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actuelles considèrent cependant que ce de la marchandise. le silence du débi- en fait - le débiteur cédé devra
régime juridique peut être étendu aux teur pendant plus d'un mois entraîne, à informer rendossataire de ses objec-
autres contrats commerciaux (6). notre avis, une présomption réfragable tions même si lendosseur les connais-
d'acceptation de la marchandise (10). sait au moment de lendossement, voire
le délai normal pour faire valoir les
objections est fonction du temps né- même s'il avait déjà, avant l'endosse-
d) Disposition contractuelle.
cessaire pour vérifier si les marchandi- ment, protesté contre la facture auprès
les parties peuvent convenir que les de lendosseur. Cette obligation d'infor-
ses et les clauses de la facture sont réclamations devront être introduites
conformes au contrat (7). Ainsi, en mation à légard de lendossataire sera
dans un délai qu'elles déterminent. notamment présente lorsque le débiteur
matière de construction, il serait aber-
rant de limiter à 15 jours le délai de Un tel délai peut être prévu dans les cédé sait ou doit savoir que le fournis-
réclamation du maître de louvrage. les conditions générales; ce délai liera alors seur n'a pas pu ou n'a pas voulu avertir
malfaçons peuvent parfois apparaître le cocontractant qui a marqué son le factor des exceptions qui affectent la
plusieurs années après la réception de la consentement sur ces conditions géné- créance décrite dans la facture. ·
facture et I' agréation des travaux. Mais rales ( 11 ). les effets du manquement à Parmi les indices destinés à vérifier la
il en va tout autrement si la vente porte cette obligation contractuelle ne se présence de l'obligation d'information
sur des biens de consommation directe, situent plus sur le plan de la preuve; en prédécrite, on peut citer les éléments de
par exemple la vente de sucre . ou effet, le non-respect du délai entraîne fait suivants :
d' oeufs à un pâtissier (8). une véritable déchéance du droit d'in-
- renvoi par lendossataire au débi-
voquer les exceptions.
b} le débiteur n'est pas commerçant. teur cédé, en même temps que la
facture, d'une lettre lui signalant
En principe, le silence prolongé du B. - Obligation de protestation qu'à défaut de communication des
débiteur ne constitue pas une présomp- incombant au débiteur cédé réserves éventuelles dans les 8
tion d'acceptation de la facture. Pareille à /'égard de r endossataire jours, il considère la facture comme
présomption n'est établie que lorsque, de la facture (12) acceptée;
eu égard aux circonstances, aucune
autre signification ne peut lui être lorsque le transfert de la créance lui - les lettres de rappel et de mise en
attribuée (9). est opposable, le débiteur cédé a demeure émanant de r endossataire;
lobligation, en vertu des principes la faillite de r endosseur peu de
c} Disposition particulière relative aux énoncés dans le paragraphe précédent, temps après lendossement. En pa-
biens de consommation. de faire valoir ses réclamations à len- reille circonstance, il y a plus de
la loi du 25 octobre 1919, traitant dossataire, dans un bref délai. chances que la société faillie n'ait
notamment de l'agréation et de l'exper- Cette obligation de protestation r
pas informé endossataire des dif-
tise des fournitures faites directement à est-elle plus impérieuse à /'égard de férentes contestations relatives aux
la consommation, prévoit en son article r
/'endossataire qu'à égard du fournis- créances cédées;
18, que : « les marchandises et pro- seur ? On pourrait le penser, puisque le cas où les créances sont réguliè-
duits ouvrés livrés par les détaillants et r endossataire ignore en fait les rapports rement cédées au même organisme
les industriels fournissant directement à juridiques qui ont donné lieu à la facture de crédit - on pense au factoring
la consommation, sont censés agréés endossée. - créant ainsi un réseau de rela-
si, dans un délai d'un mois à partir de la tions triangulaires permanent. On
livraison, il n'a été ni présenté d'obser- Mais d'autre part, comme l'affirme la
peut concevoir qu'en raison des
vations par écrit, ni réclamé d'expertise. Cour de cassation dans un arrêt du 14
contacts réguliers, entre le factor et
février 1924 (13), «la cession de créance
» le délai est interrompu s'il est le débiteur cédé, ce dernier doive,
ne peut nuire au débiteur, ni aggraver sa
procédé à des réfections ou à des en certaines hypothèses, informer le
position».
réparations, mais recommence à courir factor des exceptions qu'il pourrait
après que ces réparations ou réfections En outre, lobligation d'informer len- faire valoir envers son créancier.
ont été faites ». dossataire des liens juridiques sous-
jacents n'incombe-t-elle pas essentiel- Conformément aux principes, obli-r
Cette disposition, souvent oubliée, gation de protestation sera plus impé-
lement, en vertu du contrat de cession
vise essentiellement les non-commer- rieuse lorsque le débiteur est commer-
çants. Elle ne concerne que I' agréation
r
de créance, à endosseur lui-même ?
çant.
A notre avis, d'une manière générale,
la transmission de la créance ne modifie Quel est le fondement juridique de.
(6) Comm. Malines, 14 févr. 1973, J.C.B., en rien lobligation du débiteur cédé de cette obligation d'information ?
1974, p. 19; A. Claquet, op. cit., p. 186, n°s 466
et s. (selon cet auteur, les effets de la force faire connaître ses réserves ou refus. On peut considérer que le cession-
probante attribuée à la facture sont différents Cette obligation résulte du contrat naire, reprenant les droits et obligations
selon que la facture se rapporte à un contrat de passé entre le débiteur et ladhérent et
vente ou à un autre contrat); L. Fredericq, du cédant, devient le nouveau parte-
de lenvoi de la facture au débiteur. naire contractuel du débiteur cédé.
Handboek van Belgisch handelsrecht, 1976,
p. 253, n° 220; J. Van Ryn, foc. cit. Cependant, dans certains cas déter- Celui-ci doit, en vertu de l'exécution de
(7) Voy. A. Claquet, op. cit., n°s 586 et s.; minés - il s'agit là d'une appréciation bonne foi des conventions prescrite par
voy. sur l'acceptation des conditions générales larticle 1134, alinéa 3 du Code civil,
de vente, M. Bosmans, «Chronique de jurispru-
dence. Les conditions générales en matière (10) Le terme «censés agréés» semble indi- r
collaborer à exécution du contrat,
contractuelle, 1975-1979 », J.T., 1981, p. 19, quer, en effet, l'établissement d'une présomp- notamment en fournissant à son nou-
notamm. n°s 11 à 14. tion. veau contractant toutes les informa-
(8) Voy. sur cette question, l'abondante juris- (11) Voy. sur cette question, A. Claquet, op. tions nécessaires.
prudence citée par A. Claquet, op. cit., pp. 218 cit., p. 200; M. Bosmans, foc. cit.
et 219. (12) Voy. à ce sujet, A. Zenner, Le cadre Dans une autre interprétation, I' obli-
(9) Voy. H. De Page, Traité élémentaire de juridique du factoring, Centre d'études bancai- gation d'information du débiteur cédé à
droit civil, t. Il, n°s 544 à 546; M. Bosmans, foc. res et financières, mai 1972, pp. 50 et s.; H. légard de r endossataire résiderait dans
cit.; A. Claquet, op. cit., n°s 454 et s.; L. Braeckmans, Factoring, een juridisehe analyse,
pp. 107 à 113. larticle 1382 · du Code civil. Cette
Fredericq, op. cit., 1976, p. 251; P. Van Om-
meslaghe, « Les obligations. Examen de juris- (13) Pas., 1, 202, cité par P. Van Ommeslaghe, analyse est en tout cas applicable
prudence (1968-1973) », n° 132, R.C.J.B., 1975, « La transmission des obligations en droit positif lorsque le débiteur et lendosseur
p. 726. belge», op. cit., p. 100, n° 20. n'étaient pas liés par un contrat, par
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exemple en cas de cession de fausses ses réserves de toute urgence, et au soulever cette exception plus tôt, car le
factures à r endossataire. Si le débiteur plus tard, dans les 8 jours. contrat fixait au 15 août la date
mentionné sur la fausse facture reçoit Le débiteur cédé, assigné en paie- d'achèvement des travaux. Cependant,
une demande de paiement de la part de ment du montant de ces factures, fait on ne trouve, sur la facture, aucune
lendossataire concernant une facture valoir r exception d'inexécution. Le fac- mention relative à cette date d' achève-
n'a jamais reçue, il doit en avertir tor réplique que le silence prolongé du ment. Par ailleurs, la faillite de lentre-
lendossataire. En n'informant pas celui- débiteur cédé constitue une accepta- preneur est déclarée un peu plus d'un
ci, il n'agit pas selon le comportement tion tacite de la facture. mois avant léchéance de la facture.
d'un homme avisé placé dans les Le tribunal a considéré que le débi-
mêmes circonstances; il commet ainsi Le juge de paix considéra que la
présence .sur la facture d'une clause teur cédé, par son silence prolongé,
une faute quasi délictuelle. La sanction avait accepté la facture. Par ce fait, le
pourrait alors consister dans la dé- invitant à communiquer au vendeur les
éventuelles réserves au plus tard dans défendeur en avait aussi accepté les
chéance du droit d'invoquer les excep-
les 8 jours, rendait plus impérieuse termes qu'il considérait comme exacts,
tions (14).
encore lobligation incombant au débi- à savoir que les travaux étaient exécu-
teur de protester contre la facture à bref tés et bien exécutés et qu'ils devaient
2. - Quelques applications délai. r
être payés à échéance'.
jurisprudentielles Le juge poursuivit : « Même si ce délai En acceptant une facture anticipa-
de 8 jours ne peut être de stricte tive, poursuivit le tribunal, le débiteur a
Une remarque préalable s'impose : interprétation, puisqu'il est unilatéral, donc pris un risque puisqu'il consentait
les décisions produites ne constituent encore faut-il admettre, de bon sens, à payer des fournitures oui n'avaient
pas nécessairement un échantillon re- qu'il ne peut raisonnablement dépasser pas été livrées.
présentatif de la jurisprudence exis- un mois (Claquet, id., n° 5 586_ et 591) ». En étudiant cette décision, on cons-
tante. Les conclusions que l'on pourra tate, à la décharge du débiteur, qu'il lui
On peut également déduire du juge-
en tirer devront donc -être utilisées avec était impossible de faire valoir une
prudence et réserve. ment qu'une obJjgation équivalente de
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notification des exceptions, incombe au quelconque exception d'inexécution à la
débiteur cédé à l'égard du cessionnaire, réception de la facture; en outre, le
A. - Le juge âe paix d'Etterbeek eut cédant savait qu'il s'agissait d'une
lorsque la cession est rendue opposa-
récemment à connaître de espèce r ble. facture anticipative et c'était à ce
suivante (15). dernier qu'il incombait de signaler cet
Le juge, constatant que le défendeur élément à lorganisme de crédit. Mais, le
Une société, après avoir cédé un
n'offrait aucun élément susceptible de débiteur devait savoir, en l'espèce, que
ensemble de factures à ùne soéiété de
renverser la présomption d'acceptation l'organisme de crédit n'avait pas été
factoring, tombe en faillite. Les factures
tacite, fit donc droit à la demande du informé de la nature anticipative de la
invitaient le destinataire à communiquer
factor. facture; en effet, la facture ne mention-
nait pas la date d'achèvement des
(14) Voy. pour plus de précisions à cet égard, B. - Un jugement du 24 février 1979 travaux; au surplus, la banque envoya
P. Van Ommeslaghe, « Rechtsverwerking en du tribunal de commerce de Liège traite de nombreuses demandes de paiement
afstand van recht », T.P.R., 1980, pp. 755 et d'une hypothèse similaire ( 16 ).
