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'<esponsabi Iités professionnelles.

Banquier.
F. 67.

LA RESPONSABILITE DU BANQUIER
QUI OCTROIE DU CREDIT
A UNE ENTREPRISE EN DIFFICULTE
par
Alain d'IETEREN et Claude VERBRAEKEN
Assista,nts à l'U.L.B.
Avocats au barreau de Bruxelles

1. INTRODUCTION
Le problème de la responsabilité des banques, à raison de l'octroi de crédit, a
suscité une importante doctrine en France et de nombreuses décisions judiciaires ont eu
à statuer dans des litiges où la responsabilité de la banque, donneur de crédit, était
mise en cause (1).
En Belgique, alors que le problème était longtemps resté dans l'ombre, deux arti-
cles récents y ont été consacrés dans la Revue de la Banque (2) et un colloque organisé
par le centre d'études bancaires et financières s'est interrogé sur les différents aspects
de la responsabilité du banquier (3) (3bis).
L'utilité que les entreprises et l'ensemble de l'économie retirent du crédit est
incontestable. Dans certains cas cependant, le crédit peut se révéler nuisible, notamment
lorsqu'il est octroyé à une entreprise mal gérée et dans une situation financière sans
issue. Dans une telle hypothèse, il permet à l'entreprise de continuer une exploitation qui
ne conduit qu'à l'aggravation de son passif et à l'augmentation du nombre de ses
créanciers.
La responsabilité du banquier a toujours été admise en cas de « collusion fraudu-
leuse » avec le crédité, ou encore lorsque le banquier se rend lui-même coupable de
manœuvres dolosives.
On doit de plus admettre que le banquier engage sa responsabilité à l'égard des
tiers, par ses simples fautes d'imprudence, ce qui n'est que l'application pure et simple
de l'article 1382 du Code civil.
Il nous paraît superflu et même inexact de faire intervenir la notion de service
public (4) pour justifier l'obligation de prudence et de diligence du banquier à l'égard
des tiers.
L'activité bancaire ne présente aucun des caractères, ni formels ni essentiels, du
service public.

( 1) cf. notamment, obs. HOUIN, Rev. trim. dr. comm. 1955, 150 et 1964, 164; STOUFFLET,
L'ouverture de crédit peut-elle être source de responsabilité envers les tiers, JCP, 1965, 1, 1882,
GAVALDA, Juris-Classeur Banque fasc. 30, 2e cahier, n° 76 et s.; RIVES LANGE et VEZIAN, Juris-
Classeur Banque fasc. n° 8, n° 181 et s.; Paris, 26 mai 1967, JCP 1968, Il, 15518, note STOUFFLET;
Amiens, ch. réunies, 24 févr. 1969, JCP, 1969, 11, 16124, note GAVALDA; Rev. Trim. dr. comm.,
1969, 1059, obs. CABRILLAC -et RIVES LANGE; Aix en Provence, 2 juillet 1970, JCP, 1971, 11, 16686,
note GAVALDA; Rev. trim. dr. comm., 1971, 411, obs. CABRILLAC et RIVES LANGE; Aix en Pro-
vence, 8 juillet 1971, Banque, 1971, 1144, obs. M. MARTIN; Rev. trim. dr. comm., 1972, 143, obs.
CABRILLAC et RIVES LANGE.
(2) A. ZENNER, Responsabilités du donneur de crédit, Rev. Banque, 1974, p. 707 et s.;
R. CUIGNET, La responsabilité du banquier donneur de crédit, Rev. Banque, 1976, p. 4 et s.
( 3) Journée d'étude du 6 févr. 1975 présidée par Monsieur E. de BARSY.
( 3bis) Voyez aussi, publié après la rédaction de la présente étude, l'article de M. ZENNER :
« Nouveaux développements de la responsabilité du dispensateur de crédits », J.T., 1977, p. 53 et s.
(4) La conception de la Banque service public est défendue en France notamment par le
doyen HOUIN ( Rev. tri m. dr. comm., 1964, p. 165). Bien que cette conception soit critiquée par
certains auteurs (M. MARTIN, obs. sous Aix en Provence, 8 juillet 1971, Banque, 1971, 1144), la
jurisprudence lui a réservé un accueil assez favorable : cf. notamment Amiens, Chambres réunies,
27 févr. 1969, JCP 1969, 11, 16124 : « ... en raison de son importance économique et sociale, la
distribution du crédit s'apparente davantage à un service public qu'à une simple activité d'intérêt
privé et oblige, de ce fait, le banquier qui accorde des facilités à un client à ne pas causer de
préjudice aux tiers, soit ,en contribuant à les tromper sur la véritable situation du crédité, soit en
donnant à ce dernier les moyens de poursuivre, au détriment de ses créanciers, une exploitation
vouée à la ruine ».

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Même en France où la situation des banques se prête mieux à l'emploi de cette
expression, les auteurs admettent qu'il ne faut pas employer l'expression dans son sens
technique et lui faire produire tous les effets qu'elle comporte en droit public (5).
En Belgique, la notion classique du service public « organisme créé par les pou-
voirs publics et soumis à leur haute direction aux fins d'assurer la satisfaction d'un ou
plusieurs besoins collectifs » (6) ne saurait, à l'évidence, être appliquée aux banques.
Si, d'un point de vue économique, la spécificité de la fonction bancaire a été, à
juste titre, soulignée, il n'en reste pas moins qu'il serait inexact, d'un point de vue juri-
dique, de la considérer comme un service public (7).
11 est bien clair que « à raison de sa nécessaire insertion dans la vie écono-
mique, une banque ne peut certes avoir égard uniquement à ses intérêts propres au titre
de créancier. Elle ne peut ignorer les répercussions des décisions qu'elle prend, pour
l'entreprise en cause et pour l'économie de la région ou du pays » (8).
S'il est juste que l'importance de la fonction bancaire intervienne dans l'apprécia-
tion de la faute professionnelle, rien ne justifie cependant qu'elle modifie les conditions
de sa mise en œuvre.
Pour rendre compte d'une relative sévérité dans l'application aux banques de
l'article 1382 du Code civil, il suffit, nous paraît-il, de faire appel aux règles tradition-
nelles applicables à la responsabilité des professionnels, telles qu'elles ont été judicieu-
sement rappelées par un jugement récent du Tribunal de Commerce de Charleroi (9) :
« Attendu qu'une jurisprudence prétorienne, correspondant à toute une tendance
du droit contemporain, a créé une obligation nouvelle, une obligation de conscience pro-
fessionnelle, en vertu de laquelle on exige de plus en plus des commerçants, titulaires de
professions libérales, industriels ( ... ), surtout s'ils s'affichent comme des spécialistes ...
que, par là, on exige du professionnel non seulement de la loyauté mais encore de la
compétence, exemple significatif de l'adaptation nécessaire des règles traditionnelles aux
exigences du monde moderne ».

11. MISE EN ŒUVRE DE LA RESPONSABILITE


Si le principe de la responsabilité du banquier distributeur de crédit à raison de
l'octroi de crédit n'est pas contestable, sa mise en œuvre nous paraît soulever de nom-
breuses difficultés.
Conformément aux principes généraux, la mise en jeu de la responsabilité du
banquier à l'occasion de l'octroi d'un crédit suppose l'existence d'une faute, d'un dom-
mage et d'un lien de causalité entre la faute et le dommage.

A. LA FAUTE.
a) Dans l'octroi du crédit.
Sur un plan très général, la faute « est l'acte ou le fait que n'aurait pas commis
une personne prudente, avisée, soucieuse de tenir compte des éventualités malheureuses
qui peuvent en résulter pour autrui » (10).
Lorsqu'un crédit est accordé à un commerçant dont la situation est irrémédiable-
ment compromise ou dont l'honorabilité est douteuse, il peut être préjudiciable aux tiers
dans la mesure où il permet à ce commerçant de continuer une exploitation ruineuse
pour tous.
La faute peut ainsi être définie comme « le fait pour le banquier d'octroyer inten-
tionnellement ou par imprudence un crédit dont l'existence ou le volume ne se justifie
pas, compte tenu de la situation financière ou de la moralité de son bénéficiaire » (11 ).
La jurisprudence a considéré à plusieurs reprises que le fait pour un
banquier d'ouvrir un crédit à un commerçant dont la situation est sans issue constitue
une faute et l'on peut admettre que tel n'est pas en effet le comportement d'un banquier
normalement prudent et avisé, du « bonus argentarius » (11 bis).

(5) STOUFFLET, note JCP, 1968, Il, 15518; GAVALDA, note, JCP, 1969, 11, 16124.
( 6) DEMBOUR, Droit administratif, 85.
( 7) R. HENRION, Le secret professionnel du banquier, 1968, p. 35.
( 8) Commission bancaire, Rapport, 1969-1970, p. 40.
(9) Comm. Charleroi, 6 janv. 1972, J.T. 1972, p. 286; dans le même sens, A. LAGASSE,
note sous Cass., 6 oct. 1961, RCJB, 1967, 38 ; MAZEAUD et TUNC, Traité théorique et pratique de
la responsabilité civile, T. 1, n° 705-2.
( 10) DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil, T. Il, n° 939.
( 11) J. VEZIAN - La resonsabilité du banquier en droit privé français, 1972, p. 176.
( 11 bis) Voyez les décisions citées à la note 1 ; voyez aussi : Comm. Brux., 3 mai 1976,
J.T., 1977, p. 60 ( décision frappée d'appel).
Il faut et il suffit que le banquier ait connu ou ait d0 raisonnablement connaître
l'état financier du client.
Ce critère se déduira d'une part de la comparaison avec le « bonus argentarius »
placé dans les mêmes circonstances et, d'autre part, des circonstances objectives qui
accompagnent l'octroi du crédit à savoir « la normalité des commissions et des agios,
le taux d'intérêt, l'importance et la nature des garanties exigées du client crédité, la pro-
portion entre le crédit consenti et le chiffre d'affaires du débiteur failli » (12).
Si la situation de l'entreprise est seulement difficile, sans être cependant irrémé-
diablement compromise, l'octroi du crédit ne pourra être considéré comme fautif :
« La vocation du banquier est de faire du crédit et, par conséquent, d'aider à l'oc-

casion ses clients à franchir les caps financiers difficiles. La prise de risque n'est donc
pas criticable à peine de paralyser toute initiative des banques » (13).
A ce stade se pose déjà un problème d'appréciation particulièrement délicat, celui
de l'estimation des chances de survie d'une entreprise en difficulté. Un spécialiste des
techniques bancaires écrivait récemment à ce propos : « les éléments d'incertitude en
cette matière peuvent en effet être réduits, jamais éliminés » (14).
Ainsi que le souligne le Doyen Hamel (15), une erreur d'appréciation dans les
capacités réelles de l'entreprise et de ses chances de redressement ne peut être consi-
dérée comme donnant ouverture à l'application des articles 1382 et 1383 du Code civil si
elle peut être classée parmi les erreurs normales, inhérentes au commerce de banque.
La notion de commerçant « dont la situation est sans issue » ou « dont la situation
est désespérée » est empruntée au droit français de la faillite. On sait que la loi
française ne mentionne pas l'ébranlement du crédit, comme condition de la faillite, mais
que la jurisprudence exige que la cessation de paiement ait placé le commerçant dans
une situation « sans issue » ou désespérée (16), ce qui implique généralement l'ébranle-
ment du crédit.
En Belgique également, la suspension du paiement d'une ou plusieurs dettes ne
saurait entraîner la faillite, s'il n'en est résulté qu'un embarras passager (17).
Pour expliciter cette idée que l'impossibilité de payer doit avoir un caractère défi-
nitif, le professeur Coppens se réfère d'ailleurs au critère français de « situation sans
issue » (18). On peut donc admettre que la situation sans issue dans laquelle doit se
trouver le crédité pour qu'il y ait faute de la banque est la situation du commerçant qui
a cessé ses paiements et dont le crédit est ébranlé.
Cela ne signifie cependant pas que la banque ne pourrait être rendue responsable
si. l'octroi de· crédit remontait à plus de six mois, avant le jugement déclaratif de
faillite (19), car ce n'est pas l'annulation d'un acte qui est poursuivie, sur la base des
articles 445 et 446 de la loi sur les faillites, mais l'application du droit commun de la
responsabilité (20).

b) Dans la gestion du crédit.


La doctrine et la jurisprudence actuelles tendent à reconnaître au banquier un
devoir de surveillance et de prudence dans la gestion du crédit.
La Commission Bancaire adopte, à cet égard, une attitude relativement rigoureuse
en recommandant au banquier « de porter une grande attention notamment à la justifi-

( 12) STOUFFLET, op. cit., n° 9; GAVALDA, obs. sous Aix en Provence, 2 juillet 1970, JCP,
1971, Il, n° 16686.
(13) GAVALDA - Obs. sous Aix en Provence, 2 juillet 1970, JCP, 1971, 11, 16686.
( 14) P. GABRIEL, L'intervention des banques dans le financement des entreprises, Rev.
Banque, 1974, 416.
( 15) HAMEL, Banques, tome 11, 1943, p. 475.
( 16) RIPERT et ROBLOT, T. Il, n° 2758 ; Cass. fr., 9 févr. 1960, Rev. tri m. dr. comm.,
1960, 884.
( 17) RPDB, v° Faillite et banqueroute, n° 28 et 29; FREDERICQ, T. VII, n° 14; VAN RYN
et HEENEN, T. IV, n° 2645; CLOQUET, n° 142.
( 18) COPPENS, Examen de jurisprudence, v° Faillites et concordats, RCJB, 1974, p. 379.
( 19) En ce sens cependant : M. VASSEUR, Des responsabilités encourues par le banquier dis•
pensateur de crédit aux entreprises en difficultés, Banque, 1976, 480.
( 20) Les actes passés avant la période suspecte peuvent être attaqués, par la voie de l'ac•
tion paulienne; dans ce cas également, on est amené à mettre en évidence une cessation de paie•
ment, antérieure au début de la période suspecte.

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cation des prélèvements, à la régularité des remboursements, à l'accroissement du décou-
vert, aux marges bénéficiaires de l'exploitation, à la valeur et à l'évolution du stock et de
l'encours de fabrication, au rapport entre l'actif net et les moyens de tiers, ainsi qu'aux
diverses sources de renseignements sur la marche des affaires et la situation patrimo-
niale du client. La banque devra aussi se réserver la faculté de faire procéder sur place
à des enquêtes et expertises portant sur l'activité et la structure financière réelle du débi-
teur. Elle en fera usage régulièrement et sans attendre la révélation d'indices défavora-
bles, tant dans son intérêt propre que dans celui du client et des autres créanciers
de celui-ci » (21).
Il nous paraît qu'une telle obligation va bien au-delà de celle de la surveillance du
crédit, pour consister en la surveillance de toute l'entreprise du crédité.
Le banquier se voit ainsi investi d'un pouvoir de police économique contestable.
Sauf circonstance particulière, propre à attirer son attention, il n'a pas en effet
à exercer de contrôle sur l'activité de son client et à s'immiscer dans les affaires de
celui-ci (22).
C'est parce qu'il n'entre ni dans la mission, ni dans les pouvoirs habituels d'un
banquier de se substituer au chef d'entreprise crédité, dans la conduite des affaires,
que celui-ci ne répond normalement pas envers les tiers des fautes de gestion commises
par le crédité.
Cela ne signifie nullement que le banquier pourrait fermer les yeux sur les « ano-
malies et irrégularités criardes ».
En effet, si, sans ingérence et sans investigation, le banquier peut les déceler,
parce qu'elles se révèlent à lui par des circonstances dépourvues d'ambiguïté, il com-
mettrait une négligence, qui pourrait être préjudiciable aux tiers, en n'en tenant pas
compte et en maintenant le crédit accordé (22).
Si la responsabilité du banquier, qui ne s'ingère pas dans les affaires du crédité,
ne sera normalement pas engagée, il en va différemment de celle du banquier qui
s'immisce dans la gestion du crédité.
Le banquier qui impose, par exemple sous la menace d'une révocation immédiate
du crédit, une orientation déterminée dans la gestion du crédité pourrait voir sa respon-
sabilité engagée si les mesures ainsi imposées étaient véritablement inadéquates (22 bis).

c) Le dilemme du donneur de crédit.


Il convient en outre, de souligner la situation délicate dans laquelle se trouve la
banque qui peut encourir une responsabilité contractuelle vis-à-vis du crédité lui-même,
du fait de la rupture du crédit.
Ce fut notamment le cas dans une affaire tranchée par le Tribunal de commerce
de Charleroi (23) qui a retenu la responsabilité de la banque aux motifs qu'en présence
des manifestations d'apparente bonne volonté de celle-ci à l'égard de la société faillie,
les dirigeants de cette société ne devaient raisonnablement pas s'attendre à son brusque
changement d'attitude, la veille d'une échéance importante.
La banque avait justifié son attitude en exposant que le fait de ne pas exécuter
ses engagements devait nécessairement avoir pour résultat de concrétiser l'état de
cessation de paiement de la société faillie et qu'elle ne pouvait plus payer d'autres
créanciers de sa cliente, sans risques de se rendre complice de l'infraction de banque-
route. Le Tribunal n'a pas rencontré, à tort selon nous, cet argument et a retenu une
faute contractuelle dans le chef de la banque, sans examiner le problème de la respon-
sabilité aquilienne.
Lorsque la situation matérielle du crédité est telle que la « dignité » de son crédit
est ébranlée, il est unanimement admis que le banquier peut dénoncer, sans préavis, le
contrat d'ouverture de crédit (24), mais les tribunaux ont, dans chaque cas, la possibilité
d'apprécier si le fait allégué est suffisamment grave pour justifier la dénonciation.

( 21) Commission Bancaire, Rapport annuel, 1972-1973, p. 35. Comparez motifs Comm.
Brux., 29 oct. 1976, J.T., 1977, p. 58 (frappé d'appel) et Comm. Brux., 3 mai 1976, cité supra
note 11 bis.
(22) Aix en Provence, 8 juillet 1971, Banque, p. 114 et note de L. MARTIN; M. VASSEUR,
Des responsabilités encourues par le banquier dispensateur de crédit aux entreprises en difficulté,
Banque, 1976, pp. 479 et s.; contra : VEZIAN, La responsabilité du banquier en droit français, 1972,
p. 169; C. GAVALDA, note sous Amiens, 24 février 1969, JCP, 11, 16124.
(22bis) cf. a contrario Nîmes, 13 novembre 1963, Rev. trim. Dr. comm., 1964, 163.
( 23) Comm. Charleroi, 7 janvier 1956, Echo de la Bourse du mardi 10 janvier 1956.
(24) VAN RYN et HEENEN, op. cit., T. Ill, n° 2133; Fredericq, op. cit., T. IX, n° 176;
Novelles, Droit bancaire, v0 Ouverture de crédit, n° 135.
Afin d'éviter cet écueil, le contrat d'ouverture de crédit prévoit le plus souvent, à
titre exemplatif, une série d'événements qui permettent au banquier de mettre fin au
crédit sans préavis : la publication d'un protêt, la saisie, une demande de concordat,
l'absence de comptabilité régulière, etc. (25).
Même en l'absence de tels événements, il pourra arriver que le banquier doive
faire un choix difficile entre les intérêts du crédité et ceux des tiers et sacrifier les uns
pour préserver les autres.

d) La jurisprudence.
La faute de la Banque se déduira souvent d'un ensemble de circonstances dont
elle avait ou dont elle devait avoir connaissance et qui auraient dû l'amener à refuser
le crédit ou à y mettre fin.
On en trouve un exemple assez remarquable dans un arrêt rendu par la Cour
d'Appel de Gand (26).
Divers crédits avaient été accordés par la banque à P... pour le financement de
son commerce.
Prétendant que la Banque avait commis des fautes en accordant à P... des crédits
injustifiés, créant de la sorte une apparente solvabilité qui le mettait à même de pour-
suivre des activités commerciales au détriment de ses créanciers et de retarder sa mise
en faillite, certains de ses créanciers ainsi que le curateur de la faillite agissant au nom
de la masse (27) introduisirent des actions en dommages-intérêts. La Cour d'Appel ne
consacre pas moins de vingt pages à l'analyse des fautes commises par la Banque et
elle termine cette analyse par la synthèse suivante (28) :
« Dès l'abord la Banque a mis en P... et en son commerce une confiance qui
n'était pas étayée par des renseignements et qui, de plus, vu certains indices dont elle
disposait, était sujette à caution. D'autre part, il y a le manque de renseignements au
sujet de P... lui-même et de son commerce, et avant tout son absence de comptabi-
lité (29) mais d'un autre côté, il y a des renseignements défavorables au sujet de P...
et il n'en a pas été tenu compte, ainsi que la précarité des bilans (30) ; il y a également
le dépassement constant du crédit et la disproportion entre les moyens propres (31) et
les engagements.
» Même depuis la fin 1961 - début 1962, il y avait suffisamment d'indications au
sujet des irrégularités ayant trait au crédit d'exportation (32).
» Le fait que des factures, toujours sur les mêmes acheteurs étrangers, restaient
régulièrement impayées, la production de nouvelles acceptations le jour de l'échéance
d'acceptations précédentes en représentation de transactions d'exportation avec les
mêmes clients étrangers, la connaissance des « retours » et la manière dont ils étaient
comptabilisés comme achats et en accroissement du chiffre d'affaires, voilà autant d'in-

(25) VAN RYN et HEENEN, op. cit., T. Ill, n° 2133.


(26) Gand, 25 avril 1974, inédit. Le pourvoi dirigé contre cette décision par la Banque a été
rejeté par un arrêt de la le Chambre de la Cour de Cassation du 19 mars 1976.
( 27) Sur la compétence du curateur pour agir en responsabilité contre la banque, cf.
infra Ill.
(28) Il s'agit d'une traduction libre.
(29) Aucune comptabilité n'existait avant le 1er janvier 1960.
( 30) Entre juin <lt décembre 1962, P ... n'a plus produit de bilans.
(31) P ... possédait au début, comme moyens propres, un capital commercial de 100.000 F,
un bien immeuble qui était comptabilisé pour une valeur de l million, mais qui était grevé d'une
hypothèque de 200.000 F, des magasins de peu de surface, des machines vieillottes et un stock de
marchandises difficilement réalisable et obéré de dettes.
( 32) Afin de pouvoir profiter de crédit d'acceptation bancaire pour l'exportation, P ... a f.eint
entre le 29 juillet 1961 et le 23 avril 1963, des ventes à des clients étrangers. Il établissait de
fausses factures de vente qu'il présentait à la banqu<l avec le document douanier modèle B, ce qui
lui permettait de tirer une traite sur la banque pour le montant de la fausse facture.
Le compte en banque de P ... était alors crédité du montant de la traite, moins les frais,
intérêts et commissions. Le jour de l'échéance de la traite, le compte de P ... était débité du montant
de la traite mais, comme la vente était fictive, le compte en banque n'était évidemment pas crédité
par le paiement du prétendu client.
P ... annulait alors la vente par inscription d'une note de crédit dans le journal des ventes
qui était comptabilisée en accroissement œs achats et non en réduction des ventes.
C'est ainsi que P ... augmentait de façon fictive son chiffre d'affaires.

