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FICHE DE COURS N° 2

Date : Le 02 novembre 2023

Présenté par : Maître Claude COELHO

Matière : Droit Université Henri LOPEZ

Filière : Barreau

Thème : Droit des sûretés

Titre 1 : Cautionnement

PREMIERE PARTIE

100 TITRE I – CAUTIONNEMENT …………………………….

CHAPITRE I – NAISSANCE DU CAUTIONNEMENT ………………..

111 Section I – Convention ……………………………………….


Sous-Section I – Echange des consentements ………………..
112 § 1- Forme du contrat ……………………………………………..
113 I- Interprétation de l’article 2015 ……………………………….
114 II- Preuve ………………………………………………………...
§ 2- Vices du consentement ……………………………………….
116 I- Erreur ………………………………………………………...
119 II- Dol ……………………………………………………………
Sous -Section II – Cause du cautionnement ………………….
121 § 1- Désignation de la cause ………………………………………
125 § 2- Rôle de la cause ………………………………………………

Sous-Section III – Qualification ……………………………..


127 § 1- Contrat à titre gratuit, donation ou contrat à titre onéreux …...
131 § 2- Cautionnement civil et commercial ………………………….
136 Section II - Caractère accessoire ……………………………
Sous-Section I – Obligation principale et existence du
cautionnement ………………………………………………..
§ 1- Obligation principale valable
…………………………………
139 I- Nullité de l’obligation principale valable .
…………………….
142 II- Obligation principale future
…………………………………..
§ 2- Exception : cautionnement d’un incapable
…………………...
Sous-Section II – Obligation principale et étendue du

1
cautionnement ………………………………………………..
§ 1- Objet du cautionnement
………………………………………
149 I- Cautionnement « indéfini »

A- Principal ……………………………………………………...
154 B- Accessoires …………………………………………………...
C- Frais de Justice …………………………………………….
….
156 II- Cautionnement limité ………………………………………...
A- Limitation du montant garanti
………………………………...
B- Conditions spéciales ……………………………………….…

§ 2- Durée du cautionnement
……………………………………...
I- Terme exprès ………………………………………...……….
164 II- Terme implicite
……………………………………………….

Définition : 1 Le cautionnement est un contrat unilatéral par lequel la caution


s’engage envers un créancier à exécuter l’obligation au cas où le
débiteur ne le ferait pas. C'est un contrat unilatéral … : contrat (et non acte unilatéral) car
il implique un échange de consentements entre la caution et le créancier, seules parties ;
contrat unilatéral, car seule la caution devient débitrice … par lequel la caution s'engage à
exécuter … : il ne s 'agit donc pas d’une convention quelconque, d'un gentleman’s
agreement, d'un engagement d'honneur, mais bien d'un contrat générateur de l'obligation
civile de payer ; qui distingue le cautionnement de la lettre d'intention ou comfort letter.

… l'obligation du débiteur principal : l'objet de l'engagement, c'est 1 'obligation d'un


autre, le débiteur principal. Le cautionnement est accessoire. Son existence et son étendue
dépendent de 1'obligation principale. Le caractère accessoire permet d'une part, de
distinguer le cautionnement des garanties autonomes, délégation ou garanties à première
demande. D'autre part, il explique que la caution dispose en principe d'un recours après
paiement contre le débiteur principal dont elle aura payé la dette. Pourtant, comme tout
contrat, le cautionnement est aussi une source autonome d'obligations, Ses effets implique
une combinaison parfois complexe de 1'autonomie (de source) avec la dépendance (par
l'objet). De plus, la caution prend un engagement en principe subsidiaire elle ne paie qu'à
défaut du débiteur principal. Mais cet élément n'est pas de l'essence du cautionnement.
Aujourd'hui, les créanciers exigent souvent que la caution s 'engage avec le débiteur
principal en première ligne, ce qui ne dénature pas le contrat.

CREANCIER
Contrat de
Cautionnement

2
DEBITEUR CAUTION
Sources : 2
Le cautionnement est défini à l’article 13 de l’AUS comme un contrat
par lequel la caution s'engage, envers le créancier qui accepte, à exécuter
une
obligation présente ou future contractée par le débiteur, si celui-ci n'y satisfait pas lui-
même. Cet engagement peut être contracté sans ordre du débiteur. Il est désormais régi par
les articles 13 à 38 de l’AUS.

Le cautionnement met en présence trois personnes que sont le débiteur, le créancier et la


caution et donne donc lieu à une relation triangulaire. A la relation initiale qui lie le débiteur
à son créancier, va s’ajouter une nouvelle relation entre la caution et le créancier, le premier
s’engageant en faveur du second à exécuter la prestation due par le débiteur en cas de
défaillance de ce dernier. Mais en même temps, le contrat de cautionnement a une certaine
autonomie par rapport au contrat principal. La caution ne s’engage que sur l’initiative du
débiteur avec lequel elle entretient des relations. La loi prévoit toutefois que l’engagement
de la caution peut être fait sans ordre du débiteur.

Et pourtant, la pratique du cautionnement a connu des bouleversements, qui révèlent les


insuffisances de la loi sur certains points. Celles-ci expliquent le rôle essentiel de la
jurisprudence en la matière : le nombre d'arrêts publiés rendus par la Cour de cassation
augmente régulièrement (conf. les tables du Bulletin des arrêts de la Cour de cassation des dix
dernières années) ; avec lui, l'insécurité et l'imprévisibilité du droit.

Contradiction : 3 Les mouvements qui agitent le droit du cautionnement


s'expliquent par une contradiction entre les nécessités du crédit et
la protection
de la caution contre la rigueur de son engagement. Adoucir le sort des cautions, c'est ruiner le
crédit, et provoquer l'apparition de garanties personnelles plus rigoureuses encore. De plus,
toutes les cautions n'ont pas un égal besoin de protection. Ici comme dans d'autres contrats
(prêt, vente …) se fait jour une distinction entre caution professionnelle et caution "profane".
C'est parfois le créancier, parfois la caution qui mérite protection. Bien qu'il ait changé de
physionomie au fil des temps, le cautionnement est depuis 1'origine animé de ce mouvement
pendulaire.

Droit romain : 4 L'histoire du cautionnement comme celle de beaucoup


d'institutions est cyclique, balançant entre le renforcement des
obligations de la
caution - qu'appelle l'efficacité - et l'allégement de ses obligations - qu'appelle une idée de
justice. Le cautionnement trouve son origine dans la solidarité familiale sur laquelle repose
1'organisation sociale, bien avant 1'époque classique. Le cautionnement, adpromissio, se
distingue mal de la solidarité, qui permet de faire peser sur tous les membres de la famille
1'obligation de satisfaire le créancier. Il présente un caractère personnel marqué, s'éteint
avec la mort de la caution, n'est pas accessoire à une obligation principale et ne comporte ni
bénéfice de discussion, ni bénéfice de division.
Cette rigueur est atténuée à 1'époque classique où plusieurs lois accordent successivement à
la caution un recours contre le débiteur et les autres cautions, le bénéfice de division entre
cautions vivantes au moment de 1'exigibilité de la dette, et la péremption du cautionnement
au bout d'un certain temps (deux ans) ; ainsi se trouvait surmontée radicalement une

3
difficulté encore actuelle : l’oubli, par la caution, de son engagement à terme. Cet
adoucissement contraire aux impératifs du crédit devait provoquer la disparition de
1'adpromissio.
Dès la fin de la République se développent un nouveau cautionnement, ou plutôt deux
techniques, dont la fusion est à 1'origine du contrat actuel. D'un côté, la fide jussio, contrat
formaliste par lequel la caution garantit 1'exécution par le débiteur principal. A la différence
de 1'ancienne adpromissio, adjonction d'un débiteur à un autre engagement, cet engagement
présente un caractère accessoire : le fide jussor n 'a qu'une obligation de garantie, qui
comporte 1'équivalent d'un bénéfice de discussion ; il promet ce que le débiteur ne pourra
pas payer. Le bénéfice de division lui est défitivement reconnu à 1'époque d'Hadrien. De
1'autre, le mandat, contrat consensuel : la caution donne mandat au créancier de faire crédit
au débiteur (mandat de crédit). Les relations du créancier et de la caution relèvent des
actions mandati contraria et mandati directa, dans lesquelles on peut voir 1'origine de
1'article 2037 c. ci v.
Enfin, à 1 'époque de Justinien, » l'adpromissio disparait complètement. Fide jussio et
mandat de crédit se confondent alors qu'est adouci le sort des cautions.