756, pp. 778 et 779. qui aboutirent à une sorte d' acquiesce-
Plusieurs participants à la réunion du 31 mars La facture avait été, cette fois, ment de la part du débiteur, à savoir le
1981 ont émis l'idée, fort attrayante, de baser endossée au bénéfice d'une banque; il paiement du prix dans sa majeure
robligation d'information sur la théorie de la s'agissait en outre d'une facture anti- partie; enfin, la faillite de l'endosseur
rechtsverwerking. Dans leur récente chronique cipative. Les faits de la cause peuvent laissait entrevoir des problèmes d' exé-
de jurisprudence relative au droit des obliga-
tions, MM. Dirix et Van Oevelen définissent le être résumés comme suit. Une facture cution dont le débiteur devait alors
concept en ces termes: «Men spreekt van est émise le 30 avril 1975 pour un informer lendossataire.
rechtsverwerking wanneer iemand door toe- ensemble de travaux et de fournitures
doen van zijn eigen gedragingen een recht dont le prix était de 1.228;065 F. La C. - Le jugement rendu le 30 janvier
geheel en gedeeltelijk verliest omdat het verder 1980 par le tribunal de Bruxelles con-
facture vient à échéance le 30 juin. Le 5
uitoefenen ervan strijdig is met de voorheen
ingenomen houding » (E. Dirix et A. Van Oeve- mai, la Société générale de banque, cerne les obligations d'un débiteur non-
len, « Verbintenissenrecht, gerechtelijke jaren , endossataire de la facture, avise le commerçant ( 17).
1978-1979 en 1979-1980», R.W., 1980-1981, r
défendeur, débiteur cédé, de en,dosse-
Une entreprise avait effectué d'im-
col. 2441). ment par lettre recommandée, et si-
Ce concept de droit allemand, introduit
gnale qu'elle considère le défendeur portants travaux pour une institution
depuis plusieurs années aux Pays-Bas, fut universitaire. L'entrepreneur avait en-
étudié lors d'une récente réunion annuelle de comme d'accord sur le montant et la
date d'échéance, à défaut d'avis con- dossé certaines factures auprès d'une
I' Association pour létude comparative du droit
belge et néerlandais (voy. les rapports de P. Van société de factoring; les factures furent
traire de sa part dans les 8 jours.
Ommeslaghe et H.A.M. Aaftink, publiés dans le adressées à l'institution universitaire de
T.P.R., 1980, pp. 735 et s.). La majorité des la banque envoie plusieurs lettres de à décembre 1977. Le 14 décembre
participants à cette réunion étaient favorables à rappel au débiteur cédé, dont la der- 1977, le factor fit parvenir un récapitu-
l'introduction de ce concept en droit belge (voy. nière, très menaçante, le 11 juillet.
E. Dirix et A. Van Oevelen, foc. cit.). Ce concept, latif des factures impayées. Le 31
qui n'a pas encore pénétré dans la jurispru-
Toutes ces missives restent sans ré- janvier 1978 seulement, l'université fit
dence, a fait lobjet de plusieurs développe- ponse. valoir des réserves.
ments en doctrine (voy. les réf. citées par E. Dirix
Le 25 juillet, le débiteur verse à la Le juge, soulignant notamment qu'il
et A. Van Oevelen, foc. cit.).
On pourrait concevoir que la rechtsverwer- banque la somme de 1.000.000 F. s'agissait d'un contrat en cours d' exé-
king constitue le fondement juridique de l'obli- Le 31 juillet, le débiteur fait valoir cution, décida que « la réclamation du
gation de protestation dans le chef du débiteur,
à condition d'admettre qu·en négligeant d'infor- rexception d'inexécution pour se sous- 31 janvier 1978 ne saurait être considé-
mer r endossataire et qu'en ne faisant valoir ses traire au paiement du solde; le débiteur rée comme constituant une protesta-
exceptions qu'après plusieurs mois, il exerce affirme avoir été dans l'impossibilité de tion faite en temps utile contre la lettre
son droit de manière inconciliable avec son
comportement antérieur.
(15) J.P. Etterbeek, 5 févr. 1979, J. T., 1980, (16) Société générale de banque c. Poncin, 5° ( 17) S.a. Heller factoring c. Vrije Universiteit
p. 248. ch., R.G., n° 648/76, inédit. BrusseJ, 3° ch., R.G., n° 91742, inédit.
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du 14 décembre 1977 antérieure de 6 que celui-ci juge nécessaires à la institué par lordonnance n° 67-838 du
semaines ». défense de ses intérêts, tant à r égard 28 septembre 1967 portant réforme du
C'est principalement le fait du cédant que du débiteur de la créance crédit aux entreprises (22).
s'agissait d'un contrat en cours d' exé- cédée».
Ce procédé, rappelons-le, offre
cution qui a permis au juge de déduire l'avantage suivant : si le débiteur n'a
qu'il s'agissait d'un silence circonstan- pas fait valoir, comme il lui fut notifié
cié. 3. - Conclusions lors de renvoi de la facture, ses
Nous croyons devoir souligner ici que réserves et refus dans un délai de 15
la constatation d'un silence circonstan- Les décisions produites, il faut s'en jours, la facture est élevée au rang des
cié nécessite une analyse appronfondie réjouir, ne laissent pas sans effet le effets de commerce; les exceptions que
des faits de la cause. Des raisons silence prolongé du débiteur, à la le débiteur aurait pu faire valoir, devien-
multiples (maladie, vacances, réticence réception de la facture. nent alors inopposables au possesseur
à manier la plume, lenteurs administra- La première d'entre elles prend en de la facture.
tives ... ) peuvent justifier ce silence. considération la présence d'une clause On sait que ce procédé, trop parfait
On peut se demander si, dans la sur la facture du cédant ou d'une lettre pour les uns (23), trop lourd pour
r
présente espèce, absence de protesta- émanant du cessionnaire spécifiant que d'autres (24), n'a pas rencontré le
tion pendant un délai de 6 semaines de le débiteur est considéré avoir marqué succès escompté. La loi 81-1 du 2
la part d'une université, sujette aux son accord sur les différents éléments janvier 1981 a d'ailleurs fait disparaître
lenteurs administratives, constituait de la facture, à défaut d'avis contraire cette institution de larsenal législatif
réellement un silence qui n'était suscep- de sa part dans les 8 jours. français (25).
tible d'aucune autre signification que La seconde décision évoquée retient,
l'acceptation de la facture. dans certaines circonstances détermi- B. - La loi précitée du 2 janvier 1981,
En fait, une lecture attentive du r
nées, obligation de protestation du visant à faciliter le crédit aux entrepri-
débiteur cédé à l'égard de l'endossa- ses, institue un mode de transfert de
jugement incite à croire que d'autres
taire lorsque, de commun accord entre créance assez similaire à r endossement
facteurs ont déterminé la décision du
juge. Celui-ci relève notamment que rendosseur et le débiteur cédé, une de la facture (26).
l'université n'a établi ni la véracité de facture anticipative a été dressée. La loi prévoit en son article 6 : « Sur la
ses réserves, ni l'impossibilité pour elle La troisième décision reconnaît des demande du bénéficiaire du bordereau,
de faire valoir ses réserves plus rapide- effets juridiques au silence prolongé du le débiteur peut s'engager à le payer
ment. débiteur non-commerçant. directement; cet engagement est cons-
taté, à peine de nullité, par un écrit
N'est-ce donc pas la négligence ou la La dernière décision souligne la ratio intitulé : " acte d'acceptation de la
mauvaise foi du débiteur, dont le silence de cette obligation d'information: per- cession ou du nantissement d'une
prolongé ne constitue qu'un élément, r
mettre à endossataire de prendre les créance professionnelle ".
qui fut déterminante en l'espèce ? mesures adéquates à la défense. de ses
intérêts. » Dans ce cas, le débiteur ne peut
D. - Quelques autres décisions opposer à létablissement de crédit les
Répétons cependant qu'il serait faux
abordent le problème étudié ( 18). Un
de considérer que le simple silence du
récent jugement du tribunal de com- (22) Pour un commentaire de cette ordon-
débiteur pendant plus d'un mois lui nance, on consultera avec intérêt, M. Vasseur,
merce de Bruxelles (19), sans présenter
interdirait d'opposer les exceptions au « Modes nouveaux de cession et de nantisse-
des caractéristiques originales au niveau ment de créance en droit bancaire », Rev.
factor. La présomption d'acceptation
des faits (20), énonce de manière claire Banqu~ 1970, p.355.
que crée le silence du débiteur reste
et concise le principe qu'il applique à (23) Voy. l'exposé des motifs de la proposi-
réfragable (21 ). Ainsi, le laps de temps
l'hypothèse litigieuse : « Si le débiteur tion de loi tendant à faciliter le crédit aux
nécessaire pour déceler les défauts des
de la créance cédée peut opposer à entreprises, Sénat, n° 205, seconde session
travaux et fournitures est essentielle- ordinaire de 1979-1980, annexe au P.V. de la
lendossataire les exceptions qu'il aurait
ment variable; le délai d'un mois prévu séance du 11 avril 1980, p. 4.
pu opposer au cédant, encore doit-il le
pour faire valoir ses réserves peut, dans (24) Voy. M. Vasseur, note sub Cass., 1er juill.
faire en temps opportun pour permettre
certaines circonstances, être réellement 1976, Dalloz, 1977, jur., p. 417.