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dications que la banque, faisant preuve d'une prudence normale, aurait dû soumettre à
un examen qui lui eût fait connaître la situation véritable de P... Ainsi que l'Institut
Belgo-Luxembourgeois du Change le fera remarquer plus tard, les fiches-clients avaient
un aspect tellement anormal que quiconque, tant soit peu au courant des rudiments de
comptabilité, devait arriver à la conclusion qu'il y avait là une facturation fictive ...
» Si la banque n'avait pas négligé de prêter attention aux diverses indications qui
étaient à sa connaissance, si au contraire elle en avait tiré les conclusions ou simple-
ment fait procéder à une enquête qui, dans de pareilles conditions s'imposait, elle aurait
constaté, comme cela avait d'ailleurs été dit par l'agence et par la direction centrale,
que P... travaillait à perte et que sa situation était irréversible même en tenant compte
encore de la prospection, commencée fin 1962 du marché américain. C'est donc bien,
comme le premier juge l'a résumé, par sa propre faute que la banque, pendant des
mois, voire pendant des années, s'est laissée prendre au piège par suite d'un manque
de soin, d'inspection et d'attention. Dans les circonstances concrètes de l'espèce, ces
manquements étaient professionnellement injustifiés et ils étaient de nature telle que l'ap-
titude de P... à profiter de crédits a pu être maintenue artificiellement bien qu'en fait il
se trouvât depuis longtemps en état réel de faillite. Si la banque avait été soigneuse et
si elle avait fait attention, elle aurait connu cette situation ainsi que la fraude que P...
commettait en ce qui touche le crédit d'exportation.
» Dans ce cas, il lui serait apparu clairement que ni une allocation de crédit ni
une latitude à dépasser le crédit n'était de nature à sauver P... d'une situation qui était
déjà définitivement perdue ».
La faute reprochée à la Banque est en définitive de s'être laissée abuser par un
commerçant fraudeur alors qu'elle avait connaissance d'éléments permettant de déjouer
la fraude et d'avoir ainsi accordé des crédits à une entreprise dont la situation financière
était sans issue.
C'est une faute semblable qui a été retenue par le Tribunal de Commerce de
Bruxelles dans une décision rendue le 3 mai 1976, mais cette fois à charge d'une insti-
tution publique de crédit et dans des circonstances de fait très différentes (33).
L'institution publique de crédit avait accepté d'accorder à une société S... un
crédit de deux cent quarante millions pour la première phase de l'érection à Hautrage
d'une usine de fabrication de fibres synthétiques.
Environ deux ans après l'octroi du crédit, la société S ... fut déclarée en faillite
et deux des principaux créanciers assignèrent l'organisme de crédit pour le faire con-
damner à leur payer le montant de leurs créances impayées, soit environ cinquante
millions de francs.
Le Tribunal a considéré que deux fautes devaient être retenues à charge de l'or-
ganisme de crédit.
Une faute dans l'octroi du crédit et une faute dans la gestion du crédit.
Pour établir la première faute le Tribunal retient un ensemble de circonstances
que l'on peut synthétiser de la manière suivante :
l'organisme de crédit a pris des renseignements insuffisants sur la future
société;
l'étude faite par ses services techniques concluait à l'existence d'un risque
important et à l'incertitude du coût et de la rentabilité du projet ;
- l'organisme de crédit a assoupli les garanties exigées du crédité entre l'accord
de principe et l'accord définitif ;
- une déclaration de son président d'après laquelle : « Il est évident que ... (l'or-
ganisme de crédit) n'aurait pas consenti l'ouverture de crédit sans les insistances parti-
culières du département des Affaires économiques ».

Remarquons qu'il est difficile d'inférer de ces circonstances que la situation du


crédité eût été désespérée, au moment de l'octroi du crédit, condition essentielle pour
que cet octroi revête un caractère fautif.
La faute de gestion du crédit consisterait par contre dans le fait de ne pas avoir
vérifié la réalité d'une augmentation de capital. L'organisme de crédit avait reçu l'acte
d'augmentation de capital qui mentionnait que « chacune des actions nouvelles était
libérée à concurrence de la totalité » et il avait reçu une confirmation de la réalité de

( 33) Comm. Brux., 3 mai 1976, J.T., 1977, p. 60; cette décision est frappée d'appel.
l'augmentation de capital par une lettre d'un fournisseur du crédité certifiant avoir reçu
des fonds importants dont le montant ne pouvait être atteint qu'avec les fonds provenant
de l'augmentation de capital.
En réalité, l'augmentation de capital n'a jamais eu lieu et la lettre du fournisseur
était un faux. Le Tribunal fait grief à l'organisme de crédit de ne pas avoir découvert
cette fraude : il considère qu'il aurait dû exiger la production d'un extrait de compte ou
d'une attestation certifiant le versement auprès d'une banque, examiner attentivement
les bilans et les rapports des commissaires au compte, exercer une surveillance étroite
et suivie sur le crédité.
Cette conception interventionniste du rôle du banquier nous paraît devoir être
rejetée (34).
Le danger d'une telie manœuvre frauduleuse semble actuellement être écarté
par le prescrit de l'article 29 bis des lois coordonnées sur les sociétés commerciales
qui impose, lors de la constitution de la société, que les fonds destinés à libérer l'apport
en numéraire soient préalablement déposés à un compte spécial ouvert au nom de la
société en formation auprès de l'un des organismes visés à l'article 1er de l'arrêté royal
n° 56 du 10 novembre 1967 et que l'attestation justifiant ce dépôt soit annexée à l'acte.
Certes, la loi ne contient pas de disposition similaire, en cas d'augmentation de capital.
Mais la doctrine unanime estime que la procédure du dépôt préalable est applicable à
l'augmentation de capital, suivant en cela l'opinion émise lors des travaux prépara-
toires (35).

B. DOMMAGE ET LIEN DE CAUSALITE


Il y a lieu, à ce niveau d'introduire une distinction entre les créanciers dont la
créance est née antérieurement à l'octroi du crédit et ceux dont la créance est née
postérieurement à l'octroi de crédit.

a) Créanciers antérieurs.

Par hypothèse, l'octroi du crédit n'a pas pu déterminer les fournisseurs à con-
tracter.
Le dommage encouru par les créanciers antérieurs à l'octroi du crédit ne peut
dès lors consister qu'en une diminution de leur gage général : grâce au crédit accordé,
l'entreprise a pu continuer une exploitation déficitaire qui a créé de nouvelles dettes
et diminué d'autant l'actif.
Le dommage subi par chaque créancier individuellement est égal à la différence
entre le dividende effectivement perçu par le créancier et celui qu'aurait produit la faillite
si la vie commerciale du débiteur n'avait pas été artificiellement prolongée grâce au cré-
dit bancaire (36).
C'est au niveau du lien de causalité que les difficultés les plus importantes nous
paraissent se situer.
Notre Cour de Cassation adhère, on le sait, à la théorie de l'équivalence des
conditions : " il y a relation de cause à effet entre la faute et le dommage, lorsque le
fait culpeux a, nonobstant l'interposition d'autres causes, nécessairement créé le dom-
mage, c'est-à-dire que, sans la faute, le dommage, tel qu'il se présente in concreto, ne
se serait pas réalisé » (37).
Le caractère de nécessité manque lorsqu'il peut être admis que, sans le fait incri-
minué, le dommage eût pu se produire également (38).

( 34) cf. supra Il, A, b.


( 35) Travaux préparatoires de la loi du 6 mars 1973, Pas in., 1973, 205 et 209; L. Si mont,
Rev. pr. soc., 1974, pp. 7 et 8, ainsi que les références citées à la note 24.
( 36) STOUFFLET, op. cil., n° 12 - Ce montant doit être considéré comme un maximum,
car en pratique, le banquier sera rarement jugé responsable de la totalité d,e l'augmentation du
passif, cf. J. VEZIAN, op. cil., n° 191; GAVALDA, note sous Aix en Provence, 2 juillet 1970, JCP,
1971, n° 16686.
(37) Cass., 11 juin 1956, Pas., 1, 1094 et 1096; R.O. DALCQ, Examen de jurisprudence sur
la responsabilité délictuelle et quasi-délictu,elle, RCJB, 1968, 343, n° 78.
( 38) La tendance des juridictions de fond est assurément de faire un choix parmi les condi-
tions de la réalisation du préjudice, et donc parmi les causes, ce choix étant le plus souvent dicté
par le caractère plus ou moins prévisible œs conséquences de la faute, ce qui implique une prise
en considération de la gravité de la faute pour préciser sa causalité avec le dommage. L'on se soumet
ainsi à la théorie de -la causalité adéquate et l'incertitude qui en résulte sur le plan judiciaire est
manifeste : cf. DALCQ, op. cil., RCJB, 1968, p. 344, n° 79.

Revue Générale des Assurances et des Responsabilités (1977). 97074


L'analyse des causes de l'aggravation de la situation du crédité permettra rare-
ment de dégager un lien de causalité nécessaire car le nombre de facteurs qui inter-
viennent sera souvent considérable : termes et délais accordés par l'ONSS, le fisc, les
fournisseurs ; qualité de la gestion du crédité ; intervention d'autres dispensateurs de
crédit ...
De plus, les créanciers antérieurs seront eux-mêmes souvent responsables, ne
fût-ce que partiellement de la prolongation de la vie commerciale du débiteur par les
délais qu'ils ont accordés, ou par la mollesse de leurs poursuites ou tout simplement
parce qu'ils ont trouvé profit à continuer à commercer avec lui (39).
En réalité, ou bien la situation n'est pas définitivement compromise au moment de
l'octroi du crédit et il n'y a pas de faute de la banque ou bien elle est définitivement
compromise et le crédit servira normalement à désintéresser les créanciers antérieurs,
sauf s'ils se montrent négligents quant à la récupération de leurs créances (40).

b) Créanciers postérieurs.

Dans cette hypothèse, le créancier soutient que c'est la prospérité apparente du


crédité qui l'a amené à contracter avec lui et invoque un préjudice égal à la différence
entre le montant de sa créance et le dividende qu'il touchera dans la faillite.
C'est à nouveau au stade du lien de causalité que surgissent les difficultés les
plus sérieuses. Le créancier devra d'abord établir que la situation du crédité était sans
issue au moment de l'octroi du crédit sinon il n'y aurait pas de faute.
Il devra ensuite établir que c'est l'intervention du donneur de crédit qui l'a amené
à contracter, ce qui sera souvent bien difficile.

Il convient en effet de remarquer que l'apparence de solvabilité est souvent créée


par un ensemble de facteurs parmi lesquels l'octroi de termes et délais par l'ONSS ou
par le fisc (41), les facilités de paiement accordées par certains fournisseurs, les crédits
accordés par d'autres banques.
Le lien de causalité sera parfois rompu par le fait que le fournisseur connaissait les
difficultés du crédité et qu'il ne pouvait pas se méprendre sur la situation réelle de
son contractant (42).
Il en va de même si le fournisseur a contracté imprudemment comme le rappelle
en termes excellents un jugement récent du Tribunal de Commerce de Bruxelles :
« Le comportement du banquier ne doit entrer en considération que comme un
élément parmi d'autres à la connaissance du fournisseur Il n'est pas permis à un com-
merçant vigilant et soucieux de ses intérêts de se conformer béatement à ce qu'il croit
pouvoir déduire du comportement du banquier ... » (43).
Rappelons à cet égard que les créanciers peuvent interroger l'ONSS sur le mon-
tant de la créance en cotisations existant à charge de leur débiteur (44).

111. L'ACTION EN RESPONSABILITE


L'initiative du débat judiciaire appartient-elle au curateur ou aux créanciers agis-
sant individuellement?
Dans son arrêt précité du 25 avril 1974, la Cour d'Appel de Gand a décidé que le
curateur n'était pas recevable à agir contre la banque :

(39) M. VASSEUR, Mise en jeu de la responsabilité du banquier, Banque, 1976, 374.


( 40) A notre connaissance, il n'existe pas à ce jour de décision accordant une réparation à
des créanciers antérieurs à l'octroi de crédit.
( 41) On sait que dans de nombreuses faillites, une grande partie de l'actif est absorbée par
la créance privilégiée de l'ONSS. Des parlementaires se sont émus de la facilité avec laquelle l'ONSS,
à l'abri de son privilège, accordait des t-ermes et délais à des entreprises se trouvant dans une
situation financière difficile. Deux propositions de loi récentes limitent dans le temps le caractère
priviliégié des cotisations qui sont dues à l'ONSS (Sénat, Session 1973-1974, Doc. 61 du 14 nov. 1973
et 76 du 23 nov. 1973).
( 42) Mons, 24 mars 1975, inédit; Comm. Brux., 12 mars 1973; Comm. Anvers, 7 janv.
1972 et Comm. Brux., 16 mai 1972, inédits.
( 43) Comm. Brux., 12 mars 1973, inédit.
( 44) Loi du 27 juin 1969, art. 12 : « L'Office National de Sécurité Sociale communique
dans le mois à tout tiers qui lui en adresse la demande par lettre recommandée et qui justifie d'un
intérêt légitime, le montant de sa créance ,en cotisations à charge d'un employeur nommément
désigné ».
« Ceux qui sont devenus créanciers par suite d'une solvabilité apparente, dont
l'existence factice est due à la faute de la banque, subissent un dommage qui leur est
personnel. Ce droit personnel à indemnisation ne tombe pas dans la masse, pas plus
que le dédommagement ni les profits que les créanciers peuvent obtenir en exerçant
cette action qui leur est personnelle.
» Le curateur n'a donc pas qualité pour demander à la banque la réparation du
dommage qui n'a pas été subi par la masse, mais bien personnellement, par les créan-
ciers ou par certains d'entre eux, et qui n'appartient donc pas à l'actif de la faillite ».
L'arrêt ajoute également :
- que le curateur n'est pas qualifié pour, au nom de la masse, demander répa-
ration du dommage qui n'a été subi que par quelques créanciers dans la masse, ou qui
a été subi par tous les créanciers de façon inégale ;
- que la banque elle-même est créancière dans la masse ;
- qu'il y a divers créanciers qui connaissaient la situation du crédité ou qui ont
favorisé ses agissements frauduleux et qui sont responsables du dommage qu'ils subis-
sent;
- que pour des créanciers comme l'ONSS ou le fisc, le lien causal fait défaut.
Cette solution est conforme à l'enseignement de la doctrine {45), mais elle limite
singulièrement la mise en œuvre de la responsabilité des banques, car le plus souvent
les petits créanciers n'agissent pas individuellement, soit faute d'information, soit faute
de moyens {46).
Elle nous parait cependant certaine et ne pourrait être discutée que de lege
ferenda.
L'expérience française amène cependant à douter de l'intérêt d'une semblable
modification.
En France, la majorité de la jurisprudence décidait que le syndic n'est pas rece-
vable à agir, jusqu'à un arrêt de cassation du 7 janvier 1976 (47).
Elle estimait que l'action du curateur n'est recevable que si le dommage a bien
été causé à l'universalité des créanciers, ce qui est tout à fait exceptionnel, car parmi
les créanciers, figurent toujours ou presque toujours les banques elles-mêmes.
La doctrine française a toutefois critiqué ce raisonnement qui a pour résultat
d'enlever au curateur la possibilité d'agir au nom des créanciers, lorsque certains d'entre
eux ont eu une attitude fautive {48).
L'arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de Cassation du 7 janvier 1976
marque un revirement spectaculaire de jurisprudence : « le syndic trouve, dans les
pouvoirs qui lui ont été conférés par la loi, qualité pour exercer une action en paiement
de dommages et intérêts contre toute personne, fut-elle créancière dans la masse, cou-
pable d'avoir contribué, par des agissements fautifs, à la diminution de l'actif ou à
l'aggravation du passif (49).
La loi à laquelle l'arrêt renvoie serait la loi du 13 juillet 1967, et, en particulier,
l'article 13 qui énonce que la masse est « représentée par le syndic qui seul agit en
son nom » {50).

(45) FREDERICQ, op. cit., T. VII, n° 184; RPDB, v° Faillite et Concordat, no 1576; VAN RYN
et HEENEN, Principes de droit commercial, T. IV, n° 2686; mais voyez contra : Comm. Brux.,
29 oct. 1976, J.T., 1977, p. 58 ( frappé d'appel).
(46) Cf. sur ce point A. ZENNER, Responsabilités du donneur de crédit, Rev. Banque, 1974,
707 qui souligne que cette solution est d'autant plus choquante qu'elle favorise la mauvaise foi ou
l'indélicatesse.
(47) Nîmes, 13 novembre 1963, Rev. trim. dr. comm., 1964, 167; Aix en Provence, 2 juillet
1970, JCP, 1971, J. 16686, et la note de GAVALDA; Cass. fr., 2 mai 1972, D., 618; VEZIAN, op.
cit., p. 173 et les références citées à la note 75.
Cass. fr., 7 janvier 1976, Bull. des Arrêts de la Cour de Cassation, IV, chambres comm. et
fin. n° 6, B.N.P. c/ Martin et autres.
(48) Notamment : GAVALDA sous Aix en Provence, 2 juillet 1970; PIRAVANO, sous Cass.
fr., 2 mai 1972, précités; CABRILLAC et RIVES LANGE, Rev. trim. dr. corn., 1971, 411.
(49) Ainsi que le relève M. VASSEUR dans la note qu'il a publiée dans la revue Banque,
1976, 367 : « N'était-ce la référence à la loi, invoquée sans précision, tout comme le serait Dieu
le Père, l'arrêt ferait figure d'arrêt de règlement.
(50) M. VASSEUR, note citée, 371.

Revue Générale des Assurances et des Responsabilités ( 1977). 97075


L'arrêt ne fait cependant aucune allusion à l'existence d'un préjudice subi par la
masse qui serait distinct de celui subi par les créanciers ou certains d'entre eux indivi-
duellement. Or, ce serait l'intérêt de la masse qui seul pourrait justifier l'action du
syndic.
Si la justification en droit de cette jurisprudence reste peu claire, les conséquences
pratiques ne le sont pas davantage (51).
En effet, si les sommes récupérées à charge de la banque, reviennent au syndic,
cela implique :
- qu'elles doivent d'abord être utilisées pour payer les créances de la masse ;
- que le banquier pourra émarger à la répartition des sommes qu'il a versées,
ce qui revient à dire qu'il peut se demander à lui-même réparation du préjudice résultant
de ses propres fautes ;
- que les créanciers antérieurs et postérieurs seront traités de la même façon
alors que leur préjudice n'est pas le même.
On peut ainsi se demander si cette nouvelle jurisprudence améliorera finalement le
sort des créanciers qui ont été victimes des agissements fautifs de la banque.

IV. CONCLUSIONS
Les décisions que nous avons pu passer en revue nous amènent à quelques
remarques finales.
Il convient tout d'abord, d'être attentif à la finalité de cette orientation jurispruden-
tielle : ce qu'il y a lieu de sanctionner, c'est le fait pour le banquier de se rendre com-
plice de certaines imprudences graves dans la distribution des crédits ; ce n'est pas
la prise de risques calculés, fussent-ils importants. Il ne faudrait pas que ce qui doit
être un instrument de dissuasion contre les pratiques financières abusives soient
détourné de sa finalité et utilisé par des créanciers de mauvaise foi.
Ensuite, au niveau de l'appréciation de la faute, il ne faut pas perdre de vue que
le banquier n'est pas omniscient et n'a pas une sorte de don de double vue qui lui per-
mettrait de déceler des réalités invisibles du commun des mortels et mêmes des autres
agents économiques (52).
Une autre idée fausse qui semble être, à l'arrière-plan de certains excès jurispru-
dentiels, c'est que le crédit accordé par le banquier emporterait garantie au profit des
tiers. C'est évidemment inexact : le banquier accorde uniquement un crédit, et, pas plus
que l'Etat lorsqu'il accorde des subsides ou que les fournisseurs ou l'ONSS qui accor-
dent des délais de paiement, il ne garantit la prospérité future du crédité et ce, pour
la bonne et simple raison, que le crédité reste maître de son entreprise et d'utiliser les
fonds, comme il l'entend.
Enfin, il faut prendre conscience du fait qu'une jurisprudence excessive amènerait
les banques à refuser à un client les crédits nécessaires pour franchir un cap difficile
ou à souscrire des assurances dont le coût alourdirait le prix des financements, ce qui
nuirait en définitive à ceux que l'on voudrait protéger.
M. De Page écrit, au début de son analyse de la responsabilité civile : « l'inter-
prète qui, à notre époque, pénètre dans le domaine de la responsabilité civile ne peut se
défendre, dès ses premières investigations, de se rappeler le vers célèbre que Dante
place sur la porte de l'enfer : Lasciate ogni speranza voi che entrate » (53). Ce n'est
certes pas l'application des principes de la responsabilité civile au domaine de l'octroi
de crédit qui pourra rendre à l'interprète cette espérance.

( 51) M. VASSEUR, note citée, 373.


(52) A cet égard, on ne peut manquer d'être surpris par le caractère elliptique de certains
attendus de décisions françaises qui, se fondant sur une sorte de présomption de connaisance qui
existerait dans le chef du banquier, se bornent à constater que celui-ci « n'a pas pu ne pas
savoir ... ».
( 53) DE PAGE, op. cit., tome 11, n° 901.
Art. 1384 du Code civil.
Notion de garde.
F. 27.

Artikel 1384 B.W. Article 1384 du Code civil.


Uitlener bewaarder van het goed. Prêteur gardien de la chose.

De ultlener blijft de bewaarder van het Le prêteur reste le gardien de la chose


goed indien hlj erover een kontrolemacht s'il a conservé sur elle un pouvoir de
en het ultsluitend recht tot onderhoud en contrôle et le droit exclusif de l'entre-
herstelling behield. Het genot over de tenir ou de la réparer. La jouissance de
uitgeleende zaak, die de lener benutte, la chose prêtée, dont l'emprunteur a pro-
mag niet verward worden met de bewa- fité, ne doit pas être confondue avec la
rlng ln rechte van deze zaak. garde juridique de cette chose.