Ancien droit : 5 Les Francs ont connu un cautionnement, également fondé sur les
relations de famille, de parenté ou de vasselage.

Comme ensuite à 1'époque féodale, ce qui caractérise cette sûreté est la rigueur : la caution est
un véritable otage entre les mains du créancier. Avec 1'adoucissement des moeurs, le recul
des sûretés personnelles au profit des sûretés immobilières, coïncide au XIVè siècle la
redécouverte des règles romaines par 1'ancien droit ; celui-ci conserve 1'essentiel (caractère
accessoire, bénéfices de discussion et de division), et améliore la technique de transmission à
la caution des droits du créancier payé : la subrogation, mieux que le mandat romain, permet à
la caution solvens de disposer contre le débiteur des actions du créancier. Ce sont ces règles
qu'a recueilli le Code Napoléon.

Droit moderne : 6
Pendant longtemps, le droit du cautionnement a été paisible ; les
sûretés réelles, dans une société rurale, ne lui laissant qu'un

second rôle. Service d'amis ou de proches parents, le cautionnement est un contrat de


bienfaisance (C. C. art. 1105), par nature gratuit, étranger au monde des échanges
économiques, puisque la caution ne recherche aucun avantage personnel ; d'où la place
modeste que lui réservent les auteurs du XIXè siècle, parmi les "petits contrats", opposés aux
"grands contrats" que sont la vente ou le louage.

"Bancarisation" 7 En quelques décennies, le cautionnement a connu une


: révolution : il est aujourd’hui l’une des pièces.

essentielles de l’économie ; en témoigne l’abondance du contentieux qu’il suscite.


Cette promotion peut s’expliquer par plusieurs raisons. D’abord, le développement du
crédit aux industriels, aux commerçants et aux consommateurs. Le crédit appelle les
sûretés. Or, le cautionnement est une sûreté dont la constitution est simple, non
formaliste, peu onéreuse. Il n’épuise pas le crédit du débiteur. Les organismes
financiers (banques, établissements financiers) collecteurs et distributeurs du crédit,
jouent donc un rôle de premier plan. Comme d’autres branches du droit privé, le droit
des sûretés s’est "bancarisé". Aujourd'hui, le créancier cautionné ou la caution est presque
toujours une banque.

4
Sécurité : 8 Le cautionnement de plus prend la place des autres sûretés. Leur recul
s'explique par la modification des fortunes - pour offrir une sûreté réelle,
il faut avoir un droit réel -, la lourdeur des formalités de constitution, et surtout 1’insécurité en
cas de règlement judiciaire ou de liquidation des biens du débiteur, le créancier titulaire d'une
sûreté réelle est soumis à la procédure collective, et risque de voir son droit de préférence
primé par d'autres privilégiés ou superprivilégiés. Le créancier cautionné ne court pas ce
risque. Il peut même ignorer la procédure collective dont son débiteur est l'objet.

Psychologie : 9 Le cautionnement permet en outre d'associer la caution au débiteur


principal. Le créancier peut voir en elle un véritable auxiliaire qui
fera

pression sur le débiteur pour qu'il s'acquitte, car la caution, comme le débiteur, engage
l'ensemble de son patrimoine. A l'inverse si la caution est un proche, le débiteur aura à coeur
de lu éviter d’avoir à payer. Cet élément psychologique est parfois déterminant.

Cautionnement intéressé 10
Progressivement, par ailleurs s'est développé un
cautionnement intéressé, dans deux situations
fréquentes :

- un dirigeant de société, ou un associé majoritaire, (ou une société mère) donnent à une
banque leur garantie pour permettre à la société d'obtenir et de conserver un crédit. La
caution a intérêt à ce crédit, même si son engagement lui fait perdre le bénéfice principal
qu’elle pouvait attendre de la forme sociale, la limitation de responsabilité.

- une banque donne sa caution pour permettre à l'un de ses clients d'obtenir un crédit du
fournisseur, ou de réaliser une construction immobilière. L'intérêt de la banque réside dans
la rémunération de son engagement par le débiteur (en général, un pourcentage du risque
encouru).

C'est une forme vivante de crédit bancaire par simple signature (sans fourniture de fonds).
Ce type de cautionnement est courant dans le commerce international. Ces
cautionnements sont bien différents du service d’ami des Romains !

Hétérogénéité : 11 Celui-ci n’a pour cant pas disparu.

Aujourd'hui coexistent plusieurs types de cautionnements : cautionnement professionnel


(donné par une banque, un établissement financier, une société mutuelle, l’Etat en garantie de
cet emprunts, …) et cautionnement amical, familial ou d’affaires (garantie d’un prêt au
consommateur, ou du paiement d’un loyer ou des dettes d’une société) ; cautionnement dans
les opérations économiques d’envergure (relations à l’intérieur d’un groupe de sociétés,
garantie d’achèvement d’un programme immobilier, garanties bancaires à l’exportation, …) et
cautionnement dans les relations modestes (prêt à la consommation, bail immobilier, …) : le
cautionnement est aussi la sûreté de ceux qui n’ont rien et ne peuvent offrir une sûreté réelle.
Tous ces cautionnements sont régis par les mêmes règles ; ils ne sont pourtant pas identiques,
ce qui peut expliquer les mouvements actuels du droit positif.

La caution ami, époux, parent ... est plus exposée à l'abus de caution qu'un établissement
financier, ou la société mère dans un groupe de sociétés. Il est possible que, sans le soutien

5
d'aucun texte, apparaisse une distinction, qui épouserait l'opposition désormais classique
entre professionnel et non-professionnel. On examinera successivement la naissance (Ch.
I), la vie (Ch. II) et l'extinction (Ch. III) du cautionnement.

Chapitre I : Naissance du Cautionnement

Parce qu'il a pour objet de créer une sûreté, le cautionnement est un contrat (section I),
accessoire (section II). Ces deux éléments exercent l'un sur 1’autre une influence :
1'autonomie de la volonté est limitée par le principe de l'accessoire, et réciproquement.

Section 1 : Convention

L'obligation de la caution naît toujours d'une convention conclue entre elle-même et le


créancier.

Cautionnement 12
On parle pourtant de cautionnement légal, lorsqu'un texte de
légal ou judiciaire : loi impose la fourniture d'une caution.

De même, on qualifie de judiciaire le cautionnement que peut imposer un juge. La


terminologie est trompeuse. Ce qui est légal ou judiciaire, c'est 1'obligation de fournir une
caution. Mais le cautionnement lui-même naîtra de la conclusion d'un contrat entre la
caution et le créancier. On parle, de la même manière, d'assurance obligatoire : la loi
imposeune obligation d'assurance, 1'exécution de cette obligation implique la conclusion
d'un contrat. Seuls le créancier et la caution sont parties au contrat de cautionnement. Eux
seuls doivent échanger leurs consentements (sous-section 1). Le débiteur n'est pas partie à
ce contrat, qui peut être conclu à son insu (C.C. art. 2014) ; ce qui ne signifie pas que les
relations qui existe entre la caution et le débiteur n'aient aucune importance, comme le
montre la cause de ce contrat unilatéral (sous-section II) elle permet de qualifier le
cautionnement (sous-section III).

Sous-Section I : Echange des consentements

Comme celle de tout contrat, la formation du cautionnement relève des articles 1108 et suiv.
du code civil ; pour tant le caractère unilatéral du contrat - seule la caution s'oblige -imprime à
l'échange des consentements certaines particularités quant à la forme du contrat (§ 1) et aux
vices du consentement (§ 2).

(§ 1) Forme du contrat

Consensualisme 13
Le cautionnement est un contrat consensuel : conformément au
: droit commun, 1’échange des consentements est efficace, sans
aucune forme particulière. On pourrait en douter, pour deux raisons. S’agissant d'un contrat
unilatéral, d'abord, le droit français a tendance à remplacer la cause par la forme ; la caution
s'engage sans attendre de contrepartie du créancier, qu'elle s'engage formellement.
6
Ensuite, en raison de l’article 2015 du C. Civ. : "Le cautionnement ne se présume point ; il
doit être exprès, et on ne peut pas 1'étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été
contracté".
L'interprétation de ce texte exclut aujourd'hui tout formalisme (I). Mais la jurisprudence, sous
le couvert de règles de preuve, impose certaines formes protectrices (II).