à l'endossataire de prendre les mesures
insuffisant. (25) J.O., 2 janv. 1981, p. 150.
(26) On prévoit cependant la possibilité de
transmettre un ensemble de créances par la
(18) Voy. Civ. Bruxelles, 6° ch., 22 mai 1969,
seule remise d'un bordereau. D'autre part, ce
causes jointes : 1) la s.a, Les assurances du
Ill. - LE PROBLEME mode de transfert n'est valable qu'entre profes-
crédit c. Radiodiffusion-télévision belge, R.G.,
sionnels.
n° 66375; 2) radiodiffusion-télévision belge c. « DE LEGE FERENDA » Les factors français, consultés sur la proposi-
société coopérative Eurocinélabo, R.G.,
tion de loi instituant cette nouvelle technique de
n° 68018; 3) radiodiffusion-télévision belge c.
Est-il possible d'améliorer le régime transfert de créances, ont reproché à cette
Poncelet, en sa qualité de curateur de la faillite
belge actuel de l'endossement de la technique un certain formalisme qu'ils ne ren-
de la société coopérative Eurocinélabo, R.G., n°
contrent pas dans la subrogation. Ainsi, la
66379, cité et commenté par A. Zenner, foc. cit., facture en ce qui concerne I' opposabi-
prescription par la proposition de loi d'une
et par H. Braeckmans, foc. cit. Selon cette lité des exceptions ? notification par lettre recommandée semble être
décision, le débiteur qui sait que son fournisseur
Pour répondre à cette question, il un des obstacles majeurs à ladoption de ce
endosse régulièrement les créances dans son
nouveau mécanisme par les sociétés de facto-
chef auprès d'un organisme de crédit, doit ·nous a paru opportun d'évoquer au ring. A la suite de cette réaction des factors, la
avertir l'organisme endossataire des saisies- préalable les solutions proposées par le proposition de loi a été modifiée et la loi prévoit
arrêts pratiquées dans son chef par les créan- droit français. que les formes de la notification seront détermi-
ciers du fournisseur. Comm. Bruxelles, 24 avril
nées par décret, le but de cette modification
1980, foc. cit.
étant de permettre l'organisation de formes plus.
(19) Comm. Bruxelles, 14° ch., 30 mars 1981, 1. - Le droit français simples et moins coûteuses, en particulier pour
s.a. International factors Belgium c. P. Dubois, r affacturage.
R.G., n° 3147/80. A. - On connaît le régime des Voy. pour un commentaire de cette loi, C.
(20) Le défendeur n'avait donné aucune suite factures transmissibles et protestables Gavalda, « La cession et le nantissement à un
aux multiples rappels et mises en demeure banquier des créances professionnelles (loi
émanant du factor et dont les dates d'envoi n° 81-1 du 2 janv. 1981) »,Dalloz, 1981, chron.,
s'échelonnaient du 2 oct. 1979 au 20 févr. 1980. (21) Voy. A. Cloquet, op. cit., pp. 184 et s. XXIX, p. 199.
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I. - Une loi d'ordre public interne n'est le mariage doit être défini comme l'union conséquent, à son fils légitime du droit de
d'ordre public international que si, par les d'un homme et d'une femme qui consen- se prévaloir de l'article 1382 du Code civil,
dispositions de cette loi, le législateur a tent, l'un et l'autre, au moment de la n'est pas destructif de l'ordre social et,
entendu consacrer un principe qu'il con- célébration du mariage à partager leur vie, partant, de l'ordre public international
sidère comme essentiel à l'ordre moral, en sorte que l'existence des conjoints est, belge lequel requiert la protection des
politique ou économique établi en Belgique et contrairement à ce qu'affirme l'arrêt, une intérêts légitimes de ces deux personnes»;
qui, pour ce motif, doit nécessairement exigence commune aux deux époux; qu'en
Attendu qu'une loi d'ordre public interne
exclure l'application en Belgique de toute décidant qu'aucune disposition légale en
n'est d'ordre public international que si,
règle contraire ou différente d'un droit Belgique n'interdit de reconnaître le ma-
par les dispositions de cette loi, le législa -
étranger. Le juge ne doit vérifier la compati- riage d'une femme belge avec un défunt,
teur a entendu consacrer un principe qu'il
bilité avec l'ordre public international que l'arrêt viole toutes les dispositions légales
considère comme essentiel à l'ordre moral;
des seuls effets juridiques susceptibles d'être visées au moyen;
politique ou économique établi en Belgique
produits par la règle du droit étranger seconde· branche, les dispositions légales et qui, pour ce motif, doit nécessairement
déclarée applicable. visées au moyen et plus particulièrement exclure l'application en Belgique de toute
II. - Est légalement justifié l'arrêt qui les articles 144 et 146 du Code civil, en règle contraire ou différente d'un droit
constate que l'effet résultant de l'article 171 faisant de l'existence des deux conjoints au étranger;
du Code civil français, à savoir la reconnais- moment de la célébration du mariage, un
Attendu que le juge ne doit vérifier la
sance à une veuve, et par conséquent, à son élément essentiel à la validité de celui-ci,
compatibilité avec l'ordre public interna-
fils légitime, du droit de se prévaloir de sont des dispositions qui fixent, dans le
tional que des seuls effets juridiques sus-
l'article 1382 du Code civil n'est pas destruc- droit privé, les bases juridiques sur lesquel-
ceptibles d'être produits par la règle du
tif de l'ordre social et, partant, de l'ordre les repose l'ordre moral de la société, en
droit étranger déclarée applicable;
public international belge lequel requiert la sorte que la loi étrangère, qui admet le
protection des intérêts légitimes de ces deux mariage posthume, s'écarte du droit belge Attendu que, par les énonciations préci-
personnes. et en heurte tellement les principes fonda- tées, dépourvues d'ambiguïté, l'arrêt a pu,
mentaux que son application ou même son sans méconnaître les dispositions légales
III. - Les dispositions de l'article 171 du observation ne peut être tolérée; qu'en visées au moyen, écarter l'exception dé-
Code civil français constituent une loi au décidant qu'une considération particulière duite par la demanderesse du caractère
sens de l'article 608 du Codejudiciaire. Une d'équité privée doit conduire à appliquer en d'ordre public international s'attachant à
contravention à une loi au sens de ce dernier Belgique la loi française qui autorise les ces dispositions;
article ne saurait être une méconnaissance mariages posthumes, bien que cette loi soit,
de la foi due à cette loi et partant une Attendu, dès lors, qu'à supposer fondé le
selon l'arrêt, contraire à des considérations grief dirigé contre la considération suivant
violation des articles 1319 à 1322 du Code générales de politique sociale impliquant
civil. laquelle il n'y a pas de «texte légal belge
l'interdiction des mariages posthumes, l'ar- formulant expressément la condition
rêt se fonde sur des motifs ambigus (viola- d'existence sous la forme d'une exigence
tion de l'art. 97 de la Constitution), mécon- commune aux deux époux »,le dispositif de
Ouï M. le président de section chevalier naît la notion d'ordre public international
de Schaetzen en son rapport et sur les l'arrêt qui décide que le mariage de la
belge (violation de l'art. 6, C. civ.) et défenderesse est valable en Belgique de-
conclusions de M. Velu, avocat général; l'ensemble des dispositions légales visées meurerait légalement justifié;
Vu l'arrêt attaqué, rendu le 6 février au moyen:
1980 par la cour d'appel de Liège; Que le moyen ne peut être accueilli;
Sur l'ensemble du moyen:
Sur le premier moyen, pris de la violation Sur le deuxième moyen, pris de la
Attendu que, d'une part, il ressort de~ violation de l'article 3, et pour autant que
des articles 3, 6, 144, 146, 170, 170ter, 184 constatations de l'arrêt que le mariage de
du Code civil et 97 de la Constitution, de besoin, des articles 1318, 1319, 1320 et
la défenderesse a été régulièrement célébré 1322 du Code civil,
en ce que, pour décider que le mariage en France le 2 juillet 1969 dans les
posthume célébré le 2 juillet 1969 en conditions prescrites par l'article 171 du en ce que l'arrêt décide qu'en droit
France serait valable en Belgique, l'arrêt Code civil français, modifié par la loi du 31 français le mariage posthume ne limite pas
énonce «qu'à défaut de texte légal belge décembre 1959; ses effets au seul domaine du droit des
formulant expressément la condition personnes et engendre, en principe, des
Attendu qu'en vertu de cette disposition, effets d'ordre patrimonial, en sorte que les
d'existence sous la forme d'une exigence la célébration du mariage peut, pour des
commune aux deux époux, il s'impose défendeurs doivent obtenir la réparation
motifs graves, être autorisée si l'un des entière du préjudice qu'ils ont subi, la
d'appliquer de façon distributive les deux futurs époux est décédé après l'accomplis-
lois compétentes, l'existence des époux première en sa qualité de veuve de D ... F ... ,
sement de formalités officielles marquant et le second en sa qualité de· fils légitime de
étant par nature une condition propre à sans équivoque son consentement, auquel
chacun d'eux; ... que la forme spéciale de celui-ci,
cas, sous réserve des restrictions prévues à
manifestation du consentement prévu par l'alinéa 3 non applicables en l'espèce, les alors qu'il ressort du texte de l'article
·la loi française ... n'est pas incompatible effets du mariage remontent à la date du 1 71 du Code civil français, .tel qu'il est
avec les fins nationales de l'ordre juridique jour précédant celui du décès de l'époux; modifié par li:i loi du 31décembre1959, que
positif belge; que l'effet qu'il est demandé à l'intention du législateur français a été
la loi française de produire en l'espèce, à Qu'il s'en déduit que suivant la loi d'éviter que le mariage posthume puisse
savoir la reconnaissance à une veuve et par française le mariage est réputé avoir été engendrer des effets patrimoniaux, d'où il
conséquent à son fils légitime du droit de se contracté avec le consentement des époux suit qu'en faisant produire des effets patri-
prévaloir de l'article 1382 du Code civil, et de leur vivant; moniaux au mariage posthume célébré le 2
n'est pas destructif de l'ordre social et Attendu que, d'autre part, l'arrêt énonce juillet 1969, l'arrêt n'a pas appliqué correc-
partant de l'ordre public international que «l'effet qu'il est demandé à la loi tement la loi française et partant, viole
belge, lequel requiert la protection des française de produire en l'espèce, à savoir l'article 3, alinéa 3 du Code civil ou, à tout
intérêts légitimes de ces deux personnes, la la reconnaissance à une veuve et, par le moins, viole la foi due à l'article 1 71 du
considération particulière d'équité devant Code civil français :
l'emporter sur une condition générale de Attendu que les dispositions de l'article
politique sociale Q'interdiction des maria- Maison FERDINAND LARCIER, s.a. 1 71 du Code civil français constituent une
ges posthumes); ... que le décès de l'époux loi au sens de l'article 608 du Code
RUE DES MINIMES 39 - 1000 BRL.JXELLES
français a été sans influence sur la validité judiciaire; qu'une contravention à une loi
du mariage puisque le droit national de au sens de ce dernier article ne saurait être
cette personne consacre le mariage post- SOUS PRESSE
une méconnaissance de la foi due à cette loi
hume; que le mariage en cause ne peut LE STATUT SUCCESSORAL et partant une violation des articles 1319 à
être annulé et est valable en Belgique 1322 du Code civil;
nonobstant le défaut de sa transcription SURVIVANT
sur les registres courants de l'état civil... », PAR Qu'à cet égard le moyen est irrecevable;
alors que, première branche, par applica- Robert BOURSEAU (suite sans intérêt.)
tion des dispositions légales visées au Juge au tribunal de 7re instance de Liège
OBSERVATIONS. -L'arrêt soumis à la
Collaborateur à /'Université de Liège
moyen et plus particulièrement par appli- Notaire honoraire censure de la Cour de cassation a été publié
cation des articles 144 et 146 du Code civil, au J. T., 1980, p. 492.