COUR D'APPEL DE LIEGE. - 22 JUIN 1976.


(2• Ch. - Siég. : MM. Malaise, Darimont et Liban. - En cause : S.A. L'Assurance Lié-
geoise c/ S.P.R.L. G. Van Biervliet en zonen. - Pl. : MM•• Bronckart et Hénusse).

Attendu que l'action mue par l'appelante tend à obtenir de l'intimée le rembourse-
ment d'une somme de 40.050 francs versée par elle, à la décharge de son assurée, la
société belge de !'Azote de Marly à la société anonyme Cockerill-Ougrée-Providence en
réparation des dommages subis par cette dernière au cours d'un accident survenu dans
ses installations, le 16 janvier 1968, vers 15 heures 30;

Attendu que les premiers juges ont parfaitement résumé les éléments de fait du
litige et que la Cour ne peut que s'en remettre à leur exposé ;

Qu'il suffit de rappeler ici qu'au cours d'une opération de déchargement de gaz
ammoniac anhydre fourni par la société belge de !'Azote de Marly au département
Tolmatil de la s.a. Cockerill-Ougrée-Providence et transporté par les soins de l'intimée,
le tuyau flexible reliant le camion-citerne au réservoir et prêté - voire imposé - à l'in-
timée par ladite société belge de l'Azote, se déchira sur une longueur initiale de 2 à
3 centimètres et laissa échapper le gaz toxique, qui provoqua notamment brûlures et
intoxications à des membres du personnel de Tolmatil (voir rapports de l'ingénieur Wil-
met et du chef-garde Hairs) ;

Attendu que l'appelante fonde sa demande sur les articles 1384 alinéa 1er et 1382
du Code civil ;

Attendu que les parties admettent que la rupture du flexible manifeste que celui-ci
était affecté d'un vice et que ce vice est à l'origine du dommage dont réparation a été
obtenue;

Mais attendu que l'appelante soutient que l'intimée avait la garde de la chose
vicieuse et que, partant, elle doit lui rembourser le montant de ses décaissements ;

Attendu que le jugement entrepris a judicieusement écarté cette prétention en


soulignant que la mise à la disposition du transporteur, par la firme venderesse de gaz,
d'un tuyau flexible pour lui permettre le déchargement du produit vendu, n'a pu, dans les
circonstances, instituer l'intimée gardienne juridique du flexible litigieux ;

Attendu, en effet, que le prêteur reste le gardien de la chose s'il a conservé sur
elle un pouvoir de contrôle et le droit exclusif de l'entretenir ou de la réparer ; que la
jouissance dudit flexible, dont l'intimée a profité, ne doit pas être confondue avec la
garde juridique de celui-ci ;

Attendu qu'en l'occurrence, le camionneur de la firme de transports pouvait seule-


ment utiliser le tuyau appartenant à la société venderesse pour les opérations de rem-
plissage des cuves de Tolmatil mais qu'il n'avait pas le pouvoir d'en vérifier la confor-
mité avec son usage, ni l'absence de tout vice ;

Attendu, au demeurant, que la société prêteuse, qui était parfaitement au courant


de la toxicité du produit livré par elle, se devait de contrôler sérieusement le matériel
qu'elle mettait à la disposition du transporteur car elle engageait sa responsabilité en

Revue Générale des Assurances et des Responsabilités (1977 ). 9708


prêtant ou en imposant un tuyau inapte à servir à i'usage auquel il était destiné puisqu'il
laissait fuir le gaz en se fissurant ;
Attendu que la demande n'est donc pas fondée sur la base de l'article 1384
alinéa 1er du Code civil ;
Attendu qu'elle ne l'est pas non plus sur celle de l'article 1382 du même Code,
ainsi qu'en ont décidé les juges consulaires, par une judicieuse motivation que la Cour
fait sienne ;
Que d'ailleurs, en termes de plaidoirie, l'appelante admet le bien-fondé de l'argu-
mentation qui a rejeté le moyen présenté par elle, en ordre subsidiaire, et basé sur la
faute du préposé de l'intimée et le caractère inadéquat de l'équipement de celle-ci :

Par ces motifs, la Cour,


Séant en audience publique et statuant contradictoirement,
Vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judi-
ciaire, dont le respect a été assuré ;
Reçoit l'appel;
Le dit non fondé ; ...
Responsabilité professionnelle.
Divers.
F. 69.

Verhuizingsonderneming. Entreprise de déménagement.


Voorwerp van het kontrakt Objet du contrat -
Huisraad toevertrouwd mobilier confié à la garde
aan de bewaring van de verhuizer - du déménageur - dégâts
Schade door derden. causés par des tiers.

Het verhulzlngskontrakt ls een cc sui ge- Le contrat de déménagement doit être


neris » kontr,akt dat deel uitmaakt van het considéré comme cc sui generis » et par-
vervoerkontrakt en de huur van werk. ticipe du contrat de transport et du
Het voorwerp van een dergelijk kontrakt louage d'ouvrage. L'objet principal de pa-
is niet hoofdzakelijk het verplaatsen van reil contrat n'est pas le déplacement de
meubels, het felt van deze te vervoeren, meubles, le fait de les véhiculer, mais
maar wel de wegnemlng, de inpakking, leur enlèvement, leur emballage, leur dé-
de ulteenname, het opnieuw in elkaar en montage, leur remontage et leur mise en
ter plaatse zetten in hun nieuwe bestem- place dans leurs nouveaux logls.
mingsplaats. De verhulzer moet lnstaan Le déménageur doit assurer la surveil-
voor de bewaring van het meubilair dat lance du mobilier qui lui est confié et le
hem ls toevertrouwd en het beveiligen mettre à l'abri de tous dégâts ou
tegen elke schade of vervreemding van- soustraction de la part de tiers.
wege derden.

COUR D'APPEL DE BRUXELLES. - 5 JANVIER 1976.


(1• Ch. - Siég. : M. Liard, président; MM. Jans et Mahillon, conseillers. - En cause
Haschke c/ Cassimons. - Pl. : MM•• Verheyden et de Pluto Prodzinski).

Vu la copie conforme du jugement rendu le 19 avril 1974 par le tribunal de pre-


mière instance de Bruxelles, dont il n'est pas produit de signification et duquel appel,
régulier en la forme, a été relevé dans le délai légal le 5 juin 1974;

Attendu que l'action tend au paiement de 74.040 F en principal, en réparation des


dommages subis par l'appelante à l'occasion du déménagement de son mobilier, qui se
trouvait dans l'appartement qu'elle ocupait au deuxième étage de l'immeuble 113, rue
Charles Degroux, à Etterbeek, et devait être transporté à sa nouvelle adresse, 48, avenue
Adolphe Lacomblé, à Schaerbeek, déménagement auquel elle a fait procéder par l'in-
timé le 25 janvier 1973;

Attendu qu'aux termes des conclusions de l'appelante (p. 2, deux derniers alinéas).
celle-ci fonde expressément son action sur la faute contractuelle qu'aurait commise l'in-
timé;
Attendu qu'il est constant que :
- différents meubles de l'appelante encore dans ledit appartement ou déjà dépo-
sés dans la cage d'escalier ont subi des dégâts causés volontairement par une tierce
personne entre 12 et 13 heures,
- à ce moment, l'appelante avait quitté les lieux pour aller attendre les déména-
geurs dans son nouvel appartement ; ceux-ci, de leur côté, observaient la pause de midi
dans le camion de l'intimé,
- la personne soupçonnée, poursuivie du chef d'infraction à l'article 559, 1°, du
Code pénal, fut acquittée au bénéfice du doute par jugement rendu le 17 octobre 1973
par le tribunal correctionnel de Bruxelles, siégeant en degré d'appel ;
Attendu que le contrat de déménagement doit être considéré comme « sui gene-
ris » et participe du contrat de transport et du louage d'ouvrage ;
Attendu qu'en principe l'objet principal de pareil contrat n'est pas le déplacement
de meubles, le fait de les véhiculer, mais leur enlèvement, leur emballage, leur démon-
tage, leur remontage et leur mise en place dans le nouveau logis (Stevens et Henning,
« Le contrat de transport », n° 81) ;

Attendu qu'après le départ de sa propriétaire, exigé en l'espèce par les circon-


stances, le mobilier litigieux se trouvait sous la garde de l'intimé ;

Revue Générale des Assurances et des Responsabilités (1977 ). 9709


Qu'il apaprtenait dès lors à ce dernier d'en assurer la surveillance de manière à
le mettre à l'abri de tout dégât ou soustraction de la part de tiers ;
Attendu que l'intimé soutient, mais ne prouve pas ni n'offre de prouver que le
déménageur serait dispensé de cette obligation pendant la pause de midi ;
Attendu qu'il importe peu, en l'espèce, que l'appelante n'ait pas laissé la clé
de l'appartement aux préposés de l'intimé, dès lors que l'acheminement du mobilier vers
le camion était déjà en cours ;
Attendu qu'il n'importe pas davantage que l'appelante, tant sur la feuille de route
du 26 janvier 1973 que dans sa lettre du 28 janvier ait exprimé sa satisfaction à l'intimé;
qu'il ne résulte de rien qu'elle aurait renoncé par là à articuler contre ce dernier des
griefs ne concernant pas la manière dont le déménagement proprement dit à été réalisé ;
Attendu que les faits de vandalisme constatés n'auraient pu se produire si l'intimé
ou ses préposés s'étaient montrés normalement vigilants ;
Attendu que l'appelante impute à bon droit à l'intimé la responsabilité des dom-
mages subis ;
Attendu que le montant réclamé par l'appelante correspond à l'estimation faite à sa
demande par l'expert André Badoon, lequel est attaché à un bureau d'étude d'architecture
et de décoration ;
Que l'intimé fut invité à assister à l'évaluation des dégâts le 20 février 1973 par
lettre recommandée du 12 du même mois, présentée en son absence et qu'il s'abstint
de retirer à la poste ;
Attendu que le rapport ainsi dressé unilatéralement ne peut être retenu qu'à titre
d'indication ;
Attendu que sauf pour le remplacement de cinq feuilles de porte (poste 2, d'un
montant de 14.940 F, T.V.A. incluse), les estimations de l'expert ont un caractère approxi-
matif, spécialement celle du remplacement du meuble de rangement bar-bibliothèque
(poste 1 : « environ 50.000 F »), pour lequel du reste aucune valeur de revente ou de
récupération n'est prévue ;
Attendu qu'il ne saurait être fait abstraction, d'autre part, du fait que l'appelante
elle-même avait attribué, lors de la commande faite à l'intimé, une valeur de 200.000 F
seulement à l'ensemble de son mobilier, d'une certaine importance puisque les opérations
de déménagement s'étendirent sur plus d'une journée ;
Attendu que dans les circonstances de la cause, en l'absence de critères précis,
il y a lieu de fixer ex aequo et bono à 50.000 F la somme à allouer à l'appelante ;
Par ces motifs, la Cour,
Vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935,
Sans avoir égard aux documents reçus après la clôture des débats,
Reçoit l'appel ;
Met à néant le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a reçu la demande ;
Réformant,
Dit la demande en partie fondée ;
Condamne l'intimé à payer à l'appelante 50.000 F, montant à augmenter des inté-
rêts compensatoires à partir du 25 janvier 1973 jusqu'à la date du prononcé du présent
arrêt et ensuite les intérêts judiciaires ;
Déboute l'appelante du surplus de sa demande ;
Condamne l'intimé aux 3/4 et l'appelante à 1/4 des dépens des deux instances.
Circulation routière.
Règlement général.
F. 133.

Wegverkeer. Circulation routière.


Links afslaan - toepassing Virage à gauche -
van de art. 16 en 25 A.V.R. application des articles 16 et 25.

De weggebrulker die links afslaat voert L'usager qui vire à gauche n'effectue
geen maneuver uit doch een rijbeweging pas une manœuvre, mais un mouvement,
voorzien door het art. 25 A.V.R. t.o.v. de régi par l'art. 25 du Code de la route à
weggebruikers die hem volgen of uit de l'égard des usagers qui le suivent ou qui
tegengestelde rijrichting komen op de- viennent en sens inverse sur la même
zelfde openbare weg en door het art. 16 voie publique, et par l'art. 16 du même
A.V.R. t.o.v. de weggebruikers die deze Code pour les usagers abordant celle-cl.
weg oprljden.

COUR DE CASSATION. - 15 MARS 1976.


(2• Ch. - Siég. : Baron Richard, président ; MM. Legros, Screvens, Baron Vinçotte,
Madame Raymond ; M. Velu, Av. gén. - En cause : Benoît c/ Leblanc).

B. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action civile
exercée par le défendeur contre le demandeur ;
Sur le moyen, pris de la violation de l'article 16.1 du Code de la route, en ce que
le jugement attaqué met la responsabilité entière de l'accident litigieux à charge du
demandeur au motif que le défendeur bénéficiait de la priorité de droite, alors que, d'une
part, effectuant lui-même une manœuvre, le défendeur ne pouvait pas entraver la circu-
lation normale ou la poursuite de la manœuvre opérée par le demandeur, et que, d'autre
part, le défendeur ne venait à la droite du demandeur qu'en raison même de sa propre
manœuvre, d'où il suit que le défendeur ne venait pas régulièrement à la droite du
demandeur :
Attendu qu'il ressort du contexte des motifs du jugement rapprochés de ceux qu'il
s'approprie du premier juge, que par suite d'une erreur matérielle évidente, le tribunal
correctionnel a énoncé que Leblanc a effectué une manœuvre de recul alors que le tri-
bunal voulait désigner Benoît ;
Attendu que le défendeur, qui voulait tourner à gauche pour quitter la chaussée,
n'effectuait pas une manœuvre mais un mouvement, régi par l'article 25 du Code de la
route, à l'égard des usagers qui le suivaient ou qui venaient en sens inverse sur la même
voie publique et par l'article 16 du même code à l'égard des usagers qui abordaient
celle-ci ; qu'il n'était pas tenu de l'obligation générale de céder le passage énoncé dans
l'article 17 dudit code ; que le jugement a pu légalement décider que le défendeur béné-
ficiait, à l'égard du demandeur, de la priorité de droite ;
Attendu que, dès lors, le jugement qui, au pénal, condamne le demandeur, notam-
ment du chef d'infractions aux articles 16.1 et 17 de ce code, et acquitte le défendeur,
décide !également que le demandeur est seul responsable des conséquences domma-
geables de l'accident, en raison, d'une part, de son refus de priorité à l'égard du deman-
deur qui venait à sa droite, et, d'autre part, de la manœuvre effectuée par lui ;
Que le moyen ne peut être accueilli ;

Par ces motifs, ...


Casse le jugement attaqué en tant qu'il statue sur les frais de première instance ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ; ...

Revue Générale des Assurances et des Responsabilités ( I977 ).


---
9710
Circulation routière.
Règlement égnéral
F. 135.

Wegverkeer. Circulation routière.


Onvoorzienbare hindernis : art. 27. Obstacle imprévisible : art. 27.

De reakties van een bestuurder die ver- Les réactions d'un conducteur surpris
rast wordt door een niet te voorziene par un obstacle imprévisible ne sont pas
hindemls, worden niet door het art. 27 régies par l'art. 27 du Code de la route.
A.V.R. beheerst.

COUR DE CASSATION. - 15 MARS 1976.


(2e Ch. - Siég. : MM. Baron Richard, président ; Legros, Screvens, Baron Vinçotte et
Madame Raymond, conseillers ; M. Velu, Av. gén. - En cause : Bodson et Rigo c/
Mathieu et crts. - Pl. : MMes De Bruyn et Lucien Simont).

F. Sur le moyen subsidiaire, pris de la violation des articles 1382, 1383, 1384 du
Code civil, 27-1 de l'arrêté royal du 14 mars 1968 portant règlement général sur la police
de la circulation routière, et 97 de la Constitution,
en ce que, pour mettre à charge du demandeur l'entière responsabilité de l'acci-
dent, le jugement attaqué écarte le moyen fondé sur ce qu'il n'y aurait pas eu d'accident
si les usagers de l'autoroute, ayant dû se rendre compte de la présence de l'écran de
fumée opaque à une distance leur permettant l'arrêt avant de l'aborder, avaient respecté
leur obligation de régler leur vitesse dans la mesure requise par le champ de visibilité et
n'avaient pas commis l'imprudence de s'engager à l'aveuglette. dans le nuage de fumée,
ainsi que le moyen fondé sur ce qu'en tout cas il y avait lieu d'apprécier différemment
les responsabilités de chacun des usagers de l'autoroute en fonction de la vitesse impri-
mée aux véhicules, du maintien de cette vitesse, du gabarit des véhicules, de leur posi-
tion sur la chaussée, aux motifs que le nuage de fumée, visible à un kilomètre de
distance, s'est rabattu soudainement sur l'autoroute, qu'il s'est approché, de sorte que
les conducteurs se sont trouvés dans le mur de fumée plus vite qu'ils ne le pensaient,
qu'aucune trace de freinage brutal n'apparaît derrière les véhicules des premiers acci-
dents, soit ceux de Mathieu, Colon, ldasiak et Philips ; qu'au contraire, les véhicules se
trouvant derrière, soit ceux de Piepers, Schneider, Still, Léonard et Marck, ont laissé
l'empreinte de freinages brutaux et de crise, que cette situation, dans laquelle se sont
trouvés les conducteurs, était imprévisible, que, sur autoroute, où la vitesse minimale
imposée est de 70 km/h, un freinage énergique n'est pas nécessairement la solution la
plus prudente, car s'il faut éviter de heurter les véhicules qui précèdent, il faut égale-
ment assurer sa sécurité en tenant compte des véhicules qui peuvent suivre, qu'on ne
peut imputer à faute le comportement des conducteurs qui adoptent une vitesse quel-
conque, la vitesse idéale n'étant pas imaginable, qu'il faudrait pouvoir tenir compte de
l'arrêt ou des allures et de ceux qui précèdent et de ceux qui peuvent suivre,
alors que, l'article 27 de l'arrêté royal du 14 mars 1968 portant règlement général
sur la police de la circulation routière impose aux conducteurs de régler leur vitesse
dans la mesure requise par la disposition des lieux, leur encombrement, le champ de
visibilité, l'état de la route et du véhicule, pour qu'elle ne puisse être ni une cause
d'accident ni une gêne pour la circulation et pour pouvoir en toute circonstance s'arrêter
devant un obstacle prévisible, que cette disposition fait obligation à chaque conducteur
de rechercher la vitesse idéale en fonction des critères qu'elle énonce, que la circon-
stance qu'une vitesse minimale soit imposée sur autoroute ne sublève pas les usagers de
l'autoroute de cette obligation, qu'il y a donc lieu d'imputer à faute le comportement
d'un conducteur qui adopte une vitesse quelconque, sans que la circonstance qu'il soit
dans l'impossibilité de tenir compte d'une éventuelle violation par les autres conducteurs
de l'obligation édictée par l'article 27 précité puisse être considérée comme élisive de
cette faute ; que, dès lors, le jugement ne pouvait légalement déduire de la combinaison,
d'une part de la soudaineté avec laquelle le nuage s'était rabattu sur l'autoroute, et,
d'autre part, du caractère non fautif de l'adoption d'une vitesse quelconque à l'approche
dudit nuage que la situation dans laquelle se sont trouvés les conducteurs était impré-
visible et résulte du seul fait du premier demandeur (violation des articles 1382, 1383,

Revue Générale des Assurances et des Responsabilités ( 1977 ). 9711


1384 du Code civil et 27-1 de l'arrêté royal du 14 mars 1968) ; que le jugement ne pou-
vait, ayant relevé des comportements différents - absence de freinage brutal ou au
contraire freinage de crise -, écarter l'analyse cas par cas de la responsabilité de
chacun des conducteurs, développée par les demandeurs dans leurs conclusions addi-
tionnelles d'appel, pour le seul motif général ,relevé au moyen, que sur autoroute, la
vitesse minimale imposée était de 70 km/h, un freinage énergique n'est pas nécessaire-
ment la solution la plus prudente (violation de l'ensemble des dispositions visées au
moyen) :
Attendu que, pour déclarer le demandeur seul responsable des conséquences dom-
mageables de l'accident litigieux, le jugement, d'une part, énonce qu'à la suite de feux
allumés par le demandeur, « le nuage de fumée s'est rabattu soudainement et de plus en
plus opaque et dense, vers le bas, sur l'autoroute ... ; que cela s'est produit en quelques
secondes ; que cette situation, dans laquelle se sont trouvés les conducteurs, était impré-
visible et résulte du seul fait de Bodson », et d'autre part, considère « que, sur auto-
route, où la vitesse minimale imposée est de 70 kilomètres/heure, un freinage énergique
n'est pas nécessairement la solution la plus prudente ; car s'il faut éviter de heurter les
véhicules qui précèdent, il faut également assurer sa sécurité en tenant compte des
véhicules qui peuvent suivre ; qu'on ne peut imputer à faute le comportement des con-
ducteurs qui adoptent une vitesse quelconque, la vitesse idéale n'étant pas imaginable ;
qu'il faudrait pouvoir tenir compte de l'arrêt ou des allures, et de ceux qui précèdent et
de ceux qui peuvent suivre » ;
Qu'il ressort des constatations du jugement que si la fumée a été visible le long
de l'autoroute avant de se rabattre soudainement sur celle-ci en nuage poaque et dense,
en revanche, la situation ainsi créée sur l'autoroute fut imprévisible pour les usagers ;
Que les considérations du jugement concernant la vitesse et le freinage sur auto-
route ne sont destinées qu'à justifier l'absence de fautes des conducteurs déjà surpris
par un événement « imprévisible » survenu « en quelques secondes », et non à apprécier
leur comportement antérieur ;
Que le moyen ne se fonde d'ailleurs sur la disposition de l'article 27 du Code de
la route que pour l'hypothèse, contredite par les constatations du jugement, du carac-
tère prévisible de l'écran de fumée ;
Qu'ainsi les juges d'appel ont considéré que les conducteurs se sont trouvés
devant une situation imprévisible et qu'ils ont réagi chacun d'une manière qui ne saurait
leur être reprochée ;
Que le moyen ne peut être accueilli ;
Par ces motifs,
Décrète le désistement des pourvois en tant que ceux-ci sont dirigés contre les
dispositions rendues sur l'action civile de Marie-Ange Gaspard, épouse Colon, et sur les
actions civiles de Hubert Lëhr et de son épouse Katharina Still, agissant chacun à titre
personnel;
Rejette les pourvois pour le surplus,
Condamne les demandeurs aux frais.
Circulation routière.
Règlement générai.
F. 138.

