sur le territoire marocain à travers une étude de
cas multiples. Et enfin de proposer certaines perspectives plausibles de promouvoir ce mode de
financement au Maroc.
La réponse apportée à notre problématique est que la clé de voûte vers un développement
territorial intelligent au Maroc se base sur la combinaison des trois éléments clés de notre
recherche. Les perspectives de ce travail pointent que le Maroc s’est déjà lancé dans la dynamique
des écosystèmes et doit consacrer de plus en plus d’importance à l’intelligence économique.
Néanmoins, la question stratégique qu’il doit développer les années avenirs est celle du
crowdfunding.
Par conséquent, grâce aux opportunités offertes par les expériences étrangères, le Maroc (avec
toutes ses parties prenantes) doit réfléchir sérieusement pour profiter des bienfaits de ce mode
de financement. A ce niveau, le Maroc conscient de l’importance des écosystèmes (lancement
des clusters à partir des années 2000), il aura l’occasion d’y être pionnier au niveau de l’Afrique
en exploitant les apports du financement participatif.
Comme perspectives théorique et méthodologique, une étude quantitative peut compléter notre
travail. En effet, dans un monde d’innovation ouverte, le crowdfunding et les écosystèmes
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