655
Bruxelles (3e '30 1981 Bruxelles. A l'époque, le mari avait 22 ans Attendu que la dissolution du mariage
et la femme 15 ans. des parties au Maroc a eu lieu de la
Siég. : MM. De Schrevel, cons. ff. prés.; Kebers et Mme Dès le mois d'août 1975, les conjoints ·se manière suivante, d'après la traduction
Declerck, cons.
séparèrent. conforme d'un acte intitulé «acte de di-
Min. ,publ. : M. Geyskens, subst. proc. gén. vorce», émanant du ministère de la Jus-
Plaid. : MM es De Kock, Pelgrims de· Bigard et V an Le 18 novembre 1975, l'épouse obtint tice .du Royaume du Maroc, tribunal de
Espen. l'autorisation de percevoir sur les revenus première instance, notariat de Tanger :
du mari une délégation de somme de «Par devant les adouls (notaires) soussi-
(Boumedian c. Merroune.) 7 .500 F par mois, selon jugement prononcé gné·s, a comparu M. Boumedian Mohamed
par défaut par le juge de paix du premier né à Tanger en 1953... lequel, jouissant
MARIAGE. - DROIT INTERNATIONAL
canton de Schaerbeek. d'un bon état de faculté mentale, a requis
PRIVE. - Loi marocaine. - REPUDIATION Par exploit du 15 décembre 1975, Moha- acte de son plein gré déclarant qu'il annule
selon le droit marocain. - I. Acte d'annula- med Boumedian fit opposition à cette par voie de divorce le contrat de mariage
tion par voie de divorce. - Nature. - Acte décision. établi... le 14 mai 1975 entre lui et son
juridictionnel. - Il. Effets en Belgique. - épouse Naïma Merroune ... Il s'agit d'un
Cependant, le 18 décembre 1975, l'inté- premier divorce après consommation du
Article 570 du Code judiciaire. - Applica- ressé fit dresser à Tanger (Maroc) un acte
tion. - Principe d'ordre public belge et mariage, a-t-il déclaré. Le comparant a
de répudiation de N aïma Merroune. bien été identifié et décrit par les adouls.
respect des droits de la défense. - III. Egalité
en droit de l'homme et de la femme. - Le 20 janvier 1976, le juge de paix, Acte établi au notariat de Tanger le 18
Méconnaissance du principe par une décision statuant sur l'opposition, rendit un juge- décembre 1975, approuvé et homologué par
étrangère. - Sans effet en Belgique. - ment d'accord, actant l'engagement de le juge chargé du notariat. Signature des
IV. La répudiation de droit marocain n'est Boumedian de payer une pension alimen- adouls et du juge et cachet du notariat de
pas nécessairement contraire à l'ordre public taire mensuelle de 5.000 F et le condam- Tanger»;
belge. - Exercice discrétionnaire du droit nant, pour autant que de besoin, à payer Attendu qu'il appert de ce document que
par le mari. - Acte contraire à l'ordre cette pension. Ce jugement ne fait nulle l'actuel appelant a fait une déclaration
public. mention de ce que, dans !'entretemps, unilatérale de répudiation de l'ihtimée,
l'opposant avait répudié son épouse. démarche dont celle-ci n'a pas été informée
Le 7 avril 1976, Naïma Merroune mit au et à laquelle elle n'eût pu s'opposer;
I. - L'acte « d'annulation par voie de monde à Saint-Josse-ten-Noode un enfant
divorce » établi conformément aux règles du Attendu que, comme l'a justement
qui fut déclaré à l'état civil sous le prénom énoncé le premier juge, cet acte d'annula-
droit marocain et constatant que le mari a de Rachid, par la mère, qualifiée dans
déclaré unilatéralement répudier sa femme, tion par voie de divorce s'apparente bien
l'acte de «épouse Boumedian ». aux actes de juridiction gracieuse que
s'apparente aux actes de juridiction gra-
cieuse, ayant reçu l'approbation et l 'homolo- Le 4 juillet 1976, fut rendu à Tanger, à la connaît le système judiciaire belge; qu'en
gation du juge marocain. requête de Boumedian, une ordonnance effet, l'approbation et l'homologation d'un
non contradictoire par laquelle le juge juge a, en l'espèce, conféré un caractère
II. - La reconnaissance en Belgique des chargé du notariat au tribunal de première judiciaire à la déclaration du mari selon
effets d'un tel acte est subordonnée aux instance de cette ville condamna Boume- laquelle la dissolution des liens du mariage
conditions de l'article 570 du Code judi- dian à payer à N aïma Merroune, son était «prononcée » par lui (voy. F. Rigaux,
ciaire et particulièrement à l'exigence de « épouse divorcée », une somme de 400 Droit international privé, éd. 1979, t. II,
non-contrariété aux principes d'ordre public dirhams à titre de pension pour la «période n° 976; J. Lenoble, «La répudiation en
belge et du respect des droits de la défense. de retraite de continence», 200 dirhams à droit international privé belge», J.T.,
III. - Il ne peut être reconnu d'effet' en titre d'indemnité relative au divorce, ainsi 1975, p. 165, n°s 8 et 16; comp. G. Rommel,
Belgique à une décision étrangère qui mécon- que 10 dirhams par jour pour la pension de «Le statut personnel marocain», J.J.P.,
naît le principe de l'égalité en droit, de l'enfant Rachid, à partir de la naissance de 1980, pp. 237 à 241);
l'homme et de la femme, ou qui établit des celui-ci le 7 avril 1976. Ladite ordonnance Attendu qu'en l'occurrence, cet acte,
discriminations en fonction du sexe. porte qu'elle fut rendue «vu l'acte adou- dressé à la seule initiative du mari, fut
laire du 18 décembre 1975 par lequel l'expression de la volonté unilatérale de
IV. - Les répudiations de droit marocain Boumedian a divorcé (sic) son épouse
intervenues du consentement des époux ou celui-ci, seul des deux conjoints auquel
Naïma Merroune » et par application de appartient de manière discrétionnaire, en
prononcées par le juge ne sont pas nécessai- l'article 179 du Code de procédure civile. Il
rement contraires à l'ordre public' belge. droit marocain, la faculté inconditionnelle
est précisé in fine de cette décision, qu'il de dissoudre le mariage sans le consente-
La répudiation, lorsqu'elle n'est que s'agit d'une «ordonnance définitive et ment de l'épouse et même à l'insu de
l'exercice discrétionnaire par le mari de son exécutoire, non susceptible de recours », et celle-ci (Code du statut personnel maro-
pouvoir unilatéral de mettre fin au mariage, que «la partie qui se croit être lésée n'a cain, art. 44, al. 2); qu'au Maroc, en effet, la
sans que ·l'épouse n 'ait pu s y opposer, ni qu'à se diriger au tribunal compétent en la, femme n'a pas la possibilité d'empêcher la
disposer d 'un droit équivalent, méconnaît le forme ordinaire ». rupture du mariage par répudiation (J.
principe de ['égalité, en droit, de l'homme et Le 10 septembre 1976, Bou:inedian fit Fadlallah, Rev. crit. dr. int. pr., 1981, pp. 17
de la femme et, partant, viole l'ordre public citer N aïma Merroune devant le juge de à 29 et plus spéc. pp. 26 et 27);
belge. paix du premier canton de Schaerbeek aux Attendu qu'avant de reconnaître les
fins d'entendre supprimer la pension men- effets d'un tel acte en Belgique, il y a lieu
suelle de 5.000 F que ce magistrat l'avait de prendre en considération la dignité de
Attendu que le premier juge, tranchant condamrié à payer le 20 janvier 1976. Le l'épouse répudiée et le respect de ses droits
une question préjudicielle qui avait été demandeur offrit cependant de payer à la de défense; ·
renvoyée le 2 novembre 1977 au tribunal défenderesse pour l'enfant commun Rachid
de première instance par le juge de paix du une somme mensuelle de 3.000 F étant, dit- Attendu qu'à bon droit, le premier juge a
canton de Schaerbeek, a dit pour droit que il, l'équivalent de 10 dirhams par jour, considéré que la reconnaissance en Bel-
les parties, toutes deux .de nationalité montant correspondant au taux fixé par gique des effets de l'acte du 18 juillet 1975
maroèaine, ont en Belgique le statut de l'ordonnance marocaine du 4 juillet 1976 était subordonnée aux 5 conditions de
conjoints; dont question ci-avant. l'article 570 du Code judiciaire, et particu-
lièrement à la première de ces exigences
Attendu que l'appel tend à faire dire Le 2 novembre 1977, le juge de paix (non-contrariété aux principes d'ordre pu-
qu'au contraire, la dissolution du mariage rendit un jugement renvoyant, avant dire blic belge) et à la deuxième (respect des
des parties, intervenue au Maroc conformé- droit, la cause au tribunal de première droits de la défense);
ment à la loi de leur statut personnel, instance de Bruxelles. Le juge cantonal
sortira ses effets sur le territoire belge; considère en effet que, préalablement à Attendu que les circonstances de l'espèce
toute décision sur la pension alimentaire font apparaître avec évidence que· l'appe-
Attendu qu'il appert des pièces produites lant a bafoué les droits. de défense de
et n'est pas contesté que: ou la délégation de salaire, «il s'agit de
savoir si cette pension ou cette délégation l'intimée au prix de la lésion des intérêts de
Mohamed Boumedian et N aïma Mer- doit ou non être accor.dée soit à une épouse, celle-ci; que la chronologie des faits telle
roune, Marocains établis en Belgique, ont soit, à une ex-épouse ». qu'elle est reprise ci-avant, démontre que
contracté mariage le 14 mai 1975 devant le Mohamed Boumedian a recouru, sans en
consul général du Royaume du Maroc à * * * informer sa jeune épouse, à la répudiation
656
pour éluder les conséquences pécuniaires Bruxelles (3e ch.), 30 juin 1981 l'intimée nie toutefois avoir été présente à
d'une citation devant le juge de paix lancée Zerhoun le 13 novembre 1978;
contre lui par sa femme, laquelle était Siég. : MM. De Schrevel, cons. ff. prés.; Kebers et
enceinte à l'époque; que c'est au mépris Que l'appelant produit enfin une traduc-
V erougstraete, cons.
d'un jugement d'accord rendu le 20 janvier tion certifiée conforme d'un « acte de
Min. publ. : M. Geyskens, subst. proc. gén.