Wegverkeer. Circulation routière :


Verplichtingen van de voetgangers Obligations des piétons : art. 48
art. 48 - snelheid : art. 27. vitesse : art. 27.

Indien een voetganger door blezondere Si, en raison de circonstances partlcu-


omstandlgheden moeill)k de afstand en llères, un piéton peut difficilement appré-
de snelheid van een aankomend voertuig cier la distance à laquelle circule un
kan schatten, dan moet hij wachten tot véhicule et sa vitesse, il doit attendre,
het voertuig voorbi)gereden is vooraleer pour entreprendre la traversée de la
de riJweg te dwarsen, of zich begeven chaussée, que le véhicule soit passé, ou
tot de naastbljgelegen oversteekplaats. se rendre jusqu'au passage protégé tout
Op een rlJksweg zonder snelheidsbeper- proche.
klng ls een snelheid van 70 km/h. op Sur une route nationale où la vitesse
zlchzelf niet overdreven, ook met een n'est pas limitée, une vitesse de 70 km/h
nat wegdek en een lintbebouwlng. n'est pas excessive en soi, même lorsque
De plotse opkomst van een voetganger le revêtement du sol est moulllé et que
links van de rljweg is niet noodzakelijk la chaussée est bordée de maisons.
te voorzlen. La survenance, à gauche, d'un piéton,
n'est pas nécessairement prévisible.

COUR MILITAIRE. - 25 NOVEMBRE 1975.


(Prés. M. Simon ; M. de Ripainsel, Av. gén. - En cause : Hostyn c/ M.P. et c/ Broucke
et consorts. - Pl. : MMe• De Bluts et Decramer}.

• Attendu que les appels, réguliers en la forme, ont été interjetés dans le délai légal ;
Attendu qu'il résulte des éléments de la cause et notamment du procès-verbal
Initial n° 884 de la brigade de gendarmerie de Werwik :
1) que l'accident s'est produit à Werwik, rue de Comines, partie de la route natio-
nale n° 304 de Geluwe vers Poperinge ;
2) qu'à cet endroit, il n'existe pas de limitation de vitesse particulière, notamment
de limitation indiquée par un signal 27A, contrairement à ce que soutient la partie civile;
3) que l'éclairage public est suffisant, mais que cet éclairage est placé à droite
de la chaussée, compte tenu de la direction suivie par le véhicule du prévenu ;
4) que le stationnement des voitures y est alternatif et que le jour des faits des
voitures stationnaient à gauche de la rue vu de la direction suivie par le véhicule du
prévenu, ainsi qu' il a été constaté par les verbalisants à leur arrivée sur les lieux ;
5) que la victime a traversé la chaussée de la gauche vers la droite en dehors de
tout passage pour piétons, alors qu'un passage pour piétons est situé à une cinquan-
taine de mètres et protégé par des signaux lumineux de circulation ;
6) que la victime était vêtue de vêtements sombres, que la route en tarmac était
mouillée par suite de pluies tombées avant l'accident ;
7) que le prévenu circulait avec ses feux de croisement, que la route est en ligne
droite et que la visibilité n'y est limitée par rien ;
Atendu que le premier juge a dès lors à bon droit considéré que la victime avait
commis une faute grave en méconnaissant les dispositions de l'article 48, 5° du règle-
ment général sur la police de la circulation routière en s'engageant sur la chaussée et
en la traversant sans s'être assurée qu'elle pouvait le faire sans danger et sans gêner
la circulation ;
qu'en effet, le véhicule du prévenu circulant avec ses feux de croisement, devait
être visible pour la victime avant qu'elle n'entreprenne de traverser la chaussée ;
qu'il incombait, dès lors, à la victime d'apprécier la distance à laquelle se trouvait
le véhicule et sa vitesse et de ne s'engager sur la chaussée que si elle était sûre de
pouvoir le faire sans danger ;

Revue Générale des Assurances et des Responsabilités ( 1977 ). 9 712 1


que si tes circonstances rendaient difficile une exacte appréciation, il lui incombait
de laisser passer le véhicule avant d'entreprendre la traversée de la chaussée ou de
se rendre jusqu'au passage protégé situé à une cinquantaine de mètres ;
que la circonstance que le véhicule du prévenu se serait trouvé au-delà du carre-
four « Floride » au moment où la victime se serait engagée sur la chaussée ne modifie
en rien ces obligations du piéton et qu'il ne résulte d'absolument aucun élément du
dossier que les feux situés à ce carrefour auraient été rouges pour le prévenu au moment
où la victime entama cette traversée ;

Attendu que, par contre, aucun défaut de prévoyance ou de précaution en relation


causale avec l'accident n'est établi à charge du prévenu ;
Attendu qu'il ne résulte en effet pas des éléments de la cause que le prévenu
n'aurait pas réglé sa vitesse conformément aux prescriptions de l'article 27.1 du règlement
général sur la police de la circulation routière ;
que du procès-verbal dressé par les verbalisants, il résulte en effet que l'accident
s'est produit sur une route nationale en ligne droite, sans limitation de vitesse, suffisam-
ment éclairée, pourvue de trottoirs pour les piétons, de passages pour piétons protégés
par des signaux lumineux, qu'il n'y avait ni vent ni pluie, que la visibilité n'était gênée
ni par les circonstances atmosphériques, ni par la disposition des lieux à l'endroit de
l'accident ;
que ni le fait que le sol était mouillé par des pluies tombées antérieurement, ni le
fait que la route nationale n° 304 est bordée à cet endroit de maisons d'habitation ne
suffisent à établir qu'en roulant à une vitesse d'environ 70 km/h, le prévenu n'a pas réglé
sa vitesse dans la mesure requise par les circonstances ;
Attendu qu'il n'est pas davantage établi que le prévenu n'a pu s'arrêter devant
un obstacle prévisible ;
Attendu que le piéton qui traverse la chaussée en dehors de tout passage pour
piétons n'est pas nécessairement un obstacle prévisible, même si cette traversée est.
effectuée dans une agglomération, c'est-à-dire aux termes de l'article 2, 5°, un ensemble
d'habitations disposées le long de la voie publique de telle manière que celle-ci prenne
l'aspect d'une rue ;
que c'est, dès lors, à tort que la partie civile soutient que le prévenu aurait dû
prévoir la traversée de la chaussée par des piétons ;
que le prévenu devait d'autant moins prévoir cette traversée de la chaussée par la
victime qu'à courte distance existe un passage protégé pour piétons que ceux-ci sont
tenus d'emprunter conformément aux prescriptions de l'article 48, 3, 1° du règlement
général sur la police de la circulation routière ;
Attendu qu'il résulte des éléments de la cause que la victime circulait sur le trottoir
gauche le long duquel se trouvaient des voitures en stationnement et qui était moins
bien éclairé que le centre et le côté droit de la chaussée en raison du fait que l'éclairage
public est placé à droite de celle-ci ;
qu'elle portait des vêtement sombres et a traversé entre des voitures en stationne-
ment dont la présence a été constatée par les verbalisants ;
que de ce fait, elle n'est devenue visible pour le prévenu qu'au moment où elle se
trouvait environ au milieu de la chaussée (à 2,65 m de l'endroit de la collision, selon le
rapport d'expertise) ;
Attendu qu'il n'est pas établi qu'à ce moment le véhicule du prévenu se trouvait
encore à une distance suffisante pour pouvoir, compte tenu de sa vitesse, éviter l'acci-
dent;
que sur base des vitesses respectives de 70 km/h pour le véhicule et de 5 km/h
pour le piéton, l'expert conclut que le véhicule se trouvait encore à ce moment à
37 mètres du lieu de la collision alors qu'il lui fallait 42 mètres pour s'arrêter;
Attendu toutefois que ces calculs sont approximatifs, car ils sont fondés d'une
part sur la vitesse du prévenu, estimée par celui-ci à 70 km/h et sur une vitesse du
piéton présumée par l'expert à 5 km/h ;
que si, comme l'a fait observer le prévenu dans ses conclusions prises devant le
premier juge, on porte la vitesse du piéton à 7 km/h, le véhicue se trouvait encore à
une distance à peine supérieure à celle parcourue par lui pendant un temps réflexe de
une seconde, normal chez un conducteur dans les circonstances de la cause ;
que toùs ces ·éléments démontrent le caractère approximatif des calculs prétendû-
ment précis du rapport d'expertise ;

Attendu qu'il faut en conclure qu'il n'est nullement établi que le prévenu ait pu ou
dû apercevoir le piéton tranversant la chaussée en infraction avec le code du roulage,
en temps utile pour pouvoir encore éviter l'accident ;

Attendu qu'il est également fait grief au prévenu d'avoir roulé avec des feux de
croisement dans une rue mal éclairée, au lieu de rouler avec ses feux de route qui lui
auraient permis d'apercevoir plus tôt la victime, de freiner plus tôt et de provoquer ainsi
un accident moins grave ;

Attendu qu'il résulte du procès-verbal établi par les verbalisants que l'éclairage
public était suffisant et que l'affirmation contraire de l'expert ne peut être acceptée,
celui-ci ne s'étant d'ailleurs rnême pas donné la peine de produire à l'appui de ses dires
des photos prises de nuit à l'endroit de l'accident ;

qu'il n'est pas davantage établi que si le prévenu avait roulé avec des feux de
route, il aurait aperçu plus tôt la victime ;

qu'en effet, celle-ci a surgi d'entre des voitures en stationnement et n'a pu être
aperçue que lorsqu'elle se trouvait à peu près au milieu de la chaussée ;

qu'il n'est nullement établi qu'à ce moment le véhicule du prévenu se trouvait à


une distance telle qu'il ne pouvait apercevoir la victime avec l'éclairage public et ses
feux de croisement, alors qu'il aurait pu l'apercevoir avec l'éclairage public et ses feux
de route;

qu'il est encore moins établi que l'accident, inévitable en raison de l'imprudence
de la victime eut été moins grave s'il avait roulé avec des feux de route ;

Attendu qu'il est également reproché au prévenu de ne pas avoir adapté sa vitesse
à son champ de visibilité ;

Attendu que cette faute n'est aucunement établie ;

qu'il apparaît, au contraire, résulter des éléments de la cause que le piéton a


débouché d'entre les voitures en stationnement à l'intérieur du champ de visibilité du
prévenu, à un moment où, compte tenu de sa vitesse et de la distance à laquelle il se
trouvait, il ne pouvait plus éviter l'obstacle constitué par le piéton ;

Attendu que la partie civile reproche à tort au prévenu d'avoir enfreint les articles
10 et 26, 1° et 2° du code de la circulation routière;

qu'il ne résulte d'aucun élément de la cause que le prévenu n'était pas en mesure
d'effectuer les manœuvres qui lui incombaient et n'avait pas le contrôle de son véhicule
(article 10) ;

que le prévenu déclare avoir freiné et que cela est confirmé par la déclaration du
témoin Vlaminck qui déclare avoir entendu un bref coup de frein (« een korte remstoot ») ;

qu'à cet égard, le fait que les verbalisants n'ont pas trouvé de traces de freinage
ne démontre ni qu'il n'y a pas eu freinage, ni encore que le prévenu, compte tenu de la
distance et du temps réflexe, aurait eu le temps de freiner avant le choc ;

Attendu qu'interrogé sur les conclusions du rapport d'expertise, le prévenu n'a pas
reconnu qu'il aurait vu le piéton plus tôt s'il avait roulé avec ses grands phares, mais
qu'il aurait peut-être vu le piéton plus tôt ;
que cette conclusion du rapport d'expertise n'est nullement prouvée, comme il a
été dit ci-dessus ;
Attendu que la victime ne circulait pas sur la chaussée dans les conditions pré-
vues par le règlement général sur la police de la circulation routière, mais en infraction
à celles-ci et notamment à celles de l'article 48, 5° ;
que le fait qu'il s'agissait d'une personne âgée est sans pertinence aucune en
l'espèce, puisqu'il résulte des éléments indiqués ci-dessus que le prévenu n'a pu aper-
cevoir la victime qu'à un moment où l'accident était devenu inévitable et qu'il ne devait
pas la voir plus tôt ;

Revue Générale des Assurances et des Responsabilités ( 1977). 9 712 2


que c'est à tort que la partie civile invoque l'article 26, alinéas 1 et 2 ;
Attendu que c'est à bon droit que le premier juge a estimé que l'accident était
exclusivement imputable à l'imprudence de la victime et qu'aucune faute n'était établie
à charge du prévenu ;
Attendu, dès lors, que les faits mis à charge du prévenu n'ont pas davantage été
établis devant la Cour que devant le conseil de guerre ;
Attendu que c'est, dès lors, à bon droit que le conseil de guerre s'est déclaré
incompétent pour statuer sur les actions civiles ;
Par ces motifs, la Cour, ...
Jugeant sur pièces,
Reçoit ies appels et statuant en présence ru prévenu,
Confirme la décision entreprise, tant au pénal qu'au civil ;
Circulation routière.
Règlement général.
F. 138.

Wegverkeer. Circulation routière.


Verplichting van de voetgangers Obligation des piétons : art. 48 -
art. 48 - obstacle prévisible : art. 27.
voorzienbare hindernis : art. 27.

ln het centrum van een vlllawijk met aan- Dans un quartier couvert d'habitations, le
zlenlljke bebouwing, heeft de voetganger piéton n'a pas l'obligatlo,n de marcher à
nlet de verplichting links te lopen op de gauche de la chaussée par rapport à sa
rljweg t.o.v. zljn richUng ; gaat hij rechts direction ; s'il marche à droite de celle-
op de rljweg, dan moet hij dit uiterst cl, Il doit en occuper l'extrême droite.
rechts doen. Il constitue un obstacle prévisible pour le
Hij maakt een te voorzlene hindernls uit conducteur d'une voiture circulant lente-
voor de bestuurder van een personen- ment avec des feux de croisement allu-
wagen die traag rijdt met aangestoke,n més.
krulslichten.

COUR D'APPEL D'ANVERS. - 18 DECEMBRE 1975.


(9" Ch. - Siég . MM. Paternostre, président ; de Man et Claessens, conseillers ; Van
Eeckhout, Av. gén. - En cause : Berden c/ De Vleeschauwer. - Pl. : MMes Vastenavondt
et Warnants).

Overwegende dat de hogere beroepen, regelmatig naar vorm en termijn ontvanke-


lijk zijn;
1. Op strafgebied :
Overwegende dat de verianng van de publieke vordering wegens het fait B tijdig
gestuit werd door het bevel tot dagvaarding dd 0 16 december 1974 van de Procureur
des Konings (stuk 13) ;
Overwegende dat door het onderzoek v66r het Hof gevoerd de feiten van telast-
leggingen A en B bewezen zijn gebleven ;
Overwegende dat naar de verklaring van de getuigen, vaststaat dat beklaagde
tegen een zeer matige snelheid reed welke zijzelf op ongeveer 20 km/uur raamde ; dat
galet op die lage snelheid alsmede op de uitgestrektheid van het gezichtsveld bij helder
weer ontstaan door de ontstoken kruisingslichten van het voertuig (ongeveer 25 mater),
beklaagde bij ma~hte was de voetganger - niettegenstaande zijn donkere kledij - op
voldoende afstand te bemerken om er tijdig te kunnen voor stoppen ; dat volgens haar
eigen verklaring (stuk 15), beklaagde de voetganger echter helemaal niet zag en dat het
gebrek aan aandacht, welk aan de grond hiervan lag, dan ook in hoofde van beklaagde
ais de oorzaak van het ongeval voorkomt ;
Overwegende dat de door de eerste rechter opgelegde straf wettig is en een
gepaste beteugeling verzekert ;
Il. Op civielrechtelijk gebied.
Overwegende dat in strijd met wat het slachtoffer, aanleunende bij het bestreden
vonnis, voorhoudt, beklaagde niet de volledige aansprakelijkheid ten deze draagt ;
Overwegende weliswaar, dat uit de voorhanden beoordelingsgegevens blijkt dat het
ongeval plaats greep in het centrum van een nieuwe villawijk met aanzienlijke bebouwing,
met andere woorden in een bebouwde kom en dat de betrokken voetganger, Berden, hui-
dige burgerlijke partij, dan ook niet gebonden was links te houdan ten opzichte van de
richting waarin hij ging ;
Overwegende echter dat Berden tegen de voorschriften van artikel 48/2-4° van het
Algemeen Verkeersreglement in, niet zo dicht mogelijk bij de rand van de rijweg blijkt
gelopen te hebben ; dat, zonder de preciese plaats van de aanrijding aan te wijzen, de
stand van het voertuig na het ongeval, de localisatie van de eraan toegebrachte schade
alsmede de ligging van de bloedsporen (zie bodemschets) aantonen dat de voetganger
op minstens 0,80 mater ging van de rand van de ri)weg, hierin niet begrepen zijnde de

Revue Générale des Assurances et des Responsabilités ( 1977 ). 9713


betonnen boordband, welke dienstig voor de afwatering, ais nie! begaanbaar te beschou-
wen is ; dat, gelet op de totale breedte van de rijweg (5 meter) het verzuim in hoofde
van de voetganger van meer rechts te !open, hem ais fout moet aangerekend worden
welke tot het ontstaan van de aanrijding, zoals zij in concreto gebeurde, bijdroeg ;
Overwegende dat bij de aansprakelijkheidsafmeting ten deze, de respectieve fou-
ten van beklaagde en het slachtoffer in gelijke mate doorwegen ;
Overwegende dat de beslissing van de eerste rechter met betrekking tot de bedra-
gen en de onderzoeksmaatregel, ais dusdanig, niet betwist is ;
Om deze redenen, het Hof,
Rechtdoende op tegenspraak ; ...
Ontvangt de hogere beroepen ;
Op strafgebied :
Bevestigt het aangevochten vonnis ;
Veroordeelt beklaagde tot de kosten van hoger beroep, deze opzichtens de open-
bare partij belopende de som van 1.192 frank;
Op civielrechtelijk gebied :
Zegt voor recht dat beklaagde en de burgerlijke partij ieder voor de helft aanspra-
kelijk zijn ;
Doet dientengevolge het bestreden vonnis op dit stuk te nie! en opnieuw wijzende,
veroordeelt beklaagde aan Berden, Alfons bij wijze van provisie te betalen 20.000 F : 2
10.000 frank ;
Bevestigt het bestreden vonnis voor het overige ; ...
Dommages-intérêts.
Lésion matérielle.
F. 182.

Gebruiksderving - lngebrekestelling Chômage - Mise en demeure


om de schade te konstateren. de constater les dégâts.
Kompensatie van het nadeel Compensation du dommage
door de besparing spruitend par l'économie résultant
uit het niet gebruiken du non-usage du véhicule
van het voertuig pendant la durée d'immobilisation.
tijdens de immobilizatie.
Indien de inmorastelling om tot expertize La circonstance que la mise en demeure
~an een voertuig over te gaan aan de de procéder à l'expertise d'un véhicule
verzekeraar van de dader van het onge- accidenté n'a été adressée à l'assureur
val slechts 7 dagen na dit ongeval werd de l'auteur de l'accident que 7 Jours
gericht, dan betekent dit geenszins dat après celui-ci ne démontre nullement que
de schadeliJder zou getalmd hebben om le préjudicié aurait tardé à faire procé-
tot tegensprekeliJke vaststelling van zijn der au constat contradictoire de son
schade te laten overgaan. dommage. En effet, certaines compagnies
lnderdaad, sommige verzekeringsmaat- d'assurance ont conclu une convention
schappijen hebben een overeenkomst af- au terme de laquelle il appartient non à
gesloten waarblj het niet de verzekeraar l'assureur R.C. de l'auteur de l'accident,
B.V. van de ongevalverwekker, maar wel mals à l'assureur de la victime, de faire
de verzeker818r van het slachtoffer be- procéder unilatéralement à une première
hoort eenzijdig te laten overgaan tot een estimation des dégâts.
eerste raming van de schade. Si le préjudice ne dépasse pas 30.000 F,
OvertreH het nadeel de 30.000 F niet, dan l'expertise faite à la requête de l'aesu-
bindt de expertize uitgevoerd op verzoek reur de la victime s'impose à l'assureur
van de verzekeraar van het slachtoffer de de l'auteur de l'accident. Si au contraire
verzekeraar van de schadeverwekker. le préjudice dépasse cette somme, Il ap-
Overtreft het dit bedrag echter wel, dan partient à l'expert ou à l'assureur d'inviter
moet de deskundlge of de verzekeraar l'autre assureur à faire procéder, s'il le
de andere verzekeraar uitnodigen om, souhaite, à une expertise contradictoire.
Indien hlj dit wenst, over te laten gaan Dès lors que les dégâts dépassent
lot een tegensprekelijke expertize. 30.000 F, une mise en demeure adressée
Van zodra de schade meer dan 30.000 F à l'assureur de l'auteur de l'accident
bedraagt, kan een lnmorastelling 7 dagen 7 jours après celui-ci n'établit nullement
na het ongeval verstuurd aan de verze- un manque de diligence dans le chef du
keraar van de schadeverwekker geenszins préjudicié.
ais een gebrek aan bekwame spoed be- Il doit être tenu compte de l'économie
schouwd worden ln hoofde van de bena- résultant du non-usage du véhicule acci-
deelde. denté pendant son immobilisation. Cette
Er moet worden rekening gehouden met économie ne peut être compensée par la
de besparing die voegt uit het nlet ge- moins-value du véhicule du fait de l'acci-
bruiken van het gehavende voertuig tij- dent, le prix des réparations ayant été
dens zljn immobilizatie. fixé en tenant compte de la qualité de
Deze besparing mag niet gekompenseerd celles-ci. Cette prétention n'ayant pas
worden door de minderwaarde van het été formulée par le préjudicié par voie
voertuig tengevolge van het ongeval, ver· de citation, ce qui eut été normal s'il
mils de prijs van de herstellingen vast- avait estimé que son véhicule était atteint
gesteld werd met inachtneming van haar d'une moins-value, on doit en déduire
kwaliteit. qu'elle est avancée comme une excep-
De benadeelde heeft deze eis niet in tion pour faire échec aux remarques con-
zijn dagvaarding gesteld, hetgeen hij nor- cernant l'économie réalisée durant l'im-
maliter had gedaan was hij van oordeel mobilisation du véhicule.
dat zlJn voertulg een mlnderwaarde had
ondergaan.
Dit deel van de vordering is dus een
exceptle die wordt opgeworpen om de
opmerklngen l.v.m. de besparing verwe-
zenlijkt tijdens de stllstand van het voer-
tuig te dwarsbomen.