I- Interprétation de l’article 2015

"Express" : C’est le terme "Express" qui suscite le plus de difficultés.


14
"Express signifie-t-il formel, coulé dans certaines formes à peine de nullité ? S’agit-il
d’une règle de preuve spéciale ? ou seulement d’un principe d’interprétation ? C’est ce
parti qu’a pris la jurisprudence. D’abord, "Express" ne signifie pas "solennel", exprimé
sous certaines formes. Ici, comme en matière de délégation parfaite, où l’article 1275
du Code Civil impose également une déclaration expresse du créancier, la
jurisprudence n'exige pas l’utilisation de formule sacramentelles.

Le texte n’impose pas d’avantage une règle de preuve particulière : le cautionnement


doit être prouvé selon les règles du droit commun (C. C. a. 1341 et suivants). Dans
l’interprétation aujourd’hui très généralement admise, "Exprès" s’oppose à "tacite" ;
l’article 2015 signifie seulement que le consentement de la caution ne peut être déduit
de son silence, ou d’une attitude passive ; il doit résulter d’actes positifs ; ce qui,
réciproquement, implique la rédaction d’un écrit et l’utilisation de termes non
équivoques. De plus, l’article 2015 impose au juge du fond un principe
d’interprétation : les termes obscurs et ambigus s’interprètent en faveur de la caution.

II. Preuve

Droit commun : 15 Les règles de preuve du cautionnement sont celles du droit


commun : nécessité d'un écrit au-delà de 5000 F
(art. 1341 c. civ.) ; mention manuscrite par la caution de la somme pour laquelle elle s'engage
en toutes lettres et en chiffre lorsqu'il s'agit d'un acte sous seing privé (a. 1326) (l). La preuve
du cautionnement commercial est, suivant le droit commun, libre (C. com. a. 109).

Formalisme protecteur : 16 En réalité, la règle de l'article 1326 c. civ. est


aujourd'hui devenue une règle de forme :

l’absence de la mention manuscrite entraîne la nullité du cautionnement. L'acte ne vaut même


plus commencement de preuve par écrit. La jurisprudence sauve cependant les apparences :
elle écarte la règle en matière commerciale ; ce qui n’est pas opportun : beaucoup de cautions
commerciales ont un besoin de protection égal à celui d'une caution civile.

La transformation des règles de preuve en règles de forme s'est opérée en deux étapes, à
propos d'un cautionnement qui fait peser sur la caution un risque particulièrement grave : le
cautionnement illimité de dettes futures. On aurait pu penser qu'il échapperait aux exigences
de 1'article 1326 c. Civ., parce que l'engagement de la caution ne pouvait être chiffré. La

7
Cour de cassation au contraire, a décidé d'abord que la mention manuscrite était d'autant plus
nécessaire que l'obligation était illimitée ; la caution devait porter "une mention écrite de sa
main exprimant sous une forme quelconque mais de façon explicite la
connaissance de la nature et de l’étendue de 1’obligation. Ensuite, que cette formalité était
prescrite à peine de nullité. La formule, très lâche, permet d'annuler les cautionnements trop
étendus.

Ce formalisme protecteur, à tort réservé au cautionnement civil, évoque la protection du


consommateur ; Le législateur fait parfois jouer aux mentions manuscrites un rôle comparable.

(§ 2) Vices du cautionnement

Les cautions non professionnelles invoquent souvent un vice du consentement. Poursuivies


par le créancier longtemps après la conclusion du contrat, elles découvrent l'étendue de leur
obligation, qu'elles pensaient incertaine, éventuelle. Deux vices sont invoqués : l’erreur et le
dol.

I- Erreur

L'erreur est le fait de cautions non professionnelles, qui n'ont pas mesuré exactement le risque
couru lors de la conclusion du contrat. Pourtant, les conditions de l'article 1110 c. ci v. sont
rarement réunies.

Problème : 17 L'erreur n'est une cause de nullité que lorsqu'elle porte sur la substance
même - les qualités substantielles - de la chose, objet de la convention.
Or, l’objet du cautionnement, c'est l'obligation de la caution ; l'objet de cette obligation, la
somme qu'elle devra payer au créancier en cas de défaillance du débiteur principal. Est-elle
susceptible d'une erreur substantielle ?
Premier obstacle : la caution ne peut invoquer qu'une erreur sur sa propre prestation ; le
contrat est unilatéral, elle n'attend du créancier aucune contre-prestation. L'admission
d'une telle erreur ne va pas sans difficultés, en dépit de la jurisprudence récente. Ensuite,
pour être substantielle, l'erreur devrait porter sur l’obligation de garantie elle-même ; on
est alors proche de l'erreur-obstacle, exceptionnelle. Le plus souvent, c'est une erreur sur
la solvabilité du débiteur principal que la caution invoque.

Erreur-obstacle : 18 L'erreur sur la nature de l'engagement permet 1'annulation du


contrat : la caution n'a pas compris et

donc pas voulu son engagement. Les consentements ne se sont pas rencontrés sur le même
contrat, Pratiquement, cette erreur-obstacle est voisine de 1’absence de consentement ; la
nullité, de l'inexistence.

Erreur sur la solvabilité 19


Plus souvent, la caution a compris son engagement.
du débiteur Mais elle invoque une erreur sur la solvabilité du
débiteur principal. Celle-ci ne constitue pas, pourtant, la substance de l'engagement de la
caution. Aucun doute pour la solvabilité future du débiteur. La caution ne peut soutenir avec

8
succès qu'elle s'est obligée dans la certitude de la solvabilité future du débiteur, car ce serait
vider son engagement de sens : le risque d'insolvabilité en est la raison d'être.

Les choses sont plus complexes lorsque l'erreur invoquée porte sur la solvabilité actuelle du
débiteur. Celle-ci peut avoir une incidence dans deux ces. La caution d'abord prend en
considération la possibilité d'exercer éventuellement un recours contre le débiteur ; or, il se
peut qu’au moment de la conclusion du contrat, la situation de celui-ci soit définitivement
obérée, à l'insu de la caution (ex : débiteur en état de cessation des s paiements).

L'erreur de la caution a été déterminante. Elle ne porte pas pour autant sur les qualités
substantielles, mais sur un mobile de son engagement, étranger à l'échange des consentements
avec le créancier. Après avoir admis le contraire, la Cour de cassation décide aujourd’hui que
cette erreur est indifférente, sauf si la caution a fait de ce mobile la condition de son
engagement ; c'est l'application d’un principe général. Ensuite, lorsque la caution garantit non
pas les dettes futures ou celles qui naissent au moment de son engagement (cautionnement
consenti en même temps que le prêt qu'il garantit), mais les dettes présentes nées
antérieurement, la solvabilité actuelle du débiteur permet de déterminer en fait l'étendue de
son obligation. Une erreur pourrait en principe conduire à la nullité du contrat. En fait, c’est
extrêmement rare : ou l'erreur est inexcusable, ou les formalités de l'article 1326 c. ci v.
permettent de l'exclure.

II- Dol

La nullité pour dol (c. ci v. a. 1116) est aujourd'hui plus souvent prononcée ; ce qu’explique la
nécessité de protéger la caution non professionnelle. En principe, le dol n'est une cause de
nullité que lorsqu'il émane du co-contractant et a déterminé le consentement de la victime.

Dol du co-contractant : Les tribunaux admettent sans difficulté le dol émanant du


20
créancier (généralement, une banque).
La manœuvre consiste à laisser croire que le débiteur pourra faire face à son obligation, donc
que la caution disposera d'un recours efficace - ce que pour elle est déterminant -, alors que la
situation du débiteur est irrémédiablement compromise ou lourdement obérée. Conformément
au droit commun, la manœuvre dolosive peut consister en un acte positif : assurance formelle
donnée par le banquier, production de faux documents… Elle peut aussi résulter du silence du
banquier, qui omet de révéler à la caution la situation irrémédiablement compromise au
moment où elle s'engage.