1976, soit après l'acte de répudiation, que divorce » établi par le cadi-notaire de
Plaid. : MM es Kelder et Chevalier.
Boumedian a provoqué, toujours unilatéra- Zerhoun le 24 janvier 1979 et attestant que
lement, au Maroc, le 4 juillet 1976, une (El Azzouzi c. Oujear.) « les liens matrimoniaux ont cessé entre
ordonnance accordant à l'intimée des avan- les époux »;
tages pécuniaires sensiblement inférieurs Attendu qu'El Azzouzi, afin de s'opposer
MARIAGE. - REPUDIATION UNILATE-
à la pension que, devant le juge belge, il à l'action intentée par Oujear devant le
RALE. - Violation du principe de l'égalité
s'était engagé à lui verser; juge de paix, a invoqué la répudiation
de l'homme et de la femme. - Contraire à
intervenue; que le juge de paix, estimant
Attendu qu'il ne peut être reconnu d'ef- l'ordre public belge.
qu'une question d'état était soulevée, a, le
fets en Belgique à une décision étrangère 21 février 1979, renvoyé la cause devant le
qui heurterait un principe que le législa- tribunal d'arrondissement de Bruxelles le-
teur considère comme essentiel à l'ordre La répudiation, lorsqu'elle n'est que
quel, à son tour, a, le 14 mai 1979, décidé de
moral, politique ou économique établi; l'exercice discrétionnaire par le mari de son
renvoyer la cause au tribunal de première
pouvoir unilatéral de mettre fin au mariage,
Attendu qu'il en est ainsi d'une décision sans que l'épouse n'ait pu s '.Y opposer ni instance qui rendit le 25 juin 1980 la
qui méconnaît le principe de l'égalité, en disposer d'un droit équivalent, méconnaît le décision entreprise;
droit, de l'homme et de la femme ou qui principe de l'égalité, en droit, de l'homme et
établit des discriminations en fonction du de la femme et viole l'ordre public belge. De la nature de la répudiation litigieuse :
sexe; qu'en effet, le principe de l'égalité des Attendu que rien n'établit que l'épouse
sexes est consacré par plusieurs disposi - ait eu connaissance de la répudiation ou ait
tions fondamentales de l'ordre juridique De la décision entreprise et des faits : donné son consentement à celle-ci;
belge, notamment par les articles 14 de la Attendu que la décision entreprise a dit
Convention européenne des droits de Que si les deux parties se trouvaient au
pour droit que les parties ont, en Belgique, Maroc en août 1978, cela ne pouvait être en
l'homme, 119 du Traité de la Communauté le statut de conjoints et a renvoyé la cause
économique européenne, 116 à 153 de la loi vue de faire dissoudre leur mariage de
devant le juge de paix du premier canton de commun accord; que les époux s'étaient en
du 4 août 1978; qu'en outre, notre concep- Schaerbeek; que l'appelant fait grief au
tion égalitaire de l'homme et de la femme effet réconciliés en mai 1978, après que
premier juge de ne pas avoir reconnu l'intimée eut cessé les démarches prélimi-
dans le mariage s'est traduite récemment
d'effet à une répudiation faite par lui au naires qu'elle avait effectuées pour obtenir
par la loi du 28 octobre 1974 modifiant
Maroc en août 1978 et, partant, de ne pas le divorce en Belgique;
l'article 387 du Code pénal et se trouve avoir dit pour droit que les parties ont, en
renforcée par la loi du 14 juillet 1976 Belgique, le statut de divorcés; Que l'acte de répudiation intervint le 23
relative aux droits et devoirs respectifs des août 1978 sans que ne fût mentionnée la
époux; Attendu que les parties, de nationalité présence de la femme, présence d'ailleurs
Attendu qu'en l'espèce, la répudiation marocaine, ont contracté mariage le 13 non requise par la loi marocaine; qu'il n'est
telle qu'elle s'est effectuée, n'a été que juillet 1977 à Meknès (Maroc); que les pas établi que cet acte lui ait été notifié par
l'exercice discrétionnaire par le mari de époux résident en Belgique depuis leur témoins ou autrement;
son pouvoir de mettre fin au mariage sans mariage; qu'un enfant commun y est né; Que loin de manifester un consentement
que l'épouse n'ait pu s'y opposer ni disposer qu'en août 1978, ils se rendirent ensemble quelconque à la répudiation, l'intimée dé-
. d'un droit équivalent; en voyage au Maroc; posa le 20 octobre 1978 une requête devant
Attendu que l'appelant produit une tra- le juge de paix visant à contraindre judi-
Attendu que si certaines répudiations de ciairement son mari à remplir ses devoirs
droit marocain, intervenues du consente- duction certifiée conforme d'un « acte de
répudiation simple», daté du 23 août 1978; d'époux;
ment des époux ou prononcées par le juge,
ne sont pas nécessairement contraires à que l'acte précise qu' «en vertu de l'autori- Que lorsqu'intervint l'acte du 13 novem-
l'ordre public belge, il en va différemment sation du cadi et par devant les deux adouls bre 1978, aucun des époux n'était au
de la mise en œuvre par le mari de son instrumentaires, a comparu le sieur El Maroc, fait qui n'est pas contesté, alors que
pouvoir unilatéral et exclusif de dissoudre Azzouzi lequel a requis acte de constater l'acte mentionne que l'intimée a fait des
le mariage, ainsi que l'appelant en a usé qu'il a répudié son épouse dame Oujear ... , déclarations et a signé un reçu; que dans
dans la présente espèce; répudiation simple, première, susceptible l'hypothèse où ces mentions feraient réfé-
de reprise en mariage »; que suit le para- rence à des déclarations faites antérieure-
Attendu, dès lors, qu'à bon droit le phe du cadi et le sceau de la mahakma ment par l'épouse, leur exactitude, sujette
premier juge a refusé de reconnaître un (notariat) de Zerhoun; à caution, se trouverait contredite par
effet quelconque en Belgique à la répudia- l'attitude adoptée par l'intimée après son
tion intervenue au Maroc, à l'initiative de Attendu que le 20 octobre 1978, l'intimée
retour en Belgique;
l'actuel appelant, dans les circonstances cita l'appelant devant le juge de paix du
décrites ci-avant; premier canton de Schaerbeek sur pied des Attendu, dès lors, que la répudiation
articles 221 et 223 du Code civil, aux fins litigieuse a revêtu un caractère tout à fait
d'obtenir l'autorisation de résider séparé- unilatéral, tant en ce qui concerne le fait
Par ces motifs : ment ainsi que, pour elle et son enfant, une même de cet acte qu'en ce qui concerne ses
pension mensuelle de 20.000 F; conséquences patrimoniales;
LA COUR, Attendu que le 13 novembre 1978, ainsi
qu'il résulte d'une traduction certifiée con- De l'effet en Belgique de la répudiation
Entendu à l'audience publique du 13 mai
forme d'un acte non déposé en original, le · litigieuse :
1981 la lecture par M. Geyskens, substitut
du procureur général, de son avis écrit cadi de Zerhoun, aprè~avoir, par référence
à l'acte de répudiation, dit que l'épouse Attendu que les décisions en matière
conforme; d'état des personnes, régulièrement ren-
répudiée avait déclaré ne pas être enceinte,
être mère d'un enfant et avoir droit au . dues par un tribunal étranger, produisent
Confirme le jugement entrepris. leurs effets en Belgique indépendamment
reliquat de sa dot (soit 2.000 dirhams), a
décidé de fixer la prime de répudiation à de toute déclaration d'exequatur, sauf si
600 djrhams, la pension de la femme à 300 l'on s'en prévaut en vue d'actes d'exécution
dirhams et «la pension de l'enfant à sur les biens ou de coercition sur les
Maison FERDINAND LARCIER, s.a. personnes; que ces décisions étrangères ne
60 dirhams par mois à compter de la date
RUE DES MINIMES 39 - 1000 BRUXELLES de répudiation, 30 dirhams de garde à sont toutefois réputées régulièrement ren-
compter de la date de l'expiration (sic) des dues que pour autant qu'elles satisfassent
3 mois de prime de jouissance »; que le aux conditions énoncées à l'article 570 du
CAHIERS DE DROIT EUROPEEN Code judiciaire;
document porte également que la femme a
Abonnement 1981 2.860 F. reçu de son ex-mari la somme de 1.230 Attendu qu'en l'espèce, rien ne permet
dirhams et délivré reçu à cette fin; que de considérer que la répudiation litigieuse
657
ait été effectuée d'une mamere non con- Par ces motifs : diation aux conditions de l'article 570 du
forme au droit marocain; que si l'appelant Code judiciaire (5).
n'apporte pas la preuve que la répudiation LA CouR, C'est ce ~ue prévoit aussi l'article 4 du
a été notifiée dans les délais imposés par Entendu à l'audience publique du 17 juin i>rotocole d accord administratif signé à
l'article 81 du Code de statut personnel Bruxelles le 25 septembre 1979 relatif à
1981 la lecture par M. Geyskens, substitut l'application des règles régissant l'état des
marocain, ceci n'affecte pas la validité en du procureur général, de son avis écrit
droit marocain de la répudiation elle-même :Qersonnes sur les territoires des Royaumes
conforme; du Maroc et de Belgique (6) : «les actes de
(cf. Fadlalla:h, « V ers la reconnaissance de répudiation dressés entre conjoints de na-
la répudiation musulmane par le juge Confirme le jugement entrepris. tionalité marocaine au Maroc suivant la
français», Rev. crit. ·dr. int. privé, 1981, législation nationale des é:i;>oux doivent
p. 22); produire leurs effets en Belgique dans les
mêmes conditions que les jugements de
Que sans doute, les mentions reprises divorce prononcés en pays étranger ».