Revue Générale des Assurances et des Responsabilités (1977). 97141


TRIBUNAL DE COMMERCE DE BRUXELLES. - 3 NOVEMBRE 1975.
(12e Ch., salle D. - Siég. : MM. Parmentier, prés. ; Deville, Decat, juges consulaires. -
En cause : S.A. Entreprises Lefèvre et Compagnie c/ Caisse Patronale. - Pl. :
MMes Berckmans et Godaert).

Attendu que la demande a pour objet la condamnation de la défenderesse à payer


à la demanderesse 81.520 francs, augmentés des intérêts compensatoires depuis le
1er février 1974;

Que ce montant est celui de la facture de la firme AVIS auprès de laquelle la


demanderesse a loué un véhicule Mercédès du 2 janvier 1974 au 25 janvier 1974 en rem-
placement du véhicule Jaguar accidenté par le fait d'un sieur Eugène Warlet, assuré de
la défenderesse ;

Que celle-ci ne conteste pas la responsabilité de son assuré et qu'elle a déjà


indemnisé le préjudice subi par la demanderesse, hormis la facture de location liti-
gieuse;

Attendu que la défenderesse invoque

1) que la durée d'immobilisation du véhicule accidenté a été fixée par procès-


verbal d'expertise à 3 +10 jours, soit 13 jours,

2) que la demanderesse aurait dû minimiser son dommage en choisissant un véhi-


cule moins onéreux,

3) qu'il faut tenir compte de l'économie réalisée du fait du non-usage du véhicule


accidenté pendant 25 jours ;

1° Durée d'immobilisation

Attendu que l'accident s'est produit le 2 janvier 1974 ;

Que la défenderesse a été mise en demeure le 9 janvier 1974 et le procès-verbal


d'expertise fixant à 10 jours le délai de réparation a été dressé le 15 janvier 1974;

Attendu que la circonstance que la mise en demeure n'a été adressée à la défen-
deresse que le 9 janvier 1974 ne démontre nullement que la demanderesse aurait tardé
à faire procéder au constat contradictoire de son dommage ;

Qu'en effet, certaines compagnies d'assurances - dont la défenderesse - ont


conclu une convention aux termes de laquelle il appartient non à l'assureur R.C. de
l'auteur de l'accident, mais à l'assureur de la victime de faire procéder unilatéralement
à une première estimation des dégâts ; que si le préjudice ne dépasse pas 30.000 francs,
l'expertise faite à la requête de l'assureur de la victime s'impose à l'assureur de l'auteur
de l'accident ;

Que si, au contraire, le préjudice dépasse 30.000 francs, il appartient à l'expert ou


à l'assureur d'inviter l'autre assureur à faire procéder, s'il le souhaite, à une expertise
contradictoire ;

Qu'en l'espèce, les dégâts excédaient 30.000 francs, si bien que la défenderesse
délégua son expert ;

Que ces opérations ne peuvent évidemment s'accomplir en 3 jours, délai que la


défenderesse propose à titre de délai d'attente ; qu'elle n'établit pas que la demande-
resse aurait manqué de diligence pour faire procéder à l'examen contradictoire de son
véhicule;

Que le délai de 25 jours est donc justifié ;


2° Choix du véhicule de remplacement et coût de celui-ci.
A. Attendu qu'aucune critique sérieuse ne peut être adressée à la demanderesse
qui, dans la gamme des véhicules disponibles à la S.A. Avis, a choisi un véhicule de type
semblable (prix d'achat équivalent - kilométrage parcouru presque identique) ;
Que vainement la défenderesse soutient qu'en période de limitation de vitesse et
de restriction pétrolière, la demanderesse eût dû choisir une voiture de type plus
courant ;
Qu'en effet, la demanderesse avait le droit de procurer à son administrateur-
délégué un véhicule lui offrant des conditions semblables de confort et de « standing » ;
B. Attendu que le prix de base de 71.639 francs comprend une assurance « dégâts
matériels » ;
Que dès lors, la demanderesse aurait dû demander à l'assureur de la voiture
accidentée la suspension de la police pendant le délai d'immobilisation ;
Que la somme qui aurait ainsi été économisée peut être raisonnablement calculée
comme suit, compte tenu du type du véhicule :
prime annuelle de 35.000 F x 24 jours de suspension : 365 = 2.300 francs, mon-
tant qu'il convient de déduire des dommages ;
C. Attendu que la demanderesse a obtenu une assurance « dégâts matériels »
sous franchise, alors qu'elle ne conteste pas que le véhicule accidenté était couvert
moyennant franchise ;
Que ce poste représente 2.000 francs et doit être écarté ;
D. Attendu que la demanderesse a souscrit une assurance « personnes transpor-
tées » pour le prix de 1.150 francs;
Que si elle n'en bénéficiait pas auparavant, elle ne pouvait en souscrire à charge
de l'auteur de l'accident ;
Que si elle en bénéficiait déjà, elle aurait dû, comme pour l'assurance de sa res-
ponsabilité civile, demander à son assureur la suspension provisoire de la police pendant
l'immobilisation ;
Que ce poste doit être également rejeté ;
3° Economie résultant du non-usage.
Attendu qu'à juste titre et conformément à une jurisprudence constante, la défen-
deresse soutient qu'il doit être tenu compte du non-usage de la voiture Jaguar pendant
l'immobilisation ;
Que pendant ce laps de temps, le véhicule loué a parcouru 3.375 kilomètres ;
Que le taux de 5 francs au km parcouru est judicieusement apprécié ;
Que l'économie réalisée par la demanderesse est donc de 3.375 x 5 = 16.875 F;
Qu'en vain, la demanderesse voudrait-elle compenser cette économie par une pré-
tendue moins-value provoquée par l'accident ;
Que cette moins-value n'est nuulement démontrée en l'espèce ; que le prix des
réparations a été fixé en tenant compte de la qualité de celle-ci ;
Que d'autre part, et on peut remarquer que cette prétention de la demanderesse
n'a pas été émise dans la citation, ce qui eut été normal si elle avait estimé à ce
moment-là que son véhicule avait subi une moins-value, mais qu'elle est avancée comme
une exception pour faire échec aux remarques judicieuses de la défenderesse quant à
l'économie réalisée pendant l'immobilisation du véhicule ;
Attendu qu'il suit de cet ensemble d'éléments que le préjudice de la demanderesse
doit être fixé au montant réclamé, sous déduction de 2.300 + 2.000 + 1.150 + 16.875;
qu'il lui est dû la somme de 59.195 francs;
Par ces motifs, le Tribunal, ...
Condamne la défenderesse à payer à la demanderesse 59.195 francs, avec les
intérêts compensatoires depuis le 1er janvier 1974 jusqu'au 17 juillet 1974 et les intérêts
judiciaires depuis le 18 juillet 1974;
La condamne aux dépens ...

Revue Générale des Assurances et des Responsabilités (1977). 97142


Dommages-intérêts.
Lésion physique.
F. 214.

Schadevergoeding - Dommages et intérêts -


Lichamelijk letsel. Lésion physique.
Echtgescheiden en kinderloze Secrétaire divorcée sans enfants -
sekretaresse - pas d'indemnisation distincte
geen onderscheiden vergoeding des préjudices ménagers
voor huishoudel i j k en- beroepsnadeel et professionnels résultant
spruitende uit een V.T.W. d'une I.P.P.

ls ongebruikelijk de eis toi afzonderlijke La réclamation d'une indemnité destinée


vergoeding van de weerslag van de on- à réparer distinctement la répercussion
bekwaamheid op de hulshoudelijke akti- des invalidités dont est atteinte une se-
vlteit van een echtgeschelden en klnder- crétaire divorcée sans enfants, sur l'acti-
loze sekretaresse terwijl zij een beroep vité ménagère, alors qu'elle exerce une
ultoefent. activité professionnelle est assurément
Prlncipiëel kan dergelijke eis gegrond inhabituelle. Si semblable réclamation
verklaard worden, maar er moet welis- doit être déclarée fondée dans son prin-
waar worden aangenomen dat in geval van cipe, il s'impose néanmoins de considé-
cumul van beide aktivitelten deze van rer qu'en cas de cumul de ces deux
hulshoudster bijkomstlg is. activités, celle de ménagère doit être
A fortiori wanneer het slachtoffer alleen tenue pour accessoire. Il en est d'autant
woont. plus ainsi lorsque la victime vit seule.

COUR D'APPEL DE BRUXELLES. - 22 OCTOBRE 1975.


(7° Ch. - Siég. : MM. Ruttiens, président ; Semai, Deviaene, conseillers ; De Cant, Avocat
général. - En cause : M.P., Van Daele c/ De Greef, Norwich Fire lnsurance Society. -
Pl. : MM•• Monette et Beer).

Attendu que l'appel principal de la Société d'assurance intervenue volontairement


et l'appel incident de la partie civile ont été interjetés dans la forme et le délai prescrits
par la loi;
Attendu qu'ils soumettent à la Cour - mais uniquement en ce qui concerne l'in-
tervenante volontaire - la réclamation de la partie civile Van Daele Huguette, victime
de la faute pénalement sanctionnée d'un sieur De Greef Joseph ;
Attendu que la somme de 27.843 francs allouée par le premier juge pour frais et
débours n'est pas critiquée ;
Attendu que la partie civile, qui se dit secrétaire, gagnait à l'époque de l'acci-
dent, soit en mars 1964, 7.000 francs par mois ;
Attendu que l'incapacité à 100 % a duré 9 mois et 7 jours: qu'à bon droit le pre-
mier juge a estimé à 65.333 francs la perte d'appointements causée par cette incapacité ;
Attendu que la partie civile a subi, en outre des incapacités temporaires à 20 %
pendant 1 mois et 17 jours et à 15 % pendant 3 mois;
Attendu qu'il n'est établi ni même allégué qu'à partir de la fin de l'incapacité
totale (13 décembre 1964), la victime ait subi une quelconque perte de salaire ;
Qu'il y a dès lors lieu de considérer que le dommage matériel causé par ces deux
périodes d'incapacités temporaires n'a pu consister qu'en la nécessité de fournir un
effort physique supplémentaire tant pour l'exercice de l'activité professionnelle que pour
1 accomplissement des tâches ménagères ;

Que, faute d'élément précis et certain de calcul, un tel dommage, tout comme le
préjudice moral correspondant aux mêmes incapacités, ne peut s'apprécier qu'ex aequo
et bono:
Qu'il en est a fortiori de même quant à l'incapacité de 10 % qui prit cours le
1er mai 1965 mais que l'expert judiciaire n'a qualifiée de permanente qu'à la date du
1er octobre suivant, distinguant ainsi deux périodes pour une seule et même incapacité
de travail;

Revue Générale des Assurances et des Responsabilités ( 1977 ). 9715


~ - --- -------

Que cette distinction appraît sans intérêt pour l'appréciation des dommages
encourus ;
Attendu que la réclamation d'une indemnité destinée à réparer distinctement la
répercussion des invalidités successives sur l'activité ménagère, alors que la victime
exerce une activité professionnelle, est assurément inhabituelle ;
Que si semblable réclamation doit être déclarée fondée dans son principe, il s'im-
pose néanmons de considérer qu'en cas de cumul de ces deux activités, celle de ména-
gère doit être tenue pour accessoire ;
Qu'en l'espèce, il en est d'autant plus ainsi que la partie civile vit seule ;
Attendu que dans un tel cas, mais compte tenu de tous les autres éléments pro-
pres à la cause - notamment : la durée du traitement de la fracture du bras, les souf-
frances et gênes qui l'ont accompagné, l'importance particulière des séquelles perma-
nentes pour une dactylographe - il apparaît que les indemnités revenant à la partie
civile seront le plus justement fixées de la manière suivante, tous intérêts compensatoires
compris :
- dommage moral pendant l'incapacité totale : 35.000 francs
- dommage matériel et moral afférents aux périodes d'inca-
pacité à 20 % et à 15 % : 20.000 francs
- dommage matériel et moral né de l'incapacité permanente
de 10 % à partir du 1.5.1965 : 200.000 francs
RECAPITULATION :
Attendu qu'il revient ainsi au total à la partie civile 348.176 francs dont à déduire
l'intervention de la mutuelle (- 41.169); reste un solde de : 307.007 francs;
Attendu que la partie intervenante impute à la partie civile la responsabilité du
règlement tardif de leur litige ;
Qu'elle n'a pas été démentie sur ce point et que c'est bien ce qui paraît résulter
de la procédure ;
Qu'en conséquence, la demande d'intérêts compensatoires sur les sommes de
27.843 et de 24.169 francs (65.333 - 41.169) soit au total 52.012 francs ne peut être
accueillie que dans la mesure précisée au dispositif ;
Par ces motifs,
La Cour, statuant contradictoirement et dans les limites de sa saisine,
Reçoit les appels ; dit seul fondé celui de la partie intervenante ; ...

Observations :
Cet arrêt réforme le jugement rendu le 26 février 1975 par la 17• Chambre du
Tribunal Correctionnel de Bruxelles (R.G.A.R., 9609).
Dommages-intérêts.
Lésion physique.
Fiche 214.

Schadevergoeding - Lichamelijk Dommages et intérêts - Lésion


letsel - T.W.O. zonder loonverlies. physique - Incapacité temporaire
Samenvoeging met het door sans perte de salaire - Cumul
de werkgever uitbetaald loon avec le traitement payé sans cession
zonder subrogatoire opdracht. subrogatoire, par l'employeur •
.TV.W.O. van 25 % - Vermindering I.P.P. de 25 % Réduction de l'acuité
van de gezichtsscherpte, visuel le, difficu Ités de la marche,
vermoei Ii j kte gang, overdreven obésité exagérée - 1ncidence
zwaarlijvigheid - Weerslag sur la profession de secrétaire -
op het beroep van sekretaresse - Indemnisation par capitalisation.
Vergoeding door kapitalizatie.

Blijft men het loon aan het slachtoffer Dès lors que le traitement de la victime
van een ongeval tijdens zijn T.W.O. uit- d'un accident a continué à lui être versé
betalen, krachtens zijn beroepsstaluut en au cours de ses incapacités temporaires
zonder subrogatoire ove,rdracht in het en vertu de son statut professionnel et
voordeel van de werkgever, dan heeft sans cession subrogatoire au profit de
deze omstandigheid een eigen rechts- son employeur, cette circonstance pro-
oorzaak, wel onderscheiden van degene cède d'une cause juridique propre, dis-
die de verantwoordelijke van het ongeval tincte de celle qui oblige le responsable
verplicht de gevolgen van zijn fout te de l'accident à réparer les conséquences
herstellen. de sa faute.
Het loon dat het slachtoffer ontving op Le traitement perçu par la victime au
het ogenbllk van het ongeval dient ais moment de l'accident constitue l'élément
bevoordelingsgrondslag van zijn ekono- d'appréciation de sa valeur économique
mische waarde ten tijde van de feiten. à l'époque des faits. Le dommage moral
De mo,rele schade opgelopen tijdens de- encouru pendant la même période d'in-
zelfde periode van T.W.O. moet afzonder- capacité temporaire doit s'apprécier dis-
lijk bevoordeeld worden, rekening gehou- tinctement, compte tenu des douleurs et
den met de pijn en ongemakken gedu· malaises pendant la convalescence.
rende de herstelperlode. Il est inexact de dire que l'I.P.P. de 25 0/o
Men mag niet beweren dat de T.W.O. van dont est atteinte une secrétaire est en
25 0/o die een sekretaresse ondergaat grande partie sans correspondance avec
ses activités professionnelles, dès lors
geen afdoend verband houdt met haar
que cette I.P.P. recouvre une réduction
beroepsaktiviteit wanneer deze T.W.O.
een vermindering van de gezichtsscherpte de l'acuité visuelle justifiant un taux de
12 0/o d'I.P.P., des difficultés de marche
inhoudt, die op zichzelf een graad van
résultant d'une réduction fonctionnelle
12 0/o T.W.O. rechtvaardigt alsmede moei-
lijkheden bij het gaan ten g,evolge van modérée de la cheville droite et une
obésité exagérée dont il est établi qu'elle
een funktionele vermindering van de
est une conséquence de l'accident. Une
rechter enkel en een overdreven zwaar•
bonne acuité visuelle est indispensable à
lijvlgheld waarvan het ongeval de oor-
la profession de secrétaire, et les autres
zaak ls.
séquelles invalidantes évoquées sont
Een goede gezichtsscherpte is onontbeer- aussi de nature à influer sur l'exercice
lijk voor het beroep van sekretaresse en de cette profession.
ook de andere besproken sekwellen kun-
Le triple handicap dont est affectée la
nen de uitoefening van dit beroep beïn-
victime pourrait sans nul doute lui rendre
vloeden.
plus difficile l'obtention d'un autre emploi
De drievoudige handicap waarvan het de secrétaire si elle venait à perdre
slachtoffer is aangetast zou ongetwijfeld celui qu'elle occupe.
haar indienstneming eiders ais sekreta-
Le salaire de la victime étant coMu, le
resse bemoeilijken indien zij haar huidig
système de capitalisation réalise une ap-
werk zou komen te verliezen.
proche précise de son dommage.
Het loon van het slachtoffer is gekend,
zodat het systeem van de kapitalisatie
op precieze wijze zijn schade benadert.

Revue Générale des Assurances et des Responsabilités ( 1977). 9 7 161


COUR D'APPEL DE BRUXELLES. - 26 FEVRIER 1976.
(8e Ch. - Siég. : MM. Piérart, prés. ; Grosemans, Schmits, conseillers ; Huens, Avocat
général. - En cause : Betten c/ Steinbrinker - A.S.B.L. Bureau Belge des Assureurs
Automobiles. - Pl. : MMes Dewit et Mahieu).

Attendu que l'appel de la partie civile, régulier en la forme, a été introduit dans
le délai légal ; qu'il est recevable ;
Qu'il en est de même de l'appel incident formé par le prévenu et par la partie
Intervenante a.s.b.l. Bureau belge des assureurs automobiles, par conclusions déposées
à l'audience publique du 29 janvier 1976;
Attendu que la partie civile critique le jugement dont appel
1 - en ce qu'il a rejeté sa demande d'indemnisation pour un séjour à Maestricht,
2 - en ce qu'il ne lui a accordé que 3.000 francs pour préjudice vestimentaire,
3 - en ce qu'il ne lui a alloué pour préjudice matériel et moral pendant la période
d'incapacité temporaire qu'une somme de 90.375 francs,
4 - et surtout en ce qu'il a évalué ex aequo et bono le dommage matériel et
moral résultant de l'invalidité permanente de 23 % dont elle demeure atteinte;
Attendu que pas plus que devant le premier juge, la partie civile ne s'explique
devant la Cour sur la durée de son séjour à Maastricht chez ses parents et sur les frais
que ce séjour lui aurait occasionnés ;
Que sans doute pendant ce séjour elle a dû continuer à payer le loyer de son
appartement mais qu'elle aurait dû pourvoir à son entretien personnel à Bruxelles si elle
ne s'était pas rendue à Maestricht chez ses parents en manière telle qu'il y a compen-
sation de dépenses ;
Que ce poste de la demande n'est donc pas fondé ;
Attendu qu'aucun document justificatif n'est produit à l'appui du préjudice vesti-
mentaire vanté ; que la somme de 3.000 francs fixée par le premier juge paraît dès lors
suffisante ;
Attendu que le premier juge a estimé que, puisque la partie civile avait continué à
percevoir son traitement pendant la durée de son incapacité temporaire, il y avait lieu
de confondre le dommage matériel et le dommage moral résultant de ladite période
d'incapacité ;
Attendu que la partie civile fait valoir que son salaire a continué à lui être versé
sans cession subrogatoire au profit de son employeur mais en vertu de son statut profes-
sionnel ; qu'il procède donc d'une cause juridique propre, distincte de celle qui oblige
le responsable de l'accident à réparer les conséquences de sa faute ;
Que ce responsable ne peut tirer avantage de la circonstance que la victime n'au-
rait pas subi de perte de salaire pour échapper à la sanction financière de sa faute
(Appel Bruxelles, 80 chambre, 26-3-1975, en cause Delneste c/ Wittezale - inédit) ce qui
serait le cas s'il n'était pas contraint d'indemniser le dommage matériel de la victime
puisqu'il apparaît que l'employeur de celle-ci ne pourra se retourner contre lui pour se
faire rembourser le salaire versé à la victime ;
Attendu qu'en l'espèce, la Commission des Communautés Européennes, employeur
de la partie civile, n'est pas subrogée aux droits de son employée contre le tiers respon-
sable du préjudice causé à ladite employée ;
Qu'il suit que le prévenu et la partie intervenante a.s.b.l. Bureau belge des assu-
reurs automobiles ne sont pas exposés à se voir réclamer le remboursement des indem-
nités payées à la partie civile par son employeur ;

Attendu que le traitement perçu par la victime au moment de l'accident constitue


l'élément d'appréciation de sa valeur économique à l'époque des faits (Appel Bruxelles,
2e Chambre, 29-3-1972, en cause Jeunejean c/ Mariaule, inédit} ;

Que sur base d'attestation remise par l'employeur quant au salaire versé à la
partie civile, il est dû à celle-ci à titre de préjudice matériel : pendant sa période d'inca-
pacité temporaire totale la somme de 99.894 francs, pendant sa période d'incapacité à
50 % la somme de 24.973 francs et pendant la période d'incapacité à 30 % les sommes
de 49.950 (période du 8-1 au 8-10.1969}, de 18.009 francs (période du 8-10-1969 au
8-1-1970) et de 18.806 francs (période du 8-1 au 8-4-1970) soit en tout 211.632 francs;
Attendu que le dommage moral pendant la même période d'incapacité temporairè
doit s'apprécier compte tenu des douleurs et malaises pendant la convalescence
ex aequo et bono à la somme de 35.000 francs ;
Attendu qu'il est inexact de dire que l'invalidité de 23 % dont demeure atteinte la
partie civile est en grande partie sans correspondance avec l'activité professionnelle de
celle-ci;
Que l'expert-médecin a constaté la présence à l'œil gauche de la partie civile
d'une « taie relativement dense ... manifestement le reliquat d'une plaie en biseau du
parenchyme cornéen ... qui recouvre dans sa totalité l'aire pupillaire » ; qu'« il n'y a pas
de traitement médical susceptible d'améliorer cette situation ... et que le cas est justi-
ciable d'une invalidité permanente ... résultant ... de la réduction de l'acuité visuelle ...
et de l'éblouissement consécutif du siège central de la taie », ce qui conduit l'expert
à évaluer l'ensemble de la diminution de la vision à 12 % d'invalidité permanente (pp. 19
et 20 du rapport d'expertise) ;
Attendu qu'une bonne acuité visuelle est indispensable à l'exercice normal de la
profession de secrétaire ; que des difficultés de marche dues à « une réduction fonc-
tionelle modérée de la cheville droite » et une obésité exagérée dont il est établi qu'elle
est une conséquence de l'accident, sont aussi de nature à influer sur l'exercice de la
profession de secrétaire ;
Que le triple handicap dont est désormais affectée la partie civile pourrait sans
nul doute lui rendre plus difficile l'obtention d'un autre emploi de secrétaire si elle venait
à perdre celui qu'elle occupe actuellement ;
Attendu que le salaire de la partie civile étant connu, le système de capitalisation
réalise une approche précise du dommage résultant de l'invalidité permanente de 23 % ;
Que la circonstance que les rémunérations professionnelles de la victime ne sont
pas diminuées et même qu'elles ont sensiblement augmenté ne change rien au fait
constant et admis de la perte de capacité qu'a subie la victime ; qu'il convient de prendre
pour référence les revenus professionnels de la victime, ces revenus fournissant une
mesure raisonnable de la valeur en argent de la capacité de travail de la victime ;
Attendu que la Cour estime devoir calculer le dommage matériel résultant de l'in-
validité permanente en prenant pour point de départ le jour de la consolidation de l'état
de santé de la partie civile, soit le 8 avril 1970, date à laquelle la partie civile avait près
de 32 ans (née le 16 mai 1938) ;
Qu'il est ainsi dû à la partie civile, compte tenu du multiplicateur des Tables de
Levie à 4,5 % jusqu'à l'âge de 60 ans, soit 15,35 et du traitement mensuel de base, soit
35.505 francs, la somme de (35.505 X 12 X 23 : 100) X 15,35 = 1.504.205 francs ;
Attendu que pendant le reste d'une existence encore longue la partie civile âgée
de 32 ans lors de la consolidation de son état, demeure atteinte d'un « état dépressif
,éger » (p. 15 du rapport d'expertise), de céphalées, de vertiges, de cicatrices au visage
(page 15 du même rapport}, mais surtout d'une obésité disgracieuse et particulièrement
éprouvante pour une femme encore jeune et célibataire ;
Que le dommage moral et esthétique peut être évalué ex aequo et bono à
250.000 francs ;
Attendu qu'après l'âge normal de la pension (60 ans) on peut admettre qu'une
intellectuelle comme la partie civile aura encore une certaine activité professionnelle
accessoire à sa pension ; que le dommage matériel qu'elle continuera à subir du fait de
l'accident durant cette période de la post-pension peut être évalué ex aequo et bono
à 200.000 francs ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de prévoir un dommage moral particulier durant la
période de la post-pension, le dommage moral de 250.000 francs déjà alloué couvrant le
reste de l'existence de la partie civile tant avant qu'après l'âge de la pension ;
Qu'il est ainsi dû à la partie civile les sommes de 3.000 + 211.632 +
35.000
+ 1.504.206 + 250.000 + 200.000 francs, soit 2.203.838 francs, en ce compriss la pro-
vision de 425.000 francs déjà versée ;
Appel incident :
Attendu que le prévenu et la partie intervenante volontaire demandent en termes
de conclusions qu'il leur soit donné acte de l'appel incident qu'ils déclarent interjeter

Revue Générale des Assurances et des Responsabilités (1977).