Dol du débiteur : 21 En revanche, s'en tenant à une conception strictement


juridique du dol, la jurisprudence refuse d'annuler le
cautionnement lorsque
les manœuvres émanent du débiteur lui-même. Les auteurs critiquent généralement cette
jurisprudence. Au moins devrait-on tenir compte de l'erreur provoquée dont la caution est la
victime. Il est vrai que si l'erreur porte sur la solvabilité du débiteur, elle est déterminante,
mais non substantielle.

Sous-Section II : Cause du cautionnement

9
La cause du cautionnement a suscité et suscite encore des débats, en raison des particularités de
ce contrat. Unilatéral : la cause de l'obligation ne peut se trouver dans une contre-partie
attendue du créancier. Créateur d’une sûreté : l'obligation a pour objet la garantie d'une autre
obligation, laquelle exerce nécessairement une influence. Opération à trois personnes : sur deux
relations préexistantes (caution - débiteur et débiteur - créancier) se greffe un troisième lien
(créancier-caution). Quelle est l'influence des relations caution-débiteur sur l'engagement de la
caution ? La réponse implique la désignation de la cause (§ 1) et l'examen de son rôle (§ 2).

(§ 1) Désignation de la cause

Dans quel but la caution s'oblige-t-elle ? La possibilité de ce but et sa licéité (art. 1108 et 1131
et suiv.) conditionnent la validité de l’obligation. Sa nature permet de la qualifier (acte à titre
gratuit ou onéreux, notamment).

Cause et mobiles : En général, on distingue de la cause, qui seule importe, les


22
mobiles ou motifs de l'engagement propres à chaque débiteur,
inconnus du créancier. Pour que les mobiles exercent une influence sur l'obligation, ils doivent
avoir été révélés au créancier et érigés en conditions de l'obligation. Le propre de la cause est
d'entrer dans "le champ contractuel ". Appliquée au cautionnement, cette distinction soulève
des difficultés. Si on laisse de côté l'opinion d’auteurs qui résolvent le problème par sa
négation, en affirmant que le cautionnement est un acte par nature abstrait, on peut hésiter entre
deux solutions :

- la cause de l'obligation de la caution se trouve dans ses relations avec le débiteur : elle
s'engage pour lui rendre service, pour faciliter son activité commerciale, ou obtenir une
rémunération (cautionnement intéressé) ;
- la cause de l'obligation de la caution se trouve dans les rapports du débiteur avec le
créancier : c'est le crédit accordé. La caution s'engage pour permettre au débiteur d'obtenir
crédit, pour faire naître la dette principale ou en raison de la dette principale. Au contraire,
les relations (d'amitié, de famille, d'affaires. . .) entre la caution et le débiteur ne sont que
des mobiles, en principe étrangers au créancier, sauf s'ils ont été érigés par la caution en
conditions de son engagement, auquel cas ils sont entrés dans le "champ contractuel ".

Jurisprudence : 23 C'est dans ce dernier sens qu'a tranché la Cour de cassation, le 8


nov. 1972 (3). Une caution soutenait qu'elle ne s'était engagée
qu'en
qualité d'associé majoritaire de la société, débitrice principale. Devenue minoritaire, elle
invoquait la disparition de la cause de son obligation. La Cour de cassation ne la suit pas : "La
cause de l'obligation de Lempereur était la considération de l'obligation prise corrélativement
par la Société Générale à savoir 1'ouverture de crédit à la Société Lempereur".

Critique : 24 Ce. La plupart des auteurs approuvent aujourd'hui cette analyse. Elle
paraît pourtant critiquable à plusieurs égards. Dans l'arrêt Lempereur, la

10
Cour de cassation a raisonné comme si on était en présence d'un contrat synallagmatique
("corrélativement") par lequel la caution s'engageait contre 1'obligation souscrite par le
créancier. De plus, quelle est la cause des cautionnements qui interviennent après la
naissance de la dette principale ? L'analyse, ensuite, fait bon marché de la psychologie : il est
irréaliste d'affirmer que le but poursuivi par la caution lorsqu'elle s'ob1ige est l'existence de
l'obligation principale ! C'est confondre cause et objet de l'obligation. Peut-on affirmer que
le but poursuivi par un organisme financier lorsqu'il se porte caution est le crédit accordé à
son client, et non la rémunération versée par celui-ci ? D'ailleurs, on remarque que
1'affirmation péremptoire de 1'arrêt du 8 novembre 1972 n'est pas reproduite dans les arrêts
ultérieurs, qui se contentent d'affirmer que 1'engagement de la caution n 'était pas dépourvu
de cause.

Inopposabilité des exceptions : 25


On peut avancer une autre explication : ce qui
conduit la caution à s’obliger, ce sont ses relations
avec le débiteur : affection, amitié, intérêt, rémunération ... Mais ces relations sont
étrangères au créancier ; il est tiers à ces relations, protégée par le principe de
l’inopposabilité des exceptions sauf si leur maintien est la condition ou le terme de
1'engagement. La règle de l'inopposabilité des exceptions dans une opération à trois
personnes voisine, la délégation, peut s 'expliquer de la même manière. En tout cas, la
conception classique de la cause - contrepartie attendue du créancier - ne peut s'appliquer au
cautionnement ; la cause se confond toujours plus ou moins avec les motifs dans un contrat
unilatéral, car elle est forcément extérieure au contrat lui-même.

(§ 2) Rôle de la cause

En dépit, ou en raison des difficultés de l'analyse, le rôle de la cause est modeste.

Existence de la cause 26 L'absence de cause, ou 1’erreur sur la cause doivent


entraîner la nullité du contrat (c. civ. a. n 11131).

Les hypothèses sont rarissimes et se confondent avec l'absence d'objet dans la conception de
l'arrêt Lempereur, ou avec l'erreur sur les motifs déterminants. Un récent arrêt prononce la
nullité du cautionnement pour "défaut de cause". En réalité, il s'agissait plutôt d'une erreur,
non sur la cause, mais sur un mobile de la caution. L'arrêt est contraire à la doctrine de 1'arrêt
Lempereur.

Disparition de la cause 27 En général, c'est plutôt la disparition de la cause


qu'invoque la caution : associé majoritaire devenu
minoritaire, dirigeant de société ayant perdu la direction, époux ayant ensuite divorcé. … La
jurisprudence n'en tient aucun compte : "la cause de son engagement [est] fixée au moment de
la formation du contrat" (6). Si les cautions n'ont pas limité leur engagement, en le
conditionnant au maintien des relations avec le débiteur principal qui l'ont justifié, elles ne
peuvent se dégager. Aujourd'hui, cette question a déserté le domaine de la cause et relève de
la seule autonomie de la volonté. La caution des dettes futures et incertaines, qui s'est engagée
pour une durée illimitée, se libère en révoquant son engagement, ou en invoquant un terme
exprès ; ou même le terme implicite que constituerait la cessation de ses relations avec le
débiteur principal.

11
Sous-Section III : Qualification

Pour différentes raisons le cautionnement doit être, qualifié : contrat à titre gratuit,
donation, contrat à titre onéreux ? Contrat civil ou acte de commerce ?

(§ 1) Contrat à titre gratuit, donation ou contrat à titre onéreux

Intérêts : 28 La qualification présente un double intérêt : elle permet de déterminer


quels sont la capacité et les pouvoirs requis pour se porter caution ;
et quelles sont les conséquences du cautionnement dans la succession de la caution : s'il s’agit
d'une donation l'avantage peut être rapportable et réductible s'il dépasse la quotité disponible.

Neutralité : 29 Dans les rapports entre la caution et le créancier, c'est-à-dire dans les
rapports contractuels, le cautionnement se présente comme un acte
neutre. En principe, la caution n'est animée d’aucune intention libérale. Par ailleurs, elle
n’attend du créancier aucun avantage.

Donation : 30
Seuls les rapports caution-débiteur permettent de donner une
coloration à l'acte. Le cautionnement est par nature un contrat de
bienfaisance
(art. 1105 c. ci v.) ; donc un acte à titre gratuit. La caution est en principe animée d’une
intention libérale envers le débiteur, à qui elle entend rendre un service.