dans la décision du 13 novembre 1978 OBSERVATIONS. - Les arrêts rendus Il faut cependant remarquer que cet
peuvent-elles laisser supposer que l'intimée par la cour d'apJ>el de Bruxelles le 30 juin accord, bien que son article 5 prévoie une
était présente et exprima son consente- 1981, en cause Boumedian c. Merroune et entrée en vigueur dès la signature, ne
en cause El Azzouzi c. Oujear, nous fournis- devra être appliqué par les tribunaux
ment aux mesures patrimoniales dérivant sent deux excellents exemples d'une appli- qu'après avoir reçu l'assentiment des
de la répudiation; que ces inexactitudes ne cation correcte de la réception en droit Chambres et avoir eté publié au Moniteur
sont cependant pas de nature à priver belge de la répudiation marocaine. belge.
l'appelant du droit d'invoquer la dissolu- , Les litiges ont commencé tous deux de La vérification des conditions prévues à
tion de son mariage, obtenue selon le droit façon très· classique. L'épouse marocaine l'article 570 du Code judiciaire a amené la
national des parties; que la présence ou introduit devant le juge de paix une de- cour d'ap__pel de Bruxelles à ne pas accepter
l'absence de l'épouse lors de cette procé- mande en mesures urgentes et provisoires les répudiations prononcées au Maroc car
dure unifa.térale n'offrent en effet, en droit fondée sur l'article 223 du Code civil. elles méconnaissaient le princi_pe de l'éga-
marocain, qu'un caractère tout à fait Le mari conteste cette demande en lité en droit, de l'homme et de la femme et
invoquant un acte de répudiation inter- établissaient des discriminations en fonc-
secondaire; tion du sexe.
venu au Maroc; le juge de paix s'estimant
Attendu que seules peuvent être recon- incompétent ordonne le renvoi de la cause Il s'agit là d'une excellente application
nues par le juge belge les décisions étrangè- au tribunal d'arrondissement pour vider de l'article 570 du Code judiciaire et nous
l'incident. L'affaire est alors soumise au devons l'approuver. ·
res qui ne contiennent rien de contraire à tribunal de première instance dont la
l'ordre public belge; qu'il ne peut être Mais ce non-respect de l'égalité des époux
décision est enfin contestée par une des dans la procédure ne peut cepen'dant plus
donné d'effets en Belgique à une déçision parties en appel.
être retenu dès le moment où l'é:i;>ouse,
étrangère qui heurterait un principe que le Et c'est ainsi que des affaires de mesures dûment convoquée, a pu faire val01r ses
législateur considère comme essentiel à urgentes et _provisoires ayant débuté en prétentions.
l'ordre moral, politique ou économique 1977 (dans le :r>remier cas) ou en 1979
(décision du 21 févr. 1979 dans le second) Les droits modernes (algérien, égyptien,
établi (Cass., 4 mai 1950, Pas., I, 624; cf. marocain, syrien, tunisien) s'assurent en
Graveson, Confiict of laws, p. 635; Fr. trouvent leur épilogue provisoire en juin
1981. effet que l'épouse a connaissance du di-
Rigaux, Droit international privé, éd. 1979, vorce unilatéral et prévoient des dommages
t. I, p. 364); Il est à remarquer que de telles situa - et intérêts.
tions ne se produiront sans doute plus à
l'avenir. En effet, une partie de la doctrine Dès ce moment nous devons accepter de
Attendu qu'il en est ainsi d'une décision prendre en considération la dissolution du
qui méconnaît le principe de l'égalité, en soutenait déjà la thèse défendue depuis
longtemps :r>ar le professeur C. Cambier (1) mariage et lui accorder de plein droit
droit, de l'homme et de la femme, ou qui selon laquelle le Juge saisi de la demande autorité de la chose jugée.
établit des discriminations en fonction du principale serait également compétent Notre pays ne peut en effet s'ériger en
sexe; pour trancher des incidents (2) et le censeur du droit etranger et il faut moins
professeur Fettweiss qui était favorable au s'attacher à l'appellation donnée à l'acte de
Qu'en effet, le principe de l'égalité des renvoi au tribunal d'arrondissement, vient rupture du mariage qu'à sa véritable struc-
sexes est consacré par plusieurs disposi- également de se rallier à l'interprétation ture (7).
tions fondamentales de l'ordre juridique dominante (3). M. TAVERNE.
belge, notamment par les articles 14 de la Les deux arrêts ont correctement appré-
Convention européenne des droits de cié la répudiation comme un acte judiciaire (5) Cass., 29 mars 1973, J. T., 1973, p. 389.
l'homme, 116 à 153 de la loi du 4 août 1978 en se fondant sur l'homolog:ation faite par (6) A ce propos, voy. J. Verhoeven, «Etat des
le juge du tribunal de première instance au personnes et compétences consulaires. -A propos d'un
et 119 du Traité C.E.E.; qu'à bon escient, le Maroc. accord belgo-marocain », J. T., 1980, pp. 717 à 722.
premier juge a relevé en outre que notre (7) Dans ce sens : Cass. fr., 1 re ch., 18 déc. 1979, Sem.
conception égalitaire de l'homme et de la Mais ils ont considéré, à tort selon nous, jur., 1980, p. 89; Dalloz, 1980, jur., p. 549 avec note E.
que cet acte judiciaire marocain était Poisson; Rev. crit. dr. int. privé, 1981, p. 90; Trib. gde
femme dans le mariage s'est traduite uniquement de juridiction gracieuse; en inst. Paris, 11 mars 1980, Sem. jur., 1980, II, 19412.
récemment par la loi du 28 octobre 197 4 effet, le juge marocain doit convoquer
modifiant l'article 387 du Code pénal et se l'épouse et ensuite prendre une ordonnance
trouve renforcée par la loi du 14 juillet par laquelle il réglera les conséquences de
1976 relative aux droits et devoirs respec- la dissolution du mariage (4). Celle-ci ne
tifs des époux; :r>eut être prise avant écoulement des délais
de citation.
Attendu que la répudiation, telle qu'elle Il y a donc un véritable jugement d'ail- Civ. Gand '""" "',._,,_.,,
s'est effectuée en l'espèce, n'a été que leurs susceptible d'appel dans les formes 14 septembre 1981
l'exercice discrétionnaire par le mari de ordinaires.
son pouvoir de mettre fin au mariage, sans Conformément à la jurisprudence de la Siég. : MM. A. Serck, R. Van Peteghem et J .P. De Graef.
que l'épouse n'ait pu s'y opposer ni disposer Cour de cassation1 les deux arrêts ont Min. publ. : M. P. Meert.
d'un droit équivalent; ensuite subordonne la reconnaissance de Plaid.: Me Jean Eeckhout (du barreau de Bruxelles).
plein droit en Belgique des actes de répu-
Que si certaines répudiations, de droit (X c. min, publ.J
marocain, intervenues du consentement
(1) C. Cambier, «Principes de l'organisation judi-
des époux ou prononcées par re juge, ne ciaire», Ann. Fac. dr. Louvain, 1968, pp. 257 à 278, ADOPTION. - D'un étranger, par un
sont pas nécessairement contraires à l'or- notamment la note 44. étranger, à l'étranger. -HOMOLOGATION.
dre public belge, il en va différemment de (2) Voy. notamm. Ch. Panier, «L'existence de ques- -Autorité en Belgique. -ETAT CIVIL. -
la mise en œuvre par le mari de son pouvoir tions préjudicielles d'état dans les rapports entre les
juridictions civiles d'exception et juridictions ordi- Inscription en marge. - Rectification.
unilatéral et exclusif de dissoudre le ma- naires», J.J.P., 1979, pp. 196 à 207; G. Rommel, «Le
riage, ainsi que l'appelant en a usé dans la statut personnel marocain», J.J.P., 1980, pp. 193 à 243,
présente espèce; notamm., pp. 230 et s.; J. Van Compernolle, «Les
La compétence du tribunal de première
questions préjudicielles d'état et le Code judiciaire »,
Attendu, dès lors, qu'à bon droit le Rev. trim. dr. fam., 1979, pp. 328 à 333. instance pour homologuer un acte d'adop-
premier juge a refusé de reconnaître un (3) A. Fettweis, Droit judiciaire privé, fasc. I, éd. 1980, tion passé en Belgique n'implique pas cette
effet quelconque en Belgique à la répudia - n° 47. même compétence quant à un acte d'adop-
tion intervenue au Maroc, à l'initiative d'El (4) Pour le rôle exact du juge, voy. M. Taverne, «La tion passé à l'étranger.
dissolution du mariage par volonté unilatérale dans les
Azzouzi, dans les circonstances décrites ci- pays du Maghreb», J.T., 1981, pp. 354 à 357, notamm. Un tel acte a, en Belgique, sans exequatur,
avant; n° 11. autorité de chose jugée, même à l'égard des
658
tiers, puisqu'il concerne l'état des personnes Civ. Bruxelles (9e ch.), port de filiation et de parenté légitime
et ne tend à aucun acte d'exécution. 23 juin entre un individu et la famille à laquelle il
n peut faire l'objet d'une inscription en prétend appartenir;
marge des actes d'état civil belges. Siég.: M. Delvaux, juge ff. prés.; M. Delvoie et Mme Qu'il tombe sous le sens qu'une transpo-
Calewaert, j1,1ges. sition littérale dé ces principaux faits au
Min. publ. : M. de le Court, subst. proc. Roi. domaine que régit l'article 340, a du Code
(Traduction.) Plaid. : MMes B. Risopoulos et A. Mussche. civil est exclue, d'abord, parce qu'aucun
lien de famille ne procède de la. filiation
Considérant que le tribunal de première (Schollaert c. De Los Dolores Asejo et Clerckx.)