---
97162
pour obtenir que la Cour ramène à 20.000 francs le point d'indemnité fixée à 30.000 francs
le point par le premier juge pour l'invalidité permanente de 23 % ;
Attendu que la Cour ayant adopté le mode de calcul par voie de capitalisation et
allouant à la partie civile des sommes plus importantes que celles fixées par le premier
juge, il E'n résulte que l'appel incident n'est pas fondé ;
Par ces motifs, la Cour,
statuant contradictoirement et dans les limites des appels ; ...
Reçoit les appels tant principal qu'incident ;
Dit ce dernier non fondé ;
Met à néant le jugement dont appel ;
Emendant :
Condamne le prévenu et l'a.s.b.l. Bureau belge des assureurs automobiles, in soli-
dum, à payer à la partie civile à titre de dommages et intérêts :
1 - la somme de 249.632 francs (3.0000 + 211.632 + 35.000 francs) avec les inté-
rêts compensatoires du jour de l'accident au présent arrêt ;
2 - la somme de 1.529.205 francs (1.504.205 + 250.000 + 200.000 francs, soit
1.954.205 francs, la somme de 425.000 francs versée à titre de provision) avec les intérêts
compensatoires depuis le 8 avril 1970 jusqu'au présent arrêt;
3. - les intérêts judiciaires sur 1.778.837 francs (249.632 + 1.509.205 francs) avec
les dépens des deux instances relatifs à l'action de la partie civile, en ce compris les
frais d'expertise ; ...

Observations
Cet arrêt réforme un jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Bruxelles Je
22 juin 1975 (R.G.A.R., 1976, 9611).
Assurance obligatoire.
F. 239.

Wet van 1 juli 1956, art. 9. Loi du 1er juillet 1956, art. 9.
Tussenkomst van de verzekeraar Intervention de l'assureur
v66r de strafrechter - Toepassing devant le juge pénal -
op het Gemeenschappelijk Application
Waarborgfonds. au Fonds commun de Garantie.

Indien de betichte de verantwoordelljk• Lorsque le prévenu attribue la responsa•


held van het ongeval toeschrijft aan de bilité de l'accident à la faute d'un auto-
fout van een onbekend gebleven automo- mobiliste demeuré Inconnu, les parties
bllist, dan kunnen de bU,rgerlijke partijen civiles peuvent appeler en intervention,
het Gemeenschappelijk Autowaarborg- devant le juge répressif, le Fonds Com-
fonds ln tussenkomst roepen v66r de mun de Garantie, afin d'éviter le risque
strafrechter. de voir les juridictions qui seraient suc•
Daardoor loopt men niet het gevaar dat cesslvement saisies, apprécier différem•
verscheldene rechtsmachten die, opeen- ment le comportement des deux auto•
volgend gevat, het rijgedrag van de be- mobilistes en cause.
trokken autobestuurders op ulteenlopende
wlJze zouden beoordelen.

COUR D'APPEL DE BRUXELLES. - 15 JANVIER 1975.


(7" Ch. - Siég. : MM. Ruttiens, Terlinden et Mme Janssen-Pevtschin ; M. De Cant, Av.
gén. - Maris, Régie des Télégraphes et Téléphones c/ Hemeleers, Fonds Commun de
Garantie Automobile. - Pl. : MM•• Hambenne, Nys et Mahieu).

Au pénal
Attendu que le prévenu rejette la responsabilité de l'accident sur un automobiliste
non identifié qui l'aurait ébloui et mis ainsi dans l'impossibilité de respecter la priorité
de droite qu'il devait à la partie civile Maris ;
Attendu que le prévenu affirme d'autre part qu'il passait de première en seconde
vitesse et roulait à une allure d'autant plus modérée qu'il venait de céder la priorité de
droite à un véhicule, également non identifié, qui aurait circulé dans la même direction
que celle suivie par la victime ;
Attendu que la police constate que l'éclairage public fonctionnait et que la visibi-
lité était bonne ;
Attendu que, dans ces conditions, il ne peut être tenu pour vraisemblable que le
prévenu ait été victime d'une perte soudaine et totale de visibilité constitutive de force
majeure;
Que s'il a pu être gêné par les phares d'un autre usager, il n'a cependant pu l'être
au point de ne pouvoir ralentir et, au besoin, s'arrêter avant de pénétrer dans le carre-
four, alors surtout que cette gêne a dû nécessairement être légère à l'origine et que
son accentuation était - elle - assurément prévisible ;
Attendu que l'allégation du prévenu, faite d'ailleurs sur le mode dubitatif, que le
cycliste n'était pas éclairé ne peut avoir davantage pour effet de l'exonérer de sa respon-
sabilité;
Qu'en effet, le prévenu avait une visibilité étendue vers sa droite dans une artère
bien éclairée et que, dès lors, le cycliste n'a pas pu constituer pour lui un obstacle
imprévisible ;
Que si la victime avait effectivement omis de débrancher son système d'éclairage,
encore la Cour devrait-elle constater que cette faute éventuelle serait sans lien de cause
à effet avec le dommage, la route du cycliste étant perpendiculaire à celle de l'accusé
et parallèle à la zone d'ombre qu'aurait constitué le canal ; que la prévention A est en
conséquence demeurée établie ;
Attendu que la prévention B est prescrite en tous cas, depuis le 6 octobre 1974;
qu'aucun frais n'a été exposé pour mettre cette prévention en état d'être jugée ;

Revue Générale des Assurances et des Responsabilités ( 1977 ). 9 71 7 1


Attendu que la peine qui a été infligée est demeurée légale et judicieusement
mesurée à titre de sanction du seul délit de blessures involontaires ;

Attendu cependant que l'interdiction du droit de conduire ne se justifie pas ;

Au civil

Attendu que le premier juge a statué comme il convenait sur les demandes d'ordre
civil;
Que toutefois l'importance des dommages encourus par la partie civile Maris jus-
tifie une majoration de provision de 50.000 francs ;
Sur l'intervention du Fonds Commun de Garantie automobile :
Attendu que, devant le premier juge, le Fonds Commun a été reçu à intervenir
volontairement « sur demande d'intervention des parties civiles » ;
Attendu que l'argumentation du prévenu implique qu'il attribue l'accident litigieux
à la faute d'un automobiliste demeuré inconnu, en sorte qu'il est d'évidence que le
Fonds Commun avait intérêt à intervenir en la cause et que les parties civiles n'y pou-
vaient trouver qu'avantage ;
Attendu que, comme devant le premier juge, le prévenu appelant conclut à l'irre-
cevabilité de cette intervention au motif qu'en principe la compétence de la juridiction
répressive à connaître d'intérêts civils est limitée aux actions de nature civile prévues
par le Code d'instruction criminelle et les autres lois de procédure pénale et qu'elle ne
peut s'étendre à d'autres qu'en vertu - soit de dispositions dérogatoires expresses,
permettant l'intervention volontaire ou forcée (telle celle de l'assureur, en vertu de la
loi du 1-7-1956) - soit du droit de défense dont le respect impose qu'un tiers non préala-
blement appelé à la cause ne puisse être frappé par une condamnation, sanction ou autre
mesure que le juge répressif pourrait être exceptionnellement appelé à prononcer contre
lui en même temps qu'il statue à l'égard des parties originaires (v. Cass., 21-8-1958, Pas.
1958, 1, 1243) alors qu'en l'espèce il ne s'agit d'aucun de ces cas;
• Attendu que si cette argumentation a pour elle la lettre de la loi, ses effets appa-
raissent déraisonnables en ce qu'ils peuvent singulièrement compliquer la détermination
judiciaire de ia responsabilité dans les cas d'accident de roulage, tel que celui de
l'espèce, mettant en cause deux automobilistes dont l'un est demeuré inconnu et dont
les victimes sont des tiers ;
Qu'en effet, ceux-ci pourront se trouver dans la nécessité d'intenter une deuxième
procédure, civile celle-ci, avec le risque accru de devoir finalement supporter leurs dom-
mages si les juridictions successivement saisies appréciaient différemment le comporte-
ment des deux automobilistes en cause ;

Que sans doute est-ce pour échapper à de telles conséquences que, dans de
nombreu_x cas similaires à celui de l'espèce, les juridictions répressives ont admis l'inter-
vention du Fonds Commun, parfois en précisant qu'elle n'était reçue que dans la mesure
où elle avait un caractère conservatoire (v. Appel Gand, 25-6-1965, en cause Loquet,
Schokaert et le Fonds Commun) et que si c'était à tort, il faudrait considérer comme une
regrettable lacune l'inexistence d'une disposition légale autorisant expressément l'inter-
vention du Fonds Commun dans les cas dont il s'agit ;

Attendu que, quoi qu'il en soit, le prévenu a précisé verbalement devant la Cour
que son opposition à l'intervention du Fonds Commun procédait de son intérêt à ne pas
se voir opposer illégalement, dans les poursuites dont il est l'objet, un adversaire supplé-
mentaire;

Attendu que cet intérêt fait défaut en l'espèce ;

Qu'il échet en effet d'observer qu'alors même que l'intervention du Fonds Commun
n'aurait pas dû être reçue en première instance, le jugement dont appel ne comporte
aucune condamnation du prévenu à l'égard du Fonds Commun et que, d'autre part, les
parties civiles n'ont pas interjeté appel contre le jugement en tant que celui-ci a dit non
fondée leur action respective contre le Fonds Commun, en sorte que leur débouté contre
cette partie est actuellement coulé en force de chose jugée ;

Qu'il se voit ainsi que, sans l'appel dirigé contre lui par le prévenu, le Fonds
Commun ne se serait plus trouvé à la cause et qu'il ne s'y trouve maintenu que par le
seul fait du prévenu qui, cependant, lui dénie précisément le droit de s'y trouver; que
cet appel, manifestement dépourvu de tout intérêt, n'est donc pas recevable ;
Par ces motifs,
La Cour, statuant contradictoirement ;
Reçoit les appels principaux et incident, à l'exception de l'appel principal interjeté
par le prévenu contre le Fonds Commun de Garantie Automobile et statuant dans ces
limites : ...

Observations
L'arrêt annoté déclare à juste titre irrecevable l'appel formé par le prévenu à
l'égard du i=onds Commun, au motif que le jugement dont appel ne comporte aucune
condamnation du prévenu à l'égard du Fonds Commun.
Dans des motifs surabondants, l'arrêt annoté examine la recevabilité de l'interven-
tion du Fonds Commun de Garantie automobile, devant le juge répressif, lorsque le pré-
venu attribue l'accident litigieux à la faute d'un automobiliste demeuré inconnu.
L'article 9, alinéa 4, de la loi du 1er juillet 1956 dispose que l'assureur peut être
mis en cause, devant la juridiction repressive, « par la partie lésée ou par l'assuré » ou
peut intervenir volontairement.
L'article 1er de la loi du 1er juillet 1956 précise que par assureur, il faut entendre
« l'entreprise d'assurance agréée par le Roi aux termes de l'article 2, § 1er, et le Bureau
chargé du règlement des dommages causés en Belgique par des véhicules ayant leur
stationnement habituel à l'étranger ».
En vertu du principe général de la non-intervention devant le juge répressif (Cass.,
24 mars 1947, Pas. 1947. 1, 123; Cass., 21 août 1958, Pas. 1958, 1, 1243), il faudrait nor-
malement déduire que le Fonds Commun de Garantie ne peut intervenir et ne peut être
appelé en intervention devant le juge pénal.
La jurisprudence a considéré que cette solution rigoureuse n'était pas raisonnable.
-.
Cette jurisprudence a été consacrée par l'article 50, § 4 de la loi du 3 juillet 1975 relative
au contrôle des entreprises d'assurances.
1° Dans un remarquable arrêt du 21 décembre 1962 (R.G.A.R., 1963, 7169), la Cour
d'appel de Bruxelles se fondant sur une analyse des travaux préparatoires de la loi du
1er juillet 1956, a décidé que le Fonds Commun de Garantie qui doit indemniser la per-
sonne lésée par un automobiliste non assuré, peut intetvenir devant la juridiction répres-
sive (en ce sens, voy. Doc. pari., Sénat, session 1955-1956, n° 276, p. 4).
La Cour d'appel de Bruxelles devait préciser ultérieurement qu'en cas de poursuite
du chef de non assurance, le Fonds Commun est fondé à intervenir volontairement au
procès, et que cette intervention est recevable, même pour la première fois en degré
d'appel (Bruxelles, 24 avril 1964, R.G.A.R., 1964, 7341).
2° Il ne serait toutefois pas raisonnable de reconnaître au Fonds Commun de
Garantie un droit d'intervention plus étendu que celui qui est accordé à l'assureur, par
l'article 9 de la loi du 1er juillet 1956.
Cette disposition légale subordonne l'intervention de l'assureur devant le juge
répressif, à l'existence d'une action civile dirigée contre l'assuré (Cass., 25 novembre
1963, Pas. 1964, 1, 322; Cass., 24 janvier 1966, Pas. 1966, 1, 658).
C'est pourquoi, si aucune action civile n'a été intentée contre le prévenu ou la
partie civilement responsable, l'intervention du Fonds Commun de Garantie devant le
juge répressif doit être déclarée irrecevable (Bruxelles, 3 février 1971, Pas. 1971, 11, 158).
3° Lorsqu'un accident est provoqué par un automobiliste demeuré inconnu, aucune
action pénale ou civile ne peut être dirigée contre lui.
Considérant qu'il n'existe pas d'action civile possible contre le responsable inconnu
dont le Fonds Commun pourrait devoir répondre, la jurisprudence décide très logique-
ment que ,dans ce cas, l'intervention du Fonds Commun de Garantie n'est pas recevable
(Corr. Dinant, 6 juin 1966, R.G.A.R .. 1966, 7706 ; Corr. Louvain, 4 février 1965, R.W. 1965-
1966, col. 687; Corr. Liège, 16 octobre 1972, J.L. 1972-1973, p. 171).
L'arrêt annoté est, à notre connaissance, la première décision publiée en sens
contraire.
J.L.F.

Revue Générale des Assurances et des Responsabilités ( 1977 ). 9 7172


-------
Ass. accidents.
Responsabilité.
F. 323.

Wet van 1 juli 1956, art. 4; Loi du 1er juillet 1956, art. 4 ;
type-polis, art. 7. police-type, art. 7.
Uitsluiting van de echtgenote Exclusion du conjoint :
voorwaarde van samenwoning condition de cohabitation
en onderhoud. et d'entretien.

Krachtens het artlkel 7, 2° van de ver- En vertu de l'article 7-2° du contrat-type,


zekeringspolls, die de weergave is van qui reproduit le principe énoncé par l'ar-
het artlkel 4 § 1, 20 van de wet van ticle 4, § 1, 2°, de la loi du 1er Juillet
1 Juil 1956, kan de echtgenoot van de 1956, le conjoint de l'assuré n'est exclu
verzekerlngsnemer van het recht op een du bénéfice de l'assurance que s'il habite
ultkering slechts worden uitgesloten In- sous son toit et est entretenu de ses
dien zij bij laatstgenoemde inwoont én deniers.
door hem onderhouden wordt. Une séparation de fait suffit pour que la
Een feltellJke scheidlng volstaat opdat er condition de cohabitation ne soH pas
geen inwonlng meer zou zlJn. remplie.

COUR D'APPEL DE GAND. - 6 AVRIL 1976.


(Se Ch. - Siég. : MM. De Witte, Dujardin et Matthys. - St... c/ Ri... et Cie X. -
Pl. : MM•• Blanckaert loco Desguin, et De Vos - De Groote).

1. Op strafrechtelijk gebied
Overwegende dat door het opsporingsonderzoek en de behandeling van de zaak
v66r het Hof het evenals v66r de eerste Rechter ten genoege van rechte bewezen is
gebleven dat de beklaagde zich schuldig heeft gemaakt aan het hem ten laste gelegde
fait ;
dat de beklaagde, komende uit een scherpe bocht, de snelheid van zijn voertuig
niet heeft aangepast aan de plaatsgesteldheid met het gevolg dat dit aan het slippen
ging, en bezijden de rijbaan, tegen een boom terechtkwam ;
dat zijn foutieve manier van rijden het ongeval en de kwetsuren bij St... recht·
streeks veroorzaakt heeft ;
dat de door de eerste rechter toegemeten straf ais een passende en te behouden
beteugeling voorkomt.
Il. Op civielrechtelijk gebied :
Overwegende dat de eerste rechter terecht beslist heeft dat de beklaagde op grond
van zijn strafbare gedraging algeheel aansprakelijk is voor het ongeval en tot de ver-
goeding van de schadelijke gevolgen ervan gehouden is ;
dat de door de burgerlijke partij St... geleden schade oordeelkundig werd begroot
en door de partijen trouwens niet wordt betwist ;
Overwegende dat de burgerlijke partij St ... zich gegriefd acht om redan de recht-
bank de vrijwillig tussenkomende partij n.v. X ... , verzekeraarster van het motorrijtuig waar-
mede het ongeval gebeurd is, niet medeveroordeeld heeft tot vergoeding van haar schade,
en er zich toe beperkt heeft het vonnis op civielrechtelijk gebied aan deze laatste gemeen
en tegenstelbaar te verklaren ;
Overwegende dat de vrijwillig tussenkomende partij n.v. X... niet betwist dat de
getroffene in principe, krachtens het artikel 6 van de wet van 1 juli 1956 betreffende de
verplichte verzekering inzake motorrijtuigen, een eigen recht tegen de verzekeraar van
het voertuig kan doen gelden, doch opwerpt dat in het onderhavig gavai de benadeelde
St... in haar hoedanigheid van echtgenote van de bestuurder en verzekeringsnemer Ri ...
krachtens het artikel 7, 2 van de door hem onderschreven verzekeringspolis uitgesloten is
van het recht op uitkering van welkdanige schade uit hoofde van het bewuste ongeval ;
Overwegende dat het voormelde artikel 7, 2 stipuleert dat de echtgenoot van de
bestuurder en/of de verzekeringsnemer alsmede hun bloed- en aanverwanten in de rechte

Revue Générale des Assurances et des Responsabilités ( 1977 ). 9718


li nie van het recht op uitkering uitgesloten zijn, mils deze bij hen inwonen en door hen
worden onderhouden ;
Overwegende dat het artikel 7, 2° van de verzekeringspolis enkel de getrouwe
weergave is van het artikel 4 paragraaf 1, 2° van de wet van 1 juli 1956, hetwelk een
dwingende wetsbepaling is ;
dat uit de teks! van gezegde wetsbepaling op een ondubbelzinnige wijze blijkt dat
zowel de echtgenoot ais de bloed- en aanverwanten in rechte linie van de bestuurder
en/of verzekeringsnemer van het recht op een uitkering slechts kunnen uitgesloten wor-
den indien zij bij laatstgenoemde inwonen én door hem onderhouden worden (Cass.,
22 september 1972, R.W. 72-73, kol. 1671-1672) ;
dat de uitsluiting slechts geldt indien de beide voorwaarden verenigd zijn ; dat een
« feitelijke scheiding » volstaat opdat er geen inwoning meer zou zijn ;
Overwegende dat de verbalisanten in hun proces-verbaal vermelden dat de echt-
genoten Ri... sinds geruime tijd v66r het ongeval nie! meer samenwoonden ; dat de
echtgenoot Ri. .. het echtelijk dak had verlaten en afzonderlijk was gaan wonen te Merel-
beke (stuk 2) ;
dat de overgelegde stukken tevens aantonen dat St... haar echtgenoot reeds v66r
het ongeval bij exploot van gerechtsdeurwaarder Raoul Geldof dd. 6 december 1971
v66r de Voorzitter van de rechtbank van eerste aanleg te Gent, zetelende in kart geding,
had doen dagvaarden met het oog op het bekomen van voorlopige maatregelen staande
het geding van echtscheiding, dat reeds einde november 1971 door haar echtgenoot tegen
haar was ingeleid geworden ; dat een van de door haar gevraagde maatregelen ertoe
strekte haar echtgenoot te verplichten voortaan bij te dragen in haar onderhoud ;
Overwegende dat, vermits de benadeelde op het ogenblik van het ongeval bij de
beklaagde niet meer inwonende en zij door hem niet meer onderhouden werd, zij haar
re.cht op schadeloosstelling eveneens tegen de verzekeraar rechtstreeks kan doen
gelden;
dat de beklaagde en de vrijwillige tussenkomende partij in solidum gehouden zijn
lot vergoeding van haar schade ;

Observations :
Voyez Cass., 22 septembre 1972, R.G.A.R., 1973, 9083, obs.; Cass. fr., 7 juin 1967,
Gaz. Pal., 1967, Il, 147; Rev. trim. dr. civ. 1968, p. 715, n° 4, note Durry.
Assurance accidents.
Responsabilité.
F. 323.