Ce n’est pourtant as un acte de disposition à titre gratuit, une donation, car manque
l’élément matériel de la donation : 1'appauvrissement du donateur. La caution dispose, en
effet, d'un recours contre le débiteur, qui lui donne vocation à récupérer ce qu'elle aura payé.
La Cour de cassation en déduit notamment que le cautionnement peut, sous le régime de la
communauté légale, être consenti par un époux seul ; s'il s'était agi d'une donation, il aurait
fallu, à peine de nullité, le consentement des deux époux (art. 1422 c. ci v.). Le
cautionnement réalise une donation indirecte, précisément lorsque la caution renonce à son
recours contre le débiteur principal ; ce qui peut s'induire de leurs relations au moment de
1'engagement. Toutes les règles de fond des donations sont alors applicables.

Acte à titre onéreux : 31 Par nature et non par essence gratuit, le


cautionnement peut, tout en restant soumis au même
régime, être conclu

à titre onéreux. Ainsi, lorsque la caution fait rémunérer son engagement par le débiteur
(cautionnement bancaire. . .)

(§ 2) Cautionnement civil et commercial

En principe, le cautionnement, contrat de bienfaisance ou acte à titre onéreux, est civil. Il est
cependant commercial dans certains cas.

Intérêts : 32 La qualification présente plusieurs intérêts. Elle permet de déterminer la

12
juridiction compétente en cas de litige (tribunaux de commerce ou
juridictions civiles), et le cas échéant, la durée de la prescription applicable à l'engagement de
la caution (dix ans, en matière commerciale : c.com. art. 189 bis), Surtout, le caractère
commercial du cautionnement permet de le faire échapper à 1'article 1326 c, ci v., C'est
l'intérêt actuel de la qualification.

Ce texte impose une mention manuscrite. Il s 'agit en principe d'une règle de preuve, que
1'article 109 c. com. permet d'écarter en matière commerciale. La jurisprudence y voit en fait
une règle de forme prescrite à peine de nullité. De plus, elle en impose le respect même
lorsque la somme cautionnée n'est pas déterminée. Les cautions qui garantissent les dettes
futures d'un commerçant (le plus souvent, dirigeants ou associés majoritaires) ont intérêt à
invoquer le caractère civil de leur engagement, pour en obtenir la nullité. Cette dualité de
1'article 1326 c. ci v., règle de preuve au sens de 1'article 109 c. com., et règle de forme n 'est
pas très logique. Les cautions commerciales non-professionnelles ont comme les cautions
civiles, besoin de protection.

Critères 33
Pour qu'un cautionnement soit commercial, il ne suffit pas qu'il ait été
: fourni par un commerçant, ou que la dette cautionnée soit commerciale ;
dans ce dernier cas, il est commercial pour le créancier, qui pourrait être assigné par la caution
devant les tribunaux de commerce. Un cautionnement peut être commercial dans quatre cas.
Les trois premiers ne soulèvent pas de difficulté particulière. Est commercial, le
cautionnement qui est par nature un acte de commerce ; par exemple, le cautionnement donné
contre rémunération par un établissement de crédit. De même, le cautionnement qui est un
acte de commerce par accessoire, par exemple, le cautionnement donné par un commerçant
pour les besoins de son commerce. De même encore, est commercial le cautionnement
constituant un acte de commerce par la forme : l'aval d t une lettre de change.

Aval : 34 L 'aval (com. a. 130) est le cautionnement d'un effet de commerce. Par
nature, c'est un cautionnement solidaire, soumis, lorsqu'il est commercial,
c'est-à-dire
lorsqu'il est donné en garantie d'une lettre de change (commerciale par la forme) ou d'un billet
à ordre commerciaux règles du droit cambiaire, à deux égards :

- aux effets de commerce, il emprunte simplicité et efficacité de la forme, qu'il soit donné
par simple signature au recto de l'effet, ou par acte séparé.
- Il leur emprunte aussi la rigueur : 1'avaliste garantit aux porteurs successifs (la garantie est
donnée pour le tireur, sauf indication contraire) non seulement le paiement, mais le
paiement à 1'échéance. Il ne peut opposer aux porteurs de bonne foi aucune cause de
nullité de 1'effet, sauf le vice de forme (mais il est apparent). Pour le reste, 1'aval est
soumis au droit commun du cautionnement.

Intérêt de la caution : 35 A ces trois cas, la jurisprudence ajoute une situation très
répandue :
celle dans laquelle la caution a un intérêt patrimonial ; dans l'opération ou l'affaire
commerciale qu’elle garantit ; c'est-à-dire, en général, les cautionnements de sociétés
commerciales donnés par les dirigeants ou les associés majoritaires.

13
Critique : 36 Cette jurisprudence peut être critique à plusieurs égards. Le critère est
incertain ; ce n’est pas l’accessoire puisque la caution n’exerce aucune
activité commerciale principale. Il relève de 1'appréciation souveraine des tribunaux. La
solution est illogique : la caution intéressée dans une opération civile (cautionnement des
actes d'une société civile, par exemple), ou la caution dont 1'intérêt résulte de la rémunération
versée par le débiteur (à moins qu'il ne s'agisse d'un organisme financier dont c'est 1'une des
activités commerciales) ne prennent pas un engagement commercial ! Elle est inopportune : si
1 'article 1326 c.civ. est destiné à protéger les cautions, cette jurisprudence aboutit à priver de
la protection des Cautions "intéressées" dans une affaire commerciale, qui peuvent être aussi
inexpérimentées que des cautions civiles. En dépit des critiques dont elle fait l'objet, cette
jurisprudence se maintient fermement.

Section II : Caractère accessoire

L’originalité du cautionnement tient à son objet : garantir l'obligation d'un débiteur


principal. Pour connaître l'étendue de celle de la caution, le contrat de cautionnement ne
suffit pas ; il faut aussi se référer à l'obligation principale, qui en constitue la cause
efficiente. Créateur d'une sûreté, le cautionnement est accessoire à l'obligation principale. Il
n'a pas d 'existence autonome.

Essence du cautionnement 37 Le caractère accessoire, qui résulte de différents


textes du Code civil (art. 2012, 2013 …), est de
1'essence du cautionnement. Ce qui signifie qu'un cautionnement qui ne serait pas
accessoire, ne serait pas un cautionnement. Il ne s'agit donc pas d’une modalité du contrat
que les parties pourraient écarter, comme elles peuvent écarter les bénéfices de division ou
de discussion. De même qu'une vente sans prix n’est pas une vente, le cautionnement dans
lequel la caution s'engage indépendamment de l'obligation principale est inefficace, ou n'est
pas un cautionnement.

Garantie à première demande 38 La question s'est posée notamment à propos


d'actes baptisés "cautionnements", dans lesquels la
caution s'engage à payer "à première demande" du créancier, sans pouvoir invoquer aucune
exception tenant à 1 'obligation principale garantie. S'il s 'agissait de véritables
cautionnements, la renonciation aux exceptions serait inefficace. La Cour de cassation a
décidé qu'un tel engagement ne constituait pas un cautionnement mais une garantie
autonome". Pour le sauver, il faut donc être certain que ce n'est pas un cautionnement, mais
une garantie autonome qu'ont voulu les parties, ce qui nécessite souvent une interprétation.

Assurance-crédit : 39 De même, ne constitue pas un cautionnement la garantie


donnée par un assureur au créancier en vertu d'un contrat

d'assurance-crédit. Il s'agit d'un contrat synallagmatique autonome, par lequel 1'assureur offre
sa garantie contre le paiement d'une prime. L'inexécution du débiteur ou parfois son
insolvabilité réalisent le sinistre ; l'assureur doit donc indemniser le créancier, quelle que soit
la nature, 1'étendue ou même la validité de l'obligation inexécutée. L'assureur ne peut
invoquer aucune des exceptions qui appartenaient au débiteur principal. Le cautionnement
dépend de 1'obligation principale garantie dans son existence (sous-section I) et son étendue
(sous-section II).

14
Sous-Section I : Obligation principale et existence du cautionnement

L'article 2012 c. civ. comporte un principe et une exception. "Le cautionnement ne peut
exister que sur obligation valable "c t est le principe (§1). On peut cautionner une obligation
nulle pour une raison personnelle au débiteur, c'est l'exception (§2).