instance est, en vertu de l'article 350 du naturelle et que certains des faits énoncés
Code civil, compétent à homologuer un acte par cette disposition ne peuvent se con-
d'adoption passé devant le juge de paix du FILIATION NATURELLE. - Recherche de cevoir en matière de filiation naturelle,
domicile de l'àdoptant ou devant un notaire paternité. - Possession d'état. - Caractères ensuite, parce que le rapport de filiation
et faits constitutifs. naturelle est rarement étalé au grand jour
belge;
et reste l'objet d'une certaine discrétion,
Que ceci n'implique cependant pas que le qui n'a aucun motif d'affecter le rapport de
tribunal de première instance soit compé- L'article 321 du Code civil énumère, à filiation légitime;
tent pour homologuer un acte d'adoption titre d'exemples, les principaux faits qui Attendu que la preuve que requiert
passé devant un fonctionnaire hongrois, et caractérisent la possession d'état d'un rap- l'article 340, a du Code civil, tel qu'il est
que les requérants demeurent en défaut port de filiation légitime. Une transposition interprété par la doctrine et la jurispru-
d'indiquer la loi belge qui accorderait une littérale de ces principaux faits au domaine dence, est celle de la possession d'état du
telle compétence à ce tribunal de première de la filiation naturelle que régit l'article lien de filiation entre un individu et son
instance belge, pour qu'aucune exception 340, a du Code civil est exclue. père prétendu, lien qui implique que ce-
d'incompétence ne doive êtr.e soulevée d'of-
Il est de l'essence de la possession d'état lui-ci ait traité l'enfant comme le sien,
fice;
d'être constante, en ce sens que les faits qui c'est-à-dire, a pourvu, en considération de
Considérant d'autre part qu'un acte au- la fondent ne peuvent être ni isolés, ni ce lien, à son éducation, son entretien et à
thentique d'adoption passé devant le fonc- passagers. La persévérance dans l'intention, son établissement (voy. concl. de M. Ges-
tionnaire compétent en un pays étranger, dont ces faits sont la manifestation, est ché, alors premier avocat général, avant
pour autant que sa signature soit légalisée requise. Cass., 9 juin 1938, Pas., I, 207; Civ.
comme il convient, a en Belgique, sans Bruxelles, 25 avril 1910, Pas., III, 379; De
exequatur, autorité de chose jugée, même à Page, t. I, n°s 250 et 1160; Rigaux, Précis,
l'égard des tiers, puisque cet acte concerne I. - Faits et objet de l'action : «Les personnes», 2814);
l'état des personnes et ne tend nullement à
un acte d'exécution sur des biens ou à des La demanderesse est la fille naturelle Attendu qu'il est de l'essence de la
mesures de contrainte contre des person- reconnue de Mme Rosalie Berton, céliba- possession d'état d'être constante, en ce
nes (Fr. Smet, « Erkenning van buiten- taire au moment de la naissance, le 25 juin sens que les faits qui la fondent - qu'ils
landse akten en vonnissen », De gemeente, 1953; ultérieurement, elle fut adoptée par soient ou non, plus ou moins nombreux -
p. 62 avec la doctrine et la jurisprudence sa mère, et le conjoint de celle-ci, M. F. ne peuvent être ni isolés, ni passagers : que
invoquées; Cass., 29 mars 1973, J. T., 389; Schollaert; s'il est admis que de simples interruptions
Cass., 29 mars 1973, Pas., I, 725; R.C.J.B., Mlle Schollaert prétend qu'elle est née dans les faits qui en sont la manifestation,
1975, p. 539, avec note de P. Gothot); des œuvres de feu Eugène Clerckx, décédé ne constituent pas un obstacle à son
à Beersel, le 29 octobre 1977, à l'époque, élaboration et à son existence, la persévé-
Que par conséquent l'acte d'adoption rance dans l'intention dont ces faits sont -
litigieux passé en Hongrie, dans la mesure également célibataire; il avait épousé la
défenderesse en avril 1960, aucun enfant ou ont été - la manifestation est cepen-
où il est établi que cette adoption est dant requise, persévérance qui pourra se
actuellement encore valable, peut faire n'est issu de cette union;
manifester par un certain nombre de faits
l'objet d'une annotation en marge ou d'une Par la présente instance, la demande- qui s'échelonnent dans le temps et ne sont
inscription à l'encre rouge par l'officier de resse exerce l'action en recherche de pater- susceptibles d'aucune équivoque (De Page,
l'état civil en Belgique en marge des actes nité instituée par l'article 340, a du Code t. I, n° 250 et réf.);
repris en ses registres, le cas échéant après civil, contre la défenderesse, légataire uni-
intervention du ministre des Affaires verselle de feu son père prétendu, afin de se Attendu, en l'espèce, que la demande-
étrangères à la requête .des intéressés (De voir reconnaître ses droits qu'elle évalue à resse déduit la possession d'état constante
gemeente, loc. cit., p. 63; conférence faite le 7.377.240 F, à une partie de l'héritage, et du rapport de filiation l'unissant à son père
1er avril 1980 par M. Fr. Smet en la maison contre le frère de celui-ci, dont il est le seul prétendu des quatre faits suivants :
communale de Kloosterzande aux Pays- héritier légal, défendeur, afin de se voir 1) le témoignage de Mme Gentinetta
Bas devant l' Association belgo-néerlan- reconnaître la qualité d'héritière; Scholl, épouse du docteur qui a accou-
daise des officiers et employés de l'état civil ché sa mère, au service de laquelle elle
à Houtenisse); travaillait; cette personne atteste de
II. - En droit :
Considérant que le droit des requérants à l'intimité des rapports ·de feu Eugène
porter le nom X-Z dépend exclusivement de Attendu que l'action est intentée dans le Clerckx et de Mlle Berton, mère de la
la validité de l'acte d'adoption susdit, de délai spécial prévu par l'article 341, b du demanderesse, et certifie qu'il a payé
sorte que le tribunal ne doit jusqu'ores pas Code civil; qu'elle est recevable; les honoraires de son mari, pour l'accou-
se prononcer sur ce point; Que l'action est également recevable en chement;
Considérant enfin qu'aucune erreur tant qu'elle est mue contre le second 2) le témoignage de Mme Berton, soeur de
n'ayant été commise dans les actes de l'état défendeur, bien qu'il le conteste, puisqu'il la mère de la demanderesse, qui, 2 jours
civil en Belgique, l'action en rectification garde la qualité d'héritier de son frère après la naissance de la demanderesse
de ces actes est non fondée; même s'il ne recueille aucun bien de sa dont elle avait personnellement averti
succession; que la demanderesse a intérêt à M. Eugène Clerckx, a reçu la visite
faire valoir, à son égard, sa qualité d'héri- d'une personne envoyée par celui-ci,
Par ces motifs : tière (de Page, t. I, n° 1170); porteur d'une enveloppe contenant
LE TRIBUNAL, Attendu qu'il résulte des termes de 5.000 F; Mme Berton a élevé la deman-
l'article 340, a que la recherche de pater- deresse depuis ses 12 mois jusqu'à ses 5
nité est en principe interdite (De Page, t. I, ans, et atteste que feu Eugène Clerckx
Avant de statuer sur la demande d'homo- n°s 1116 et 1158), hormis deux cas, expres- est venu régulièrement la voir, qu'il a
logation: sément prévus, la demanderesse invoquant apporté « un financier »;
Ordonne aux requérants d'indiquer la loi la première de ces hypothèses, à savoir, s'il 3) le témoignage de Mme De J aeger-
belge qui confère compétence au tribunal y a possession d'état d'enfant naturel, dans
Lammens, qui certifie qu'un tiers a
belge de première instance à homologuer les conditions prévues par l'article 321;
effectivement apporté sous enveloppe
un acte d'adoption passé le 12 octobre 1928 Attendu que l'article 321 du Code civil une somme de 5.000 F pour payer les
devant un fonctionnaire hongrois; énumère, à titre exemplatif (Cass., 9 juin frais d'accouchement; que feu Eugène
Rejette comme non fondée la demande 1938, Pas., I, 207), les principaux faits qui Clerckx lui aurait dit qu'il « ferait le
en rectification des actes d'état civil. caractérisent la possession d'état d'un rap- nécessaire »;
659
(5.074 pages à jour au 1er janvier 1981) (Siég. : Mme Moreau, vice-prés.; Plaid. :
Me Legat. - En cause: s.p.r.l. Entreprises
Loriaux.)
Pour les étudiants et les jeunes juristes: conditions spéciales Abonnement 1981, 6 numéros . .. ... .. .. .. 2.260 F
fif)O
A UE CfA E
Un Paul Léautaud anversois ... Parce qu'il y va de l'intérêt de la cité. Parce
qu'une cité de philosophes serait la mort de la
cité. Certes, il sait tout cela. Et que le reste n'est
que comédie. Il l'écrira d'ailleurs, en filigrane,
Tout beau de déclarer bravement : C'est ce qui le sauve d'un Sully Prud'homme. un adolescent que sa timidité disposerait à
Ecrire ce qui me p/aÎt, Heureux temps en vérité que celui-là; où les d'impardonnables incartades. Les petites bon-
Dire ce que je pense. poètes étaient aussi des gens d'esprit. nes du quartier le savent d'expérience. Lorsqu'il
vient s'asseoir à côté de l'une d'elles, ce n'est
Du moment que lon prend soin d'ajouter un Mais là où vraiment il excelle, c'est dans la
pas pour lui conter fleurette. Il en serait bien
peu plus loin : manière de frapper la maxime. C'est dans ce
incapable. Ce fin causeur laisse aux futiles le
Craindre /'autorité, genre que se révèlent tout à la fois son
badinage et l'affèterie. Notez-le, ce n'est point
Redouter la justice. scepticisme, son art du paradoxe, du sophisme,
non plus qu'il s'attaque à leur honneur. Les
et ce merveilleux don du blasphème ...
... Après quoi l'on peut allègrement se lecteurs de Georges Duhamel se souviendront
Extraits de ses Derniers flocons de neige, que l'un de ses personnages, modeste employé,
permettre de
publiés chez Busschmann à Anvers en 1934, un fasciné par loreille de son patron, ne résiste pas
Laisser /'aménité an à peine avant qu'il décède, voici pour le plaisir à l'envie de la lui pincer ...
Au bord du précipice. du lecteur quelques-uns de ses apophtegmes ...
Non, décidément, Charles Dumercy n'est pas C'est la même obsession, à peu de choses
un anarchiste, c.' est un blasphémateur.
Quand le peuple a la fièvre, on le met à la près. Ce qui le captive en la femme, ce n'est pas
diète. l'oreille, c'est l'épiderme des bras. Alors,
*
lorsqu'il a repéré sur l'un des bancs du jardin
Les reliques sont les hochets de la piété.
* * * d'enfants une boniche, les bras nus, il s'amène ...