Wet van 1 juli 1956, art. 4, Loi du 1er juillet 1956, art. 4,
type-polis, art. 7. police-type, art. 7.
Uitsluiting van de echtgenoot Exclusion du conjoint -
Huwelijk na het ongeval Mariage postérieur à l'accident :
geen uitsluiting. pas d'exclusion.

Het recht van het slachtoffer tegen de Le droit propre de la victime contre l'as-
verzekeraar van de verantwoordelljke be- sureur du responsable existe dès le
staat vanaf het ogenblik zelf van het moment même de l'accident. La victime
ongeval. qui dispose d'un droit propre contre l'as-
Het slachtoffer dat een elgen recht bezit sureur ne le perd pas si, après l'acci-
tegen de verzekeraar, verllest dit niet In- dent, elle épouse le responsable, malgré
dien, na het ongeval, het met de verant- l'exclusion du conjoint de l'assuré du
woordelijke huwt, spljts het beding vervat bénéfice de l'assurance, prévue par l'ar-
ln het art. 7 van het type-kontrakt waar- ticle 7 du contrat-type.
blj de echtgenoot van de verzekerde van
het voordeel van de verzekerlng ls ult-
gesloten.

TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE CHARLEROI. - 26 AVRIL 1976.


(8• Ch. - Siég. : M. Morimont. - « Geiger c/ Bertrand et c/ S.A. Groupe Eagle Star ». -
Pl. : MM•• Leclef, Liard, 't Kint).

Attendu qu'en n'adaptant pas sa vitesse à la configuration des lieux, de manière


à pouvoir s'arrêter devant un obstacle prévisible, l'inculpé a contrevenu à l'obligation
de l'article 27/1 du Règlement sur le roulage et dès lors manqué de prévoyance et de
précaution.
Civil :
Attendu que les constitutions de partie civile et action en intervention volontaire
de la S.A. Eagle Star, sont recevables ;
Que c'est à tort que l'intervenante volontaire, se fondant sur les dispositions de
l'articel 7 du contrat-type reproduisant l'art. 4 § 2 de la loi du 1er juillet 1956, conteste la
recevabilité de la demande de la partie civile Geiger aux motifs que celle-ci, étant
actuellement l'épouse du prévenu serait exclue du bénéfice de l'assurance ;
Attendu que le droit à réparation trouve sa cause dans l'accident et « naît et se
consomme au moment même de sa naissance » (De Page, T. I, n° 232, page 344) ;
Que la partie civile doit donc être considérée comme tiers au sens légal, le
mariage subséquent du responsable et de la victime n'étant pas prévu dans l'énuméra-
tion limitative de l'article précité ;
Atendu que l'entière responsabilité de l'accident litigieux incombant au seul pré-
venu, les parties civiles sont fondées à lui réclamer réparation de l'intégralité de leur
dommage respectif en relation de causalité avec sa faute.

Observations
Il est de principe que la confusion des patrimoines de la personne lésée par un
accident et de l'assuré, résultant soit d'une succession soit d'un régime matrimonial, ne
libère pas l'assureur de son obligation d'indemniser directement la personne lésée (Cass.,
26 octobre 1962, R.G.A.R., 1964, 7303). Le mariage de la victime et de l'auteur de l'acci-
dent, postérieurement à celui-ci, ne prive pas la victime du droit d'exiger de son conjoint,
la réparation de son préjudice (Poitiers, 6 avril 1965, J.C.P. 1966, Il, n° 14511, note Ségur ;
Gand, 11 décembre 1970, R.W., 1970-1971. col. 1523; Gand, 12 décembre 1973, B.A.,
1974, p. 621).

Revue Générale des Assurances et des Responsabilités ( 1977).

--
9719
Assurances ace,dents.
Cessation du risque.
F. 327.

Autoverzekering Assurance automobile


Echtgenoten - Man verkoopt Epoux - Vente de son véhicule
zijn voertuig - Vrouw koopt een par le mari - achat d'un nouveau
nieuw voertuig en oefent een beroep véhicule par l'épouse exerçant
uit - Geen vervanging van het une profession - Pas de remplace-
voertuig van de man door dit ment du véhicule du mari
van de vrouw. par celui de l'épouse.

De echtgenote die een beroep ultoefent L'épouse, dès lors qu'elle exerce une
heeft het recht zlch een auto aan te profession, a le droit de se procurer de
schaffen met de opbrengst van haar manière indépendante une voiture auto•
beroep {art. 226, 7° B.W.). mobile grâce aux revenus de son travail
Ook ln het stelsel van gemeenschap van {Art. 226, 7, C.c.). Elle jouit de la même
goederen is zij rechtsbekwaam om een capacité de conclure le contrat d'achat
koopkontrakt af te slulten. d'une automobile, même dans le cadre
De gebeurlijke toelatlng hlervoor door de d'un régime de communauté de biens.
echtgenoot gegeven, lmpliceert nlet dat L'éventuelle autorisation du mari n'lm•
hlj het voertulg kocht, noch in eigen plique nullement qu'il ait acheté le véhl·
naam, noch ais hoofd van de huwgemee,n- cule, soit en son nom personnel, soit en
schap. sa qualité de chef de la communauté.
Meteen vervangt het voertuig door de De ce fait, le véhicule acheté par
echtgenote aangekocht geenszins datgene l'épouse ne remplace e,n aucune manière
dat door de echtgenoot werd verkochl celui qui a été vendu par son mari. L'as•
De verzekeraar van laatstgenoemd voer- sureur de ce dernier véhicule ne peut
tulg kan dus geen aanspraak maken op donc prétendre au paiement des primes
de betallng van de premles die betrek- afférentes au véhicule de l'épouse.
klng hebben op het voertulg van de
echtgenote.

TRIBUNAL CIVIL DE HASSELT. - 28 JUIN 1976.


(1 • Ch. - Siég. : MM. Moens, prés. ; Clercx, Bertrand. - En cause de : N.V. Camer c/
Janssens. - Pl. : MM•• Van Helmont et Lievesoms).

De oorspronkelijke vordering strekt tot de veroordeling in betaling van de som


van 7.884 F, zijnde de premie van 18 mei 1974, eisbaar ingevolge polis nr 164.793;
De feiten :
Op 16 maart 1966 verzekert geïntimeerde zijn voertuig « Neckar 1962 - 770 cc. »
in burgerlijke aansprakelijkheid bij appellante onder polis nr 130.655, met vervaldag
19.11.1976;
Wanneer geïntimeerde een ander voertuig koopt, namelijk « Peugeot 404 1967 -
1618 cc. », laat hij dit voertuig eveneens verzekeren bij appellante onder polis nr 130.655,
bijvoegsels nr 1 tot en met 5 ;
ln mei 1973 koopt Mevrouw Monique Schepkens, echtgenote van geïntimeerde,
een Peugeot 404 en laat dit voertuig in burgerlijke aansprakelijkheid verzekeren bij
OMOB;
ln augustus 1973 verkoopt geïntimeerde zijn voertuig, zegt de polis nr 130.655 op
en zendt het inschrijvingsbewijs aan de bevoegde dienst terug ;
Het bestuur van vervoer, dienst van het wegverkeer te Brussel bevestigt geïnti-
meerde dat diens inschrijvingsnummer 13 BL 1 is geschrapt van 25 juli 1973 af en dat
deze laatste de officiële plaat heeft teruggestuurd.
Op verzoek van appellante vernietigt OMOB de polis B.A., afgesloten met Mevrouw
Schepkens, bij het einde van het eerste verzekeringsjaar. Appellante maakt de polis
nr 164.793 ter ondertekening over aan geïntimeerde op 2.11.1973 ten einde de Peugeot
404 - 1973 te verzekeren in B.A. ;

Revue Générale des Assurances et des Responsabilités ( 1977 ). 9720


Mevrouw Schepkens laat kwestieus voertuig echter verzekeren bij de « Royale
Belge";
ln rechte
Appellante vordert betaling van de premie van 18 mei 1974 ingevolge polis
nr 164.793.
De rechtbank stelt vast dat laatstgenoemde polis niet door geïntimeerde werd
ondertekend, zodat appellante niet gerechtigd is een rechtsvordering op basis van deze
polis in te stellen ;
Vooreerst wijkt appellante af van de door haar voorheen toegepaste werkwijze
waarbij ze een nieuw bijvoegsel aan de oorspronkelijke polis liet ondertekenen, zodat
haar verzekerde zijn voertuig verving ;
Uit geen enkele bepaling van het oorspronkelijk kontrakt blijkt dat geïntimeerde
in de loop van de verzekeringstermijn van 10 jaar verplicht kan worden een nieuwe polis
te ondertekenen, waarvan de premie, hetzij aangepast, verhoogd is van 4.793 F tot
7.784 F;
Appellante zou enkel gerechtigd zijn een premie te vorderen op basis van polis-
nummer 130.655 geschorst sedert 1.8.1973 indien deze laatste volgens haar algemene
voorwaarden terug in werking is getreden ;
Artikel 33 van de algemene voorwaarden bepaalt dat het kontrakt van kracht blijft
zo het overgedragen voertuig onmiddellijk door een ander wordt vervangen ;
-Noch enè noch de andere voorwaarde is vervuld ;
Het nieuwe voertuig Peugeot 404 verving geenszins· de door polis nr 130.655 ver-
zekerde aUto, daar ·de aankoop ·van het nieuwe voertuig door Mevrouw Schepkens de
verkoop van het oude voertuig door verweerder voorafging.
Geïntimeerde heeft evenmin een ander voertuig in dienst gesteld, daar niet hij,
doch wel zijn echtgenote het nieuwe voertuig kocht ;
Deze laatste is, zelfs in het stelsel van gemeerischap van goederen, rechtsbekwaam
een koopkontrakt af te sluiten en de mogelijke toelating hiervoor door geïntimeerde
gegeven, impliceert niet dat hij het voertuig kocht, noch in eigen naam, noch ais hoofd
der gemeenschap ;
Mevrouw Schepkens, onderwijzeres, heeft het recht zich een auto aan te schaffen
met de opbrengst van haar beroep - (artikel 226/7° B.W.) - Haar lucratieve arbeid laat
haar alleszins toe om onafhankelijk over een persoonlijk voertuig te beschikken ;
Het beroep is derhalve ongegrond ;
Gelet op de voorschriften van de artikelen 2-30 tot 37 der wet van 15 juni 1935
op het taalgebruik in gerechtszaken die nageleefd werden ;

Om deze redenen,
De Rechtbank, zetelende in graad van beroep, ...
Ontvangt het beroep en verklaart het ongegrond ;
Bevestigt het bestreden vonnis in al zijn schikkingen ;
Accident du travail.
Cours du travai 1.
F. 360.

Arbeidsongeval. Accident du travail.


Schorsing van het bediendenkontrakt Suspension du contrat d'emploi -
- beroepsdaad tijdens de schorsing acte des fonctions accompli
eigenmachtigd gesteld pendant la suspension -
door de werknemer. acte accompli par le travailleur
de sa propre autorité.

Wanneer een werknemer, wiens kontrakt Lorsqu'un travailleur dont le contrat a été
geschorst werd, vrljwillig en eigenmachtig suspendu, accomplit bénévolement et de
een daad stelt i.v.m. zijn funkties zonder sa propre autorité un acte e,n rapport
de werkgever ervan in kennis gesteld te avec ses fonctions sans que l'employeur
hebben, dan is het ongeval dat zlch ait été tenu au courant, l'accident sur-
voordoet te dler gelegenheid geen ar- venu à cette occasion n'est pas un acci-
beldsongeval. dent du travail.

COUR DU TRAVAIL DE BRUXELLES. - 9 FEVRIER 1976.


(9• Ch. - Siég. : M. Rémion, président ; cons. soc. : MM. Bonaventure et Dupont.
En cause : Paquay c/ Cie de Bruxelles et S.A. Royale belge. - Pl. : MM•• Le Coq
de Pletinckx, Planche et Lion).

Attendu qu'introduits dans les formes et délais légaux, les appels sont recevables ;
Attendu que la demande introduite par l'appelante tend à faire condamner la pre-
mière intimée à lui payer, tant pour elle-même que pour ses enfants mineurs, les rentes
et indemnités dues du fait du décès du mari de l'appelante dans un accident du travail
ou sur le chemin du travail ; que la deuxième intimée fut appelée en intervention en vue
de lui faire déclarer commun le jugement à intervenir ;
Attendu que le premier juge a rejeté la demande, en décidant que l'accident liti-
gieux n'était pas un accident du travail ou sur le chemin du travail ;
Attendu qu'il est établi, et d'ailleurs non contesté, qu'ayant donné son préavis de
rupture, venant à échéance le 15 décembre 1969, feu le mari de l'appelante décida,
d'accord avec son employeur, de prendre, pendant les quinze derniers jours de son
contrat, son congé annuel qu'il n'avait pas encore épuisé ; que le carnet où il portait
ses prestations journalières fut ainsi arrêté au 28 novembre 1969 ;
Attendu que l'accident mortel dont il fut victime s'est produit le 3 décembre 1969,
vers 23 heures, alors qu'il revenait d'un dîner pris en compagnie d'une relation d'affaires ;
Attendu qu'il est possible, sinon même probable, qu'au cours de ce dîner, dont il
semble avoir été convenu dans le courant du mois de novembre, il ait été parlé
d'affaires intéressant l'employeur du défunt ;
Qu'il n'est cependant pas établi, ni même allégué, que cet employeur aurait été
tenu au courant et aurait approuvé l'intention qu'aurait eue le défunt de traiter des
affaires pour lui, alors que son activité professionnelle avait été conventionnellement
suspendue par l'accord intervenu sur son départ en congé ;
Attendu qu'ainsi que le souligne justement le premier juge, c'est donc de sa
propre autorité et bénévolement que, pendant ses vacances annuelles, le défunt a ren-
contré le client en question ; que, malgré le caractère louable des intentions qui sem-
blent avoir déterminé cette rencontre, celle-ci s'est produite en dehors de la période
d'exécution du contrat d'emploi ; qu'à bon droit le premier juge en a conclu que l'acci-
dent litigieux n'était ni un accident du travail, ni un accident sur le chemin du travail ;
Par ces motifs, la Cour, ...
Statuant contradictoirement,
Déclare les appels recevables, les dit non fondés.
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions. Met à la charge de la
première intimée les dépens de l'appel exposés par elle, taxés à 3.840 francs, et par
l'appelante au principal, taxés à 3.838 francs.
Laisse à la charge de la partie intervenante, appelante sur incident, ses dépens
d'appel, taxés à 3.840 francs.

Revue Générale des Assurances et des Responsabilités ( 1977 ). 9721


Accident sur le chemin
du travail.
F. 362.

Arbeidswegongeval - gewoon Accident sur le chemin du travail -


trajekt. trajet normal.
Belangrijke omweg - Détour important - cause légitime
wettige oorzaak - overmacht. - force majeure.

De gevolgde arbeldsweg mag ais nor- Le trajet du chemin du travail peut être
maal beschouwd worden voor zover de considéré comme normal lorsque le dé-
omweg nlet belangrijk is en een gewet- tour n'est pas important et que la cause
tigde oorzaak heeft. en est légitime. Lorsque le détour est
ls de omweg echter wel groot zonder ge- important sans être justifié par la force
rechtvaardigd te zijn door overmacht dan majeure, le trajet cesse d'être norm·al.
ls de reisroute niet langer normaal.

COUR DE CASSATION. - 31 MARS 1976.


(3• Ch. - Siég. : M. Polet, cons. ; Rapporteur : M. Closon, cons. ; Min. publ. : M. Velu,
Avocat général. - Malengreau c/ Belgique Industrielle. - Pl. : MM•• Bützler et Fally).

Ouï Monsieur le Conseiller Closon en son rapport et sur les conclusions de


Monsieur Velu, Avocat général ;

Vu l'arrêt attaqué, rendu le 23 octobre 1974 par la Cour du travail de Bruxelles,


section de Mons ;

Sur le moyen pris de la violation des articles 8, spécialement paragraphe premier,


alinéas 1er et 2, de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail et 97 de la
Constitution,

en ce que, après avoir constaté que le 18 mai 1972, le demandeur avait quitté
à 6 heures l'usine où il travaillait à Jemappes, qu'il avait emmené dans sa voiture un
compagnon de travail, ayant comme lui sa résidence à Quaregnon, pour le conduire
à Wasmes, où ce compagnon devait se rendre, et qu'il regagnait le lieu de sa propre
résidence quand, à proximité de celle-ci, vers 6 heures 20, il avait été victime d'un acci-
dent du roulage, et, en présence des conclusions du demandeur faisant valoir que le
détour qu'il avait effectué pour se rendre du lieu de l'exécution de son travail au lieu
de sa résidence avait une cause légitime, parce qu'il avait voulu épargner à son compa-
gnon de devoir faire une longue marche sous la pluie après une nuit de travail, l'arrêt
met à néant, sauf en ce qui concerne les dépens, le jugement du premier juge, et décide
ainsi que l'accident n'est pas survenu sur le chemin du travail, aux motifs que si, selon
certaine opinion, le travailleur qui fait un détour pour déposer à domicile un compagnon
de travail se trouve sur le chemin du travail, cet exemple « ne peut en aucun cas être
retenu en la cause où la victime a déposé son compagnon de travail à un endroit, très
éloigné de son domicile, où il avait un travail à effectuer » et que « dès lors qu'il est
établi que le compagnon de travail à reconduire réside non loin de la résidence de la
victime, il est vain, pour celle-ci, de tenter de justifier un détour nécessité uniquement
par le transport dudit compagnon en un autre endroit, quel que soit le caractère du
mobile qui l'inspire pour justifier un tel transport »,

alors que le caractère normal du trajet parcouru par un travailleur, victime d'un
accident, pour se rendre du lieu de son travail au lieu de sa résidence et, par consé-
quent, le caractère légitime du détour qu'il a effectué ne peuvent être appréciés que par
rapport aux circonstances propres à ce travailleur et à ses motifs personnels, en sorte
qu'en se fondant sur des éléments visant exclusivement le compagnon du demandeur
pour décider que le demandeur ne se trouvait pas sur le chemin du travail au moment
de l'accident, l'arrêt viole la notion légale de l'accident survenu sur le chemin du travail
(violation de l'article 8 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail) et qu'en
n'examinant pas la cause légitime invoquée par le demandeur pour justifier le détour qu'il
avait effectué afin de conduire son compagnon de travail où celui-ci devait se rendre,
. l'arrêt n'est à tout le moins pas régulièrement motivé (violation de l'article 97 de la
Constitution) :

Revue Générale des Assurances et des Responsabilités ( 1977 ). 9722


Attendu que l'arrêt constate que l'accident s'est produit le 18 mai 1972 alors que,
ayant quitté le lieu d'exécution du travail et après avoir pris l'initiative de conduire un
compagnon de travail qui devait se rendre à un autre endroit afin de travailler pour le
compte d'un tiers, le demandeur rejoignait sa résidence ;

Que l'arrêt relève, en outre, que le demandeur avait « effectué un parcours supplé-
mentaire de sept à huit kilomètres dans chaque sens » et précise que sa résidence était
« distante de l'usine d'environ un ou deux kilomètres » ;

Que l'arrêt constate que le détour était important ;

Attendu qu'ainsi, contrairement à l'affirmation du moyen, l'arrêt ne se fonde pas


sur des éléments concernant exclusivement le compagnon de travail ;

Attendu que le demandeur alléguait que le détour fait par lui était justifié par le
souci d'éviter à son compagnon de travail une longue marche sous la pluie ;

Attendu qu'aux termes de l'article 8, paragraphe 1er, alinéa 2, de la loi du


10 avril 1971 sur les accidents du travail, le chemin du travail s'entend du trajet normal
que le travailleur doit parcourir pour se rendre de sa résidence au lieu de l'exécution
du travail, et inversement ;

Attendu qu'un trajet peut être considéré comme normal lorsque le détour n'est
pas important et que la cause en est légitime, mais que, lorsque le détour est important
sans être justifié par la force majeure, le trajet cesse d'être normal au sens de l'article 8
précité;

Attendu que, dè~ lors, en décidant que l'accident litigieux n'était pas un accident
survenu sur le chemin du travail au motif que, quels que soient les mobiles qui avaient
inspiré le demandeur, le détour important qu'il avait fait n'était pas justifié, l'arrêt n'a
violé aucune des dispositions légales visées au moyen ;

Qu'en aucune de ses branches, le moyen ne peut être accueilli ;

Attendu qu'en vertu de l'article 68 de la loi du 10 avril 1971, les dépens sont à
charge de la défenderesse ;

Par ces motifs,

Rejette le pourvoi ;

Condamne la défenderesse aux dépens.


Ace. trav.
Loi l 0-4-1971.
F. 373.

Arbeidsongeval. Accident du travail.


Art. 36 en 37 : bazisloon Art. 36 et 37 : salaire de base
van de mijnwerker die geniet de l'ouvrier mineur bénéficiaire
van een invaliditeitspensioen. d'une pension d'invalidité.