(§1) : Obligation principale valable

Pour que le cautionnement produise ses effets, l'obligation cautionnée doit être valable (I) ;
mais il n'est pas nécessaire qu'elle soit née au moment où la caution s’engage (II).

I- Nullité de l'obligation principale

Si l'obligation principale est nulle, le cautionnement n'a pas d'objet. Il est inefficace l'article
2012 al. 1 se borne au fond à appliquer l'article 1108 c. civ. La caution peut alors opposer au
créancier une exception de nullité (c. c. a. 2036).
Applications : nullité absolue 40 Aucune difficulté, si l'obligation principale est
atteinte de nullité absolue : en raison de l'illicéité
(cautionnement d'un prix de vente dissimulé), ou de l'immoralité de son objet ou pour
absence de forme (cautionnement d'une donation nulle pour vice de forme). Comme tout
intéressé, la caution peut agir en nullité de son engagement, ou opposer au créancier une
exception de nullité.

Nullité relative : 41 La caution peut-elle, au contraire invoquer la nullité relative de


1'obligation principale ?
En principe, l'action n'appartient qu'au contractant protégé par la règle violée, qui peut
renoncer à agir et confirmer son obligation. Il est certain que la nullité relative ne constitue
pas une "exception purement personnelle" ni au sens de 1'article 2012 al. 2 : doctrine et
jurisprudence limitent ce texte à l'incapacité du débiteur ; ni au sens de l'article 2036. al. 2. La
caution peut donc invoquer la nullité relative (dol, erreur, violence, lésion) de 1’obligation
principale, lorsque celle-ci a été prononcée. Même si le débiteur s'est abstenu d’invoquer la
nullité, on admet aujourd'hui que la caution puisse le faire à moins que le débiteur n’ait, par
des actes positifs, confirmé l'obligation nulle, en renonçant à invoquer la nullité. La
confirmation est alors opposable à la caution.

Obligation de restitution 42 En principe, la nullité de l'obligation principale


libère la caution.
Un récent arrêt décide cependant que la caution d'un prêteur garantit la restitution consécutive
à 1'annulation du au prêt. La décision paraît contraire au principe de 1’accessoire. Pourtant,
elle s'explique par le fait qu'en cas de nullité de 1'obligation principale, le cautionnement est
affecté dans son objet : il n'est pas nul mais caduc. Il suffit alors que demeure une obligation
principale, de même nature que 1'obligation cautionnée, pour que le cautionnement conserve
sa vigueur. Si la caution n'a pas limité son engagement, elle est en principe tenue des
restitutions consécutives à 1'annulation du contrat principal, à moins que la règle ne soit
propre aux contrats de restitution ?

II- Obligation principale future

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Le caractère accessoire du cautionnement n'implique pas que l'obligation
principale existe au moment où la caution s'engage. Sa naissance peut être
éventuelle, la dette peut être future ; il suffit qu'elle existe et soit exigible au
moment où le créancier agit contre la caution.

Trois exemples : 43 Pour saisir ce qu'est un cautionnement de dettes futures, on peut


comparer trois situations :
- une personne ne dispose pas de liquidités suffisante pour acquitter à temps les droits de
succession. Le fisc lui accorde un délai, à condition qu'elle fournisse une caution.

- Pour consentir un prêt remboursable en plusieurs mensualités, une banque exige de


1'emprunteur une caution.

- Lors de la naissance d'une société commerciale, une banque consent à celle-ci une
ouverture de crédit en compte courant, à condition que le principal associé se porte
Caution, en garantie du paiement du solde du compte.

La dette principale n'est future que dans le troisième cas non seulement son exigibilité est
suspendue par un terme (comme dans les deux premiers cas) mais son existence même est
incertaine : le solde du compte courant, lors de sa clôture, peut ne pas être débiteur ; s'il 1'est,
le montant du débit est inconnu.

Validité et utilité : 44 La validité d'un tel cautionnement est admise depuis


longtemps : l’objet de 1’obligation est déterminable,
puisqu’il consiste en une obligation principale à laquelle il suffira de se référer lors de
l'exigibilité. La pratique du cautionnement des dettes futures est répandue, surtout dans les
milieux d'affaires. Il traduit l'existence de liens privilégiés entre le débiteur principal et la
caution : celle-ci a un intérêt à l'octroi d'un crédit et peut influer sur les dettes. Tels sont les
cautionnements de la société donnés par le dirigeant ou 1’associé majoritaire. Ces
engagements suscitent aujourd'hui un contentieux abondant, qu'expliquent les difficultés de
1'analyse.

Analyse : 45 Pendant longtemps, on a considéré que le cautionnement des dettes


futures n'était pas définitif au moment où la caution s'engageait.
Promesse de cautionnement, ou cautionnement conditionnel, il le deviendrait par la
naissance de l'obligation principale. Cette analyse a été contestée par un auteur récent, M.
Christian Mouly, pour qui l'engagement de la caution est définitif, même s'il garantit une
dette future.

Mais à la différence du cautionnement d'une dette présente, qui fait naître une obligation de
règlement à exécution instantanée, différée, le cautionnement de dettes futures et incertaines
fait peser sur la caution une obligation de couverture, à exécution successive : "la durée est
la pièce fondamentale du mécanisme du cautionnement d'une dette de montant et de durée
indéterminés (comme le loyer d'un bail sans terme) ou du cautionnement d'une dette de
naissance incertaine et indéterminée".

Rapprochant cette obligation de couverture de celle qui pèse sur un assureur, M. Mouly
estime qu'elle a un double objet : délimiter le cadre dans lequel s'inscriront les dettes
effectivement garanties et couvrir l'aléa du non paiement.

16
"Le cadre fixé par 1'obligation de couverture sera rempli par 1'obligation de règlement au fur
et à mesure que les dettes garanties naîtront. Les deux obligations s’emboitent l'une dans
1'autre à la façon d'obligations gigognes".

Ainsi, le cautionnement des dettes futures donnerait naissance immédiatement à une


obligation de couverture, et, lorsque la dette principale est née, à une obligation de règlement.

Conséquences : 46 Nombreuses sont les conséquences de cette analyse dualiste, dont


certaines ont été consacrées par la jurisprudence. Elles concernent
principalement l'extinction du cautionnement. Contrat successif, le cautionnement des dettes
futures, - l'obligation de couverture peut être affecté d'un terme, et, s'il ne l'est pas, - révoqué
unilatéralement. L'obligation de couverture est imprégnée d'intuitus personae ; elle ne survit
pas à certains changements dans les rapports caution-débiteur, de même qu’elle s'éteint avec
le décès de la caution. Enfin, lorsque cesse l'obligation de couverture (révocation, terme,
décès, …), la caution ne garantit que les obligations principales nées, même si elles ne sont
pas exigibles. L'analyse de M. Mouly rend compte de la réalité et permet de résoudre
certaines difficultés classiques.

(§2) : Exception : cautionnement d’un incapable

Au principe de l'accessoire, énoncé en son premier aliéna, l'article 2012 al 2 apporte une
exception : "On peut néanmoins cautionner une obligation, encore qu'elle pût être annulée par
une exception purement personnelle à 1'obligé ; par exemple, dans le cas de minorité". Cette
disposition surprenante s'explique par l'origine historique du cautionnement : fondé sur la
solidarité familiale, il permettait au créancier de faire supporter à un proche du débiteur
incapable les conséquences de son engagement. La règle est passée sans grande discussion
dans 1'ancien droit puis dans le Code civil.

Nature 47 Comme le caractère accessoire du cautionnement est de son essence,


: l'article 2012 al. 2 introduit, plus qu'une
exception à ce principe, un mécanisme étranger au cautionnement : la caution d'un incapable
s'engage personnellement; par hypothèse, elle ne pourra exercer aucun recours contre le
débiteur principal dont l'obligation est nulle. Dans l’opinion générale, la règle de l'article 2012
al. 2 relève de la promesse de porte-fort (c. c. a. 1120) plus que du cautionnement. Ce qui
explique qu'elle ait un domaine restreint.