* Il vient à pas feutrés s'asseoir sans un mot
En dehors du Palais, dans le vieux quartier de Une flatterie n'est jamais assez grossière. auprès d'elle. Puis, après un moment, s'étant
la rue de la Justice, où il demeure, et, bien au- assuré que nul ne le verra ... hop !. .. un léger
delà, jusqu'à Sainte-Anne, de l'autre côté de Le prêt est /'hypocrisie de la bienfaisance. frôlement. Un petit attouchement du bout des
l'Escaut, le petit peuple sait qu'il collabore à doigts. Un petit effleurement, furtif, subreptice,
divers journaux. Mais les gens simples s'en
* et qui ne laisse point de provoquer des
défient ... Ecrire n'est tout de même pas une tare. Pour être peintre, il faut avoir la patte d'un réactions.
Voire. Cela dépend de ce que lon écrit ... Ecrire singe, et la cervelle d'une modiste.
On imagine le tableau. La nurse qui sursaute.
sur la politique, sur la finance, et, à la rigueur, sur La nurse qui se tourne vers lui. La nurse qui se
le sport, voilà qui est honnête dans la caboche Forte contre Dieu, la loi peut tout, même
/'absurde. récrie. Et lui qui, sans demander son reste,
populaire. Mais écrire de la poésie, lorsque lon a
* s'esbigne à petits pas pressés ... ratatiné
depuis longtemps passé r âge de tourner des comme une vieille harpie ... vers son gourbi ...
madrigaux et lorsqu'on est avocat, voilà qui est La modération est le commencement de
suspect. Au reste, rien dans sa dégaine n'est fait /'excès. Bientôt il ne sortira plus que pour subvenir à
* ses besoins. De loin en loin quelques âmes
pour rassurer. A-t-on jamais vu cela, un homme
de palais marcher dans des godillots de trimar-
Il n'y a de mérite à dire des choses charitables viendront encore le voir. Mais inexo-
deur ? Il effarouche les femmes qui se disent que
désagréables que si elles sont excessives; rablement la vie le quitte. Seul, abandonné de
cet homme seul doit avoir des mœurs d'hippo-
dans le cas contraire, c'est vraiment trop tous, il mourra sur un lit d'hôpital le 1er janvier
facile. 1936.
griffe. Il affole les enfants avec son crâne
*
chauve, ses joues mal rasées, sa bouche Aujourd'hui, qui se souvient de Charles
immense que souligne un infâme collier de poils
L'hypocrisie est le fourreau de fa vérité.
Dumercy, hormis quelques rares survivants de
gris, et son nez, et ses yeux de mi-carême. cette grande époque (2), quelques bibliophiles et
Enfin, celui-ci, teinté d'un pess1m1sme que
On le regarde passer de la même façon que nous qualifierons de pragmatique : quelques bouquinistes qui vendent à prix d'or
lon devait regarder passer Socrate, le corrup- Le bonheur est un emprunt que /'on con- les rares exemplaires de ses œuvres qu'ils
teur, avec effroi et intérêt en même temps. Car tracte sous forme d'espérance et que /'on détiennent encore.
on le lit. On le lit dans les journaux. Mais on le lit rembourse sous forme de regrets. En vérité, cet homme étonnant fut avant tout
aussi dans ses œuvres ... Peu, à dire vrai, car ses un personnage. Il eût pu devenir l'ami de Paul
ouvrages ne sont lus que par une élite. Il s'en * * * Léautaud. Il restera pour toujours le frère de
voudrait au demeurant de savoir ses livres tous ceux qui, « sans être des marginaux, se
traîner dans les rues. Ses livres ? Disons plutôt Les années passent. Charles Dumercy, sur la sentent en marge de tout ».
des plaquettes, dont certaines n'ont guère plus fin de sa vie, ne fréquente plus guère le Palais.
de 20 pages. Marcel DETIEGE.
Lorsqu'il y fait encore, rarement, une fugace
Mais le nombre de feuillets importe peu. Ne apparition, l'on s'en détourne. Ce n'est plus (2) Cf., De Antwerpse juristen en de letterkunde,
qu'un fossile errant. Un jour qu'il est venu, par par René Victor, traduction de Jean Eeckhout IJ. T.,
compte en définitive que ce qu'ils véhiculent.
sympathie, écouter plaider son ami le stagiaire, 1981, p. 14).
Comme Callimaque, Charles Dumercy croit
fermement « qu'un gros livre est un gros mal » devenu entre-temps un avocat fort apprécié, un
Quant à ce qu'ils transportent, ces petits livres incident se produit. Le président du siège
sans épaisseur, ce n'est rien moins qu'une interrompt le jeune avocat, et, s'adressant
philosophie sarcastique, une ironie percutante, directement à sa cliente qui se trouve au fond de
une poésie purgée des clichés anémiants d'un la salle, l'invite à s'approcher et à s'asseoir sur le
lyrisme convenu. C'est un poète fantaisiste. banc près duquel, interloqué, se tient debout
C'en est presque un fabuliste. S'il fallait à tout son défenseur.
prix I' apparenter à un genre, ce serait peut-être L'invitation est inhabituelle. L'avocat se re-
à celui qu'illustra son contemporain et confrère tourne vers sa cliente et l'avise à côté de Charles
du barreau de Bruxelles, Mélot du Dy. Dans le Dumercy. Il réprime un léger sourire. Car il n'est
maquis littéraire, on sait qu'il faut compter avec besoin d'aucune autre explication. Ce n'est un
lui. Pourtant on ne le cite guère. Mais c'est secret pour personne que le vieux faune s'est Conte de mai
plutôt qu'il ne s'en préoccupe point. On le découvert des accointances parmi les satyres.
redoute. Cet homme qui n'a que la critique et le Mais c'est un bien inoffensif satyre que ce Ecoute, ferme les yeux, c'est une histoire
brocard à la bouche n'est point fréquentable. satyre-là. Charles Dumercy, le spitiruel auteur du [de tigre
Mais ce solitaire n'en fait pas un drame. Son Langage des fleurs, n'a jamais fréquenté les Venu d'un autre temps, un tigre oligocène
plaisir? Elaborer son œuvre. Une œuvre pré- femmes de près. Ce n'est point qu'il les déteste. [tendrement égaré
cieuse et rare. Les titres de ses recueils sont de Mais il les trouve encombrantes. Une femme, à Qui marche doucement sur les volcans
véritables poèmes. Ecoutez-voir. Ne sont-ils pas quoi bon ? Lorsqu'on a mieux à faire que de [éteints, un tigre sans chemins
charmants ces frontispices : Flocons de neige, tomber en quenouille. Car, pense-t-il, on ne peut La mort /'a oublié par un soir de mai et
Pensées fanées, La coupe de cristal, Tryptique faire œuvre et pot-bouille à la fois. Mais avec [seul il se souvient
Sa manière ? C'est le sonnet. Mais attention, l'âge viennent les regrets. Il est cuisant de se Ne dis rien ... C'est un tigre baroque, un
non pas le sonnet classique, redondant, et souvenir que lon fut jeune. Et que lon ne le fut [tigre papillon aux dents de poignard bleu
passablement euphuiste à la façon d'un José- point assez. L'on voudrait alors goûter à tout ce
Maria de Hérédia. Ce qu'il aime, c'est l'octosyl- que l'on n'a pas connu. C'est ce qui lui arrive. Tout à fait démodé et sans utilité, il n'a
labe. Il ne faut pas s'attendre à y découvrir une Pauvre Charles Dumercy ! Les femmes qu'il n'a
[pas d'autre attente
rhétorique langagière. L'inspiration y est philo- jamais connues par le passé exercent à présent D'autre choix que d'exister la nuit dans les
[rêves d'enfant.
sophique. Mais que l'on se rassure. Avec sur lui une étrange fascination. Cependant il ne
élégance et légèreté. Et surtout avec humour. les approche qu'avec circonspection. Comme SIAM.
662
COUPS DE REGLE
Cette matière se trouve réglée par l'arrêté royal du 30 novembre 1970 (M.B., 3 déc. i970,
p. i2296), lequel a déterminé le tarif des dépens recouvrables.
Le
L'article 8 de cet arrêté royal porte expressément que ce tarif est lié à l'indice des prix à la
JOURNAL DES TRIBUNAUX
consommation correspondant à llO points et que toute modification.en plus ou en moins de 10
points entraînera une augmentation ou une diminution de 10 % des sommes déterminées par REDACTION
celui-ci. Roger-0. D ALCQ, rédacteur en chef
En conséquence, les indemnités de procédure ci-après sont d'application depuis le i er août Secrétaire général de la rédaction : Georges-Albert DAL.
i98i (indice 250, hase i 96<>) : Secrétaire de la rédaction : Wivine BOURGAUX.
Chroniquejudiciaire: Bernard V ANREEPINGHEN.
Demande Demande Comité de rédaction : Francis BAUDUIN. Pierre BAUTHIER.
Demande supérieure supérieure Michèle BONHEURE. Jean EECKHOUT. Jacques F ALYS.
Indemnité
F inférieure à 10.000 F à 100.000 F François GLANSDORFF. Emile KNOPS. Michel MAHIEU.
à 10.000 F mais infér. (et saisie Jules MESSINNE. Daniel STERCKX. Louis V AN BUNNEN.
à 25.000 F immobil.) Claude VAN HAM.
Comilé scienl((ique: Cyr CAMBIER. Robert HENRION. Robert
l. Dernier ressort devant juge de paix, trib. PIRSON.
ire inst., trih. jeun., trib. trav., trib.
720 1.440 ADMINISTRATION:
comm., ou prés. trib. trav .....................
Maison Ferd. LARCIER, s.a.
2. Premier ressort devant trib. jeun., trib. rue des Minimes, 39 - l 000 Bruxelles
2.180 720 1.440 4.320 Tél. (02) 512 47 12-C.C.P. 000-0042375-83
trav. ·······················································'·
3. Premier ressort devant juge de paix, Administrateur-délégué:
trib. 1re inst., trib. comm. ou degré J.-M. RYCKMANS, docteur en droit.
d'appel devant trib. ire inst., trih.
2.,ioo 7.200 ABONNEMENT 1981: 6.800 FB.
comm ....................................................... 3.600
1.920 5. 760 Le numéro : 305 FB.
4. Cour du travail ....................................... 2.880
5. Cour d'appel ........................................... 4.800 9.(100 Les manuscrits ne sont pas rendus.
6. Prés. trib. ire inst., prés. trib. comm.,
2.400 4.800 © Maison Ferd. LARCIER, s.a., Bruxelles, déc. 1881.
réf. et juge saisies ...................................
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