Het art. 37 van de wet van 10 aprll 1971 L'article 37 de la loi du 10 avril 1971
voorzlet dat in geval de begunstigde van dispose que lorsque le bénéficiaire d'une
een rust- of overlevingspensloen een be- pension de retraite ou de survie exerce
taalde aktivlteit uitoefent, binnen de per- une activité lucrative dans les limites
ken van het art. 64 K.B. 21-Xll-1967, het permises par l'article 64 de l'arrêté royal
bazisloon dan, ln afwljking van de arti- du 21 décembre 1967, le salaire de base
kelen 34 tot 36 van voornoemde wet, est, par dérogation aux articles 34 à 36
vastgesteld wordt met lnachtneming van de la même lol, fixé en fonction exclu-
het loon ingevolge het verrichten van de sive de la rémunération qui est due en
toegelaten arbeld. raison de l'accomplissement du travail
Geen enkele wetsvoorzlenlng, noch het autorisé.
K.B. van 19 november 1970, noch de Aucune disposition légale, ni l'A.R. du
B.W. van 10 januari 1945 waarnaar de 19 novembre 1970, ni l'A.L. du 10 janvier
eerste tekst verwijst, noch het art. 37 van 1945 auquel le premier texte se réfère, ni
de wet van 10 april 1971 laten toe de l'article 37 de la loi du 10 avril 1971
lnvaliditeitspensioen van de mijnwerker ne permettent d'assimiler la pension d'in-
gelijk te stellen met het rust- of overle- validité d'ouvrier mineur à la pension de
vlngspensloen. retraite ou de survie.
Dergelijke gelijkstelHng vindt evenmin Cette asslmllatlon ne trouve pas plus
steun in de voorbereidende werkzaam- d'appui dans les travaux préparatoires de
heden ~an de wet van 10 april 1971. la loi du 10 avril 1971.
Overig,ens wijkt het art. 37 af van de al- Au dem,eurant, l'article 37 déroge aux
gemene princiepes vastgelegd ln de a,rti- principes généraux définis par les arti-
kels 34 toi 36 en is dienvolgens van cles 34 à 36 et est, en conséquence, de
strlkte interpretatie. stricte interprétation.
Het basisloon van de mijnwerker begun- Le salaire de base de l'ouvrier mineur
stigde van een lnvaliditeitspensoen, moet bénéficiaire d'une pension d'invalidité
meteen berekend worden op grond van doit dès lors être calculé sur pied du
het voorschrlft van artikel 36. prescrit de l'article 36.

COUR DE CASSATION. - 30 JUIN 1976.


(3• Ch. - Siég. : MM. Polet, cons. prés. de section, Capelle, Meeùs, Janssens, et
Mme Raymond, cons. ; M. Ballet, Av. gén. - En cause : llardo c/ Royale Belge.
Pl. : MM•• A. Houtekier et A. De Bruyn).

Ouï Monsieur le Conseiller Capelle en son rapport et sur les conclusions de


Monsieur Ballet, Avocat général ;
Vu l'arrêt attaqué, rendu le 3 octobre 1975 par la Cour du travail de Mons ;
Sur le moyen pris de la violation des articles 24, 25, 34, 36, paragraphe 1er, 37, 72
de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, 64, paragraphes 1er et 4 de l'arrêté
royal du 21 décembre 1967 portant règlement général du régime de pension de retraite
et de survie des travailleurs salariés, modifié par les arrêtés royaux du 17 juillet 1972 et
du 11 avril 1973, 1er, paragraphes 1er et 4, 2, paragraphe 3, 13 de l'arrêté royal du
19 novembre 1970 relatif au régime de pension d'invalidité des ouvriers mineurs, modifié
par l'arrêté royal du 11 août 1972, et 97 de la Constitution,
en ce que l'arrêt a fixé le salaire de base du demandeur à une somme de
117.923 francs aux motifs que le législateur, en employant les termes « pension de
retraite et de survie » dans l'article 37 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du
travail, n'a pas voulu limiter l'application de cet article aux seuls bénéficiaires des presta-
tions intitulées « pension de retraite et de survie » ; que bien au contraire ce texte s'ap-
plique à tout bénéficiaire de pension dont l'octroi est subordonné à la cessation totale
ou à la limitation de l'activité rémunérée ; que le demandeur, pensionné invalide mineur.

Revue Générale des Assurances et des Respon_çabilités ( 1977). 97231


est également tenu de respecter ies limitations que lui impose l'article 13 de l'arrêté
royal du 19 novembre 1970 re!atif au régime de pension d'invalidité des ouvriers mineurs;
que surabondamment, il est inopportun d'envisager la suppression éventuelle de la pen-
sion du chef de reprise d'une activité professionnelle ou une suspension de la pension ;
qu'en effet l'indemnisation forfaitaire ne peut intervenir qu'eu égard à une période de
référence, en l'espèce le salaire réel de l'année ayant précédé l'accident ; qu'enfin l'inca-
pacité du travailleur accidenté doit s'apprécier au moment de la consolidation des
lésions, indépendamment de toute modification de son activité professionnelle ultérieure,
alors que, première branche, le demandeur dont la rémunération est incomplète
à cause d'une maladie occasionnelle, a droit à une rémunération complétée pour les
journées non prestées ; que la détermination du salaire de base en fonction exclusive
de la rémunération qui est due en raison de l'accomplissement du travail autorisé est
dérogatoire aux droits du demandeur et seulement prévue pour les personnes bénéficiant
d'une pension de retraite ou de survie, qui n'est payée qu'à condition que les limites
légales du travail autorisé ne soient pas dépassées et ne peut être appliquée par analogie
au demandeur qui bénéficie d'une pension d'invalidité d'ouvrier mineur, même si cette
pension d'invalidité est allouée sous les mêmes conditions de limitation du travail (viola-
tion des articles 34, 36, paragraphe 1er, et 37 de la loi du 10 avril 1971, 1er, para-
graphe 1er et 4, 2, paragraphe 3, 13 de l'arrêté royal du 19 novembre 1970, 64, para-
graphes 1er et 4 de l'arrêté royal du 21 décembre 1967) ;
deuxième branche, la pension d'invalidité dont bénéficie le demandeur revêt un
caractère provisoire et peut être retirée à la suite de l'évolution de son état de santé ;
que, dès lors, les limites imposées au travail du demandeur par la réglementation con-
cernant cette pension ne peuvent légalement être prises en compte pour réduire le salaire
de base du demandeur en matière de législation sur les accidents du travail ; que le fait
que l'on peut toujours renoncer à une pension ne justifie pas la décision critiquée (vio-
lation des articles 1er, paragraphes 1er et 4, 2, paragraphe 3, 13 de l'arrêté royal du
19 novembre 1970, 64, paragraphes 1er et 4, de l'arrêté royal du 21 décembre 1967, 34,
36, paragraphe 1er, et 37 de la loi du 10 avril 1971, 97 de la Constitution);
troisième branche, le fait que l'incapacité du travailleur accidenté doit être appré-
ciée au moment de la consolidation des lésions est étranger aux limitations du travail
déduites de la législation sur la pension d'invalidité du demandeur ; que d'autre part,
l'incapacité de travail du demandeur peut être influencée par l'évolution de son état
physique après la consolidation des lésions (violation des articles 24, 25, 34, 37, 72 de
la loi du 10 avril 1971, 13 de l'arrêté royal du 19 novembre 1970) :
Attendu que l'arrêt constate que le demandeur, admis à la pension d'invalidité des
ouvriers mineurs, à partir du 1er août 1967, a été la victime, le 5 mars 1973, d'un acci-
dent du travail, alors qu'il éait manœuvre au service d'une entreprises assurée par la
défenderesse ; que, confirmant le jugement dont appel, l'arrêt fixe le montant de la
rémunération de base du demandeur en faisant application de l'article 37 de la loi du
10 avril 1971 sur les accidents du travail, aux termes duquel, lorsque la victime bénéficie
a·une pension de retraite ou de survie qui n'est payée qu'à la condition que les limites
légales du travail autorisé ne soient pas dépassées, la rémunération de base est déter-
minée en fonction exclusive de la rémunération qui est due en raison de l'accomplisse-
ment du travail autorisé ;
Attendu que l'arrêté royal du 19 novembre 1970 relatif au régime de pension d'in-
validité des ouvriers mineurs trouve son fondement légal dans l'arrêté-loi du 10 janvier
1945 concerant la sécurité sociale des ouvriers mineurs et assimilés; que les dispositions
de cet arrêté-loi et spécialement son article 1er, 1° et 2°, établissent une distinction entre
les pensions de retraite et de survie, d'une part, et la pension d'invaldité d'ouvrier
mineur, d'autre part ;
Que cette distinction ressort encore de l'article 1er, paragraphe 3, de l'arrêté
royal du 19 novembre 1970 en vertu duquel la pension d'invalidité d'ouvrier mineur n'est
pas accordée ou cesse d'être due lorsque l'ouvrier est bénficiaire d'une pension de
retraite en application de l'arrêté royal n° 50 du 24 octobre 1967 relatif à la pension de
retraite et de survie des travailleurs salariés ou lorsque l'ouvrier est âgé de 65 ans ;
Attendu que l'article 37 de la loi du 10 avril 1971 ne fait mention que des victimes
d'un accident du travail qui bénficient d'une pension de retraite ou de survie ;
Que les travaux préparatoires ne permettent pas d'affirmer que le législateur aurait
entendu, pour l'application de cette disposition légale, assimiler le bénéficiaire d'une
pension d'invalidité d'ouvrier mineur au bénéficiaire d'une pension de retraite ou de
survie ;
Que l'article 37 précité limite, dans le cas qu'il precIse, l'application des règles
établies par les articles 34, 35 et 36 pour le calcul de la rémunération de base ; que
dérogeant à ces articles, le texte est de stricte interprétation et ne peut être appliqué
par analogie ;
Attendu que l'article 13, paragraphe 1er, de l'arrêté royal du 19 novembre 1970,
modifié par l'arrêté royal du 11 août 1972, détermine les limites légales du travail autorisé
de l'ouvrier mineur bénéficiaire d'une pension d'invalidité, par référence aux dispositions
de l'article 64 de l'arrêté royal du 21 décembre 1967 portant règlement général du régime
de pension de retraite et de survie des travailleurs salariés ;
Que de cette seule référence ne se déduit pas que, pour l'application de l'arti-
cle 37 de la loi du 10 avril 1971, la pension d'invalidité d'ouvrier mineur doit être assi-
milée à une pension de retraite ou de survie ;
Attendu qu'en vertu de l'article 1er, paragraphe 4, de l'arrêté royal du 19 novem-
bre 1970, la pension d'invalidité d'ouvrier mineur peut être retirée lorsque l'incapacité
de travail dans les entreprises minières en raison de laquelle l'ouvrier a été admis à la
pension, n'est plus établie ; qu'elle n'a donc pas, comme la pension de retraite, un
caractère définitif ;
Attendu qu'enfin, le cumul de la pension d'invalidité d'ouvrier mineur avec des
prestations accordées en exécution de la législation relative à la réparation des dom-
. mages résultant des accidents du travail est réglée par l'article 23, paragraphe 4, dudit
arrêté royal du 19 novembre 1970;
Attendu qu'en étendant l'application de l'article 37 de la loi du 10 avril 1971 au
bénéficiaire d'une pension d'invalidité d'ouvrier mineur, l'arrêt a méconnu le sens et la
portée de cette disposition légale ;
Que le moyen est fondé ;
Attendu qu'en vertu de l'article 68 de la loi du 10 avril 1971 la défenderesse doit
être condamnée aux dépens ;

Par ces motifs,


Casse l'arrêt attaqué en tant seulement qu'il fixe la rémunération de base du
demandeur pour l'application de la loi sur les accidents du travail ; ...

Observations :
L'arrêt publié est d'importance. Il est le premier à se prononcer sur le contenu de
l'article 37 de la loi nouvelle et sur le cumul de la pension d'ouvrier mineur avec la répa-
ration des dommages résultant des accidents du travail.
La solution adoptée par la Cour doit être approuvée.
Elle se justifie pour les raisons résumées au sommaire, mais également parce que,
comme l'a souligné la Cour, il n'y a aucune commune mesure entre une pension de
retraite et une pension d'invalidité. La première est définitive, la seconde peut être tem-
poraire : elle peut être supprimée dès lors que cesse l'invalidité.
Sur le plan de la ratio legis, on relèvera que les hypothèses diffèrent également.
Le travailleur pensionné qu'il s'agit d'indemniser n'a plus, en vertu de la loi orga-
nisant le régime des pensions de retraite et de survie qu'une " capacité » juridique de
travail limitée dans le temps. C'est la perte de cette capacité limitée qu'il convient d'in-
demniser en cas d'accident du travail.
L'ouvrier mineur ne connaît pas cette limitation légale ; si ce n'était son invalidité,
il bénéficierait d'une pleine ,. capacité » juridique de travail.
C'est ce qui explique d'une part que le salaire de base de l'ouvrier mineur n'est
pas limité au produit de l'activité lucrative qu'il peut encore exercer dans les limites de
la loi, et d'autre part, que le cumul de la pension d'invalidité avec la réparation des
dommages consécutifs aux accidents du travail est permise dans une certaine mesure
(Ainsi doit se comprendre la référence - inattendue - de l'arrêt rapporté à l'article 23,
§ 4 de l'A.R. du 19 novembre 1970).

Marc GROSSMANN.

Revue Générale des Assurances et des Responsabilités ( 1977 ). 9 7232


Accidents du travail.
Prescription.
F. 380.

Arbeidsongeval. Accident du travail.


Verjaring - aanvang - stuiting. Prescription - point de départ -
interruption.

De driejarig verjaring van de vordering La prescription triennale de l'action en


tot betaling van de arbeldsongevallenver- payement des indemnités d'accident du
goedingen kan worden gestuit door de travail peut être interrompue suivant les
gewone middelen en door een vordering modes ordinaires et par une action en
tot betaling ten ge,volge van het ongeval payement à raison de l'accident, fondée
doch anderszins gegrond, bijvoorbeeld sur une autre cause, par exemple par
door een burgerlijke partijstelling tegen une constitution de partie civile contre
een derde verantwoordelijke. un tiers considéré comme responsable.
De termi)n van 3 Jaar wordt berekend Le délai de trois ans doit être compté à
vanaf de elnduitspraak over de vordering dater de la décision définitive rendue sur
tot betaling anderszins gegrond. l'action en payement fondée sur une
Omstandigheden m.b.t. de persoon van autre cause.
het slachtoffer stuiten de verjaringste,r- Les circonstances tenant à la personne
mljn nlet. de la victime ne peuvent interrompre le
De termijn van 3 jaaar gaat in op de dag délai de prescription.
van het aanstaan van de tijdelijke werk- Le delai de trois a,ns prend cours au
ongeschiktheid. jour de la naissance de l'incapacité tem-
poraire.

TRIBUNAL DU TRAVAIL DE BRUXELLES. - 26 JUIN 1974.


(17e Ch. - Siég. : M. A. Foulon, juge suppl. ff. président ; juges sociaux : M. Gérondal et
Mme Rozen. - Courcelles c/ Cie X... - Pl. : MM•• Libouton et R. Le Clercq).

Attendu qu'aux termes de la citation introductive d'instance le demandeur demande


la condamnation de la défenderesse au paiement des indemnités forfaitaires légales en
matière d'accident du travail, à la suite d'un accident du travail lui survenu le 16 juin 1967
alors qu'il était au service de Monsieur Stomeleer, dont la défenderesse assure le risque
accident du travail ;

Attendu que la défenderesse ne conteste pas que le demandeur ait été victime de
tel accident du travail, en date du 16 juin 1967; qu'elle soulève néanmoins la prescrip-
tion de l'action, en invoquant la disposition de l'article 28 des anciennes lois coordon-
nées en matière accident du travail et 69 de la loi du 10 avril 1971, lesquelles décident
toutes deux que l'action en paiement des indemnités se prescrit par trois années ;

Attendu que l'acicdent étant survenu le 16 juin 1967, il y a lieu de rappeler les
deux procédures qui en découlèrent :

a) Les sieurs Lamy et Etien furent poursuivis devant le Tribunal Correctionnel de


Bruxelles, notamment du chef de coups et blessures par imprudence à Jean Courcelle ;
les parties au présent litige se constituèrent partie civile contre le prévenu Lamy, mais
le Tribunal Correctionnel de Bruxelles prononça le 5 janvier 1969 un jugement d'acquitte-
ment du prévenu Lamy avec déclaration d'incompétence quant aux demandes civiles
introduites devant lui par Courcelle et la S.A. La Providence Accident ; sur appel des
parties civiles, la Cour d'Appel de Bruxelles siégeant en matière correctionnelle, confirma
ce jugement par un arrêt du 28 juin 1969 ;

b) La S.A. La Providence introduisit seule une action civile contre le sieur Lamy,
lequel, par jugement du 18 juin 1970, rendu par le Tribunal de Première Instance de
Bruxelles, fut condamné à lui rembourser son intervention d'assureur loi au profit de
diverses victimes de cet accident aux droits de qui, elle était subrogée, ceci notamment
au profit de Monsieur Courcelle ; cette décision, sur appel du défendeur Lamy fut con-
firmée par la Cour d'Appel de Bruxelles, siégeant au civil par un arrêt rendu le
29 mars 1973 ;

Revue Générale des Assurances et des Responsabilités ( 1977 ). 9 7 2 41


c) L'assureur de responsabilité civile du sieur Lamy en exécution de cet arrêt
remboursa à la S.A. La Providence, le montant de ses diverses interventions, en contre-
partie d'une quittance signée pour solde par la S.A. La Providence, dans la convitcion
qu'elle n'aurait plus à intervenir en faveur des blessés et notamment en faveur de l'actuel
demandeur, qu'elle considérait comme entièrement guéri et dont elle restait sans nou-
velles;

d) L'actuelle défenderesse se déclare sans droit ultérieur contre le sieur Lamy et


son assureur et fait observer que le demandeur peut encore agir au civil contre le sieur
Lamy, sur base de l'article 1386 du Code civil pour obtenir réparation de son dommage;

Attendu pour le surplus qu'il y a lieu d'observer qu'à la suite de l'accident du


16 juin 1967 et après cinq mois d'incapacité totale, le demandeur a repris le travail
chez son employeur Stomeleer le 15 novembre 1967; que la défenderesse lui a versé
en son temps les indemnités forfaitaires légales pour incapacité temporaire et régla en
janvier 1969 les derniers frais médicaux;

Que sans être contredite, la défenderesse déclare que depuis lors le demandeur
ne fit plus valoir aucun droit à son égard, si ce n'est par introduction de la procédure
faisant l'objet du présent litige, ceci par un exploit daté du 28 décembre 1973;

Attendu que l'article 28 des anciennes lois coordonnées en matière accident du


travail précisent tout comme d'ailleurs l'article 69 de la loi du 10 avril 1971 que l'action
en paiement des indemnités dues par l'assureur accident du travail se prescrit par
trois ans ;

Que cet article 28 de même que l'article 70 de la loi du 10 avril 1971 décident
que cette prescription peut être interrompue suivant les modes ordinaires et par une
action en paiement à raison de l'accident, fondée sur une autre cause ;

Attendu que l'action civile dirigée en son temps par le demandeur contre le sieur
Lamy, par voie de constitution de partie civile devant la juridiction pénale, a donc inter-
rompu cette prescription de trois ans, ceci jusqu'à la date de l'arrêt, rendu au pénal le
28 juin 1969 par la Cour d'Appel de Bruxelles ;

Que le délai de trois ans doit dès lors être compté à partir du 28 juin 1969, et que
la prescription était acquise à la défenderesse à dater du 29 juin 1972 ;

Que l'action était dès lors prescrite au moment de l'introduction de l'exploit intro-
ductif d'instance du 28 décembre 1973 ;

Attendu, il est vrai, que le demandeur qui n'a pas participé à l'action civile mue
par la défenderesse contre le sieur Lamy, alors qu'il aurait ainsi pu interrompre à nou-
veau la prescription, fait valoir que ses moyens financiers ne lui permettaient pas
de faire l'avance de telle procédure longue et difficile ;

Que cette situation toutefois n'est pas de nature à interrompre la prescription de


son action contre la défenderesse, car les circonstances tenant à la personne de la
victime, ne peuvent suspendre le délai de prescription (voir Horion, 1062 et jurisprudence
citée) ;

Attendu que le demandeur soutient que la prescription de trois années ne s'appli-


querait : « qu'à l'action en paiement des indemnités », mais non pas à : « l'action ten-
dant à la réparation des accidents du travail », son action n'étant pas prescrite dans la
mesure où elle tendrait à obtenir paiement des indemnités pour les trois années qui ont
précédé la signification de l'exploit introductif d'instance ni pour l'avenir ;

Attendu que cette distinction n'a pas été faite par le législateur ; qu'au contraire,
en fixant à trois ans seulement la durée de la prescription, la loi a voulu éviter aux
parties toute incertitude prolongée ; que cette disposition d'ordre public est une des
manifestations du caractère forfaitaire de la loi (voir Cassation, 15 octobre 1931,
R.G.A.R., 1934) ;

Attendu que le demandeur soutient encore que la prescription de l'action en paie-


ment des indemnités pour incapacité permanente ne pourrait prendre cours avant la date
de consolidation, laquelle en l'espèce ne serait pas connue, de façon telle que la
prescription ne serait pas encore acquise ;

Attendu que le législateur a établi un reg1me global de réparation forfaitaire d'un


ensemble d'incapacités, temporaire d'abord, permanente ensuite ; qu'à l'égard de la
prescription et compte tenu des termes generaux des articles 28 des anciennes lois
coordonnées et 69 de la loi du 10 avril 1971, il n'y a pas lieu de différencier les incapa-
cités temporaire et permanente, qui ne sont que des modalités d'une même situation
préjudiciable, le droit de la victime étant un et indivisible dans sa cause et dans son
objet, l'incapacité permanente n'étant qu'une modalité particulière de l'incapacité primi-
tive;

Que le délai de trois ans prend cours le jours de la naissance de l'incapacité tem-
poraire (R.P.D.B., Complément accident du travail, 1051) et que la survenance de la date
de consolidation, transformant l'incapacité temporaire en incapacité permanente, ne peut
avoir pour effet de créer un point de départ nouveau pour une prescription nouvelle de
trois ans, ce qui se révélerait contraire à l'intention du législateur de mettre un terme à
l'incertitude des parties ;

Attendu qu'à bon droit dès lors la défenderesse soulève la prescription de l'ac-
tion ;

Attendu que l'action n'était ni téméraire ni vexatoire ;

Par ces motifs, le Tribunal,

Déclare l'action prescrite, en déboute le demandeur et condamne la défenderesse


aux dépens taxés à ce jour à la somme de 3.090 francs pour le demandeur et 2.340 francs
pour le défendeur ; ...

Revue Générale des Assurances et des Responsabilités ( 1977 ). 9 7242

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