Domaine : 48 "L'exception purement personnelle à 1'obligé", au sens de l'article 2012


al .2, est l'incapacité, à l'exclusion
de toute autre cause de nullité. L'expression s'entend donc de la même manière que dans
l’article 2036 les al. 2. Pratiquement, la règle permet à l'incapable d'obtenir du crédit ; mais
ses applications sont rares. A 1'incapacité, un arrêt assimile le défaut de pouvoirs, par
exemple, du représentant d'une société. La solution s'explique plus par la protection des
tiers, dans le droit des sociétés, que par 1'esprit de 1'article 2012 al. 2.

Condition : 49 La caution n'est tenue que si elle s’est engagée en connaissance de


cause.

17
Elle doit avoir en la volonté de se porter-fort ; ce qui implique la connaissance de 1’absence
de recours contre l'incapable. A défaut, le principe de l'accessoire retrouverait son empire :
l'engagement de la caution pourrait être annulé.

Sous-Section II : Obligation principale et étendue du cautionnement

Le principe de 1'accessoire n'exerce pas seulement son influence sur 1'existence du


cautionnement ; il permet de déterminer son étendue. "le cautionnement ne peut excéder ce
qui est dû par le débiteur, ni être contracté sous des conditions plus onéreuses" (c.c. a. 2013).
L'obligation principale pourtant n'est pas 1’unique instrument de cette détermination ; c'est un
plafond, une limite en deçà de 1aquelle le principe de la liberté contractuelle joue pleinement.
Il faut donc combiner ce principe avec ceux de 1 ’accessoire et de l'interprétation stricte (art.
2015 c.civ.) pour déterminer l'objet (§1), et, la durée (§2) du cautionnement.

(§1) : Objet du cautionnement

Avec le Code civil, il faut distinguer deux types de cautionnements :

- le cautionnement "indéfini" (c. c. a, 2016), c'est-à-dire illimité, calqué purement et


simplement sur l'obligation principale (I) ;

- le cautionnement limité à "une partie de la dette seulement", ou contracté "sous des


conditions moins onéreuses" (c.c.a 2013, al. 2) (II).

I- Cautionnement "indéfini"

Notion : 50 Le terme "indéfini " qu’utilise l'article 2016 ne doit être confondu ni avec
celui d'indéterminé, ni avec celui d'incertain. Le cautionnement indéfini
n'est pas indéterminé - il serait nul en vertu de l'article 1129 c. civ.-, car l'obligation de la
caution se réfère à celle du débiteur principal. Il n’est pas nécessairement incertain : tout
dépend de 1'obligation principale qui peut être certaine ou incertaine. Le cautionnement est
indéfini lorsque la caution s'engage dans les mêmes termes que le débiteur principal, sans
limitation par rapport à l'obligation de celui-ci. La jurisprudence paraît aujourd'hui hostile à ce
type de cautionnement général qu'elle rend inefficace pour des raisons de forme. En
combinant les articles 2015 et 1326 c. ci v., elle parvient à interdire en fait le cautionnement
civil indéfini exprimé en termes généraux.

Régime 51 Aux termes de l'article 2016 c. civ., le cautionnement indéfini comprend,


: outre la dette en principal, les accessoires et les frais de justice.

A- Principal

L'obligation de la caution et ses modalités sont déterminées par référence directe à l'obligation
principale au moment de son exigibilité (a), sous réserve de 1’inopposabilité des
modifications intervenues depuis la conclusion du contrat (b). La caution doit ce que doit le
débiteur principal. Si la dette principale est éteinte pour une raison quelconque, la caution ne
doit rien, Inversement, la dette principale s’impose à la caution dans son étendue.

18
Autorité de la chose jugée 52 La jurisprudence en déduit que lorsque 1'évaluation
de la dette résulte d'un jugement, 1'autorité de celui-ci
s'impose à la caution. La règle est fréquemment rappelée en matière de règlement judiciaire
ou de liquidation des biens : le créancier, lorsqu'il doit "produire" pour le montant de sa
créance, se soumet à une vérification par le juge commissaire, dont 1'ordonnance en
1’absence de réclamation a 1'autorité de chose jugée. Celle-ci s'impose à la caution, qui
pourrait 1'invoquer si c'était son avantage.

b) La caution, cependant, n'est obligée que dans la limite de ce qu'elle a pu vouloir, donc
prévoir, lors de la conclusion du contrat. Les modifications imprévisibles : - par exemple,
celles qui résultent d'une convention conclue entre le débiteur et le créancier - lui sont en
principe inopposables : elle peut s’en tenir à la dette et aux modalités convenues lorsqu'elle
s'est engagée. Elle peut cependant invoquer les modifications qui lui sont favorables, en vertu
du principe de l'article 2013 c. ci v. La question se pose souvent lorsque le terme dont dépend
l'exigibilité de la dette est prorogé ou avancé.

Prorogation du terme : 53 Lorsque le créancier accorde un délai au débiteur, la


caution dispose d'une option : bénéficier de ce délai
(art. 2013 c. civ.) ou, si elle ne veut pas être tenue plus longtemps en raison du risque
d'insolvabilité du débiteur, contraindre celui-ci à payer (art. 2039 c. ci v.) en exerçant un
recours avant paiement (art. 2032, 40).

Déchéance du terme : 54 Au contraire, la déchéance du terme entraîne l'exigibilité


4 anticipée de la dette.
La jurisprudence décide qu'elle est inopposable à la caution sauf convention contraire. La
Cour de cassation a semblé revenir sur ce principe dans un arrêt récent. Certains proposent de
distinguer selon les causes d'exigibilité anticipée. Les unes sont inhérentes à l'engagement, et
doivent être envisagées par la caution ; elles résultent d'une clause du contrat principal. Les
autres, telles la "faillite" du débiteur ou se déconfiture, sont étrangères à
l'engagement cautionné : la déchéance est alors, sauf clause contraire, inopposable à la
caution, ce que confirme la jurisprudence récente.

B- Accessoires

Prévisibilité : 55 Les accessoires sont les obligations qui s'ajoutent à l’obligation


principale de manière directe et prévisible par la caution. En
l'absence
de clause contraire : - donc dans le cautionnement indéfini - ils sont couverts par la caution.
Les intérêts de l'obligation principale, conventionnels ou légaux, sont indiscutablement
accessoires. De même, les dommages-intérêts dus par le débiteur en raison de l’inexécution
du contrat, qui ont la même nature que l’obligation inexécutée (responsabilité contractuelle).

A 1'inverse, la caution ne garantit pas le paiement des dommages-intérêts de nature


délictuelle, car ils sont étrangers au contrat et imprévisibles. Pour la même raison, la caution
ne garantit pas le paiement de 1'indemnité d'occupation due par le preneur qui occupe les
lieux après la résiliation du bail.

Clause pénale : 56 La clause pénale a soulevé des difficultés. En principe, la pénalité

19
convenue en cas d'inexécution du contrat a la même nature que
l'obligation inexécutée (contractuelle) : mais la clause pénale n'a pas pour seul but de réparer.
Bien qu'il s'agisse d'une gestion de droit – celle de savoir si la clause pénale est un accessoire
au sens de l’article 2016 c. civ. – la Cour de Cassation estime que ka solution relève de
l’interprétation souveraine des juges du fond. Aussi le droit n’est-il pas, sur ce point, unifié.
La caution, lorsqu’elle est tenue, peut demander la réduction de la clause pénale (c. c. a. 1152
al.2).

B- Frais de justice

L’article 2016 vise expressément "les frais de la première demande" faite au débiteur. Au
contraire, les frais engagés postérieurement ne sont pas garantis par la caution, sauf si la
première demande lui a été dénoncée, car elle était alors à même de les éviter.

II- Cautionnement limité

Notion : 57 Le cautionnement limité s’oppose au cautionnement indéfini en ce que la


dette de la caution n’est pas purement et simplement celle du débiteur
principal. Le contrat de cautionnement comporte des limites qui, outre la durée, peuvent avoir
deux objets : le montant garanti (A), les conditions de la garantie (B). La question de savoir si
tel cautionnement est indéfini ou limité relève de 1'interprétation souveraine des tribunaux,
guidée par le principe de l'article 2015 c. civ.

A - Limitation du montant garanti

Il arrive fréquemment que la caution limite son obligation à une partie de la dette principale,
exprimée sous la forme d'un plafond, ce que prévoit l'article 2013 al.2 c. civ. Cette limitation
est courante en matière de cautionnement de dettes futures, car elle tempère l’incertitude de
l’engagement. Mais elle se rencontre aussi dans le cautionnement de cette présente. La
limitation de montant soulève deux difficultés : l’une, l’interprétation, l’autre, d’imputation
des paiements partiels faits par le débiteur.

Interprétation : 58 La difficulté est double. D’abord, on se demande si la somme


indiquée dans l’acte de cautionnement constitue, dans le silence des
parties, un plafond absolu, ou seulement le capital maximum, auquel pourraient s’ajouter les
accessoires (intérêts, dommages-intérêts, clause pénale…). La question relève de
l’interprétation du contrat, les juges du fond sont souverains.
Cependant, lorsque le doute naît de la contradiction entre la mention manuscrite ("telle
somme") et les clauses imprimées de l’acte (visant plus largement les "intérêts commissions",
frais et accessoires") la Cour de cassation décide que seule compte la mention manuscrite "qui
exprime seule la connaissance qu’a la caution de la nature et de l’étendue de son obligation " :
la dette de la caution ne peut dépasser ce montant. Ce qui montre le caractère solennel de cette
mention.
Ensuite, lorsque plusieurs cautions s’engagent pour un montant limité, ou lorsque la même
caution donne successivement des engagements limités de plus en plus importants, on se
demande, dans le silence des parties, si ces différents montants s’ajoutent et garantissent une

20

59
fraction différente de la dette, ou, au contraire, garantissent la même fraction. C’est une
question qui relève de l’interprétation souveraine des tribunaux.

Imputations des paiements Lorsqu’une partie seulement de la dette est


cautionnée, les paiements que fait le débiteur

s’imputent-ils sur la partie cautionnée ou sur l’autre partie ? Dans le silence des parties, la
jurisprudence adopte une solution favorable aux créanciers, les paiements partiels faits par le
débiteur s’imputent d’abord sur la partie non cautionnée : Le cautionnement est une sûreté
pour le créancier !

B- Conditions spéciales

Aux conditions d’existence et d’exigibilité de la dette principale, la caution peut ajouter des conditions
spéciales à son engagement. Il en existe une grande variété parce que ces conditions expriment
souvent l’intérêt particulier de la caution dans l’opération principale. Deux conditions se rencontrent
fréquemment :
- l’affectation des fonds prêtés au débiteur principal à telle opération déterminée ;
- la fourniture d’autres sûretés, réelles ou personnelles
Si ces conditions ne sont pas réunies, la caution, conformément au droit commun (c. civ. A. 1134),
n’est pas obligée.

(§2) : Durée du cautionnement

Un contrat peut être à durée déterminée ou indéterminée : il comporte, dans ce dernier cas, une faculté
de résiliation unilatérale qui ménage la liberté du débiteur. La distinction présente une grande
importance pour le cautionnement. En principe, c’est à l’obligation principale qu’il faut se référer,
puisque le cautionnement est accessoire. Mais lorsque l’étendue de celle-ci peut varier dans l’avenir
pendant une période indéterminée, la caution a intérêt à limiter dans le temps son engagement, ce qui
appelle à nouveau une distinction entre le cautionnement des dettes présentes et celui des dettes
futures.

Dettes présentes : 60 Lorsque l’obligation garantie est présente au moment où la caution


s’engage, celle-ci en connaît le montant déterminé.
La durée de l’obligation principale- fractionnée ou à exécution successive – est sans influence sur
l’étendue de celle de la caution. Elle n’en constitue qu’une modalité. Le principe de l’accessoire joue
pleinement : la durée du cautionnement est celle de l’obligation principale – sous réserve de la
prorogation ou de la déchéance du terme. Elle est déterminée

Dettes futures : 61 Au contraire, lorsque l’obligation garantie est future et peut naître
pendant une période indéterminée, le cautionnement est lui-même à
durée
indéterminée. La caution est tenue des dettes qui naîtront dans une période illimitée, ce qui peut
conduire à son écrasement.
La durée du cautionnement influence son étendue. Ce type de cautionnement se rencontre souvent
dans les relations d’affaires entre une société, ses associés ou dirigeants et une banque. Pour permettre
le "démarrage" de la société, un associé donne un cautionnement à durée indéterminée. La
prospérité des affaires endort la mémoire de la caution, qui oublie son engagement, et l’oublie

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encore lorsqu’elle perd la majorité ou la direction. A son décès, les héritiers ignorent souvent
l’existence du cautionnement, dont la banque détient seule l’instrumentum.
Lorsque la société est mise en règlement judiciaire ou en liquidation des biens, souvent
longtemps après l’engagement la caution ou ses héritiers découvrent l’énormité de leur dette.

Remèdes : 62 Puisque le cautionnement est à durée indéterminée, la caution dispose


d’une faculté de résiliation unilatérale.
En fait, elle l’exerce rarement, soit qu’elle redoute ses conséquences – la cessation du crédit -,
soit surtout qu’elle ait oublié son engagement.
Pour remédier à cette situation, la jurisprudence impose au créancier – généralement une
banque – un devoir d’information de la caution ou de ses héritiers, destiné à leur permettre de
résilier éventuellement leur engagement.

Limitation : 63 Il est plus sûr pour la caution de limiter la durée de son obligation
par un terme exprès (I).
A défaut on pourrait découvrir dans la nature de son engagement un terme implicite (II).

I- Terme exprès

Puisque l'obligation de la caution de dettes futures est successive, elle peut être expressément
affectée d'un terme extinctif certain (telle date, telle durée) ou incertain (survenance de tel
événement), dont le premier effet est de priver la caution de la faculté de résiliation.

Survenance du terme : 64 La survenance du terme ne met pas fin à toute


obligation, mais délimite la période couverte :
la caution garantit les dettes nées pendant cette période, non celles qui naîtront après. C'est
l'obligation de couverture qui prend fin, laissant subsister une obligation de règlement.
Celle-ci n'est pas immédiatement exigible, tant que la dette principale ne l'est pas. Elle ne
pourra plus augmenter, mais pourra diminuer, en vertu du principe de l'accessoire, si
l'obligation principale vient à diminuer entre le terme du cautionnement et 1 'exigibilité de la
dette.

Comme le terme extinctif n'éteint pas l'obligation (de règlement) de la caution, peu importe
que les poursuites du créancier soient exercées après sa survenance, pourvu qu'elles le soient
pour des dettes nées antérieurement. Sauf convention contraire, rarissime.
II- Terme implicite

Analyse : 65 Le cautionnement des dettes futures est rarement assorti d'un terme
exprès ; la résiliation unilatérale est plus rare encore. L'idée est donc
venue
de rechercher dans la nature même de ce cautionnement une limite temporelle. En effet la
caution s'engage en raison des liens qui l'unissent au débiteur, de la position qu'elle occupe,
qui lui permet d'influer sur les dettes à naître. Cette considération est bilatérale, le créancier la
partage : sa garantie ne tient pas tant au patrimoine de la caution qu'à la pression matérielle
ou simplement morale que peut exercer celle-ci sur le débiteur principal.
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De cette analyse des volontés on peut déduire que les parties ont entendu implicitement mais
nécessairement limiter le cautionnement à la durée de cette qualité, entrée dans le "champ
contractuel". Au fond, on demande au terme implicite ce que la théorie de la cause ne peut
donner. La notion de terme est plus exacte : elle se réfère à un élément convenu et non
unilatéral ; elle évite toute discussion sur la permanence de la cause.

Droit positif : 66
Jusqu'à présent, cette analyse cette analyse exacte n'a pas été
consacrée en droit positif. Le législateur s'en tient à la faculté de
résiliation unilatérale, facilitée par l'information obligatoire de la caution. La jurisprudence ne
s'est pas prononcée, du moins pas directement.

Elle vient en effet de décider que le décès de la caution mettait fin à son obligation de
couverture, sans en donner la raison. L'arrêt consacre une proposition de M. Mouly et
démontre que la considération de la personne de la caution est déterminante dans le
cautionnement des dettes futures. De la considération de la personne, à celle de sa position,
de ses relations avec le débiteur … Il n'y a qu'un pas que la jurisprudence franchira
probablement.
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C. COELHO

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